Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Antipater


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ANTIPATER, Iduméen de nation (A), illustre par sa naissance (B), par ses richesses, et par son esprit, profita habilement des confusions où la discorde d’Hyrcan et d’Aristobule plongea la Judée. C’étaient deux frères, qui se disputaient la souveraine sacrificature. Antipater embrassa avec chaleur le parti d’Hyrcan, et y engagea de telle sorte Aretas roi des Arabes, et puis Pompée général des armées romaines, qu’Hyrcan gagna le dessus [a]. Sous son gouvernement, Antipater disposait de toutes choses, et il le faisait à l’avantage des Romains, toutes les fois que l’occasion s’en présentait. Cela fit que les généraux de la république, un Scaurus, un Gabinius, un Cassius, l’honorèrent de plusieurs importantes commissions, ou déférèrent beaucoup à ses conseils [b]. Il rendit un service signalé à Jules César, pendant la guerre d’Alexandrie : il lui amena et des vivres et des troupes, et il paya de sa personne courageusement ; de sorte qu’outre bien des louanges, il obtint de Jules César le droit de bourgeoisie romaine, et l’administration de la Judée [c]. Les plaintes d’Antigonus [d] ne purent rien contre lui. Son application aux affaires, et son habileté, le mirent dans une si haute considération, qu’on ne l’honorait guère moins que s’il eût été revêtu de l’autorité royale selon les formes [e]. La manière dont il se précautionnait contre les revers de la fortune, en donnant à l’un de ses fils le gouvernement de Jérusalem, et à un autre celui de Galilée et le commandement des troupes, fit soupçonner avec raison qu’il cherchait à n’avoir personne au-dessus de lui, ni de nom, ni d’effet. Un Juif nomme Malichus, plein de ces soupçons, résolut de prévenir l’inconvénient, et n’en trouvant point de meilleure voie que d’ôter du monde Antipater, il s’en défit par le poison [f]. Il se rendit coupable en cela d’une noire ingratitude ; car celui qu’il fit mourir l’avait comblé de bienfaits, et lui avait même sauvé la vie [g]. Antipater laissa entre autres enfans le fameux Hérode, qui fut roi des Juifs [h].

  1. Joseph., Antiquit., lib. XIV, cap. II, et seq.
  2. Ibidem, cap. IX, et seq.
  3. Ibidem cap. XIV, et XV.
  4. Il était fils d’Aristobule.
  5. Joseph, Antiquit., cap. XVII.
  6. Ibidem, cap. XIX.
  7. Ibidem, cap. XVIII.
  8. Sa femme, nommée Cypris, était de grande maison dans l’Arabie. Joseph. de Bell. Jud., lib. I, cap. VI.

(A) Iduméen de nation. ] Eusèbe le fait Ascalonite [1]. Une troupe de brigands, dit-il, qui avait pillé un temple auprès d’Ascalon, amena avec le reste du butin Antipater dans l’Idumée, où il demeura, parce que son père n’eut pas de quoi le racheter. Ce que je dirai dans la remarque suivante réfute ce conte. Photius me paraît ici un peu blâmable. En donnant l’extrait de Josephe, il assure qu’Hérode était fils d’Antipater, qui avait servi dans le temple d’Ascalon : Ὁ τοῦ Ἀντιπάτρου τοῦ Ἀσκαλωνίτου τοῦ ἱεροδούλου [2]. Ce n’est point dans Josephe, qu’il trouvait cela ; et néanmoins où sont les lecteurs qui ne s’imaginent que tout ce que dit Photius est dans les livres dont il parle ? Ailleurs [3], il dit qu’Antipater était d’Idumée et de la ville d’Ascalon, et grand ennemi d’Hyrcan, pour l’amour d’Aristobule. Cette dernière faute ne doit pas être imputée à Photius ; car toute la suite de son discours montre qu’il associe Antipater à Hyrcan. C’est à ceux qui ont publié cet auteur, qu’il faut adresser ses plaintes quant à cela ; mais il est responsable de l’autre faute. Ascalon n’était pas une ville d’Idumée ; et après tout, ce n’est pas Josephe qui a dit qu’Antipater était d’Ascalon. Or c’est de Josephe que Photius donne là l’extrait.

(B) Illustre par sa naissance. ] Son père, nommé Antipater, fut gouverneur d’Idumée, sous Alexandre Jannée, roi des Juifs. Eusèbe le nomme Hérode et le fait valet d’un temple, et si pauvre, qu’il ne lui fut pas possible de racheter son fils, qui était tombé entre les mains des voleurs : Τοῦτον δὲ Ἡρώδὸυ τινὸς Ἀσκαλωνίτου τῶν περὶ τὸν νεὼ τοῦ Ἀπόλλωνος ἱεροδούλων καλουμένων γεγονέναι [4]. Huic verò Herodem quemdam Ascalonitam unum ex numero servorum templi Apollinis quod Ascalone est patrem fuisse. Mais les savans ne doutent point qu’en cela Eusèbe, et Africain qu’il copie, n’aient suivi de mauvais mémoires, et qu’il ne faille ajouter plus de foi à Josephe, qui assure que le roi Alexandre et la reine son épouse donnèrent le gouvernement d’Idumée à Antipater, et que celui-ci gagna par la multitude de ses présens l’amitié des Arabes et celle des habitans de Gaza et d’Ascalon [5]. En un autre endroit. Josephe, parlant d’Antipater le fils, remarque qu’il était le principal d’Idumée, tant par l’antiquité de sa famille, que par ses richesses [6]. Hégésippe dit du même Antipater, qu’il était illustre par ses ancêtres dans sa patrie [7]. De tout temps, on a aimé à ravaler la naissance de ceux que la fortune fait monter au sommet des dignités [8]. Au reste, l’ambiguïté d’un passage de Josephe a fait que quelques-uns s’imaginent que l’aïeul d’Hérode ne s’appelait point Antipater, mais Antipas.

  1. Euseb., Hist. Eccl., lib. I, cap. VI ; et VII, ex Africano.
  2. Photius, Biblioth., num. LXXVI, pag. 168.
  3. Idem, ibid., num. CCXXXVIII, pag. 969.
  4. Euseb., Hist. Eccl., lib. I, cap. VI. Vide ibi Valesium.
  5. Joseph., Antiquit., lib. XIV, cap. II.
  6. Idem, de Bell. Jud., lib. I, cap. V.
  7. Hegesipp., de Excid., lib. I, cap. XIV.
  8. Voyez la remarque (A) de l’article Touchet.

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