Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Andromaque 3


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ANDROMAQUE, natif de l’île de Crète, médecin de l’empereur Néron [a], s’est principalement immortalisé par l’antidote qu’il inventa en mêlant des chairs de vipère au mithridate [b]. Cet antidote fut nommé Thériace à cause de ce mélange, et nous l’appelons Thériaque. Θηρίον signifie une bête ; mais les médecins entendent en particulier par Θηρία les bêtes venimeuses [c]. Cet antidote effaça le mithridate, qui avait été jusqu’alors dans une très-grande estime [d]. Andromaque fit la description de son antidote en vers élégiaques, et la dédia à Néron [e]. Son fils, nommé Andromaque, fit la même description en prose [f]. Damocrates la fit en vers ïambiques, dans un poëme qu’il composa sur les antidotes [g]. Nous apprenons de Galien qu’Andromaque le père fit un traité de Medicamentis compositis ad affectus externos [h] ; et que c’était un homme docte et éloquent [i]. Érotien lui dédia son Lexicon. Je suis surpris que Meursius ait oublié un si célèbre médecin dans la liste qu’il a donnée des hommes illustres de l’île de Crète, au livre IV de son Traité de cette île. Quelques-uns prétendent que ce médecin a été un bon astrologue (A).

  1. Galenus, de Theriacâ, ad Pison.
  2. Vossius, de Philos., cap. XII, pag. 95.
  3. Vide Galen., de Theriac., ad Pamphil.
  4. Vossius, de Philos., cap. XII, pag. 95.
  5. Galenus, lib. I, de Antidotis, Tzetzes, chil. XII, n. 397, p. 224.
  6. Galenus, ibid.
  7. Idem, de Theriacâ, ad Pisonem.
  8. Apud Vossium, de Philosoph., pag. 96.
  9. Galen., de Antid., lib. I, cap. I.

(A) On prétend que ce médecin a été un bon astrologue. ] Commençons par rapporter les paroles de Vossius. Circa olympiadem CXI (l’imprimeur a oublié un C ; il fallait dire CCXI) ac deinceps, nempè extremis Neronis temporibus, et sub Vespasiano, magnum sibi decus hic scientiâ peperit Andromachus Cretensis, qui primus dicitur edidisse theoricas planetarum. Voilà le texte de Vossius, à la page 161 de son livre de Scientiis mathematicis ; et voici le commentaire qu’il y ajoute : cette division est sa méthode ordinaire. Consentiunt de eo Lucas Gauricus, et Christophorus Clavius, nisi quòd Gauricus perperàm Andronicum vocat qui Clavio rectiùs Andromachus. Illum vide in Calendario ecclesiastico [* 1], hunc Commentario in Sphæram Joan. de Sacrobosco [* 2]. Je m’étonne que Vossius n’ait point dit s’il croyait ou non que cet Andromaque l’astrologue fût le même que celui qui a inventé la thériaque. Le temps où il le fait vivre, et la patrie qu’il lui donne, conduisent à croire qu’il n’y a ici qu’un Andromaque. Je crois néanmoins que le silence de Vossius est un silence de précaution. Il ne voyait pas assez clair dans cette affaire ; il n’a osé rien dire, ni pour, ni contre. Moréri, bien plus hardi, a décidé qu’Andromaque le médecin de Néron, et Andromaque l’astrologue, le premier qui ait écrit de la théorie des planètes, sont une seule et même personne. Je croirais facilement que l’astrologie d’Andromaque est une chimère ; car M. Drelincourt, oracle que je ne consultais jamais sans avoir lieu d’admirer l’étendue et l’exactitude de son érudition, eut la bonté de m’apprendre, avec plusieurs autres choses dont je me suis servi dans cet article, que l’Inventor theoricarum de Clavius est une faute, laquelle on doit corriger par Inventor theriacarum. Les deux témoins de Vossius sont anéantis par-là, pour ce qui concerne la théorie des planètes : l’un ne parle que d’Andronicus, et l’autre ne donne à Andromachus que l’invention de la thériaque. Nous avons ici un exemple bien sensible des erreurs que les fautes d’impression et de copiste font commettre aux hommes doctes. Blancanus, sur la foi de Clavius, a mis Andromaque parmi les mathématiciens : Andromachus Cretensis, quem theoricarum inventorem facit Clavius [1]. Je dis la même chose touchant Vossius. On n’a donc point d’autre fondement qu’une faute d’impression, qu’un changement de theriacarum en theoricarum, pour dire qu’Andromaque est le premier qui ait écrit de la théorie des planètes. M. Drelincourt fortifiait sa conjecture, entre autres raisons, par celle-ci : C’est que l’épithète d’Inventor ne vaut rien avec la théorie des planètes, qui était d’ailleurs connue avant l’empire de Néron ; mais Inventor, joint avec theriacarum, va le mieux du monde pour Andromachus. Il se pourrait faire qu’une semblable méprise des imprimeurs où des copistes eût érigé en astrologue notre Andromaque entre les mains de Clavius, ou entre les mains de l’auteur que Clavius a suivi, soit médiatement, soit immédiatement. Pour l’Andronicus de Gauric, ou pour quelque nom semblable, on aura pu imprimer Andromachus. Sur cela, ceux qui auront su qu’un Andromachus de Crète a été médecin de Néron, et inventeur de la thériaque, auront ajouté ces titres et ces éloges au mot Andromachus, en donnant la liste des astrologues.

  1. (*) Folio 16, edit. Venet. apud Juntas, ann. 1552.
  2. (*) Commentar., in cap. I, pag. 4.
  1. Blancan., in Mathematicor. Chronologiâ, pag. 50.

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