Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Amboise 2


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AMBOISE (Adrien d’), frère puîné du précédent, ne s’avança pas moins que lui, puisqu’il parvint jusqu’à la prélature. Il eut part comme lui aux libéralités de Charles IX, qui l’entretint assez long-temps au collége de Navarre. Il trouva la même grâce auprès du roi Henri III. Il était de la maison de Navarre [a], lorsqu’en 1579 on l’élut recteur de l’université de Paris. Pendant son rectorat, l’université demanda au roi la confirmation de ses priviléges, et il porta la parole, suivi d’un grand nombre de docteurs. Il reçut ses licences en théologie l’an 1552, et fut préconisé en cette rencontre par Michel Thiriot, qui, entre autres louanges, lui donna celle d’être sorti d’une très-noble famille (A). Il était prédicateur et aumônier du roi, et grand maître du collége de Navarre[b], lorsqu’en 1594 l’université de Paris prêta serment de fidélité à Henri-le-Grand. Environ ce temps-là, il obtint la cure de St.-André à Paris ; et enfin, en l’année 1604, on le fit évêque de Treguier. Il mourut le 28 de juillet 1616, et fut enterré dans sa cathédrale, où son épithaphe lui donne de grands éloges (B). Je ne sache point qu’il ait composé d’autres écrits qu’une tragédie française, intitulée Holoferne[* 1], qui fut imprimée l’an 1580[c].

  1. * La Bibliothéque des Théâtres (par Maupoin ou Maupoint), 1733, in-8°., attribue à Adrien les Napolitaines, comédie qui est de François, ainsi que le remarque Joly.
  1. Socius Navarricus. Launoius. Historiæ Gymnasi Navarræ pag. 360.
  2. Ibid., pag. 371, 372.
  3. Launoii Hist. Gymnas. Navarr., pag. 800.

(A) Thiriot lui a donné la louange d’être sorti d’une très-noble famille. ] Néanmoins cet auteur fait expressément mention de la chirurgie du père dans cet éloge du fils. J’emprunte de M. de Launoi ce néanmoins ; car voici comme il parle : « Attamen Thiriotus ait Hadrianum fundatissimâ et nobilissimâ satum esse familiâ. His enim verbis utitur : Franciscus primùm in duorum inferiorum Navarræ sodalitiorum disciplinam receptus est, et Caroli IX liberalitate ad rhetoricas ac philosophicas institutiones eruditus. Deindè, humaniores litteras ibidem docuit, etc.[1]. » Un très-bon moyen de tirer d’affaire ces deux auteurs serait de dire que nobilissima familia ne signifie point ce que les Français appellent famille très-noble, famille de gentilhomme ; car si Thiriot avait ainsi entendu son latin, il eût parlé peu exactement : la chirurgie n’est point en France la profession d’un gentilhomme. Si M. de Launoi avait pris la chose en ce même sens il eût apporté des preuves sans nécessité, et ses preuves n’auraient eu aucune force. Il n’est pas nécessaire de prouver que l’on a donné la qualité de gentilhomme à quelqu’un lorsqu’en propres termes on a dit qu’il est né d’une famille très-noble, au sens que les Français entendent ce mot ; et si, pour prouver un fait de cette évidence on alléguait la qualité de boursier et celle de régent de seconde, que ce quelqu’un aurait eue dans le collége de Navarre, il est sûr qu’on ne songerait pas à ce qu’on dirait. Pareilles preuves de noblesse ne furent jamais de mise. Il pourrait donc être que non-seulement Michel Thiriot, mais aussi M. de Launoi, ont pris noblissima familia, pour une famille considérable et qui faisait belle figure, et non pas pour une famille de gentilhomme. C’est à quoi il faut prendre garde dans les éloges latins des hommes de lettres : on se tromperait si l’on prenait pour des gentilshommes tous ceux dont on dit nobili loco, nobili genere, nobili prosapiâ oriundi[* 1]. Je sais bien que François d’Amboise se qualifie écuyer dans l’édition d’Abélard ; mais cela prouve tout au plus que son père ou lui avaient été anoblis, et nullement que son père eût été chirurgien et gentilhomme tout ensemble. Il me vient une pensée que je donnerai pour ce qu’elle me coûte : c’est que peut-être les prédécesseurs de François d’Amboise ayant dérogé, il obtint la réhabilitation de sa famille. Que sait-on même si, du côté gauche, il ne descendait pas de l’illustre maison d’Amboise[* 2] ? C’est ce qui paraît le plus vraisemblable ; car il raconte qu’il alla au couvent du Paraclet pour y ramasser tout ce qu’il pourrait des Œuvres de Pierre Abélard, et qu’il y fut très-bien reçu par l’abbesse, Marie de la Rochefoucaut sa parente, dont l’aïeule paternelle, dit-il, Antoinette d’Amboise, femme du seigneur de Barbesieux, chevalier de l’ordre, était fille unique de Guy d’Amboise, et petite-fille et héritière de Charles, seigneur de Chaumont, maréchal de France : de sorte qu’elle recueillit toute la succession de cette très-ancienne famille, et qu’elle transporta les biens de la branche aînée dans la maison de la Rochefoucaut : Totam vetustissimam familiam crevit et primogenita vostra ad Rupifocaldos transtulit[2]. C’est une chose assez singulière que le fils d’un chirurgien de Charles IX ait parlé ainsi[* 3]. Notez qu’il ne faudrait pas nier absolument que quelque branche de l’illustre maison d’Amboise ne soit demeurée ou ne soit tombée dans l’obscurité. Le chirurgien de Charles IX était peut-être de cette branche.

(B) Son épitaphe lui donne de grands éloges. ] je ne crois pas que l’on soit fâché de la voir ici. Je la copie sur M. de Launoi :

Amboesi, pater eruditionum,
Argivâ et Latiâ madens Minervâ,
Paulinâ in Cathedrâ diserte præco,
Idemque hæreseos severe censor,
Priscorum nova norma Episcoporum,
Antistes pie, Pauperum patrone,
Custos virginitatis atque amator,
Tu quocunquè ieris, sequeris agnum.

  1. * Chevalier, et non écuyer, dit Joly.
  2. * Cette conjecture de Bayle semble probable à Joly, malgré l’avis du généalogiste d’Hozier.
  3. (*) La postérité de cet homme suppose présentement, mais très-faussement, sur la conformité du nom, qu’elle est une branche de l’illustre maison d’Amboise ; mais on peut assurer très-positivement :

    1°. Que Jean d’Amboise, père de François d’Amboise, était natif de la ville de Douai en Flandre ; qu’il fut successivement chirurgien des rois François Ier., Henri II, François II, Charles IX et Henri III ; qu’il fut naturalisé par lettres du 29 de janvier de l’an 1566, en qualité alors de valet de chambre et chirurgien du roi Charles IX ; qu’il mourut le 13 de décembre de l’an 1584 ; et qu’il fut enterré dans l’église de Saint-Gervais, à Paris, avec Marie Fromager, sa femme, fille de Jean Fromager, aussi chirurgien juré au châtelet de Paris, et chirurgien du roi.

    2°. Que François d’Amboise, fils de Jean, fut baron de la Chartre-sur-Loire, et seigneur d’Hémeri et de Vezeul en Touraine, etc. ; conseiller, puis président au parlement de Bretagne ; avocat général au grand conseil l’an 1586 ; maître des requêtes en 1597 ; et conseiller au conseil privé, et enfin conseiller d’état en 1604 ; qu’il épousa le 15 de janvier 1594 Marguerite Cousinet, fille d’un notaire de la ville de Meaux, vivante encore l’an 1634 ; qu’au mois de juillet de l’an 1589, le roi Henri III le créa chevalier, en considération des services que son père avait rendus à quatre des prédécesseurs de ce prince ; et voici la copie de ces lettres de chevalerie.

    Lettres de chevalerie, données par le roi Henri III, au mois de juillet 1589, à François d’Amboise, président au parlement de Bretagne.

    « Henri, par la grâce de Dieu roi de France et de Pologne, à tous présens et à venir, salut. Comme il soit chose honneste et raisonnable que les personnes ornées et décorées de vertus soient élevées en titre et degré d’honneur convenable à leur mérite, afin de donner courage et désir aux autres de parvenir par vertu à telle ou plus grande dignité ou sublimation ; savoir faisons que nous, dûment acertenés des notables, louables, et vertueuses œuvres, actions et comportemens de notre cher et bien amé M. François d’Amboise, sieur de Vezeul, notre conseiller et avocat général en notre grand conseil, et président au parlement de Bretaigne, remémorant les services que feu son père a faits aux quatre rois, nos prédécesseurs, et à nous, et considérant les grands, agréables et fidèles services que ledit d’Amboise nous a faits, tant en plusieurs charges et commissions qu’il a eues en celui notre royaume, et voyage qu’il a fait lors de notre élection en Pologne, qu’en l’exercice de ses deux états en deux de nos cours souveraines, et lesquels services ledit d’Amboise continue ordinairement près et alentour de notre personne en plusieurs et maintes manières, et espérans que de bien en mieux il fera le temps à venir, voulant aucunement l’en récompenser et extoller au titre et degré d’honneur, comme ses dites vertus et œuvres le méritent, afin qu’à son exemple, tant sa postérité que les autres personnes d’honneur et vertu soient induites à faire le semblable, à nous et cette couronne ; icelui pour ces causes et autres à ce nous mouvans, avons fait et créé chevalier, et du titre d’icelui décoré et décorons en présence de plusieurs princes et seigneurs de notre sang, et autres grands et notables personnages étant près de nous ; pour par lui jouir et doresnavant user dudit titre de chevalier, en tous droits de noblesse, honneurs, autorités, priviléges, exemptions, prérogatives et prééminences en toutes et honorables assemblées, tant en jugement qu’ailleurs, ou besoin sera, comme au semblable ont accoutumé d’user les autres chevaliers créés, tant de notre main que de nos prédécesseurs rois. Si donnons en mandement à nos amez et féaux les gens tenans nos cours de parlement, baillifs, sénéchaux, prévôt, juges ou leurs lieutenans, et à tous nos amés, justiciers, officiers et sujets, chacun en droit soi, si comme il appartiendra, que ledit d’Amboise ils fassent, souffrent et laissent jouir et user pleinement et paisiblement desdits droits de chevalerie, honneurs, prérogatives, priviléges, franchises et libertés qui y appartiennent ainsi que dessus est dit, et qu’en tel cas est accoutumé. Car tel est notre plaisir. Et afin que notre présent don et octroi soit et demeure à jamais valable à la décoration dudit d’Amboise et de ses successeurs, et qu’il en soit mémoire perpétuelle, nous avons fait mettre notre scel à ces présentes. Donné à Pontoise, au mois de juillet l’an de grâce 1589, et de notre règne le seizième. Signé Henri, et sur le repli, par le roi, Potier, et à costé est écrit, visa contentor, signé Combaud, et scellé du grand sceau de cire verte en lacs de soie verte et rouge. »

    3o. Qu’Antoine d’Amboise, son fils, baron d’Hémeri, etc, épousa le 20 d’octobre de l’an 1632 Anne de la Hilière, fille de Jean Gabriel de la Hilière, gouverneur d’Amboise, et de Louise du Gast ; et qu’après avoir été lieutenant de l’artillerie en 1634, puis mestre de camp du régiment de Touraine, et gouverneur de la ville et citadelle de Trin en Piedmont, il mourut lieutenant-général des armées du roi.

    4o. Que Charles-Jules d’Amboise, son fils, aussi mestre de camp du régiment de Touraine, épousa le 22 septembre de l’an 1672 Charlotte du Gast, sa cousine.

    Et 5o. que de ce mariage est sorti Giles-Antoine d’Amboise, vivant et demeurant dans la ville d’Amboise en Touraine, où il épousa le 17 de janvier 1700 Paule Guichard, fille du maire de ladite ville, de laquelle il a un fils, et deux filles, vivans en 1716.

    On suppose dans un petit livre, intitulé Index funereus Chirurgorum Parisiensium ab anno 1315 ad annum 1714, imprimé à Trévoux, chez Estienne Ganeau, en 1714, in-12, que François, Adrien et Jacques d’Amboise[* 4] fils de Jean, étaient sortis de l’illustre maison d’Amboise[* 5] : et c’est sur cette fausse supposition, que celui qui reste aujourd’hui le seul de la postérité de François d’Amboise, usurpe les armes pleines de cette puissante maison.

    Lorsque feu M. Bayle commença à travailler à son Dictionnaire Historique, s’il m’avait consulté, il aurait traité plus exactement et plus sûrement qu’il ne l’a fait beaucoup de faits généalogiques qu’il a avancés dans son ouvrage, et qu’on n’a pas rectifiés depuis, et qui resteront contre la vérité dans toutes les éditions que l’on fera de cet excellent livre. (Tiré d’un Mémoire communiqué par M. d’Hozier, en 1716.) Rem. crit.

  4. (*) Jacques d’Amboise, frère de François, épousa Marie Longis, fille de Joseph Longis, procureur au Parlement, mourut le 5 d’août 1605, et fut enterré dans le cimetière de Saint-Nicolas-des-Champs à Paris. Il fut père d’Anne d’Amboise, fille unique, mariée avec David de Mondezir, gouverneur de la Fère en Picardie, pus lieutenant au gouvernement de Verdun.
  5. (*) M. Joannes d’Amboise, pater, Castelletti Chirurgus Regius, ex Nobilistimâ Amboesianorum gente oriundus, tres habuit filios, in suo quisque statu percelebres…. Franciscus, scilicet, Adrianus, et Jacobus. Index funereus Chirurgorum Parisiensum, p. 22, 30, 32, etc.
  1. Launoius, Hist. Gymnasii Navarr., pag. 799, 800.
  2. Franc. Amboesius, Præfatione Apologet. in Opera Abælardi.

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