Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Amable


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AMABLE, prêtre de Riom en Auvergne, dans le Ve. siècle, est loué par Grégoire de Tours, comme un homme admirable en sainteté, et qui faisait beaucoup de miracles[a]. Il commandoit, à ce qu’on dit, aux serpens : c’est ainsi que cet historien s’exprime ; mais il dépose sur un autre fait comme témoin oculaire. J’ai vu à son sépulcre, dit-il, un énergumène délivré : j’y ai vu un parjure devenu aussi roide qu’une barre de fer ; et après avoir confessé son crime, devenir libre comme il étoit auparavant [b]. Quand un homme comme Grégoire de Tours se sert d’un on dit, c’est un signe que la chose n’est pas fort certaine ; néanmoins l’empire sur les serpens[* 1] est ce qui passe pour le plus certain de tout ce que l’on attribue à saint Amable. On dirait que c’a été son apanage et son lot ; ou, pour parler en Mallebranchiste [c], que Dieu l’a établi cause occasionelle de la guérison de ceux que les serpens ont blessés. Un auteur moderne qui, tout chanoine qu’il est dans la ville dont saint Amable est patron [d], ne laisse pas d’avouer, qu’il ne croit pas tous les miracles qui sont rapportés de lui dans la Vie des Saints d’Auvergne, ni dans plusieurs autres légendes[e] : cet auteur, dis-je, déclare d’autre côté, qu’il croit fermement que ce saint a un pouvoir souverain sur les serpens, parce que tout le monde, depuis 1300 ans (A), assure en avoir vu des effets merveilleux.... ; et que d’ailleurs il a eu le bonheur d’en voir aussi lui-même[f]. Il doute beaucoup de la vérité d’une certaine tradition qui court à Riom sur ce grand saint, à savoir, que, quand il alla à Rome à pied, le soleil lui servit de valet, et lui porta en l’air ses gants et son manteau, en guise de parasol pendant la grande chaleur, et de parapluie pendant le mauvais temps[g]. Cette tradition passe pour si certaine en ce pays-là, qu’on ne dépeint presque jamais saint Amable dans aucun tableau sans ses gants et son manteau soutenus en l’air par un rayon du soleil. Credat Judœus Apelles[h], dit-il, non ego. Cela suffit, sans aucune réflexion de ma part, pour donner à cet article la forme que ce dictionnaire semble demander. Un simple récit de semblables choses est un recueil d’erreurs.

  1. * Sur cela, Joly rapporte un conte qu’il donne comme un fait, sur le pouvoir qu’avait contre les serpens un ruban de saint Amable, c’est-à-dire, qui avait touché à ses ossemens sacrés. Il a extrait cela d’une traduction de la Vie de saint Amable, par l’archiprêtre Juste, traduction qui parut en 1702, et qu’il reproche à Bayle de n’avoir pas connue.
  1. Grégoire de Tours, de la Gloire des Confess., chap. XXXIII.
  2. Je me sers de la version de l’abbé de Villeloin.
  3. Voyez l’abbé Faydit, Supplément à la Dissertat. sur le Serm. de saint Polycarpe pag. 30.
  4. Riom
  5. Faydit, Suppl. à la Dissertat. sur le Sermon de saint Polycarpe, pag. 102.
  6. Là même, pag. 101.
  7. Là même, pag. 103.
  8. C’est ainsi qu’il orthographie. Horace, dans la Satire V du liv. I, vs. 100, dit Apella, qui est plus selon les règles de la quantité.

(A) Son pouvoir souverain sur les serpens est connu depuis 1300 ans. ] Ce calcul ne s’accorde pas exactement avec ce qu’on dit dans la page suivante, que saint Grégoire de Tours n’a vécu qu’environ cinquante ou soixante ans après saint Amable. Il n’est pas besoin de prouver que ces paroles ne veulent pas dire qu’il est né cinquante ou soixante ans après ce saint : il est assez évident qu’elles signifient qu’il était parvenu à l’âge d’homme lorsqu’il y avait cinquante ou soixante ans que saint Amable était mort. Selon cela, la mort de ce saint tomberait sur le commencement du VIe. siècle, car Grégoire de Tours n’a vécu qu’environ cinquante-deux ans, et il est mort l’an 594[1]. Or si vers la fin du XVIIe. siècle il y avait 1300 ans que l’on voyait les miracles du saint de Riom, il faudrait qu’il eût fleuri vers la fin du IVe. siècle ; et en ce cas-là, on ne peut pas dire qu’un homme âgé de vingt ans, en 562, ait vécu cinquante ou soixante ans après lui.

  1. Labbe, de Scriptor. Ecclesiast., tom. I, p. 398. La plupart mettent sa mort à l’an 596.

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