Dictionnaire historique d’argot /Édition Dentu/1881/Supplément, L

L


LABADENS (vieux) : Ancien camarade de pension. — Depuis le vaudeville amusant de Labiche (l’affaire de la rue de Lourcine) qui a mis ce terme à la mode, il a pris avec le procès Bazaine une valeur historique. Quand Regnier voulut en effet être mis en la présence du maréchal, il se fit annoncer ainsi : « Dites que c’est un vieux Labadens. »

LACETS : Menottes. V. page 232.

LÂCHER (se) : Laisser échapper un pet. (Delvau.)

* LÂCHER LES ÉCLUSES : Pleurer. — « Nous avons donc fait un héritage que tu lâches les écluses ! Chouette ! » (Hennique.)

* LÂCHEUR : Ce mot a passé dans la langue politique depuis un discours de M. Estancelin, imprimé dans le Mémorial Eudois (juillet 1878). Voici le passage : « Nos pères, dans leur langage d’une franchise brutale, auraient pu les appeler des lâches, nous, moins sévères dans l’expression, nous les appelons des lâcheurs ! »

LAIGRE : Foire. (Rigaud.) — Pour lègre. V, p. 218.

LAINE (avoir de la) : Avoir de l’ouvrage. Argot de voleur. (Delvau.)

LAISSER PISSER LE MÉRINOS : Attendre l’occasion. (Id.) — On disait auparavant : laisser pisser le mouton.

LANCE : Balai. — LANCIER : Balayeur. (Id.) — Allusion à la longueur du manche du balai.

LANDIÈRE : Boutique de foire. (Id.)

LANGUE VERTE : Argot. — Mot à la mode depuis la publication du dictionnaire de Delvau, qui l’avait détourné de son sens ordinaire. L’expression langue verte ne s’appliquait vraiment qu’aux mots crus (ce qui est cru est vert), et non à l’argot ni aux néologismes. Par exception, M. Fr. Michel lui donne le sens restreint de argot de joueurs.

LANGUINER : Pleuvoir. (A. Pierre.) — Pour lansquiner.

LAPIN (coller un) : Tromper une femme galante, c’est-à-dire ne lui point donner d’argent.

LARGUEPÉ : Prostituée. Argot de voleur. (Rigaud.) — Changement de finale, comme dans insolpé.

LARQUE : Femme en cartes. (A. Pierre.) — Pour largue.

LATTIFFE : Savonné. (Id.) — Il y a évidemment ici faute d’impression, A. Pierre aura voulu dire Lartif savonné : pain blanc. On n’aura composé que les deux premiers mots.

LAVEMENT : Personnage canulant. — « Quel lavement quand il est paf ! murmura Gervaise. » (Zola.)

LAVER LES PIEDS (se) : Aller à Cayenne. (Rigaud.) — Allusion à la traversée.

LAVER LE TUYAU (se) : Boire. V. Tuyau.

LAVETTE : Langue. (Delvau.)

* LAZAGNE : Transposition. Voyez après lavement, p. 218.

LAZZI-LOFF : Mal vénérien. (Vidocq.)

LÈCHE-CUL : Flatteur (Delvau.)

LÉCHER : Peindre trop minutieusement. (Id.)

* LÉGITIME : Mari. — « Vos épaules étincelantes des pierreries du légitime aimé ou de l’illégitime plus aimé encore. » (Cancans du Boudoir, 77.)

LESÉE, LÉSÉBOMBE : Fille publique. (Rigaud.)

LESTOME : Estomac. (A. Pierre.) — Lire l’estom.

LEVER : Prendre possession d’une valeur cotée à la Bourse. (Rigaud.)

LEVER LES PETITS CLOUS : Composer. (Boutmy.)

LEVEUR (bon) : Ouvrier imprimeur composant habilement et vite (Id.)

LEVEUR : Coureur de femmes, voleur à la tire. (Delvau.)

LEVURE : Fuite. (Rigaud.)

LICE : Bas de soie. (Michel.) — Il est lisse.

LICE : Société chantante populaire. — Lice est ici synonyme de champ de tournoi.

LICHADE : Embrassade. (Delvau.)

* LICHER veut dire non seulement aimer à boire, mais aimer toutes sortes de friandises.

LICHEUSE : Femme aimant à licher. — « Mme  Lorilleux la traita de licheuse. Ça se mettait quatre morceaux de sucre dans son café. » (Zola.)

LIGNANTE : Vie. (Rigaud.)

* LIGNE (avoir la) : Avoir un beau profil. Argot de sculpteur. Mot employé par Dumas fils dans les Idées de Mme  Aubray.

LIGNE D’ARGENT (pêcher à la) : Acheter du poisson pour faire croire qu’on en a péché. (Rigaud.) — Ironie.

LIGOTTE DE RIFLE, RIFLARDE : Camisole de force. Mot à mot : lien brûlant. (Id.)

LIMACE : Prostituée de dernier ordre. (Id.) — Animalisme.

LIME SOURDE : Sournois. (Michel.)

LIMONADE DE LINSPRÉ : Vin de Champagne. (Rigaud.) — Mot à mot : limonade de prince.

LINGE : Femme galante ayant une certaine toilette. — « Les sublimes savants se payent un linge ; les autres se payent un torchon, une éponge. » (Le Sublime.)

LINGE LAVÉ (avoir son) : Être pris. Argot de voleur. (Delvau.)

LIPETTE : Prostituée, maçon. (Rigaud.)

LIQUETTE : Chemise. (Id.)

LIVRE : Cent francs. Terme de grec. — « Ils venaient de charrier un pante, l’avaient mis dans le bal et il avait dansé d’une livre. » (Cavaillé.)

LIVRE DES QUATRE ROIS : Jeu de cartes. (Delvau.) — Jeu de mots sur la Bible et les rois des quatre couleurs.

LOCHER : Chanceler. (Id.)

LOFFARD, LOFFE : Même sens que Loffiat, p. 222.

LOU (faire un) : Manquer une pièce. — Lou est ici pour loup (sottise) — « Comment, c’est vous Auguste qui faites un lou aussi grossier. » (Le Sublime.) — D’une affaire mal conçue, on dit : « il y a un loup. »

LOUAVE : Soul. Argot de boucher. (Rigaud.)

LOUCHER (faire) : Donner envie. (Id.)

LOUFFE : Pet étouffé. (Id.) — Onomatopée.

LOUFFIAT : Crapuleux. (Id.)

LOUPEL : Pouilleux. (Michel.) — Interversion.

LOUPIAU : Jeune. — Pour pouillau. L’enfant a des poux.

LOURDEAU : Diable. (A. Pierre.) — Le répertoire d’Halbert dit Lousteau. Lequel croire ? On pourrait lire ainsi le premier l’ourdeau, c’est-à-dire l’ord’ : le sale, le répugnant. — Vieux mot.

LOUSSE : Gendarmerie départementale, gendarme. (Rigaud.) — Pour pousse.

LOUSTAUD (envoyer à) : Envoyer promener. (A. Pierre.) — C’est-à-dire envoyer au diable. V. p. 224,

LOUTER : Faire erreur. (Le Sublime.) — Mot à mot : faire un loup. On devrait dire louper, mais ce verbe voulant dire déjà flâner, on a fui l’amphibologie.

LOUVETIER : Homme endetté. (Boutmy.) — V. Loup, p. 224.

LUCQUE : Faux passeport. (Rigaud.) — Pour Luque, V. p. 225.

LUISANT : Soulier verni. — « Il a tout lâché : les luisants, le tuyau de poêle. » (Le Sublime.)

LUISARDE : Jour. (Id.)

LUNCHER : Faire un lunch. — « Avant dîner, ils lunchent et avalent un jambon et deux livres de beurre. (Vie parisienne, 78.)

LUNETTE (passer en) : Tromper, nuire. — Être passé en lunette : avoir fait faillite. (Rigaud.) — On disait jadis en ce sens faire un trou à la lune.

* LURON (avaler le) : Communier. — « Ça avale le luron tous les matins et le soir, ça fait des noces de bâtons de chaises. » (Huysmans, 79.)

LUSIGNANTE : Amante. (Rigaud.)

LUSTUCRU : Niais. (Delvau.) — Ce nom déjà ancien semble faire allusion à une interrogation niaisement ébahie (l’eusses-tu cru ?)