Dictionnaire historique d’argot /Édition Dentu/1881/Supplément, F

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F (être de l’) : Être perdu, ruiné. Abréviation de être fichu, etc. (Rigaud.)

FABRIQUER : Faire, dans le sens de voler. — « J’aurais voulu fabriquer jusqu’au bout cette vieille tête de veau (voler ce vieux chauve). » — Petit Journal, 78.

FACTIONNAIRE (relever un) : S’échapper de l’atelier pour aller boire un verre de vin déjà versé sur un comptoir des environs. (Rigaud.) — Le buveur est ici le caporal de pose.

FADE (avoir son) : Être bien servi dans une distribution. (Boutmy.) — Abréviation de Fadage. V. ce mot p. 164.

FADÉ (être) : Être soûl. Mot à mot : avoir sa part de boisson. (Rigaud.) — V. Fader, p. 164. Avoir son compte (V. p. 115) présente exactement la même allusion.

FAFIOTEUR : Savetier. (Id.) — Banquier, écrivain. (Delvau.) — Triple allusion au papier ou fafiot. Il entre du carton dans les mauvaises chaussures ; le banquier manie les billets et l’écrivain se sert de papier. Fafiot est un vieux mot signifiant fanfreluche. — On appelle fafiot un soulier d’occasion.

FAFLARD : Passeport. — FAFLARD D’EMBALLAGE : Mandat d’amener. (Rigaud.) — C’est fafiot avec changement de finale.

* FAGOT : Forçat. — Le fagot est lié par le milieu comme le forçat par sa ceinture porte-chaîne.

FAINE : Sou. — FAININ : Liard. — Argot des ouvriers. (Delvau.)

FAIRE BELLE (la) : Être heureux. (Rigaud.) Vie est sous-entendu.

FAIRE DESSOUS (se) : Tomber en enfance. (Id.) — Variante de l’expression il fait sous lui, c’est-à-dire : il est gâteux, il ne sait plus, ne peut plus.

FAIRE DES YEUX DE HARENG : Crever les yeux. (Michel.)

FAIRE DU SUIF : Tricher. Argot de grec. (Rigaud.)

FAIRE GODARD : Crever de faim. Variante de s’enlever (V. ce mot). Double allusion au ballon de Godard et au vide de l’estomac. (Id.)

FAIRE LA PAIRE : Se sauver. — De Jambes est sous-entendu. (Id.)

FAIRE LA SOURIS : Dévaliser. Argot des filles. (Delvau.) — La souris se fourre dans tous les trous.

FAIS (j’y) : J’y consens, j’approuve. (Boutmy.) — Mot à mot : je fais comme vous.

FAISANT : Camarade de collège. (Michel.)

FAISEUSE D’ANGES : Femme pratiquant des avortements. (Rigaud.) — Terme à la mode depuis le procès d’une sage-femme avorteuse du Midi, qui était appelée ainsi. On sait que les morts nouveau-nés sont regardés comme acquis au ciel.

FALZAR : Pantalon de travail. (Rigaud.) — Forme altérée de Dalzar qui est une abréviation de pantalfar.

FARFOUILLER DANS LES TYMPANS (se le) : Se communiquer, (Id.) — C’est-à-dire se chuchoter à l’oreille.

FARGUEMENT : Témoignage à charge (Rigaud), chargement. (Michel.)

FARIDON : Misère. (Rigaud) — Abréviation de faridondaine. V. ce mot p. 167.

FARINEUX : Excellent. (Delvau.) — Même pensée que dans l’expression populaire : bon comme le bon pain.

FAUBOURG : Derrière. — Il est éloigné de la place d’armes. V. ce mot : « Je vous détruirai le faubourg à coup de bottes. » (Huysmans, 79.)

FAUCHER : Tromper, voler. (Michel.) — Mot à mot : couper la vérité, couper la bourse. V. Fauché, p. 167.

FAUCHEUSE : Guillotine. (Rigaud.) V. Faucher, p. 167.

FAUCHURE : Coupure. (Delvau.)

FAUSSE-COUCHE : Homme nul, embryon moral. — « Vos coups de pointeau sont trop forts. — Et mon nœud de cravate est-y trop fort, espèce de fausse couche ? » (Le Sublime.)

FAUTER : Perdre sa virginité, faire une faute. (Delvau.)

FAUVETTE À TÊTE NOIRE : Gendarme. (Rigaud.) — Allusion au jaune des buffleteries.

FAUX COL : Place occupée par la mousse au détriment de la bière d’un bock. — « Aussi dans toutes les brasseries, entend-on répéter cent fois : Un bock et sans faux col. » (Rigaud.)

FAYOT : Légume sec. Argot de marine. (Delvau.) — Du mot provençal fayol : haricot.

FÉE : Maîtresse. (Id.) — Mot à mot : amour. V. p. 168.

FÉLIBRE : Membre d’une société poétique provençale qui a pour chef Mistral. — Dans le Courrier de Vaugelas, de 1877 (septembre), M. Garnier établit que félibre est un vieux mot provençal signifiant téteur, nourrisson, et raconte comment Mistral l’adopta en entendant chanter une vieille provençale. — « C’est bien à Fontségugne, le 21 mai 1854, que les poètes d’Avignon adoptèrent le nom de félibres. » (G. Garnier.)

FÉLIBRIGE : Genre des félibres. — « Les écoles rivales sont aujourd’hui presque absorbées dans le félibrige. » (Id.)

FELOUSE : Prairie. (Delvau.) — Pour Fenouse, V. p. 169.

FENIN : centime. (Rigaud.) — Delvau écrit Feinin.

FERLOQUE : Mauvaise loque. (Id.)

FERMER MAILLARD : Être terrassé par Maillard, dormir, avoir envie de dormir. — FERMETURE MAILLARD : Sommeil. — Allusion au nom de l’inventeur des fermetures de fer à coulisses. (Rigaud.) — Chaque soir on voit en effet ces rideaux de fer (sur lesquels était seul d’abord le nom de Maillard) descendre comme d’immenses paupières sur les magasins de Paris.

FERRAILLE : Monnaie de cuivre. (Id.)

FERRÉ À GLACE : Sachant parfaitement ce qu’il doit savoir. (Delvau.) — Mot à mot : incapable de tomber.

FÊTRÉ (être) : Être bon à mettre en prison. (Demarquay.) — C’est évidemment le même mot que faitré (p. 166). Le sens est un peu différent.

FICELER : Suivre. — Allongement du mot filer. (Rigaud.)

* FICHANT : Extrêmement contrariant. Ce mot et ce sens sont déjà donnés dans le Glossaire du patois normand de Duméril (1849). De même pour le dictionnaire provençal d’Honnorat (1846).

FICHER LA PARESSE : Ne rien faire. — « Je fiche la paresse, je me dorlote. Vous voyez… » (Zola.)

FIFERLIN : Soldat. Jargon de voyous. (Rigaud.) — Mot à mot : petit fifre. On appelait ainsi les gardes suisses.

FIGER (se) : Avoir froid. (Delvau.)

FIGNARD : Anus. (Id.) — Abrév. de toufignard.

FIGNOLADE : Roulade. (Id.)

FIL (un verre de) : Un verre d’eau-de-vie. Abrév. de fil en quatre. (Rigaud.)

FILER : Faire ses besoins. (Delvau.) — Abrév. de filer la mousse, V. p. 174,

FILER (faire) : Dérober. (Rigaud.) — On dit par abrév. filer. V. p. 173.

FILER LA COMÈTE : Coucher en plein air. (Id.) — Mot à mot : suivre des yeux la comète.

FILLE, GRANDE FILLE : Bouteille de vin. — FILLETTE : Demi-bouteille. (Id.)

FILSANGE : Filoselle (Delvau.) — Changement de finale comme dans boutanche : boutique.

* FINE est un vieux mot. On lit dans le Cabinet satyrique.

Et dit-on que de la plus fine
Son brun visage fut lavé.

FINE PEGRAINE (être en) : Être à toute extrémité. (Delvau.) — Variante de casser sa pégrenne : mourir de faim. (Michel.) — Colombey met caner.

FINI (homme) : Homme n’ayant plus de valeur physique ou intellectuelle. « Il souffle comme un phoque, homme marié, fini. » (Cancans du boudoir, 77.)

* FIQUER : Frapper.(Michel.) — C’est une forme de ficher : planter, faire pénétrer.

FISH : Souteneur. Mot a mot : poisson. Anglicanisme. (Rigaud.)

FLAC : Sac. (Michel.) — Abrév. de flaque. V. p. 176.

FLAC : Argent. — Abrév. de flacul : sac d’argent (p. 175).

FLAC : Lit. (Rigaud.) — Abrév. de flacul (p. 176).

FLACHER : Plaisanter. (A. Pierre.) — Pour flancher.

FLACON : Soulier, savate. — Onomatopée, ils font flic flac. (Delvau.)

FLAGEOLETS : Jambes maigres. (Dhautel. 08.) — Elles flageolent.

FLANCHER : Reculer. (Rigaud.)

FLANCHET : Part de vol. (Id.)

FLÂNÉ : Flânerie. (Id.) — Abréviation.

FLANQUE : Plaisanterie. (A. Pierre.) — Pour flanche.

FLAQUER : Mentir. (Id.) — Pour flanquer.

FLAQUET : Gousset. (Michel.) — De flac : sac.

FLÈCHE : Sou. (Rigaud.)

FLÉMARD : Atteint de la flème. (Boutmy.)

FLÉMER : Avoir la flème. (Id.)

* FLEMME (envie de ne rien faire) est une forme ancienne de notre flegme. Ce n’est pas douteux quand on voit dire en Berri flème pour manque d’énergie ; en Normandie et en Suisse fleume ; en provençal et en italien, flemma. Sans compter le Trésor de Brunetto Latini qui dit dès le xiiie siècle : « Flemme est froide et moiste. »

FLEMME : Paresseux. (Rigaud.)

FLEUR DES POIS (c’est la) : C’est l’homme à la mode.

FLIBOCHEUSE : Soupeuse affamée et rapace. Dérivé de flibustière. (Rigaud.)

* FLINGOT : Fusil de boucher. (Id.) — De là est venu, par un jeu de mots, le surnom plus nouveau du fusil d’infanterie.

FLIPPE : Mauvaise compagnie. — Abréviation adoucie de fripouille. V. p. 183. — « Sans reproches, dans les derniers temps, tu fréquentais de la flippe. » (Durandeau, 78.)

* FLIRTATION : « Observations analogues au sujet de flirt, qui se prononce fleurte, lequel mot est une contraction de fleurette. — To flirt signifie conter fleurette. — De « flirt, » les Anglais ont fait aussi flirtation que nous avons commencé à employer pour en plaisanter. » (J. Améro.)

FLOTTANT : Bal de souteneurs. (Rigaud.) Mot à mot : bal de poissons. En argot poisson se dit pour souteneur, et flottant, pour poisson. — La partie est prise pour le tout.

FLOTTARD : Élève se préparant à l’école navale. — Argot des écoles.

FLOTTES (en avoir) : En avoir beaucoup. On dit aussi en avoir des bottes. — Argot des écoles.

FLOU-CHIPE : Floueur-chipeur. (Rigaud.)

FLÛTE : Clystère. — FLUTENCUL : Apothicaire. — FLÛTER : Donner un clystère. (Delvau.)

FLUX (avoir le) : Avoir peur. (Rigaud.) — C’est-à-dire avoir le flux du ventre. V. Foirer, p. 179.

FLUXION : Peur. (Id.) — Dérivé de flux de ventre.

FOND DE CALE (à) : Sans le sou. (Id.) — Terme de marine. Quand on voit le fond de la cale, le chargement a disparu.

FONTS DE BAPTÊME (se mettre sur les) : Être engagé dans une affaire dont on voudrait bien sortir. (Id.) — Semble signifier mot à mot : être cité comme témoin (en argot parrain).

FORAGE (vol au) : Vol à la graisse. (Rigaud.) V. Graisse, p. 198.

FORTANCHE : Fortune. (Id.) — Changement de finale,

FOU : Foutu, perdu. Abrév. (Id.)

FOUAILLER : Reculer. (Boutmy.)

FOUATAISON : Canne. Argot de voleur. (Rigaud.) — Elle peut fouetter l’air ou l’individu au gré de celui qui la manie. — FOUATAISON MASTARÉE : Canne plombée. — FOUATAISON LINGRÉE : Canne à épée. (Id.) Mot à mot : canne à couteau.

FOUATTER : Puer. (Id.) — Pour fouetter qui est ici un synonyme de couper la gueule. V. p. 123.

FOUILLES (des) : Non, jamais. (Id.) — Abrév. de tu peux te fouiller, p. 180.

FOUINARD, FOUINE, FOUINEUR : Poltron. (Id.) V. Fouiner, p. 180.

FOULAGE : Travail pressé. (Delvau.)

FOULER (ne pas se fouler) : Travailler mollement. Ironie. Abrév. de ne pas se fouler le poignet.

FOUQUER : Donner. (Halbert.)

* FOUR : Insuccès dramatique. Semble avoir quelque relation avec le vieux terme envoyer au four (envoyer promener) qui se trouve dans le dictionnaire comique de Leroux (1787). Les fours étaient autrefois des casemates où on enfermait les vagabonds. Aussi disait-on envoyer au four pour se débarrasser.

FOURCHETTES : Doigt. (A. Pierre.)

FOURGATURE : Objet volé à vendre. (Rigaud.)

* FOURLINE : D’après A. Pierre, la fourline serait le fourlineur femelle. V. p. 181.

FOURMILLON AU BEURRE : Bourse. (Rigaud.) — Mot à mot : marché à l’argent.

FOURNEAU, FOURNEAU PHILANTHROPIQUE : Misérable. Mot à mot : habitué de fourneau phil. (Id.)

FOURNIL : Lit. (Delvau.) On s’y enfourne et on y a chaud comme au fournil.

FOURNIR MARTIN : Porter une fourrure. (Rigaud.) — Facétie. C’est avoir de la fourrure à en revendre aux ours, à fournir l’ours Martin, qui fut célèbre entre tous.

FOURRER (s’en) : Être goinfre. (Delvau.)

FRACASSÉ : Vêtu d’un paletot. Tout ce qui n’est pas blouse est frac pour les voleurs. (Rigaud.)

FRAIS (être) : Être dans une mauvaise situation. (Dhautel. 08.) — Ironie. Pour n’être pas frais. Ce qui n’est pas frais sent mauvais, va se perdre.

FRANC : Complice, endroit fréquenté par les voleurs. (Id.) — Dans le premier sens, c’est une abréviation de affranchi : perverti. Dans le second, c’est une abrév. de tapis franc.

FRANC BOURGEOIS : Escroc du grand monde. (Id.)

FRANC DE MAISON : Receleur, logeur de voleurs. (Michel.)

FRANC-FILEUR : Homme valide ayant quitté la France en 1870 pour échapper au service militaire. Par opposition à franc-tireur. (Rigaud.) — En 1871, les francs-fileurs revenus n’ont pas manqué de déclarer que les Français étaient de tristes soldats et que la France était un pays perdu.

FRANCILLON : Français. (Halbert.)

FRANGIN, FRANGINE : Frère, sœur. (Id.) V. Servir, Altèque, p. 330 et 8.

FRATERNEL : Frère. Argot des écoles.

FRÈRES DE L’ATTRAPE : Agents de la sûreté. — « Les frères de l’attrape leur mettaient la serrante sur la porteuse. » (Cavaillé.)

FRÉROT DE LA CUQUE : Filou. (Michel.)

FRIAUCHE : Condamné à mort pourvu en cassation. (Delvau.)

FRIMAGER : Passer devant les autorités. (A. Pierre.) — On compose alors sa figure (frime).

* FRIMER : Faire figure. — « Notre argent vaut bien celle des autres et je frime aussi bien que sa demoiselle. » (Durandeau, 78.)

FRINGUÉ : Habillé. (Rigaud.) — Variante de fringant.

FRIPE, FRIPPE : Nourriture. (Delvau.) Du vieux mot fripper : manger goulûment. Les goinfres s’appelaient autrefois fripe-sauce.

FRIQUET : Mouchard. (Michel.)

FRIRE UN RIGOLO : Voler en faisant semblant d’embrasser une personne qu’on s’excuse ensuite d’avoir prise pour une autre. (Rigaud.) — Mot à mot : Servir une fausse risette.

FRIRE DES ŒUFS : Préparer un méchant tour. (Id.)

FRISÉ : Juif. (Michel.) — Les têtes de race juive sont souvent frisées.

FROUFROU : Passe-partout. Onomatopée. (Delvau.)

FRUGES : Argent prélevé sur la vente par les commis en nouveautés. (Id.)

FUMELLE : Femme. (Id.) Pour femelle.

FUMERON : Hypocrite. (Rigaud.)

* FUMISTE : « On sait qu’on désigne les farceurs sous le nom de fumistes. » (Figaro, 77.)

FUSIL DE TOILE : Sac. — Jeu de mots. L’un et l’autre se chargent. — « Quand on a cinq ou six mioches, il faut aller à la chasse avec un fusil de toile et de zinc pour le charger. » (Le Sublime.)

* FUSILLER : Dépenser. (Rigaud.) — Mot à mot : faire partir ses balles (francs). V. p. 26.