Dictionnaire historique d’argot /Édition Dentu/1881/Supplément, D

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* DAB : Ce mot entre dans la composition de dix autres (V. p. 131-132) avec le sens de maître. Il est probablement une forme du vieux mot damp : seigneur.

DABICULE : Fils du patron. (Delvau.) — Dabmuche : (Id.) (Rigaud.)

DABUCHE : Nourrice. (Delvau.) — C’est une seconde mère. V. page 132.

DABUGE : Dame, bourgeoise. (Rigaud.) — Pour dabuche.

DACHE : Diable. — Envoyer à Dache : envoyer au diable. (Delvau.) Dache est ici pour diache, vieux mot de nos patois du Centre. Dans le Nivernais, on dit : dache à toi ! (le diable soit avec toi !)

DALZAR : Pantalon. (Rigaud.) — Abrév. de pantalzar.

DAMER : Séduire une fille, la rendre dame. (Delvau.) — Jeu de mots ironique.

DANAÏDES (faire jouer les) : Battre une femme. Argot de voleurs. (Rigaud.) — Allusion à la fameuse parodie des Petites Danaïdes, de 1819, qui représentait les épouses coupables battues et tourmentées par les furies.

* DANDILLON (taquiner, pincer le) : Tirer la sonnette. (Id.)

DANDINETTE : Correction. (Delvau.) — On se dandine pour échapper aux coups.

DANSE DEVANT LE BUFFET : Jeûne forcé. Celui qui danse devant le buffet ne l’ouvre point. — « Arrivaient avec la pluie et le froid les danses devant le buffet, les dîners par cœur, dans la petite Sibérie de leur cambuse. » (Zola.)

* DANSER : Payer. « On dit d’un homme entré dans une méchante affaire qu’il en dansera, c’est-à-dire qu’il lui en coûtera bon. » (Leroux, 18e s.)

DANSEUR : Dindon. (Dhautel.)

* DARON : Se trouve dans le dictionnaire comique de Leroux. (18e s.) — Est usité dans le Nord avec le sens de mari.

DAVONE : Prune. (Delvau.) — Pour Daronne, V. p. 134.

DÉ : Oui. — Ce doit être une forme de da, oui-da.

DÉ, DÉ À BOIRE : Verre. (Rigaud.) — Ironie. Les buveurs trouvent toujours les verres trop petits.

DÉBACLE : Accouchement. — DÉBACLER : Accoucher. — DÉBACLEUSE : Sage-femme. (Id.) — De débacler : ouvrir.

* DÉBALLAGE : Linge sale. (Id.)

DÉBALLER : Déshabiller. (Id.) — DÉBALLER : Faire ses besoins. (Id.)

DÉBARBOUILLER (se) : Se sauver, se tirer d’affaire. (Id.)

DÉBARBOUILLER À LA POTASSE : Frapper au visage. (Id.) — La potasse entame la peau.

DÉBARQUER (se) : Renoncer. (Id.)

DÉBAUCHER : Congédier. (Boutmy.) — C’est le contraire de embaucher.

DÉBOULONNER : Vendre. (Rigaud.) — Mot à mot : débouillonner. V. bouillon (de libraire), p. 54.

DÉBRIDER : Manger avec appétit. (Id.) — On débride le cheval pour le faire manger.

DÉCADENER : Déchaîner. V. Cadenne, p. 69.

DÉCALITRE : Chapeau de haute forme. (Rigaud.) — Grand schako d’ancien modèle. (D. Lacroix.)

DÉCARCASSÉ : Sans charpente, sans solidité, en parlant d’une pièce dramatique. — « La pièce de Koriki est de toutes les rengaines du théâtre moderne la plus usée, la plus décarcassée. » (Figaro, 76.)

DÉCARRADE : Sortie, fuite. (Michel.)

* DÉCARRER DE BELLE : Synonyme de décarrer de la geôle, p. 136.

DÉCARTONNER (se) : S’affaiblir, devenir poitrinaire. Terme empruntée aux relieurs. (Boutmy.)

* DÉCATI : « Quelques cocottes séculaires et décaties prennent leur nourriture chez Clémence. » (Alm. des cocottes, 67.)

DÉCEMBRAILLARD : Partisan du coup d’État de décembre 51, bonapartiste. (Rigaud.)

DÉCHASSE : Yeux. (A. Pierre.) — Il faut lire je crois des chasses (des yeux).

DÉCHIRER LA CARTOUCHE : Manger. (Delvau.) — On la déchirait jadis avec les dents.

DÉCHIRER LA TOILE : Péter. (Rigaud.) — Il s’agit ici de la toile de la chemise.

DÉCHIRER SON TABLIER : Mourir. (Delvau.) — Mot à mot : abandonner le travail, car c’est du tablier de travail qu’il s’agit ici.

DÉCLANCHER (se) : Se démettre l’épaule. (Id.) — Animalisme.

DÉCLAQUER : Dire ce qu’on a sur le cœur. (Rigaud.)

DÉCOGNOIR : Nez. — Comparaison du nez au décognoir ou morceau de bois à bout aminci qui sert à chasser les coins dans les imprimeries. (Boutmy.)

DÉCOLLER : S’en aller, quitter. (Delvau.)

DÉCOUVRIR LA PEAU : Faire avouer. (Delvau.) — Allusion anatomique.

DÉCROCHER SES TABLEAUX : Fouiller dans son nez. (Rigaud.)

* DÉCROCHEZ-MOI ÇA : Boutique de fripier. — Acheter au décrocher-moi ça, d’occasion, au Temple ou chez le revendeur. (Id.) V. page 137.

DÉDIRE CHER (se) : Être à l’agonie. Jargon des voleurs. (Rigaud.) — Cher veut dire ici rude.

DÉFARGUER : Pâlir. (Id.) C’est le contraire de farguer, p. 167.)

DÉFILER (aller voir) : N’avoir pas d’argent pour manger. — Abréviation d’aller voir défiler les dragons qui a le même sens. (Rigaud.)

DÉGELER : Se déniaiser, recouvrer sa liberté d’esprit. (Delvau.) — C’est une variante de se dégourdir.

DÉGOTTAGE : Trouvaille. (Rigaud,)

DÉGOUTATION : Personnification dégoûtante. — « Ah ! bien, ce n’était pas Eugène : cette dégoutation d’homme, qui lui aurait jamais donné un ruban. » (Huysmans, 79.)

DÉGRAISSER : Voler. (Leroux.) — Mot à mot : enlever l’argent. (V. Graisse.)

DÉGRIMONNER (se) : S’agiter, se tourmenter. Argot de bourgeois. (M. Tourneux.)

DÉGRINGOLADE : Vol. (Rigaud.) — Le voleur fait dégringoler ce qu’il prend ; il n’a pas de temps à perdre.

DÉGRINGOLADE À LA FLÛTE : Vol commis par une fille publique sur un client. (Id.)

DÉGRINGOLER : Voler. (Id.)

DÉGROSSIR : Découper de la viande. (Delvau.)

DÉGUEULAS, DÉGUEULATIF : Dégoûtant. (Rigaud.)

DÉJETÉ : Mal venu. Se prend au figuré : — « Une vie aussi décousue, aussi dégommée, aussi déjetée. » (Ph. Chasles, 76.)

DÉJETÉ (N’être pas) : Avoir bonne mine. On dit d’une fille bien faite : « Elle n’est pas déjetée. »

DÉJEUNER DE PERROQUET : Biscuit trempé dans du vin. (Delvau.)

DÉLICAT ET BLOND : Gandin, douillet. (Id.)

DÉMÉNAGER PAR LA CHEMINÉE : Brûler ses meubles. (Id.)

DEMI-MONDAINE : Femme du demi-monde. V. p. 139.

DEMI-VERTU : Fille qui a déjà faibli. (Id.) — Ironie.

DEMOISELLE DU PONT-NEUF : Prostituée. (Leroux.) — Tout le monde y passe.

DÉMORFILLAGE : Action de démorfiller.

DÉMORFILLER : Démarquer une carte morfillée ou marquée par un grec. (Rigaud.) — De Morfiler : mordre, manger. La marque d’une dent peut faire reconnaître une carte.

DÉNICHEUR DE FAUVETTES : Coureur de filles. (Delvau.)

DENT (avoir de la) : Être bien conservé. (Id.) — Mot à mot : avoir toutes ses dents et les avoir belles.

DÉPENSER SA SALIVE : Parler. (Delvau.)

DÉPIAUTER : Déshabiller. (Id.) — Acception figurée de dépioter (p. 140).

DÉPLUMÉ : Chauve. (Id.)

DÉPOTOIR : Confessionnal, pot de chambre. (Rigaud.)

DÉSARGOTÉ : Malin. (A. Pierre. ) Voyez Argoté.

DESFOUX : La casquette de soie bouffante et molle particulière aux souteneurs. (Rigaud.) — Nom de vendeur donnée à la chose achetée. Un grand débit de ces casquettes a lieu chez un chapelier nommé Desfoux (des hêtres. Nom de lieu) qui est voisin du Pont-Neuf.

DÉSOLER : Jeter. Forme incorrecte de Dessaler : jeter à l’eau. — Désoler un saint : jeter à l’eau. (Id.)

DÉSOSSÉ : Homme maigre. (Delvau.) — Ironie.

DÉSOSSER : Taper à grands coups de poings. (Rigaud.) — Allusion culinaire.

DESSALER : S’acquitter, se mettre au pair. (Boutmy.) Pour comprendre, voyez Salé.

DÉTACHER LE BOUCHON : Aller à la selle (Id.) ; couper la chaîne de montre, prendre la bourse. (Delvau.)

DÉTECTIVE : Agent de la police de sûreté, argot anglais. — « Le commissaire Breitenfeld qui était allé avec deux détectives. » (Figaro, 76.)

* DÉTELER : Le mot est du xviiie siècle. Effrayé dès le début de sa dernière maladie, Louis XV disait à La Martinière : « Je le sens, il faut enrayer. — Sentez plutôt qu’il faut dételer, » répondit brusquement le docteur. — Le mot est authentique. Je l’ai retrouvé dans une relation contemporaine.

DEUIL (il y a du) : Ça va mal. « S’il y a du deuil, ce ne sera pas long. » (Le Sublime.)

DEUS EX MACHINA : Personnage providentiel. Mot à mot : Dieu de théâtre amené par un truc sur la scène : — « Qui sauvera le ministre ?… Ce sont les paroles d’un grand politique, d’un deus ex machina. » (Figaro, 76.)

DEUX SŒURS (les) : Les deux fesses. (Delvau.)

DÉVOYÉ : Acquitté en justice. (Rigaud.)

DIAMANT : Pavé. (A. Pierre.) — Allusion de dureté.

DIEU TERME : Jour du terme d’une location, auquel on paie son loyer. (Delvau.) — Jeu de mots mythologique.

DILIGENCE DE ROME : Langue. (Michel.) — On dit proverbialement qu’avec sa langue on peut aller à Rome (en demandant le chemin.)

DIMASINE : Chemisette. (Delvau.) — Ce doit être limasine. V. Limace, p. 221.

DÎNER EN VILLE : Manger un petit pain dans la rue. (Id.) — Jeu de mots.

DIRE QUELQUE CHOSE : Éveiller la sensualité. Jargon de libertin. (Rigaud.)

DISQUE : Postérieur. (Id.) — Allusion de rondeur.

DISQUE : Pièce de monnaie. — Allusion de rondeur. V. Siffler au disque.

DOCHE : Mère. (Rigaud.) — C’est dauche, forme de dabuche avec élision du b.

DOCK. : « On donne en France le nom de dock à de grands magasins, à de grands entrepôts, et l’on croit, en faisant ainsi, ne faire que suivre l’exemple des Anglais. C’est un erreur. En Angleterre, le terme « dock » désigne les bassinsles navires demeurent à flot, à marée basse, retenue que l’eau est par des écluses fermées. » (J. Amero.)

* DODO (faire son) : Dormir. « Popol qui boira du lolo, qui fera son dodo pour ne point avoir du bobo. » (E. Bourget, ch.)

* DODO : Lit. « Le dodo avait filé chez les revendeurs du quartier. » (Zola.)

DOIGT DE MORT : Salsifis. (Rigaud.) — Allusion de forme et de couleur.

DONNE : Regard. Jargon de voleur. — La donne souffle mal : le regard n’est pas franc. (Id.)

DONNER (se la) : Se battre. (Id.) — Mot à mot : se donner une volée.

DONNER CINQ ET QUATRE : Donner deux soufflets, dont l’un, le soufflet de revers, avec les quatre doigts de la main, pouce en dehors. (Delvau.)

DONNER SUR LE BIFFETON : Lire l’acte d’accusation. (Rigaud.) — Mot à mot : donner sur le chiffon de papier, le lire.

DONNER UN REDOUBLEMENT DE FIÈVRE : Révéler un nouveau méfait à charge. (Delvau.)

DOS : Souteneur. Abréviation de dos vert. V. p. 145. — « Jadis on l’avait vu vivre pendant trente ans de marmite en marmite. Plus d’un des jeunes dos et des plus verts l’imite. » (Richepin, 77.)

DOUANIER : Absinthe. — Allusion à l’uniforme vert des douaniers. (Rigaud.) — Ce doit être l’absinthe pure.

DOUBLE-SIX : Poseur. — Celui qui a le double six aux dominos pose le premier au commencement de la partie. (Rigaud.)

DOUCE (se la passer) : Même sens que le précédent. — « Un bon zig qui se la passe douce. » (Goncourt.)

DOUCEUR (le mettre en) : Tromper ou voler en flattant. (Rigaud.)

DOUILLET (jamais), JAMAIS DOUILMINCE : Innocent. — Argot de voleur. (Idem.)

DOUILLETTE : Figue. (Id.) — Elle est molle.

DOUILLURE : Chevelure. (Delvau.)

DRAGUE : Fonds de commerce de saltimbanque. (Id.) Pour drogue. V. Dragueur, p. 147.

* DRAGUEUR : Saltimbanque. (Michel.) — Pour drogueur.

* DRINGUE : Pièce de cinq francs. (Id.)

* DROGUE : « Vieille drogue, tu as changé de litre… Tu sais, ce n’est pas avec moi qu’il faut maquiller ton vitriol. » (Zola.)

* DROMADAIRE : On appelait ainsi les vétérans ayant fait la campagne d’Égypte. (D. Lacroix).

DUC DE GUICHE : Guichetier. (Delvau.) Jeu de mots.

DUMANET : Soldat crédule, du nom d’un type de caricatures qui date de la prise d’Alger (Id.)

DUR À AVALER : Dur à croire. (Id.)

DURE : Maison centrale. (Id.) — On sait que son régime paraît plus dur aux détenus que la déportation.

DURE (voler à la) : Voler après avoir frappé la victime pour l’étourdir. (Id.)