Dictionnaire historique d’argot /Édition Dentu/1881/L

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LA (Donner le) : Donner le ton. — Allusion musicale. — « Boyards et boyardes donnent le la de l’élégance en ce moment. » (Vie parisienne, 66.) — « Quelques articles inspirés donnent le la dans les grandes circonstances » (J. de Précy.)

LABAGO : Là-bas. (Colombey.)

LÀ-BAS : Maison de correction de Saint-Lazare. — « Julia à Amandine : Comme ça, cette pauvre Angèle est là-bas ? — Ne m’en parle pas. Elle était au café Coquet à prendre un grog avec Anatole. Voilà un monsieur qui passe, qui avait l’air d’un homme sérieux avec des cheveux blancs et une montre. Il lui offre une voiture, elle accepte, un cocher arrive, et… emballée ! Le monsieur était un inspecteur ! » (Les Cocottes, 64.)

LÀ-BAS : Au bagne. — « Ils croyaient m’avoir vu là-bas. Là-bas, cela veut dire au bagne. » (Lacenaire, 36.)

LABOURER : Préparer les voies. (Almanach des Débiteurs, 51.)

LÂCHER : Négliger l’exécution d’un travail. — « Elle vit Lousteau travaillant au dernier moment et lâchant, comme disent les peintres d’une œuvre où manque le faire. » (Balzac.)

LÂCHER DE (se) : Livrer avec effort. — « Je suis obligé de me lâcher de ma douille en marronnant. » (Monselet.)

Lâcher d’un cran : Abandonner. « Nous verrons la semaine prochaine. Aujourd’hui j’ai ma migraine. Ernest, lâchez-moi d’un cran. » (A. Tantot.)

Lâcher de l’eau, lâcher l’écluse : Uriner. « Allons, il faut lâcher l’écluse du bas-rein. » (Parodie de Zaïre, xviiie s.) V. Lascailler.

Lâcher le coude : Laisser en repos, mot à mot : quitter celui auquel on parle, ceux qui marchent bien ensemble, « se sentent les coudes, » comme on dit militairement : — « Lâchez-nous donc le coude, avec votre politique  ! » (Zola.)

Lâcher la perche : Mourir. « Le plus blakbollé, le plus inconnu pendant sa vie devient, aussitôt qu’il a lâché la perche, un grand homme. » (Corsaire, 68.)

Lâcher la rampe : Mourir.

LÂCHEUR : Homme sur lequel on ne peut compter. Mot à mot : qui lâche ses amis. — « Le lâcheur est la lorette de l’amitié. » (A. Scholl, 58.) — « M. R… essaye de transiger. M. R… est un lâcheur. » (A. Millaud, 75.)

LAGO : Là. (Rabasse.)

LAGOUT : Eau à boire. (Halbert.) Mot à mot : l’agout. Du vieux mot provençal agua, eau (prononcez agoue).

LAINE : Mouton. (Vidocq.) — Partie prise pour le tout.

LAISSER ALLER (se) : Manquer de vertu, de courage, de santé.

LAIT À BRODER : Encre. (Vidocq.) — Allusion ironique à la couleur de l’encre.

LAÏUS : Discours. — « À l’école polytechnique, tout discours est un laïus, depuis la création du cours de composition française en 1804. L’époux de Jocaste, sujet du premier morceau oratoire traité par les élèves, a donné son nom au genre. Les députés à la Chambre, les avocats au barreau, les journalistes dans les premiers-Paris, piquent des laïus. » (La Bédollière.)

LAIZÉE : Prostituée. (Rabasse.) Semble équivaloir à l’aisée, la facile.

LA MINE : Le Mans. (Halbert.) — Transposition de lettres.

LAMPAS : Gosier. — De lamper : boire. « Pour l’histoire de s’assurer de la qualité du liquide et s’arroser le lampas. » (Ladimir.)

LAMPION : Bouteille. — De lamper : boire. — « Y a pu d’huile dans le lampion, dit Boizamort. » (Ladimir, 41.)

LAMPION : Chapeau à cornes. — « Je passe le pantalon du cipal et je coiffe le lampion. » (Bourget.)

LAMPION : Sergent de ville. — Allusion au chapeau.

LAMPION : Œil. — Il éclaire.

Si j’ te vois fair’ l’œil en tir lire
A ton perruquier du bon ton,
Calypso, j’ suis fâché d’ te l’ dire.
Fol d’homme ! j’ te crève un lampion.
(Chanson populaire.)

LANCE : Eau. — « C’est gagné ! faites servir ! six litres de vin ! six litres sans lance ! (Catéchisme poissard, 44.)

LANCÉ : Gris. — « Patara, au moins aussi lancé que le cheval, tapait sur la bête à tour de bras. » (Phys. du Matelot, 48.)

LANCÉ : Rapide projection de la jambe. — « Paul a un coup de pied si vainqueur et Rigolette un si voluptueux saut de carpe ! Les admirateurs s’intéressaient à cet assaut de lancé vigoureux. » (Vitu, 47.)

LANCEQUINER : Pleuvoir. (Grandval.) V. Lansquiner.

LANCER : Pisser. Mot à mot : lâcher l’eau.

LANCER : Bien poser, mettre en renom. — « Poil-de-biche ! Nous ne la connaissons pas… Elle ne doit pas être lancée. » (Villars.)

LANCER SON PROSPECTUS : Distribuer des œillades chargées d’autant de promesses qu’un prospectus de marchand. — « Qu’elle aperçoive son Arthur regarder langoureusement les actrices, la lorette s’écrie : Adolphe, avez-vous bientôt fini de lancer votre prospectus ? » (M. Alhoy, 41.)

LANCEUR : Homme expert en l’art de lancer une affaire. — « La gravure et le journal ont coûté bien de la peine aux lanceurs d’affaires. » (Villemessant.)

LANCIERS (les) : C’est comme si l’on disait : Quelle rengaine ! — « Et tu donnes là dedans ? Allons donc ! les lanciers ! » (Monselet.) — Allusion à la danse de ce nom, en vogue vers 1857.

LANDAU à BALEINES : Parapluie (Grandval.) Mot à mot : voiture conduite à la nage par des baleines. — Jeu de mots ironique.

LANDERNAU (il y aura du bruit dans) : Se dit ironiquement d’une chose destinée à émouvoir un certain monde seulement. — « Il y aura bien eu des potins dans le Landernau de la convoitise. » (La Cloche, août 72.) — « Les expositions annuelles seraient supprimées. Il y aura un fier bruit dans Landernau. » (A. Wolff, 76.)

Landernau a été mis là sans raison, comme une petite ville éloignée dont le nom a paru bizarre. C’est ainsi que Carpentras, Pézénas ou Brives-la-Gaillarde ont été mis de même à contribution.

LANDIER : Blanc. (Halbert.)

LANDIER : Commis d’octroi. (Colombey.)

LANDIÈRE : Boutique de foire. (Colombey.) — De la foire du Landit.

LANGUE : (avaler sa) : Mourir.

LANGUE AUX CHIENS, AUX CHATS (donner sa) : Renoncer à deviner. — « Je donne ma langue aux chiens, dit Jérôme, je renonce. » (E. Sue.)

LANGUINER : Pleuvoir. (Halbert.) — Pour lansquiner.

LANSQ : Partie de lansquenet. — « Cette espèce de cornichon qui l’a dansé de 1,500 francs hier, au lansq. » (Jaime.)

LANSQUINER : Pleurer, pleuvoir. — De lance : eau. — « Bien des fois on rigole qu’on devrait lansquiner. » (Vidocq.)

LANTERNE : Fenêtre. (Grandval.)

LANTERNES DE CABRIOLET : Yeux fort saillants. — « Oh ! c’est vrai ! t’as les yeux comme les lanternes de ton cabriolet… » (Gavarni.) Ce mot fait image.

LANTIMÈCHE : Allumeur de becs de gaz. Mot à mot : l’antimèche. — Jeu de mots. Le gaz n’a pas de mèche. — Lantimèche est aussi un synonyme de Chose, Machin.

LAPIN : Homme déterminé. (Grandval.) — On a dit d’abord vieux lapin, et voici pourquoi : « Plus un lapin avance en âge, plus il augmente en chair, en peau et en poil. De là l’expression vulgaire par laquelle on désigne un homme de talent et de vertu en disant : C’est un vieux lapin. » (Dict. des Ménages, 36.) — « C’est un fameux lapin, il a tué plus de Prussiens qu’il n’a de dents dans la bouche. » (Ricard.) — « L’homme qui me rendra rêveuse pourra se vanter d’être un rude lapin. » (Gavarni.)

LAPIN : « Et puis, le jeune homme était un lapin, c’est-à-dire qu’il avait place sur le devant, à côté du cocher. » (Couailhac.)

LAPIN : Apprenti compagnon. — « Pour être compagnon, tu seras lapin ou apprenti. » (Biéville.)

LAPIN : Enfant dépravé. Argot du collège. Vient du vieux mot lespin : prostitué.

LAPIN (voler au) : « Se dit des conducteurs d’omnibus qui sonnent à leur cadran moins de voyageurs qu’il n’en monte et empochent la différence. » (Rabasse.) — Lapin est pris ici dans le sens général de voyageur.

LARBIN : Valet de cartes. — « Le roi sur le neuf n’osa plus enjamber, le larbin reparut. » (Alyge.)

LARBIN, LARBINE : Domestique. (Vidocq.) — « Le faux larbin va se poster sous la porte cochère. » (Paillet.)

Larbinerie : Valetaille.

LARCOTTIER : Paillard. (Vidocq.) — Pour larguottier : amateur de largues. V. ce mot.

LARD (faire du) : Paresser au lit. — « La femme ronfle et fait du lard. » (Festeau.)

Faire son lard : Se rengorger.

LARDER : Percer d’un coup de pointe.

LARDOIRE : Épée. — « Vous verrez si je manie bien la lardoire. » (Ricard.)

LARGE (N’en mener pas) : Être mal à son aise. — Se dit soit au physique, soit au moral.

LARGE DES ÉPAULES : Avare : (Dhautel.) — Équivoque ironique sur le mot large qui signifie aussi généreux.

LARGUE, LARQUE : Femme de voleur, prostituée âgée. (Halbert.) V. Ménesse. — « Si j’éprouve quelque malheur, je me console avec ma largue. » (Vidocq.) V. Coquer, Momir.

LARIFLA : Refrains, — Allusion au refrain d’une chanson populaire au quartier Latin. — « Je mêle des lariflas dans mes plaidoiries. Je rêve un costume de débardeur sous ma toge. » (Paris étudiant, 54.)

LARTIE, LARTIF, LARTON : Pain, On devrait dire l’artie, l’artif, l’arton.

LARTIN : Mendiant. (Grandval.)

LARTON BRUTAL : Pain noir. Mot à mot : pain brut.

LARTON SAVONNÉ : Pain blanc. Mot à mot : aussi blanc que du linge savonné. — « La tortillade est la même pour la quantité, mais le pivoi est plus chenu, et le larton plus savonné que lago. » (Rabasse.)

LARTONNIER : Boulanger.

LASCAILLER : Pisser. (Grandval.) — De lance : eau. On dit encore lâcher de l’eau.

LASCAR : Fantassin. — De l’arabe el-askir qui a la même signification. — « Le contraste était vraiment trop drôle entre ce sous-lieutenant de demoiselles et les lascars à tous crins qu’il venait commander. » (About.)

LATTIFE : Linge blanc. (Halbert.) — Vient de s’attifer : faire toilette.

LAUMIR : Perdre. (Halbert.) Ce doit être une faute d’impression, si ce n’est une altération de chaumir.

LAVABES : Billet ou porteur de billet à prix réduit pour le service de la claque. — « Les lavabes sont ceux que l’on fait entrer au parterre des théâtres, en ne payant que quinze sous par place. » (50,000 voleurs de plus à Paris, 30, in-8.) — « Gustave achetait un lavabe pour les Variétés. » (Idem.)

LAVAGE, LESSIVE : Vente au rabais, opération désastreuse. — « Les quatre volumes in-12 étaient donnés pour cinquante sous… Barbet n’avait pas prévu ce lavage. » (Balzac.)

LAVEMENT AU VERRE PILÉ : Verre d’eau-de-vie. — L’alcool éraille le gosier comme le verre pilé. — « Todore fait venir deux lavements au verre pilé que nous avalons en douceur. » (Monselet.)

LAZAGNE : Lettre (Vidocq.) — Italianisme. V. Balancer.

LAVER, LESSIVER : Vendre, c’est-à-dire envoyer ses effets à une lessive dont ils ne reviennent jamais. — Même allusion dans Passer au bleu et Nettoyer. — « Comme ce n’était pas la première fois que j’avais lavé mes effets sans savon. » (Vidal, 33.) — « Il a lavé sa montre, ses bijoux, pour dire qu’il les a vendus. » (Dhautel, 08.)

LAVER SON LINGE : Purger une condamnation. Une fois la peine accomplie, on redevient blanc comme neige devant la loi.

LEADER : Orateur. — Anglicanisme. — « On ne voudrait pas que les préfets de la République conservatrice descendissent jusqu’à une espèce de polémique avec les leaders de la démocratie rouge. » (Moniteur, 72.)

LÉGITIME : Épouse légitime. — « Ces messieurs battent la campagne tandis que leurs légitimes sont à leurs trousses. » (E. Blavet.)

LÉGITIME (manger sa) : Dissiper sa fortune légitime.

LÈGRE : Foire. (Vidocq.)

LÉGRIER : Marchand forain.

LEM (parler en) : Cette méthode spéciale consiste : 1° à ajouter la syllabe lem à chacun des mots qu’on a l’intention de changer ; 2° à troquer la lettre l de lem contre la première lettre du mot qu’on prononce. — « Et alors que tous les trucs seront lonbem (bons). » (Patrie, 2 mars 52.) — Cet argot a été d’abord spécial à la corporation des bouchers.

On parle en luch comme en lem. On combine quelquefois les deux.

LÉON : « Léon n’est autre que le président de la Cour d’assises. » (Du Camp.)

LERMON : Étain. (Halbert.)

LERMONER : Étamer. (Idem.)

LESCAILLER : Pisser. (Halbert. — Pour lascailler.

LESSIVE, LESSIVER : Voir Lavage, Laver.

LESSIVANT : Avocat (Rabasse.) Il cherche à vous blanchir devant le tribunal.

LESSIVE : Plaidoyer. (Rabasse.)

LESSIVEUR : Avocat. (Colombey.)

LESSIVEUR DE CROQUANT : V. Grinche de Cambrouse. Lessiver est ici synonyme de nettoyer.

LETTRE DE JÉRUSALEM : Lettre écrite par un détenu pour demander de l’argent. (Vidocq.) Elle partait du dépôt de la Préfecture de police, autrefois rue de Jérusalem.

LEVAGE : Opération consistant de la part d’un homme, à conquérir ou lever la première femme venue. De la part d’une femme, c’est amener un homme à lui faire des propositions. — « Pas de levage, pas d’entrain. » (Mané, 61.)

LEVÉE : Arrestation. — « Si la levée a lieu dans un café, on en fait part au patron. » (Stamir, 67.)

LÈVE-PIEDS : Escalier, échelle. (Vidocq.) — Effet pris pour la cause.

LEVER : Voler. — Abréviation de Enlever. — « Robert dit : « Je suis levé, » et il nous appelle filous. » (Monselet.) — « Tiens, dit le voleur, voici un pantre bon à lever. » (Canler.)

LEVER : Faire un levage. — « Tiens, Xavier qui vient d’être levé par Henriette. » (Monselet.) — « J’irai ce soir à Bullier, et si je ne lève rien… » (Lynol.) V. Flanelle.

LEVER : Capter. — « Il lève un petit jeune homme. Vous verrez qu’il en fera quelque chose. » (De Goncourt)

LEVER : Arrêter.

J’ lui dis qu’ j’aimerais mieux m’ pendre,
Ayant trop peur d’être levé.
(A. Meigne, Ch.)

Être levé : « Dans l’argot des débiteurs et des créanciers, avoir à ses trousses un recors, qui vous a vu dans la rue ou déterré quelque part. » (Montépin.)

LEVER DE RIDEAU : Pièce en un acte jouée, au commencement d’une soirée. — « La petite pièce, celle qu’on nomme vulgairement lever de rideau, celle qui fait vivre les vaudevillistes intimes et fricoteurs. » (Phys. du théâtre, 41.)

LEVER DE RIDEAU : Prime en argent. — « Il y a l’auteur qui, outre ses droits et ses billets, touche une prime sous le nom de lever de rideau. » (Physiologie du théâtre, 41.)

LÉZARD : Camarade sur lequel on ne peut compter. (Colombey.) — Il lézarde au soleil ou se cache dans les trous.

LÉZARD : « Le lézard vole des chiens courants, des épagneuls et surtout des levrettes. Il ne livre jamais sa proie sans recevoir la somme déclarée. » (Almanach du Débiteur, 51.)

LÉZINER : Hésiter. (Colombey.)

LÉZINER : Tromper au jeu. (Idem.)

LICHARD, LICHEUR : Buveur. Vieux mot.

LICHE (être en liche) : Faire bombance.

LICHER : Boire. (Grandval.) — Les glossaires du moyen âge disent licharder.

Puis il liche tout’ la bouteille ;
Rien n’est sacré pour un sapeur.
(Houssot.)

LICHETTE : Petit morceau.

LICHEUR : Qui aime à boire aux dépens d’autrui. (Grandval.) — « Boizamort, menuisier, bon enfant, mais licheur. » (Ladimir.)

LIÈGE : Gendarme. (Colombey.) — Il lie les gens arrêtés.

LIGNARD : Officier ou soldat d’infanterie de ligne. — « Les obus de nos forts viennent d’allumer un incendie, et nos lignards se gaudissent à cette vue. » (P. Véron.)

LIGNE (avoir la) : Avoir une certaine pureté de contours. — « Mon Dieu, elle n’est pas très-jolie ; mais vous savez, elle a la ligne. » (Yriarte.)

LIGNE (pêcheur à la), faiseur de lignes : Rédacteur qui tire à la ligne. — « Le pêcheur à la ligne, dit M. de Balzac, est un rédacteur qui, comme le pêcheur, vit de sa ligne. » (Marc Fournier, 44.)

LIGNE (tirer à la) : Écrire des phrases inutiles dans le seul but d’allonger un article payé à tant la ligne.

LIGNE ! (vive la) : « Je rapporte un petit magot. Ah ! quelle chance ! Vive la ligne ! » (Léonard, parodie, 63.)

Ce vivat, fréquent à certains jours d’émeute où on a voulu gagner les troupes de ligne, s’applique ironiquement à tous les cas d’enthousiasme.

LIGNE À VOLEUR : Ligne blanchie à dessein de façon qu’il reste un mot pour commencer une ligne nouvelle payée comme entière. — Argot des typographes.

LIGURE : Cour d’assises. (Petit Dictionnaire d’argot, 44.)

LIGORNIAU : garçon maçon. (Rabasse.)

LIGOTANTE, LIGOTE : Corde servant à lier les mains d’un malfaiteur. Vieux mot qui est le frère de ligament.

LIGOTTAGE : Action de ligotter.

LIGOTTER : « Il est urgent de le ligotter, c’est-à-dire de lui attacher une ou deux mains. » (Rabasse.)

LILLANGE : Lille. Adjonction de finale.

LILLOIS : Fil. (Vidocq.) — On en fait beaucoup à Lille.

LIMACE, LIMASSE, LIME, LYME : Chemise. (Vidocq, Grandval.) — Vieux mots, car le glossaire de Du Gange donne limas, et on trouvera en se reportant au mot passant (soulier), un exemple ancien de lyme. — « Quand la limace est bien blanche, avec ses creux et ses montagnes, ça me met sens sus d’sous. » (L. de Neuville.) V. Batousse.

LIMACIER : Chemisier.

LIMANDE : Homme nul et plat comme le poisson de ce nom. (Vidocq.)

LIME : Chemise. Abréviation de Limace.

LIMONADE : Assiette. (Vidocq.) Comparaison de l’assiette à une rouelle de limon.

LIMOUSIN : Maçon. — Allusion au pays d’où la plupart des maçons sont originaires. « La nuit, ça représente encore, mais le jour ça ferait renauder des Limousins. » (Courrier français, 1er février 68.)

LIMOUSINE : Plomb. V. Limousineurs.

LIMOUSINEURS : « On donne le nom de voleurs au gras-double ou de limousineurs à des ouvriers couvreurs qui volent le plomb des couvertures, en coupent de longues bandes avec de bonnes serpettes, puis l’aplatissent et le serrent à l’aide d’un clou. Ils en forment ainsi une sorte de cuirasse qu’ils attachent, à l’aide d’une courroie, sous leurs vêtements. » (Petit Journal.) — De là le nom de Limousineur qui compare ces vêtements de plomb aux gros manteaux nommés limousines.

LIMOUSINIER : Entrepreneur de maçonnerie. — « Celui-ci était un limousinier (maçon qui dresse les murs). Il avait des avances : il loua un terrain pour y bâtir. » (Privat d’Anglemont.)

LINGE (avoir du) : Avoir de la toilette. — « Et Bovarine ! qu’est-ce que c’est ? Ça a-t-il du linge ?» (L. de Neuville.)

LINGRE : Couteau. (Vidocq.) Allusion à Langres, si renommée pour sa coutellerie.

LINGRER : Frapper à coups de couteau.

LINGRERIE : Coutellerie.

LINGRIOT : Canif.

LINGUER : Tuer. (Rabasse.) Forme altérée de lingrer.

LINSPRÉ : Prince. (Vidocq.) — Anagramme.

LION : Homme à la mode. — « Depuis que nous avons attrapé ce mot anglais, qui s’applique, à Londres, à toutes sortes de notabilités, nous en avons fait abus comme du calicot et du fil d’Écosse. Il ne se fait pas un vaudeville, un feuilleton, un roman de mœurs contemporaines, qui ne parle des lions de Paris. Aujourd’hui, pour être lion, la moindre chose suffit : avec un pantalon jaune, un chapeau neuf, des moustaches, vous êtes reçu lion d’emblée. Nous avons eu des muscadins, des incroyables, des impayables, des élégants, des beaux, quelques fashionables ; mais appeler lions des jeunes gens qui mangent doucement de pauvres patrimoines, c’est une parodie bien amère. » (Roqueplan, 4.1.)

Le lion du jour : L’homme dont on parle le plus, à un titre quelconque. — Anglicanisme.

LIONCEAU : Lion ridicule. — « La moustache cirée d’un jeune lionceau. » (L. de Neuville.)

LIONNES : « C’étaient de petits êtres féminins, richement mariés, coquets, jolis, qui maniaient parfaitement le pistolet et la cravache, montaient à cheval, prisaient la cigarette. » (Deriége.)

LIONNERIE : Monde des lions. — « Nous étions installés dans un restaurant cher à la lionnerie. » (Mornand.)

LIQUID : Liquidation de Bourse. — « Liquid est mis ici pour liquidation. Le coulissier facétieux se plaît à abréger ses formules, et dit liquid comme on dit d’autor, d’achar, soc ou démoc. » (Mornand.)

LISETTE ! (pas de ça) : Formule négative. — « Un jeune drôle fait la cour à ma nièce. Pas de ça, Lisette ! » (Ricard.) L’expression se trouve déjà dans une brochure publiée en 1786, l’Âne promeneur. « Il m’enfilerait. Non, pas de ça, Lisette ! »

LITRER : Contenir, posséder. — Vient de litre comme cuber vient de cube. — « J’avais balancé le bogue que j’avais fourliné et je ne litrais que nibergue en valades. » (Vidocq.)

LOCANDIER : « Le locandier est une des nombreuses variétés des voleurs au bonjour. Sous prétexte d’examiner un logement à louer, il vole avec dextérité. » (A. Monnier.)

LOCHE : Oreille.

LOCHER : Écouter. (Vidocq.)

LOFAT : Aspirant au grade de compagnon. — « C’était pour le baptême d’un lofat… On devait le baptiser à la Courtille. » (La Correctionnelle.)

LOFFIAT : Maladroit, naïf, imbécile. (Petit Dictionn. d’argot, 44.)

LOFFITUDE : Naïveté. (Idem.)

LOIR : Prison. V. Motte.

LOLO : Lait. — Mot redoublé.

LOLO, LORETTE : La première syllabe du mot est seule conservée et redoublée. — « On donne le nom de lolos aux jeunes beautés du quartier Notre-Dame de Lorette… La lolo déjeune souvent avec un pain de gruau, mais elle boit du Champagne. » (Almanach du Débiteur, 51.)

LONDRÈS : Cigare de la Havane. — « Je me rejetai dans le fond de la voiture et j’allumai un londrès. » (Mornand.)

LONG : Niais, simple. (Grandval.)

LONGCHAMP : « Cour oblongue, bordée d’une file de cabinets dont nous laissons deviner la destination. Comme c’est le seul endroit où, pendant les heures d’étude, les élèves de l’Ecole polytechnique puissent aller fumer, le longchamp a acquis une grande importance. » (La Bédollière.)

LONGUE, LONGE : Année passée au bagne (Grandval.) — L’année y est longue à passer. — « Quelle veine que t’as. Dix longes, ça se tire, mais perpette ! pas toujours ! » (Stamir.)

LONTOU : Toulon. (Ratasse.) Anagramme.

LOPHE : Faux, contrefait. — Anagramme précédé d’une L. V. Fafiot.

LOQUE (parler en) : Même procédé que pour parler en lem. V. Lem. « Tu vas peut-être me traiter de loufoque d’aller au turbin avec des objets pareils. » (Beauvilliers.)

LOQUES : « Le gamin de Paris a sa monnaie qui se compose de tous les petits morceaux de cuivre façonné qu’on peut trouver sur la voie publique. Cette curieuse monnaie prend le nom de loques. » (V. Hugo.)

LORETTE : Femme galante. « Lorette est un mot décent inventé pour exprimer l’état d’une fille ou la fille d’un état difficile à nommer, et que dans sa pudeur l’Académie a négligé de définir, vu l’âge de ses quarante membres. Quand un nom nouveau répond à un cas social qu’on ne pouvait pas dire sans périphrase, la fortune de ce mot est faite. Aussi la lorette passa-t-elle dans toutes les classes de la société, même dans celles où ne passera jamais une lorette. Le mot ne fut fait qu’en 1840, sans doute à cause de l’agglomération de ces nids d’hirondelles autour de l’église dédiée à Notre-Dame de Lorette. Ceci n’est écrit que pour les étymologistes. » (Balzac.) — « Chassées des quartiers sérieux, les plus ou moins jeunes personnes qui se livrent à la perdition des fils de famille refluent donc vers ces constructions, qui forment une espèce de ville nouvelle, partant du bout de la rue Laffitte jusqu’à la rue Blanche, comprenant les rues Neuve-Saint-Georges, La Bruyère, Bréda, Navarin, et prenant son nom de la rue principale, Notre-Dame-de-Lorette. L’ensemble de ces rues s’appelle le quartier des Lorettes, et par extension toutes ces demoiselles reçoivent dans le langage de la galanterie sans conséquence le nom de lorettes. » (Roqueplan, Nouvelles à la main, 41.) — « Les lorettes, moi, j’aime cela ; c’est gentil comme tout, ça ne fait de mal à personne !… des petites femmes… qui gagnent à être connues. » (Gavarni.)

LORGNE : Borgne. (Vidocq.) — > Abréviation de Calorgne : borgne (vieux mot).

LORGNE : As. (Ibid.) — C’est une carte borgne.

LOUBION : Bonnet. — « Il faut igo avoir le loubion en poigne pour leur jacter. » (Rabasse.)

LOUBIONNIER : Bonnetier.

LOUCHE : Main. — Comparaison de la main à la grande cuiller appelée louche.

LOUCHER (faire) : Faire changer de manière de voir, d’opinion. — « Avec qui que tu veux que je soye ? Est-ce que ça te fait loucher ? » (Monselet)

LOUCHÉE : Cuillerée. (Halbert.) V. Louche.

LOUFOQUE : Aliéné. (Rabasse.) — C’est le mot fou soumis au procédé argotique de déformation en loque. — « Tu vas peut-être me traiter de loufoque d’aller au turbin avec des objets pareils. » (Beauvilliers.)

LOUGÉ : Âgé. (Idem.)

LOULOTTE : Petite dent. Allusion aux dents du loup dont on parle toujours aux petits enfants.

LOULOU : Mot d’amitié. — Redoublement de Loup. On dit aussi mon gros loup. — « Mon loulou, j’ suis heureux quand je t’embrasse. » (Aug. Hardy.) — « C’est la louloute à son chéri. » (Montépin.)

LOUP : Sottise, erreur.

LOUP : Dette criarde, créancier. (Dhautel, 1808.) — « Un loup ! un créancier, si vous aimez mieux. » (Décembre-Alonnier.) — Au théâtre, un loup est une scène manquée.

LOUP DE MER : Marin aguerri.

Pour mener à bien son esquif
Le vrai loup de mer se dispense
De longer toujours un rescif.
G. Jollivet.

LOUPE : Fainéantise, flânerie. — « Ma salle devient un vrai camp de la loupe. » (Decourcelle, 36.)

LOUPER : Flâner. — « Quand je vais en loupant, du côté du Palais de Justice. » (Le Gamin de Paris, 38.)

LOUPEUR : Rôdeur. — « Que faisaient-elles, ces loupeuses ? » (Lynol.)

LOURDAUT : Portier. (Grandval.)

LOURDE, LOURDIÈRE : Porte. — On ne les faisait pas légères jadis et pour cause. V. Bocson, Tremblant.

Lourde à pessigner : Porte à enfoncer. (Rabasse.)

LOURDIER : Concierge. (Rabasse.)

LOUSTEAU : Domicile, diable. (Halbert.) — Dans le sens de domicile lousteau est un mot ancien qu’on doit lire l’ousteau, c’est-à-dire l’hôtel, l’habitation particulière.

LOUSTO (aller à) : Aller en prison. (Rabasse.) — Lousteau doit être une forme de lousteau (maison), ce qui veut dire ironiquement rentrer au domicile. La prison est le domicile naturel des malfaiteurs.

LOVELACE : Séducteur de femmes. C’est le nom du héros du roman de Clarisse Harlowe. (Richardson.) Voyez Faublas.

LUCARNE : Lorgnon, monocle. — « Du malheureux monde comme ça, ça n’y voit que d’un œil, et encore pas sans lucarne. » (Gavarni.)

LUCH (parler en) : V. Lem.

LUCHEBEM : Boucher. (Rabasse.) — C’est boucher déformé en lem. (V. ce mot.)

LUCTRÈME : Fausse clef. — « Mon Dartagnan file le luctrème dans la porte. » (Beauvilliers )

LUISANT, RELUIT : Jour. — Allusion de lumière. « Pitachons pivois chenâtre jusques au luisant. » (Grandval.)

LUISANTE : Nuit, fenêtre. (Halbert.)

LUISANTE : Lune. (Vidocq.)

LUISARD : Soleil. (Idem.)

LUISARDE : Lune. (Halbert.) — « Tous les chiffonniers savent ce patois énergique qui appelle la lune une luisarde. » (La Bédollière.)

LUMIGNON (le grand) : Le soleil. (Rabasse.)

LUNCH : Collation. — C’est d’Amérique que viennent le mot et la mode. — « Les frais de ce lunch ne sont plus à la charge des mariés. » (Petit Moniteur.)

LUNDI (faire le) : Manquer à son travail ; continuer, le lundi, l’inaction du dimanche,

LUNE, PLEINE-LUNE, DEMI-LUNES : Derrière. — Allusion de forme. — « En voilà une bonne ! il a pris la lune de Pétronille pour sa figure. » (P. de Kock.) V. Cadran.

LUNE : Figure ronde comme la lune. — « Cora P. est à Maisons-Laffitte, elle engraisse énormément. C’est tellement visible qu’on ne l’appelle plus que la lune rousse. » (Éclair.)

LUNE : Variation d’humeur influant sur l’homme comme la lune influe sur le temps. — « C’est un musicien qui ne doit pas être commode, il doit avoir des lunes. » (Comment. de Loriot, 69.)

LUQUES, LUQUETS : Faux papiers, images. (Grandval.)

LURON : Saint-Sacrement. (Colombey.) — Allusion au rond de l’hostie.

LUSQUIN : Charbon. (Halbert.)

LUSQUINES : Cendres. (Idem.)

LUSTRE : Juge. (Idem.)

LUSTRE (admirateur, chevalier du) : Claqueur posé au parterre sous le lustre. — « Les admirateurs du lustre donnèrent, mais le public resta froid. » (L. Reybaud.)

LUSTRER : Juger. (Halbert.)

LYCÉE : Prison. (Rabasse.) C’est le mot collège approprié aux exigences modernes. V. Collège.

LYONNAISE : Soierie. (Vidocq.) — Lyon est le centre de la fabrication des soieries.