Dictionnaire historique d’argot /Édition Dentu/1881/J

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J


JABOT : Estomac. Comparaison ornithologique. — « Enlevé la miche ! cinq minutes après nous l’avions dans le jabot. » (Comment. de Loriot.)

JACQUELINE : Fille de mauvaise vie. — Dans son Vieux Cordelier, Camille Desmoulins apostrophe ainsi Hébert : « Le banquier Kocke, chez qui toi et ta Jacqueline vous passez les beaux jours de l’été. »

JACTANCE (la) : La parole. (Rabasse.)

JACTER : Parler, crier. Mot à mot : jeter (jactare) les hauts cris. V. Greffier, Loubion.

JAFFIER : Jardin. (Halbert.)

JAFFIN : Jardinier. (Idem.)

JALO : Chaudronnier. (Halbert.)

JAMBE (faire une belle), Rendre la jambe mieux faite : Donner un avantage illusoire. — « Tu as maudit ton père de t’avoir abandonné ? — Ça m’aurait fait une belle jambe. » (E. Sue.)

JAMBE (s’en aller sur une) : Ne boire qu’une tournée. — « Dès l’aube, on s’offre la goutte, on s’offre le canon, on s’offre le rhum, on s’offre l’absinthe ou le bitter, et l’on ne veut jamais s’en aller sur une jambe. » (La Bédollière.)

JAMBE (lever la) : Danser le cancan (haute école). — « Elle levait la jambe avant Rigolboche. » (Les Étudiants, 60.)

JAMBON : Violon. — Allusion de forme et de couleur. — « Il y avait longtemps que je n’avais entendu racler le jambon en pleine rue. » (Th. Gautier.)

JAPPE : Bavardage. — « Tais ta jappe. » (Almanach du Hanneton, 67.)

JAR, JARS : Argot. — Vieux mot jadis usité dans la bonne société. Voir les Psaumes des Courtisans, dédiés aux braves esprits qui entendent le jars de la cour, petit in-12 publié en 1620. — Jar est une abréviation de jargon.

Dévider le jars : Parler argot.

JARDINER : Ricaner, parler en se moquant. V. Escracher.

JARDINER QUELQU’UN : Faire parler quelqu’un. (Rabasse.)

JARDINEUR : Homme qui cherche à savoir. (Rabasse.)

JARDINIER : Voleur à l’américaine. V. Charriage.

JARGOLLE, JERGOLE : Normandie. (Halbert.) — On appelle les Normands Jargoliers ou Jergoliers.

JARNAFFE : Jarretière. — Changement des dernières syllabes. C’est aussi le nom d’un jeu de hasard où la jarretière joue le rôle principal.

JARS. V. Jar.

JARRETIÈRE : Chaîne de montre. (Rabasse.)

JASANTE : Prière. (Halbert.)

JASER : Prier. (Halbert.) — Allusion au récitatif de la prière.

JASPIN : Oui. (Grandval.)

JASPINEMENT : Aboiement. (Colombey.). — On dit aussi jaspiner pour aboyer.

JASPINER : Parler, causer. — Vieux mot dont jaser nous paraît le père. — « Ils jaspinaient argot encore mieux que français. » (Grandval, 1723.) — « Je lui jaspine en bigorne : N’as-tu rien à morfiller ? » (Vidocq.)

JAUNE : Été. (Halbert.) — All. à la couleur du soleil.

JAUNE : Eau-de-vie. — Allusion de couleur. — Nous lisons dans la Maison du Lapin blanc, brochure publiée vers 1858, sur le dernier « tapis » de la Cité :

Lapin blanc, que me veux-tu ?
Avec ton jaune et ton camphre
Tu déranges ma faible vertu.

JAUNE D’ŒUF (aimer avec un) : Tromper. — Allusion à la couleur du cocuage. — « Vous murmuriez à l’oreille de madame Cocodès : Je vous adore ! — Avec un jaune d’œuf, vous répondit-elle. » (Monselet.)

JAUNET : Pièce d’or. — « Un seul regret, celui de n’avoir pu débarrasser les pigeons de leurs jaunets. » (Paillet.),

JAVANAIS : « Argot de Bréda où la syllabe va, jetée dans chaque syllabe, hache pour les profanes le son et le sens des mots, idiome hiéroglyphique du monde des filles qui lui permet de se parler à l’oreille, — tout haut. » (De Goncourt.) — Exemple : Jaunet, javaunavet ; jeudi, javeudavi, etc.

JAVARD : Lin. (Halbert.)

JAVOTTE : Bavard. — « Tu n’es qu’une mauvaise langue, une javotte. » (Marquer.)

JAVOTTER : Bavarder. — Forme de jaboter. — « Elle sifflotte, elle parlotte, elle javotte. » (Physionomie du Protecteur, 41.)

JEANFESSE, JEANF—TRE : Coquin, misérable. — « Ça, c’est un jeanfesse. » (Ricard.) — « Grande colère du père Duchesne contre les jeanf—tres de chasseurs, qui ont voulu faire une contre-révolution. » (Hébert, 1793.)

JEAN-JEAN : Conscrit, naïf, niais. « On qualifie de Jean-Jean le jeune indigène que la conscription a arraché à l’âge de vingt ans d’un atelier ou d’une charrue. » (M. Saint-Hilaire.)

JE NE SAIS QUOI : Cachet indéfinissable. — « Le savoir-vivre, l’élégance des manières, le je ne sais quoi, fruit d’une éducation complète. » (Balzac.)

JEANNETON : Servante d’auberge, fille de moyenne vertu. (Dhautel.)

JÉSUITE : Dindon. (Vidocq.) — C’est aux jésuites qu’on doit l’acclimatation du dindon.

JÉSUITE : Cafard. — « On l’appelle le jésuite, il dénonce un peu, il espionne beaucoup, il y met de l’adresse ; on y est toujours pris. » (Balzac, 42.)

JÉSUS : « Jeune et beau garçon lancé comme appeau près des sodomites que veut exploiter le chanteur. » (Canler.) V. Chanter, Être (en).

JETTARD : Cachot. (Halbert.)

JEUNE (trop) : Dépourvu d’expérience. — Cela peut se dire à un octogénaire.

JEUNE FRANCE : « Les romantiques se divisèrent en Bouzingots et en Jeune France. » (Privat d’Anglemont.) — « Ils ont fait de moi un Jeune France accompli. J’ai un pseudonyme très-long et une moustache fort courte ; j’ai une raie dans les cheveux à la Raphaël. Mon tailleur m’a fait un gilet… délirant. Je parle art pendant beaucoup de temps sans ravaler ma salive, et j’appelle bourgeois ceux qui ont un col de chemise. » (Th. Gautier, 33.)

On appelait la Jeune France le parti des romantiques. — « La Jeune France est encore une de ces tournures cabalistiques qui a la prétention d’exprimer une idée grande, terrible, volcanique, sublime. » (Miss Troloppe, 35.)

JEUNE HOMME (Avoir son) : Être gris. Mot à mot : avoir bu le broc de quatre litres que les marchands de vin appellent Petit homme noir. V. ce mot. — « Chaque fois qu’il rentrait avec son jeune homme. » (Privat d’Anglemont.) — « Un individu en blouse qui semblait avoir son petit jeune homme. » (G. de Nerval.)

JEUNESSE : Fillette. — « Une jeunesse, une marchande de cols. » (Germon.)

JI : Je comprends, oui, je connais. (Rabasse.) — Forme de gy qui semble plus ancien.

JIROBLE : Joli. (Halbert.) Pour Girofle.

JOB : Niais. — Abréviation du vieux mot jobé : nigaud. — « Si j’étais assez job pour croire que vous me donnez toute une fortune. » (E. Sue.)

JOB (monter le) : Tromper. — Job est ici pour jobard. — Se monter le job : S’en faire accroire. (Rabasse.) — Dans le dialecte lillois, on dit battre le jobre (job), pour faire l’innocent.

JOBARDER : Duper. — « Je ne veux pas être jobardé. » (Balzac.)

JOBERIE : Niaiserie. (Vidocq.)

JOBISME : Pauvreté. — « Desroches a roulé comme nous sur les fumiers du jobisme. » (Balzac.) — Allusion biblique.

JOCKO : Pain long à la mode depuis 1824, année où le singe Jocko était à la mode. — « Des gens qui appellent un pain jocko un singe de quatre livres. » (Bourget.)

JOCKO : Boulanger. (Almanach des Débiteurs, 51.)

JOLI GARÇON : Dans une vilaine position. — Ironie : « Nous v’là jolis garçons. » (Désaugiers.)

JONC : Or. (Vidocq.) — Allusion à sa couleur jaune. — « C’est un jonc : C’est en or véritable.(Rabasse.) V. Bogue, Bobe.

JONCHER : Dorer. (Halbert.)

JORNE : Jour. — Vieux mot. V. Poisser.

JOSEPH (faire son) : Affecter un air chaste. V. Putipharder. — « Je me disais aussi : voilà un gaillard qui fait le Joseph. Il doit y avoir une raison. » (Dumas fils.)

JONQUILLE : Trompé par sa femme : Allusion à la couleur du cocuage. — « Personne ne dessine mieux que lui la tête d’un mari jonquille. » (Rivarol de 1842.)

JOUER DE : Faire marcher à sa guise. — « Nachette, en un mot, joua parfaitement du baron. » (De Goncourt.)

JOUER DE L’ORGUE : Ronfler. (Halbert.) — On dit souvent ronfler comme un tuyau d’orgue.

JOUER DES DOMINOS : Manger. (Rabasse.)

JOUER DU VIOLON : Scier des fers, (Colombey), scier des barreaux. (Rabasse.) — La scie va et vient comme l’archet.

JOUSTE : Près. V. Juxte.

JOUVIN : Gant de la fabrique Jouvin. « Mes Jouvin eussent atténué peut-être l’effet de cette pression inconnue. » (Marx, 66.)

JUDACER, JUDAISER, JUDASSER : Trahir, faire de fausses amitiés. Allusion biblique. — « Judacer, c’est dénoncer quelqu’un. » (Du Camp.)

JUDÉE : Préfecture de police. Allusion à la rue de Jérusalem.

JUGE DE PAIX : Bâton (Colombey.) — Jeu de cartes. (Rabasse.)

JUGEOTTE : Jugement, avis. — « Dis-moi z’un peu franchement là-dessus ta petite jugeotte. » (Léonard, parodie, 63.)

JUGULER : Comprimer, étrangler (au figuré). — « Cottereau est mort jugulé par la Faculté. » (Raspail.)

JULES : Pot de nuit. (Rabasse.)

JUS DE BÂTON : Coup de bâton. — « Pour passer votre rhume, j’ai du jus de bâton. » (Aubert, 13.)

JUSTE : Cour d’assises. (Vidocq) Épithète invraisemblable dans la bouche d’un malfaiteur.

JUSTE-MILIEU : Parti ou partisan du statu quo politique, se maintenant entre la gauche et la droite. V. Centrier. « Voilà quels hommes composent le gouvernement dit juste-milieu. » (L’Écho francais, 33.)

JUSTE-MILIEU : Derrière. — « Mayeux envoya la pointe de sa botte dans le juste-milieu de Mlle  Justine. » (Ricard.)

JUXTE, JOUSTE : Près, contre. (Halbert.) Vieux mot. C’est le juxta latin que nous avons conservé dans Juxtaposer.

JY : Oui. (Colombey.) Pour Gy.