Dictionnaire des proverbes (Quitard)/temps

temps. — Le temps perdu ne se répare jamais.

Napoléon étant allé un jour visiter une école, dit en sortant aux élèves, dont quelques-uns avaient été interrogés par lui : « Jeunes gens, souvenez-vous bien que chaque heure du temps perdu est une chance de malheur pour l’avenir. » Mot remarquable d’un homme qui connaissait toute la valeur du temps.

La plus belle épargne est celle du temps.

Proverbe qui paraît pris de cette pensée de Théophraste : « La plus forte dépense qu’on puisse faire, est celle du temps. » Ménagez le temps, car la vie en est faite, disait le bonhomme Richard.

Il n’y a pas d’homme qui ne perde au moins un quart-d’heure par jour, et cette perte ne paraît rien. Cependant elle est fort grande, car en employant bien ce quart-d’heure répété, on pourrait faire quelque chose qui donnerait à la fois honneur et profit. Un fait va le prouver : On raconte que le chancelier Daguesseau, habitué à se rendre dans la salle à manger aussitôt qu’on l’avertissait pour dîner, ayant reconnu que sa femme le fesait attendre régulièrement cinq minutes, prit le parti d’arriver au même instant qu’elle, et composa un de ses ouvrages dans le temps qu’il gagna par ce moyen.

La vie n’est pas composée d’un assez grand nombre de quarts-d’heure pour qu’on en puisse perdre un chaque jour. Elle n’est qu’un point imperceptible dans le temps, et le temps tout entier est lui même assez borné. Savez-vous bien qu’il n’y a pas un milliard de minutes que le Christ a paru sur la terre pour apprendre aux hommes à faire le meilleur usage du temps qu’ils perdent avec tant d’insouciance ?

Qui a temps, a vie.

Pour signifier qu’il n’y a pas d’affaire si désespérée à laquelle le temps ne puisse porter remède ; que le temps est le véritable élément du succès en toutes choses.

L’histoire présente mille traits à l’appui de ce proverbe. En voici un qui n’est pas moins surprenant que singulier. Un roi maure de Grenade, nommé Mahomet IX, fesait garder depuis plusieurs années dans un château-fort, à deux lieues de cette ville, son frère aîné Joseph III, qu’il avait détrôné ; étant sur le point de mourir, il ne voulut point laisser à son jeune fils un trône menacé par la vie d’un prince dont les partisans recommençaient à s’agiter. Il ordonna à un officier de ses gardes d’aller couper la tête du prisonnier et de la lui apporter. Joseph jouait aux échecs lorsque ce messager de mort vint lui notifier sa sentence. Il eut recours aux supplications les plus touchantes pour en faire suspendre l’exécution pendant quelques heures, et il parvint à obtenir le temps d’achever sa partie. On croira sans peine qu’il mit tous ses soins à la prolonger. Pendant qu’il était occupé à jouer si gros jeu, des cris se firent entendre tout à coup à la porte de sa prison, et lui apprirent que ses partisans l’avaient fait élire successeur du roi qui venait d’expirer ; de sorte que ce peu de temps, obtenu par ses prières, l’arracha des mains de la mort et lui donna une couronne.