Dictionnaire des proverbes (Quitard)/quenouille

quenouille. — Tomber en quenouille.

On disait autrefois : Tomber de lance en quenouille ; à lancea ad fusum transire, en parlant des fiefs qui passaient des mâles aux femelles. La lance était alors la plus noble de toutes les armes à l’usage des gentilshommes, et la quenouille était souvent entre les mains de leurs épouses, plus laborieuses que les dames de notre temps. Ce qui fit employer le mot lance, pour désigner l’homme, et le mot quenouille, pour désigner la femme.

On lit dans les Antiquités françoises de Fauchet (liv. iv) : « Le roi Guntchram, mettant une lance ou javeline en la main de Childebert (possible que de ceste manière de faire vient le mot de tumber en lance ou tumber en quenouille, quand un fief chet en la main d’un masle ou femelle), il luy dist que c’estoit la marque pour donner à cognoistre qu’il mettoit en ses mains tout son royaume. »

C’est une maxime, devenue loi fondamentale, que le royaume de France ne peut tomber en quenouille, c’est-à-dire qu’il ne peut échoir en succession aux princesses. Après que les lis eurent été transportés dans les armoiries de l’État[1], on dit, dans le même sens, les lis ne filent point ; par interprétation de ces paroles de l’Évangile selon saint Luc (ch. xii, ℣ 27) : Considerate lilia quomodo crescunt : non laborant, neque nent, etc. Voyez comment croissent les lis : ils ne travaillent point, ils ne filent point, etc.

Lorsqu’on parle d’une famille où les filles ont plus d’esprit que les garçons, on dit que l’esprit y est tombé en quenouille.

  1. Des écrivains respectables assurent que les lis ne furent introduits que sous le règne de Louis-le-Jeune dans les armoiries de France, à la place des abeilles qui y figuraient primitivement. Comme ce prince avait été surnommé florus, à cause de sa grande beauté, ils conjecturent que ce doux surnom de fleur, joint à l’analogie que le nom de Loïs (Louis), avait avec un lis, donna l’idée d’adopter un tel emblème.