Dictionnaire des proverbes (Quitard)/phébus

phébus. — Donner dans le phébus.

C’est parler ou écrire d’une manière boursouflée et peu intelligible. — « Le phébus, » dit le père Bouhours (Manière de bien penser dans les ouvrages d’esprit, dialog. iv), « n’est pas si obscur que le galimathias. Il a un brillant qui signifie ou paraît signifier quelque chose. Le soleil y entre d’ordinaire ; et c’est peut-être ce qui, dans notre langue, a donné lieu au nom de Phébus. »

Cette conjecture est ingénieuse ; mais elle ne me paraît pas admissible. Voici la véritable explication : Gaston Phébus[1], prince du Béarn, composa, vers le milieu du xive siècle, un traité sur la chasse, intitulé : le Miroir de Phébus des déduits de la chasse des bestes sauvaiges et des oyseaux de proie. L’ouvrage est divisé en deux parties, dont l’une est en prose et l’autre en vers. Cette seconde partie où figurent, à ce qu’on prétend, les événements de l’histoire contemporaine exposés sous le voile d’une allégorie continuelle, est écrite d’une manière aussi ampoulée qu’énigmatique ; mais ce qui met le comble à la confusion qui y règne, c’est une série de discussions métaphysiques entre plusieurs vertus personnifiées qui font assaut de citations prises indistinctement de livres de philosophie, de médecine, de droit civil et de droit canon, etc. ; le tout pour décider ou plutôt pour laisser indécise cette grave question : Si les chasseurs doivent accorder la préférence aux chiens ou aux faucons. L’embarras que le style d’une pareille composition donna aux lecteurs, embarras qui s’accrut à mesure que la langue subit des changements, fit appeler ce style le phébus, nom dérivé de l’écrivain, et appliqué à sa manière d’écrire.

Malherbe a dit des expressions phébées, pour des expressions ampoulées, qui n’ont qu’un faux éclat, qui sentent le phébus.

  1. Phébus était un surnom donné à ce prince, soit à cause de sa beauté, soit à cause de son amour pour la chasse, soit à cause du soleil qu’il avait pris pour emblème.