Dictionnaire des proverbes (Quitard)/oie

oie. — L’oie de la Saint-Martin.

L’Église romaine a eu autrefois jusqu’à trois carêmes, celui d’avant Pâques qu’elle a conservé, et deux autres qu’elle a supprimés : l’un de ces derniers précédait Noël, et commençait le 12 novembre, lendemain de la fête de Saint-Martin. Cette fête était alors consacrée, comme l’est aujourd’hui le mardi-gras, aux réjouissances et aux festins, et l’oie rôtie, qui fesait le régal de nos bons aïeux, figurait sur toutes les tables. L’oie a été remplacée depuis par le dindon, oiseau indigène du Paraguay, importé en Europe par les jésuites au xvie siècle ; cependant son règne n’est pas encore passé. Les artisans, dans beaucoup d’endroits, sont restés fidèles à l’usage de se réunir en famille pour manger l’oie de la Saint-Martin.

J. C. Frohman a écrit en latin, sur cet antique usage, un savant traité qui a pour titre : Tractatus curiosus de ansere Martiniano, Lipsiæ, 1720, in-4o.

Qui a plumé l’oie du roi, cent ans après il en rend la plume.

La prescription, c’est-à-dire la manière d’acquérir la propriété d’une chose, ou d’exclure une demande en justice par une possession non interrompue durant un temps déterminé, était légalement acquise autrefois comme aujourd’hui, au bout de trente années, contre les réclamations des particuliers, mais elle ne pouvait l’être contre celles des agents du domaine royal qu’après un siècle révolu : de là le proverbe où l’oie figure, parce qu’on élevait beaucoup d’oies dans les maisons de campagne de nos anciens rois, depuis que Charlemagne, par un article de ses Capitulaires, avait ordonné que ses basses-cours en fussent abondamment pourvues.

Ce proverbe s’emploie maintenant pour signifier qu’il ne fait jamais bon s’attaquer à plus fort que soi.