Dictionnaire des proverbes (Quitard)/nappe

N

nappe. — Trancher la nappe.

C’était un genre d’affront infligé autrefois à table à un gentil’homme qui se rendait indigne de ce titre, par un roi d’armes ou un héraut qui venait couper devant lui la touaille, ou la partie de la nappe qui lui servait de serviette, et tourner son pain sens dessus dessous[1]. « Charles VI, dit Legrand d’Aussi, avait réuni à un banquet, le jour de l’Épiphanie, plusieurs convives illustres, entre lesquels était Guillaume de Hainaut, comte d’Ostrevant. Tout à coup un héraut vint trancher la nappe devant le comte, en lui disant qu’un prince qui ne portait pas d’armes n’était pas digne de manger à la table du roi. Guillaume surpris répondit qu’il portait le heaume, la lance et l’écu, ainsi que les autres chevaliers. « Non, sire, cela ne se peut, répondit le plus vieux des hérauts ; vous savez que votre grand oncle a été tué par les Frisons, et que, jusqu’à ce jour, sa mort est restée impunie. Certes, si vous possédiez des armes, il y a longtemps qu’elle serait vengée. »Cette terrible leçon opéra son effet. Depuis ce moment, le comte ne songea plus qu’à réparer sa honte ; et bientôt il en vint à bout. »

  1. De là est venu le préjugé qui fait que beaucoup de gens éprouvent un certain déplaisir à la vue d’un pain tourné au rebours.