Dictionnaire des proverbes (Quitard)/iota

iota. — Cela ne vaut pas un iota.

L’iota est la plus petite lettre de l’alphabet grec, la naine des lettres, suivant l’expression de Cœlius, pumilio litterarum, quòd omnium et figurâ et sono tenuissima sit et minima. C’est pourquoi il a été employé comme synonyme de la plus petite chose dans ce passage de l’Évangile selon saint Mathieu : Iota unum aut unus apex non præteribit à lege donec omnia fiant. Il serait donc naturel de penser que la locution a été introduite par cela seul. Cependant on lui attribue une autre origine que je vais rapporter avec quelque détail, parce qu’elle se rattache à un fait important de l’histoire ecclésiastique, celui du triomphe momentané de l’arianisme. Les fauteurs de cette hérésie et les Eusébiens, qui avaient été toujours d’accord pour attaquer le dogme de la consubstantialité, s’étant divisés à cause de la fausse proposition de foi faite à Ancyre, l’empereur Constance, intéressé à réunir les deux partis, crut y réussir en convoquant un concile d’Orient et un concile d’Occident. Le premier fut tenu à Séleucie, ville d’Isaurie. Saint Hilaire, qui y assista et qui nous en a laissé une relation, dit qu’il n’y eut pas plus de quinze évêques défenseurs de la bonne doctrine attaquée par cinq cents autres. Il s’y manifesta une telle divergence d’opinions parmi les sectaires, qu’ils se séparèrent sans avoir rien conclu. Le second, où les orthodoxes se trouvaient en majorité, eut lieu à Rimini dans la Romagne. Il fut également troublé par une dispute des plus opiniâtres, à propos d’un iota que les novateurs voulaient introduire dans le mot grec omoousion, consubstantiel, qui serait alors devenu omoIousion, de semblable substance, ce qui n’aurait exprimé qu’imparfaitement l’essence divine du Fils égal au Père. Ce changement favorable aux progrès de l’erreur d’Arius fut repoussé. Mais l’empereur, qui voulait qu’on l’adoptât, parvint à gagner par la ruse et par la violence dix évêques que le concile avait députés vers lui pour l’instruire de ses actes, et il leur fit souscrire une formule contraire à la décision rendue. Puis il se hâta de les renvoyer à leur assemblée dont il avait eu soin de retarder la clôture. Elle refusa d’abord de communiquer avec eux ; ensuite la plupart des membres se relâchèrent de cette rigueur et signèrent à leur tour. À la vérité, ils croyaient ne faire qu’un acte de conciliation, puisque la formule était catholique dans le fond, mais dès qu’ils s’aperçurent que les ennemis de la foi triomphaient à la faveur de la forme, ils se rétractèrent malgré les persécutions de Constance. L’iota fut alors proscrit et méprisé, et l’on affecta de dire, pour désigner une chose de nulle valeur, qu’elle ne valait pas un iota.