Dictionnaire des proverbes (Quitard)/cheval
cheval. — L’œil du maître engraisse le cheval.
Tout va mieux dans une maison quand le maître surveille lui-même ses affaires. — Plutarque cite ce proverbe dans son traité qui a pour titre : Comment il faut nourrir les enfants (ch. 27), et il le donne comme une réponse faite par un écuyer à quelqu’un qui avait demandé quelle était la chose qui engraissait le plus un cheval.
Le cheval du père Canaye.
Le père Canaye, jésuite, né à Paris en 1594, était un très mauvais cavalier qui disait qu’il lui fallait un cheval très doux et très facile à gouverner, equus mitis et mansuetus, comme on le voit dans un petit ouvrage fort ingénieux attribué à Charleval, et inséré dans les œuvres de Saint-Évremond, sous le titre de Conversation du maréchal d’Hocquincourt et du père Canaye. Les vers suivants, extraits de l’Anglomane, comédie de Saurin, offrent l’application et l’explication de cette locution proverbiale :
Il vous faut un cheval comme au père Canaye,
Un doux et paisible animal
Qui plus que son maître soit sage,
Et qui ne songe point à mal,
Tandis que votre esprit dans la lune voyage.
À cheval donné, il ne faut point regarder à la bouche.
Il faut toujours avoir l’air de trouver bon ce qu’on a reçu en présent et ne point chercher à le déprécier. Non oportet equi dentes inspicere donati ; il ne faut point inspecter les dents d’un cheval donné.
Il n’est si bon cheval qui ne bronche.
Les plus habiles sont sujets à se tromper. — On raconte qu’un membre du parlement de Toulouse allégua ce proverbe devant le roi ou son ministre comme une espèce d’excuse de l’assassinat juridique de Calas, perpétré par ce parlement, et qu’il lui fut répondu : Passe pour un cheval ; mais toute l’écurie !…
Les Italiens disent : Erra il prete a l’altare, le prêtre se trompe à l’autel. Nous disons encore : Il n’est si bon qui ne faille.
Cela ne se trouve point dans le pas d’un cheval.
C’est une chose qui ne se trouve point facilement. — Le vieux Géronte s’écrie dans les Fourberies de Scapin (acte ii, sc. 2) : « Croit-il, le traître, que mille cinq cents livres se trouvent dans le pas d’un cheval ? » Cette façon de parler fait allusion à une vieille superstition d’après laquelle la trouvaille d’un fer de cheval était regardée comme un présage de fortune. Cette superstition se rattachait à une légende rapportée sous le proverbe : Il ne faut pas mépriser les petites choses.
Il y a un vers latin de je ne sais quel auteur du moyen âge qui me paraît propre à justifier l’explication que je viens de donner :
Copia nummorum ferro non pendet equino.
Il est bien aisé d’aller à pied, quand on tient son cheval par la bride.
Une privation n’est point pénible quand on se l’impose volontairement, et qu’on peut la faire cesser sans retard ; ou, dans un autre sens, il fait bon poursuivre une affaire lorsqu’elle ne coûte d’autre peine que celle qu’on veut bien se donner et qu’on a des moyens tout prêts pour en faciliter et en assurer le succès. — On se sert particulièrement de ce proverbe en réponse à quelqu’un qui, étant en position de faire une chose à l’aise, s’étonne qu’elle paraisse difficile et hasardeuse à ceux qui n’ont pas les mêmes facilités que lui. — Montaigne a dit (liv. iii, ch. 3) : « Il a bel aller à pied, qui mène son cheval par la bride. Mon ame se rassasie et se contente de ce droit de possession. »
C’est un bon cheval de trompette.
Il est accoutumé au bruit et ne s’en épouvante pas. Les Italiens disent : E una cornacchia di campanile, c’est une corneille de clocher. Cet oiseau ne redoute ni carillon ni tocsin.
Parler à cheval à quelqu’un.
C’est-à-dire avec hauteur et dureté, comme fesait, dans les joutes et dans les tournois, un chevalier qui demandait raison à un autre.
C’est son grand cheval de bataille.
C’est la chose sur laquelle il s’appuie et compte le plus dans une discussion ou dans une affaire, comme le guerrier d’autrefois sur son grand cheval de bataille.
Monter sur ses grands chevaux.
Parler avec hauteur et emportement. — Les chevaliers avaient des chevaux pour la route et des chevaux pour le combat. Ces derniers, appelés dextriers ou destriers, parce que les écuyers chargés de les conduire les tenaient à leur dextre ou droite, étaient d’une taille plus élevée que les autres, et, quand l’ennemi paraissait, ils étaient amenés à leurs maîtres, qui montaient alors sur leurs grands chevaux, sur leurs grands chevaux de bataille, pour se lancer dans la mêlée.