Dictionnaire des proverbes (Quitard)/budget

budget.

Ce mot peut être regardé comme proverbial à cause du fréquent emploi qu’on en fait journellement dans toutes les classes de la société. Grands et petits, riches et pauvres, chacun parle de son budget. On dit un budget de cuisinière, un budget d’apothicaire, comme un budget de ministre. Je dois donc consigner ici l’histoire et la généalogie de ce mot, qui sont assez curieuses[1]. Il est d’origine française, et nous avons eu la bonté de le recevoir de seconde main des Anglais, qui nous l’ont rendu défiguré et méconnaissable. Qui pourrait croire qu’il vient de poche, et que c’est là précisément ce qu’il signifie ? On objectera peut-être qu’il a bien changé sur la route ; mais il n’est besoin que de la tracer pour se retrouver. Poche a fait le diminutif pochette, et par la facilité qu’a le p de se changer en b, pochette a insensiblement coulé en bogète, bougette, vieux mots dont le dernier a été conservé dans plusieurs éditions du Dictionnaire de l’Académie avec son augmentatif bouge, qui garde encore son acception originaire dans cette locution, bien remplir ses bouges, c’est-à-dire bien remplir ses poches ou faire un gros gain, et qui partout ailleurs signifie un petit endroit propre à resserrer divers objets dans une maison, comme la poche sert à le faire dans un habit. Bulga, qui veut dire enveloppe, bourse, valise, est la racine de tous ces mots. — À présent, on doit trouver assez facile le passage de bogète en budget, surtout chez les Anglais qui donnent à l’u le son de l’o ; et il faut remarquer en outre que les Languedociens ont toujours dit dans leur patois lou bugé ou lou budjet en parlant d’une garde-robe ou d’un petit endroit dans lequel ils renferment diverses choses.

  1. Je les prends dans un livre de statistique publié par M. Mourgues en l’an ii (1801).