Dictionnaire des proverbes (Quitard)/avenir

avenir. — Nul ne sait ce que lui garde l’avenir.

C’est un proverbe qui se trouve parmi ceux de Salomon (ch. 27, v. 1) : Ignoras quid superventura pariet dies. Tu ignores ce que produira le jour de demain. C’est aussi un proverbe latin, dont Varron fit le titre d’une de ses satires : Nescis quid vesper serus trahat. Tu ne sais pas les événements que peut amener le soir.

M. Dussault rapporte, dans un article du Journal des Débats, que la chevalière d’Éon avait coutume de dire : On ne sait pas ce qu’il y a de caché dans la matrice de la Providence. Si l’axiome n’est pas nouveau, l’expression est assurément neuve.

Il ne faut pas se fier sur l’avenir.

Il ne faut pas que les espérances que l’on fonde sur l’avenir fassent négliger les soins du présent. Fontenelle disait : « Nous tenons le présent dans nos mains ; mais l’avenir est une espèce de charlatan qui, en nous éblouissant les yeux, nous l’escamote. Pourquoi souffrir que des espérances vaines ou douteuses nous enlèvent des jouissances certaines ! »

Les Basques ont ce proverbe : Gueroa alderdi ; l’avenir est perclus de la moitié de ses membres, pour signifier, je crois, que l’avenir qu’on a en vue n’arrive presque jamais, ou que, s’il arrive, il n’est ni tel qu’on le désire, ni tel qu’on le craint. « Il est des millions de millions d’avenirs possibles, dit M. de Chateaubriand. De tous ces avenirs un seul sera, et peut-être le moins prévu. Si le passé n’est rien, qu’est-ce que l’avenir, sinon une ombre au bord du Léthé qui n’apparaîtra peut-être jamais dans ce monde ? Nous vivons entre un néant et une chimère. »

Quid brevi fortes jaculamur ævo
Multa ?

(Horace, od. 16, lib. ii.)

Pourquoi, si loin de nous, lancer dans l’avenir
L’espoir d’une existence aussi prompte à finir ?

Bien fou qui s’inquiète de l’avenir.

Ce proverbe ne doit pas s’entendre à la lettre, car il signifierait qu’il est sage de négliger les soins de l’avenir, de laisser au hasard la disposition de notre vie, et de ne pas pourvoir à l’intervalle qu’il y a entre nous et la mort ; ce qui offrirait une maxime déraisonnable, ce qui assimilerait la prudence à la folie. Il signifie simplement qu’il ne faut point se livrer à des prévoyances inquiètes de l’avenir, parce qu’elles détruisent la sécurité du présent et ne laissent aucune paix à l’homme.

Il ne faut point, dit Bossuet, avoir une prévoyance pleine de souci et d’inquiétude, qui nous trouble dans la bonne fortune ; mais il faut avoir une prévoyance pleine de précaution, qui empêche que la mauvaise fortune ne nous prenne au dépourvu.

Par le passé l’on connaît l’avenir.

Proverbe qui paraît pris de cette pensée de Sophocle : L’homme sage juge de l’avenir par le passé. Les Espagnols disent : Por el hilo sacaras el ouillo, y por lo passado lo no venido. Par le fil tu tireras le peloton, et par le passé l’avenir.

Rien n’est tel que l’expérience du passé pour découvrir l’avenir ; car l’avenir reproduit le passé, n’est qu’un passé qui recommence, suivant l’expression de M. Nodier. Quidquid jàm fuit, nunc est ; et quod futurum est, jàm fuit (Ecclésiaste, ch. 3, v.15). Tout ce qui est déjà arrivé arrive encore maintenant ; et les événements futurs ont déjà existé. Pour bien juger de l’avenir, il importe donc de consulter le passé. Voulez-vous savoir, s’écrie Bossuet, ce qui fera du bien ou du mal aux siècles futurs ? Regardez ce qui en a fait aux siècles passés : il n’y a rien de meilleur que les choses éprouvées.