Dictionnaire des proverbes (Quitard)/Charybde

charybde. — Tomber de Charybde en Scylla.

D’un péril en un autre. — De mal en pis. — Un ancien journal, La feuille villageoise, a donné l’explication suivante : « Les tremblements de terre et les volcans, fléaux terribles auxquels la Sicile fut sujette de tout temps, firent crouler dans la Méditerranée l’isthme qui attachait le sol sicilien au reste de l’Italie. De là vient le détroit de Scylla et de Charybde, deux écueils opposés et redoutables. Charybde est du côté de la Sicile et près de Messine, Scylla du côté de l’Italie au bord de la Calabre. Charybde est un gouffre vaste et profond dans lequel la mer s’enfonce en tournoyant, avec une rapidité qui ne permet pas aux vaisseaux de résister ni de revirer de bord ; Scylla est un rocher menaçant, au pied duquel sont plusieurs autres rochers et des cavernes souterraines où les flots se précipitent. On les entend mugir de loin ; en approchant, le bruit redouble. Si le pilote effrayé, en voyant d’un côté des rochers contre lesquels il va se briser et de l’autre un gouffre où il va se perdre, ne garde pas un juste milieu, il ne se sauve d’un rocher que pour se jeter dans un abîme, ou d’un abîme que pour se briser contre un rocher. De là le proverbe, Tomber de Charybde en Scylla. »

On pense que ce proverbe a dû être usité chez les anciens ; cependant il n’est consigné dans aucun de leurs écrits ; et il se trouve pour la première fois dans l’Alexandréide, poëme en vers latins de Philippe Gaultier, auteur du moyen âge. Ce poëte, dans son livre v, vers 299-301, apostrophe ainsi Darius fuyant devant Alexandre :

. . . . . . . . . . . Nescis, heu ! perdite, nescis
Quem fugias : hostes incurris, dum fugis hostem ;
Incidis in Scyllam cupiens vitare Charybdim.

Les Espagnols disent : Escape del trueno y di en el relampago ; proverbe remarquable qui peut se traduire par ce vers :

En fuyant le tonnerre on tombe sous la foudre.

Quoique les mots tonnerre et foudre dans l’usage commun se prennent assez ordinairement l’un pour l’autre, ils offrent néanmoins une différence de signification qu’il faut distinguer si l’on veut parler exactement. Le tonnerre est le bruit ou l’explosion, et la foudre est le feu ou le coup de l’électricité.