Dictionnaire de théologie catholique/ZONARAS Jean

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 1088-1089).

ZONARAS Jean, écrivain ecclésiastique byzantin du xiie siècle. — On sait peu de chose de sa vie. Sous Alexis Comnène (1081-1118), Zonaras cul au Sacré-Palais des fonctions importantes : (i.é-, aç opoMYyiipioç tîjç ÇilyXrfi, ce que Krumbacher traduit par : commandant des gardes du corps et avait la’lignite de TrptoTao-rçLpTJTK ;. Pour des raisons que nous ignorons, chagrins de famille ? complications politiques ? il renonça au monde et se lit moine au couvent de Hagia Glykeria, dans l’une des îles des Princes. C’est dans cette retraite qu’il composa les nombreux écrits qui sont restés de lui. Il a pu prolonger son existence jusque dam la M) onde moitié du xu° siècle.

Canoniste, Zonaras est l’auteur d’un commentaire de la littérature canonique, qui lui a valu une grande réputation. De peu postérieur à Alexios AlistèOM, qu’il a utilisé, un peu antérieur à Théodore Balsamon, il forme avec ces deux auteurs le triumvirat des grands canonlstes byzantins, dont les décisions ont fait loi pendant longtemps et continuent à être prises

en considération. À ce moment les collections canoniques sont à peu près définitivement closes et nos auteurs ajoutent peu de chose à la masse des documents qu’ils commentent : successivement Zonaras énumère les canons des apôtres, les conciles œcuméniques : Nicée (325), Constantinople (381), Éphèse (431), Chalcédoine (451), le Quini-Sexte (692), le II* de Nicée (787) et les deux conciles photiens de 861 (celui qui est appelé npto-T) jefld Ssuxépa), et de 879880. Viennent ensuite les conciles particuliers : Carthage (celui de saint Cyprien en 252), Ancyre (314), Néocésarée (315), Gangres (340), Antioclie (341), Laodicée (343), Sardique (343), Carthage (419) et le concile tenu par Nectaire à Constantinople en 394. Suivent les « lettres canoniques » de Denys d’Alexandrie, de Pierre d’Alexandrie, de Grégoire le Thaumaturge, d’Athanase (au nombre de trois), les quatre lettres de Basile le Grand, et celle de Grégoire de Nysse. De ces textes, Zonaras entend donner une explication sommaire, à l’usage des commençants, qui ne veut pas se perdre dans le détail de la procédure. En fait il a réussi à fournir un excellent commentaire tant au point de vue du fond qu’à celui de la forme. Pour éclairer le sens des textes, il recourt soit à l’histoire générale et à celle des institutions, soit à la comparaison des canons entre eux, essayant au besoin de concilier les textes divergents ; il est naturellement porté aux solutions plus bénignes. La langue est excellente. C’est un des très bons commentaires canoniques de l’Église byzantine ; il est d’ailleurs possible qu’une grande partie des exégèses canoniques mises au compte de Balsamon doive lui être attribuée. À côté de ce travail d’explication, on cite aussi de Zonaras deux dissertations indépendantes : rispi to’j (X7) Ssïv Sûo Stas^aSéXffouc —rt-f/ aù-r^v àyâ^zn^i, Trpôg yâu.ov (Qu’il ne faut pas que deux cousins germains épousent la même femme) ; Aéyoç 7rpoç toùç rrçv çuoixtjv tîjç Ycivîjç èxp&rp j.iy.atoL 7)You|j(.évouç (Contre ceux qui estiment que la simple émission physique du semen est une souillure).

Zonaras est également connu comme le commentateur des TïTpàaT’.va et des jjiovoo-n/a de Grégoire de Nazianze. À l’exemple de Cosmas de Jérusalem (milieu du viir 5 siècle), qui avait donné une Collectio et inlerpretatio historiarum quarum meminit Dious Gregorius in carminibus suis (cf. P. G., t. xxxviii, col. 339-680), à l’exemple de Nicétas David, le Paphlagonien, qui avait fait paraître dans la seconde moitié du ixe siècle une Paraphrasis carminum arcanorum S. Gregorii Nazianzeni (édit. Dronke, Gœttingue, 1840, cf. P. G., ibid., col. 681-842 et t. cv, col. 577-582), Zonaras commenta lui aussi les textes poétiques, souvent assez difficiles à expliquer, du Nazianzènc. Mais le travail du moine du xiie siècle s’est souvent trouvé confondu avec celui de Nicétas. En 1568, Zacharic Skardylios avait publié sous le nom de Nicétas une’i^p(i.Yjve[oc elç rà TSTpàoTi/a toG rpT^yoptou qui est à restituer à Zonaras, lequel d’ailleurs a largement utilisé son prédécesseur. — Les Kâvoveç àvaaTàaïu/n de l’Octoéchos, composé ou tout au moins réformé par Jean Damnscènc ont été également commentés par Zonaras ; ce travail est demeuré inédit, sauf l’introduction, Iltpl >cav6voç xai eîpjvoo xal xpoîtaptou xaa gjSyjç, précieuse pour l’intelligence des textes liturgiques byzantins ; elle publiée au t. v du Spicilegium Ilomanum, 1841, p. 384-389. Zonaras a lui-même composé un canon sur la sainte Vierge, où il célèbre Marie victorieuse de toutes les hérésies, depuis celle d’Arlus Jusqu’à celles. toutes récentes, des bogomiles et des « latins » ; à ces derniers est reprochée leur doctrine de la procession du Saint I spiit rrb tilroque, qui met en Dieu un double

principe. On a aussi de Zonaras deux Vies de saints (Silvestre et Sophrone de Jérusalem), deux discours sur les fêtes du Seigneur, tout cela demeuré inédit. Mais Zonaras est plus connu encore comme historien ; il est l’auteur, en effet, d’une Επιτομή Ιστορίων, qui tranche sur l’ensemble des innombrables chroniques byzantines. C’est un abrégé de l’histoire universelle, depuis la création du monde jusqu’à l’avènement de l’empereur Jean Comnène (1118) ; il a été divisé par Du Cange en 18 livres. Les critiques modernes, qui l’ont beaucoup étudié s’accordent à reconnaître sa valeur, tant au point de vue de la forme

— Zonaras ne se laisse pas aller à la vulgarité de style des compositions similaires — qu’au point de vue du fond. L’auteur a utilisé en effet des sources nombreuses, dont plusieurs ont disparu et ne se retrouvent que chez lui ; il les a mises en œuvre fort judicieusement. Bien qu’il ne les indique pas toujours avec assez de précision, il est possible de les retrouver. Pour les 12 premiers livres (de la création à Constantin), il utilise l’Ancien Testament, un abrégé des Antiquités judaïques de Josèphe et la Guerre juive du même auteur, la Chronique et l’Histoire d’Eusèbe, Théodoret et, pour ce qui est de l’histoire profane, Xénophon, Plutarque, Hérodote, Arrien, enfin et surtout Dion Cassius. De ce dernier, il permet de reconstituer une partie importante, perdue dans l’original. Quand Dion l’abandonne (229 après J.-C), il le supplée par Pierre le Patrice, un historien du vie siècle, dont l’œuvre a presque entièrement disparu et que l’on peut considérer comme le successeur de Dion. Pour les temps qui suivent l’avènement de Constantin, son guide est surtout Théophane, mais complété par d’autres chroniqueurs, les uns connus, tels Procope, le patriarche Nicéphore, Georges Hamartolos, Cédrénos, Syméon Magister, d’autres inconnus de nous, mais de très grande valeur. Ceci est vrai spécialement pour la période qui va de Léon Ier à Justin II (457-565), pour laquelle Zonaras a exploité une source excellente, qu’a connue également Cédrénos. Tout ceci explique le zèle qu’ont mis les critiques modernes à débrouiller cette question des sources. Importante pour l’histoire civile et politique, la compilation de Zonaras l’est également pour l’histoire religieuse. Elle a été abondamment utilisée par les historiens postérieurs, soit par les Byzantins, dans son texte, soit par les auteurs slaves, dans des traductions serbes ou russes qui en ont été faites de bonne heure.

Droit canonique.

La première édition complète des

textes canoniques et des commentaires (y compris ceux d’Aristènos et de Balsamon) a été donnée par l’anglais Beveridge : 2uvo51k6v sive Pandeclæ canonum, Oxford, 1672 : chaque canon est suivi de son commentaire (celui de Balsamon vient en tête) ; reproduite dans P. G., t. cxxxvii. Édition meilleure dans G. Rhallis et M. Potlis, Zûv-rayxa tcùv 9eicov kc<1 itpcou kocvovcùv, 6 vol., Athènes, 1852-1859, les commentaires de Zonaras aux t. ii, iii, iv, ils précèdent ceux de Balsamon. Pour les deux dissertations indépendantes, voir Rhallis-Potlis, t. iv ; les anciennes éditions sont signalées par Fabricius-Harles, Bibliotheca greeca, t. xi, p. 225.

2° Le commentaire des œuvres poétiques de Grégoire de Nazianze se trouvera dans P. G., t. xxxviii ; le Kavdw ets Tr|v UTrEpayiàv ©eotôkov, publié pour la première fois au complet par Cotelier, Monumenla græcee Ecclesise, t. iii, Paris, 1686, p. 465-472, est reproduit dans P. G., t. cxxxvi.

3° L"ETn-ronf) IcjTopiûv, publiée d’abord à Baie, 1557, par Jérôme Wolf est passée ensuite dans les différents Corpus scriptorum historiée byzantinæ, de Paris et de Bonn ; dans ce dernier elle n’a été complétée qu’en 1897 par Th. Biittner-Wobst ; elle est au complet dans la Bibliotheca Teubneriana, 6 vol., 1868-1875, éd. Dindorf. La P. G., t. cxxxiv et cxxxv, reproduit celle de Bonn ; aucune de ces éditions n’est pleinement satisfaisante et les byzantinistes regrettent l’absence d’un texte vraiment critique.

4° Les travaux relatifs à Zonaras portent spécialement sur YEpitomé et ses sources ; on en trouvera une liste dans Krumbacher, Gesch. der byzant. Lilteratur, 2e éd., 1897, p. 374-375. Ces travaux très importants pour l’historien intéressent moins le théologien. Ceux qui sont relatifs à l’activité canonique de Zonaras (et de ses deux émules) sont surtout rédigés en l’une des langues slaves ; le plus important est celui de M. Kransnozen, Les commentateurs du code canonique de l’Église orientale, Aristénos, Zonaras et Balsamon (en russe), Moscou, 1892 ; nombreux travaux de A. Pavlov, soit dans le Journal du ministère de l’instruction publique (en russe), soit dans les Vizantijskij Vremennik (cf. une liste dans Krumbacher, op. cit., p. 611). — Nous avons aussi utilisé la notice de Ph. Meyer, dans la Protest. Realencyclopàdie, t. xxi, p. 715-719.

É. Amann.