Dictionnaire de théologie catholique/VILLANA (Guillaume de)

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 741-742).

VILLANA (Guillaume de) († 1356), défenseur de la papauté au temps de Jean XXII.

I. Nom.

Une certaine confusion a longtemps pesé sur le nom de ce théologien Quelques biographes anciens l’appellent simplement, du lieu de son origine, Guillaume de Crémone. Mais la plupart ont cru, sans d’ailleurs en donner aucune raison, devoir le rattacher à la famille crémonaise des Amidani, tandis que d’autres en moins grand nombre adoptaient celle des Tocchi. Le nom d’Amidani est encore retenu par le dernier en date de ses historiens, R. Scholz, Unbekannte kirchenpolitische Slreitschriften, t. i, p. 13.

Cependant un manuscrit de son traité qui remonte au xive siècle, aujourd’hui conservé à l’Ambrosienne de Milan sous le n° 69, fol. 129, le nomme expressément : Guglielmo de Villana da Cremona. Déjà signalé par Fr. Arisius, Cremona lilerata, Parme, 1702, t. i, p. 267-268, ce renseignement n’empêche pas d’ailleurs l’auteur en question de conserver un Guillaume de Amidanis avec son curriculum traditionnel. Ibid., p. 163-165. Au lieu de dédoubler ainsi le personnage, beaucoup d’auteurs préfèrent synthétiser les deux appellations et aboutissent, dès lors, à la version : Guglielmo Amidano da Villana.

Sur la donnée formelle du manuscrit milanais, jointe au fait que le nom d’Amidani n’est fourni par aucune source originale, les érudits italiens les plus informés désignent définitivement notre théologien par son état-civil le mieux garanti : Guillaume de Villana. Voir V.-T. Cogliani, dans Rivisla d’Italia, xiie année, 1909, t. ii, p. 434, dont les conclusions sur ce point se retrouvent dans G.-L. Perugi, Il de Regimine christiano di Giacomo Capocci Viterbese, Rome, 1914-1915, p. xiii et xxxvi.

II. Vie.

Sa carrière est peu connue. Il naquit dans la province de Crémone, sans doute vers 1270. De bonne heure, il entra dans l’ordre des augustins et peut-être fut-il l’élève de Gilles de Rome, qu’il devait plus tard beaucoup exploiter. Toujours est-il qu’il devint sacræ paginse prof essor et que, sous Jean XXII, il jouissait d’un assez grand crédit pour être officiellement consulté par le pape sur les erreurs qu’on reprochait à Marsile de Padoue.

Élu prieur général de son ordre par le chapitre tenu à Florence le 28 février 1326, il détint ce poste plus de seize ans. Pendant son règne, il s’occupa beaucoup d’organiser l’importante maison d’études entretenue par les augustins auprès de l’université de Paris. Voir Denifle, Chartularium Univ. Paris., n. 849, 874, 892 et 1015, t. ii, p. 289, 309, 327, 447 et 477. En juillet 1342, il fut nommé par Clément VI évêque de Novare et gouverna ce diocèse jusqu’à sa mort qui survint le 29 janvier 1356.

III. Œuvres. — Comme productions théologiques, les bibliographes de son ordre signalent une exposition des quatre évangiles, un commentaire sur le livre des Sentences, ainsi que des sermons et discours qui seraient remarquables par leur élégance. Ossinger,

liibliotheca Augustiniana, fol. 31-42. Tous ces ouvrages sont encore inédits. Le seul qui, jusqu’à ce jour, ait partiellement reçu les honneurs de l’impression est un traité de circonstance relatif à la controverse doctrinale, soulevée par Marsile de Padoue et qui agita si fort les esprits du temps.

Justement ému par le danger que faisaient courir à l’Église les doctrines révolutionnaires du Defensor pacis (1324), le Saint-Siège se décida sans doute dès la fin de 1326 ou dans les premiers mois de 1327, à soumettre six propositions extraites de cet ouvrage au jugement de quelques théologiens. Voir Marsile de Padoue, t. ix, col. 165-167. Guillaume fut l’un d’entre eux. Sa réponse prit les proportions d’un mémoire assez étendu, qui a survécu sous le titre vague de Reprobalio errorum sequenlium ex precepto domini pape facta per fr. Guillielmum de Cremona, sacre pagine professorem, fralrem heremilarum ordinis Sancti Augustini.

L’auteur commence par rapporter le texte des six propositions soumises à son examen : Errores quos dicunt et asserunt quidam magistri ex parte sanctissimi palris et domini nostri, domini Johannis XXII, mihi commissi ut super eis scriberem quod mihi videretur. R. Scholz, op. cit., t. ii, p. 16. Puis il accompagne chacune d’une discussion en règle. « Villana, écrit V.-T. Cogliani, loc. cit., p. 447, combat la thèse adverse en lui opposant une autre antithèse et ne se préoccupe pas tant d’établir la fausseté de la première que la vérité de la seconde. » Ce qui souligne bien le dogmatisme inhérent à la pensée de l’auteur, mais ne caractérise qu’assez inexactement sa manière, qui consiste, suivant la méthode dialectique alors en vigueur, à reproduire tout au long les arguments de ses adversaires pour leur appliquer autant de réponses. De ce chef, ce petit traité peut passer comme un raccourci de toute la controverse déterminée dans l’École par les redoutables nouveautés du Defensor pacis.

Suivant l’objet des six propositions, Guillaume revendique successivement l’autonomie de la prq^ priété ecclésiastique, et ce premier article est celui de tous qui prend chez lui le plus d’ampleur, puis l’indépendance du pape au regard de l’empereur, la primauté personnelle de Pierre, le droit divin de la hiérarchie, le fondement du pouvoir coercitif, l’inégalité de la juridiction des prêtres au for pénitentiel. Les doctrines contraires sont dénoncées, non seulement comme fausses, mais comme opposées à l’Écriture et entachées d’hérésie.

Non content de défendre les droits de l’Église contre le régalisme de Marsile, il soutient la pleine supériorité du pouvoir spirituel et plusieurs de ses développements à ce sujet sont empruntés aux grands doctrinaires de la suprématie pontificale que vit naître l’époque de Philippe le Rel : Gilles de Rome et Jacques de Viterbe. Pour lui donc il ne suffit pas de dire que l’Église a la libre disposition de ses propres biens. Car omnia temporalia subsunt Ecclesie, et cette subordination est telle que les infidèles et les pécheurs, en s’émancipant de Dieu et de l’autorité ecclésiastique, perdent le domaine légitime de leurs propriétés : secundum jus divinum, précise-t-il, quidquid sit de jure humano. Édit. Scholz, p. 18.

Beaucoup moins abondant sur les autres formes de la prééminence de l’Église, comme l’observe R. Scholz, t. i, p. 22, Guillaume cependant ne laisse pas de prendre position en toute netteté. Le pape a la plenitudo potestatis au sens le plus absolu : Sicut celum continet propter sui magniludinem omnia hec inferiora, sic in potestate papali continetur omnis potestas sacerdotalis et regalis. Édit. Scholz, p. 25. En conséquence, l’empereur tient de lui tous ses pouvoirs, p. 24, et doit le considérer comme son seigneur : Papa

est dominus simpliciter in terris…, imperalor vero est ejus subditus et servus, p. 27. Conception qu’il faut sans doute, par analogie, étendre aux autres souverains.

Ainsi Guillaume de Villana mérite de s’ajouter à la liste de ces docteurs du xive siècle naissant, tels que Conrad de Megenberg, Lambert Guerric, Opicino de Canistris, André de Pérouse, Hermann de Schildiz, Gilles Spiritalis, Augustin Trionfo d’Ancône, François Toti, chez lesquels la protestation contre les empiétements de l’État laïque a provoqué l’exagération inverse et fait entrer dans les attributions du pape la domination directe du temporel comme un prolongement normal de la juridiction qu’il tient de Dieu.

Notice historique et littéraire dans R. Scholz, Vnbekannle kirchenpolitische Streitschriften ans der Zeit Ludwiijs des Bayern, t. i, Rome, 191 1, p. 13-22 (sous le nom probablement erroné de Gulielmus de Amidanis). La Reprnbalio errorum est publiée par le même auteur, non sans de fortes coupures, au t. ii, Rome, 1914, p. 16-28, d’après le ms. 1028 de la Bibliothèque angélique à Rome, fol. 1-29. Quelques corrections et renseignements complémentaires sont fournis par l’étude antérieure, mais que R. Scholz n’a pas connue, de Virg.-Tom. Cogliani, Giacomo Capocci r Guglielmo de Villana scritlori politici del secolo X.IV, dans Rivtsta <PIlalia, xii" année, 1909, t. H, p. 430-159.

J. Rivière.