Dictionnaire de théologie catholique/VIGER Marc

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 729-731).

VIGER Marc, frère mineur, cardinal (14 161516). — I. Vie. II. Œuvres et doctrine.

I. Vie.

Emmanuel Viger naquit, en 1446, à Savone, dans la république de Gènes, d’Urbain Viger et de Nicolette Grosso. Sa mère était la petite nièce de Maître François de la Rovère, fameux prédicateur et théologien, de l’ordre des frères mineurs ; son oncle paternel, Marc Viger († 1447) d’abord frère mineur, puis évêque de Noli, avait été professeur de François de la Rovère. Ce dernier, devenu en 1464 général de l’ordre, poussa son petit-neveu à prendre l’habit franciscain (à Savone bien probablement) et à choisir, en souvenir du défunt évêque de Noli, le nom de frère Marc. Envoyé, après sa profession, au Sludium générale de Padoue, frère Marc de Savone devint maître en théologie de cette université. Pierre-Ant. de Venise, Gloriose memorie délie vite et falti illustri delli sommi ponleficie cardinali assonti dal Seraflco Ordine di S. Francesco, lui, Trévise, 1703. Il professa la théologie au Studium quelque temps avant que d’être nommé co-régent des études avec son illustre confrère, Antoine Trombetta, dit Tuba.

François de la Rovère promu cardinal (18 sept. 1467), puis, sous le nom de Sixte IV, souverain pontife (9 août 1471), fit la fortune de son jeune parent. Vers 1471 Sixte IV nomma Marc Viger lecteur en théologie au collège de la Sapience, à Rome, aux appointements annuels de 300 ducats, puis l’éleva, le 7 octobre 1476, sur le siège de Sinigaglia et lui conféra de nombreux bénéfices ecclésiastiques. Pendant son épiscopat, le prélat s’adonna au culte des lettres, au redressement des abus dans son diocèse et s’efforça de réparer les désastres causés par les guerres. Neuf ans après la mort de Sixte IV (1484), l’évêque termina la reconstruction de son palais (1493). Le 21 août 1503, après la mort d’Alexandre VI († 18 août), on le voit, en qualité de gouverneur du château Saint-Ange, prêter serment de fidélité aux cardinaux conclavistes. Le cardinal Julien de la Rovère, son parent, qui avait été peu de temps frère mineur, ayant été élu souverain pontife (1 er nov. 1505) sous le nom de Jules II, Marc Viger fut promu préfet de Rome, puis quelques jours plus tard (1 er déc. 1505) cardinal-prêtre du titre de Sainte-Marie Irons Tiberim et cardinal protecteur de l’ordre franciscain. L’année suivante, le cardinal Marc Viger présida à

Rome avec le cardinal Dominique Grimani, son successeur comme cardinal protecteur, le chapitre général des frères mineurs d’où sortit comme général Raynald Graziani de Cotilogna. Libéré de sa charge de protecteur, Viger se mit à publier les travaux ébauchés à Sinigaglia. En 1507, il fit paraître coup sur toup, à Fano, un traité De annunliatione B. M. Virginis, puis son célèbre Decæhordum christianum ; enfin, en 1508, à Rome, la Controversia de excellentia inslrumentorum dominieæ pussionis. La guerre l’arracha au culte des lettres. Le Il décembre 1510, Jules II le créa légat des troupes pontificales envoyées contre le duc Alphonse I er d’Esté, de Ferrare et Marc Viger alla mettre le siège devant la Mirandole où le pape vint le rejoindre pour donner l’assaut à la place et s’en emparer en personne (20 janvier 1511). Cette même année le cardinal fit pourvoir son ancien collègue Antoine Trombetta, de Padoue, du siège d’Urbin, cité où régnaient les délia Rovère, et lui résigna quelques bénéfices. Vers la fin de l’année, le cardinal de Sinigaglia, comme on l’appelait, commença une Apologie de Jules II pour répondre aux attaques du conciliabule de Pise. Pour le récompenser, le pape le nomma en 1512, à la place de Guillaume Briçonnet, l’un des révoltés de Pise, cardinal-évêque du siège suburbicaire de Palestrina. En cette qualité, Marc Viger assista au Ve concile du Latran. Après la mort de Jules II (21 fév. 1513), le cardinal se démit de son siège de Sinigaglia en faveur de son neveu également nommé Marc Viger. C’est vers cette époque qu’il composa une Apologie pour défendre le théologien français, Le Fèvre d’Étaples, inquiété pour ses travaux exégétiques. Fort bien traité par Léon X, le cardinal franciscain, après les victoires de François I er, suivit le pape à Viterbe. Il assista également à l’entrevue de Bologne (11-18 oct. 1515) entre le saint père et le roi de France. L’année suivante, le 18 juillet, il mourut à Rome, âgé de soixante-dix ans et fut inhumé à Sainte-Marie Irons Tiberim, laissant le souvenir plutôt d’un humaniste délicat que d’un prélat vraiment recommandable par ses vertus.

II. Œuvres. — 1° Scolasliques. — 1. Tractatus de Universalibus aelivorum. 2. Commeniarii in Eihicam Aristotelis. — Ce traité et ces commentaires qui doivent être l’écho de l’enseignement de Maître Viger ne nous sont connus que par le Decæhordum (voir ci-après) qui en parle pour le n. 1 à la chorda /, c. xxxi et poHr le n. 2 à la chorda fi, c. i, et à la chorda 7, c. XLIII.

Théologie dogmatique et morale.

1. De. præcipuis

incarnait Verbi mysteriis, Douai, 1004, cf. Migne, DicL bibliogr. ralh., t. iv, p. 033. — 2. De vita, morte et resurrectione Domini, Douai, 1607, 1616 ; cf. G. Moroni, Dizion. d’erudizione, c. 08, Venise, 1860 ; Beda Kleinschmidt, M. Vig. dans Kirrhenlexicon, t.xii, col. 051. Fribourg-en-B., 1901, — 3. De annuntiatione Beats Mariée Virginis. Fano, 1506, 1507 ; cf. Slmralea, Supplem., p. 511, Borne, 1806. Ces Lois ouvrages <l< christologie et de mariologie semblent bien avoir été utilisés par la suite dans le Decæhordum ("voir ci-après).

1. Tractatus de Anlechristo, cf. Pierre Ant. de Venise, Gloriosr memorie…, op. cit., lui. Nous ne connaissons de cet ouvrage que le litre. — 5. Marri Vlgerit Savonensis San (et se) Maria Irons Tibe(rim) Prsetb(yler) Car(dinalis) Senogallien(st8) Decæhordum christianum Julio II Pont(tflcl) Max(imo) Diciitum. Fano, 1507. Ce petit in-f" de 7 f. et de LVl p. (10 fig. sur bois) a été appelé i I pins beau livre qui soit jamais sorti des presses des Son dno i’auteur, s’inspiranl du décacorde sur lequel

! ’psalmiste < hantait les louanges de Jahvé. a voulu

lui aussi, à l’aide de dix cordes littéraires, exalter l’Homme-Dieu, le Christ Jésus. Son ouvrage se divise en dix livres correspondant à autant de cordes. De la chorda prima à la chorda septima (1, I à t. VII, p. i-cl), l’auteur traite de l’Annonciation, de la Nativité, de la Circoncision, de l’Epiphanie, de la Purification puis, saute brusquement à l’Entrée de Jésus à Jérusalem. La septima chorda retrace l’Agonie du Sauveur à Gethsemani et les dernières chordæ (1. VIII-X, p. cc-ccxlvi) chantent les mystères glorieux : Résurrection, Ascension, Pentecôte.

Bien que Wadding (Script, ord. min., 242, Rome, 1650) ait qualifié le Decæhordum d’opus theologicum, doctum et varium, l’auteur s’y montre, cependant, à peine un théologien, mais bien plutôt un humaniste docte et abondant. La christologie de Marc Viger n’a rien d’original. À noter, pourtant, certains beaux accents sur la génération éternelle du Verbe et sur la génération humaine du Christ. Chorda prima, c. i, fol. xv sq. ; De annunciat. Virg. prolog. À remarquer également que le Decæhordum place l’adoration des Mages, Chord. VI, t. I, c. i, tout de suite après la circoncision avant la purification. Rien à dire non plus de la mariologie. Le cardinal franciscain donne cependant à Marie la première place après Jésus dans la création, Chorda I, t. I, c. ix : De sanctæ Mariæ excellentia, passim, et, sans enseigner clairement l’immaculée conception, il insiste souvent sur le fait que la Vierge a toujours été gratia plena, ibid., c. xx, De obumbralione Virg. Mariée a Sp. Sancto. Il faut rendre cette justice à Marc Viger que dans les cinq premières Cordes de son ouvrage, il met fréquemment en scène saint Joseph, époux de Marie, père putatif de Jésus, et se montre ainsi l’un des précurseurs immédiats du culte que le xvie siècle allait bientôt rendre au glorieux patriarche. II n’en reste pas moins vrai que le Decæhordum est beaucoup plus qu’un ouvrage dogmatique un traité d’ascétisme proposant à notre imitation les admirables vertus professées ici-bas par Jésus, Marie, Joseph. Le Decæhordum a connu sous le même titre une seconde édition chez Josse Badius, Paris, 1517, suivie de la Controversia de excellentia instrumentorum dominieæ passionis per eumdem Dfominu)m Marcum Vigerium discussa. (5 f. Decæhordum de i à exc, puis de exc à cem la Controversia et 14 f., voir ci-après.)

Ouvrages de controverse.

1. Historiques. —

a) La Controversia… dominieæ Passionis que nous venons de nommer parut en l rc et 2e édit. a Borne, en 1508 et 1512 (in-4° de 2 et 42 f.) ; en 3e édit. à Paris à la suite du Decæhordum, en 1517 (voir plus haut) ; en 4e édit., à Haguenau, en 1517, également avec le Decæhordum.

b) De dignitate jerri lanceæ Christ i et vestimentorum ejus (Ms. à la Vaticane, Wadding, op. et loc. cit. ; Jean de Saint-Antoine, Bibliot. univ. francise, t. ii, 320, Madrid, 1732). Bien que Bayle, ait écrit « l’auteur donna es deux ouvrages au public pour montrer que des deux reliques que Bajazet (II) avait eues en sa possession, savoir : la tunique de Jésus-Christ et la lance de Longin, la tunique qu’il avait envoyée au Pape (Innocent VIII, en 1492) était préférable à la lance qu’il avait gardée ». Did, historiq. et critiq., 3’édit., t. iv, col. 2815. cependant il semble bien qu’il ne s’agit ici que d’un seul et même ouvrage. Au xvir siècle, le Jésuite Richard Gibbons publia toute une Compilation dont le t. i or portait ce titre :

llisi. admiranda de j.-c. sttgmattbus sacra tlndoni

impressis ab Alph. Patenta archiepisc. II liononens. explic…, Douai, 1607, et dont le t. n s’annonçait ainsi llislor. admiranda Inmus aller compleelens M(arci) Vtgertl, S. H. L’. cardlnalit de prtectpuis incarnait Verbi mytierii » decæhordum christianum. 2 991

VIGE I ! i MA RC)

VIGILANTIl S

2992

Ejusdem lucubratio de instrumentis dominicw Passionis. Omnia <id vetera exemplaria cas ti gâta sacræ Scriptwse auctoritatibus et indicibus adjeetis per R. P. Richardum Qibbonum, S..I. theologum (444 p.), Douai, 1608. Une seconde édition de cette compilation parut sous ce titre : Ilisl. adm… ab A. Paleotto… cxplic, Figuris œneis, contemplation, etc. a B. P. F. Daniele Mallonio illustrata… etc. Accessit tomus u de incarnait Verbi mysteriis deque instrumentis dominiez passionis M(arci) Vigerii, S. R. E. card., adjeetis plerisque per R. P. Rieh. Gibbon, etc., Douai, 1616. Enfin une réédition des Hisl. admirandæ tomus aller… (même titre que 3°), dédiée à l’évêque de Saint-Omer, parut toujours à Douai, en 1616. C. Sommervogel, Bibliol. Comp. de Jésus, t. iii, col. 1406. D’après certains auteurs partisans de l’existence de deux ouvrages distincts le De vita, morte et resurrectione Jesu-Christi (Douai 1607) serait la seconde partie de la Controversia, mais il semble y avoir ici confusion (G. Moroni, Dizion., 98, Venise, 1860).

2. Polémiques.

a) Apologia pro Julio II adversus Pisanum roneiliabulum. — Commencée après le 16 mai 1511, date où le cardinal Carvajal convoqua le concile de Pise pour septembre par une lettre injurieuse pour le pape, cette apologie fut interrompue par la mort de Jules II (21 lévrier 1513) et probablement détruite par son auteur.

b) Apologia pro Dno Jacobo Fabri Stapulensi. — Vers 1514, au moment où l’affaire Reuchlin battait son plein en Sorbonne à Paris, Le Fèvre d’Étaples fut inquiété par le syndic de cette docte corporation, Noël Beda, voir ici t. ix, col. 147-148. Le cardinal Marc Viger prit alors courageusement la défense de l’humaniste français pour le laver du crime d’hérésie.

Théologie pastorale.

Marc Viger a publié, au

dire du Decæhordum :

1. Traclatus de sacerdotis officio. Dec, chord. V, c. xxi ; 2. Tractatus de compaternilale, Dec, chord. II, et aussi : 3. Dialogus de tollendis abusibus, cf. Pierre Antoine de Venise, lui ; Sbaralea, p. 515.

Sermons.

Nous savons que Marc Viger prononça

un grand nombre de sermons ou homélies qui lui attirèrent autant de réputation que ses écrits, si nous en croyons le poète qui composa le chant funèbre du cardinal, Camille Porcario : Eloquio clarus sliidioque Vigerus olim Palavii celebris Doctor in Urbe fuit. Nous ignorons où se trouvent les manuscrits de ces sermons et nous n’en connaissons pas d’exemplaire imprimé (cf. Aug. Oldoini, Atheneum Romanum in quo summorum pontificum ac pseudopontificum neenon S. R. E. cardinalium et pseudocardinalium scripta publiée exponuntur, 481, Pérouse, 1676 ; P. Ant. de Venise, Glor. Mem., lui ; Sbaralea, Suppl., 515 ; B. Kleinschmidt, Kirehenlex., t.xii, col. 951.

Ouvrages d’hagiographie.

Grand admirateur

de saint François de Paule († 2 avril 1508), qu’il avait personnellement connu et protégé, le cardinal Viger a composé : 1. Vita et régula sancti Francisci Paulani publiée à Brescia, en 1518, après la mort de l’auteur ; 2. Declaraliones in régula sancti Francisci de Paula, promulguées par le cardinal le 15 février 1508 alors qu’il présidait par délégation de Jules II le chapitre général des minimes, et éditées à Brescia en 1518.

Le 1’. Antonin Niccolini, O. F. M., a soutenu à Rome, en 1930, une thèse historique, De cardin. Vigerio, O. F. M. (1446-1516) ; cf. Antoniamim (t. v, 1930, p. 506) ; la guerre nous a interdit de nous renseigner sur ce sujet et sur d’autres. En sus des auteurs déjà cités nommons brièvement :

A. Aubery, Ilisl. génér. des card., t. iii, p. 93-95, Paris ;

Rodolphe de Tossiniano, Ilisl. seraph. relig., lib. Ires, p. 270, 274, 288, 329, Venise, 1586 ; François de Gonzague, De orig. seraph. relig. francise., t. i, p. 71, Rome, 15.X7 ; L. Wadding, Ann. ord. min., édit. Lyon, 1648, p. 19 ; édit. Rome, 1654, p. 73 ; Didace de Lequille, Hiérarchie ! francise, in quatuor faciès historiæ distribula, t. ii, p. 93, 147, 178, 180, Rome, 1664 ; Alphonse Chacon (Ciaconius), ilai et res gestie pond’I. Roman, et S. R. E. card., t. iii, p. 251-253, Rome, 1677 ; G. I. Fggs, Purpura docta seu vitæ et res gestæ card. erud. scriptis, etc. illustrium, t. iv, 1, Munich, 1714 ; Jean de Saint-Antoine, Biblioth. univ. francise, t. ii, p. 319-320, Madrid, 1732 ; P. Moretti, Notitiie cardin. titularium S.-Mariee Trans Tyberim, 22, Rome, 1752 ; J.-A. Fabricius, Bibl. lai. médite et infini, œt., t. v, p. 25, Padoue, 1754 ; L. Moreri, Le grand dict. hislorig., t. x, col. 606-607, Paris, 1750 ; Dict. univers, des scierie ecclésiast., t. IV, p. 73, 250, Paris, 1761 ; t. v, p. 101, Paris, 1762 ; D. Moreni, Bibliograf. storico-ragionata délia Toscana, t. ii, p. 457, Florence, 1805 ; Richard et Giraud, Biblioth. sacrée, t. xxiii, p. 438 ; t. xxiv, p. 117 ; G. Moroni, Dizion. d’erud., t. xxxii, p. 39 (1845) ; t. xi.i, p. 42 ; t. xlviii, p. 72 (1848) ; t. i.xii, p. 35 (1853) ; t. lxvi, p. 203 (1854) ; t. lxxxiv, p. 323 (1857) ; t. cv, p. 210 (1859) ; t. cvii, p. 156 (1860) ; t. c, p. 97 ; J.-C. Rrunet, Man. du libraire, p. 887, Paris, 1880 ; L. Pastor, Hist. des papes, trad. Furcy-Raynaud, t. vi, p. 204-215, 399 ; H. Hurter, Nomencl., t. iv, col. 1005 ; U. Chevalier, Rép. sourc. hist. M. A., col. 4671, Paris, 1907 ; Aug. Renaudet, Le concile gallican de Pise-Milan, Bibl. Inst. fran. de Florence, t. vii, p. 185, Paris, 1922 ; L. Buchberger, Lexikon fur théologie und Kirche, p. 605, Fribourg-en-Brisgau, 1936-1938 ; G. Truc, Léon X et son siècle, p. 12, Paris, 1941.

P. GODBFROY.