Dictionnaire de théologie catholique/VICTOR DE VITA

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 676).

VICTOR DE VITA, évêque et historien africain du ve siècle. — Nous ne connaissons à peu près rien de la vie de Victor de Vita, sous le nom de qui a été conservée une Historia persecutionis africanæ provincise. La persécution dont il s’agit est celle qui ravagea l’Église d’Afrique sous les règnes des rois vandales Genséric (428-477) et Hunéric (477-484). L’auteur du récit qui fait appel au souvenir et au témoignage des autres pour raconter les événements du règne de Genséric rapporte au contraire, avec des détails beaucoup plus précis et beaucoup plus circonstanciés, ceux du règne de Hunéric dont il a été le témoin oculaire. Il marque, dès le début, qu’il écrit au cours de la soixantième année depuis l’invasion des Vandales : sexagesimus mine, ut clarum est, agitur annus, ex eo quo populus ille crudelis ac sœvus Vandalicse gentis Africæ miserabiliter attigit fines. Si l’on place en 428 ou en 429 le point de départ des invasions vandales, on pourra conclure que l’Histoire de la persécution elle-même a été composée ou tout au moins publiée vers 488 ou 489 ; mais cette date peut être approximative, car Victor, dans le passage cité, semble employer un chiffre rond pour retenir l’attention du lecteur. En toute hypothèse, on peut être assuré que Victor était évêque de Vita en Byzacène dès avant 484, car il est mentionné, dans la Notitia provinciarum et civilatum Africæ, parmi les évêques invités par Hunéric à prendre part au concile de Carthage le 1 er février de cette année-là ; mais il ne dut pas se rendre à cette invitation, puisqu’à côté de son nom figure l’indication : non occurrit. Sans doute avait-il été élevé à cette dignité en 480, lorsque saint Eugène fut choisi pour occuper le siège épiscopal de Carthage : on a supposé non sans vraisemblance qu’il faisait alors partie du clergé carthaginois et que peut-être même il était né à Carthage, bien que Certains manuscrits le présentent comme originaire rie Vita. Les renseignements nous font complètement défaut sur le sort ultérieur de Victor, sur ses dernières années et sur sa mort. En définitive, ce n’est guère que par son livre que nous le connaissons un tant soit peu.

L’Histoire de la persécution vandale, que les anciennes éditions divisaient à tort en cinq livres, n’en comprend en réalité que trois : le 1. I rappelle la persécution de Genséric ; les deux derniers sont consacrés à celle d’Hunéric. Victor se montre, surtout dans ces derniers livres, soucieux de citer des documents : on lui doit ainsi la conservation de l’édit d’Hunéric prescrivant de laisser toute liberté de prédication aux évêques ariens ; l’ordonnance préparatoire à la conférence de Carthage en 484 ; la confession de foi présentée au roi par Eugène de Carthage et ses collègues catholiques ; le second édit d’Hunéric contre les catholiques. Ces documents qu’on ne trouve pas ailleurs sont fies plus précieux. Au reste. l’historien est bien Informé ; pour les faits qu’il ne connaît que par ouï-dire, il se rapporte a des témoignages fidèles ; et, lorsqu’il arrive au récit des faits les plus récents, il dit simplement ce qu’il a vu et entendu lui-même. Naturellement, il croit au merveilleux el n’hésite pas. le cas échéant, à rapporter des miracles, mais il prend soin de les garantir par l’autorité de ceux qui y ont assisté ou par la sienne propre s’il les connaît directement. Il raconte volontiers des scènes atroces avec un dur réalisme, tellement qu’on serait parfois tenté de l’accuser d’exa gérât ion. En réalité, il mérite créance et rien ne nous

autorise à croire que les Vandales n’aient pas employé, pour essayer de vaincre l’héroïque résistance des catholiques, les moyens barbares, les tortures effrayantes ou les supplices raffinés dont parie l’évêque de Vita. Aussi les historiens sont-ils d’accord pour reconnaître une importance de premier ordre à son ouvrage. Les théologiens ont sans doute moins de raisons pour s’y arrêter : ils y trouvent cependant d’importants enseignements sur l’arianisme des Vandales, et la profession de foi des évêques catholiques d’Afrique mérite de retenir leur attention.

Le récit de Victor s’achève avant d’avoir raconté la mort de Hunéric, ce qui a permis de supposer que, s’il a été publié plus tard, il a pu être rédigé au milieu même des événements. Lin dernier chapitre, qui est regardé comme inauthentique, rappelle cette mort et celle de l’apostat Nicasius, en les présentant sous leurs aspects les plus horribles. À l’histoire de la persécution vandale, manuscrits et éditions joignent une Passio seplem monachorum, qui est le récit du martyre de sept moines, appartenant à un même monastère : Victor lui-même parle de ces moines dans son Histoire, III, 41. Il est vraisemblable que la Passio a été rédigée plus tard, d’après les données de l’Histoire, développées et embellies par l’imagination.

La première édition de l’Historia persecutionis vandalicæ est due à Jehan Petit (Janus Parvus), Paris, vers 1500. La P. L., t. i. iii, col. 180-216, reproduit l’édition de Ruinait, Paris, 1694, avec les dissertations de Chifîlet, Sirmond, Liron, Huinart. Deux éditions récentes sont dues l’une à C. llalm dans Mon. Germ. hist., Auet. antiq., t. m a, Berlin, 1879 ; l’autre à M. Petschenlg, dans le Corpus de Vienne, t. viii, 1881, cf. M. Petschenig, Die handschriftliche Ueberlieferung des Victor non Vita, dans les Sitzungsberichte iler kais. Akad. der Wissensch., Philol.hist. KL, I. xevi, Vienne, 1880, p. 637-732. Une traduction française est donnée par ilnm 11. Lcclercq, dans Les martyrs, t. iii, Paris, 1901, p. 3 18-407.

Voir encore P. Kerrère, De Victoris Vitensis libro qui inscrilitur Historia persecutionis Africaine prcr.in : i<r, historica et philologica commentatio, Paris, 1898 ; du même, Lexique et style de Victor de Vita, contribution (i l’étude du latin d’Afrique, dans Revue de philologie, t. xxv, 1901, p. 110-12.") ; 320-336 ; A Schœnfclder, De Victore Vitensi episcopo, Brestau, 1899 ;  !.. Duchesne, Histoire ancienne de l’Église, Paris, 1910, I. iii, p. 625-645 ; G. Ghedini, Le clausole rithmiche nella Historia persecutionis Africaine provincise di Victor di Vita, .Milan, 1927.

G. Bardv.