Dictionnaire de théologie catholique/VERSIONS DE LA BIBLE II. Versions anciennes du Nouveau Testament

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 598-599).

II. Versions anciennes du Nouveau Testament.

Pour la critique textuelle du Nouveau Testament l’importance de ces versions anciennes est capitale, lui premier lieu se pose la question des passages dits deutérocanoniques du Nouveau Testament. Cf. ici, art. Testament, col. 102. Ils manquent, en effet, dans plusieurs de ces versions. Mais ce n’est là qu’un des aspects, encore que fort important au point de vue théologique, de la critique textuelle. Tout aussi capitale est la question que pose le texte grec actuel, dit Textus receplus, cf. art. I i si mf nt, col. 192, dont toutes les études récentes montrent à l’évidence qu’il est une composition artificielle et sans valeur. Que lui substituera-t-on ? I.a critique contemporaine paraît se mettre d’accord sur la reconnaissance de diverses recensions, elles-mêmes déjà très anciennes, et entre lesquelles il faudrait choisir. Le I’. I.agrange distingue : la reeensii. n harmonisante I) (dite jadis recenslon » occidentale , en dépit des nombreux textes orientaux qui la donnent) ; la recension li, représentée surtoul par le Vaticantu (B) et le Sinailicus (X) ; le texte ecclésiastique » A, fourni surtout par V Alexandrinus (A), enfin un quatrième type dit césaréen », mélange des deux textes //et I). On voit de quel intérêt l’étude « les versions peut être quand il s’agit de faire un choix judicieux entre ces diverses recensions, qui se présentent comme des entités bien délimitées.

Notre Nouveau Testament, en son état actuel, est tout grec, quoi qu’il en soil des condition ! dans les quelles a été rédigé le premier évangile. Noire Mal thieu actuel est grec d’origine. II nous reste donc à étudier, puisqu’il sera question des versions latines,

a l’art Vulgate, les versions syriaques, coptes, gothiques, arméniennes et géorgiennes. Les traductions du Nouveau Testament en hébreu sont de simples curiosités littéraires. Pour les versions arabes et slavonnes, le nécessaire a été dit ci-dessus, col. 2723 sq.

Versions syriaques. 1. Le Diatessaron (cf. art. Tatien ci-dessus, col. 61-62). —

Les chrétiens de langue syriaque n’ont d’abord connu et utilisé l’Évangile que dans cette harmonie des quatre récits canoniques que l’on appelle le Diatessaron. On est sûr maintenant que ce texte a été composé en grec ; nous ne l’avons qu’en arabe. Ainsi, le Diatessaron syriaque qui, pendant plusieurs siècles, a été le seul évangile des Syriens nous échappe donc en tant que tel ; il ne laisse pas d’être d’une importance capitale pour la critique du texte ; on y voit figurer par exemple les passages deutérocanoniques omis par le Vaticanus : la sueur de sang de Luc, xxii, 4344 ; l’ange de la piscine de Béthesda de Joa., v, 3-4 ; la finale de Marc, xvi, 9-20 ; un certain nombre de versets également qui sont omis par B (Matth., iii, 15 ; xvi, 2fc-3 ; Luc, xxiii, 34).

2. Version ancienne.

Elle se présente, en ce qui concerne les évangiles sous deux formes : la Syriaque curetonienne (Syrcur) et la Syriaque sina’itique ( Syrsin). Les rapports entre cette version ancienne et la Peschitta sont à peu près les mêmes que ceux de l’ancienne latine avec la Vulgate. C’est en somme la première traduction syriaque des « évangiles séparés » ; elle n’est pas antérieure au début du ive siècle. Dans le texte évangélique, elle est celle qui a pratiqué le plus de coupures ; non seulement il y manque les passages deutérocanoniques signalés ci-dessus, mais nombre de versets ; elle fournit un bon exemple de ce que l’on appelle le texte « occidental ». Il y a également des Actes et des Épîtres paulines une version ancienne parallèle à celle-ci ; pour les Actes, tout au moins, elle reproduit bien le type « occidental ».

3. La Peschitta.

Cette Vulgate syriaque du Nouveau Testament ne peut dater du iie siècle comme on l’a dit autrefois, mais elle ne peut non plu s être postérieure au début du Ve. On a prononcé, à propos de son auteur, le nom de Rabboula, évêque d’Hdesse au temps du concile d’Éphèse, au moins pour ce qui est des évangiles, de saint Paul et des trois grandes épîtres catholiques. Cf. ici art. Rahboula, t. xiii, col. 1625, Cette version est excellente, moins libre que l’ancienne et conforme néanmoins au génie de la langue. Ce n’est pas une simple révision de la traduction existante, mais un travail nouveau, qui aurait même en certaines parties, pour les Actes, par exemple, une réelle originalité ; en ce qu’il réagit contre les leçons « occidentales ».

4. Autres versions syriaques.

On a dit ci-dessus, col. 2721. les origines de la traduction philùxénieniu cl de la révision harkléennt qui en fut faite un siècle plus tard. Cette révision est fournie au complet par divers mss. Comme elle se rapproche du grec jusqu’à la servilité, elle permettrait donc une reconstitution du texte grec ; mais celui-ci serait fort aberrant du texte primitif.

La Syro-palestinienne, qui est loin d’être complète, présente cet intérêt, pour les évangiles, que, rédigée dans un dialecte palestinien, notablement différent rie la langue d’F.desse, elle aurait des chances de reproduire la langue même dont usait le Christ. Les critiques ont été néanmoins un peu déçus en constatant que la traduction faisait une large place aux mois grecs et même latins. Au point de vue de la critique du texte occidental ». ils ont constaté aussi que, dans le livre des Aeles, l’inllucnce diidit texte, si sensible au temps de saint l’.phrcm. avait disparu a l’époque OÙ fut établie celle version, c’est à-dire a la première moitié du v siècle. ° Versions coptes.

Les deux versions bohaïrique et sahidique sont maintenant bien connues et publiées au complet. Qu’il s’agisse des évangiles, des Actes, des épîtres paulines et catholiques, elles ont toutes deux le même caractère : c’est une traduction littérale d’un texte étroitement apparenté à celui du Vaticanus et à la recension H dont ce ms. donne un bon type. La sahidique paraît la plus ancienne ; la bohaïrkpje a fait un effort pour se rapprocher plus étroitement du grec.

Version arménienne.

Dans la Bible arménienne publiée par J. Zohrab, la traduction du Nouveau Testament est particulièrement soignée. Il paraît évident qu’ici, plus encore que pour l’Ancien Testament, c’est du grec et non du syriaque que sont partis les traducteurs. Pour ce qui est des évangiles, la version arménienne témoigne d’une certaine indépendance : la finale deutérocanonique de Marc est fréquemment omise (on sait que c’est dans un des mss. arméniens que se trouve l’attribution de ce passage à « Ariston le presbytre » ) ; plusieurs mss. la détachent soit qu’ils la laissent à la fin de Marc, soit qu’ils la renvoient à la fin des évangiles avec d’autres passages discutés ; le texte est, d’ailleurs, toujours traité avec beaucoup de liberté. Le passage Lue., xxii, 43-44 est, lui aussi, très souvent omis. À la finale de Luc, xxiv, 53, un ms. du xiie -xme siècle ajoute un récit de l’ascension qui n’a pas d'équivalent dans le grec. La péricope de la femme adultère, Joa., vii, 53-vnr, 11, est omise par plusieurs mss. ; la plupart l’ont, mais la placent en appendice à saint Jean ; un petit nombre enfin l’ont dans le texte même, mais dans une recension assez divergente. En somme, dans l'Église arménienne le récit en question ne faisait pas partie des évangiles au même titre que le reste de la matière évangélique. Pour les Actes, le texte présente les mêmes caractères que dans les évangiles ; sans offrir de relations particulières avec l’ancienne syriaque, il se rapproche beaucoup du type B, tout en contenant quelques leçons « occidentales » et certains détails du texte antiochien. Les Épîtres donneraient lieu aux mêmes remarques. L’Apocalypse n’a pas été admise dans le canon arménien avant le xiir 3 siècle ; aussi les mss. fournissent-ils de multiples recensions fort différentes les unes des autres, ce qui n’empêche pas la traduction d'être ancienne.

Venue de l’arménien, la version géorgienne constitue un des meilleurs témoins du type césaréen, mélange de B et de D.

Versions gothiques.

Celle du Nouveau Testament est infiniment mieux conservée que celle de l’Ancien. S’il ne reste rien des Actes, et seulement des morceaux, d’ailleurs assez considérables, des épîtres paulines, par contre les évangiles, sauf le premier, sont assez bien conservés : Marc est presque complet, il manque peu de choses dans Luc et Jean. La plus grande partie des textes conservés se trouve dans le Codex argenteus, d’Upsal, qui a été reproduit photographiquement. Cette version est d’une grande littéralité, rendant presque le grec, sur lequel elle a été faite, de verbo ad verbum et traduisant toujours le même mot de la même manière. Le texte suivi, comme il fallait s’y attendre, est celui de Constantinople, représenté pour les évangiles par VAlexandrinus et aussi par les citations de saint Jean Chrysostome. L’intérêt de la version gothique serait justement qu’elle fournit le témoin le plus ancien de ce texte. Il faut observer cependant que le texte donné par le Codex argenteus a toutes chances d’avoir été fortement revisé, et non point d’après le grec, mais d’après le latin ; c’est le latin qui aurait introduit dans la version gothique un certain nombre de leçons i occidentales ». Cette révision se placerait de très bonne heure, au plus tard au début du Ve siècle. Les mêmes conclusions se dégagent de l'étude des textes pauliniens, où se retrouvent les mêmes leçons que dans Jean Chrystostome. On a donc affaire avec un texte antiochien, qu’il serait intéressant de dégager des retouches latines qu’il a subies.

Outre les renseignements procurés par Nestlé dans l’article cité plus haut, on a utilisé principalement M.-.J. Lagrange, Critique textuelle, II. La critique rationnelle, Paris, 1935 (dans la série Études bibliques). On y trouvera mentionnées les diverses éditions des versions passées en revue et qui sont toutes à l’intention des spécialistes.