Dictionnaire de théologie catholique/VERSIONS DE LA BIBLE III. Versions médiévales et modernes de la Bible

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 599-605).

III. Versions médiévales et modernes de la Bible.

On peut dire que la Bible, soit complète soit dans ses parties essentielles, a été traduite dans la plupart des langues qui se parlent et se sont parlées dans le monde. Il serait impossible de donner une idée même sommaire de cet ensemble de versions. Du moins peut-on remarquer que, de très bonne heure, on s’est préoccupé dans l'Église de mettre la parole de Dieu à la portée du plus grand nombre d’hommes. On n’a pas attendu les protestations de la Réforme (et de la Préréforme) contre l’ostracisme qui aurait interdit aux simples fidèles la lecture des saints Livres. Si, par réaction, l'Église, à partir du xvi c siècle, s’est montrée quelque peu timorée au sujet de la mise à la disposition des chrétiens ordinaires de Bibles en langue vulgaire, il serait injuste de méconnaître les efforts faits par nombre de ses fils pour faciliter l’usage des parties les plus essentielles de la littérature inspirée. Sur la question de la lecture de la Bible voir la note à la fin de l’article, col. 2738.

Les traductions latines à l’usage des savants.

Jusqu’au début du xixe siècle, le latin est demeuré la langue des savants et tout spécialement des exégètes et des théologiens. Ceux-ci éprouvèrent de bonne heure le besoin de prendre un contact aussi direct que possible avec les écrits originaux de la Bible. La connaissance de l’hébreu et du grec étant peu répandue, ils demandèrent qu’on mît à leur disposition des traductions du texte original, se rendant plus ou moins obscurément compte que la Vulgate latine, en dépit de ses réelles qualités, n’en constituait qu’une approximation. Nicolas de Lyre († 1349) se rend compte de la nécessité de recourir au texte hébreu de l’Ancien Testament ; cf. ici, t. ix, col. 1413 sq., et il ne s’en prive pas dans ses Postules. Raymond Martin, cf. ici, t. viii, col. 1889, dans la préface de son Pilgio fidei avait déclaré, avant Nicolas, qu’il voulait dans ses controverses avec les Juifs, traduire directement d’après l’hébreu les textes sacrés. Le cardinal anglais, Adam Easton († 1397) passe pour avoir travaillé à une traduction nouvelle de l’Ancien Testament sur le texte original ; mais cette œuvre, si tant est qu’elle ait été réalisée, est entièrement perdue.

L'éveil de l’humanisme, au xv c siècle, va accentuer le besoin des savants : le pape Nicolas V encourage Giatmezo Manetti à faire sur les textes originaux, une traduction complète de la Bible ; cf. J. Guiraud, L'Église et les origines de la Renaissance. 2e édit., 1912, p. 246 sq. Seuls furent traduits le Psautier et le Nouveau Testament ; ces deux traductions se sont d’ailleurs perdues.

La Réforme en inspirant pour le texte scripturaire une véritable superstition, en montrant son dédain pour la tradition, en exigeant le retour aux « sources pures » de la parole divine, ne pouvait que développer les efforts faits antérieurement. Presque tous les réformateurs ont à leur compte des traductions latines, très partielles en général, des textes bibliques

originaux ; Mélanchthon donne les Proverbes, en 1524 ; Luther, le Deutéronome, en 1525 ; Zwingle, Isaïe, Jérémie, le Psautier, les Proverbes, l’Ecclésiaste, le Cantique ; Œcolampade, les grands Prophètes en 1526 ; Calvin, le Psautier, en 1557 ; et bien d’autres. Mais les catholiques ne restent pas en arrière : le dominicain Sanctes Pagninus (| 1547) avait commencé, dès 1493, une traduction complète de toute la Bible sur les textes originaux ; son travail parut en 1528, dédié au pape Clément VIII. Assez médiocre, car l’auteur ne savait très bien ni l’hébreu, ni le grec, sa traduction était d’une excessive littéralité. À cause de cela peut-être, elle connut un très grand succès. C’est d’elle que partit Michel Servet (1542) ; c’est elle qu’utilisa Robert Estienne pour ce qui est de l’Ancien Testament, empruntant à Théodore de Bèze la traduction du Nouveau. Contemporaine ou presque était l’entreprise de Cajétan († 1534), qui, ne sachant lui-même ni l’hébreu, ni le grec, faisait établir et imprimer pour ses commentaires, en parallèle avec la Vulgate, une traduction latine des textes originaux, littérale jusqu’à la barbarie. Les premiers essais parurent en 1530 ; le tout fut plus tard réuni en cinq volumes, Lyon, 1639. La tradition ne se perdit pas complètement dans l’ordre dominicain. En 1650 paraissait la version de Théodore Malvenda († 1628), elle aussi d’une excessive littéralité. Pour en finir avec les travaux des catholiques, signalons enfin la Biblia hebraica cum nolis crilicis et vcrsione latina, que publia à Paris, de 1743 à 1754, l’oratorien Ch.-F. Houbiganl, et qui a des caractères assez spéciaux. Il faut reconnaître néanmoins que c’est surtout par le soin des érudits protestants que se multiplièrent aux xvi c et xvir 3 siècles les traductions latines des textes bibliques originaux. Il faut signaler au moins celle du grand hébraïsant que fut Sébastien Munster de Pâle, qui l’ajouta à son édition du texte de l’Ancien Testament (1534-1535) ; celle de Léon Jude († 1542), un collaborateur de Zwingle, dont le travail parut à Zurich l’année qui suivit sa mort ; cette Biblia Tigurensis a donné lieu à de violentes attaques de la part des catholiques ; travail soigné, pourtant, et qui vise moins à rendre le mot à mot que le sens général, elle a eu de nombreuses réimpressions ; cille de Sébastien Castellion, auteur également d’une traduction française de la Bible ; commencée en 1542, l’œuvre était terminée en 1551 ; on lui reprocha beaucoup, même dans le monde calviniste, son souci de rendre en latin classique lis expressions que l’on trouvait dans la Vulgate en langage ecclésiastique. Au xvir 3 siècle, Sébastien Srlimid de Strasbourg travaille pendant quarante ans à fournir une traduction fidèle à la fois et lisible qui parut en 1696 et qui est une vraie réussite. Après s’être multipliées au cours des xvi, xvir et xvin p siècles, surtout grâce aux Polyglottes, les’traductions latines de la Bible, s’arrêtent brusquement au début du xix-siècle ; aussi bien elles ne sont plus dès lors nécessaires, le latin n’étant plus la langue commune de tous les éniditS.

A côté de ces traductions qui comprennent d’ordinaire les deux Testaments, il faut mentionner celles qui ne donnent que le Nouveau. Beaucoup sont dans la dépendance plus ou moins directe fin N. T. latin d’Erasme, paru pour la première fois en 1516 el dédié au pape Léon X : cette dédicace ne mil pas pour autant le traducteur a l’abri de vives attaques. On remarquera que c’est seulement dans l’édition de 1527 qu’était donnée, d’après un ms. grec récent, la traduction du verset des trois témoins célestes >, t Joa., v. 7. nr cul ait unsii calumntandl, ajoutait prudemment le traducteur. Non moins célèbre que celle d’Érasme devait être celle de Théodore « le i

uni. lil ilil’ol, . i ; i uni.

en 1556, qui s’efforçait de rester fidèle à la terminologie de la Vulgate.

Versions allemandes.

C’est dans les pays de langue germanique que se fit le plus tôt sentir le besoin d’une traduction de l’Écriture dans la langue populaire. Dès le viiie s., il y eut des mss. bilingues, latins et allemands, dont il subsiste quelques vestiges. Chose curieuse, l’harmonie évangélique de Tatien eut, dès le ixe s., une traduction germanique. Parmi les grands noms de la renaissance carolingienne, Strabon et Raban Maur sont signalés comme des traducteurs de l’Écriture ; de Notker Labeo, cf. ici t. xi, col. 806 sq., il nous reste encore un Psautier. On connaît aussi des traductions interlinéaires du Psautier faites au xiie s. ; enfin une traduction, qui vaut d’être signalée, du « Psautier hébraïque » de saint Jérôme.

Avec le xve siècle et l’invention de l’imprimerie, les Bibles allemandes allaient se multiplier. Entre 1466 et 1521, W. Walther, l’historien des versions allemandes de la Bible, énumère 202 mss. et 18 éditions imprimées de la Bible au complet, sans compter 22 éditions du Psautier. La première Bible allemande imprimée le fut à Strasbourg, par J. Mentel en 1466 ; peut-être à Mayence dès 1462. Son texte traduisait directement la Vulgate, sans recourir à l’hébreu ni au grec ; cette édition et celles qui suivirent rapidement reproduisaient en somme des traductions plus anciennes au moins d’un siècle et qui, peut-être, — mais la chose est contestée — supposaient l’antique traduction des vaudois, chez lesquels la lecture de l’Écriture sainte était spécialement en honneur. En tout état de cause, le nombre des Bibles allemandes, manuscrites et imprimées, en circulation avant Luther, montre que les plaintes des réformateurs sur l’ignorance de la parole de Dieu où l’Église laissait les non-savants sont au moins exagérées. Avant la diffusion de la Bible de Luther, on lisait depuis longtemps la sainte Écriture dans les pays de langue allemande.

Il n’empêche que la Bible allemande de Luther fut un coup de maître et une parfaite réussite, cf. ici art. Luther, t. ix, col. 1299. Après avoir commencé par des traductions de passages assez brefs, Luther, dès 1521, conçoit l’idée de mettre à la portée de tous, traduit sur les textes originaux, l’ensemble de l’Écriture. Le N. T. paraît dès 1522, le Pentateuque en 1523, les hagiographies en 1524, les prophètes en 1532 seulement, et les « apocryphes » (c.-à-d. nos deutérocanoniques) en 1529. Les éditions se multiplièrent très vite, il y en eut dix du vivant même de Luther et la diffusion fut vraiment extraordinaire. Ce succès était dû aux qualités incontestables du travail : fidélité au texte original, mais sans servilité — Luther ne s’interdisait pas de consulter la Vulgate et les Septante langue ferme à la fois et populaire. On a souvent dit que la Bible de Luther avait en, pour l’unification de la langue écrite, en Allemagne, une importance que l’on ne saurait minimiser. Que Luther ait ou non utilisé les vieilles traductions, peu importe. L’essentiel est qu’il créa vraiment une Bible allemande qui, bien que très vieillie aujourd’hui, est encore à la base du protestantisme germanique. Bien dis fois au cours des siècles suivants on a essayé de la reviser ; bien des traductions Indépendantes ont vu le jour, la Bible de Luther, légèrement modernisée, garde encore une grande partie de son prestige.

I ms son apparition, elle avait été violemment critiquée par les catholiques ; ceux-ci se devaient de lui opposer quelque chose. En 1527, Jérôme Emser donnait à Dresde un N. T., qui. au fond, conservait la traduction de Luther avec quelques corrections 739

d’après la Vulgate. En 1537, Jean Eck faisait paraître à ïngolstadl une Bible complète, qui empruntait pour le N. T. l’édition d’Eiîiser et reproduisait pour l’A. T. la vieille édition d’Augsbourg ; de l’une et de l’autre la langue était assez misérable. On dira la même chose de l’édition, procurée en 1534 à Mayence par le dominicain J. Dietenberger, d’une langue rude et parfois difficile à saisir. Puis il faut attendre un siècle pour voir paraître en 1662 la Bible préparée par les théologiens de Mayence, qui témoigne d’un réel effort pour être une Bible catholique, en dépit de ce qu’elle doit aux traductions précédentes ; partant à peu près exclusivement de la Vulgate sixto-clémentine, elle faisait effort vers la littéralité, sans tomber dans le servilisme. C’est le même caractère qu’il faut reconnaître aux Bibles catholiques allemandes du xviiie s. et du commencement du xixe s., dont la plus connue est celle de Jos.-Fr. Allioli, Landshut, 1838.

Il faut ajouter à ces « Bibles » les nombreuses traductions allemandes jointes, depuis le xixe s., aux commentaires bibliques des divers livres. Ce n’est pas ici le lieu de rappeler ces grandes entreprises soit des protestants, soit des catholiques. Mentionnons tout au moins, dans les milieux protestants, la très belle et si utile publication parue sous la direction de E. Kautzsch, et, chez les catholiques, la Bible dite de Bonn, à peu près terminée aujourd’hui.

Versions en langues romanes.

Dans les pays de l’empire carolingien où dominait la langue romane, la Bible latine était à peu près aussi inintelligible pour l’ensemble des fidèles que dans les régions de langue germanique. Les capitulaires et les ordonnances synodales, dès le viiie siècle, prescrivent au clergé de faire, après la lecture liturgique des péricopes scripturaires, une courte explication de celles-ci dans la langue du peuple. Mais de là à conclure qu’il y eut, dès le ixe s., en la possession des clercs, des traductions partielles ou totales de l’Écriture, il y a loin. Encore qu’assez superficielle, la connaissance du latin dans le clergé était suffisante pour lui permettre de donner des textes liturgiques une glose en langue romane.

1. Traductions françaises.

Il semble que, pour les traductions françaises, il faille attendre jusqu’au début du xiie s. On connaît à cette date une double traduction du Psautier, interlinéaire, faite l’une sur le Psautier hébraïque de saint Jérôme, l’autre sur le Psautier gallican. La première semble en provenance d’un couvent anglais et d’un disciple de Lanfranc ; la seconde est aussi en français-normand. Elle eut une vogue extraordinaire dont témoigne le nombre considérable des mss. qui se sont conservés. Un demisiècle plus tard, encore en terre normande, apparaît une traduction de l’Apocalypse, puis des quatre livres des Rois. Bientôt, d’ailleurs, c’est dans toute la France que surgissent des versions de l’Écriture ; leur ensemble forme toute une littérature. Quand en 1170 Pierre Waldo, voir ci-dessus l’art. Vaudois, entreprend de rendre la Bible accessible à tous, il a devant lui de nombreux modèles ; les prohibitions faites par l’Église n’arrêtent pas l’engouement pour la Bible en langue vulgaire. Sous saint Louis, la France avait une traduction à peu près complète de l’Écriture. On pouvait se la procurer chez les libraires officiels de l’université de Paris. C’est d’ailleurs par un détour assez curieux que cette traduction se réalisa. La Bible française dérive en droite ligne de VHistoria scolastica de Pierre Comestor, voir ici t.xii, col. 1919 sq. Rédigée en latin au dernier tiers du xii c s., et ne donnant d’aileurs que les passages proprement historiques de l’un et l’autre Testament, cette « histoire sainte » était traduite un siècle plus tard par Guyart des Moulins, qui ne se contenta pas de traduire des livres historiques de l’A. et du N. T. ordonnés par Comestor. niais leur adjoignit la traduction de plusieurs autres livres sacrés, en sorte qu’il donna vraiment la première Bible française. Elle fut complétée aux xiiie et xive siècles, par la traduction des autres parties des écritures canoniques. Ainsi cette « Bible historiale » de Guyart prit peu à peu son allure définitive ; elle sera répandue largement par l’imprimerie, l rc édit. à Paris, 2 in-fol., 1487. C’est ce qu’on appela un peu plus tard la « grande Bible », pour la distinguer de la Bible pour les simples gens ».

Quand éclata le mouvement de la Réforme, la Bible se trouvait donc déjà répandue en France. Dans les milieux humanistes, plus ou moins touchés par l’esprit nouveau, on se préoccupa néanmoins de fournir une traduction moins vieillotte et serrant de plus près le texte original. En 1523 est éditée une version du N. T., à quoi s’ajoute, la même année, le Psautier, et, en 1528, l’ensemble de l’A. T. En 1530 paraît à Anvers La saincie Bible en françoys translatée selon la pure et entière traduction de saincl Hiérosme. Nul doute qu’elle ne soit l’œuvre du célèbre humaniste français Lefèvre d’Étaples, voir son art., t. ix, surtout col. 145 sq. Elle paraissait d’ailleurs avec les approbations requises. L’attitude suspecte de Lefèvre empêcha finalement cette Bible de s’imposer dans les milieux catholiques. Mais, en dépit des sévérités du concile de Trente contre la lecture de la Bible en langue vulgaire, il fallait aux catholiques une version française. Elle leur fut fournie par deux Lovanistes, Nicolas de Leuze et François van Larben, qui donnèrent, en 1550, leur « Bible de Louvain », avec privilège impérial. Cette Bible circula sans encombre parmi les catholiques de langue française, bien qu’elle ne fût, atout prendre, qu’une édition soigneusement corrigée de la Bible de Lefèvre. Elle jouit d’une sorte de faveur ecclésiastique et eut de très nombreuses impressions ou rééditions. Elle disparut peu à peu sans avoir été remplacée par une autre qui ait joui d’une sorte de patronage officiel.

Les protestants français ne réalisèrent que plus tard une traduction qui s’imposât, c’est celle d’un cousin de Calvin, Pierre Robert, dit Olivétan, imprimée en Suisse dans le pays de Neuchâtel. En dépendance étroite, pour le N. T., de la version de Lefèvre, pour les « apocryphes », de la Bible d’Anvers de 1530, cette Bible d’Olivétan était une œuvre extrêmement imparfaite. Il est curieux qu’elle n’ait pu être supplantée par aucune autre. Bien des tentatives furent faites pour l’amender et les plus hautes autorités du parti calviniste y mirent la main, Calvin lui-même, Bèze, Louis Budé et d’autres Genevois. La plus célèbre refonte est celle de 1588 entreprise sous la haute direction des pasteurs de Genève ( « la vénérable compagnie » ). C’est la même compagnie qui assura les retouches successives des xviie et xviir 3 siècles, retouches d’ailleurs timides qui laissaient à peu près la langue dans son état primitif.

Les catholiques, cependant, continuaient à faire paraître des traductions au moins partielles (souvent c’était le seul N. T.). Dès 1556, un théologien de Paris, René Benoist, voir ici t. ii, col. 646, donnait une Bible française qui, pour serrer de trop près la Bible de Genève, lui attira de sérieux désagréments. Néanmoins l’œuvre, tout au moins le N. T., fut souvent réimprimée, en dépit des censures qui n’avaient pas été épargnées à l’auteur. Le siècle de Louis XIV vit paraître aussi des traductions de valeur assez diverse ; on cite celle de Jacques Corbin. en 1643, d’après la Vulgate, mais surtout la version du N. T. par l’oratorien Denis Amelote, qui

rendit la Vulgate en excellent français. On peut passer plus vite sur les travaux de Ch. Huré (1702), de dom Calmet (1707), de Nicolas le Gros (1739). Mais il faut au moins signaler le N. T. de Trévoux (1702) dont, en dépit de l’anonymat, il faut attribuer la paternité à Richard Simon. Plus importante encore est la traduction sortie des milieux jansénisants, qui, sous le nom de « Nouveau Testament » de Mons (1667), avait pour auteurs les deux frères Antoine et Louis-Isaac Le Maître de Sacy, assistés par tout l’étatmajor du parti. Plus tard, parut encore l’A. T., œuvre à peu près exclusive d’Isaac et se donnant comme une traduction de la Vulgate. Sa perfection littéraire et l’heureuse combinaison de la traduction directe et de la paraphrase lui assurèrent un long succès, non seulement dans les milieux catholiques, malgré les nombreuses censures dont elle fut l’objet, mais chez les protestants mêmes. Il faut encore signaler parmi les traductions ultérieures celle d’Eug. Genoude, voir ici l’art. Genou, t. vi, col. 1225. Plus récemment la traduction de Crampon, d’abord éditée comme accompagnant un cours complet d’Écriture sainte, puis publiée séparément, a connu un très grand et très légitime succès. Toute cette efïïorescence de Bibles catholiques en français montre que, chez nous, on a toujours interprété d’une manière assez large les défenses romaines concernant la lecture par les laïques des traductions scripturaires.

Les protestants de langue française semblent avoir été moins heureux dans leurs tentatives pour substituer au vieux texte de Genève quelque chose de plus adapté aux progrès de l’exégèse et de la linguistique. A une date très rapprochée de nous, J. F. Osterwald a fourni une Sainte Bible, souvent réimprimée ; L. Segond a donné une traduction sur les textes originaux qui mérite d’être signalée ; de même la Bible dite du centenaire, qui, malgré son format un peu embarrassant, représente un heureux effort dans le sens d’une traduction scientifique de l’Ecriture.

En France, comme en Allemagne, il y a lieu également de tenir compte des traductions partielles réalisées dans des commentaires bibliques plus ou moins complets. Des œuvres comme celles du protestant Edouard Reuss, au milieu du xix c siècle, ou comme les Études bibliques plus récentes des Pères dominicains fournissent ainsi d’excellentes traductions.

2. Traductions en langue d’oc.

Il est très difficile de savoir jusqu’à quel point les auteurs du mouvement vaudois sont responsables des traductions en langue d’oc du N. T., qui existent encore aujourd’hui en divers manuscrits. Tel de ces mss. (celui de Zurich), que l’on mettait au xiie siècle, provient seulement du xvr », bien que son texte puisse remonter, dans sa forme primitive, à une date beaucoup plus ancienne.

A côté de ces traductions vaudoises, il en existe en provenance des cathares ; l’une d’elles contient à la fin une liturgie de la secte, encore que l’on ne puisse révéler dans le texte biblique la moindre trace d’hérésie. Il y a encore deux autres traductions provençales du N. T., dont l’une témoigne qu’elle est linon d’origine vaudoise, du moins qu’elle était en usage dans les milieux en question,

3. Traductions italiennes.

La tradition suivant laquelle Jacques de Voragine († 1208), l’auteur de la Légende dor/c. aurait ((imposé une Bible italienne ne peut /tic qu’une légende. Les bibliothèques italiennes ne connaissent aucun ms. italien de la Bible antérieur au xiv siècle ; mais il y avait Certainement des traductions au xiii*. Ces Bibles ne reposent directement sur la Vulgate, mais sur des traductions françaises ou provençales. Ce sont ces traductions qui sont au point de départ des premières impressions du xve siècle et même, plus ou moins retouchées, à la base de l’édition d’Ant. Bruccioli en 1532. Puis, pendant de très longues années, la Bible cesse d’être mise par les catholiques à la disposition des Italiens. Il faut attendre le mouvement janséniste dans la péninsule, pour voir paraître à Turin en 1776, une Bible italienne, par les soins de l’archevêque de Florence, Antoine Martini. Cette Bible a été finalement rééditée, en 1889, par une librairie catholique de Milan.

Les protestants n’étaient pas demeurés inactifs ; les Italiens réfugiés à Genève traduisent le N. T. du grec et, pour l’A., se contentent de reviser la traduction de Bruccioli ; on eut ainsi, en 1562, la première Bible protestante italienne ; elle fut remplacée, en 1607, par celle de J. Diodati de Lucques, un des meilleurs travaux, paraît-il, qu’ait produits la Réforme et qui est encore répandu aujourd’hui.

4. Traductions espagnoles.

Il faut distinguer les versions catalanes des castillanes. Pour les premières, les mss. abondent, qui présentent des parties de l’Écriture, entre autres le N. T. et le Psautier. Mais il est impossible de prouver que le dominicain Romeu Sabruguera de Majorque († 1313) ait travaillé à une traduction complète de la Bible. En tout état de cause, la plus grande partie des versions catalanes remontent soit à la Vulgate, soit à la traduction française du xiiie siècle ; mais c’est de beaucoup cette dernière traduction qui a eu le plus d’influence. On est moins au clair sur la question des incunables. Les bibliographies signalent une Bible imprimée à Valence en 1478, en « limousin », dont on fait remonter la traduction à un chartreux, dom Boniface Ferrer († 1417), cf. ici t. v, col. 1279 ; mais on n’en connaît pas d’exemplaire imprimé.

L’histoire des versions castillanes est encore plus obscure. Il faut arriver au xve siècle pour trouver des données certaines, à savoir la traduction de l’A. T., à partir de l’hébreu, par la collaboration de Juifs, baptisés ou non, et de frères mineurs. L’initiative de cette entreprise remonte à don Luis de Gusman, grand-maître de l’ordre de Calatrava (1422).

La Réforme n’eut guère d’action en Espagne ; plusieurs traductions espagnoles furent néanmoins éditées, mais toutes en dehors du pays, à Anvers, à Genève, à Bàle ; elles curent beaucoup de mal à franchir la frontière. C’est seulement à la fin du xviii c siècle que l’Espagne reçut d’un ecclésiastique catholique, Philippe Scio de San-Miguel, une Bible complète d’après la Vulgate, Valence, 1790. Chose à noter, c’est cette traduction qu’a reprise, au xixe siècle, la propagande biblique protestante.

Versions bibliques dans les pays anglo-saxons.

Abstraction faite des poèmes bibliques attribués à tort à l’anglo-saxon Cædmon et dont nous ne savons quasi rien, abstraction faite encore d’une traduction de saint Jean, qui est la dernière œuvre de Bède (f 26 mai 735), ce sont les Psaumes qui, ici encore, paraissent avoir été traduits les premiers par un inconnu, après 778. Il ne semble pas que, dans son entreprise de doter son royaume d’une littérature eu anglo-saxon le roi Alfred († 899) ait fait place à une traduction même partielle de l’Écriture. C’est pourtant au IXe siècle que fut faite une traduction des évangiles et un peu plus tard une glose interlinéaire des Psaumes et (les évangiles. Ln siècle après, en 997 998, l’infatigable traducteur anglo-saxon, Aelfrie (t fin du x p siècle), traduisait le Pentalcuque et Josué.

Il faut arriver jusqu’à Wlclef (1324-1384) pour trouver une Bible complète en anglais, à qui 1rs disciples du novateur s’efforcèrent de donner la plus

large diffusion..Mais mal accueillie, et pour cause, par le clergé, elle ne put, après l’invention de l’imprimerie, trouver un éditeur. C’est seulement en 17 : il qu’elle sera impriméel On sait que, malgré sa sécession d’avec

Home, Henri V 1 1 1 se montra Longtemps hostile aux idées nouvelles ; la prohibition de lire la Bible en langue vulgaire persista quelque temps. Quand William Tyndal († 1536) eut fait imprimer à Cologne et à Worms, en 1524, le N. T. qu’il avait traduit sur le texte original, il y eut des condamnations sévères, qui atteignirent cette traduction et bientôt ses lecteurs (152(5). C’est seulement en 1535 que fut achevée l’impression d’une version complète de l’Écriture qui devait beaucoup aux travaux de Tyndal et qui fut la première Bible anglaise. Cependant aux dernières années du roi, l’Angleterre évoluait de plus en plus dans le sens de la Réforme. Sous les auspices de Thomas Cromwell et de l’archevêque Cranmer, assistés d’une commission de prélats et de savants, on commença la publication de la Grande Bible, qui parut à Londres en avril 1539 ; la 2e édition, 1540, porte que cette traduction est officiellement destinée à l’usage des Églises : apoynled lo the use oj the Churches. Le Psautier de cette Bible est resté au Prayer-Book et sert encore à l’usage liturgique. Quant à la Grande Bible, Parker en 1563 en donnait une édition revue, que l’on appella la Bishops Bible. Mais cette révision parut vite insuffisante. Dès 1604, Jacques I er créait une commission imposante pour revoir la Bible de Parker. Après des années de travail parut enfin la nouvelle édition ; c’est celle qui est appelée the authorized version (encore qu’elle ne semble pas avoir jamais été autorisée officiellement). C’est d’ailleurs une excellente traduction, à la fois claire et populaire ; elle a beaucoup contribué à créer ce style liturgique et ecclésiastique anglican que l’on ne peut s’empêcher d’admirer. En dépit de ses qualités la Version du roi Jacques, appointed lo be read in the Churches, ne se fraya son chemin que lentement, pénétrant d’abord, pour ce qui était des péricopes scripturaires, dans le Prayer-Book. C’est cette Bible autorisée, qu’en 1870, sur l’initiative de l’évêque de Winchester, Samuel W’ilberforce, on se décida à soumettre à une révision à laquelle participèrent de nombreux savants, soit en Angleterre, soit en Amérique. On avait fait place dans cette commission à des membres de « dénominations » dissidentes. Ces sortes de révision ne satisfont jamais tout le monde et la Bible révisée qui parut en mai 1881 donna lieu à d’assez vives discussions. Cette opposition n’empêcha pas cette édition de pénétrer dans l’usage ecclésiastique ; elle y supplanta finalement la version autorisée.

Dès le xviie siècle, les catholiques anglais réfugiés sur le continent avaient, en 1610, une version anglaise de l’A. T., Douai, 1609, 1610 ; elle avait été précédée d’un N. T., paru à Reims en 1582.

Nous devons nous contenter ici de signaler l’eiïort fait, à la fin du xviiie siècle, par les protestants de langue anglaise pour donner à la lecture de la Bible la plus large diffusion. C’est en Angleterre que se forment les premières Sociétés bibliques, qui se proposent comme but de faire connaître et lire la Bible par le plus de chrétiens possible. C’est d’Angleterre que les Sociétés bibliques ont essaimé sur le continent en Allemagne, en France, dans la monarchie austrohongroise et, au moins à certains moments, jusqu’en Russie. L’Église catholique a toujours vu d’un assez mauvais œil ces tentatives et, à diverses reprises, les papes ont dû gourmander certains fidèles qui, dans leur zèle pour répandre la Parole de Dieu, avaient donné leurs noms à ces sociétés, des évêques mêmes qui avaient un peu indiscrètement fait de la propagande pour une lecture plus assidue de la Bible. Cette suspicion ne provenait pas seulement du caractère confessionnel des groupements en question. Il a semblé à l’Église que livrer à tout venant, sans autre précaution, la lecture de la Bible n’était pas le moyen de faire de vrais chrétiens. Dans des milieux très neutres et dégagés de tout préjugé confessionnel, on s’est posé la même question. Bref, l’immense effort financier déployé par les sociétés bibliques ne paraît pas avoir donné, au point de vue chrétien, de résultats particulièrement heureux. Ceci dit, il faut reconnaître que le zèle à répandre flans les langues les plus diverses la connaissance de l’Écriture a produit, au point de vue technique, de remarquables réussites. Si l’on peut, à l’heure présente, lire la Bible dans les idiomes les plus variés, s’il n’est guère de langue actuellement parlée sur le globe qui n’ait sa traduction au moins partielle de l’Écriture, on le doit en grande partie aux Sociétés bibliques, fl est plus d’un cas où des catholiques dans l’embarras se sauvent par l’appel à telle ou telle de ces traductions. Ajoutons d’ailleurs qu’à plusieurs reprises les Sociétés en question se sont contentées de reproduire telles quelles des traductions catholiques du passé, jugées par elles suffisamment au point. Cependant, l’exclusive absolue dont les éditions en cause ont frappé les « apocryphes », c’est-à-dire les deutérocanoniques de l’A. T., a été fort sévèrement jugée, même dans les milieux protestants.

Versions néerlandaises.

Les Pays-Bas avaient connu dès le début du xive siècle une traduction de la Bible qui n’était pas sans analogie avec « l’Histoire scolastique », ci-dessus, col. 2731 ; c’est elle qui fut imprimée en 1477 sans le Psautier, ni le N. T., sous le nom de Bible de Delft ; une traduction du Psautier parut en 1480. Quant aux évangiles, il y en avait des versions néerlandaises depuis le début du xive siècle. Ces traductions diverses devaient aboutir à l’impression d’une Bible proprement dite, Anvers, 1513. En 1524 paraît à Delft une version du texte érasmien du N. T.

.Mais déjà la Réforme était déclenchée ; dès 1522 paraissait une traduction du N. T. de Luther ; l’A. T. suivait rapidement ; en 1526, la Bible luthérienne était complète. On sait que dans les Pays-Bas les protestants se scindèrent très vite en des groupes distincts et souvent hostiles : luthériens, réformés, mennonites, remontrants. Chacune de ces Églises voulut avoir sa Bible. La plus remarquable est celle qui fut établie à l’intention des « remontrants » et qui s’appela la Bible des États. Les États généraux de Hollande avaient décidé, en effet, en octobre 1594, qu’une traduction officielle serait faite en néerlandais, à partir de la langue originale et ils confièrent cette tâche à Philippe Marnix, le grand homme des Pays-Bas, qui s’était déjà occupé de traductions bibliques. Il se mit résolument à l’œuvre, mais il mourait à la fin de 1598. Ses travaux ne restèrent pas inutilisés ; néanmoins, l’entreprise traîna en longueur. C’est seulement en 1636 que put paraître à Leyde la Bible des États, souvent reproduite.

Les catholiques n’avaient pas attendu aussi longtemps. Le N. T. paraissait en 1539 dans une « diglotte » hollando-Iatine, et toute la Bible à Cologne en 1548. Plus tard, l’Église janséniste d’Utrecht faisait paraître, en 1732, une Bible complète en néerlandais.

Versions Scandinaves.

De tous les pays Scandinaves, c’est la Norvège, avec l’Islande qui lui était rattachée, qui eut le plus tôt une littérature nationale ; c’est dans cette langue norwégo-islandaise que fut rédigée, aux dernières années du xiiie siècle, sur l’initiative de Haakon V (1299-1319), une adaptation

de Y Histoire scolastique ; il n’est pas impossible qu’une partie de cette traduction reproduise une version antérieure de la Vulgate, du milieu de ce même siècle. Pour ce qui est du vieux-suédois, nous savons, par les œuvres de sainte Brigitte, que celle-ci s’était fait traduire la Bible en cette langue.

Vint la Réforme, qui, dans les Pays Scandinaves, s’opéra surtout par la volonté des souverains. -C’est par Christian II, exilé aux Pays-Bas depuis 1520, que le Danemark eut d’abord son N. T., Leipzig, 1524, en dépendance plus ou moins étroite de la traduction de Luther. Ce premier essai et d’autres qui suivirent furent assez mal accueillis ; c’est.seulement en 1550 que l’on eut la première Bible en danois ; traduite par Christian Pedersen († 1554), elle suit de très près la Bible de Luther ; elle resta longtemps en usage.

En Suède, ce fut Gustave Wasa qui fit le nécessaire pour doter son Église d’une Bible en langue vulgaire. A l’époque où il n’avait pas encore rompu définitivement avec le catholicisme (vers 1525), il s’adressa à l’archevêque d’Upsala, Jean Magni, qui répartit la besogne de traduction entre différents chapitres et couvents. Ce travail n’aboutit à rien. La Bible en suédois parut à Upsala en 1540-1541 ; cette édition avait été préparée par l’archevêque Laurent Pétri († 1573) avec le concours des deux frères Olaus Pétri et Laurent Andréa, les deux grands propagateurs de la Réforme en Suède. Elle s’inspirait de très près de la traduction de Luther. Elle est devenue la Bible officielle de l’Église de Suède, non sans avoir été soumise à de multiples révisions. Pour le N. T., elle a été remplacée dans l’usage ecclésiastique par une traduction de l’archevêque d’Upsala, Sundberg, en 1882.

Autres versions en des langues européennes.

Nous ne pouvons insister sur les multiples traductions de la Bible qu’amena, dans les divers pays de l’Europe l’explosion de la Réforme. À peu près partout, on constaterait le même phénomène ; des essais plus ou moins complets de versions scripturaires existent avant le XVIe siècle, mais c’est la Réforme qui amène le développement systématique de traductions plus ou moins filles de celle de Luther, ("est le cas pour les langues celtiques (irlandais, gaélique, bas-breton), dont les versions ont paru soit au xvr siècle sous la poussées des autorités officielles protestantes, soit au xixe par l’initiative des sociétés bibliques. Dans les États baltes, il en est de même. De même encore dans les légions magyares, où il faut signaler quc, dès le xviie siècle, les catholiques eurent grâce à Pazmanv une traduction de la Bible qui fui modernisée au XIXe siècle.

La Bohême devrait retenir davantage l’attention, car la littérature tchèque du Moyen Age est extraordinairemenl riche en traductions de livres bibliques avant pour base la Vulgate ; au cours du xiv siècle, toutes les partie, de II II rit lire étaient traduites. Ainsi Jean fins († 1415) avait a sa disposition une Bible tchèque complète, et il entreprit seulement de réviser

elle ci en s’aidanl surtout de la Vulgate. C’est ce texte qui passa dans les premières impressions, Prague, 1 188, d’où dérivent les autres. Puis intervient le groupement dit l’Unité des frères >, voir ici Bohèmes (Les jréres), t. ii, col. 930 sq. Après diverses traductions du N. T. qui ne donnèrent pas satisfaction, l’Unité entreprend une traduction complète de la Bible qui est éditée de 1579 a 1598, a Kralitz, en Moravie. La réaction catholique en Bohême, au xviie siècle, fait cesser toute publication des Bibles dissidentes, c’est une Bible catholique qui les remplace et qui doit d’ailleurs beaucoup à la Bible des frères. I.a Pologne eut également, dès le xiir siècle, des traductions partielles de la Bible (le Psautier principalement), qui s’amplifient au milieu du xv c siècle et semblent d’ailleurs s’inspirer des versions tchèques. La Réforme, qui fit de grands efforts pour gagner ce pays, devait amener une activité plus grande des traducteurs. Du côté luthérien, le duc Albert de Prusse, d’accord avec Mélanchthon, fait exécuter par Jean Seclutianus († 1578) une traduction du N. T., 1551-1552. C’est du prince Nicolas Radziwill que les réformés reçurent leur version (Bible de Brest, 1563), qui sera ultérieurement remplacée par la Bible de Dantzig, 1632. Pendant ce temps, les catholiques s’efforçaient, non sans succès, de faire paraître une Bible polonaise dès 1561 ; elle sera reléguée dans l’ombre par l’excellente traduction du jésuite Jacques Wujek († 1593, à Cracovie), qui ne parut au complet qu’après la mort de celui-ci. Voir son article.

Dans les autres pays de langue slave, il faut, en général, attendre le xixe siècle et l’activité des Sociétés bibliques pour assister à l’éclosion de traductions en langue vulgaire, sauf dans les régions, comme la Slovénie, où la Réforme prit quelque importance et qui eurent leurs Bibles en langue vulgaire dès le xvi c siècle.

Les indications détaillées se trouveront soit aux divers articles du Dictionnaire de In Bible, soit dans la Protestantische Realencyclopàdie, art. Bibelùbersetzungen, t. m (il faut au moins signaler le très remarquable article de Reuss sur les traductions françaises de la Bible, mis au point par Samuel Berger), à compléter par les deux art. Bibelgesellschaften et Bibellesen und Bibelverbot, t. ii, p. G91 sq., p. Ton.

Ce dernier touche à une question qui n’a malheureusement pas été traitée ici ex professo, celle de l’attitude de l’Église (et des autorités civiles à son service) dans la question de la lecture de la Bible dans une langue autre que le latin. On verrait que l’attitude de l’Église romaine est restée très libérale même aux derniers siècles du Moyen-Age. Cela explique la multiplication, surtout à partir du xiir siècle, des traductions en langue vulgaire, tout au moins dans les pays de vieille culture Chrétienne. Cette littérature de traductions scripturaires forme une partie importante de l’histoire littéraire des peuples en question et, à ce titre, elle a attiré l’attention tles philologues pour lesquels les versions scripturaires constituent souvent les plus anciens monuments d’une langue. Même les revendications bruyantes îles sectes vaudoises, cathares, wicléfites, hussites, en faveur de la diffusion de la connaissance de la Bible, ne semblent pas avoir beaucoup troublé l’Église. Dans les divers pays touchés par ces mouvements, les catholiques continuent à traduire la sainte Écriture en leur langue et presque partout, quand l’imprimerie commence à multiplier les éditions de la Bible, on dispose de traductions eu langue vulgaire. Il faut attendre le grand mouvement de la Réforme pour que l’Église prenne conscience du danger très réel que peut constituer, à Une époque I mutilée, pour la foi des simples, la lecture sans discernement des Livres saints. L’Église romaine n’est pas la première à entrer dans la voie de la prohibition ; plusieurs ordonnances des pouvoirs civils uni précédé les Interdictions ecclésiastiques, en Angleterre par exemple, oii l’on était très attentif aux mouvements du lollardisme. Le concile de Trente semble tiraillé entre deux tendances ; cf. Michel, Les décrets du concile de Trente, p. 11, noie ; il s’en remet au pape. Paul IV en 1559 range parmi les Biblia prohihila, toute une série de Bibles latines ; il ajoute que toutes les Bibles en langue vulgaire ne peuvent ni être imprimées. ni être gardées sans une permission du Saint-( Mlicc. C’était en pratique la prohibition de la lecture des Bibles en langue vulgaire. La renie I’de l’Index publié par l’ie IV, en 1564, est un peu plus libérale, mais elle suppose toujours pour la lecture de ces Bibles une permission donner par l’Inquisition ou par l’Ordinaire, après enquête sur les dispositions de l’impétrant. En 1590, Slxte-Qulnl remplaçait ces règles par une série de 22, dont la T 1 exige a nouveau, pour la lecture de la Bible en langue vulgaire, une nouvelle et spéciale permission du Siège apostolique

Des 1596, Clément VIII écartait le règlement de Sixte27 :) !)

VERSIONS DE LA BIBLE

VERT1

2740

Quint et revenait aux dispositions de Pie IV, mais en ajoutant à la règle 4e une observation qui détruisait le peu de liberté que celle-ci laissait aux Ordinaires ; on rappelait à tous que les règles de l’Inquisition leur retiraient, en fait, le droit de permettre l’usage des Bibles vulgaires, soit complètes, soit partielles et même les sommaires et abrégés, simplement historiques, rédigés en quelque idiome vulgaire que ce fût. C’était revenir en somme à la règle de Paul IV : la lecture de la Bible, et l’on voit que le mot prenait une singulière extension, n’était possible que moyennant une permission expresse de Rome. Dans l’Index publié en 1664 par Alexandre VII sont prohibées toutes les Bibles en langue vulgaire ; toutefois la 4e règle de Pie IV et son « explication » par Clément VIII étaient maintenues. Benoît XIV devait modifier profondément tout cela par la courte addition suivante : « Ces versions de la Bible en langue vulgaire sont néanmoins permises si elles ont été approuvées par le Saint-Siège ou publiées avec des notes empruntées aux saints Pères ou aux docteurs catholiques. » Décret du Saint-Ollice du 13 juin 1757. Il n’était donc plus nécessaire d’une permission spéciale pour user des Bibles ainsi publiées. D’ailleurs Grégoire XVI, par un Monitum de la Congrégation de l’Index du 4 janvier 1836, prévenait que la 4e règle de Pie IV, expliquée par Clément VIII, restait toujours en vigueur. Il semblait donc que, même pour user des Bibles visées par Benoît XIV, il fallait toujours se munir de la permission prévue jadis. Aussi bien ce renforcement des règles coïncidait-il avec les sévérités que montrait la cour romaine à l’endroit de la diffusion des Bibles en langue vulgaire. Voir la série des documents dans F. Cavallera, Thésaurus, n. 44-48. Les nouvelles règles générales de l’Index publiées par Léon XIII en 1897 reviennent en somme à celles de Benoît XIV. Après avoir concédé à ceux qui s’occupent d’études théologiques et bibliques, l’usage des éditions du texte original et des vieilles versions catholiques publiées par des non-catholiques, elles précisent que les versions en langue vulgaire restent absolument prohibées, à moins qu’elles n’aient une approbation spéciale du Siège apostolique ou qu’elles n’aient été publiées sous la surveillance des évêques (sub viijilantia episcoporum) avec des notes empruntées aux saints Pères et aux docteurs catholiques. Les versions en provenance des Sociétés bibliques publiées, en quelque langue vulgaire que ce soit, par des non-catholiques sont interdites ; elles ne sont permises qu’à ceux qui s’occupent d’études théologiques ou bibliques. Ce sont les prescriptions qui ont été retenues par le Code, can. 1391, 1399, 1400.

En fait, ces règles sévères ne furent pas appliquées partout au cours des xvir 3 et xviiie siècles. Observées plus ou moins strictement en Espagne, en Portugal, surtout en Italie, elles ne le furent que très peu en France, en Allemagne, en Hollande, comme le constatent à la fin du xviiie siècle Billuart et Ferraris. Le xixe siècle devait amener une observation plus générale des règles, mais qui étaient dès lors bien adoucies. Plusieurs sociétés catholiques pour encourager la diffusion et la lecture de l’Écriture sainte (du Nouveau Testament en particulier) ont d’ailleurs été expressément approuvées par l’autorité pontificale.

É. Amann.