Dictionnaire de théologie catholique/UNIVERSITÉS III. Les facultés canoniques selon la constitution Deus scientiarum

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 365-369).

III. La constitution Deus scientiarum.

Promulguée par une Bulle datée du 24 mai 1931, Acta apost. Sedis, t. xxiii, p. 241, elle est une preuve nouvelle de l’intérêt constant et croissant que l’Église porte aux questions du haut enseignement. Cette sollicitude est traditionnelle, ainsi que le rappelle le préambule du document. L’Église a toujours favorisé la science… et toute science ; aussi, déclare la bulle, rien de plus faux et de plus mal fondé que l’accusation d’obscurantisme portée contre elle. « La religion catholique ne craint ni les persécuteurs, qui lui offrent l’occasion du martyre, ni les hérésies, qui l’obligent à inventorier et à éclairer le trésor de sa doctrine ; id unum timei : veritatis ignorantiam. »

Mais c’est sur la science sacrée qu’elle veut porter son attention. Les universités catholiques possèdent généralement des facultés de sciences profanes : ce n’est pas de celles-ci qu’il est question dans la bulle, mais seulement De universitulibus et jacultatibus slu diorum ecclesiaslicorum, c’est-à-dire pratiquement des facultés de théologie, droit canonique et philosophie. Ce sont les disciplines auxquelles elle tient le plus, puisqu’elles font partie de l’objet de son magistère et rentrent plus directement dans sa mission. Aussi les considère-t-elle comme fondamentales dans une université catholique. Le Saint-Siège a coutume de n’accorder la confirmation ou érection canonique que lorsque ces facultés de sciences sacrées ont été constituées.

Trois idées maîtresses semblent avoir présidé à la rédaction du document pontifical :
1. Un souci de renouveau et de progrès dans les facultés proprement ecclésiastiques. Il faut que l’enseignement y soit vraiment supérieur. Il ne faut pas que la multiplication des établissements nuise à leur perfection ; il faut que les moyens de travail et de recherche restent à la hauteur des besoins du jour, qui sont plus impérieux qu’en tout autre temps. Donc maintenir ou relever le niveau des études selon les cas, et revaloriser les grades. —
2. Pour ce faire, le Saint-Siège trace des règles précises et uniformes, obligeant tout le monde, sans vouloir cependant s’opposer à toute initiative, et tout en tenant compte des circonstances de temps et de lieu. —
3. Enfin souci de fermeté pour faire appliquer ces règles et volonté de vigilance et de contrôle sur les établissements investis de la collation des grades. Des rapports périodiques sont institués à cet effet.

La partie dispositive de la constitution comprend cinquante-huit articles groupés sous six titres qui traitent successivement :
I. Des règles générales.
II. Du personnel et de la direction.
III. Des programmes d’études.
IV. Des grades académiques.
V. Du matériel d’enseignement (bâtiments, bibliothèques, laboratoires) et des questions financières.
VI. Des règles transitoires pour l’application des nouvelles dispositions.
Pour compléter le document pontifical un « Directoire pratique » sous le titre de Ordinationes a été promulgué par la S. Congr. des Séminaires et Universités, le 12 juin 1931 (quarante-neuf articles et trois appendices).

La constitution Deus scientiarum marque une date dans l’histoire des universités ou facultés d’études ecclésiastiques. Pour la P’rance en particulier, c’est la fin d’un système en vigueur depuis leur fondation et auquel l’ensemble des usagers aussi bien que la hiérarchie de notre pays étaient sérieusement attachés. Nos facultés « ecclésiastiques » étaient en effet organisées en vue d’études supérieures à poursuivre après l’achèvement des études du séminaire. Le système romain au contraire consistait à donner dès le début des études ecclésiastiques un enseignement complet et suivi selon l’ordre des traités de chaque discipline. L’aboutissement du cycle régulier est la licence ou le doctorat. C’est ce système qui est maintenant imposé partout.

Et telle était la rigueur de la prescription que toutes les facultés ou universités même déjà approuvées qui n’auraient pas soumis leurs constitutions et envoyé leur rapport à la S. Congr. des Lmiversités avant le 30 juin 1932, perdaient par le fait même tout droit à la collation des grades. Il était prévu cependant (art. 55) comme un régime transitoire, que les facultés de théologie (seulement) qui désirent continuer à 2(38

donner des cours supérieurs aux étudiants qui ont achevé le cycle philosophico-théologique (six ans) prévu par le canon 1365, pourraient continuer à le faire, jusqu’à nouvel avis, à condition de mettre leurs statuts en accord avec la constitution.

D’autres modifications ou précisions étaient apportées, soit dans un but d’unification (car la valeur des diplômes était très variable selon les universités), soit dans un but de revalorisation des grades. Il était dit en particulier : 1. que toute érection canonique et toute la direction des universités et facultés était réservée à la S. Congrégation : programmes et études doivent avoir son approbation. — 2. Les facultés érigées dans les universités civiles doivent se conformer à la constitution, tout en tenant compte des concordats en vigueur (art. 11). Ainsi, le fait qu’un établissement a qualité d’université d’État ne dispense pas de l’observation des règles promulguées en ce qui concerne les « études ecclésiastiques ». Les universités « libres » ne sont donc pas les seules visées.

— 3. Le grand chancelier est l’Ordinaire du lieu, sauf disposition contraire, art. 14. Le chancelier est surtout chargé des relations avec la S. C. des Universités. Le recteur gouverne inimédiatement l’Université et envoie chaque année à Rome un rapport succint. Le rapport triennal, plus copieux, est à la charge du chancelier (Ordin., art. 5 et 6). — 4. En ce qui concerne les grades : le baccalauréat exige deux ans d’études pour la théologie, une année pour le droit canonique ; deux années pour la philosophie et une pour les études bibliques. La licence est obtenue lorsqu’au temps requis pour le baccalauréat on ajoute : deux ans en théologie, un an en droit canonique, un an en philosophie et un an pour les études bibliques. Le temps exigé pour le doctoral est au total : cinq ans en théologie ; trois en droit canon ; quatre en philosophie ; trois dans les Instituts biblique, oriental et d’archéologie. — 5. Le doctorat comporte une dissertation écrite (thèse) et en partie imprimée. Outre la soutenance, une autre épreuve publique est prévue pour le candidat (art. 46).

Ce sont là des innovations ou des perfectionnements qui auront d’heureux effets sur la tenue de l’enseignement sacré et l’estime accordée aux grades canoniques.

Pour terminer, rappelons la lettre de la S. C. des Évèques et Réguliers du 21 juillet 1896, interdisant aux clercs séculiers et aux religieux de fréquenter les universités d’État sans l’autorisation de leur Ordinaire, sauf s’il s’agit de réguliers appartenant à un Institut enseignant. Cette lettre, bien qu’adressée aux évêques et supérieurs religieux d’Italie, reste une directive qui n’a pas été abrogée. Gasparri, Fontes, t. iv, n. 2031.

Mentionnons enfin la lettre adressée par la S. C. des Séminaires et Universités aux recteurs des facultés catholiques pour leur signaler en huit propositions une sorte de Syllabus des erreurs nazies (Il mai 1938). Ce document et son mode de promulgation rappelle les temps glorieux du rayonnement des universités, alors que les papes promulguaient leurs actes les plus solennels en les envoyant à ces établissements de haute culture.

On trouvera ci-joint le tableau des universités et facultés d’études ecclésiastiques érigées ou approuvées après la constitution Deus scienliarum. Au total 60 institutions, possédant 54 facultés de théologie, 20 de philosophie, 15 de droit canonique.

De ces établissements, 16 sont confiés à des religieux : 10 à la Compagnie de Jésus, 3 aux frères prêcheurs, 1 aux bénédictins, 1 aux oblats de Marie-Immaculée, 1 aux sulpiciens.

Il ne s’agit ici que d’établissements publics, c’est-à dire ouverts à tous les étudiants, et non d’instituts réservés aux ordres et congrégations religieuses. Les institutions qui sont des universités d’État (tout en possédant des facultés ecclésiastiques) ont été marqués d’un astérisque*. Les titres donnés aux divers établissements étaient valables en 1939. Ont-ils changé depuis les derniers événements ?

L’ouvrage capital sur ce vaste sujet est celui de Stephen d’Irsay, Histoire des universités françaises et étrangères des origines à nos jours, Paris, 1933. C’est à l’abondante bibliographie qui remplit de nombreuses pages du tome ii, que nous renvoyons. Le travail a été continué, en ce qui concerne les universités catholiques, par M. l’abbé René Aigrain, Les universités catholiques, Paris, 1935. Sur ce même sujet, signalons l’intéressante brochure de Mgr Baudrillart, Les universités catholiques æ France et de l’étranger, Paris, 1909. Comme ouvrage plus récent, le travail de M. Louis Grimaud, Histoire de la liberté d’enseignement en France, Grenoble, 2 vol. parus en 1944, devra contenir des indications concernant la vie actuelle des universités. Pour la mise à jour, la meilleure souræ est celle des Annuaires que publiaient régulièrement avant la guerre de 1939 les divers établissements de France et de l’étranger. Parus récemment : l’Annuaire des facultés catholiques de Lyon, 1945 ; Les facultés catholiques de Lille, Lille, 1944 et Mgr Calvet, Pourquoi les instituts catholiques ? Paris, 1946.

A. Bride.