Dictionnaire de théologie catholique/UNIVERSITÉS I. Les universités.

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 350-361).

UNIVERSITÉS. - Le cadre limité de cet article ne permet pas de refaire une histoire détaillée de chacune de ces institutions, répandues aujourd’hui dans le monde entier. Nous nous bornerons à mettre en lumière ce qui intéresse le théologien, il surtout ce qu’il ne doit pas ignorer. Une place spéciale sera faite aux universités catholiques et aux facultés d’études ecclésiastiques telles que les conçoit la (’(institution Dcus scientiarum (21 mai 1931).
I. Les universités.
II. Les universités catholiques, col’2252.
III. Les facultés canoniques scion la constitution Dcus scientiarum, col. 2250.

I. Les universités : Généralités.

Le nom,

Il semble avoir été emprunté au langage juridique des Humains : uninersilas désignait (liez eux une communauté ou association, tn collège ou corps constitué dans un but quelconque (le mol espagnol universilad a conservé ce sens primitif). Au Moyen Aljc. le terme s’appliquait à toute corporation ou corps de métier : il y avait l’uninrrsilas mcrcaluruin. corporation des mai’chauds. Le pape Célestin III (1191-1 ION) a recours à ce mot pour désigner le chapitre de Besançon, dans une lettre qu’il lui adresse en lioi. Décret. Greg. IX, I. Y, ni. xxxix. c. 21. Cf. Jaffé, Regesta, t. m. n. 17 609.

Mais l’appellation fut réservée de préférence a la 223

UNIVERS ITES LES ORIGIN ES

AT.Y1

corporation que formèrent dès la fin du xir siècle les maîtres et élèves des écoles de Paris. Une décrétale

(l’Innocent III, vers l’année 1208, enjoignait à Ions les « docteurs en théologie, droit et arts libéraux », demeurant à Paris, de faire rentrer dans leur « association » un certain maître qu’ils en avaient exclu. En 1221, la dite corporation apparaît comme une personne morale constituée ; dans la charte de donation destinée aux frères prêcheurs, elle s’intitule Universités magistrorum et scholarium Parisiis commoranlium ; c’est une des grandes corporations médiévales de la capitale. Elle possède un sceau, qui lui fut, il est vrai, retiré en 1225, mais dont elle recouvra l’usage en 1246.

Cependant l’ensemble des cours continue à s’appeler studium ou studium générale, à cause de son universalité géographique et intellectuelle. Ce n’est que vers le milieu du XIIIe siècle (à Oxford dès 1252, à Paris en 1261) que le mot « université » prit le sens que nous lui donnons aujourd’hui, c’est-à-dire ensemble des sciences, universalité des connaissances. En fait, dès le premier quart du xiiie siècle, plusieurs cités se glorifiaient de posséder leur « université », c’est-à-dire un enseignement encyclopédique des diverses branches du savoir à cette époque : théologie, droit, médecine et arts.

Enfin, quand Napoléon, la Révolution passée, établit en France le monopole de l’enseignement, le mot Université (avec une majuscule) désigna chez nous, à partir de 1808, la hiérarchie des fonctionnaires, dirigeant ou distribuant officiellement le savoir au nom de l’État, dans les établissements primaires, secondaires ou supérieurs. Employé sans antonomase, au singulier ou au pluriel, le terme est réservé aux établissements de culture supérieure dont nous parlerons seulement ici.

Les origines.

C’est bien au xiie siècle qu’il faut

placer le berceau des universités. L’histoire a, depuis longtemps, fait litière des légendes pompeuses dont on s’était plu à entourer les origines de l’université de Paris. C’était jadis un dogme que Charlemagne en avait été le fondateur : « La commune opinion, écrit Pasquier au xvie siècle, va à l’empereur Charlemagne, et de croire le contraire, c’est estre hérétique en histoire. » Recherches sur la France, Paris, 1665, t. IX, c. m. Le savant jésuite Chopin, de la même époque (1537-1606), n’avait pas une opinion différente. Et, un siècle plus tard, Crevier, dans son Histoire de l’université de Paris, fait remonter à Alcuin la restauration des lettres dans l’empire franc, ce qui est partiellement vrai ; mais tout cela n’a que des rapports très lointains avec les origines des universités. Dès le xive siècle, des maîtres de l’illustre corporation comme Pierre d’Ailly et Gerson, n’avaient-ils pas essayé de la rattacher aux écoles des Égyptiens ? Simon de Cramaud préférait remonter aux écoles d’Athènes. D’autres racontaient couramment que « le roy Charlemagne l’amena de Rome à Paris ».

Sous ce fatras de fantaisie, il y a cependant une vérité sous-jacente. Les écoles hellénistiques de Pergame, Édesse ou Antioche, Athènes ou Alexandrie, tout comme les écoles impériales de Rome, de Gaule ou d’Afrique, furent des foyers de science dont les superstructures s’effondrèrent, mais dont les bases fournirent les matériaux à une culture renouvelée. Il serait trop long de suivre les péripéties de la lente évolution qui fit passer les parties saines -et incorruptibles du savoir antique dans nos connaissances modernes. Signalons seulement, parmi ces matériaux de choix, les « arts libéraux » qui devinrent le fondement des études universitaires, presque jusqu’à nos jours. El au nombre des organes de conservation et de transmission de ce patrimoine sacré, signalons au

passage les écoles épiscopales et monastiques du haut Moyen Age. Les universités ne sont que l’aboutissement direct de l’évolution des premières.

Cependant, note très justement Stephen d’irsay, « tout en ayant conservé et incorporé dans leur sein la précieuse tradition du monde antique, les universités représentent dès leur naissance, quelque chose d’absolument nouveau, aussi nouveau que le plain-chant et la polyphonie, que les cathédrales romanes et gothiques, que l’Église chrétienne elle-même qui a créé ces grandeurs de notre monde occidental… À partir du xiie siècle, le monde intellectuel changea foncièrement de caractère ; la raison, jusqu’alors servante d’une élite, commença son règne ». Hist. des universités, t. i, p. 3. De cette conquête pacifique de la pensée humaine, les universités furent de merveilleux instruments.

Comment expliquer leur éclosion au xiie siècle ? Par les circonstances qui favorisèrent leur formation et leur développement. D’une part l’extension du mouvement corporatif qui groupa dans un même collège des hommes animés des mêmes ambitions et poursuivant un même but ; maîtres et élèves s’unirent dans un même amour de la science et de la vérité. Ils trouvaient précisément à cette heure un fonds de connaissances de tout ordre que les siècles avaient accumulé comme pour eux. Dès qu’un homme de talent ou de renom surgissait pour canaliser les volontés et donner corps aux aspirations générales, une université se formait. Et si quelque mécène ou protecteur se trouvait là pour épauler l’ellort commun, les résultats étaient merveilleux. L’Église ne fut pas la dernière à bénir et à encourager le mouvement naissant. Si l’État ou les simples particuliers voyaient dans les universités un instrument propre à préparer les citoyens aux grandes carrières indispensables à la société, l’Église, elle, nourrissait la noble ambition de former, par ce moyen, une élite capable de mieux servir Dieu et la Cité. C’était vraiment une révolution toute pacifique qui s’opérait. L’antiquité n’avait guère cultivé les arts que pour eux-mêmes ; ils étaient le but même des études et des recherches. Au Moyen Age. les arts libéraux serviront surtout à la préparation des professions savantes : théologiens, légistes, canonistes, médecins, qui formeront l’armature de la société chrétienne en construction.

Il n’est pas possible de dater de façon précise l’acte de naissance des universités. Leur naissance n’est d’ailleurs pas due à une décision de l’autorité civile ou ecclésiastique. Elles se sont constituées organiquement elles-mêmes, soit par le groupement de plusieurs écoles, soit par l’élévation d’une école particulière en raison du succès obtenu par l’enseignement d’un maître en renom. L’école (schola) prenait alors le nom de studium. Mais l’affiuence même des disciples et la multiplication du nombre des maîtres devenaient des causes de confusion et des occasions de désordre.

C’est alors que, pour obvier à ces inconvénients, l’école se constitua en compagnie ou corporation, qui imposait une discipline commune et des devoirs réciproques aux maîtres et aux étudiants. Le même résultat fut obtenu lorsqu’une corporation, soit de maîtres, soit d’élèves prenait en charge l’école. Celle-ci échangeait alors son nom de studium contre celui d’ « université », synonyme de corporation. À quelle date s’opéra cette évolution ? Il n’est guère possible de le préciser. On peut dire cependant que cette transformation s’effectua au cours du xiie siècle. Paris, Bologne, Montpellier, Orléans, Oxford et Coïmbre remontent jusqu’à cette époque par leurs essais tâtonnants. Mais c’est seulement au xiiie siècle que l’institution acquit sa puissance et son organisation autonome et s’épa

nouit en multiples fondations. À vrai dire, le développement se fit selon le modèle des deux prototypes de Paris et de Bologne. La première, qui dirigeait la pensée spéculative du Moyen Age et donna naissance à la science théologique, était plutôt une corporation de maîtres. Bologne, qui formulait la pensée juridique du monde à cette époque, était plutôt une université d’étudiants. Les fondations du XIIIe siècle, surtout dans le nord de l’Europe, imitèrent de préférence la constitution parisienne.

L’organisation intérieure.

Elle ne fut pas uniforme,

mais conditionnée le plus souvent par les circonstances extérieures de temps et de lieu, dans lesquelles naquirent et se développèrent les diverses fondations.

1. Les facultés.

Les maîtres chargés de l’enseignement des diverses sciences, ou les étudiants appliqués aux diverses disciplines, se groupaient tout naturellement entre eux et s’assemblaient de temps en temps à part, pour régler de concert tout ce qui touchait à leurs intérêts respectifs. Ce fut l’origine des « facultés », sorte de corporations en miniature, au sein de la grande corporation. Originairement le terme paraît désigner surtout l’ordre des études, l’objet particulier de l’enseignement. Dès le milieu du xiiie siècle, il s’applique à la réunion ou corporation des maîtres et étudiants adonnés à une discipline.

A prendre pour type l’université de Paris, la plus célèbre de toutes, quatre facultés la composaient. D’abord la théologie, sacra theologiee facilitas, la vraie gloire de la capitale ; puis la faculté des arts, c’est-à-dire des lettres, urtes libérales, la plus nombreuse et la plus importante, prseclara artium facilitas, celle dont les grades ouvraient l’accès des autres. Venait ensuite la faculté de droit ou de décret, constanlissima juris canonici facilitas, et enfin celle de médecine, dite saluberrima. A vrai dire, les études de droit étaient cultivées à Paris, dès l’année 1160. Cependant l’enseignement du droit civil fut retiré à l’université en 1218, par le pape Honorius III, et cette interdiction demeura jusqu’à l’édit de Louis XIV en K171). Par ailleurs, on érigea des facultés de droit dans presque toutes les universités. En France spécialement, la vitalité des studia de province dépendait en grande partie de renseignement du droit. Cf. Marcel Fournier, Les statuts et privilèges des universités françaises, t. i. Introduction. La médecine elle-même se retrouve tôt ou tard, dans toutes les universités du xiii c siècle.

Cependant, dés cette époque, on note une tendance à la spécialisation des divers studia, Montpellier demeure l’école principale de la médecine ; Bologne et Orléans sont célèbres par le droit, tandis que Paris brille principalement par la théologie, puis bientôt par la philosophie, qui eut sa faculté distincte (issue de

celle des arts), vers le milieu du XIIIe siècle. La théologie demeure d’ailleurs une science réservée, une sorte de monopole « le certaines universités. Outre Paris, on l’enseignait à Toulouse, Oxford et Salamanque. Les jeunes fondations ne lui font pas immé dlatement une place ; ce n’est qu’à partir du xiv siècle qu’elle s’int induit un peu partout. Cf. St. d’Irsay, Hisl. des universités, t. i, p. 160-171.

2. Les nations. - Les étudiants de la faculté des arts prirent de bonne heure, eu égard a leur nombre, l’habitude de se rassembler en groupements par régions ou pays d’origine, appelés nations., subdivi-I Iles -mêmes en proinces. Il y axait la nation de

France, honoranda Gallorum natio, avec ses cinq tribus ou provinces : Paris. Sens. Reims, Tours, Bourges ; à cette dernière avait été rattachée fictivement l’Italie, la Savoie, l’Espagne, le Portugal et tout l’Orient. La

nation de Picardie, surnommée fldelissima, comptait

également cinq provinces : Beauvais, .Amiens, Noyon,

Laon et Térouanne. Il y avait encore la nation normande, vencranda, et enfin celle d’Angleterre, qui fut, au xve siècle, absorbée et remplacée par celle d’Allemagne, constanlissima. Cette dernière compta deux provinces ou tribus : les « continentaux » (Allemands, Hollandais et Danois) et les « insulaires » (Anglais et Écossais).

Chaque nation avait à sa tête un procureur élu, chargé de défendre les intérêts du groupe et de concourir à la nomination du recteur. Toutes les universités, même celles de province, furent, au xiiie siècle, plus ou moins internationales. Mais ces confréries de compatriotes ne relevaient d’aucune puissance politique ; c’étaient simplement des groupements assez llottants d’étudiants, heureux de parler leur langue à l’étranger et de célébrer joyeusement leurs fêtes nationales. Ce n’est pas que ces clercs ne fussent parfois turbulents au point de troubler l’ordre public. Le soin de rétablir la tranquillité incombait alors aux seuls chefs de la corporation, procureurs et recteurs.

3. Les maîtres.

À la tête de chacune des facultés se trouve un doyen. On le signale, à partir de 12(17, comme préposé aux destinées des facultés de théologie, décret et médecine ; mais l’usage est plus ancien. Quant au corps enseignant, il est formé par les professeurs titulaires, portant les titres de magister, doctor, regens, professor ; sans parler d’autres personnages analogues aux maîtres de conférences de nos universités modernes ; on les appelait « extraordinaires » à Bologne et, plus tard, dans les universités d’Italie et d’Europe centrale.

A l’origine, il semblait que seule la licence séparât l’étudiant du maître. Plus tard, on devint plus exigeant, surtout dans les facultés supérieures de théologie et de droit. Le nombre des maîtres effectivement admis à enseigner fut limité, et leur nomination réservée soit aux facultés seules, soit aux facultés munies de l’agrément de l’évêque ou du chapitre (ou même du conseil municipal, comme à Lérida, en Aragon), soit enfin aux maîtres et étudiants comme à Bologne.

A la tête de l’université était le recteur, amplissimus dominus rcclor, élu primitivement tous les mois, et, à partir de 127N, tous les trois mois. Il était toujours choisi parmi les maîtres ès-arts ou « nrlicns i (nous dirions aujourd’hui les professeurs de lettres et de sciences). Son élection était réservée aux procureurs des quatre nations. S’ils ne parvenaient pas à s’entendre, on faisait appel à la médiation du recteur en exercice ; et, en cas d’échec, les nations nommaient quatre électeurs que l’on enfermait comme en conclave, leur interdisant toute communication avec l’extérieur et leur supprimant toute nourriture tant

que l’accord n’était pas fait (ou encore tant que n’était pas consumée une bougie d’un certain poids) !

A partir du xiv siècle, le candidat au rectoral de vait avoir été agréé par le roi ; et cette haute dignité valait au titulaire des privilèges réels et honorifiques considérables. Cf. Marion, Dut. des institutions de lu France, p. 545. Cependant le pouvoir effectif des rec teurs était très variable. A Bologne, par exemple, la prédominance de l’élément étudiant faisait d’eux les rais chefs de l’université, tandis qu’à Paris, leurs pouvoirs étaient, à l’origine du moins, plus honorifiques que réels.

Au dessous du recteur, fleurit bientôt une série d’officiers, parmi lesquels émergea le procureur général ou syndic, nomme pour un an par le recteur et les quatre nations pour suivre les affaires de l’université. Il y avait aussi un greffier, un questeur ou receveur, sans parler du questeur particulier, du censeur, prieur et prévôt, que possédait en propre chacune des ii ; i lions des arts.

Si le vrai chef île l’université lut bientôt le recteur, U N I V I l ! { S I T E S ORGANISATION

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il ne faut pas passer sous silence le chancelier, dont le rôle, d’abord prépondérant, s’effaça progressivement jusqu’à devenir purement honorifique. A Bologne même, il n’y eut jamais de chancelier et les droits de ce personnage, exception faite de la réception des nouveaux docteurs, étaient exercés par les facultés elles-mêmes.

Dans ses débuts, l’université parisienne eut pour chancelier celui même de l’Église de Paris ; ou plutôt, selon le mot du P. Denifle, < l’université se fonda sans chancelier ». On peut ajouter que sa croissance et son développement coïncident avec les victoires qu’elle remporta sur ce personnage. À dire vrai, l’université de Paris connut deux chanceliers : celui de Notre-Dame, qui dès avant la fondation de la corporation, accordait les licences d’enseignement aux maîtres qui s’établissaient dans la cité, et celui de Sainte-Geneviève, dont le rôle apparaît après 1227.

La charge du premier prit de l’importance à mesure que les écoles de la Cité se multiplient et se groupent en corporations. Un privilège de Philippe-Auguste, daté de 1200, confirme la juridiction du chanoine-chancelier sur les maîtres et les écoliers, tandis qu’une ordonnance du légat pontifical (1208) réaffirmait ses privilèges, en particulier celui d’accorder la licence d’enseignement. Cf. Denifle et Châtelain, Chartularium universitatis Parisiensis (cité ultérieurement, Chartul. Paris.), t. i, n. 1 et 7. Mais il arriva souvent au titulaire d’excéder ses pouvoirs. De là des conflits inévitables et des plaintes qui montèrent de l’université jusqu’au pape Innocent III. Celui-ci, tout comme son successeur Honorius III, prit généralement le parti de la corporation contre le chancelier. De nouvelles victoires remportées au cours des années 1219-1231, grâce à la faveur à peu près constante du Saint-Siège, mirent sérieusement en échec l’omnipotence du dignitaire ecclésiastique de la Cité. Ses pouvoirs furent encore davantage diminués lorsque les « artistes » commencèrent, vers les années 1219-1222, à abandonner la rive droite pour se retirer sur la montagne Sainte-Geneviève et s’installer dans la célèbre abbaye qu’avait jadis illustrée l’enseignement d’Abélard. Une partie des théologiens et des décrétistes les suivit à partir de 1227 ; ce fut alors l’abbé de Sainte-Geneviève qui conféra les licences d’enseignement dans les limites de sa juridiction. Cependant le chancelier de Notre-Dame, demeuré au berceau de l’université conservait le privilège de donner les licences pour tous les autres lieux. Bien plus, une bulle de Grégoire IX (1238) lui réserva le droit d’accorder toutes les licences dans les facultés de théologie et de décret. Celui de Sainte-Geneviève ne conférait plus que la licence ès-arts ; on l’appelait le « chancelier des arts », tandis que son rival conservait le titre de « chancelier de Paris » que lui avait donné la bulle de Grégoire IX. Ce fut en vain que les artistes tentèrent d’intriguer auprès du pape pour qu’il proclamât le recteur chef de l’université. Le chancelier en conserva le titre. Mais son pouvoir s’effrita lentement devant celui du recteur (appelé « recteur de l’université » depuis 1259), qui menait la lutte contre lui à la tête de la corporation des artistes. Alors se manifesta de plus en plus la rupture des liens qui rattachaient l’université à son passé d’école épiscopale. Elle demeurera cependant, durant de longues années encore, une institution d’Église, mais elle échappera de plus en plus à la juridiction diocésaine.

Telle fut, dans ses grandes lignes, l’organisation interne de l’université de Paris, qui servit de modèle à tant d’autres. À considérer la grande part que les étudiants avaient dans le gouvernement de la corporation, soit par eux-mêmes, soit par leurs délégués élus (et cette part était plus grande encore dans cer taines universités fondées sur le modèle de Bologne), on peut conclure que cette organisation était plutôt démocratique » : c’est là son premier caractère. Thurot, dans sa thèse, De l’organisation de l’enseignement dans l’université de Paris au Moyen Age, Paris, 1850, la qualifie d’ « anarchique », car on pense bien que tant d’élections et de si nombreuses assemblées n’allaient pas sans brigues, cabales et désordres.

Le second caractère est la tendance à l’autonomie : indépendance vis-à-vis de l’évêquc et du chancelier son représentant (à moins que celui-ci ne soit, comme à Oxford, membre de l’université) ; indépendance vis-à-vis des bourgeois et du roi.

Dans cette lutte pour l’autonomie, le soutien et même l’appui positif du Saint-Siège ne fit pas défaut aux universités, qui demeurèrent des organismes d’Église soumis au siège de Pierre ; ils le furent même à l’évêque, mais en tant que mandataire du pape.

4. Les collèges.

À l’université se rattachaient les collèges, dont il y a lieu de dire quelques mots, non pas qu’ils fassent partie intégrante de l’université (sauf ceux d’Angleterre), mais parce que certains d’entre eux participèrent à son enseignement, ou parce que d’autres acquirent, au cours des siècles, une grande célébrité, spécialement à Paris.

En face d’une multitude d’étudiants, accourus de partout dans les capitales intellectuelles en quête de savoir et de diplômes, le problème du logement et de l’hébergement se pose de bonne heure et souvent de façon aiguë. On sait que l’université de Paris compta jusqu’à 10 000 étudiants au xive siècle et qu’elle en avait encore six mille au temps de la Renaissance. Sans doute beaucoup d’entre eux étaient peu exigeants, et bon nombre s’accommodaient de vivre d’expédients. S’il faut en croire certains prédicateurs du temps, leur existence était loin d’être édifiante, surtout celle des « artistes », émigrés dans le quartier Garlande. Cf. Langois. , dans H ist.de France de Lavisse, t.m b, l. III, c. ni. Mais d’autres étudiants étaient moins à leur aise et, parmi ces « pauvres clercs », certains étaient dans une grande misère. St. d’Irsay, Hist. des universités, t. i, p. 158-160. La charité du Moyen Age leur vint en aide et créa pour eux des maisons de refuge où ils trouveraient un abri et du pain : ce furent les collèges.

Au début ce furent des hôtels meublés, où les étudiants pauvres étaient reçus gratuitement, comme « boursiers ». Mais le nombre de ces asiles augmentant (on en compta plus de soixante), on finit par y admettre des écoliers payants. Bientôt on adjoignit aux collèges certaines classes préparatoires aux cours des facultés (c’est ce système qui se développa au xve siècle et donna naissance à l’enseignement secondaire). Tous les collèges se rattachaient ainsi à l’université et étaient sous la surveillance du chancelier.

Parmi les plus célèbres, mentionnons le plus ancien probablement, le collège des Dix-huit, que fonda en 1180 un bourgeois de Londres, nommé Josce, à son retour de Jérusalem ; il acheta d’abord une salle de l’Hôtel-Dieu pour y loger dix-huit étudiants pauvres. Plus tard on trouva une maison distincte où furent logés les dix-huit, et qui prit leur nom. Le collège Saint-Honoré, fondé en 1209 ne pouvait recevoir que treize étudiants. En 1257, Robert Sorbon, chapelain de saint Louis, créa un collège pour seize « pauvres maîtres ès-arts, aspirant au doctorat en théologie ». Ce fut le collège de la Sorbonne, qui finit par donner son nom à trois facultés. Cf. ci-dessus, art. Sorbonne, t. xiv, col. 2385.

Mentionnons encore, un peu plus tard, le collège d’Harcourt, aujourd’hui lycée Saint-Louis ; le collège des Cholets, aujourd’hui Sainte-Barbe ; le collège de Navarre, aujourd’hui l’École polytechnique (pavillon des élèves) ; le collège de Boncourt (Polytechnique,

pavillon du général) ; le collège de Montaigu, aujourd’hui Bibliothèque Sainte-Geneviève, etc.

Comme dans tous ces établissements scolaires, situés sur la montagne Sainte-Geneviève, on parlait latin, le quartier tout entier s’est appelé, aujourd’hui encore « quartier latin », bien que ce nom soit aujourd’hui moins intelligible. Ajoutons que de ces importantes fondations, rien ne subsiste aujourd’hui. La Révolution détruisit leurs derniers vestiges et ils furent submergés dans la réforme universitaire de l’Empire. Leurs bâtiments eux-mêmes ont à peu près disparu ; sur leur emplacement s’élèvent aujourd’hui des établissements portant d’autres noms. Il en faut dire autant des collèges érigés en d’autres cités universitaires comme Montpellier, Orléans, Angers, Toulouse, etc. Un seul a subsisté en Europe continentale, c’est le collège hispanique de Bologne. On peut voir également encore aujourd’hui à Rome le collège Capranica, fondé au milieu du xve siècle, par un cardinal de ce nom.

Tout autre fut le sort de ces institutions en Angleterre. Les fondations de collèges s’y développent à l’instar de Paris et peu de temps après. Trois collèges d’Oxford remontent au xiiie siècle. Ceux de Cambridge sont contemporains ou du xive siècle. Or, en Angleterre, les collèges sont restés les foyers de la vie universitaire. Sans eux et hors d’eux il n’y a pas d’université. A rencontre de ce qui se passa sur le continent, l’université anglaise se décentralisa dans ses multiples collèges, qui finirent par l’absorber ; tandis que sur le continent, c’est l’université qui absorba les collèges.

5. Les études.

Dans la ligne même de sa fondation, l’université s’était donné pour mission de former les étudiants à toutes les disciplines scientifiques. Cependant nous avons noté, dès l’origine, une tendance à la spécialisation.

a) La théologie. — Paris, néanmoins, bien que sans rival pour la théologie, avait au Moyen Age une renommée universelle. Les papes ne tarissaient pas d’éloges à son endroit ; on y accourait de partout, et les grades conférés à Paris étaient considérés, dans toutes les Églises, comme la meilleure recommandation pour les clercs en quête de bénéfices. On sait que la méthode d’Abélard y était restée en honneur. La condamnation de ses erreurs ne lit pas de tort à la vogue de sa dialectique et de ses procédés d’enseignement. Le Livre des sentences de P. Lombard, qui fut longtemps le texte officiel que commentaient les maîtres et les bacheliers, ne s’en écartait pas. D’ailleurs, Abélard lui-même n’est pas l’inventeur de la méthode, bien qu’il l’ait perfectionnée et popularisée. Le vrai maître, au xiir siècle, c’est Aristote.

Cet engouement pour le philosophe grec et ses commentateurs arabes n’était d’ailleurs pas sans danger au point de vue doctrinal. Était-il bien sain de ouloir étayer ou même établir des thèses théologiques, en mettant en ligne des arguments purement philosophiques empruntés principalement au Stagyi il c, alors que les vraies sources de la théologie demeurent l’Écriture et la Tradition ? Ce n’est pas que ces i lieux théologiques » aient élé alors totalement négligés ; mais peut-être ne leur donna-t-on point à cette époque, la place à laquelle ils ont droit, c’est-à-dire la première. Si les leçons i des bacheliers comportaient une « lecture », c’est-à dire un commentaire de la Bible, et si les lectiotieB magistrales des docteurs en théologie (magistri in sucra pagina) comportaient

obligatoirement une étude de la tradition et des gloses des anciens l’eus, il n’en reste pas moins que

ce travaux étaient conduits superficiellement, quasi

cursoric, et sans grand souci d’approfondissement, lui revanche, les argumentations (disputationes), me

nées suivant toutes les ressources de la dialectique, dont les étudiants avaient été imbus à la faculté des arts, jouaient un grand rôle dans la faculté de théologie.

L’âge d’or de la « reine des sciences » ne fut pas de longue durée. Dès le début du xive siècle, la décadence commence pour cette faculté, illustre entre toutes, et elle se poursuit jusqu’au temps du Grand Schisme. Les causes peuvent se ramener à trois principales, au dire du P. Denifle, Chart. Paris., t. ii, préface. Cf. Mabillon, Traité des études, t. II, c. VI.

a. — Tout d’abord, infidélité aux statuts et règlements primitifs. Devant les longs stages exigés des candidats et la rigueur des examens en vue des grades, on se départit de la sévérité originelle, par des dérogations trop fréquentes et même des dispenses, trop facilement obtenues des papes. De là l’abréviation des épreuves, la facilité des jurys, qui amenèrent rapidement l’abaissement du niveau des études et l’avilissement des grades en théologie. C’est surtout au xive siècle que cette décadence fut manifeste. Dès après les épreuves du Grand Schisme, la Sorbonne reprendra son hégémonie sur l’enseignement théologique en Europe.

b. — Un autre abus consista à équiparer fréquemment, pour l’obtention des charges, honneurs et bénéfices, les gradués « par faveur », pcr saltum, à ceux qui avaient obtenu des diplômes réguliers après une scolarité rigoureuse et des examens normaux. D’où abaissement du nombre des étudiants et relâchement des maîtres, tant dans renseignement que dans la collation des grades. Les gros bénéfices se trouvant à la portée de théologiens médiocres, le niveau des cadres ecclésiastiques va s’abaissant, ce fut une des sources d’abus qui furent si préjudiciables à l’Église aux xv et xvie siècles.

c. — Enfin, l’érection de facultés de théologie dans les diverses universités, tant par les papes d’Avignon que par ceux de Rome, durant la période du Grand Schisme. La qualité des maîtres et celle des études eut à souffrir de cette multiplication. Paris cessa d’être la grande école de théologie, où venaient s’instruire les meilleurs étudiants de l’Europe. Le mouvement se poursuivit au xve siècle par la multiplication des universités elles-mêmes. Paris s’en plaint et supplie le pape de ne plus accorder de nouvelles chartes de fondation. Cf. Chart. Paris., t. iv, n. 2250.

b) Le droit. — Quant à la faculté de Décret, c’était avant tout une faculté de droit canonique. Le Décrel de Gratien et les Décrétales constituaient la base obligatoire de renseignement. Si le droit romain avait eu sa place à Paris aux origines de l’université, le pape Honorius III en avait interdit l’enseignement dès 1219. Mais il faut croire que cette défense était restée lettre morte, puisqu’en 1251 les bacheliers enseignaient encore les « lois », c’est-à-dire le droit romain. D’ailleurs, il n’était pas possible délie lion canoniste sans être aussi romaniste. Aussi les liai lie

tiers, avant d’être proclamés » lecteurs » >u Décret, devaient justifier de trois ans d’études des a lois i dans quelque studium générale. Les professeurs marquants ne Faisaient pas défaut dans les chaires parisiennes île droit ecclésiastique et leur Influence fut

Considérable dans l’orientation de l’université durant

la période trouble du Grand Schisme.

Cependant le vrai centre d’études juridiques en France restait Orléans. On y cultivai ! les deux droits. Dans une Ici ire de 1235, Grégoire l approuva expressément l’enseignement du droit civil, ce qui prouve que le Saint Siège n’avait aucune prévention contre celle discipline, s’il l’interdisait a Paris, c’était pour obliger le studium a concentrer ses efforts sur la théologie et la philosophie. Montpellier eul aussi, des 2 40

la fin « lu XIIe siècle, une école de droit, qui, sans égaler la célébrité de celle d’Orléans, devint, au siècle suivant, faculté de droit civil et canonique. Cartul. Montp., n. 3, p. 18 1.

En Italie, Bologne est incontestablement en tête pour renseignement des deux droits. Le droit civil avait eu pour initiateur le célèbre Irnérius († 1140), tandis que vers la même époque Gratien publiait son Décret. Ces deux noms suffisent à immortaliser l’école bolonaise, qui, à cette date, n’était pas encore une université. Celle-ci s’organisa par l’union corporative des « nations » ; mais, à la différence de Paris, ce furent les étudiants seuls qui formèrent la corporation, tandis que les maîtres, citoyens de Bologne pour la plupart, n’arrivaient pas à s’affranchir de l’autorité communale et, ayant perdu leur indépendance, ne participèrent pas à la fondation de l’université.

c) La médecine, tout en conservant ses foyers traditionnels (Salerne et Montpellier) tendait également à se répandre dans toutes les universités, dès le xme siècle. Lorsque l’école de Salerne fut reconnue comme université en 1231, elle était déjà en pleine décadence. Il y avait plus d’un siècle qu’elle était en possession d’une doctrine condensée dans VAniidotaire, célèbre ouvrage de thérapeutique d’inspiration gréco-romaine, et dans le Recueil du moine africain Constantin, colporteur de l’influence paléo-arabe. Mais au xiiie siècle, le rôle de Salerne est presque terminé. Cependant, si elle ne produit plus rien de nouveau, elle a du moins mis de l’ordre dans l’enseignement de la médecine et fourni des textes authentiques et autorisés aux universités de l’Occident.

Montpellier semblait au contraire dans une situation géographique privilégiée pour recevoir les influences venues de la Méditerranée (Italie, Afrique, Levant, monde gréco-romain) aussi bien que de l’Espagne (monde arabe et savants juifs). Cf. Salomon Kahn, Les écoles juives et lu faculté de médecine de Montpellier, Montpellier, 1890, p. 7. Une autre circonstance favorable fut la présence de nombreux hôpitaux dans une cité qui fut le berceau de l’ordre hospitalier du Saint-Esprit, fondé en 1172 par Guy de Montpellier, et qui comptait, en 1300, quatre cents maisons en Europe. La charte organique de l’université est due au légat pontifical, le cardinal Conrad d’Urach. Cf. Cartulaire de l’univ. de Montp., éd. Germain, t. i, n. 2, p. 180. Les maîtres, organisés en corps, ont à leur tête un chancelier, choisi par l’évêque de la ville parmi les professeurs. La médecine se sépare de plus en plus des arts libéraux ; elle tend à n’être plus un simple « art », mais une science rationnelle. C’est à Montpellier qu’apparaît pour la première fois cette place donnée à 1j médecine dans la hiérarchie des sciences. Autres i inovations remarquables : les statuts de 1239, confirmés par le Saint-Siège, font de l’examen universitaire la condition préalable de l’exercice de la médecine. D’autre part, cet exercice doit être précédé d’un stage de six mois. Cf. Germain, Hist. de la commune de Montpellier, t. m. p. 96, 422-424. Paris eut aussi, dès le xiiie siècle, sa faculté de médecine.

d) « Les arts ». — Terminons par la faculté des arts, qui, on le sait, préparait aux leçons des trois autres facultés. Les études y correspondaient assez à ce que nous appelons les classes supérieures de lettres (de la troisième à la philosophie) : tout ce que le Moyen Age enseignait dans le trivium (grammaire, rhétorique, dialectique) et le quadrivium (arithmétique, géométrie, astronomie, musique).

Tandis que les programmes des trois autres facultés changèrent peu au cours du xiii c siècle, l’enseignement de la faculté des arts se développa dans le sens d’une véritable faculté de philosophie. L’introduction des

sciences au programme et l’infiltration des ouvrages gréco-arabes ne furent pas étrangères à cette évolution. Mais l’entrée des ordres mendiants, en particulier des dominicains, dans les universités eut une influence plus déterminante encore. On sait que les réactions des maîtres séculiers contre ces nouveauxvenus furent assez vives ; mais le Saint-Siège ayant l’ait sentir le poids de son intervention, les mendiants eurent gain de cause. Avec eux ce fut Aristote qui triompha, mais un Aristote chrétien, et ce succès fut plus éclatant encore après la condamnation de l’averroïsme en 1270. Saint Albert le Grand et saint Thomas d’Aquin, en intégrant et en systématisant le péripatétisme avaient créé le cadre d’une philosophie chrétienne.

A partir du xive siècle, la grammaire n’est plus qu’un cours préparatoire pour les débutants ; la logique elle-même n’est qu’une étape ; la dialectique est très en honneur ; la physique (qui comprend la philosophie naturelle, la cosmologie et la psychologie) entre dans les programmes ; la métaphysique devait suivre de près. Quant à l’enseignement scientifique, il se réduit à la géométrie et à l’astronomie. La philosophie absorbe les autres arts et les sciences.

Ajoutons que le concile de Vienne (1311) avait prescrit l’enseignement des langues orientales dans les cinq principales universités. De sorte que, à la fin du xive siècle, on pouvait noter un mouvement sérieux en faveur des études littéraires et un intérêt croissant pour les écrivains de l’antiquité.

6. Les grades.

a) Faculté des arts. — Pour en parler, il faut commencer par la faculté des arts qui ouvrait l’accès aux facultés supérieures. Les étudiants y entraient vers l’âge de 14 ans. Les régents, qui étaient fort jeunes s’attachaient surtout à la logique.

Les candidats au premier grade, le baccalauréat (appelé déterminance jusqu’au xve siècle), devaient avoir étudié la logique durant deux ans. Les épreuves se passaient dans le cadre de la « nation », qui, en cas de succès, ne donnait pas de diplôme, mais des lettres testimoniales. Les épreuves étaient orales ; partout l’examen écrit était inconnu.

La licence se passait, à Paris, en présence des deux chanceliers, assistés d’examinateurs choisis dans les nations. Les candidats devaient avoir 21 ans accomplis, n’être pas mariés et avoir étudié à la faculté des arts durant trois ans. À l’examen vint s’ajouter, à .partir du xive siècle, une leçon publique. Le grade suprême des arts était la maîtrise, qui faisait entrer les licenciés dans le corps enseignant de la faculté, après agrément de ses membres. L’acte solennel qui introduisait le nouveau maître dans ses fonctions s’appelait inceptio. Le récipiendaire y prononçait une harangue et on lui imposait le bonnet, insigne de sa maîtrise.

b) À la faculté de théologie, les études étaient très longues : de 8 années à l’époque de Robert de Courson (1215), la durée des cours fut portée jusqu’à quatorze un siècle plus tard, pour revenir à 10 ans au xvie siècle (concordat de 1516). Le baccalauréat était un « état » plutôt qu’un grade, une sorte d’apprentissage de la maîtrise. De bonne heure, on distingua trois classes de bacheliers : les bacheliers simples, ordinarii, qu’on appelait aussi biblici, parce qu’ils devaient faire des leçons sur l’Écriture, ou encore cursores, en cours ; les sententiaires, admis à « lire » (enseigner) les sentences de Pierre Lombard ; les bacheliers formés, formati, c’est-à-dire ayant achevé leurs études. Ces derniers étaient candidats à la licence, qu’ils obtenaient après un certain nombre d’argumentations : deux pour les religieux, quatre pour les séculiers. La licence n’était conférée, à Paris, que les années impaires, dites’ « de jubilé » ; pour la médecine, c’étaient les années paires.

c) À la /acuité de droit, ou de décret, le temps des études varia de sept à dix ans. A Paris, on exigeait pour les candidats au baccalauréat 60 mois d’assiduité aux cours (30 pour le Décret de Gratien et 30 pour les Décrétâtes. Le bachelier qui aspirait à la licence devait enseigner durant un temps variant de 36 à 40 mois. Le doctorat était rare, à Paris du moins, car le collège des décrétantes était une corporation d’accès difficile.

d) Médecine. — Les candidats au baccalauréat en médecine devaient justifier, à Paris, de la maîtrise èsarts et suivre 38 mois complets d’études répartis sur quatre ou cinq ans.

Quelles qu’aient pu être, dans les différentes universités, les déterminations apportées par les règlements particuliers et aussi par le concordat de 1516, le temps des études fut, dans la période qui suivit, notablement abrégé. Chaque université en prenait à son aise avec ses statuts. Et puis, il y avait des dispenses ; il y avait aussi des… abus. De sorte que, dès le début du xviie siècle, on pouvait souligner « ce dérèglement d’esprit qui est devenu presqu’universel, qui fait que chacun veut être gradué, sans être assujetti aux temps d’étude ». Et pourtant, à cette époque, les grades jouissaient encore d’une certaine considération, puisque, en droit, ils ouvraient l’accès à certaines dignités ou à certains bénéfices. Mais à partir du xviiie siècle, une opinion devient courante selon laquelle les gradués ne sont pas toujours les plus méritants ni les plus capables. De plus, des doutes s’élevaient au sujet de l’extension ou de la non-extension du privilège de la collation des grades dans les provinces nouvellement annexées. En fait, on inclinait vers la négative. Aussi les grades perdirent de plus en plus non seulement leur majesté, mais encore leur utilité. À la veille de la Révolution, on leur préférait le régime du concours pour les cures.

4° Les universités et l’Iù/lisc. — Les historiens sont unanimes à reconnaître que les universités doivent infiniment à l’Église et que la plupart des universités anciennes sont des fondations ecclésiastiques. « L’Université, note un historien protestant, est une confrérie composée presque exclusivement de clercs : maîtres et étudiants portent la tonsure ; ils constituent, dans leur ensemble, un organe de l’Église. Dire que la fondation des universités a été l’un des signes de l’émancipation de l’espril dans le domaine religieux et que le mouvement universitaire eut pour objet principal de remplacer, par des corporations pénétrées de l’esprit laïque, les écoles chrétiennes des chapitres et des abbayes, c’est commettre la plus lourde erreur. I es universités sont des associations ecclésiastiques organisées régulièrement. » A. Luchaire, L’/ société française au temps de Philippe-Auguste, 2e éd., Paris. 1908, p. 68. Cf. Langlois, dans Hist. gén., de Lavisse et l tambaud, t. ii, p. 550.

Mais, dans l’Église, c’est vers le Saint-Siège que, de bonne heure, se tournèrent les universités, pour se rattacher à lui aussi directement que possible et se soustraire de plus en plus à l’autorité épiscopale « ni royale. Il serait trop long d’énumérer ici les interventions pontificales dont bénéficia l’université de Paris, soit dans sa lutte contre les deux chanceliers. soit pour tirer profil des nombreux privilèges qui lui furent octroyés. C’est le pape qui règne sur l’uni versité >. a pu écrire l’historien protestant déjà cité. Le mot se vérifie au moins au berceau et dans les premières années de l’illustre corporation. Mais à partir du milieu du w siècle, un changement se des Sine dans le sens de la laïcisation. Ainsi le roi Chai les ll adjoint au cardinal légat. chargé de surveiller

l’enseignement et la discipline, un certain nombre de commissaires royaux. De plus, l’université passe pro gressivement sous l’influence du Parlement, qui est devenu une autre puissance. Autant d’indices d’une sécularisation qui s’achèvera sous Henri IV (1600).

La sollicitude pontificale que nous avons constatée à l’égard de l’université parisienne n’est pas exclusive, elle s’étend à l’ensemble des universités du Moyen Age, tant en France qu’à l’étranger. Au berceau de la plupart d’entre elles on trouve une bulle pour autoriser ou confirmer la fondation, pour organiser l’enseignement et régler la discipline. Ainsi, à Orléans, quatre bulles successives dotent d’un statut définitif la nouvelle université qui vient de s’y fonder ; elles sont signées de Clément V (1306), ancien élève du studium. C’est Urbain V (1323) qui accorde des privilèges à l’université d’Angers, tandis qu’à Cæn, Eugène IV crée deux universités, l’une pour les Français (1431), l’autre pour les Anglais (1437). C’est le cardinal Conrad, légat du Saint-Siège, qui, en 1220, donne les statuts à la faculté de médecine de Montpellier, tandis que Nicolas V lui donne sa constitution définitive en 1289. C’est le légat d’Honorius III, qui organise l’université de Toulouse, laquelle sera confirmée en 1245 par Innocent IV. A Avignon, l’université doit son institution à une bulle de Boniface VIII (1303), tandis qu’Alexandre V érigea celle d’Aix-en-Provence (1449). Dans les États du duc de Bourgogne, c’est une bulle de Martin V (1122) qui établit une université à Dole, etc. Et le même phénomène se répète, quoiqu’avec moins de richesse, dans les autres pays d’Europe. Il est peu d’universités dans l’acte de naissance desquelles on ne retrouve un document pontifical, ou du moins l’intervention d’un délégué du Saint-Siège.

Oscra-t-on maintenant faire grief à l’Église de cette protection accordée aux universités, comme on lui a reproché le patronage ou la mainmise sur les écoles inférieures ? On lui a reproché aussi d’avoir canalisé à son profil et accaparé pour les sciences religieuses l’activité intellectuelle du temps, llonorius III n’est-il pas allé jusqu’à interdire l’enseignement du droit civil à l’université de Paris (1219) ? Pour être juste, on notera que c’est à la demande du roi de France que fut portée cette interdiction. Philippe-Auguste en effet se trouvait en lutte avec l’empereur Othon de Brunswick, dont les prétentions à l’hégémonie ne différaient guère de celles de ses prédécesseurs. Le roi de France craignait que l’élude du droit romain à Paris n’apportât de nouveaux arguments a ses prétentions ; car le droit romain était considéré comme le droit du Saint-Empire et il y avait danger qu’Othon ne vint revendiquer des provinces ou territoires dans lesquels ce droit était appliqué. En dehors de Paris, par exemple à Orléans, à Toulouse, les papes encouragèrent et même organisèrent L’enseignement du droit civil. L’Église ne repousse ni ne méprise aucune activité de l’esprit, aucune branche du savoir, pourvu que le bien commun et les droits de Dieu soient sau vegardés. D’autres puissances n’eurent pas toujours la même discrétion ni le même respect.

5° Les universités >i l’État. Si. à l’origine, les universités font figure d’institutions ecclésiastiques, cl sont l’objet des sollicitudes de l’Église, il n’en est pas moins vrai que les rois et les princes rivalisèrent d’émulation avec les papes pour munir ces institution de droits et de faveurs. Nous disons émulation et non pas rivalité entre les deux pouvoirs, au moins an début. C’est ainsi que Philippe Auguste, tout en accordant a l’université de Paris ses premiers privilèges (12011) plaçait la corporation tout entière sous la

juridiction ecclésiastique. Cf. Chart. l’aris., c i. Et en 122 ! ». saint Louis ne fit que renouveler les privilèges Juridictionnels accordés en 1200. Cependant, a mesure qu’elle croissait en Importance

et en influence, l’université devait exciter les appétits d’un pouvoir séculier inclinant vers l’absolutisme. Ne pouvait-elle cire employée à la poursuite tics desseins d’un maître ambitieux ? En l’ail, Philippe le Bel réclama son assistance dans ses démêlés avec le Saint-Siège. Au procès des templiers et aux Etats généraux qui statuèrent sur leur sort, les représentants de l’université étaient présents (1308). Kn 1317, elle est consultée au sujet de l’application de la loi salique : elle l’interprète en faveur de Philippe le Long, lui 1329, elle assiste au plaidoyer de Pierre de Cugnières en faveur de la liberté de l’État et contre les empiétements de la juridiction ecclésiastique. C’est autant pour reconnaître ses services que pour se concilier son influence, que Charles Y la décora du titre de « Fille aînée des rois » ; et en fait, elle prit officiellement, rang après les princes du sang dans les cérémonies. Ce n’est pas que le pouvoir politique ait exercé sur elle une véritable pression : elle s’en serait peut-être difficilement accommodée. Mais à ce moment, elle se laissa gagner par cet esprit collectif national dont l’évolution de la monarchie et la prise de conscience de la souveraineté n’étaient que des signes. De plus en plus elle tendit à être le reflet fidèle de cette opinion publique dont elle était un organe puissant. C’est ainsi que dans l’affaire du Grand Schisme, elle prit d’abord le parti d’Urbain VI, considéré par le peuple et le roi comme pontife légitime, et elle lui envoya des députés. Mais après l’élection de Clément VII, elle se déclara pour lui. Ainsi se trouva-t-elle engagée dans le parti des papes d’Avignon. Sous Charles VI, l’université de Paris était assez puissante pour adresser des remontrances au roi ; à sa mort, ce fut elle qui proclama la royauté d’Henri V d’Angleterre, au détriment du Dauphin. Plus tard, elle accepta la domination anglo-bourguignone « gage de paix ». De là son acharnement contre Jeanne d’Arc, à part un petit nombre de docteurs, dont Gerson. Plus tard encore, elle soutint les prétentions de Charles VII contre les papes, qui désiraient abolir la Pragmatique Sanction. En tout temps, et pour le motif sus-indiqué, elle défendit les « libertés gallicanes ». En revanche, son instinct de tradition et de catholicisme l’empêcha de prendre le parti de la Réforme. Elle soutint les Guises et alla jusqu’à délier les sujets du serment de fidélité, après l’assassinat de Blois. Ce n’est qu’après l’abjuration de Henri IV qu’elle lui fit sa soumission.

A partir du xviie siècle, l’université de Paris a perdu toute influence politique ; elle s’en désintéresse même et n’envoie pas de députés aux États de 1614. Cette réserve et ce désintéressement ne la sauva cependant pas de la tourmente révolutionnaire, laquelle n’épargna pas non plus les vieilles universités du royaume, considérées comme liées à l’Ancien Régime.

Les développements du mouvement universitaire.


Il nous reste à résumer l’évolution de ce mouvement tant en France qu’à l’étranger. Dans l’impossibilité de suivre les vicissitudes de chaque fondation, nous nous bornerons à esquisser les grandes lignes d’une histoire fort complexe.

1. La période des débuts.

Lorsque s’achevait le XIIIe siècle, qui fut l’âge des premières fondations, la France possédait trois universités : Paris, dont nous avons raconté les origines, Toulouse, dont l’acte d’érection remonte à 1229, et Montpellier, dont l’acte de naissance est la bulle Quia sapientiæ de 1289. La plus originale est certainement Toulouse, qui n’est pas une fondation née de la rencontre de circonstances favorables ou de hasards heureux, mais un établissement artificiel, issu d’une volonté délibérée et d’un plan concerté : la volonté de posséder, dans une région infestée par l’hérésie, une institution capable de combattre l’erreur et de poursuivre l’étude de la

théologie et des arts. Raymond VII, comte de Toulouse, et saint Louis furent les mécènes de cette entreprise qui, sous leurs auspices, fut menée à bonne fin.

A la même époque l’Angleterre se glorifiait d’Oxford et de Cambridge, les deux seules universités qu’elle possédera jusqu’au siècle dernier. Toutes deux s’étaient formées spontanément par le jeu des groupements scolaires, de ces « collèges » qui sont aujourd’hui encore la pièce maîtresse des anciennes universités d’outre-Manche.

L’Italie nous offre les premiers exemples de ces universités fondées par la grâce d’un bienfaiteur (ex privilegio, et non pas ex consuetudine, comme étaient la plupart des fondations du xiii c siècle). Naples était née de la volonté de Frédéric II d’Allemagne (1224), soucieux de doter ses États de Sicile d’un établissement de hautes études, attentif aussi peut-être à ne pas laisser ses sujets fréquenter l’université de Bologne, passée au camp des Guelfes. C’est aussi (à part l’éphémère Palencia) le premier établissement d’État, formule appelée à un grand succès dans la suite. Sur le moment elle en eut beaucoup moins. L’établissement, menacé de périr à peine né, fut sauvé par une réforme en 1234.

La péninsule ibérique offre à cette époque quatre universités : une en Portugal, Coïmbre, association spontanée issue des écoles épiscopales. Le siège du studium oscilla jusqu’en 1537 entre cette ville et Lisbonne, où l’université fut transférée définitivement à cette date. En Espagne, la plus ancienne était Palencia (1212), fondation princière due au roi de Castille Alphonse VIII et qui n’eut qu’une existence éphémère. À la fin du xiiie siècle elle avait disparu. Salamanque l’avait éclipsée depuis longtemps ; ses premiers privilèges (royaux) datent de 1220 ; la confirmation pontificale lui fut donnée par Alexandre IV en 1254. Valladolid appartient également au xiiie siècle par sa fondation ; mais ses développements n’apparaissent qu’au siècle suivant.

2. Le XIVe siècle marque une ère nouvelle dans la vie des universités, comme aussi dans celle des autres institutions de l’Europe. C’est l’époque où s’élaborent les nationalités et où se consolide le pouvoir personnel des souverains. D’où tendance, pour les universités, à devenir des rouages d’État : les princes les prennent volontiers en charge quand ils ne les ont pas fondées. Malgré ces menaces d’asservissement, les fondations nouvelles conservent les caractères traditionnels : autonomie relative et rattachement à l’Église.

Deux fondations espagnoles : Lérida (1300) et Huesca (1354) n’eurent qu’une existence éphémère. On peut y joindre Perpignan (1379), qui appartenait à l’Aragon depuis 1349.

Mais l’événement saillant du siècle fut l’apparition d’universités sur les terres du Saint-Empire. La Bohême prit la tête du mouvement avec la fondation de Prague (1347), sur le modèle de Paris. On y note l’importance donnée à l’enseignement de la théologie et du droit canonique, ainsi que la présence de nombreux Slaves. Vienne eut son université de par la volonté de l’archiduc Rodolphe IV ; la bulle accordant les privilèges pontificaux est de 1365, mais l’autorisation d’ériger une faculté de théologie ne vint qu’en 1384.

Sur le sol allemand proprement dit, signalons Heidelberg (1386), fondée sur le modèle de Paris, Erfurt (1389) et Cologne (1388). Ces deux dernières devaient sombrer dans la tourmente napoléonienne. Mentionnons encore Cracovie (1364).

Toutes ces universités allemandes furent, au cours du xive siècle, secouées, plus violemment encore que Paris ou Oxford, par le vent du rationalisme. En

outre, Jean Hus se fit, dans les pays danubiens, le champion des idées wicléfiennes. Ce fut une période de troubles politiques, sociaux et’intellectuels, car les questions nationales se mêlaient aux questions de doctrine. Jean Hus, devenu recteur de Prague, ayant manifesté un chauvinisme outrancier en faveur des Tchèques, les Allemands se retirèrent en masse ; et ce fut l’origine de la fondation de l’université de Leipzig (1409).

Au déclin du xive siècle, l’autonomie des universités est en péril du fait de la mainmise croissante de l’autorité séculière. Parallèlement, l’influence de l’Église va s’amenuisant et le mouvement s’accélère du fait de la déchéance de l’autorité pontificale. Désormais, les universités ne sont plus des organismes qui appartiennent avant tout à l’humanité et au monde comme au xiiie siècle. Leur caractère international ou supra-national a été remplacé par une insertion marquée dans la vie nationale. Elles ne forment plus un « État », mais sont devenues « des institutions d’État, des sociétés nationales ». Cf. St. d’Irsay, op. cit., t. i, p. 198.

3. Le a ie siècle. — Après la fondation de Leipzig (1409), le mouvement universitaire, si longtemps paralysé, prend de l’ampleur sur les terres d’Empire. Rostock est de 1419 ; les démêlés du studium avec la municipalité l’obligent à se déplacer à Lubeck, puis à Greifswald, dans le futur duché de Prusse. Une université prend naissance dans cette dernière ville. Fribourg-en-Brisgau (1457) est l’université fréquentée par les étudiants du Brisgau, de l’Alsace et de l’Autriche.

En 1477 le mouvement a atteint les pays Scandinaves ; deux établissements : Upsal, puis Copenhague sont fondés (1478).

En France, on signale les universités nouvelles de Grenoble (1339) et d’Annecy, sans parler de celle d’Avignon (1303), qui n’est pas en terre française. Paris est en décadence ; il y a moins d’étudiants, par suite de la Grande Peste (1348-1349) ; les étrangers se retirent, ayant des fondations dans leur pays. On travaille moins, beaucoup de fêtes en cours d’année, trop d’amusement et d’oisiveté. Tout cela appelait une réforme ; ce fut l’œuvre du cardinal d’Estouteville en 1452.

Néanmoins les fondations se poursuivent en France à un rythme accéléré : Cæn (1 145) et Nantes (1 161 I. Poitiers (1421), Bordeaux (1441), Bourges (1463) ; Dôle en Franche-Comté (1423) est l’œuvre du duc de Bourgogne, Philippe le Bon, comme Cæn doit sa naissance à Henri VI d’Angleterre, lui 1 181 la ville de Dôle est détruite parla guerre ; l’université se transporte à Besançon, où elle fusionne avec le studium existant. Des essais, qui n’aboutirent pas. axaient été tentes pour crier des universités à Lyon Nîmes A 1 1 ; i Narbonne et Besançon.

Le XV siècle est caractérisé par la richesse de dotation des fondations nouvelles ; on voulait les assurer

contre la pauvreté et l’indigence, qui avaient fail crouler des institutions comme Cracovie ou Vienne

au siècle précédent. La rançon de ces libéralités eût

I > 1 1 cire un progrès dans l’assujettissement au pouvoir

séculier, qui est ordinairement le bailleur de fonds. Néanmoins, même en Allemagne, aucune atteinte grave ne fut portée a l’autonomie universitaire. En France on enregistre des progrès sensibles réalises dans le domaine des facultés de médecine par l’intro dut lion de l’art chirurgical.

Les universités anglaises manifestent à cette époque deux tendances : décentralisation par la création de nouveaux collèges ; nationalisation par le départ volontaire ou l’expulsion des étudiants étrangers. Ain i s’expliquent, au moins en partie, les trois fon dations écossaises de Saint-Andrews (1413), de Glasgow (1450) et d’Aberdeen (1495).

Mais le trait le plus saillant est le nombre excessif des universités au xv siècle. Les conséquences sont la nécessité de multiplier les collèges pour essayer de maintenir le niveau du recrutement. Malgré tout, le nombre fies étudiants est en baisse : Paris et Bologne ne descendent pas au-dessous de six mille, Salainanque en conserve cinq mille, Oxford trois mille, Toulouse, Vienne et Leipzig environ deux mille. Mais le plus grave est la baisse du niveau intellectuel : pénurie de sujets et, dans certains cas, de maîtres et de moyens matériels, mais surtout absence d’entrain, d’émulation. Les universités sont encore des centres de vie intellectuelle ; mais elles laissent l’impression de ne plus dominer les circonstances et de ne plus donner d’orientation au monde. Cet te éclipse ne devait pas durer.

4. La Renaissance.

Les universités ne furent pas les dernières institutions à bénéficier du renouveau de vie que contenait l’humanisme. Les études et l’enseignement vont prendre un nouvel essor. L’Italie marche en tête, comme il convient.

A Bologne, l’université du droit, l’humanisme pénétra sous le couvert de l’enseignement des lettres ; ce ne fut pas sans quelque remous. Bessarion, envoyé en 1450 par Nicolas V, finit par calmer les esprits. Padoue, Pise, Pavie et Ferrare acceptèrent plus favorablement le courant nouveau. Quant aux petites et moyennes universités (Sienne, Arcz/o. Yerceil, Vicence, Pérouse, Turin, Catane…). elles n’arrivent pas facilement à trouver leur équilibre dans l’agitation qui les secoue ; elles disparaissent et réapparaissent plusieurs fois au cours du siècle. C’est Florence qui incontestablement est à l’avant-garde de la Benaissance italienne ; dans l’université, la philosophie néoplatonicienne était particulièrement florissante, grâce à l’académie de Marcel Ficin.

Rome avait eu au Moyen Age deux universités, l’une dite de la Curie romaine, fondée vers 1214, l’autre, la Sapience, créée par Boniface X" III en 1303. Cette dernière avait disparu lors du départ des papes pour Avignon. Eugène IV la ressuscita en 1 131 et Léon N lui adjoignit l’université de la Curie. Grâce aux encouragements, faveurs et libéralités d’Alexandre Y I et de Léon X, la Sapience devint la première université de la péninsule. D’ailleurs, au Cinquecento, Borne dépasse Florence, qui avait été le berceau de la Benaissance. Son rayonnement se fait sentir sur le monde entier. La Hongrie fut une des premières nations à s’épanouir au souille nouveau. Sous l’influence italienne, deux universités surgissent dans cepays ; Pozsony et Buda (cette dernière est plutôl une résurrection).

Au milieu de l’élan qui emporte les esprits vers un renouveau issu de l’antique, quelques îlots conservent une empreinte moyenâgeuse, en particulier l’université de Couvain, fondée en 1 125. Dès l’origine elle cultive les belles-lettres, mais c’est seulement à la fin du xv siècle (vers ! 190) qu’elle devient, avec l’arrivée d’Érasme, un centre d’humanisme. La fondation du célèbre collège des Trois Langues assure à l’université une renommée mondiale dans le domaine de la philologie. L’imprimerie qui vient d’être découverte à cette heure est patronnée par les universités (Louvain, Oxford, Toulouse et surtout Paris).

C’est vers ce même temps que Paris s’enrichit d’une fondation qui n’est pas une université nouvelle, mais

plutôt une annexe « le celle-ci, analogue au Trilingue de Louvain : c’est le Collège de France, œuvre com uiune de François T r et de l’helléniste Guillaume Rude (I53D. L’hostilité, puis les attaques de la Sorbonne amenèrent, peu d’années après, la séparation totale « lu Collège et de l’université. Le Collège de France s’oriente alors vers les recherches libres, autant que vers l’enseignement, et il trouvera dans cette nouvelle activité de beaux titres de gloire.

Les universités d’Angleterre à leur tour se laissent péiiélicr par le souille de la Renaissance ; c’est surtout par l’intermédiaire des Pays-Bas (Érasme) et de la France.

L’Allemagne entre dans le mouvement, non par le culte d’idées ou de méthodes importées (depuis longtemps elle cultivait la philosophie, la littérature et même la mythologie antique), mais plutôt par l’approfondissement des ressources de son terroir : langue, histoire, musique, sciences physiques et mathématiques. De nouvelles universités s’étaient fondées à la fin du siècle précédent, animées de l’esprit nouveau : Tubingue (t477), Trêves (1472), Ingolstadt (t472), Mayence (1477). Mais, dès le début du xvie siècle, on peut discerner le sens de l’évolution que suivront désormais les universités allemandes. Trouvant en face d’elle un État riche et puissant, qui tend à s’approprier toutes les activités pour asseoir son pouvoir, elles n’échapperont plus à l’absorption qui sera réalisée vingt ans plus tard. Les universités d’Allemagne sont en train de devenir des établissements d’État. La Réforme ne fera que confirmer et accentuer un fait déjà accompli.

De la Réforme elle-même naquirent plusieurs nouvelles fondations : Genève, création de Calvin (1559), Mai’bourg (1527), œuvre du landgrave de Hesse pour servir ses fins politiques : asservir l’Église à l’État suivant le principe cujus regio hujus religio ; Kônigsberg nuit sur les mêmes bases (1543), puis léna (t558), afin de « conserver le verbe de Dieu et la religion chrétienne », c’est-à-dire selon la confession d’Augsbourg et les articles de Smalkalde. Helmstàdt en 1574 est encore une fondation de la Réforme. Tout naturellement la plupart des universités allemandes existantes se rallièrent aux idées nouvelles. Seules Ingolstadt et Fribourg demeurèrent attachées à la foi romaine.

La Contre-réforme, qui devait opérer la vraie réforme, semble être partie d’Espagne. Cf. Stephen d’Irsay, op. cit., t. i, c. xiv, p. 331 sq. Les anciennes universités de Salamanque, Valence, Lérida, Barcelone en furent les foyers et les solides instruments. Des fondations nouvelles, comme Oviedo (1(504), mais surtout Alcala vinrent à la rescousse. Cette dernière, œuvre de Ximenès, fut sans doute la première à posséder un collège féminin, dirigé par des moniales ; elle eut aussi son hôpital et son Collège trilingue, au labeur duquel on doit la célèbre Bible polyglotte, publiée en un temps record (1514-1517). Ce fut en Espagne que la Renaissance se présenta le plus visiblement sous le double aspect classique et chrétien. On comprend l’appui que trouva l’Église dans les universités restées fidèles pour mener à bieiv sa tâche réformatrice.

La puissance de ces institutions apparut telle qu’on n’hésita pas à en créer de nouvelles dans les provinces atteintes par l’hérésie. Dillingen (1554) et Wurtzbourg en Bavière furent de ce nombre, et plus tard Salzbourg (1582). Hors de l’empire, signalons Vilna (1578) et Douai (1562), fondations nouvelles, ainsi que Pont-à-Mousson (1572), œuvre commune du duc et du cardinal de Lorraine réalisée par les jésuites, et qui fut un précieux instrument de conservation de la foi dans les provinces de l’Est. Quant à Louvain, elle demeura le bouclier de l’orthodoxie catholique dans les Pays-Bas.

Enfin, sur le continent américain, deux universités ne connurent pas les secousses de la Réforme : Mexico, qui ouvrit ses portes en 1553 et Lima, qui commença

ses cours en 1555 ; toutes deux sont de formule espagnole, Calquées sur Salamanque.

Lorsque fut passée la tourmente religieuse du xvie siècle, qui transforma souvent les universités en institutions de combat, ces établissements de hautsavoir revinrent à leur destination première, à savoir la vie paisible, orientée vers une activité scientifique désintéressée. C’est dans ce souci d’une culture approfondie qu’il faut chercher la transformation qui s’opéra en elles au xviie siècle. L’université moderne est née de là.

5. Les XVIIe et XVIIIe siècles. — Les fondations universitaires ne subissent pas d’arrêt dans la période de transition. Citons : Leyde (1574), Franken (1583), Groningue (1614), Utrecht (1630) et Amsterdam (1621 1. En Irlande apparaît Dublin (1591) et, en Ecosse, Edimbourg, dont l’essort date de 1685 seulement ; ce sont deux universités protestantes. En Alsace, Strasbourg, issue d’une académie célèbre, est élevée au rang d’université en 1621 ; malheureusement la guerre de Trente ans vint arrêter son essor prometteur.

Durant cette période néfaste, les universités allemandes furent durement frappées, soit les anciennes, soit les nouvelles, comme Altdorf, Herborn, Rintelen, Bamberg (toutes supprimées d’ailleurs sous Napoléon ) et Giessen, qui subsiste encore. Ce fut, sinon la mort, du moins le sommeil pour beaucoup : Marbourg ne comptait plus que 27 étudiants en 1624, Prague 25. Seules Ingolstadt (catholique) et Heidelberg (protestante ) résistent..Mais la vie intellectuelle y est paralysée.

Cependant c’est à cette époque de misère et de ruines matérielles que se dessinent et s’affirment de nobles idées et des conceptions nouvelles sur le droit des gens et les fondements d’un ordre international. Les universités ne demeurèrent pas étrangères ni indifférentes aux théories émises par un Vitoria ou un Suarez en Espagne, un Cujas à Paris et un Gentili en Italie, puis a Oxford. Le plus illustre de tous ces penseurs semble avoir été le Hollandais Grotius avec sa théorie du « droit des gens ».

Pendant ce temps, en Allemagne, le mouvement piétiste, préconisé par Spener et Franke, trouve son moyen d’expression et d’expansion dans la nouvelle université de Halle (1694). Outre sa faculté de théologie (protestante), la nouvelle fondation se rendit célèbre par ses écoles de droit et de science politique. C’est chez elle que fut créée la première chaire de science économique du monde (1729).

Tandis que les universités de Leyde, Vienne et Edimbourg, par leurs recherches médicales pratiques et leurs expériences anatomiques, s’orientent vers l’utilitarisme et le matérialisme, une nouvelle université se fonde à Gœttingue (1737) sur des formules un peu nouvelles. Entièrement soumise à l’État, bien rentée, elle visait à un double but : distribuer des connaissances pratiques et immédiatement utilisables dans le domaine professionnel, administratif et politique, et, en même temps, poursuivre des recherches libres et désintéressées. Pour ce faire, elle eut à sa disposition une des plus belles bibliothèques de l’époque. Cette formule marque une étape décisive dans la formation de l’université moderne.

Déjà, en effet, nous sommes entrés dans le siècle de Newton et de Locke, l’âge de l’expérience physique et de la mécanique, l’époque de l’empirisme et du rationalisme. Dans l’Europe entière, en dépit des réactions en faveur de l’indépendance des universités, l’opinion commune est que l’université est affaire d’État. C’était d’ailleurs une réalité dans beaucoup de centres, surtout au delà du Rhin. En France, ce sera l’œuvre de la Révolution.

Avant la grande secousse qui devait ébranler notre

pays et toute l’Europe, les universités (surtout en France et dans les Pays-Bas) connurent les agitations des querelles jansénistes, auxquelles, trop souvent, la politique se trouva mêlée. Tandis que Louvain accueille favorablement la doctrine nouvelle, Paris, qui ne peut avoir d’autre pensée que celle de Louis XIV, fait un accueil assez froid à l’Augustinus. Il est vrai que plus tard, au début du xviii p siècle, l’université se prononça contre la bulle Unigenitus et en appela au futur concile. Mais, peu après, elle se désista de son appel (1739). À dater de ce jour, le parti janséniste la considéra comme mourante et ne lui épargna pas ses sarcasmes.

Néanmoins, l’université de Paris conserva son importance et son prestige. L’expulsion des jésuites (1762), qui avaient combattu l’université, très attachée aux idées gallicanes, lui rendit un regain d’autorité. Le collège Louis-le-Grand (jadis de Clermont) devient un des modèles du genre. Et pourtant l’université de Paris, plus soucieuse de sauvegarder ses privilèges anciens que de moderniser son enseignement à la faculté des arts, reste en retard en ce qui concerne la recherche scientifique : enseignement insuffisant, défaut d’outillage, spécialement de bibliothèques.

Dans la province, la situation des universités françaises n’est pas toujours brillante. Il y a des fondations nouvelles : Dijon (1722), Pau (1722), Nancy où est transférée l’université de Pont-à-Mousson (17(19). Mais les règlements sont variés à l’excès et pas toujours orientés vers les progrès de l’enseignement et de l’éducation. Ces institutions ne remplissent plus leur fonction sociale et n’ont plus, comme au Moyen Age, de contacts suffisants avec l’opinion. S’il eût fallu dresser des plans de réforme de ces institutions d’après les cahiers de doléances de 1789, on eût été bien embarrassé, car les vœux exprimés sont des plus contradictoires et des plus incohérents. Les Constituants furent impuissants à proposer aucun remède digne de ce nom ; ils se contentèrent de supprimer leurs moyens de subsistance en abolissant certains impôts aussi bien que les corporations séculières. Les universités étaient mourantes lorsque la Convention vota leur suppression le 15 septembre 1793. À la veille de la Révolution, on en comptait encore vingt-deux, dont dix-huit étaient réputées fameuses » ; quatre n’avaient pas droit à ce titre. Cf. Marion, Dictionnaire des institutions de la France, p. 547-548. L’Allemagne, au milieu du xviite siècle, en comptait trente-deux dix-huit protestantes et quatorze

catholiques.

Apres la réaction thermidorienne, on tenta de remplacer les universités et les collèges par des écoles centrales », et les facultés de médecine par des écoles de santé (Paris, Montpellier, Strasbourg) ; ce fut sans sucres. Quelques écoles spéciales inaugurées par la Convention réussirent mieux : par exemple le Musée d’histoire naturelle, l’École polytechnique, l’École du Génie militaire, les Ponts-et-chaussées..’.

En revanche. l’Ecole normale fut un échec complet. Le Directoire n’ajouta rien à l’œuvre assez maigre de

le Convention, il fallut ai tendre l’Empire.

6. La période contemporaine. Le contre-coup de la Révolution française fut à peu prés nul en Angleterre, mais plus sensible en Allemagne OÙ retentis soient les appels « le Kant à la liberté (surtout a la liberté philosophique). Il y eut quelques troubles ; i

Francfort-sur l’Oder. Halle, léna, < oit t iugue. mais ils

furent réprimés rigoureusement par le pouvoir.

En Italie, les anciennes universités, aussi bien que

qui avaient VU le jour dans les deux derniers siècles (Païenne, Cagliari, Sassaii), fermèrent leurs portes ; i l’arrivée des troupes françaises ; elles Furent

Dl’i. l>l i m iii, . CÀ i HOL.

remplacées par des académies. En Espagne, au contraire, le calme fut à peine troublé : les mouvements provoqués par les idées révolutionnaires furent vite étouffés.

Dans l’ensemble de l’Europe, après l’époque napoléonienne, il fallait construire ou reconstruire. En Allemagne, du fait de l’occupation des troupes françaises et de la sécularisation des États ecclésiastiques, vingt universités disparurent complètement, parmi lesquelles Cologne, Mayence, Trêves en 1798 ; Bamberg et Dillingen en 1803 ; Wittenberg qui fut réunie à Halle. Par suite du démembrement de la Prusse après léna, ce royaume se trouvait dépossédé de ses plus célèbres universités (Duisbourg et surtout Halle) ; il ne conservait que Kônigsberg et Francfort-surl’Oder, toutes deux dans une situation précaire. C’est au malheur des temps que l’université de Berlin dut sa naissance. La réalisation de l’idée d’une grande université allemande et prussienne est due au ministre Guillaume de Humboldt ; et cette fondation, qui date de 1810, contribua plus ou moins consciemment à forger la nation allemande sous l’égide de l’État prussien. Les noms de Savigny, Eichhorn, Schleiermacher, Schelling, Fichte, Hegel en illustrèrent les chaires. En outre, Francfort-sur-1’Oder fut transférée à Brestau ; Bonn fut créée en 1818 et Munich (1826) prit la place d’Ingolstadt.

La Bussie était une nation dépendante de l’Occident pour l’instruction publique de ses sujets ; les deirx influences allemande et française s’y rencontraient. Il n’y avait dans l’immense empire que deux universités à la fin du xviiie siècle : Mina (ancienne Pologne) et Moscou. La première fondation du xixe siècle fut Dorpat, dans les pays baltes (1802), sur le modèle allemand. Puis il y eut Kazan (1804), Kharkov (1815), Saint-Pétersbourg (1819), Varsovie (1816), et, après l’annexion de la Finlande, Helsingfors (1827).

Dans l’ensemble, ces foyers de culture de l’empire des tzars se laissèrent pénétrer par l’esprit turbulent venu des universités allemandes et aussi par les idées libérales venues de l’Occident. Cependant l’empereur et toute la haute société russe demeuraient imbus de conceptions aristocratiques et monarchiques, en même temps que religieux et dévots dans le sens piétiste. D’où la suspicion jetée sur l’activité des universités. Des mesures réactionnaires ou répressives finirent par creuser un fossé entre l’Etat et le monde intellectuel. Ce furent pourtant les universités qui préparèrent l’évolution politique et sociale, à laquelle les dirigeants russes cherchèrent longtemps à s’opposer même par la force, et qui aboutit aux bouleversements que l’on connaît et qui ne sont pas encore terminés.

En France, l’Empire une fois proclamé, on aboutit, après bien des tâtonnements, à la création d’une « Université impériale » (loi du 10 mai 1806). Cette expression nouvelle désignait le corps auquel était désormais réservé le monopole de l’enseignement et de l’éducation publique à tous les degrés. Le territoire de l’Empire français fut divisé en académies dont le nombre était variable suivant retendue des conquêtes napoléoniennes. En L814, il y en eut jusqu’à quarante ; après la chute de l’Empire il en restait dix-sept. Au fond, ces académies sont définies par les universités qu’elles englobent. Mais elles s’occupent des trois degrés d’enseignement. L’est ce système Impérial qui a prévalu en France jusqu’à nos jours.

L’esprit qui anima l’Université au temps de Napoléon et sons la Restauration était celui-là même que lui avait infusé le fondateur ; le conformisme le plus absolu aux idées gouvernementales. Sous In Restauration il y eut bien une réaction violente contre cette I niveriité, créée par un despote i et considérée

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XV. — 71. j i r> i

U N I V E H S I T É S CATHOLIor E S

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comme son instrument docile. Mais bientôt, le nouveau gouvernement se crut mieux inspiré de s’emparer lui-même de ce monopole qui pouvait lui être utile. Mais, à la faveur d’une certaine liberté, deux tendances se firent jour dans l’Université : l’une ultramontaine, l’autre libérale. Cette dernière devait l’emporter avec la révolution de Juillet. On songea à décentraliser l’enseignement ; mais, par souci d’unité, l’Université fut maintenue, avec le monopole. Cependant en 1833 la liberté de l’enseignement primaire fut acquise.

La révolution de 1848 marqua le triomphe du libéralisme dans toute l’Europe. Et pourtant, en dépit des affirmations que contenait la constitution républicaine sur la liberté d’enseignement, le gouvernement ne céda pas sur le monopole. Il fallut attendre l’avènement des hommes qui firent plus tard le coup d’État du 2 décembre, pour obtenir la loi Falloux qui consacrait la liberté de l’enseignement secondaire. Et ce ne fut qu’en 1875 que fut votée, sous la IIIe République, la liberté de l’enseignement supérieur.

Actuellement, la France, au point de vue universitaire reste divisée en dix-huit académies, à la tête desquelles est placé un recteur, assisté d’autant d’inspecteurs qu’il y a de départements dans la circonscription. Auprès de chaque recteur fonctionne un conseil d’académie. Le grand maître de l’Université est le ministre de l’Instruction publique (aujourd’hui Éducation nationale). Les chef-lieux d’académie sont dotés d’une université. Il y a des universités -qui possèdent cinq facultés (lettres, sciences, droit, médecine, pharmacie) ; d’autres trois, et quelques-unes seulement deux. Une seule université, Strasbourg, possède sept facultés, la théologie tant catholique que protestante étant demeurée comme sous le droit concordataire. Les dix-huit universités (ou académies) de France sont : Aix, Alger (depuis 1849), Besançon, Bordeaux, Cæn, Chambéry, Clermont, Dijon, Grenoble, Lille, Lyon, Montpellier, Nancy, Paris, Poitiers, Rennes, Toulouse, Strasbourg (1918).

En Belgique, la célèbre université de Louvain, après s’être vu imposer le protestantisme par le roi de Hollande, fut émancipée par la révolution de 1830, qui proclama, en même temps que l’existence de la Belgique, la liberté d’enseignement. Une université catholique fut créée en 1834 à Malines, puis transférée l’année suivante à Louvain, Pendant ce temps, la libre-pensée fondait l’université de Bruxelles.

La Suisse accuse deux fondations universitaires au xixe siècle : Zurich (1832) et Berne (1835). En revanche Genève n’a plus que le titre d’académie.

Les universités espagnoles du xviiie siècle avaient été très retardataires, soit dans leur organisation, soit dans leur enseignement. Les réformes entreprises au siècle suivant furent calquées sur celles des pays étrangers et s’inspirèrent de principes étatiques. En 1821, le ministre Caballero avait supprimé onze universités secondaires (Avila, Bæza, Gandia, Osma, Tolède, etc.). Après une deuxième épuration en 1824, il ne restait que Salamanque, Valladolid, Valencia, Cervera, Santiago, Sarragosse, Huesca, Séville, Grenade et Oviedo, soit dix en tout. En 1837, l’université de Barcelone fut ressuscitée, elle absorba Cervera et Huesca. Madrid à son tour, fondée à cette époque, absorba Alcala. Trois ans plus tard furent abolies les facultés de théologie qui existaient à Madrid, Oviedo, Séville, Valladolid et Sarragosse. En 1933, il n’y avait plus en Espagne qu’une seule faculté de théologie canoniquement érigée et pouvant donner des grades en cette science.

En Italie, comme en Espagne, les universités s’étaient figées dans des formules antiques et peu adaptées. Ce qui n’empêcha pas les idées libérales de s’y développer sourdement. De là des conflits inévitables. L’université de Turin fut fermée en 1821, les étudiants ayant manifesté des idées trop avancées au gré de l’occupant autrichien. Rouverte en 1823, elle fut de nouveau fermée en 1831, à la suite de nouveaux troubles. Gênes et Modène connurent des vicissitudes semblables. En 1824, une bulle de Léon XII avait réorganisé les universités de Rome, Urbino et Pérouse. Après la chute du pouvoir pontifical, il n’y eut plus de facultés de sciences sacrées dans les universités d’État italiennes, sauf à la Sapience. Cette dernière cessa de pouvoir donner des grades canoniques à partir de 1931.