Dictionnaire de théologie catholique/RÉDEMPTION II. Genèse de la foi catholique 5. Théologie médiévale

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 13.2 : QUADRATUS - ROSMINIp. 264-269).

V. Théologie médiévale. —

Il était réservé au Moyen Age de réaliser la synthèse doctrinale dont la tradition patristique avait préparé les matériaux. Le tournant du xi c siècle allait voir s’accomplir d’un coup ce progrès dans le Cur Deus horno de saint Anselme, et d’une manière, somme toute, assez heureuse pour que la crise ouverte par Abélard ne fît que le consolider. Voir L(. dogme de la rédemption. Essai d'étude liistorique, p. 279-315 et 446-482 ; Le dogme de la rédemption au début du Moyen Age. p. 63-260.

1° Œuvre de saint Anselme. - Historiens et théologiens tic tous les bords sont unanimes à reconnaître que le Car Deus homo, P. L., t. clviii, col. 361-131), fait époque. Il fui publié en 1098 et il n’y a pas à compter avec l’hypothèse, soutenue par E. Druwé, Libri sancti Anselmi « Cur Deus homo « prima forma inedila, Rome, 1933, d’une « première rédaction i entièrement différente du texte actuel. Voir.1. Rivière, Un premier jet du « Cur Deus homo » ?, dans Revue des sciences religieuses, t. xiv, 1931, p. 329-369. On lui doit d’avoir pour la première fois systématisé la théologie rédemptrice autour du concept de satisfaction.

1. Exposé.

Sous la forme d’un dialogue avec son

disciple Roson, Anselme y développe une thèse méthodique, en vue d'établir au nom d’une dialectique péremptoire, rationibus necessariis, et de caractère purement rationnel, remolo Christo quasi numquam aliquid fueril de illo (préface), la stricte nécessité de l’incarnation et de la passion. Voir Anselme (Saint), t. i, col. 1338-1339.

Cette démonstration se déroule en deux livres, dont le premier commence par écarter les conceptions courantes de l'économie rédemptrice, notamment celle qu’il était habituel d’emprunter à la « justice » envers le démon (i, 7). Une fois le terrain ainsi déblayé, l’auteur définit le péché comme une violation de l’honneur dû à Dieu et, en conséquence, la satisfaction comme un hommage propre à réparer cette offense (i, 11). D’où il déduit qu’une satisfaction pour le péché s’imposait, au regard tant de Dieu que de l’homme (i, 1219), mais que celui-ci n'était pas en mesure de la fournir secundum mensuram peccali (i, 20-24). Ce qui ne laisse pas à l’humanité coupable d’autre alternative pour être sauvée que l’avènement du Fils de Dieu (i, 25).

Au second livre, Anselme remonte plus haut, pour montrer que Dieu ne pouvait pas renoncer à son plan

T. — XIII — 62.

sur le genre humain (n, 1-5) et que, dès lors, l’incarnation était nécessaire (n, 6-10). N'étant pas soumis à la mort, en l’acceptant pour ne pas trahir sa mission le Christ pourrait l’offrir à Dieu en compensation de nos péchés (n, 11-13), qu’elle réparerait in inftnitum (n, 14-18). Ce faisant, il acquérait un mérite dont il a demandé et obtenu que le bénéfice fût reporté sur nous (n, 19-20).

Trois propositions, au total, marquent les étapes de cette dialectique. Étant donnée la création, nécessairement Dieu se devait de pourvoir à la restauration de l’humanité déchue. A cette fin il devait exiger du pécheur une satisfaction complète pour son péché. Or cette satisfaction due par l’homme était absolument au-dessus de ses forces et ne pouvait être fournie que par un IIomme-Dieu. Ainsi les conditions requises pour la rédemption du genre humain postuleraient l’incarnation, qui, à son tour, éclaire la nature et garantit la réalité de celle-là.

La méditation XI : De redemptione luimana (1099), P. L., t. clviii, col. 762-769, n’est qu’un résumé du Cur Deus homo sur le mode affectif.

2. Appréciation.

En raison même de son importance, l'œuvre anselmienne soulève plus encore de préventions que de difficultés.

Chez les critiques étrangers à l'Église, les pires outrances de langage restent de tradition. Avec toutes sortes d’antinomies, Ad. Harnack, Dogmengeschic.hle, t. iii, 4e éd., p. 401-409, sur les pas de Baur et de Ritschl, y découvre une notion mythologique de Dieu ainsi qu’une opposition digne de la Gnose entre la justice du Père et la bonté du Fils, que vient compliquer une division parfaitement nestorienne de la personne du Christ, le grief général de transformer en catégories juridiques les réalités de la foi planant sur le tout. J. Turmel, Histoire des dogmes, t. i, p. 413 et 419-426, s’acharne de préférence contre la cohésion du système, où il ne voit que sophismes et contradictions. Autant de reproches qui se discréditent par leur manque de mesure et trahissent, avec un défaut complet d’objectivité, le parti pris contre la doctrine catholique dont le Cur Deus homo reste le principal boulevard. Il incombe aux théologiens d’y parer en s’appliquant à prévenir ou dissiper les déformations et les méprises de l’ignoratio elenchi.

Au concept fondamental de satisfaction la mode fut quelque temps de chercher, avec E. Cremer, une origine apocryphe dans la notion germanique du Vcrgeld. L’histoire la moins partiale reconnaît maintenant, cf. Ad. Harnack, op. cit., p. 391-392, et F. Loofs, Lcilfaden der Dogmengeschichle, 4e éd., p. 509-511, qu’il est emprunté à la langue de l'Église, où il avait cours depuis Tcrtullien pour désigner le rôle de la pénitence personnelle du pécheur.

Son application à l'œuvre du Christ ne marqueraitelle pas du moins une rupture avec la tradition des siècles antérieurs qui l’ignorait ? Ainsi G.-C. Foley, Anselm’s tlwonj of the alonement, p. 77 et 96-99. Mais ce n’est là qu’une expression nouvelle de ce que désignaient les anciennes catégories de sacrifice et de rachat. Ce qui ne va pas au-delà d’un légitime développement.

Du point de vue catholique, le système anselmien ne laisse pas d'être vulnérable dans plusieurs de ses partics. Son déficit le plus saillant a toujours paru la nécessité qu’il introduit à chaque moment de l'éco nomie rédemptrice et, malgré tous les essais périodiques d’interprétation bénigne, on ne peut guère douter qu’Anselme ne l’ait entendue au sens le plus rigoureux. Tour la preuve détaillée, voir Le dogme de la rédemption. Étales critiques et documents, p. 313317. Aujourd’hui surtout beaucoup de théologiens en regrettent la méthode trop exclusivement juridique,

par suite de laquelle Anselme réclame pour la satisfaction un acte strictement surérogatoire, au risque certain d’isoler la mort du Christ de l’ensemble de sa vie, ou ramène l’application des mérites du Sauveur à une convention artificielle entre le Père et le Fils au détriment de la notion paulinienne de solidarité.

.Mais ces défauts de détail, et qu’il est, au demeurant, facile d’amender, ne doivent pas empêcher de reconnaître la valeur unique d’une œuvre puissante entre toutes, a laquelle, au surplus, la théologie chrétienne de la rédemption doit sans conteste le capital dont elle a vécu depuis.

2° Œiwrc d' Abélard. — Rapproché d’Anselme par la chronologie, Abélard en diffère du tout au tout par son genre de contribution à l’histoire de la sotériologie catholique, où il ne compte guère, comme ailleurs, que par ses témérités.

1. Exposé.

A défaut d’une synthèse comparable au Cur Deus homo, la doctrine rédemptrice d' Abélard se trouve ébauchée dans un excursus de son commentaire sur l'épître aux Romains (après 1125), II, iii, P. L., t. CLXXVIII, col. 833-836..

Comme l’archevêque de Cantorbéry, l'écolâtre parisien s'élève tout d’abord contre la conception usuelle, qu’il présente sous les traits passablement lourds d’un rachat au démon. A quoi il oppose que celui-ci ne saurait avoir aucun droit sur les pécheurs au châtiment desquels il est préposé par Dieu, pas plus que le geôlier ou le bourreau sur ses clients.

Suivent un certain nombre de questions rapides et pressantes qui intéressent le fond même du mystère de la rédemption. Quel besoin Dieu avait-il de s’incarner pour notre salut ? Comment pouvons-nous être justifiés par la mort du Christ qui ne nous rend pas meilleurs et provient elle-même d’un crime autrement grave que la faute d’Adam ? Si elle est une rançon, comment peut-elle agir sur celui qui la détermina ? N’est-ce pas une injustice pour Dieu que de réclamer la mort de l’innocent ou une cruauté que d’y prendre plaisir ?

Une seule réponse lui semble propre à dénouer ces antinomies, savoir de chercher le secret de notre justification dans les leçons que la mort de Jésus nous donne et dans l’amour qu’elle a pour but de nous inspirer. Tout le mystère tient dans cette psychologie : Redemplio itague noslra est illa summa in nobis per passioncm Christi dilectio. Cf. ibid., II, v et III, viii, col. 860 et 898.

2. Appréciation.

Par sa critique de la sotériologie populaire, Abélard peut sembler, en gros, d’accord avec Anselme. A y regarder de près cependant, on voit qu’avec le « droit » du démon il contestait également son dominium ou sa potestas sur les pécheurs. Une équivoque des plus graves, et tout entière à sa charge, allait de ce chef peser sur le débat.

Il est banal de le faire passer pour un adversaire de la satisfaction, que le docteur de Cantorbéry venait de systématiser. Aucun de ses arguments ne vise, en réalité, les positions du Cur Deus homo. Ce n’est pas contre le système anselmien, mais contre les données essentielles de la foi que portent ses rationcs dubitandi. Voir Le dogme de la rédemption au début du Moyen Agi-, p. 96-129.

Les théologiens du protestantisme libéral lui font honneur d’avoir franchement situé la rédemption sur le terrain subjectif. Éloge qui suffit à montrer combien il s'éloignait de l'Église et de sa tradition. Voir Abélard, t. r, col. 47.

Quelques auteurs, surtout protestants, ont entre pris d’arracher Abélard à cette réputation compromet tante, en faisant valoir les divers passages où il semble assez fidèle aux exigences de l’orthodoxie. Ainsi S. -M. Deutsch, Peler Abâlard, Leipzig, 1883,

p. 370-387. Mais des textes oratoires sur le sacrifice du Christ et la vertu rédemptrice de sa croix sont trop vagues pour rien trancher ou s’entendent sous le bénéfice d’un subjectivisme constant par ailleurs. Quant à ces « mérites » du nouvel Adam qui suppléeraient à l’insuiFisance des nôtres, In Rom., ii, P. L., t. clxxviii, col. 863 et 865-866, ils peuvent tout au plus constituer une de ces inconséquences fréquentes chez Abélard et ne sauraient donner le change sur la direction de son enseignement dans les endroits où il s’exprime en termes formels.

3. Influence.

Ces positions d’Abélard se retrouvent exactement dans l'école issue de lui. Voir ici même, t. i, col. 49-51. Cf. J. Rivière, De quelques faits nouveaux sur l’influence Ihéologique d’Abélard, dans Bulletin de litl. eccl., 1931, p. 107-113 ; Le dogme de la Rédemption au début du Moyen Age, p. 170-193 et 232-237.

Avec des nuances, Roland Bandinelli, maître Omnebene et l’anonyme de Saint-Florian témoignent de la même hantise dialectique à l'égard du rachat au démon et s’attachent à souligner l’amour dont l'œuvre du Christ est la source, pour ne toucher qu’en passant à la valeur sacrificielle de sa mort. Voir A. Gietl, Die Sentenzen Rolands, Fribourg-en-Br., 1901, p. 157162 ; H. Ostlender, Sententiæ Florianenses, Bonn, 1929, p. 14-16 ; Ps.-Augustin, Hom., 9, P. L., t. xlvii, col. 1218.

Seul Hermann, tout en gardant ce cadre, subordonne assez nettement l’infusion de la charité qui nous justifie au sacrifice que le Christ offre à Dieu dans sa passion. Voir Epilome Iheol. chr., 23, P. L., t. clxxviii, col. 1730-1732.

En même temps qu’il achève de caractériser les tendances d’Abélard, le suffrage de ses disciples n’en montre-t-il pas suffisamment le danger ?

Destinées immédiates des deux initiateurs.

A la

croisée des chemins doctrinaux qu’ouvraient devant elle ces deux maîtres illustres, ni l'Église ni la théologie du xiie siècle naissant n’eurent d’hésitation.

1. Condamnation d’Abélard. — Dénoncé par Guillaume de Saint-Thierry, puis, à son instigation, par saint Bernard, Abélard vit dix-neuf de ses erreurs condamnées par le concile de Sens (1140), puis par le pape Innocent II. La quatrième avait trait à sa doctrine de la rédemption.

En effet, la sotériologie de l'écolàtre parisien recevait une large part dans les deux mémoires accusateurs. Voir Guillaume de Saint-Thierry, Disp. adv. Abœl., 7, P. L., t. clxxx, col. 269-276 ; S. Bernard, Tract, de crr. Abœl., v, 11-ix, 25, P. L., t. cxxxxii, col. 1062-1072. Avec l’insolence agressive d’Abélard contre l’enseignement commun, l’un et l’autre attaquaient sa manière de rejeter l’assujettissement des pécheurs au démon et de réduire à celle d’un exemple l’efficacité de la mort du Sauveur. Le premier grief fut seul officiellement retenu et donna lieu à un capilulum ainsi libellé : Quod C.hristus non assumpsil carnem ut nos a jugo diaboli liberaret. Denzinger-Bannwart, n. 371.

Tout en se plaignant avec amertume d’avoir été mal compris, Abélard lui-même ne laissa pas de prendre condamnation sur cet article. Fidei confessio, dans P. L., t. clxxviii, col. 105-106. Il n’en fallut pas davantage pour couper court à son influence et arrêter le développement de la petite école qui commençait à la subir.

2. Témoignage de saint Bernard.

Rien n’est mieux fait pour montrer quel était, à l'époque, le cours ordinaire de la théologie que l’attitude prise dans ces circonstances par l’abbé de Clairvaux.

On ne se prive pas d’inscrire à son passif l’ardeur qu’il met, non seulement à défendre, comme réel au tant que « juste », l’empire du démon sur nous jusqu'à l’attentat criminel qui le lui fait perdre non moins justement, mais à proclamer « convenable » cette procédure de « justice ». Preuve certaine de la place que ces vieilles conceptions tenaient encore dans les habitudes mentales du temps. Encore est-il que Bernard s’attache surtout à revendiquer la « puissance » du démon sur les pécheurs, qu’il voyait ou croyait niée par Abélard, cf. col. 1944, et non pas précisément son « droit ». C’est dire que, chez lui, tout le débat roule sur un fait élémentaire de l’ordre religieux, sans égard aux spéculations juridiques dont il s'était peu à peu chargé. Telle est également l’unique portée de la censure infligée au novateur par le concile de Sens.

En revanche, on néglige d’observer qu’il ne déploie pas moins d'énergie pour maintenir sa signification traditionnelle au sacramentum redemplionis et que, pour l’exprimer, il fait bon accueil au concept de satisfaction. Tract, de err. Abœl., vi, 15, P. L., t. clxxxii, col. 1065 ; Lib. ad milites templi, xi, 33, ibid., col. 934 ; In Gant., serm. xx, 3 et XXII, 7, P. L., t. clxxxiii, col. 868 et 881. Voir Bernard (Saint), t. ii, col. 764-767.

Ferme témoin de la foi chrétienne au mystère de la rédemption, saint Bernard l’est aussi de la manière dont la théologie anselmiennc y était dès lors associée pour en traduire le contenu.

3. Action progressive de saint Anselme.

Pour les besoins de l’antithèse, le prestige d’Abélard auprès de ses contemporains fait pendant, chez un certain nombre d’auteurs, à l'éclipsé de l’archevêque de Cantorbéry. Ainsi encore dans J. Tunnel, Histoire des dogmes, t. i, p. 126-427. Simplification tendancieuse et de tous points contraire aux faits. Voir Le dogme de la rédemption au début du Moyen Age, p. 133-169 et 238-246.

Il est vrai que l’ancienne sotériologie démonocentrique persistait encore chez Anselme de Laon, Guillaume de Champeaux et d’autres moins importants. Le même phénomène se constate d’ailleurs tout autant après l’intervention plus véhémente d’Abélard. Ce qui prouve tout simplement qu’une question aussi favorable à la tyrannie de la routine offre un terrain particulièrement mal choisi pour mesurer l’action théologique des deux docteurs.

Sur des points plus substantiels, l’influence doctrinale d’Anselme apparaît déjà, d’une manière indirecte, dans l’allure imprimée à la théologie traditionnelle du sacrifice par des auteurs comme Pierre le Vénérable, Tract, conl. Petr., P. L., t. ci.xxxix, col. 786-798, Ilildebert de Lavardin, C.arm. mise, 52, P. L., t. clxxi, col. 1400, et Bruno d’Asti, De inc, P. L., t. clxv, col. 1079-1081, ou de l’expiation pénale, par exemple chez Rupert de Dcutz, De Trin. et op. ejus : De opère Spir. S., ii, 18, P. L., t. clxviii, col. 1612. Cf. R. Seeberg, Dogmengeschichlc, 3e éd., t. iii, p. 225.

On la saisit directement à la diffusion croissante d’un thème aussi spécifiquement anselmicn que celui de la satisfaction. Voir, dès le vivant d’Anselme, Odon de Cambrai, Disp. conl. Jud., P. L., t. clx, col. 1048 ; peu après sa mort, Guibert de Nogent, De inc, iii, 2-3, P. L., t. clvi, col. 508-509 ; Hermann de Tournai, De inc, 1-6, P. L., t. clxxx, col. 11-12 ; Honorius d’Autun, Elucid., i, 15-18 et 21, P. L., t. clxxii, col. 11201122 ; Rupert de Deutz, Coin, in Johan., iii, P. L., t. clxix, col. 330-331, auxquels on ajoutera désormais le Libcllus… cur Dcus homo, 24-37, édit. Druwé, p. [22]- [36] ; Pierre le Peintre, Lib. de s. eucli., 2-3, P. L., t. ccvn (sous le nom de Pierre de Blois), col. 1139. Témoins obscurs, mais d’autant plus significatifs, et qui annonçaient l'œuvre délibérée d’assimilation qu’allait réaliser l'école de Saint-Victor. Voir Hugues, De sacram., i, pars VIII, 3-4, P. L., t. clxxvi, col. 307309. Cf. Hugues de Saint-Victor, t. vii, col. 279. 194 7

    1. RÉDEMPTION##


RÉDEMPTION. DÉBUTS DE LA SCOLASTIQUE

1948

Dès la génération qui le suit, l’auteur du Cur Deus homo se révèle, à de clairs indices, comme le maître de l’avenir.


VI. Organisation définitive : Dans l’Église catholique. —

Sur la base du système auselmicn, au prix de quelques modilications de surface, le dogme catholique de la rédemption allait rapidement prendre la forme qu’on lui voit encore aujourd’hui.

Préparation de la scolaslique.

Tout le travail

d’élaboration qui prépare l’avènement de la scolastique s’accomplit, en eilet, pratiquement en dehors d’Abélard et sous l’emprise croissante de l’archevêque de Cantorbéry. Voir Le dogme de la rédemption au début du Moyen Age, appendice iii, p. 363-409.

1, Autour de Pierre Lombard. — Il n’y a pas lieu de s’arrêter à la survivance des vieux thèmes qui, dans la deuxième moitié du xiie siècle autant que dans la première, maintiennent la tradition des « Cur Deus homo populaires » chez un certain nombre de prédicateurs. A ne considérer que les apparences, Abélard n’eut pas, sur ce point, plus de succès que n’en avait eu saint Anselme. Tout juste peut-on y remarquer une tendance plus ferme à transformer le « droit » du démon en un semblant de droit. Ainsi Raoul Ardent, Hom., i, 30, P. L., t. clv, col. 1447 ; Innocent III, Serm., i et xxix, P. L., t. ccxvii, col. 320 et 587.

C’est aux théologiens qu’il faut recourir pour avoir la ligne authentique de la pensée médiévale. Non sans quelques restes d’embarras, elle continue à s’orienter dans le sens anselmien.

Gandulphe de Bologne trahit encore un peu l’influence d’Abélard en insistant sur l’action morale du Christ, Sent., III, 83, édit. J. de Walter, p. 335, à l’œuvre duquel il ne laisse pas d’appliquer les concepts de mérite et de sacrifice. Ibid., 80-82, p. 329-333 ; cꝟ. 103-104, p. 351 et 354. De même Robert Pullus, qui paraît plus ardent à contester les « droits » du démon qu’à s’expliquer sur la valeur de rédemption qu’il reconnaît à la croix. Sent., IV, 13-14, P. L., t. clxxxvi, col. 820-821.

Pierre Lombard, de son côté, fait preuve d’un éclectisme doublement conservateur, en ce qu’il se préoccupe d’assurer une part, sous la forme d’une justitia humilitalis mal définie et d’ailleurs facultative, à la « justice » envers notre détenteur, Sent., III, dist. XIX, c. ii et XX, c. ii-iii, tandis qu’il néglige entièremont l’idée anselmienne de satisfaction. Du moins est-il très ferme pour éclairer l’œuvre du Christ par les catégories de mérite et de sacrifice, ibid., dist. XVIII, auxquelles il unit, du reste, l’influence psychologique de son amour, dist. XIX, 1, chacune de ces propositions étant largement appuyée sur des textes de saint Augustin. Avec le Maître des Sentences, la théologie rédemptrice ne fait pas plus de progrès qu’elle ne subit de recul. Voir Pierre Lombard, t.xii, col. 1998.

Ses contemporains et successeurs immédiats montrent plus de décision. D’une part, ils réduisent de plus en plus le rôle de Satan et de ses « droits ». Ainsi l’auteur inconnu des Quxstiones in cpistolas Pauli, In Rom., 90, P. L., t. ci.xxv, col. 457 ; Pierre de Poitiers, Sent., IV, 19, P.L., t. CCXI, col. 1210 ; Simon de Tournai, Disp., XLV, 1, édit. Warichez, p. 130. En même temps, c’est à la doctrine de la satisfaction, sans préjudice d’ailleurs pour la notion de mérite, qu’ils demandent le cadre de leur théologie de la rédemption. Richard de Saint-Victor continue sur ce point, De Verbo inc., 8-11, P. /, ., t. exevi, col. 1002-1005, la tradition inaugurée par Hugues, qui ne s’affirme pas moins chez Robert de Melun, voir Revue d’hist. ceci., t. XXVIII, 1932, p. 325, et Pierre de Poitiers, Sent., IV, 14, P. L., t. ccxi, col. L195-1196, < : f. Quwsl. in epist. Pauli, In Rom., 90, P. L., t. CWCXV, col. 158 ; Nicolas

d’Amiens, De art. calh. fidei, iii, 1-5, P. L., t. ccx (sous le nom d’Alain de Lille), col. 610-611.

Avec le suffrage de l’École naissante, l’œuvre anselmienne recevait également celui des mystiques et des orateurs sacrés. Voir, parmi les plus notables, Raoul Ardent, Addenda : Hom., i, 10, P. L., t. clv, col. 1700 ; saint Martin de Léon, Serm., iv, 25, P. L., t. cevm, col. 363 ; Innocent III, Serm. de sanctis, i, P. L., t. CCXVII, col. 154 ; Eckbert de Schônau, Stimulus dil., P. L., t. clxxxiv (sous le nom de saint Bernard), col. 962-963 ; Geoffroy d’Admont, Hom. dom., ix, P. L., t. clxxiv, col. 62 ; Pierre de Celle, Serm., viii, P. L., t. ccii, col. 659.

2. Commencement du xme siècle. — Pour autant qu’on les puisse atteindre, les ancêtres immédiats des grands scolastiques témoignent, à leur tour, d’un semblable mouvement.

De Guillaume d’Auvergne, par exemple, il existe un Cur Deus homo, dans Tract. Cuil., édition de Nuremberg, cire. 1486, fol. cvn r°-cxv v°, qui rivalise avec celui d’Anselme, sans le valoir, pour imposer au nom de la dialectique l’incarnation du Fils de Dieu en vue de la salisfaclio condigna requise pour nos péchés. Le mérite et la satisfaction du Christ font l’objet d’une analyse didactique dans la Summa aurea de Guillaume d’Auxerre, III, tract, i, c. viii, édition Régnault, fol. 132-133. En regard, le vieux problème des droits du démon ne tient plus qu’un rang effacé.

Non moins que pour adopter la substance du système anselmien, les deux maîtres sont aussi d’accord pour l’interpréter. Guillaume d’Auvergne, fol. cvin r°, admet qu’en dehors de l’incarnation un autre moyen de salut était possible à Dieu de sua potestatis immensilale ; mais il ajoute aussitôt : Peccali modum et magnitudinem hune modum requirere satisfaclionis. D’une manière encore plus nette, Guillaume d’Auxerre, après avoir combattu les opinions qui concluraient a la nécessité du plan divin, fol. 131 v°, enseigne que la mort du Christ s’imposait, fol. 133 r°, manente Dei decreto, c’est-à-dire, explique-t-il, dans l’hypothèse où Dieu voudrait exiger un sufficiens pretium pour tout le genre, humain.

Ainsi les voies sont ouvertes qui permettront de conserver, avec la doctrine de la satisfaction, jusqu’à la logique interne au nom de laquelle Anselme la justifiait, moyennant de la transposer sur le plan du relatif.

Apogée de la scolastique.

Entre les docteurs

du xme siècle, il n’y a plus, en effet, que des nuances individuelles dans cette œuvre de mise au point. Voir Le dogme de ta rédemption au début du Moyen Age, appendice iv : Dans l’atelier de l’École, p. 410-458.

1. École francisciine.

Nécessité de notre rédemption,

puis d’une satisfaction quelconque et enfin d’une satisfaction par l’Homme-Dieu : il suffit de parcourir ces articles successifs, où d’ailleurs Anselme est, d’ordinaire, plus ou moins textuellement utilisé, pour voir combien Alexandre de Halès, Sum. th., III, q. i, membr. 3-7, se tient près du Car Deus homo. De même quand, par la suite, ibid., q. xvi-xvii, il établit la nécessité, puis l’efficacité de la mort du Christ.

Cependant le décret initial de notre salut ne relève en Dieu que de la necesssitas immulabilitalis, q. i, membr..’î. De potentia absolula il pouvait de même nous racheter sans conditions d’aucune sorte : la nécessité d’une satisfaction ne s’impose qu’au regard de sa potentia ordinaia, membr. 4. Il faut sans nul doute en dire autant des thèses complémentaires sur l’impuissance de l’ange aussi bien que de l’homme devant la satisfaction requise et la nécessité d’un I lotnme-Diou pour la fournir. Sur toute la ligne, la fidélité d’Alexan dre à la doctrine et jusqu’au langage d’Anselme ne va pas sans un perpétuel effort d’adoucissement.

Telle est aussi la position de saint Bonaventure, chez lequel il n’est pas jusqu’au libellé même des questions à résoudre qui ne place le problème sur le terrain du conyruum. La « nécessité » de notre rédemption n’est plus, comme chez Alexandre, que l’immutabilité des desseins de Dieu. Si la réparation du péché, au double titre de son extension et de sa gravité, reste au-dessus de nos moyens et requiert la personne de l’Homme-Dieu, c’est uniquement d’un point de vue spéculatif. Car l’homme pouvait offrir une satisfactio semi-plena et rien n’empêchait que Dieu pût s’en contenter. In IIlum Sent., dist. XV1II-XX, édition de Quaracchi, t. ili, p. 380-434. Voir R. Guardini, Die Lehre des ht. Bonavenlura von der Erlôsung, p. 28-47 et 72-118.

2. École dominicaine.

Simultanément les maîtres dominicains s’adonnaient au même travail d'élaboration.

Dispersée au cours de son explication des Sentences, la sotériologie d’Albert le Grand procède d’une même attitude à l'égard du système anselmien. On peut juger de sa méthode par cette déclaration occasionnelle sur la nature humaine du Sauveur, In II lum Sent., dist. XII, a. 2 et 3, dans Opéra omnia, édit. Vives, t. xxviii, p. 226-227 : …Deo nihil est impossibile ; sed, quantum est de congruitale naturæ et satisfaclionis, non debuit Christus aliunde queun de Adcun accipere… Non debuit, id est non fuit congruum. Chaque fois que se posent des questions similaires, elles reçoivent une semblable solution. Voir ibid., dist. XV, a. 1 ; dist. XVI, a. 1. La « nécessité » de l'économie actuelle du salut se ramène à une convenance et ne peut se défendre au sens fort que dans l’hypothèse d’une redemptio qui ne serait pas une simple liberulio. Dist. XX, a. 1-3.

A saint Thomas d’Aquin J. Turmel, Histoire des dogmes, t. i, p. 440, imagine de prêter une évolution, suivant laquelle il aurait « commencé par prendre pour maître » Abélard et ne se serait tourné vers Anselme * qu’en second lieu ». Cette dernière position est celle de la Somme lliéologique, tandis que la première s’accuserait encore dans la Somme contre les Gentils, IV, 54. Hypothèse fantaisiste autant que tendancieuse, que ruine la parfaite identité doctrinale du Commentaire des Sentences (avant 1255-1256) et de la Somme théologique : les divergences que peut présenter la Somme contre les Gentils écrite entre les deux (1258-1260), et qui sont d’ailleurs de pure forme, tiennent à son but apologétique spécial.

De ces différentes sources ressort, au contraire, une doctrine constante, encore que peu systématique, dont l'œuvre anselmienne discrètement amendée fournit tous les matériaux. Il faut d’ailleurs compléter l’un par l’autre ces divers traités pour en reconstituer intégralement la teneur.

Congruenlissimum fuit humanam naturam ex </iii> lapsa fuit reparari, lit-on dans7n//7um S enL, dist. XX, q. i, a. 1, sol. 1. En vue de cette fin, la Somme théologique enseigne, IIl a, q. i, a. 2, que l’incarnation était le moyen le mieux approprié ; c’est seulement dans le cas d’une satisfactio condigna qu’elle deviendrait hypothétiquement nécessaire, en raison soit de la malice propre au péché : quan.dam infinilalem habcl ex inftnilate divinæ irajestalis, soit de l'étendue de ses ravages sur l’humanité. A son tour, la passion du Christ, ibid., q. xlvi, a. 1-3, ne peut être dite nécessaire si ce n’est ex supposilione : en elle-même, elle est simplement convenable, en raison des multiples bienfaits qu’elle nous procure, et Dieu pouvait toujours se dispenser d’une satisfaction salva justitia. Ce qui revient à rabattre sur le plan de la convenance toutes les thèses du Cur Deus homo.

L’exposé de l'œuvre rédemptrice est ensuite, dis tribué par le Docteur angélique, non sans quelques hors-d'œuvre, sous les chefs suivants : psychologie de la passion, q. xlvi, a. 5-8 ; étude de ses causes, q. xlvii, a. 1-3 ; analyse de son action, q. xlviii, a. 1-5, « par manière » de mérite, de satisfaction, de sacrifice et de rédemption, toutes catégories classiques auxquelles se superpose le théologoumène proprement thomiste per modum efficientiæ ; inventaire de ses effets, q. xlix, a. 1-6.

JMulla, non multum : il est de règle, chez les vulgarisateurs, de reproduire ce jugement porté par Ad. Harnack, Dogmengeschichle, 4e édit., t. iii, p. 540, sur la sotériologie de saint Thomas. Lacune qu’aggraverait le grief positif de ces « contradictions mal dissimulées d, dont parlait A. Sabatier, La doctrine, de l’expiation, p. 60, et dont J. Turmel, Histoire des dogmes, t. i, p. 440-445, vient d’enfler à plaisir l’effectif pour conclure sur les gros mots de non-sens et de fatras.

Plus encore que celles dont la construction anselmienne est l’objet, ces rigueurs tiennent, pour une bonne part, à la méconnaissance de la position catholique et de l'équilibre que ses représentants ont à cœur de garder entre les éléments divers du donné chrétien. A défaut d’une création personnelle ou d’une synthèse vigoureuse, le mérite de saint Thomas est d’avoir contribué plus utilement que personne à cette œuvre de judicieuse organisation. « La théologie traditionnelle » de l'Église lui doit « une forme et des contours définis ». H. Rashdall, The idea of alonement, p. 37337 1.

Dans cette doctrine tout entière dominée par la valeur objective de la mort du Christ, il va de soi que son efficacité subjective ne laissait, du reste, pas d’avoir, à titre subsidiaire, sa place légitime et que l'œuvre du Rédempteur ne supprime pas notre part de collaboration. Voir Thomas d’Aquin, Sum. th., IIl a, q. xlvi, a. 1 et 3 ; Bonaventure, / ;  ; IIlum Sent., dist. XX, q. v.

Quant au rôle de Satan, il n’y survit que par un souvenir fugitif accordé à l’abus de pouvoir parmi les effets de la passion. Cf. Thomas d’Aquin, Sum. th., III- 1, q. xlix, a. 2 ; Bonaventure, In IIIum Sent., dist. XX, q. m. A la différence île ses parties substantielles, dont la synthèse médiévale incorporait tout le fond, cet élément adventice de la tradition patristique finissait par tomber à lien.

C’est ainsi que, dans le moule théologique élaboré par saint Anselme, l'École donnait au dogme de la rédemption ses formes définitives. Développement d’ailleurs tout occidental, dont 1' « orthodoxie » grecque tarderait à recueillir le bénéfice, voir Le dogme de la rédemption. Études critiques et documents, p. 281312, et dont quelques-uns de ses membres ne surent même pas toujours. ; 'i la longue, estimer suffisamment le prix.

Discussions et précisions ultérieures.

Achevé

dans ses lignes essentielles par les maîtres du xme siècle, l'édifice de la sotériologie catholique ne devait plus recevoir dans la suite que de légères modifications, qui, pour quelques retouches de minime portée, en respecteraient le style et le plan.

1. Œuvre critique de Scot. — Jusqu’ici l’adaptation du système anselmien s'était poursuivie d’une manière sensiblement uniforme. Avec le Docteur subtil allait commencer, pour cette doctrina recepla, l'épreuve de la révision. Voir Duns Scot, t. iv, col. 1894-1896. Les résultats de sa critique sont consignés dans Opus Oxon. : In ///™ Sent., dist. XIX et XX, édition de Lyon, t. vii, 1639, p. 412-431. Cf. Report. Paris., t. xi, p. 495-502.

Reconnaître au mérite du Christ « une certaine infinité » de par sa nature propre lui paraît une « hyperbole » ; mais le péché n’est pas davantage, en lui-même, 1951 RÉDEMPTION. ORTHODOXIE PROTESTANTE CLASSIQUE 1952

un « mal formellement infini » : dans les deux cas, ce terme peut néanmoins être conservé par manière de « dénomination extrinsèque ». En conséquence, l'œuvre du Sauveur n’a, par rapport à nous, qu’une valeur de congruo et ne peut s’appliquer à notre profit que moyennant son acceptation par Dieu. L’analyse du péché ne permet pas davantage d’admettre la nécessité hypothétique de l’incarnation : de possibili, un ange ou même un homme ordinaire investi de la grâce étaient en mesure d’offrir une satisfaction que Dieu pouvait accepter pour tout le genre humain.

On ne peut pas faire un crime à la sotériologie scotiste de bouleverser les positions communément reçues, tant qu’il n’est pas démontré que celles-ci devraient se confondre avec les données de la foi. Elle se réfère à une conception théologique d’ensemble sur Dieu, l’homme et le Christ, qui, pour discutable qu’elle puisse être, n’en garde pas moins sa place dans l'Église, par-dessus toutes les préventions d'école, au rang des libres opinions.

2. Scolaslique récente.

A partir de là, les discussions amorcées par la critique de Scot envahissent de plus en plus la théologie.

Une école scotiste est, en effet, constituée, qui recrute, par surcroît, le renfort du nominalisme. Or, pour quelques disciples tels que Mastrius, Hauzeur ou Frassen, qui crurent devoir atténuer la doctrine du maître, par exemple, sur la valeur des mérites du Christ, la plupart eurent à cœur de la maintenir intégralement : ainsi François de Mayronis, Durand de Saint-Pourçain, Occam, Pierre d’Ailly, Biel. Voir S. Bonaventure, Opéra omnia, édition de Quaracchi, t. iii, p. 429-430, scholion des éditeurs ; Th. Fetten, Johanncs Duns ùber das Werk des Erlôsers, p. 99-122.

Il va sans dire que les écoles rivales ne déployaient pas moins d’ardeur dans la défense des points contestés, quitte à se subdiviser en groupes différents suivant la manière de les concevoir. D’où ces interminables dissertations, qui sont la spécialité du second âge scolastique, sur la malice du péché ou la nécessité de l’incarnation pour y satisfaire adéquatement, et qui elles-mêmes en entraînent d’autres sur la valeur de la satisfaction du Christ en vue de savoir si elle s’est ou non produite ex rigore justitise, peut-être même ad strictos juris apices. Voir, par exemple, Suarez, De inc, disp. IV, sect. iii-xii, édit. Vives, t. xvii, p. 55-186 ; J. de Lugo, De inc., disp. III-VI, édit. Vives, t. ii, p. 258-390.

De ces longues controverses auxquelles a donné lieu le besoin de précision technique en la matière, et dont les résidus surchargent encore beaucoup de nos manuels, il faut bien constater que l’importance n'égale pas l’ampleur. En tout cas, c’est d’ailleurs que, vers le même temps, des problèmes autrement graves pour la sotériologie chrétienne étaient en train de surgir.