Dictionnaire de théologie catholique/ORDRE. ORDINATION VI. La réaction protestante et l'oeuvre doctrinale du concile de Trente

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 11.2 : ORDÉRIC VITAL - PAUL (Saint)p. 100-116).

IV. La réaction protestante et l'œuvre doctrinale DU CONCILE DE TRENTE.

I. LA RÉACTION priitestaste. —

Les précurseurs lointains du protestantisme, Wicleff, Huss, professent des principes subversifs de l’autorité dans l'Église, et qui semblent parfois aller jusqu'à la négation du sacerdoce chrétien. Cette négation sera, dans le protestantisme, une conséquence directe, quoique déjà assez éloignée, du principe fondamental sur lequel s’appuie toute la doctrine réformée : la justification par la foi. Sous son aspect négatif, comme sous son aspect positif (voir Justification, t. viii, col. 2139-2146), la justification protestante supprime nécessairement l’intermédiaire entre Dieu et l’homme. Puisqu’en effet, seule, la foi justifie, les sacrements ne peuvent plus être le canal, la condition, la cause de la grâce sanctifiante ; ils ne sauraient être tout au plus que des signes attestant notre foi en la promesse que Dieu nous a pardonné nos péchés en vue de Jésus-Christ et nous a adoptés pour enfants. Ils ne sont même plus absolument nécessaires. Ils ne servent qu'à soutenir et à exciter notre foi : mais ils ne renferment aucune vertu intrinsèque ni physique ni morale ; ils ne possèdent par eux-mêmes aucune efficacité. Toute leur action sanctifiante est du dehors. Leurs formules exhortent, mais ne consacrent pas. La grâce peut être reçue sans qu’il soit nécessaire d’y recourir. Si Calvin en recommande parfois l’usage et en vante la dignité, c’est sous des paroles ambiguës qui voilent sa véritable pensée, celle qui découle de sa doctrine sur la prédestination : la grâce n’est donnée qu’aux élus ; elle ne peut donc en aucune façon être attachée à un signe sensible. Luther, qui, pour sa part, admettait une sorte de sanctification par le baptême, expliquait en même temps que cette sanctification était donnée par la foi. Zwingle, plus radical, supprime tout rôle au sacrement, qui ne sert plus que de profession de foi, de signe de ralliement, d’union entre les hommes : recevant le sacrement, le fidèle donne plutôt à l'Église une preuve de sa foi qu’il n’en reçoit lui-même le sceau et la confirmation. Ainsi se trouve éliminé l’intermédiaire — le prêtre — entre Dieu et l’homme. La négation de l'Église

visible et hiérarchique, puis du pouvoir d’ordre ne sera que la conséquence de ces principes.

1° Les précurseurs. — C’est déjà une atteinte au fondement scripturaire du sacrement de l’ordre, que nous trouvons chez Abélard, dans la prop. 12 condamnée à Sens (1141) : Quod potestas ligandi atque solvendi apostolis tantum data sit, non successoribus. Denz.-Bannw., n. 379 (voir Abélard, t. i, col. 45). Mais le mouvement de la Réforme se trouve vraiment quelque peu en germe dans les théories de ceux qui, depuis la fin du xii l e siècle, sous le fallacieux prétexte de réformer les abus de l'Église — vaudois, apocalyptiques et spirituels — s’attaquaient en réalité à l'Église elle-même, à son autorité, à la hiérarchie, en somme, au pouvoir de juridiction et d’ordre.

1. Marsile de Padoue et Jean de Jandun (voir ces deux mots, t. x, col. 153 et t. viii, col. 764). — On a vu plus haut, col. 1311, que la question de la différence entre l'épiscopat et la simple prêtrise a toujours sussité, chez les théologiens catholiques, certaines discussions. Tant que ces discussions demeurent confinées dans les limites où la liberté d’opinion reste permise, l'Église n’a pas à s’y opposer : il lui suffit qu’on proclame l’origine divine de l'épiscopat, son pouvoir de juridiction supérieure et son pouvoir quant à la transmission du sacerdoce et du diaconat. Mais ces limites ne furent pas toujours respectées. Dans la lutte du parti impérial de Louis de Bavière contre le pape Jean XXII, Marsile de Padoue et Jean de Jandun prennent le parti du prince (voir Marsile de Padoue, t. x, col. 155-160). Les empiétements de la papauté les obligent, disent-ils, à délimiter exactement les pouvoirs de l'Église, dont ils ne contestent pas d’ailleurs l’origine divine. Aucun pouvoir temporel n’appartient à l'Église, aucune juridiction au for extérieur. Seul donc demeure d’institution divine le pouvoir d’ordre. Dieu l’accorde aux hommes par l’intermédiaire de rites humains. L’inégalité qui existe entre les membres de la hiérarchie est une institution humaine : s’appuyant sur un texte fameux de saint Jérôme, Marsile établit que les évêques et les prêtres étaient primitivement égaux ; seules des raisons d’ordre social ont créé entre eux une distinction. Le pape lui-même rentre dans la règle générale. D’où la quatrième proposition condamnée par Jean XXII : « Que tous les prêtres, qu’il s’agisse du pape, d’un archevêque ou d’un simple prêtre, sont, en vertu de l’institution du Christ, égaux en autorité et en juridiction. » Il faut peut-être même ajouter : égaux dans leur pouvoir d’ordre, car, « avec saint Jérôme, Marsile se plaisait à admettre, au sens le plus littéral, l’identité primitive des évêques et des prêtres. D’où il concluait à l'égalité du caractère sacerdotal entre ses divers détenteurs : Hune siquidem sacerdotalem characterem… probabiliter mihi videtur quod omnes sacerdoles habent eumdem specie, nec ampliorem habet hune Romanus episcopus aut alter aliquis quant simplex dictas sacerdos quicumque. Defensor, ii, 15 : cf. t. x, col. 170.

2. Jean Wiclef et ses partisans. — C’est encore l’erreur régalienne qui est à la source de la révolte de Wiclef (voir ce mot). LTrbain V (1365) ayant réclamé à Edouard III le tribut annuel de 1000 marcs qui n'était plus acquitté depuis trente-trois ans, le parlement déclara (1366) que Jean sans Terre n’avait pu contracter cette obligation sans le consentement des États, que le roi actuel d’Angleterre ne pouvait pas accéder à une demande qui blessait l’indépendance du pays. A ce moment Wiclef faisait son ascension dans les bonnes grâces du souverain et lorsque, en 1375, il eut ajouté à son professorat la riche paroisse de Lutterworth, il se servit, lui. l’homme de mœurs très (3

austères, de ses deux chaires de cure et de professeur pour déclamer contre les ordres mendiants, le clergé et la hiérarchie et surtout contre le pape. On étudiera ailleurs les idées du novateur ; il nous suffira de rappeler par où elles s’attaquent à la notion catholique de l’ordre.

Le système de Wiclef est un grossier réalisme panthéiste, qui s’origine au prédestinatianisme et au fatalisme. Il n’est pas facile de déterminer si et jusqu'à quel point il a subi l’influence de Bradwardin. Mais le système prédestinatianiste de Wiclef aboutit, en fin de compte, à rendre inutile toute intervention temporelle de salut par l'Église : Dieu a tout déterminé d’avance et il n’y a de vrai membre de l'Église que le prédestiné. C’est, par anticipation, l’erreur fondamentale de Calvin. Tous les autres, fussent-ils évêques et prêtres, ne sont que des membres apparents sans autorité, sans pouvoir. Dans le Trialogus, iv, 15, il professe qu’il n’y avait que deux fonctions dans l'Église primitive, la prêtrise et le diaconat. Tous les autres degrés de la hiérarchie, le pape, les patriarches, les évêques, etc., n’ont été introduits que par orgueil, superbia cœsarea. Nous retrouvons ici une idée chère à Marsile de Padoue : l'épiscopat est, dans l'Église, d’origine purement humaine ; mais, de plus, tout prêtre prsescitus, c’està-dire connu d’avance par Dieu comme réprouvé, ne fait plus partie de l'Église et, par conséquent, ne saurait y exercer aucun pouvoir. Voici deux propositions relatives au sacrement de l’ordre, qui ont été condamnées au concile de Constance :

Prop. 4 : Un évêque, un prêtre en état de péché mortel n’ordonne pas, ne consacre pas, ne confère pas les sacrements, ne baptise pas. — Prop. 28 : La confirmation des jeunes gens, l’ordination des clercs, la consécration des églises n’ont été réservées au pape et aux évêques que par cupidité et vanité. — Cf. aussi propr. 8 et 42.

On le voit, sans nier absolument l’institution divine du sacerdoce, Wiclef, comme Marsile de Padoue, niait le pouvoir épiscopal et, grâce au concept d’une Église formée des seuls prédestinés, arrivait à supprimer en fait le pouvoir d’ordre. Ou, s’il maintenait un sacerdoce, c'était un sacerdoce invisible, connu de Dieu seul et par Dieu conféré. Cf. Thomas Netter (Waldensis), Doctrinale antiquitalum fidei… Paris, 1521, t. II, c. xxxix. Ce n'était pas d’ailleurs une nouveauté : Jean XXII avait, cent cinquante ans plus tôt, condamné semblable erreur chez les fraticelles. Denz.-Bannw., n. 486, 488. C'était, en somme, une déviation outrée de l’erreur qui, depuis quatre siècles, se retrouvait constamment à la base des réordinations.

Sur les disciples de Wiclef, voir Lollards, t. ix, col. 913 sq. D’ailleurs, le lollardisme anglais, quelles que soient ses affinités de doctrine avec le protestantisme des réformateurs du xvie siècle, n’en est qu’un lointain précurseur, sans influence réelle : entre les Lollards et la Réforme, il y a solution de continuité. Voir t. ix, col. 921-922.

3. Jean Hus.

On a vii, t. vii, col. 338, comment Jean Hus s'était engagé à fond dans la crise wicléfiste. Sans adopter la spéculation panthéiste de Wiclef, Hus fit de la doctrine de la prédestination le centre de sa propre dogmatique. Comme Wiclef, il enseigna que la véritable Église est un corps mystique qui se compose uniquement des prédestinés. Et, puisqu’il est impossible qu’un prédestiné périsse, que nulle puissance ne peut le retrancher de l'Église, qu’un præscitus n’a aucun pouvoir dans l'Église, n’en étant pas membre, il s’en suit qu’aucune autorité religieuse ne saurait être effectivement reconnue dans cette Église, puisque, d’une part, sans la pré destination divine, celui qui en est revêtu n’appartient pas à l'Église et que, d’autre part, sans une révélation spéciale, on ne peut savoir qui est membre de l'Église. De ce chef, Hus s’attaque spécialement au pape, dont la dignité, selon lui, n’a qu’une origine tout humaine, et dont le pouvoir cesse lorsque ses mœurs ne sont plus conformes à celles du Christ et de Pierre. Pareillement, si un évêque ou un prélat tombe dans le péché mortel, il n’est plus ni évêque, ni prélat. Voir Hefele-Leclercq, avec les références aux auteurs, Histoire des conciles, t. vii, p. 265 sq., et le texte des propositions hussites, dans Denz.-Bannw., n. 627656. On remarquera cependant qu’en ce qui concerne la négation du pouvoir d’ordre, Hus est beaucoup plus circonspect que Wiclef ne l’avait été dans sa proposition 4. A la xve session générale du concile de Constance, Hus se défendit avec acharnement d’avoir enseigné qu’un prêtre coupable de péché mortel ne peut baptiser, ni consacrer. Hefele-Leclercq, p. 314. Et pourtant cette erreur lui avait été imputée. Voir, insinuant cette erreur, la prop. 8, Denz.-Bannw., n. 634, et la préparant de plus loin, prop. 22 et 26. Pareille protestation devait être faite également, à la xxie session, par Jérôme de Prague. Id., p. 396. Cependant, parmi les interrogations qu’en exécution de la bulle Inter cunctas, 22 février 1418, on dut proposer aux sectateurs de Wiclef, Hus et Jérôme de Prague, se lit la question suivante : Utrum credal, quod malus sacerdos cum débita materia et forma et cum intentione faciendi quod facit Ecclesia, vere conficiat, vere absolvat, vere baptizet, vere conférât alia sacramenta ? Denz.Bannw., n. 672.

4. Les hussites au début du XVe siècle. — L’erreur ne fut pas abattue par la mort de Jean Hus. A la fin du xve siècle, sa doctrine était plus vivace que jamais en Bohême. Le dominicain Henri Institoris relevait à cette époque chez les picards en Bohême et en Moravie un certain nombre d’erreurs, parmi lesquelles nous signalons celles qui visent directement le sacrement de l’ordre : « Puisque JésusChrist a dit : « Vous êtes tous frères », et « parmi vous, l’un n’est pas plus grand que l’autre », Matth., xxiii, 8, 11, l'Église romaine, qui tient différents honneurs et dignités, tant de l’ordre spirituel que de l’ordre temporel, n’est rien devant Dieu, nulla est apud IJeum. » Cf. prop. 28 de Wiclef. — « L’n bon laïque vaut mieux qu’un mauvais prêtre ; par conséquent ce laïque peut consacrer, tandis qu’un prêtre en état de péché mortel ne le peut pas. » Cf. prop. 4 de Wiclef. — « Tout homme peut consacrer, pourvu qu’il ait eu l’imposition des mains des anciens. » — « Toute personne peut absoudre. » Et cependant, ils admettaient encore que « par l’imposition des mains, les prêtres sont consacrés », corrigeant immédiatement cette concession faite à la vraie doctrine, en affirmant qu' « il vaut mieux se confesser à un bon laïque, qu'à un mauvais prêtre ». LIefele-Leclercq, op. cit., p. 929 ; cf. Raynaldi, Annal, an. 1498, n. 33 sq.

Le luthéranisme.

1. Négations de Luther. —

Si l’on voulait reconstituer la genèse de l'évolution luthérienne au sujet du sacrement de l’ordre, il faudrait sans doute prendre comme point de départ la sixième des quatre-vingt-quinze thèses, que Luther affichait dans l'église de Tous-les-Saints, le 31 octobre 1517, se faisant fort de les défendre publiquement : « Le pape ne peut remettre aucune peine autrement qu’en déclarant et approuvant la remise déjet faite par Dieu, à moins qu’il ne s’agisse des cas réservés au pape ; si l’on méprise cette réserve, la faute demeure assurément. » Opéra, édit. de Weimar, t. i, p. 233. L’adversaire de Luther, Tetzel, vit bien le venin de cette assertion, à laquelle il opposa la thèse

suivante : « Les prêtres chrétiens ont un caractère opératoire effectif et le pouvoir des clefs, en vertu duquel ils peuvent remettre les péchés, non pas seulement en constater et en déclarer la rémission, comme le faisait le prêtre de l’ancienne loi pour les lépreux ; et cela en vertu de leur (onction et par l’effet du sacrement » (prop. 21-22). Hefele-Leclercq, Histoire des conciles, t. viii, p. 645 ; cf. V. Grône, Telzel und Luther oder Lebensgeschichte und Rechtfertigung des Ablasspredigers D* Joh. Tetzel, 1833, p. 74-81.

Cette opposition de doctrine, sur un point particulier, devait bientôt s’aggraver et s'étendre à toute la doctrine du sacrement de l’ordre. Dans un sermon de 1519 sur le Nouveau Testament, c’est-à-dire sur la messe, édit. de Weimar, t. vi, p. 349-378, Luther fit un pas en avant, enseignant que la messe ou « cène du Seigneur » doit être ramenée à la physionomie originelle de son institution par Jésus-Christ. Elle est proprement un Testament déférant aux chrétiens le plus noble des héritages : le pardon des péchés et la vie éternelle. Sa préparation prochaine doit être une foi ferme et sereine. Or, les principales paroles de la consécration, on les a cachées aux chrétiens en les prononçant à voix basse ; on en a fait une œuvre pie par laquelle l’homme croit rendre un culte à Dieu et, abus plus grave encore, on l’a considérée comme un sacrifice ; on en a fait la plus scandaleuse des superstitions, une opération magique. On a vu à l’art. Mf.ssk, t. x, col. 10861089, l'évolution de plus en plus radicale de la pensée de Luther concernant la messe. Mais, ce qui est remarquable, c’est que, dès 1520 au plus tard, Luther proclame déjà, au sujet du sacrifice eucharistique, que « la foi a fait prêtres tous les chrétiens ». Il n’y a plus qu’un pas à faire pour nier le sacrement de l’ordre.

Ce pas sera fait dans le Manifeste à la noblesse de la nation allemande, où Luther réitère plus expressément que « par le baptême, nous recevons tous le sacerdoce ». Édit. de Weimar, t. vi, p. 407. Mais c’est surtout dans le fameux pamphlet, De la captivité de Babylone, que Luther s’attaque aux sacrements. Pour lui, désormais, seul le baptême nous fait acquérir la liberté royale des enfants de Dieu. L’invention de tant d’autres moyens d’effacer les péchés a grandement affaibli, pour les adultes, la vertu libératrice du baptême. Contre elle conspirent la masse infinie des vœux, règles monastiques, pèlerinages, indulgences, satisfactions et bonnes œuvres. La pénitence n’est qu’improprement un sacrement, puisqu’elle n’exige aucun signe extérieur ; mais elle a été honteusement défigurée puisqu’il n’y est jamais question de la confiance en la miséricorde de Dieu et de la foi. La confirmation et l’ordre n’ont aucun fondement dans l'Écriture. Il n’est question de l’ordre que chez le fanatique Denys l’Aréopagite. On s’en est servi pour séparer le ciel de la terre et changer les pasteurs en loups et faire des tyrans de ceux qui devaient n'être que des serviteurs. Opéra, édit. de Weimar, t. vi, p. 572.

Un passage caractéristique de la Captivité nous livre toute la substance de la doctrine luthérienne : Ce sacrement, écrit Luther, l'Église du Christ l’ignore ; il a été inventé par l'Église du pape. Nonseulement aucune promesse de la grâce ne lui est attachée ; mais dans tout le Nouveau Testament il n’est même pas question de lui. Il est ridicule d’affirmer qu’existe un sacrement, là où l’institution divine ne peut en aucune façon être démontrée. Et pourtant, ajoute Luther, je ne pense pas devoir condamner un rite (l’ordination) séculaire ; il faut simplement dans les choses sacrées ne pas transporter les inventions humaines et ne pas assigner une origine divine à ce que Dieu n’a pas institué : évitons-nous

de paraître ridicules à nos adversaires. » Opéra, édition de Weimar, t. vi, p. 560. Le fondement de cette doctrine est le sacerdoce universel, tel que Pierre l’a promulgué, I Pet., ii, 9. Il n’y a donc aucune institution d’un sacerdoce sacramentel, distinct de ce sacerdoce spirituel. L’ordination est une simple cérémonie ecclésiastique, analogue à la bénédiction des vases sacrés. Tous les baptisés sont prêtres : les prêtres « ordonnés » n’exercent qu’un ministère (un service) que leur a confié le consentement du peuple chrétien. Ils n’ont donc d’autre autorité que celle que leur a confiée l’ensemble des fidèles. L’ordre se réduit ainsi à n'être qu’un ritus quidam eligendi concionatores in Ecclesia. Qu’une vocation soit nécessaire pour ce service de la parole, Luther l’admet volontiers ; mais il rejette la doclrine du caractère indélébile. Pour ce qui est du diaconat, Luther renvoie aux Actes des Apôtres, vi, où il apparaît clairement que le diacre n’a pas pour office de lire l'épître ou l'évangile, mais de distribuer les dons de l'Église aux pauvres ; cf. J. Koestlin, Luthers Théologie, Stuttgard, 1883, 1. 1, p. 358. A quoi, en effet, servirait un sacerdoce sacramentel, conférant des pouvoirs spéciaux de sanctification et de gouvernement, dans une société, de sa nature spirituelle et invisible ? Rien d'étonnant que la Faculté de Paris, sollicitée par le duc Georges et le prince héritier de Saxe de donner son avis, ait rendu, dans la Determinatio super doctrina I.utheri hactenus revisa, 15 avril 1521, portant censure de 105 propositions luthériennes, le jugement suivant sur quatre propositions contraires à la doctrine, catholique du sacrement de l’ordre :

Prop. 2 : « L'Église de Jésus-Christ ignore le sacrement de l’ordre. » -— Hérétique ; c’est l’erreur des pauvres de Lyon, des albigeois et des wicleftstes.

Prop. 3 : « Tous les chrétiens ont le même pouvoir sur la parole (in verbo) et l’administration de tous les sacrements (quoeumque sacramento). »

Prop. 4 : « Les clefs de l'Église sont communes à tous. »

Prop. 5 : « Tous les chrétiens sont prêtres. »

Ces trois propositions sont destructives de l’ordre hiérarchique, hérétiques, renouvelées des hérétiques susdits et des pépuziens. Aucune de ces propositions directement opposées à la doctrine de l’ordre n’a été retenue dans les quarante-et-une propositions condamnées solennellement par Léon X dans la bulle Kxsurge. On rapprochera cependant les propositions ayant trait à l’inutilité du sacrement de pénitence dans la rémission des péchés, 9-12, et surtout le treizième : In sacramento pœnitentiæ ac remissione culpte non plus facit papa aut episcopus, quam in/imus sacerdos ; imo ubi non est sacerdos, œque lantum quilibet ciiristianus, etiamsi millier aut puer esset. Denz.-Bannw., n. 753.

Du même fondement scripluraire, I Pet., ii, 9, Luther part, dans son écrit An den Bock zu Leipzig, pour attaquer non seulement le sacerdoce, mais l'épiscopat. Emser avait objecté que saint Pierre ne parle pas du sacerdoce sacramentel, mais du sacerdoce intérieur et spirituel ; et qu’il n’a jamais voulu dire que tous les chrétiens sont prêtres comme les ministres sacrés qui ont reçu l’ordination de la main de l'évêque. Dans cette réponse, Luther ne voit qu’aveuglement volontaire contre le sens évident de l'Écriture et de ses propres paroles. Sans doute, Pierre ne parle pas dans son épître du sacerdoce fictif qu’est la « prêtraille » ecclésiastique (kirchliche Priesterei). Le sacerdoce dont parle l'Écriture y est appelé servitus, dispensatio, episcopatus, presbyterium, jamais sacerdotium. Le terme presbyler signifie « ancien » ; et autrefois, l’autorité ecclésiastique était confiée aux plus anciens, de même qu’en une

cité, le titre de « sénateurs » est décerné aux plus âgés. L'évêque est un simple surveillant (Wàchter auf der Warte), et ains% tout curé ou supérieur ecclésiastique doit être dit « surveillant », parce qu’il est un gardien qui veille à ce que, dans son peuple, l'Évangile et la foi du Christ soient constamment édifiés. Et, pour prouver qu’il n’y a pas de réelle différence entre l'évêque et le simple prêtre, Luther fait appel à l’autorité de saint Jérôme. Ceux qu’on appelle actuellement évêques, Dieu ne les connaît pas.

L’institution de l’autorité ecclésiastique devrait se faire comme dans les temps primitifs. Tous les fidèles étant de la même façon prêtres spirituels, l’assemblée devrait choisir dans son sein le plus savant, le plus pieux, pour en faire son serviteur, son ministre, son curateur, son gardien pour tout ce qui touche la prédication de l'évangile et l’administration des sacrements. Mais l’institution présente des évêques dérive d’ordonnances purement humaines.

On peut concéder au sacerdoce ainsi dérivé de l’institution ecclésiastique, qu’il soit appelé luimême ecclésiastique, sans lui attribuer toutefois le moindre fondement dans l'Écriture. Il est regrettable cependant qu’en vertu de l’autorité damnée du pape, le nom si suave de prêtre ait été enlevé à la communauté pour être attribué au petit nombre. Pour justifier cet état de choses, Emser fait appel à la coutume. De fait, c’est une ancienne, très ancienne coutume qui a fait transférer sans aucune raison au Nouveau Testament ce qui ne convenait qu'à l’Ancien. Mais ce que la coutume a fait, la coutume peut aussi l’abroger, et le sacerdoce « ecclésiastique » ne saurait être considéré comme une institution divine : « L’institution divine ne dépend pas d’une coutume branlante et ne peut être changée par les hommes. » Luther veut aussi concéder que la coutume humaine permette d’appeler « prêtres » la masse des « tondus » (tonsurés) et des « barbouillés » (oints). Mais il faut s’opposer à la prétention des adversaires qui veulent trouver, pour leur coutume, un appui dans l'Évangile ; cf. J. Kœstlin, op. cit., p. 376-378.

On ne s'étonnera pas des injures adressées par Luther aux évêques : l’archevêque de Grenade y fit de nombreuses allusions, avec citations à l’appui, dans les discussions préliminaires à la session xx ! ^ du concile de Trente ; cf. Concilium Tridentinum, éd. Ehses, t. ix, Fribourg-en-B., 1924, p. 50-51.

On retrouvera les négations de Luther chez Thomas Illyricus, dans la Confession d’Anvers, c. xi, et plus tard, chez Chemnitz, Examen concilii Tridenlini, Francfort, 1578, part. II, p. 1162 sq.

2. Mélanchthon.

La doctrine luthérienne se retrouve chez Mélanchthon, avec les termes injurieux en moins.

Parmi les lettres où Mélanchthon rejette le sacrement de l’ordre, tel qu’il est conféré par les évêques catholiques, il faut citer, dans l'édition de Halle, 1836 (Corpus reformatorum), la lettre n. 1482, t. iii, p. 182 ; n. 4409, t. vii, p. 219, et surtout la lettre n. 2786, t. v, p. 210. D’après Mélanchthon, pour être constitué ministre, il faut la vocation et l'élection. C'était l’ancienne discipline de l'Église, où l’on voit les évêques nommés par le peuple, discipline dont il reste encore un vestige dans les nominations épiscopales faites par les collèges ecclésiastiques. Après cette vocation ou élection, avait autrefois lieu la comprobalio, c’est-à-dire la consécration de l'élection, faite par deux ou trois évêques voisins, qui venaient imposer les mains à l'élu. « Nous avons, ajoute Mélanchthon, gardé cette coutume et je me complais en ce rite. » Mais il considère que celui qui est appelé ou élu par ceux en qui se trouve le droit de vocation, est véritablement déjà ministre de

l'Évangile, même avant d’avoir reçu l’imposition des mains. Il pourrait déjà enseigner et administrer les sacrements. L’imposition des mains, en effet, n’ajoute aucun pouvoir : elle constitue une simple déclaration, une approbation de la vocation, ou mieux une constatation. Il est interdit d’aller demander l’imposition des mains aux évêques catholiques, qui déclarent désapprouver la doctrine des Églises réformées. Être ordonné par eux, c’est se charger de liens impies. Et, tout en rejetant leur ordination, l'Église universelle ne périra pas ; l'Église demeure avec nous. Là où résonne la voix de l'Évangile, là se trouve le vrai ministère ; là demeure le droit d'élection et d’approbation. L'Église doit être perpétuelle, certes ; mais elle ne dépend pas des titres épiscopaux. Là où résonne la voix de l'Évangile, là est la vraie Église.

Cette cérémonie de l’ordination, telle qu’elle se fit aux ministres ordonnés à Wittenberg, Mélanchthon nous en a conservé le rite dans la lettre n. 4409. Cette cérémonie se composait de huit actes : 1° examen de probation des candidats, pour constater s’ils sont vraiment aptes à défendre la vraie doctrine contre les portes de l’enfer ; 2° à genoux devant l’autel, celui qui fait l’ordination et ses ministres chantent Veni Creator, tandis que les ordinands sont rangés dans le chœur ; 3° l’officiant monte à l’autel et se retournant vers les ordinands, récite sur eux I Tim., m, et Eph., i, 15 sq. ; 4° allocution pour leur demander s’ils veulent se consacrer au service divin ; 5° imposition des mains, avec récitation du Pater et d’une autre prière ; 6° allocution sur I Pet., v ; 7° bénédiction avec le signe de la croix sur leur tête, accompagné d’une formule ; 8° chant du Pater et communion.

Dans les l.oci communes, Mélanchthon veut situer l’opposition de la conception luthérienne et du dogme catholique. En parlant du nombre des sacrements, il déclare accepter volontiers qu’on place l’ordre parmi les sacrements, à condition toutefois de l’entendre comme un simple ministère de la prédication de l'Évangile et de l’administration des sacrements. En ce sens, c’est un sacrement fort utile. Édit. citée, t. xxi, p. 470. Mais les catholiques ne l’entendent pas ainsi. Omettant de faire mention du ministère évangélique, ils pensent que l’ordre est avant tout le pouvoir de sacrifier pour les vivants et pour les morts ; ils ajoutent qu’aucune rémission des péchés ne saurait exister si, même en dehors du sacrifice de Jésus-Christ, il n’existait pas dans l'Église un autre sacrifice.

Plus loin, De potestate ecclesiastica seu de clavibus, Mélanchthon déclare que dans l'Église, il faut distinguer officia et potestates. En tant qu’ils remplissent leurs offices, les ministres ont droit à notre obéissance, surtout lorsqu’ils enseignent la parole de Dieu. Et il fait ici appel à Luc, x, 16 ; xxiii, 3 ; I Pet., ii, 13, 18 ; ibid., p. 502. Il revient ensuite sur les idées que nous connaissons déjà : vocation, élection, ordination, exemples de la primitive Église ; droit de la vraie Église — laquelle existe là où se fait la prédication de la parole de Dieu — de se choisir des ministres. Ibid., p. 503-505.

3. Confession d’Augsbourg.

La confession d’Augsbourg n’a qu’un petit article, d’un laconisme évidemment voulu, au sujet de Vordre ecclésiastique : art. 14 : « Personne ne doit publiquement enseigner dans l'Église, ni administrer les sacrements, s’il n’est appelé officiellement (rite vocalus). » On y retrouve néanmoins les traits essentiels de la pensée luthérienne, avec la forme de Mélanchthon. Elle s'étend davantage sur le pouvoir épiscopal, art. 28. Le pouvoir épiscopal est ici identifié avec le pouvoir des clefs, qui consiste, selon le précepte du Seigneur,

à remettre et à retenir les péchés et à administrer les sacrements. Mais ce pouvoir, déclare la Confession, s’exerce seulement docendo seu prxdicando verbum et porrigendo sacramentel… Par là, il faut séparer résolument le pouvoir ecclésiastique du pouvoir civil. Les évêques doivent, comme tels, demeurer sur le terrain religieux. D’après l'Évangile, ils n’ont, de droit divin, que le pouvoir de remettre les péchés, de prêcher la vraie doctrine, d'éliminer les doctrines fausses, et, sans employer la force humaine, de rejeter les impies de la communauté ecclésiastique. Sur ces points, on leur doit, de droit divin, l’obéissance. Les évêques n’ont le droit d’instituer des cérémonies, des lois, des ordres divers de ministres, que dans la mesure où cela est permis par l'Évangile. Et partant de ce principe, la Confession examine un certain nombre de cas concrets.

4. Défense de la Confession.

Mélanehthon s’explique plus complètement dans la Défense, a. 13, 14 et 28. — A l’art. 13, il répète ce que nous avons déjà lu dans les Loci communes, en y ajoutant quelques traits nouveaux. Nos adversaires, déclare-t-il, entendent le sacerdoce, non du ministère de la parole et des sacrements, mais du pouvoir d’offrir le sacrifice, comme s’il fallait, dans le Nouveau Testament, rétablir le sacerdoce lévitique chargé de sacrifier pour obtenir la rémission des péchés. Nous, au contraire, nous enseignons que le sacrifice du Christ mourant sur la croix a été suffisant pour la rémission des péchés du monde entier, et qu’il n’est plus besoin d’autre sacrifice pour la rémission des péchés. Les hommes sont justifiés uniquement par le sacrifice du Christ, si toutefois ils se croient rachetés par lui. Les prêtres sont donc prêtres, non pas pour sacrifier, mais pour prêcher la parole de Dieu et administrer les sacrements. Ce sacerdoce ne ressemble pas au sacerdoce lévitique. En l’entendant uniquement du ministère de la parole, on peut l’appeler sacrement. Car ce ministère de la parole procède du commandement divin, Rom., i, 16 ; Is., i.v, 11. En ce sens, on peut aussi appeler sacrement l’imposition des mains.

L’art. 14 envisage directement l’ordre ecclésiastique. On doit conserver l’ordonnance ecclésiastique et les différents degrés de l’ordre, bien que ce soient là des institutions purement humaines. Ce sont là des coutumes vénérables, qu’il importe de conserver pour le bien public et la discipline ecclésiastique. Les évêques catholiques veulent contraindre les ministres réformés à rejeter ce qu’ils croient être la vérité : de là ces antagonismes qui nous obligent à abandonner des coutumes que nous voudrions conserver. Notre volonté de sauvegarder la vérité sera notre excuse devant la postéririté, etc.

Mélanchton n’attaque pas directement, ainsi que Luther, l'épiscopat comme tel ; néanmoins sa doctrine aboutit logiquement à la destruction de toute autorité dans l'Église. Le « sacerdoce », pour lui comme pour Luther, prend sa source, non dans le rite sacramentel conféré par l'évêque, mais dans la délégation populaire. On trouve aussi chez lui l’affirmation d’une Église purement spirituelle, qui n’est pas, comme d’autres organisations, une société de biens externes et de rites, mais societas fidei et Spirilus sancti in cordibus, quu> tamen habet externas notas, ut agnosci possit, videlicet puram evangelii doctrinam et administrationem sacramentorum consentaneam evangelio Christi. Art. 7 et 8 ; cf. J. T. Miiller, Diesymbolischen Bûcher der evangelisch-lutherischen Kirche, Gùtersloh, 1898, p. 203, 205, 152.

C’est dans l’art. 28, que Mélanehthon envisage plus directement la puissance épiscopale, pour en parler cependant avec un certain ménagement. Nos adversaires, dit-il, insistent sur le pouvoir de gou vernement et de coercition que possèdent les évêques pour diriger leurs sujets vers la béatitude éternelle. Et au pouvoir de gouvernement ressortit le pouvoir de juger, de définir, de discerner, de régler tout ce qui est utile ou nécessaire à l’obtention de cette fin. A cela il oppose que l'évêque n’a pas le droit de faire quelque chose qui aille contre l'Évangile et qui charge les consciences de péchés inconnus à l'Évangile. Ce nonobstant, Mélanehthon accepte le double pouvoir d’ordre et de juridiction. « L'évêque, dit-il, a le pouvoir d’ordre, c’est-à-dire le ministère de la parole et des sacrements ; il a le pouvoir de juridiction, c’est-à-dire l’autorité pour excommunier les criminels publics et les réconcilier ensuite s’ils se convertissent et demandent l’absolution. Mais il n’a pas un pouvoir tyrannique… » On le voit, l’auteur, tout en maintenant le fond de l’erreur luthérienne parle avec une prudence consommée. Sa pensée est résumée à la fin de la défense : Non enim constitiut regnum episcopi extra evangelium. Nec debent episcopi traditiones contra evangelium condere, aut traditiones suas contra evangelium interpntari. Op. cit., p. 288-289.

5. Articles de Smalkalde.

On sait que le pape Paul III, sur les instances de Charles-Quint, avait, en 1535, envoyé son nonce Vergerio pour traiter avec les réformés de la question du concile. Vergerio avait même eu une entrevue avec Luther. La négociation semblait avoir abouti et le concile fut convoqué à Mantoue à la date du 23 mai 1537. Pour arrêter leur ligne de conduite en cette conjoncture, les chefs du protestantisme se réunirent en février à Smalkalde. Luther y proposa une nouvelle confession, les vingtsept articles de Smalkalde.

Dans ces articles, il est question, à trois reprises, de l’ordre. — Part. III, a. 10, De initiatione, ordine et vocationc : si les évêques remplissaient leurs fonctions conformément aux enseignements de l'Évangile, les ministres réformés pourraient aller leur demander l’imposition des mains. Mais, puisque les évêques ne veulent pas abandonner toutes les comédies, singeries et pompes empruntées au paganisme, qu’ils ne veulent pas être de vrais évêques, mais entendent agir en politiciens, qui ni ne prêchent, ni ne baptisent, ni n’administrent la Cène, ni ne remplissent aucune fonction ecclésiastique, se contentant de persécuter et de condamner ceux qui se sentent appelés à remplir ces fonctions, force est bien à ceux-ci d’en revenir à la pratique de l'Église primitive, et notamment à la pratique de l'Église d’Alexandrie, telle que saint Jérôme la rapporte, où, sans évêques, sans prêtres ni ministres, la communauté se gouvernait elle-même. Aussi, nous ordonnons nous-mêmes ceux qui sont appelés au ministère. Mùller, op. cit., p. 323.

Tract, de potestate et primalu papa'. — Le pouvoir des clefs, promis et conféré à Pierre (Matth., xvi, 18 sq. ; Joa., xxi, 15), en réalité n’appartient pas à une personne déterminée, mais à toute l'Église. C’est pourquoi appartient à l'Église le droit d’appeler ses ministres. Super hanc petram wdificabo. se rapporte au ministère et non à la personne de Pierre. Or, ce ministère dans le Nouveau Testament n’est pas, comme autrefois le ministère lévitique, attaché à des lieux et à des personnes déterminées ; mais il est dispersé dans tout l’univers, et il est là où Dieu répand ses dons et suscite ses apôtres, ses prophètes, ses pasteurs, ses docteurs. Ce ministère a de la valeur, non en raison de l’autorité d’une personne, mais en raison de la prédication de la parole de Dieu. Mùller, op. cit., p. 333. De ces principes, les théologiens protestants tirent les conclusions les plus subversives de l’autorité pontificale.

Ces conclusions s’appliquent aussi au pouvoir cl la juridiction des évêques, dont les théologiens pro

testants parlent à la fin du traité De potestate et primatu papiv, op. cit., p. 340 sq., et dans le même sens que Mélanchthon. Rappelant le texte de la Confession d’Augsbourg, voir col. 1340, ils déclarent que, du consentement de tous, même de leurs adversaires catholiques (l’autorité de saint Jérôme est mise ici en avant), le pouvoir et la juridiction attribués aux évoques sont de droit divin, communs à tous ceux qui président aux Églises, évêques ou prêtres. C’est l’autorité humaine qui, d’après l’enseignement même de Jérôme, a introduit dans l'Église les différences de degrés entre les évêques et les simples prêtres. Leur pouvoir est le même. Une seule chose a établi entre eux une différence, l’ordination, parce qu’on a réservé à l'évêque l’ordination des ministres dans les diverses Églises. Mais, puisque de droit divin il n’y a pas de différence entre évoque et simple prêtre, il s’ensuit que de droit divin est toujours valable l’ordination faite par un pasteur dans son église. Quum jure divino non sint diversi gradus episcopi et pasloris, manifestum est ordinalioncm a paslore in sua ecclesia factam jure divino ratam esse. Les évêques devenant effectivement des ennemis de l'Église, l'Église reprend son droit d’ordonner elle-même ses ministres. Partout, en effet, où est l'Église, là se trouve également le droit de prêcher l'évangile : aussi est-il nécessaire que chaque église conserve son droit d’appeler, de choisir et d’ordonner ses ministres. Ce droit a été donné par Dieu à l'Église et aucune puissance humaine ne peut le lui ôter. C’est le sens d'Ëph., iv, 8. Où se trouve la vraie Église, là existe le droit de choisir et d’ordonner des ministres : c’est ainsi qu’en cas de nécessité un simple laïque devient prêtre et pasteur des autres. En ce sens doivent être entendus Matth., xviii, 20, et I Pet. ii, 9. Suivent d’autres considérations sur la juridiction épiscopale, dont l’origine est toute humaine et qui ne peut s’exercer qu’en des cas déterminés. Hors ces divers cas, il est loisible aux fidèles de ne pointobéir.

Les réformés.

1. Calvin. — C’est au 1. IV de

son Institution chrétienne que Calvin rejette, avec une ironie mordante, le dogme catholique sur le sacrement de l’ordre. « Le sacrement de l’ordre, écrit-il, est mis en leur rolle au quatrième lieu, mais il est si fertile qu’il enfante de soy sept petits sacramentaux. » C. xix, n. 22. Œuvres, Édition de Brunswig, 1895, t. iv, p. 1102. L’attaque de Calvin est violente et veut être spirituelle. On doit rejeter les sept ordres dont le nombre lui-même est controuvé, ne reposant que sur le parallélisme des sept dons du Saint-Esprit. L’antiquité chrétienne elle-même n’admet pas ce nombre de sept : les docteurs sont en grande divergence d’opinion sur les ordres eux-mêmes et sur leur nombre. Calvin ironise à propos de l’opinion du Maître des Sentences sur l’exercice des divers ordres par Jésus-Christ lui-même. (Voir ci-dessus, col. 1301 sq.) Il tourne pareillement en dérision la tonsure et les significations mystiques qu’on lui attribue, n. 24-27. Il rejette avec indignation que les « ordres moindres » soient des sacrements, n. 27. Jésus-Christ seul est prêtre : « Tous ceux font injure à Christ, qui se disent prestres pour oiïrir sacrifice de réconciliation. C’est luy qui a esté ordonné du Père et consacré avec jurement pour estre prestre selon l’ordre de Melchisédech… Nous sommes bien tous prestres en Lui, niais c’est seulement pour offrir louanges et actions de grâces à Dieu, et principalement de nous offrir nous mesmes et en somme tout ce qui est nostre. » Édit. citée, p. 1110. Leur prêtrise (des catholiques) est donc « un sacrilège danmable ». C’est une impudence de l’orner du titre de sacrement. « Quant à l’imposition des mains qui se fait pour

introduire les vrais prestres et ministres de l'Église en leur estât, je ne répugne point qu’on la reçoive pour sacrement. Car c’est une cérémonie prinse de l’Escriture…, et puis laquelle n’est point vaine, comme dit saint Paul, mais est un signe de la grâce spirituelle de Dieu (I Tim., iv, 14). » Les vrais prêtres « sont ordonnés par la bouche de Jésus-Christ pour estre dispensateurs de l'Évangile et des Sacrements. » Matth., xxviii, 19 ; Marc, xvi, 15 ; Joa., xxi, 15. « Il leur est fait piomesse de recevoir les grâces du Saint-Esprit non pas pour faire expiation des péchez, mais pour gouverner deuement l'Église. » Act., i, 3. Op. cit., p. 1111. Dans le texte de 1541 se trouve intercalé ici un long morceau qui fut plus tard inséré en différents endroits du c. vin de la rédaction de 1543, ou des c. iii, iv, v, du 1. IV de la rédaction de 1559. Calvin y examine ce que doit être la prêtrise, telle que l’a voulue Jésus-Christ : « Devant qu’il y eust aucune forme d'Église dressée, (Jésus) donna mandement à ses apostres de prescher l'évangile à toute créature et de baptiser en la rémission des péchés tous les croyants. Or, auparavant, il leur avait demandé de distribuer à son exemple le sainct sacrement de son corps et son sang. Par tout il n’y a aucune mention de sacrifier. Voilà une ordonnance saincte, inviolable et perpétuelle, donnée à tous ceux qui succèdent au lieu des Apostres, par laquelle ilz reçoivent mandement de prescher l'Évangile et d’administrer les sacrements. Ceux donc qui ne se emploient pas à la prédication de l'Évangile et à l’administration des sacrements, se vantent faulsement d’avoir un ministère commun avec les Apostres. » Id., p. 1112.

C’est par la vocation que les ministres sont destinés à cette prédication de l'Évangile et administration des sacrements. Mais par qui parviendra la vocation à ceux que Dieu destine à son ministère ? On ne peut tirer ici aucun enseignement certain de l’institution des apôtres… « et il ne nous appert pas du tout quel ordre y ont tenu les Apostres mesmes en instituant les autres. » Faut-il admettre que seuls les évêques aient le droit d’ordonner ? Mais l’ordination qu’ils prétendent conférer est « pour sacrifier et immoler Jésus-Christ, ce qui n’est pas consacrer à Dieu, mais le destiner au diable… La vraye et seule ordination est de appeler au gouvernement de l'Église celuy duquel la vie et la doctrine aura esté bien esprouvée, et colloquer iceluy audict office. » C’est dans ce sens qu’il faut interpréter les textes de saint Paul relatifs à l’ordination.

Et ici, Calvin reprend les idées mêmes de Luther et de Mélanchthon sur l'élection des évêques par le peuple : le peuple doit choisir ses représentants. — Quant aux cérémonies de l’ordination, il faut rejeter tout ce qui ne correspond pas à la chose, c’est-à-dire au ministère, par exemple, les paroles : Recevez le Saint-Esprit, paroles que le Christ a pu dire, mais qu’on n’est pas autorisé à répéter après lui ; par exemple l’onction ; cf. n. 29-31. Calvin toutefois admet, comme Mélanchthon, les diacres, à condition de les prendre tels que l'Église primitive les a institués, n. 32. Quant aux sous-diacres, leur office n’a aucun sens et il ne faut même pas en parler, n. 33.

Sur l’imposition des mains chez Calvin, on consultera également son commentaire sur I Tim., édit. citée, t. lii, p. 349.

2. Théodore de Bèze. -- Les idées de Calvin se retrouvent chez son disciple et successeur Théodore de Bèze. Ces idées ont été en quelque sorte codifiées par le synode de Tarczal, en Hongrie, qui, en 1563, émit une profession de foi conforme à renseignement de Théodore de Bèze. En voici la substance, en ce qui concerne le sacrement de l’ordre.

Dans la primitive Église, apôtres, évangélistes, prophètes, pasteurs, docteurs, qu’on appelait parfois évêques, d’autres fois diacres, d’autres fois prêtres, appartenaient au ministère de l'Évangile. Les apôtres, les prophètes, les évangélistes n’exercèrent qu’un ministère passager, n. 13. — Les pasteurs sont dits posséder le pouvoir des clefs, parce que, par la prédication et l’administration des sacrements, ils nous ouvrent les portes du royaume des cieux, n. 15. — Pasteurs et docteurs ne sont, dans la prédication, que les canaux dont Dieu se sert pour accomplir son œuvre, n. 16. — Les vrais prêtres (ministres) sont ceux qui sont appelés par Dieu et sont choisis officiellement (rite) par l'Église. Ceux qui sont notoirement indignes ne peuvent être considérés comme de vrais ministres, n. 17. — Les n os suivants, 18-24, traitent des ordres, tels que l’histoire de l'Église nous les fait connaître, depuis les ordres mineurs jusqu’au sacerdoce. Mais l’office du prêtre est de prêcher l'Évangile et d’administrer les sacrements ; il n’est pas question de sacrifice. Enfin, le n. 25 traite de la confirmation des élus aux ministères ecclésiastiques. En vue de cette consécration, il y avait autrefois l’imposition des mains, avec des prières, ces prières étant ajoutées, ne inane symbolum videretur. Peu à peu, on ajouta des rites empruntés soit à la synagogue, soit aux cérémonies païennes, insigni profecto Satanæ fraude. Ces cérémonies surajoutées doivent être rejetées. Voir E. F. Karl Müller, Die Bekenntnisschriften der reformierten Kirche…, Leipzig, 1903, p. 433 sq. Tous ces n°s sont empruntés à Bèze.

Des déclarations de ce synode, il faut rapprocher la Confession des frères de Bohème, 1609, qui contient, c. ix, des affirmations analogues. Elle reconnaît, n. 1, que les ministres de l'Église sont les principaux membres et les vicaires du Christ. Elle déclare, n. 2, que les ministres de l'Église doivent accéder légitimement aux offices publics. Cette accession légitime se fait par la vocation de l’ordination, conformément à l’exemple du Christ et des apôtres. Cette ordination est faite avec la prière per manuum impositionem. Le pouvoir de prêcher l'évangile et d’administrer les sacrements doit être conféré de cette manière par les évêques et les prêtres. L’office du ministre, n. 4, est de prêcher la parole de Dieu et d’administrer les sacrements : il n’est pas question de sacrifice. E. F. Karl Müller, op. cit., p. 474 sq.

3. Zwingle.

Dans les thèses présentées par Zwingle au colloque de Bâle (29 janvier 1523), les tendances radicales du réformateur suisse s’affirment à l'égard du sacerdoce dans la thèse xxvii principalement, laquelle soutient que « tous les chrétiens sont frères dans le Christ, et que parmi eux aucune paternité spirituelle ne doit exister sur terre. Par là sont supprimés les ordres, les sectes, les castes. » Voir aussi, xxxiv, xxxv, xxxvii : le prétendu pouvoir spirituel n’a aucun fondement dans l’enseignement du Christ. Le pouvoir temporel est fondé sur l’enseignement du Christ. Tous les chrétiens doivent être soumis au pouvoir temporel ; cf. E. F. Karl Müller, Die Bekenntnisschriften der reformierten Kirche, p. 4 sq. A quoi se réduit donc pour Zwingle l’imposition des mains ? Il nous le dit dans son commentaire De vera et falsa religione : Ordo sacer, quem perhibent animie characterem quemdam, velut ungue, infligere, humanum figmentum est. Quod autem de impositione manuum ex Actis et I Tim., iv, 14, adducunt, frivolum est. Exterior hœc consignatio fuit qua cos nolabant in quos linguarum donum erat venturum, aut quos ad verbi ministerium erant emissuri. Quid hoc ad characteris figmentum facit ? Functio est, non dignitas episcopalus, hoc est verbi ministerium. Qui ergo administrat verbum, episcopus est ; qui minus, tam non est episcopus, quam non

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

est consul vel magislratus qui non fungitur. Dans Opéra, Zurich, 1832, t. iii, p. 274. Donc, pas de sacerdoce, pas d'épiscopat, pas de sacrement ; une simple consignation par un rite tout extérieur et tout humain. D’ailleurs Zwingle nie le pouvoir des clefs, même en tant que prédication de la parole de Dieu, (.'est simplement l'Évangile qui ouvre aux hommes la porte du ciel. Id., p. 215.

4° Conclusion : accord fondamental des différentes confessions. — Bien qu’il y ait entre protestants de différentes confessions des différences assez accusées au sujet de l’ordre, — au point qu’on a pu écrire « qu’ils ne savent pas ce qu’ils veulent », RealEncyklopädie für protest. Theologie., 2e édit., t. xi, 1883, p. 76 — il n’en est pas moins vrai qu’entre luthériens, calvinistes et zwingliens, un accord fondamental subsiste pour nier l’existence de l’ordre comme sacrement, pour nier la collation d’un pouvoir spirituel dans le sacrement de l’ordre, la supériorité de l'épiscopat sur le simple sacerdoce et le pouvoir des évêques de conférer par l’ordination un véritable pouvoir avec la grâce pour en exercer les fonctions. Tous sont unanimes à conserver l’imposition des mains comme une coutume humaine, légitimement introduite, pour assurer dans l'Église le bon fonctionnement de la prédication et de l’administration des sacrements. Et, d’après eux, l’imposition des mains redevient, ce qu’elle était dans la primitive Église, « une simple consécration ou mise à part pour le service de Dieu, un rite initiateur précédé du jeûne (Act., xii, 3) et accompagné de ferventes prières, pour appeler, sur ceux qui en étaient l’objet, des grâces précieuses du Saint-Esprit, la reconnaissance publique et le sceau de la double vocation du chef de l'Église et de ses rachetés. » Guers, L’imposition de mains, Genève, 1864, p. 8. « Dans son Appel à la noblesse allemande, et dans sa Captivité de Babylone, Luther se prononce d’abord avec force contre toute idée d’ordination, à cause des abus qu’avait entraînés cet acte prétendu sacramentel dans l'Église, mais il se convainquit bientôt du danger que ces théories extrêmes faisaient courir à la Réforme, et il s’efforça de réorganiser le ministère d’après les principes de l'Église primitive. Les États évangéliques répondirent dans la Confession d’Augsbourg à l’accusation qui leur était faite de désorganiser l'Église, et établirent la légitimité du ministère, art. 7, 8, 14 ; Apologie, a. 7 ; articles de Smalkalde, part. III, a. 10. L'Église réformée proclama les mêmes principes dans ses diverses confessions. Confessio helvetica, I, a. 18 ; II, 16 ; Confessio gallicana, a. 19, 23 ; Confessio anglicana, a. 23, 36 ; Confessio belgica, a. 30, 32 ; Confessio tetrapolitana, a. 3. » Ruffet, art. Consécration, dans l’Encyclopédie des sciences religieuses de Lichtenberger, t. iii, p. 370.

Le fait que certaines Églises luthériennes aient gardé un épiscopat de façade (tomme dans les pays scandinaves) n’atteint en rien la théorie fondamentale du protestantisme. Cet épiscopat n’a été maintenu que pour des raisons, tout à fait étrangères à la doctrine et ne comporte que des prérogatives d’honneur, sans pouvoirs supérieurs.

La théologie catholique contre les novateurs.


La question de l’ordre n’occupe qu’une place fort restreinte dans les négations luthériennes et calvinistes. Aussi ne doit-on pas être étonné que les théologiens catholiques, dans leurs polémiques anti-protestantes, l’aient abordé rarement et subsidiairement. Les thèses qu’ils défendent concernent surtout la messe, la justification, l’autorité du pape, l'Église. On trouvera néanmoins les thèses catholiques de l’ordre rétablies dans de nombreux ouvrages polémiques. Voir surtout Jean Eck, Enchiridion locorum

T. — XI — 43

commuai il m adversus Lutherum, Landshut, 1525, dirigé contre les Lieux communs de Mélanehthon, et Repulsio articulorum Zwinglii, 1530 ; Emser, Wider das unehristenlichen Buch Martini Luthers ; Fréd. Grau († 1531), De clericis in Ecclesia ordinandis, Vienne, 1548 ; Berthol Pirstinger († 1513), Tewtsche Theologey, traduite en latin, Theologia germanica, Augsbourg, 1531, et plus récemment publiée avec notes de Reithmeier, Munich, 1852 ; Joh. Mensing, Von den Testament Christi unseres Herm und Seligmachers, 1526 ; Von dem Opfer Christi un der Messe, 1526 ; De saccrdotio Ecclesiæ Christi catholicse oratio, Cologne, 1527 ; Examen scripturarum atque argumentorum quæ adversus sacerdotium Ecclesia ; libello de abroganda missa per M. Lutherum sunt adducta, 1527 ; Cochleus (Jean Dobneck), De gratia sacramentorum et Articuli excerpti ex libro Lutheri contra ecclesiasticos, Cologne, 1525 ; Tillmann Smeling († 1557), De septem sacramentis, Cologne, 1538 ; et réédition de YEnckiridion de Eck ; Chlichtoue, De vita et moribus sacerdotum, Cologne, 1530 ; Antiluterus, Paris, 1523 ; De sacramento eucharistix, Paris, 1526 ; Propugnacutum Ecclesiæ adversus Lutheranos, ibid. ; Jean Dartis († 1651) De ordinibus et dignitatibus ecclesiasticis, Paris, 1648, contre Claude de Saumaise ; Henry VIII, Assertio septem sacramentorum adversus Mart. Lutherum ; enfin, les deux Soto, morts contemporains du concile de Trente. De Pierre, plus directement engagé contre les erreurs protestantes, Verse, christianæ catholicœque doctrimv solida propugnatio, Anvers, 1559 ; Assertio catholicse fidei circa articulas… ducis Wirtemburgensis, Anvers, 1557 ; Tractatus de institutione sacerdotum, Dillingen, 1560.

Il convient de faire mention plus expresse du bel ouvrage de John Fischer évêque de Rochester, Sacri sacerdotii defensio contra Lutherum, Cologne, 1525, très récemment réédité par Hermann Klein Schmeink, Corpus catholicorum, t. ix, Munster-en-W. En voici, d’après A. d’Alès, le résumé. Dans un premier chapitre, l’auteur fait appel à l’argument de prescription théologique, en opposant à Luther la tradition constante des Pères touchant le pouvoir réservé au sacerdoce. Dans un deuxième chapitre, il énonce et motive solidement dix propositions, qui constituent une démonstration en règle de la thèse catholique : 1. Il est raisonnable que les choses intéressant le salut des âmes soient confiées à de certains hommes, chargés du soin de toute la multitude. 2. Le Christ, vivant sur terre, a établi des pasteurs pour avoir soin de ses brebis et remplir près d’elles un rôle de pasteurs, de chefs, de docteurs. 3. Il convient que les pasteurs appelés à remplir ce rôle près du peuple chrétien reçoivent à cet effet le don d’une grâce plus abondante. 4. Non seulement cela convient, mais de fait le Christ a départi aux pasteurs de son Église une telle grâce et un tel pouvoir, pour qu’ils pussent mieux s’acquitter de leurs fonctions. 5. Non seulement, à l’origine de l'Église, l’institution de tels pasteurs fut nécessaire, mais elle doit durer toujours, jusqu'à ce que l'édifice de l'Église soit complet. 6. Nul n’exerce légitimement les fonctions pastorales, s’il n’a été appelé par les chefs de l'Église, régulièrement ordonné et envoyé. 7. Tous ceux qui sont ainsi légitimement établis par les pasteurs de l'Église pour les fonctions pastorales, doivent être tenus pour également appelés par l’Esprit-Saint. 8. Les mêmes pasteurs reçoivent du même Esprit dans leurs ordinations le don de la grâce, qui les rend plus capables de remplir saintement le devoir de leur ministère. 9. Néanmoins l’Esprit Saint veut que cette grâce soit liée à l’apparition d’un signe sensible, dont l’accomplissement exact nous sera un gage que la grâce est actuellement donnée. 10. Ceux qui ont été ainsi légiti mement ordonnés pasteurs des Églises et prêtres, sont justement tenus pour investis du sacerdoce divin et le sont certainement.

Dans un troisième chapitre, l’auteur réfute les arguments scripturaires par lesquels Luther prétendait ruiner le pouvoir du sacerdoce chrétien proprement dit, et ne montrer partout qu’un sacerdoce au sens large. Après avoir vengé contre les attaques de Luther les droits du sacerdoce, John Fischer en pratiqua les devoirs jusqu'à l’effusion du sang durant la persécution d’Henri VIII. Dict. apolog., t. iv, col. 1038.

Les ouvrages d’allure plus scolastique ne manquent pas d’ailleurs à cette époque. Citons : Barthélémy Spina († 1546), Quæstio de ordine sacro, Venise, 1526 ; Dominique Soto, In IV am Sent., dist. XXIV, Venise, 1584 ; Fr. de Victoria, O. P. († 1546), Summa sacramentorum Ecclesiæ, desumpta a Thomas de Chaves. O. P. († 1565), Venise, 1579 ; Cajétan, soit dans l’opuscule Depotestate papæ, soit dans la question (op. xxvi) De collatione sacri ordinis ; Ruard Tapper († 1559), De sacramento ordinis, etc.

6° Le rite actuel de la consécration des ministres protestants. — Il est ici question, non de transcrire intégralement le rite de la consécration d’un ministre, mais d’en donner une simple indication. Nous sui vons la Liturgie à l’usage des Églises réformées publiée par le pasteur Eug. Bersier, Paris, 1888, p. 249 sq.

Après un préambule dans lequel, les salutations d’usage une fois échangées, le ministre consacrant récite quelques passages de l'Écriture, Ps. lxxx, 2, 26 ; Ps. xcv, 6, 7 ; I Pet., ii, 25, 9-10, un dialogue s'établit entre le ministre et l’assemblée, le ministre invitant l’assemblée à la confession de ses péchés. Puis, de nouveau, lecture de plusieurs sections des Saintes Écritures, Matth., xxviii, 19-20 ; Marc, xvi, 15 ; Luc., x, 16 ; Joa., xx, 21-22 ; Eph., iv, 4-7, 11-16 ; Act., xx, 28 ; I Tim., iii, 1-7 ; I Pet., v, 2-4. Ensuite, récitation du Symbole des Apôtres, après laquelle le ministre, pendant que l’assemblée est à genoux, invoque Dieu, le bénissant de l'œuvre rédemptrice accomplie par son Fils, du sacerdoce universel institué dans le peuple chrétien, de la vocation par laquelle du milieu de son peuple, il appelle ceux choisis par lui pour la prédication fidèle de l'Évangile, pour la dispensation des saints mystères, pour le salut des âmes immortelles et l'édification du corps de Jésus-Christ. Il implore le pardon divin, qui, ôtant des chrétiens l’imputation de leurs infidélités et de leurs chutes, confirmera et rendra efficaces les paroles et les actes qui vont être dites et faits au nom de Dieu. Il appelle la bénédiction divine sur l'Église universelle, sur les autorités de l'État, sur les affligés, sur ceux qui soutirent et sont persécutés. Récitation du Notre Père.

Le ministre monte alors en chaire et prononce le discours de consécration ; puis, il interroge le candidat sur les dispositions apportées par lui en vue de son futur ministère, lui fait promettre d’enseigner la vérité révélée, telle qu’elle est contenue dans les saintes Écritures, de conduire les âmes à celui qui est la voie, la vérité et la vie, unique chef et roi de l'Église ; d'être le serviteur de ses frères, riches et pauvres, petitset grands, ignorants et savants, coupables et justes, se souvenant que le Maître, étant riche, s’est fait pauvre, étant le Roi de gloire, s’est fait l’homme de douleur, etc. Enfin il lui fait attester qu’il entre dans la charge du ministère « de bon cœur et parce que Dieu l’y appelle », non en vue d’un gain deshonnête, non par esprit de domination, mais uniquement pour être le modèle du troupeau, par ses paroles, sa foi, la pureté de sa vie, par sa charité, etc. Vient ensuite la formule consécratoire, que le

ministre récite en plaçant la main sur la tête du candidat qui se met à genoux :

En conséquence de ces déclarations et de ces promesses, et nous étant assurés, autant qu’il est en nous, que vous avez été dûment préparé pour cette charge (ici ions les minisires se lèvent et placent leurs mains sur la tête du candidat), nous qui sommes assemblés ici au nom du Seigneur, agissant par son autorité et représentant son Église, nous vous établissons et vous confirmons dans le ministère de la parole au sein de cette Église, nous vous reconnaissons le droit d’y remplir régulièrement toutes les fonctions de ce ministère, telles que la prédication de l'Évangile, l’administration des saints sacrements, l’instruction de la jeunesse, la bénédiction des mariages et tous les autres devoirs qui s’y rapportent. Nous demandons à Dieu qu’il vous fasse la grâce de remplir cette charge comme devant lui en rendre compte, afin que quand le souverain Pasteur paraîtra, vous receviez la couronne incorruptible de gloire, par Jésus-Christ Notre-Seigneur. Amen.

Une longue prière est alors récitée pendant que l’assemblée est à genoux, pour attirer la bénédiction divine sur le nouveau ministre qui reçoit le baiser de paix des ministres qui l’ont consacré et la cérémonie se termine par la bénédiction donnée par le ministre consacrant, comme à la fin des services du dimanche.

D’autres liturgies protestantes sont plus sobres que celle du pasteur Bersier. La liturgie, rédigée en allemand, pour les Églises de la confession d’Augsbourg en Alsace, Strasbourg, 1856, ne comporte pour l’ordination qu’une prière, une allocution, une brève interrogation de candidat, et la formule consécratoire se réduit à ceci :

N…, En conséquence de ta promesse solennelle, je te consacre et t’ordonne comme légitime ministre de l'Église évangélique, et t’autorise à exercer le saint ministère que le Christ, Notre-Seigneur, a lui-même institué, au nom de Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. Amen.

Suit une dernière prière que clôt le Pater.

Aucune bibliographie d’ensemble sur l’ordre et l’ordination chez les protestants. Il faut ou recourir aux sources mêmes, comme on l’a fait ici, ou se contenter des articles de Dictionnaires ou Encyclopédies protestantes aux mots : Ordination, Consécration, et la moisson qu’on y pourra récolter est la plupart du temps fort maigre.

II. L'ŒUVRE DOCTRINALE DU CONCILE DE TRENTE.

— C’est dans la xxiiie session que le concile de Trente a défini la doctrine catholique relative au sacrement de l’ordre. Nous citerons constamment la dernière édition des Actes du concile, Concilium. Tridentinum, édit. de la Gœrresgesellschaft, Fribourgen-B., 1924.

Travaux préliminaires.

1. Catalogue des erreurs

protestantes. — Dès le 18 septembre 1562, un certain nombre d’articles, extraits plus ou moins textuellement des œuvres des hérétiques, mais à coup sûr reproduisant exactement le sens de leurs erreurs, furent soumis à l’examen des théologiens. Ceux-ci devaient décider si ces articles étaient hérétiques, erronés, schismatiques et dignes de la réprobation du saint concile. Voici ces articles, au nombre de sept.

Art. 1. — Ordinem non L’ordre n’est pas un sa esse sacramentum, sed ricrement ; mais c’est un

tum quemdam eligendi et simple rite qui consiste

constituendi ministros verbi à élire et à établir les mi et sacramentorum. nistres de la parole et des sacrements.

Art. 2. — Ordinem non L’ordre non seulement

solum non esse sacramenn’est pas un sacrement ;

tum, sed potius figmentum mais il est bien plutôt une

humanum excogitatum a fiction humaine, inventée

viris rerum ecclesiaslicapar des hommes ignorants

rum imperitis. des choses ecclésiastiques.

Art. 3. — Ordinem non L’ordre n’est pas un sa esse unum sacramentum, crement un ; les ordres infé nec infimos et medios ordines velut gradus quosdam tendere in sacerdotii ordinem.

Art. 4. — Nullam esse ecclesiasticam hierarchiam, sed omnes christianos ex

  • quo esse sacerdotes, et ad

usuni seu executionem opus esse vocatione magistratus et consensu populi, et qui sacerdos semel fit, eum laicum rursus posse fieri.

rieurs et moyens ne sont pas des degrés tendant vers l’ordre du sacerdoce.

Il n’y a pas de hiérarchie ecclésiastique. Tous les chrétiens sont également prêtres. Mais, pour que ce sacerdoce soit mis en exercice et exécution, il faut l’appel de l’autorité et le consentement du peuple. Celui qui est devenu une fois prêtre, peut redevenir simple laïque.

Dans le Nouveau Testament, il n’y a pas de sacerdoce visible et extérieur, ni aucune puissance spirituelle, soit pour consacrer le corps et le sang du Seigneur, soit pour l’offrir, soit pour absoudre des péchés au for de Dieu. Il n’existe qu’une fonction ayant pour objet l’enseignement de l'Évangile ; et ceux qui ne prêchent pas l'Évangile ne sont pas vraiment prêtres.

L’onction non seulement n’est pas requise dans la collation des ordres ; mais elle est nuisible et il la faut mépriser, ainsi que toutes les autres cérémonies. Dans l’ordination le Saint-Esprit n’est pas conféré. Aussi les évêques commettent-ils une impertinence, en disant aux ordinands : Recevez le Saint-Esprit.

Les évêques ne sont pas supérieurs aux prêtres. Il n’ont pas le droit d’ordonner des ministres ; ou, s’ils ont ce droit, il leur est commun avec les prêtres, et les ordinations qu’ils pourraient faire sans le consentement des fidèles seraient sans valeur.

Par l’exposé qui a été fait plus haut des erreurs protestantes, on peut constater l’exactitude et l’objectivité de ce résumé.

2. Projets divers de textes promulguant la doctrine et les canons relatifs au sacrement de l’ordre. Leur discussion. — La rédaction de l’exposé doctrinal et des anathèmes à terminer contre l’hérésie fut confiée à trois groupes de théologiens, se partageant les sept articles précités. Quinze théologiens devaient examiner les trois premiers ; quinze autres les quatrième et cinquième ; seize enfin, les deux derniers. Seize réunions furent nécessaires pour aboutir à la rédaction d’un premier projet, visiblement rédigé en fonction des erreurs à combattre, puisqu’il comprenait exactement sept anathèmes. Ce projet fut soumis à une commission de huit membres, deux archevêques (Zara et Reggio), quatre évêques (Coimbre, Léon, Nîmes, Czanad), deux supérieurs d’ordres (servites et jésuites).

Ce premier projet fut distribué le 13 octobre 1562. En voici la substance : Il existe dans la Nouvelle Loi un sacerdoce ordonné au sacrifice eucharistique, comportant différents degrés, ordonnés eux-mêmes au degré suprême, le sacerdoce, qui les renferme tous. Le diaconat est affirmé par l'Écriture ; les ordres inférieurs sont nommés avec leurs fonctions dans les plus anciens documents de l'Église. L’ordre, conférant simultanément pouvoir et grâce au moyen d’un rite

Art. 5. — Non esse in Novo Testamento sacerdotium visibile et externum, neque potestatem aliquam spiritualem, sive ad conseerandum corpus et sanguinem Domini, sive ad oflerendum, sive ad absolvendum coram Deo a peccatis ; sed offieium tantum et magisterium prædicandi Evangelium, et eos, qui non prædicant, promis non esse sacerdotes.

Art. 6. — Unctionem non solum non requiri in ordinum traditione, sed esse perniciosam et contemnendam, similiter et omnes alias cæremonias, et per ordinem non conferri Spiritum Sanctum ; proinde impertinenter episcopos, cum ordinant, dicere : Accipite Spiritum Sanctum,

Art. 7. — Episcopos non esse presbyteris superiores, nec habere jus ordinandi, aut, si habent, id illis esse commune cum presbyteris, ordinationesque ab ipsis factas sine plebis consensu irritas esse. Concilium Tridentinum, éd. cit., p. 5.

sensible, est un sacrement, le rite sensible ayant son origine dans les gestes mêmes de Jésus-Christ et dans l’imposition des mains employée par les apôtres dans l’ordination. Quant à la grâce communiquée, elle est nettement affirmés par saint Paul, II Tim., i, 6-7. L'Église a toujours considéré que l’ordre comportait une sorte de consé -ration, fixe et immobile, qui ne peut pas être détruite, de telle sorte qu’il est impossible qu’un prêtre, une fois validement ordonné, redevienne laïque. De même que l’ordre est sacrement, il est sacrement un et non multiple, car les différents degrés, distincts entre eux, convergent vers le seul sacrifice et sacrement de l’eucharistie, de telle sorte qu'à l’exemple de la hiérarchie céleste, la hiérarchie des ordres est constituée sous un chef unique suprême, le pontife romain, vicaire de Jésus-Christ. Si quelqu’un affirme que tous les chrétiens sont également prêtres ou jouissent également entre eux d’un pouvoir spirituel égal, il bouleverse la constitution de l'Église, cette armée bien ordonnée, et, contre l’enseignement de saint Paul, professe équivalemment que tous sont apôtres, tous docteurs, tous évangélistes, tous pasteurs. Aussi le concile déclare-t-il que les évoques font partie dé la hiérarchie ecclésiastique, que non seulement ils diffèrent des prêtres, mais qu’ils leur sont supérieurs, car ils sont les successeurs des apôtres. Ils administrent le sacrement de confirmation, ordonnent les ministres de l'Église et peuvent remplir d’autres fonctions dont les ministres inférieurs n’ont pas le pouvoir. Ainsi donc, ceux qu’ordonnent les évêques sont validement et légitimement ordonnés, et le consentement ou l’appel de la foule des fidèles ou d’un pouvoir séculier quelconque ne sont requis à aucun titre pour la validité de telles ordinations. Bien au contraire, ceux qui entreraient dans le saint ministère autrement que par la vraie porte, c’est-àdire par l’autorité du pouvoir ecclésiastique, doivent être considérés comme des larrons et des voleurs.

Les canons projetés condamnaient la doctrine hérétique et inculquaient le dogme catholique.

1. Si quelqu’un dit qu’il n’y a pas dans le Nouveau Testament de sacerdoce visible et externe, ou qu’il n’existe pas de pouvoir de consacrer et d’offrir ie corps et le sang du Seigneur, et de remettre ou de retenir les péchés devant Dieu, mais qu’il n’existe qu’une charge et un simple ministère de prédication de l'Évangile et que ceux qui ne prêchent pas ne sont à aucun titre prêtres, qu’il soit anatlième. — 2. Si quelqu’un dit qu’outre le sacerdoce, il n’y a pas dans l'Église catholique d’autres ordres inférieurs et moyens, qui tendent comme des degrés vers l’ordre du sacerdoce ; ou que l’ordre est une fiction humaine, inventée par des hommes ignorants des choses ecclésiastiques, qu’il soit anathème. — - 3. Si quelqu’un dit que l’ordre ou l’ordination sacrée n’est pas proprement et en vérité un sacrement institué par Jésus-Christ, ou s’il nie l’unité de ce sacrement, ou s’il professe que c’est un simple rite employé pour choisir les ministres de la parole et des sacrements, qu’il soit anathème. — 4. Si quelqu’un affirme que l’ordination ne confère aucun pouvoir spirituel et indélébile, et que celui qui est devenu prêtre peut redevenir laïque ; ou que le Saint-Esprit n’est pas donné par elle et que c’est en vain que les évêques disent aux ordinands : Recevez le Saint-Esprit, qu’il soit anathème. —

5. Si quelqu’un dit que l’onction sacrée dont se sert l'Église, non seulement n’est pas requise dans la callation des ordres, mais qu’elle est nuisible et méprisable, ainsi que les autres cérémonies de l’ordre, qu’il soit anathème. —

6. Si quelqu’un dit qu’il n’existe dans l'Église catholique et apostolique aucune hiérarchie ou aucun principat sacré, mais que tous les chrétiens sont également prêtres et d’un pouvoir spirituel égal, qu’if soit anathème. —

7. Si quelqu’un dit que les évêques ne sont pas supérieurs aux prêtres, ou qu’ils n’ont pas le droit d’ordonner, ou, s’ils ont ce droit, qu’il leur est commun avec les prêtres ; s’il professe que tes ordres conférés sans le consentement ou l’appel du peuple ou du pouvoir séculier sont invalides et que ceux qui, sans être régulièrement ordonnés et

envoyés par l’autorité ecclésiastique et canonique viennent d’ailleurs, sont néanmoins des ministres légitimes de la parole et des sacrements, qu’il soi'/ anathème. Conc. Trid., éd. cit., p. 38-41.

Au cours des réunions générales qui suivirent, un certain nombre d’amendements de détails furent demandés, ayant pour but d'éclaircir ou de pré-iser certains points de doctrine ou parfois aussi de réparer certaines incorrections de forme. Ainsi, par exemple, on fit observer qu’il était moins correct de présenter les ordres inférieurs comme s' élevant vers le sacerdoce ; ce sont les ministres qui, par les différents ordres, s'élèvent au sacerdoce. Au r/roî7 d’ordonner, on préférait l’expression : pouvoir d’ordonner. Les exemples scripturaires choisis pour démontrer que l’ordre est un sacrement paraissaient à plusieurs assez contestables. Tel demandait qu’on insistât davantage sur le caractère indélébile ; tel autre sollicitait des explications relatives à l’onction, etc. Mais les principales instances portent sur la doctrine relative à l'épisco^ pat. L’archevêque de Grenade, en Espagne, fit observer tout d’abord qu’il était inexact de parler des degrés ordonnés au sacerdoce en qui ils trouvent leur consommation. N’est-ce pas équivalemment dire que l'épiscopat n’est pas le suprême couronnement de tous les ordres ? Parlant de la supériorité des évêques, il aurait fallu dire de quel droit — et ici il s’agit d’un droit divin — ils sont supérieurs aux simples prêtres. Les évêques, en effet, sont institués de droit divin et par le Christ ; c’est donc en vertu du même droit qu’ils sont supérieurs aux simples prêtres. L’archevêque de Grenade développa les arguments par lesquels il pensait prouver cette assertion. Une dernière question concerne l’origine de la juridiction des évêques. Quel que soit le mode d'élection, cette origine est immédiatement divine. Toutes ces vérités doivent être affirmées par le concile. Conc. Trid., p. 48-51.

L’archevêque de Rossano exhorta le concile à ne pas s’aventurer sur ce terrain. A son avis, il n’est pas absolument sûr que la tradition catholique considère l'épiscopat comme de droit divin ; il est moins clair encore que tous les auteurs tiennent la supériorité de l'épiscopat sur le simple sacerdoce comme de droit divin. Et enfin, la plupart des théologiens et canonistes admettent que la juridiction épiscopale dérive immédiatement dn pape. Conc. Trid., p. 52-59.

La thèse de l’archevêque de Grenade trouva de nouveaux champions dans la personne des évêques de Ségovie, d’Orense et d’Ugento. Mais, avec un grand souci des nuances, l'évêque de Città di Castello sut montrer les inconvénients d’une définition trop absolue. « Cette addition, déclara-t-il, que les évêques sont supérieurs aux prêtres de droit divin, est équivoque. S’il s’agit de la supériorité du pouvoir d’ordre, la conclusion est vraie, indubitable et catholique… Si nous comprenons cette supériorité de droit divin par rapport au pouvoir de juridiction, il faudra distinguer la juridiction au for interne de la pénitence (en quoi les évêques ne sont pas toujours supérieurs aux prêtres) et la juridiction externe coercitive, et sur ce point, les évêques sont supérieurs aux prêtres. Mais encore, il n’est pas sûr d’affirmer que les évêques tiennent cette supériorité de juridiction de droit divin immédiat. » Et l'évêque conclut qu’il suffira de dé. Tarer que les évêques sont supérieurs aux simples prêtres, de droit divin, quant au pouvoir d’ordre ; on laissera de côté la question de la supériorité quant au pouvoir de juridiction, dont on n’a pas d’ailleurs à parler en statuant sur la doctrine du sacrement de l’ordre. Conc. Trid., p. 92-94.

Le général des jésuites soutint une thèse opposée à celle de l’archevêque de Grenade. Laynez distingue avec soin, lui aussi, le pouvoir d’ordre et le pouvoir

de juridiction. Il accorde que le pouvoir de juridiction des évêques, considéré en général, est immédiatement de droit divin. Mais la question n’est pas là : il s’agit du pouvoir de juridiction de chaque évêque pris en particulier. Or, il n’y a pas de doute que ce pouvoir dérive immédiatement de la juridiction universelle du souverain pontife. On lui objecte que les évêques sont les successeurs des apôtres et qu’ils doivent recevoir leur juridiction de la même façon que les apôtres l’ont reçue. Les répliques apportées par Laynez à cet argument ne sont pas toujours péremptoires. On admettra difficilement, par exemple que le Queecumque ligaverilis super ierram, et le Quorum remiser itis peccala (Matth., xviii, 18 ; Joa., xx, 23) signifient « le pouvoir d’ordre, c’est-à-dire le pouvoir d’absoudre au for de la conscience. » Faible réponse également que celle qui, voyant dans ces paroles du Sauveur de simples promesses, affirme que la réalisation de ces promesses s’est faite par Pierre. Puis, repienant l’explication proposée jadis par Cajétan (voir col. 1314) Laynez n’est pas loin d’admettre que la juridiction concédée immédiatement par Jésus-Christ aux apôtres n’entraîne pas nécessaiiement l’origine immédiatement divine de la juridiction épiscopale. Cône. Trid., p. 94-101.

Dans sa substance, la thèse de Laynez est solide ; elle est suitout remarquable parce qu’ele a proposé une distinction qu’on n’avait pas encore rencontrée jusqu’alors, entre la puissance de juridiction in génère et la même puissance in singularibus.

Toutes ces discussions aboutirent, le 3 novembre 1562, à une refonte du texte de la doctrine et du dernier canon pioposés. Conc. Trid., p. 105-107. Dans le texte de la doctrine, divisé cette fois en cinq chapitres, on tint compte des remarques relatives à la rédaction. Les exemples scripturaires apportés pour justifier la nature sacramentelle de l’ordre sont supprimés et on leur substitue le caractère hylémorphique du rite de l’ordre. On insiste sur l’existence du caractère indélébile. Enfin le c. v atteste expressément l’existence de la hiérarchie sacrée, en laquelle les évêques, sans être appelés à la plénitude de pouvoir qui n’appartient qu’au pape, tiennent cependant le premier rang. On affirme leur supériorité sur les simples prêtres, en donnant pour motif les pouvoirs qu’ils exercent exclusivement, quant à la confirmation, à la collation des ordres et autres fonctions que les prêtres ne peuvent remplir. On termine en proclamant, comme dans la première rédaction, la validité des ordinations accomplies sans l’appel ou le consentement du peuple ou des pouvoirs séculiers. Seul, avons-nous dit, le can. 7 reçoit des modifications : Si quelqu’un dit que le Christ n’a pas institué son Église de telle sorte qu’elle renfermât des évêques ; que les évêques appelés par le pontife romain, vicaire du Christ, à partager : es sollicitudes, ne sont pas évêques véritables et légitimes, supérieurs aux prêtres, et qu’ils ne jouissent pas de la même dignité et du même pouvoir dont ils ont joui jusqu’ici, qu’il soit anaihème. L'évêque de Grenade avait proposé deux canons où se trouvaient afïiimées ses thèses relatives au droit divin des évêques et à l’origine immédiatement divine de leur pouvoir. Mais un grand nombre d'évêques italiens s’opposèrent à une telle rédaction.

Plusieurs Pères déjà s'étaient préoccupés de substituer à ce canon 7 deux ou même trois autres canons pour mieux exprimer leur pensée au sujet de l'épiseopat et surtout mieux défendre les droits de l'épiscopat contre les erreurs protestantes. On ne trouve pas moins de onze formules nouvelles proposées. La double formule qui deviendra définitive, avec les canons 7 et 8, se trouve déjà proposée dans les Actes, sous le n° 3 et son auteur est incertain. Conc. Trid., p. 109.

La lutte allait recommencer entre évêques espagnols et italiens, ceux-ci en plein accord avec les légats pontificaux. Le 3 novembre, l’archevêque de Rossano prend derechef la parole pour demander qu’on évite de poser la question du droit divin des évêques. Illustrissimi legati optabant lalem quastionem vilari. Palriarchis ac primi circuli archiepiscopis {inter quos indignus) visum fuit opportunum omnia pr ; i termitière quæ talem controversiam excitare possent. Et il reprend la thèse fondamentale de Laynez pour montrer que, principalement sur la question de l’origine de la juridiction, il convient de se montrer fort prudent. Au point de vue patristique et théologie positive, son discours est vraiment remarquable. Conc. Trid., p. 112-122. Il faut signaler une intervention heureuse de l'évêque de Chioggia, p. 127-133, un appel à la concorde en vue du but à atteindre, par l'évêque de Nicastro, p. 178-183 ; enfin une solide démonstration de la thèse médiatisle par l'évêque de Città di Castello, p. 185-192, et une autre, plus confuse, par le général des caimes, p. 221-223.

Ncus laissons de côté à dessein d’autres formules proposées par certains évêques ou par Seripando, et dont il faut ne tenir qu’un compte très médiocre puisqu’elles n’eurent aucune influence sur le texte final.

Les discussions sur les canons disciplinaires conduisirent le concile jusqu’au début de juillet 1563. Le 9 juillet le texte définitif fut enfin approuvé, même par les Espagnols. Ceux-ci, grâce à l’initiative de l’archevêque d’Otrante, euientune sorte Je satisfaction dans la modification du canon 6, tout d’abord rédigé en ces tenues : Si quis dixerit in Ecclesia catholica non esse hi(rarchiam, quw constat., etc., et ensuite ainsi modifié : Si quis dixerit in Ecclesia catholica non esse hierarehiam divina ORDtNATioNE institutam. quæ constat, etc. Même avec cette addition, l’accord ne se fit pas sans peine de la part des archevêque et évêque de Grenade et Ségovie. Lorsque, le 15 juillet, dans la session officielle, l'évêque de Paris, Eustache du Bellay, après avoir lu le texte définitif de la doctrine et des canons, interrogea les Pèies, leur demandant leur placct, l'évêque de Ségovie, répondit : placet. sub spe melioris dcclaralionis. Cf. Conc. Trid., p. 622.

Les chapitres doctrinaux.

La doctrine, vraie et

catholique, du sacrement de l’ordre, publiée par le concile de Trente, pour condamner les erreurs de l'époque, est renfeimée en quatre chapitres. Ccnc. Trid., p. 620-621 ; Denz.-Bannw., n. 957-960 ; Cavallera, Thésaurus, n. 1304-1308. On sait que les titres des chapitres ne sont pas du concile, mais ont été ajoutés après coup.

Chapitre i. — De l’institution du sacerdoce de ta Loi nouvelle.

Sacrificium et sacerdotium ita Dei ordinatione conjuncta sunt ut utrumque in omni lege exstiterit. Cum igitur in Novo Testaniento sanctum eucharistie sacrificium visibile ex Domini institutione catholica Ecclesia acceperit, fateri etiam oportet, in ea novum esse visibile et externum sacerdotium, in quod vêtus translatum est (Heb., vu, 12 sq.). Hoc autem ab eodem Domino Salvatore nostro institutum esse, atque Apostolis eorumque successoribus in sacerdotio potestatem traditam ci nse Le sacrifice et le sacerdoce sont, par la disposition de Dieu, en un rapport si étroit, que l’un et l’autre ont existé sous toute loi. Puisque, dans le Nouveau Testaient, l'Église catholique a reçu, de l’institution même de Notre-Seigneur, le saint sacrifice visible de l’eucharistie, il faut aussi confesser qu’en elle existe un nouveau sacerdoce, visible et extérieur. Que ce sacerdoce ait été institué par JésusChrist, Notre Seigneur et Sauveur, qu’aux apôfres et a leurs successeurs ait élé

crandi, offercndi et ministrandi corpus et sanguinem ejus, nec non et peccata dimittendi et retinendi, sacra ? Litteræ ostendunt, et catholicæ Ecclesiæ traditio semper docuit.

conféré dans le sacerdoce le pouvoir de consacrer, d’offrir, de dispenser le corps et le sang du Christ, et aussi celui de remettre et de retenir les péchés, les Saintes Écritures le montrent et la tradition de l'Église catholique l’a toujours enseigné.

Cette déclaration du concile suppose connue la doctrine déjà promulguée dans la xxiie session sur le sacrifice eucharistique. Voir t. x, col. 1130. Dans cette précédente session, c. i, et can. 1 et 2, le concile avait professé l’institution du sacrifice eucharistique par le Christ à la dernière cène, et le caractère sacrificiel de l’oblation faite à la messe. De plus, il avait rappelé que par ces paroles : Faites ceci en mémoire de moi, le Christ avait constitué prêtres ses apôtres et avait donné l’ordre, à eux et aux autres prêtres, d’offrir son corps et son sang. Can. 2. On sait d’ailleurs que ce canon 2 n’est pas exclusif des actes par lesquels Jésus-Christ put communiquer à ses apôtres d’autres pouvoirs du sacerdoce, par exemple, le pouvoir de remettre ou de retenir les péchés, conféré aux apôtres par les paroles : Recevez le Saint-Esprit, etc., Joa., xx, 22 ; cf. session xiv, can. 3, Denz.-Bannw., n. 913. Dans notre xxme session, le concile suppose tout cela déjà acquis. Il ne définit rien touchant le moment ou le mode de l’institution du sacerdoce : il se contente de rappeler que le sacerdoce est avant tout ordonné au sacrifice, vérité fondamentale que manifestent les trois lois, loi patriarcale, loi mosaïque, loi chrétienne, et que les novateurs niaient avec acharnement. Et, par conséquent, il s’ensuit que ce sacerdoce, dans la Loi nouvelle, comporte, pour les apôtres et leurs successeurs, le pouvoir de consacrer, d’offrir, de dispenser le corps et le sang du Sauveur, ainsi que celui de remettre, et de retenir les péchés. Voilà les vérités contenues dans l'Écriture et enseignées par toute la tradition qui serviront de point de départ pour l’anathème fulminé dans le canon 1.

Ch. ii. — Des sept ordres.

Cum autem divina res sit tam sancti sacerdotii ministerium, consentaneum fuit, quo dignius et majore cum veneratione exerceri posset, ut in Ecclesiæ ordinatissima dispositione plures et diversi essent ministrorum ordines, qui sacerdotio ex ofïïcio deservireht, ita distributi, ut, qui jam clericali tonsura insigniti essent, per minores ad majores ascenderent. Nam non solum de sacerdotibus, sed et de diaconis sacras Litteræ apertam mentionem faciunt (Act., vi, 5 ; xxi, 8 ; I Tira, , iii, 8 sq.) et quæ maxime in illorum ordinatione attendenda sunt gravissimis verbis docent, et ab ipso Ecclesiæ initio sequentium ordinum nomina, atque uniuscujusque eorum propria ministeria, subdiaconi scilicet acolythi, exorcistæ lectoris et ostiarii in usu fuisse cognoscuntur, quamvis non pari gradu ; nam subdiaconatus ad majores ordines a Patribus et sacris conciliis refertur, in quibus et de aliis

Le ministère attaché à ce sacerdoce est chose divine : aussi fut-il convenable, afin d’en assurer l’exercice avec plus de dignité et de respect, que dans une disposition parfaitement ordonnée de l'Église, plusieurs ordres différents de ministres existassent, attachés officiellement au service du sacerdoce et répartis de telle sorte que ceux qui seraient déjà marqués de la tonsure cléricale, s'élevassent par les ordres mineurs aux ordres majeurs. Les saintes Écritures, en effet, font ouvertement mention non seulement des prêtres, mais aussi des diacres, et nous enseignent en termes très graves ce qu’il faut surtout considérer dans leur ordination. Dès le commencement de l'Église les noms des ordres suivants : sous-diacre, acolyte, exorciste, lecteur, portier, et les fonctions propres à chacun d’eux ont été en usage ; mais la diversité de ces degrés était déjà reconnue. Le sous-diaconat, en effet, est

infcrioribus frcquentissime rattaché aux ordres majeurs legimus. par les Pères et les con ciles, où l’on trouve mentionnés souvent aussi les autres ordres inférieurs.

Rien de spécial en ce chapitre, sinon la prudence avec laquelle le concile s’exprime sur la diversité des ordres, le motif et l’origine de cette diversité. Un motif de très haute convenance est indiqué : rehausser la dignité déjà si éminente en elle-même du sacerdoce, par une série d’ordres qui lui soient subordonnés et destinés à son service. De plus, cette voie montante vers le sacerdoce est imposée aux clercs qui doivent passer par les ordres mineurs pour atteindre aux majeurs et au sacerdoce lui-même. Le concile justifie cette mutiplicité d’ordres par l’enseignement de l'Écriture, en ce qui concerne le diaconat et le sacerdoce, et par l’attestation de l’existence des ordres inférieurs « dès le commencement de l'Église ». Vague à dessein, cette formule n’indique pas une origine apostolique des ordres inférieurs au diaconat ; mais elle ne condamne pas l’opinion théologique qui assimile les ordres inférieurs au sacerdoce et au diaconat pour le caractère sacramentel. Le concile ne parle pas ici de l’unité du sacrement d’ordre : c’est une question plus théologique que dogmatique. Il dira seulement d’un mot, dans le chapitre suivant, que « personne ne peut douter que l’ordre est vraiment et proprement un des sept sacrements de l'Église ». Ces indications sont suffisantes pour jeter le blâme sur les ironies de Calvin. Enfin, le concile rappelle que le sous-diaconat a été rattaché aux ordres majeurs ; il ne dit ni quand ni pourquoi ; c’est affaire aux théologiens et aux historiens d’en préciser l'époque et les raisons.

Ch. m.

L’ordre est vraiment un sacrement.

Cum Scriptural testimonio, apostolica traditione et Patrum unanimi consensu perspicuum sit, por sacram ordinationem, quae verbis et signis exterioribus perficitur, gratiam conferri, dubitare nemo débet, ordinem esse vere et proprie iinum ex septem sanctae Ecclesiæ sacramentis. Inquit enim apostolus : Admotieo te, ut resuscites gratiam Dei, quæ est in te, per impositionem manuum mearum. Non enim dédit nobis Deus spiritum timoris, sed virtutis, et dileclionis et sobrielatis (II Tim., i 6, 7 ; cf I Tim., iv, 16).

Le témoignage de l'Écriture, la tradition apostolique et le consentement unanime des Pères font connaître que l’ordination sacrée, qui s’accomplit au moyen de paroles et de signes extérieurs confère la grâce. Personne ne peut donc douter que l’ordre est un des sept sacrements de l'Église. L’apôtre dit en effet : « Je l’avertis de ranimer la grâce de Dieu qui est en toi par l’imposition de mes mains… Car Dieu ne nous a pas donné un esprit de crainte, mais de force, d’amour et de modération. »

Dans ce chapitre, pour prouver que l’ordre est un sacrement, le concile ne fait appel qu'à l’argument théologique, basé sur la nature des sacrements de la nouvelle Loi. Les sacrements, en effet, sont des signes sensibles, institués par Jésus-Christ, pour conférer la grâce. Les protestants, on l’a vii, admettaient bien dans l’ordination le signe extérieur sensible ; mais ils avaient répété à satiété que le rite de l’ordination était purement consécratoire et ne faisait que désigner l'élu au ministère de la parole et de l’administration des sacrements. Contre cette assertion, le concile précise donc que l’ordination, composée, comme tout sacrement de la Loi nouvelle, de paroles et de signes extérieurs, confère vraiment à qui la reçoit la grâce intérieure. Elle est donc un sacrement : l’ordre est un des sept sacrements de la Loi nouvelle.

Dans leur première rédaction de ce chapitre, les théologiens avaient cru bien faire d’apporter quelques

exemples, pour montrer que Jésus-Christ et les apôtres, en conférant l’ordre, avaient usé de signes extérieurs et sensibles : Jésus-Christ en présentant le calice à ses apôtres (Matth., xxvi, 28 ; Marc, xiv, 23 ; Luc, xxii. 29), ou encore en souillant sur eux pour leur communiquer, avec le Saint-Esprit, le pouvoir de remettre les péchés (Joa., xx, 22) ; les apôtres, lorsqu’ils ordonnèrent Paul et Barnabe, Act., xiii, 3. Certains évêques ayant fait remarquer que ces exemples pouvaient donner lieu à des critiques, on se contenta dans la formule définitive de l’indication générale que l’on a lue. Quant à la collation de la grâce, elle est affirmée par saint Paul à son disciple Timothée. Sur la signification de II Tim., i, 6, voir col. 1214.

La formule, ordinatin qux verbis et signis exterioribus perficitur, tout en rappelant l’enseignement traditionnel de l’hylémorphisme sacramentel, laisse la liberté à toutes les opinions probables.

Ch. iv. — De la hiérarchie et de V ordination ecclésiastiques.

Quoniam vero in sacramento ordinis sicut et in baptismo et confirmatione, character imprimitur, qui nec deleri nec auferri potest, merito sancta synodus damnât eorum sententiam, qui asserunt Xovi Testamenti sacerdotes temporariam tantummodo potestatem habere, et semel rite ordinatos iterum laicos effici posse, si verbi Dei ministerium non exerceant. Quod si quis omnes christianos promiscue Novi Testamenti sacerdotes esse, aut omnes pari inter se potestate spirituali prsditos affirmât, nihil aliud facere videtur, quam ecelesiasticam hierarchiani, quæ est ut castrorum actes ordinata (Cant., vi, 3) confundere ; perinde ac si contra beati Pauli doctrinam, omnes apostoli, omnes prophetæ omnes evangelistæ omnes pastores, omnes sint doctores (cf. I Cor., xii, 29). Proinde sacrosancta Synodus déclarât, præter ceteros ecclesiasticos gradus, episcopos, qui in Apostolorum locum successerunt, ad hune hierarchicum ordinem præcipue pertinere, et posilos, sicut idem Apostolus ait, a Spiritu sonc/o regere Ecclesiam Dei (Act., xx, 28) ; eosque presbyteris superiores esse, ac sacramentum confirmationis conferre, ministros Ecclesise ordinare, atque alia pleraque peragere ipsos posse, quarum functionum potestatem reliqui inferioris ordinis nullam habent. Docet insuper sacrosancta Synodus, in ordinatione episcoporum, sacerdotum et ceterorum ordinum nec populi, nec cujusvis sæcularis potestatis et magistratus consensum sive vocationem sive auctoritatem ita requiri, ut sine ea irrita sit ordinatio ; quin potius decernit,

Mais, parce que dans le sacrement de l’ordre, comme dans le baptême et la confirmation, est imprimé un caractère qui ne peut ni être effacé, ni être enlevé, le saint concile condamne la doctrine de ceux qui affirment que les prêtres du Nouveau Testament n’ont qu’un pouvoir temporaire, et qu’une fois dûment ordonnés, ils peuvent redevenir laïques, s’ils n’exercent pas le ministère de la parole de Dieu. Si quelqu’un affirme que tous les chrétiens sans distinction sont prêtres du Nouveau Testament, ou que tous possèdent entre eux un égal pouvoir spirituel, celui-là paraît bien ruiner la hiérarchie ecclésiastique qui est « une armée rangée en bataille » ; tout comme si, contrairement à la doctrine de saint Paul, tous étaient apôtres, tous prophètes, tous évangélistes, tous pasteurs, tous docteurs. Aussi le très saint concile déclare-t-il qu’outre les autres ordres ecclésiastiques, les évêques, successeurs des apôtres, appartiennent principalement à l’ordre hiérarchique, et qu’ils sont « placés, comme le dit le même apôtre, par l’Esprit-Saint pour gouverner l'Église de Dieu » ; qu’ils sont supérieurs aux prêtres, et qu’ils peuvent eux-mêmes administrer le sacrement de confirmation, ordonner les ministres de l'Église et faire plusieurs autres cérémonies, fonctions qui échappent au pouvoir des autres prêtres de l’ordre inférieur. En outre, le sacro-saint concile enseigne que, pour l’ordination des évêques, des prêtres et des autres ministres, n’est requis le consentement ou l’appel ou l’autorité, ni du peuple, ni d’une puissance

eos, qui tantummodo a populo aut sæeulari potestate ac magistratu vocati et instituti, ad hæc ministeria exercenda ascendùnt, et qui ea propria temeritate sibi sumunt, omnes non Ecclesiæ ministros, sed /ores et latrones per ostium non ingressos (Joa., x, 1) habendos esse. Hæc sunt, quae generatim sacroe Synodo visum est Christi fidèles de sacramento ordinis docere. His autem contraria certis et propriis canonibus in hune, qui sequitur, modum damnare constituit, ut omnes, adjuvante Christo, fidei régula utentes in tôt errorum tenebris catholicam veritatem facilius agnoscere et tenere possint.

ou d’une magistrature séculière, comme si, sans ce consentement ou appel, l’ordination devait être sans valeur. Bien au contraire, ceux qui, appelés et institués seulement par le peuple ou par quelque puissance ou magistrature séculière, se haussent jusqu'à l’exercice du saint ministère et qui, mus par leur propre témérité, osent s’en emparer, tous ceux-là, décrète le saint concile, doivent être tenus, non pour des ministres de l'Église, mais pour des voleurs et des larrons, qui ne sont pas entrés par la porte. — Telles sont les vérités qu’en général il a paru nécessaire au saint concile d’enseigner aux chrétiens relativement au sacrement de l’ordre. Quant aux erreurs contraires, le concile a établi leur condamnation de la manière qui suit, en des canons déterminés et appropriés, afin que tous, le Christ aidant, puissent plus facilement reconnaître et retenir la vérité catholique, au milieu des ténèbres de tant d’erreurs.

Ce dernier article est complexe et embrasse un certain nombre de points doctrinaux.

Bien que le concile, à propos des sacrements en général, sess. vii, can. de sacramentis in génère, can. 9, Denz.-Bannw., n. 852, ait déjà promulgué la doctrine catholique du caractère sacerdotal, il y revient ici, d’un trait, pour rappeler, à rencontre des erreurs protestantes, que le sacerdoce une fois reçu est indélébile, et qu’un prêtre dûment ordonné ne peut redevenir simple laïque même s’il n’exerce pas le ministère de la parole. Et ici, s’attaquant à la thèse fondamentale du protestantisme luthérien et calviniste, laquelle s’autorisant de I Pet., ii, 9, proclame le sacerdoce universel des chrétiens et l'égalité des pouvoirs spirituels chez tous les baptisés, le concile en appelle à la doctrine de saint Paul dans la première lettre aux Corinthiens, pour distinguer différents degrés dans la hiérarchie ecclésiastique.

Puis, il passe à une question qui avait soulevé tant de débats passionnés, celle de l'épiscopat. Évitant de se prononcer sur les opinions qu’il entend laisser en suspens, le concile déclare simplement que les évêques, successeurs des apôtres, sont les principaux membres de la hiérarchie sacrée ; qu’ils sont supérieurs aux prêtres et qu’eux seuls peuvent remplir certaines fonctions et administrer certains sacrements. Le concile reste sans se prononcer directement sur le droit divin dans la supériorité de l'épiscopat sur le simple sacerdoce ; il lui suffira dans le canon 6, de définir que la hiérarchie sacrée, instituée par une disposition divine, se compose des évêques, des prêtres et des ministres ; il affirme enfin, en leur appliquant un texte des Actes des Apôtres, que les évêques sont placés par l’Esprit Saint pour régir l'Église de Dieu. De l’origine immédiate ou médiate de leur juridiction, pas un mot.

A propos de l’application aux évêques de Act., xx, 28, il sera bon de noter la suggestion envoyée de Rome aux Pères du concile. La censure romaine du 9-10 janvier 1563, s’exerçait au sujet d’un canon proposé sous cette forme : Si quis dixerit, episcopos

non esse positos a Spiritu Sancto ad regendam Dei Ecclesiam, etc. La censure s’exprimait en ces termes : « Bien que ces paroles soient empruntées aux Actes, xx, 28, et soient des paroles de saint Paul, lesquelles, pieusement comprises, ne peuvent engendrer aucune erreur, cependant elles ne sont pas à propos pour appuyer le sens de ce canon dans l'Église catholique : elles ne furent pas adressées à l'Église universelle, mais à l'Église d'Éphèse ; et de plus, dans le texte in quo posuit vos episcopos, le terme episcopus n’est pas appliqué seulement à ceux qui étaient revêtus de l’ordre et des prérogatives de l'évêque, mais encore aux anciens de l'Église d'Éphèse… » N’est-il pas important de noter que les Pères du concile avaient leur attention attirée sur le sens littéral de Act., xx, 28, et que, par conséquent, intercalée dans le c. iv, la phrase : positos a Spiritu Sancto regere Ecclesiam Dei, n’entend pas dirimer une controverse exégétique, mais simplement énoncer une vérité dogmatique touchant les évêques dont il était question à Trente, c’est-à-dire les véritables évêques, possédant la plénitude du sacerdoce ?

Enfin, la dernière partie du chapitre mentionne, pour la réprouver, la singulière doctrine des protestants touchant la vocation des ministres par le peuple ou par l’autorité civile, et la validité d’une consécration reçue en dehors des voies régulières. Ici, le concile ne se contente pas de réprouver ; il attaque, et déclare d’une témérité singulière ces prétentions, qui ne sauraient faire de voleurs et de larrons des ministres véritables de l'Église de Dieu.

Les canons.

Les canons sont au nombre de

huit. Conc. Trid., p. 621 ; Denz.-Bannw., n. 961 sq. ; Cavallera, Thésaurus, n. 1308. On a vu plus haut comment le concile les relie aux chapitres doctrinaux.

Can. 1. — Si quis dixeSi quelqu’un dit qu’il

rit, non esse in Novo Tesn’y a point dans le Nouveau

tamento sacerdotium visiTestament de sacerdoce vi bile et externum, vel non sible et extérieur ou qu’il

esse potestatem aliquam n’existe pas un pouvoir de

consecrandi et olïerendi veconsacrer et d’offrir le vrai

rum corpus et sanguinem corps et le sang du Seigneur,

Domini, et peccata remitet de remettre et de retenir

tendi et retinendi, sed ouiles péchés, mais qu’il n’existe

cium tantum et nudum miqu’un olïïce et un simple

nisterium prsedicandi Evanministère de la prédication

gelium ; vel eos, qui non prrede l'Évangile ; ou que ceux

dicant, prorsus non esse saqui ne prêchent pas ne

cerdotes, anathema sit. peuvent absolument pas èlre prêtres, qu’il soit anathème.

Sans identifier adéquatement le sacerdoce avec le pouvoir d’offrir le sacrifice eucharistique et de remettre les péchés, ce premier canon proclame d’une part que ce double pouvoir est inclus dans le sacerdoce chrétien et, d’autre part, qu’on ne saurait, à la manière protestante, considérer l’office, le simple ministère de la parole, comme constituant le sacerdoce, au point que le prêtre qui n’exercerait plus ce ministère perdrait son sacerdoce. Ainsi donc, les quatre points suivants sont ici articles de foi : existence d’un véritable sacerdoce visible et extérieur dans la Nouvelle Loi ; existence dans ce sacerdoce du pouvoir d’olTrir le sacrifice eucharistique et de remettre et de retenir les péchés ; impossibilité de réduire ce sacerdoce à un simple ministère de la parole ; permanence du sacerdoce, même en l’absence de tout ministère de la parole. On n’exclut pas, pour autant, du sacerdoce chrétien le ministère de la parole ; on affirme simplement que ce ministère n’est pas le seul. élément et surtout l'élément essentiel du sacerdoce.

Can. 2. — Si quis dixerit Si quelqu’un dit qu’en prseter sacerdotium non esse plus du sacerdoce il n’y a in Ecclesia citholica alios pas dans l'Église catholique

ordines, et majores et minod’autres ordres, et majeurs rcs, per quos velut per græt mineurs, par lesquels, dus quosdam in sacerdocomme par des degrés, on tium tendatur, a. s. s’achemine au sacerdoce,

qu’il soit anathème.

Ici, les ordres ne sont pas désignés par leur nom. C’est qu’avant tout le concile tient à respecter les divergences des Églises orientales, lesquelles, on le sait, ne possèdent que deux ordres inférieurs au diaconat. On affirme également la gradation des ordres qui conduisent au sacerdoce, fondement doctrinal de la discipline interdisant l’ordination per saltum. En ce qui concerne la distinction même des ordres, leur nombre et leurs noms, on s’en tient à la doctrine catholique exposée dans le c. il.

Can. 3. — Si quis dixeSi quelqu’un dit que

rit, ordinem sive sacram l’ordre ou l’ordination sa ordinationem non esse vere crée ; n’est pas vraiment et

et proprie sacramentum a proprement un sacrement

Christo Domino institutum, institué par Notre-Seigneur

vel esse flgmentum quodJésus-Christ, ou qu’il n’est

dam humanum, excogitaqu’une invention humaine,

tum a viris rerum ecclesiasimaginée par des hommes

ticarum imperitis, aut esse peu au fait des choses ecclé tantum ritum quemdam elisiastiques, ou seulement un

gendi ministros verbi, a. s. rite pour choisir les ministres de la parole et, des sacrements, qu’il soit anathème.

Le canon 1 avait défini l’existence de l’ordre et sa nature ; ici, le concile définit expressément contre les protestants que l’ordre, avec le pouvoir de consacrer et de remettre les péchés, ou plus spécialement l’ordination sacrée par laquelle ce pouvoir est conféré est vraiment et proprement un sacrement institué par Jésus-Christ. Les mots vraiment et proprement excluent l’idée d’un sacrement au sens large et vague, tel que l’avait admis Mélanchthon, voir col. 1339. Le reste du canon exclut la doctrine de Luther, telle que nous l’avons lue dans la Captivité de Babulone, voir col. 1337. Institué par Jésus-Christ, le sacrement de l’ordre est tout autre chose qu’une invention humaine ou un rite employé pour désigner les ministres de la parole. Conférée avec cette seule intention, la « consécration » des ministres protestants, encore que par impossible elle serait faite par des personnages revêtus du caractère épiscopal et dans les formes voulues, n’aurait aucune elficacité sacramentelle. Le canon suivant va préciser la doctrine sacramentelle de l’ordre.

Can. 4. — Si quis dixeSi quelqu’un dit que par

rit, per sacram ordinaliol’ordination sacrée le Saint ncm non dari Spiritum Esprit n’est pas donné, et

sanctum, ac proinde frustra qu’en conséquence les évè episcopos dicere : Accipe Spiques disent en vain : Recc rilum Sanctum ; aut per eam vez le Saint Esprit ; ou que

non imprimi characterem ; par elle n’est pas imprimé

vel eum, qui sacerdos semel un caractère ; ou que celui

f uit, laicum rursus fieri pôsse, qui est prêtre peut rede a. s. venir laïque qu’il soit anathème.

Le sacrement de l’ordre a cette particularité qu’avec la grâce, il confère un pouvoir fixe et durable, pouvoir marqué dans le caractère indélébile qui accompagne toujours la réception valide du sacrement. Cette doctrine catholique est ici consacrée comme vérité de foi. L’Esprit-Saint est pris ici pour l’effet sanctifiant qu’il produit dans l'âme. Le concile reprend d’ailleurs, pour la condamner, une des formules chères à Calvin, d’après lequel les mots : Accipe Spiritum Sanctum n’auraient de valeur que dans la bouche du Christ (voir col. 1344). La doctrine du caractère indélébile, déjà formulée à propos des sacrements en général, reçoit une nouvelle confirmation, ce qui permet au concile, sans transition, de condamner

comme hérétique la doctrine protestante qui tient qu’un prêtre dûment ordonné peut redevenir simple laïque. Le concile ne parle pas ici de la réitération du sacerdoce. Mais l’impossibilité de cette réitération est impliquée dans la doctrine catholique du caractère, c’est-à-dire du pouvoir attaché à l'àme d’une manière indélébile. Voir sess. vii, can. 9.

Can. 5. — Si quis dixeSi quelqu’un dit quel’onc rit, sacram unctionem, qua tion sacrée dont se sert

Ecclesia in sancta ordinal’iïglise dans l’ordination

tione utitur, non tantuin sainte non seulement n’est

non rcquiri, sed contemnenpas requise, mais est mé dam et perniciosam esse, prisable et nuisible, ainsi que

similiter et alias ordinis coeles autres cérémonies de l’or remonias, a. s. dre, qu’il soit anathème.

La cérémonie de l’onction, soit dans l’ordination sacerdotale, soit dans la consécration épiscopale, avait été tournée en ridicule par Luther, voir col. 1339. Les théologiens du concile de Trente estimèrent nécessaire de justifier cette cérémonie et d’en proclamer la nécessité. Toutefois, à part de très rares exceptions, les théologiens catholiques ont toujours considéré, même pour l'épiscopat, la cérémonie de l’onction comme accidentelle. Déjà, avant le concile de Trente, saint Antonin de Florence déclarait : Est expressum in jure, quwdam non esse de substantia…, ut tempus, item œtatem, item unctionem, etc. Summa, til. xiv, c. xvi. Il convenait donc, tout en rappelant la nécessité de se conformer aux prescriptions du rituel soit pour l’onction, soit pour les autres cérémonies, de ne pas rédiger le canon de manière à laisser supposer que l’onction appartînt à la substance du rite de l’ordination. De là, cette rédaction, proposée primitivement par les théologiens et maintenue presque intégralement : on se contente d’affirmer que l’onction, tout comme les autres cérémonies, est requise, sans préciser à quel titre, et que, par conséquent, elle n’est point méprisable et même nuisible, comme le prétendait Luther.

D’ailleurs, le concile de Trente s’est abstenu de formuler aucune précision qui puisse favoriser un système particulier sur l’essence du sacrement de l’ordre. Tous les arguments qu’on en prétend tirer sont des arguments d'école et rien de plus. La composition du rite sacramentel avait été suffisamment indiquée au c. iii, déclarant que l’ordination sacrée uerbis et signis exterioribus pcrficitur.

Can. 6. — Si quis dixerit, Si quelqu’un dit que in F.cclesiacatliolica non esse dans l'Église catholique il hicrarehiam divina ordinan’y a pas de hiérarchie instione institutam, quæ contituée par une disposition stat ex episcopis, presbytedivine et qui se compose ris et ministris, a. s. des évoques des prêtres et

d’autres ministres, qu’il soit

anathème.

Ce canon, dans sa brièveté, est d’une importance capitale. Il est dirigé directement contre les protestants en général, et tout particulièrement contre les calvinistes qui, nous l’avons vii, prétendaient que tous les fidèles sont également prêtres et reçoivent de Dieu directement la grâce sans l’intermédiaire d’un sacerdoce spécial. Déjà, dans le chapitre iv, le concile avait déclaré qu’une telle doctrine ruinait par sa base la hiérarchie catholique. Dans ce can. 6, il proclame l’existence de cette hiérarchie comme un dogme de foi, et par là, définit, comme article de foi, la distinction entre clercs et laïques. Cette distinction est de droit divin : c’est ce qu’exprime explicitement l’incise, dispositione divina, qui, tout en donnant satisfaction dans une certaine mesure à l’une des revendications des évêques espagnols, étend ce droit divin à un objet autrement compréhensif, la hiérarchie. Bien plus, le concile entend jusqu'à un certain point

définir qui, parmi les clercs, appartient de droit divin à la hiérarchie. A coup sûr, et sans aucune contestation possible, en font partie l'épiscopat et le sacerdoce : et cette affirmation, explicitement formulée dans le canon, est un article de foi. Mais, afin de ne pas trancher les questions controversées, le concile, en ce qui concerne les autres ordres, se sert à dessein d’un terme générique : et d’autres ministres. Il va sans dire que ce terme désigne au moins les plus élevés des ministres inférieurs aux prêtres, c’est-à-dire les diacres. Ainsi déduit de l’affirmation conciliaire, ce point est au moins théologiquement certain. Et d’ailleurs, la même conclusion ressort de ce fait que, dans l’ordination des diacres, l'évêque leur dit : Recevez le Saint-Esprit, et que, d’autre part, le concile affirme que cette parole ne peut être vaine. On doit en conclure que l’ordination du diaconat est bien une participation au sacrement de l’ordre : pouvoir et caractère. Quant au sous-diaconat et aux ordres mineurs, le concile, par sa réserve même, entend ne pas trancher le débat entre théologiens. Chaque opinion garde sa valeur de simple probabilité. Mais une chose reste certaine, c’est que ces ordres inférieurs appartiennent à la hiérarchie, au moins de droit ecclésiastique.

Can. 7. — Si quis dixeSi quelqu’un dit que les

rit, episcopos non esse près- évêques ne sont pas supé byteris superiores, vel non rieurs aux prêtres, ou n’ont

habere potestatem confirpas le pouvoir de confir mandi et ordinapdi ; vel mer et d’ordonner ; ou que

eam, quam habent illis esse leur pouvoir leur est com cum presbyleris communem ; mun avec les prêtres ; ou

vel ordines ab ipsis collatos que les ordres par eux con sine popali vel potestatis férés sans le consentement

sa : cularis consensu aut voet l’appel du peuple ou de

eatione irritos esse ; aut la puissance séculière sont

eos, qui nec ab ecclesiàstica sans effets ; ou que ceux

et canonica potestate rite qui, sans être dûment or ordinati, nec missi sunt, sed donnés et envoyés par l’au aliunde veniunt, legitimos torité ecclésiastique et ca esse verbi et sacramentorum nonique, viennent d’ail ministros, a. s. leurs, sont néanmoins ministres légitimes de la parole et des sacrements, qu’il soit anathème.

Rien de particulier dans ce canon dont les différentes affirmations répondent aux erreurs diverses émises par les protestants sur le pouvoir des évêques, l'égalité de tous les ministres, (voir col. 1342-1343), la validité de l’ordination des ministres consacrés sans le concours des évêques (voir col. 1338, 1340), l’invalidité des ordinations conférées par les évêques sans le concours du peuple ou de la puissance séculière (voir col. 1339, 1344). Au point de vue de la doctrine catholique prise en elle-même il eût été intéressant de préciser si la supériorité de l'épiscopat sur le simple sacerdoce est de droit divin, et sous quel rapport ; mais le concile entend sur ce sujet observer une prudente réserve. La définition de ce point importait d’ailleurs fort peu, puisqu’il s'âgissai # t avant tout de combattre les erreurs protestantes. C’est la remarque qu’avait faite, en réponse aux insistances de l’archevêque de Grenade, l’archevêque de Rossano.

Can. 8. — Si quis dixerit, Si quelqu’un dit que les episcopos, qui auctoritate évêques qui sont choisis romani pontificis assumunpar l’autorité du pontife tur, non esse legitimos et romain, ne sont pas des veros episcopos, sed fig- évêques légitimes et vérimentum humanum, a. s. tables, mais une invention humaine, qu’il soit anathème.

Ici encore, le concile s’abstient de trancher le débat soulevé par l’archevêque de Grenade. Les évêques sont choisis par l’autorité du pape ; on ne dit pas s’ils

tiennent immédiatement de lui leur juridiction. Mais, contre les protestants, on affirme, comme article de foi, que ces évêques sont vraiment et légitimement évêques, et nullement une invention humaine, comme j le proclamaient en chœur les protestants de toutes I confessions (voir, col. 1338).

4 U Les décisions disciplinaires relatives au sacrement de l’ordre. — Il n’entre pas dans le plan de cette étude d’exposer dans le détail les décrets disciplinaires portés dans la même session relativement au sacrement de l’ordre. Il est nécessaire cependant d’en fournir un résumé succinct.

Les canons De re/ormalione sont au nombre de dix-huit. Conc. Trid., p. 623 sq.

Le premier, assez long, concerne la résidence. Il en fixe l’obligation pour tous les évêques ayant charge d'âmes, limite la durée de leurs absences légitimes, les exhorte à la présence en leur église cathédrale au moins en certains jours, et enfin porte des sanctions contre les délinquants. Des prescriptions et des sanctions analogues sont formulées à l'égard des simples curés et, en général, de tous ceux qui, en raison d’un bénéfice, ont charge d'âmes.

Le canon 2 fixe le délai imparti aux évêques nommés, fussent-ils cardinaux, pour recevoir la consécration épiscopale ; ainsi que le lieu de cette consécration. Le canon 3 oblige les évêques à conférer euxmêmes les saints ordres à leurs sujets.

Le canon 4 établit les conditions auxquelles la première tonsure peut être conférée.

Le canon 5 établit les mêmes règles en ce qui concerne les ordres mineurs.

Le canon 6 fixe l'âge auquel peut être conféré un bénéfice, et les conditions auxquelles est attaché pour le clerc le privilège du for. Il règle également la condition des clercs inférieurs mariés.

Le canon 7 prescrit, avant chaque ordination, un examen sur la science, et une enquête sur la valeur morale des candidats aux ordres.

Le canon 8 fixe le lieu des ordinations et prescrit l’ordination par le propre évêque.

Le canon 9 prévoit qu’un évêque peut ordonner un clerc étranger à son service, mais seulement au bout de trois ans.

Le canon 10 réserve désormais à l'évêque diocésain la collation de la tonsure et des ordres mineurs, tout privilège accordé en ce sens aux abbés et prélats inférieurs étant retiré.

Le canon Il formule certaines recommandations relatives à l’avancement des jeunes clercs dans les ordres mineurs. [1 faut un an d’intervalle (à moins que, pour de bonnes raisons, l'évêque n’en décide autrement) entre le dernier ordre mineur reçu et le sous-diaconat.

Le canon 12 fixe l'âge du sous-diaconat à 22 ans, celui du diaconat à 23, celui du sacerdoce à 25. Et encore faut-il que le candidat présente toutes les conditions morales exigées. Il en est de même pour les réguliers.

Le canon 13 recommande d’ordonner sous-diacres et diacres des clercs instruits et chastes : ils devront servir dans les églises auxquelles ils sont attachés, communier au moins le dimanche et les jours de fête, tout en exerçant leur ministère à l’autel. Deux ordres majeurs ne peuvent être reçus le même jour et un an d’intervalle entre le sous-diaconat et le diaconat est souhaitable.

Le canon 14 détermine les conditions dans lesquelles le diacre peut être promu à la prêtrise, après, régulièrement, un intervalle d’au moins un an et l’exercice des fonctions de son ordre.

Le canon 15 décrète que le pouvoir d’absoudre des péchés ne pourra être exercé par les prêtres qu’après

constatation de leur idonéité et approbation de l'évêque.

Le canon 16 exige, pour qu’un clerc soit ordonné, que cette promotion soit justifiée par la nécessité ou l’utilité de l'Église ; il doit avoir un titre déterminé. Les clercs en voyage ne pourront être admis à la célébration de la messe ou à l’administration des sacrements que sur lettres de recommandation de leur ordinaire.

Le canon 17 exhorte les évêques à faire exercer aux clercs inférieurs, depuis les portiers jusqu’aux diacres, leurs offices dans les églises où la chose est possible, cathédrales, collégiales et même paroissiales. Les clercs inférieurs célibataires peuvent être remplacés pour les fonctions des ordres mineurs, par des clercs mariés qui devront porter dans l'église la tonsure et l’habit clérical.

Le canon 18, de beaucoup le plus long, règle la fondation des séminaires, leur fonctionnement, la discipline qui doit y régner, leur gouvernement et leurs moyens de subsistance. On retrouvera le développement de ces sages prescriptions dans différents articles de ce Dictionnaire et dans les articles correspondants du Dictionnaire de Droit canonique.

5° Un écho lointain des décisions du concile de Trente ; condamnation par Pie VI des fausses doctrines du synode janséniste de Pistoie sur le sacrement de l’ordre. Denz.-Eannw., n. 1551-1557 ; Cavallera, Thésaurus, 1332. — La doctrine ici n’est pas en cause, mais simplement la discipline.

1. Le faux synode de Pistoie avait demandé que les clercs se distinguant par la sainteté de leur vie, pussent être ordonnés immédiatement diacres ou prêtres sans passer par les ordres inférieurs ; - — qu’aucun titre d’ordination ne fût admis sinon la députation à un ministère spécial bien déterminé ; — qu’on revînt à l’ancienne discipline de n’admettre au sacerdoce que ceux qui auraient gardé l’innocence baptismale, discipline corrompue par l’interdiction des ordinations per saltam, par les ordinations faites sans titre de ministère spécial déterminé, par l’introduction dans le droit ecclésiastique des fautes entraînant simplement l’irrégularité. — Ces doctrines sont déclarées fausses, téméraires, destructives de la discipline introduite pour la nécessité ou l’utilité des Églises, injurieuses pour la discipline approuvée par les saints canons et spécialement par les décrets du concile de Trente.

2. Le même synode dénonçait comme un abus honteux de recevoir des honoraires de messes et de percevoir des droits d'étole ; il semblait déclarer que les clercs qui agissent ainsi sont coupables de crime, alors qu’en réalité ces pratiques se justifient par l’enseignement de saint Paul lui-même, prescrivant que le ministre des biens spirituels puisse recevoir des dons temporels. — L’assertion du synode est déclarée fausse, téméraire, injurieuse pour l'Église et pour ses ministres, dont elle viole les droits.

3. Le synode avait manifesté son vif désir de voir supprimer dans les cathédrales et les collégiales les clercs des ordres inférieurs, et de leur substituer des laïques probes, mais d'âge plus avancé, dans le service de la messe et des offices, ainsi que cela se pratiquait autrefois, alors que les ordres mineurs n'étaient pas réduits à une apparence d’ordre en vue des ordres majeurs à recevoir. — Suggestion téméraire, offensive des oreilles pies, apportant la perturbation dans le ministère ecclésiastique, diminuant la décence à apporter dans la célébration de la messe, injurieuse pour les fonctions des ordres mineurs et pour la discipline sanctionnée au concile de Trente.

4. Le synode avait réclamé qu’aucune dispense ne fût accordée sur un empêchement canonique

provenant d’un délit. — Réclamation contraire à l'équité et à la modération canonique affirmée par le concile de Trente, dérogeant à l’autorité et aux droits de l'Église.

5. Le synode prescrit de rejeter sans distinction et d’une manière générale toute dispense autorisant la collation au même sujet de plus d’un bénéfice résidentiel, affirmant que c’est certainement l’esprit de l'Église que personne ne puisse jouir de plus d’un bénéfice, si minime qu’il soit. - Dans sa généralité, cette proposition déroge à la modération du concile de Trente.

Sur l’histoire des doctrines au concile de Trente, toutes les sources antérieures, tous les travaux précédents doivent aujourd’hui céder le pas à la collection de la Gœrresgesellschaft, dirigée par Mgr Elises, et à laquelle on s’est constamment référé en ce paragraphe. Toutes les histoires modernes du dogme, celle notamment de Schwane, doivent être contrôlées à la lumière de cette documentation exhaustive.