Dictionnaire de théologie catholique/NEYMAYR François

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 11.1 : NAASSÉNIENS - ORDALIESp. 169-172).

NEUMAYR François, de la Compagnie de Jésus (1697-1765). — Né à Munich le 17 janvier 1697, il entra au noviciat en 1712, et professa pendant une dizaine d’années les humanités et la rhétorique. Après avoir été appliqué aux missions, il dirigea à partir de 1733 la Congregalio lalina major de Munich ; en 1752, il est nommé prédicateur ordinaire de la cathédrale d’Augsbourg ; il le demeura durant onze années, et jouit d’une grande réputation d’orateur controversiste. Il dut quitter ce ministère en 1763 et mourut à Augsbourg le 1 er mai 1765.

L’œuvre littéraire qu’il a laissée est assez considérable ; mais les 112 numéros que lui consacre le P. Sommervogel ne doivent pas faire illusion ; beaucoup des ouvrages en question sont de minces plaquettes de quelques pages. Pour mettre un peu d’ordre dans la longue énumération de Sommervogel, nous introduirons quelques divisions, qui correspondent assez bien d’ailleurs.à l’ordre chronologique.

Poésie et belles-lettres.

 Nous nous dispenserons

d’énumérer les tragédies et comédies latines, composées à l’époque où le P. Neumayr professait la rhétorique. Elles sont rassemblées dans son Theairum politicum sive tragœdite ad commendationem virtutis et vitiorum detestationem, in-4°, Augsbourg-Ingolstadt, 1760, qui a au moins un intérêt documentaire ; on en dira autant de son Idea poeseos sive melhodica inslilutio de pneceptis, praxi et usu artis, in-12, Ingolstadt, 1751, où l’auteur donne souvent en exemple ses propres poésies latines, qu’il tournait assez joliment ; autant de son Idea rhetorices, in-8°, Ingolstadt et Augsbourg.

Piété et ascétisme.

 Directeur de la grande congrégation

de Munich, le P. Neumayr a été souvent appelé à donner des méditations et des retraites, soit aux laïques, soit aux ecclésiastiques ; il en a publié un bon nombre soit en latin, soit en allemand, et a rassemblé ultérieurement ces opuscules en quelques recueils : Gralia vocationis sacerdotalis… resuscitata per sacras commentaliones vpnerabili clero accommoda tas, in-8°, Munich, 1745 ; nombreuses éditions latines ; éditions allemandes au xviiie et au xixe siècle. — Theatrum ascelicum sive meditation.es sacrée, recueil des méditations données pendant les carêmes de 1739 à 1747, in-4°, Ingolstadt-Augsbourg, 1747, nombreuses éditions latines au xviiie siècle. — Il faut signaler à part, comme caractéristique de la dévotion mariale de l’époque : Idea cultus mariani sodalilatibus Deiparse consecratis proprii, in-12, Munich, 1747, nombreuses éditions. — Via compendii ad perfeclionem statui religioso competentem octidiurno ilinere emetienda, en deux parties : 1. Meditationes, in-12, Augsbourg-Munich-Ingolstadt, 1757 ; 2. Examina, dissertaliones, considerationes et instructiones, in-8°, Augsbourg, 1759 ; la 2e édition en un seul volume in-8°, Augsbourg, 1759. — La Vita reflexa sive usus examinis quolidiani, in-8°, Augsbourg, 1761, se donne comme un extrait du livre précédent. — Le petit traité intitulé : Vir apostolicus sive doclrina melhodica de utili et facili praxi functionum sacerdotalium, in-12, Ingolstadt-Augsbourg, 1752, est présenté par l’auteur comme un appendice au livre De gratia vocationis.

Plusieurs ouvrages sont consacrés plus spécialement aux vertus chrétiennes ou à la lutte contre divers défauts : Wesenheit, Krafjt und Ucbung der

golllichen Tuyenden des Glaubens, der Hofjnung und der Liebe, in-8°, Ingolstadt-Augsbourg, 1749. — Exterminium acediæ, in-8°, Augsbourg-Munich-Ingolstadt, 1755 ; plusieurs éditions. — Curatio melancholiie oder Gedult in TrUbsalen, in-8°, Augsbourg-Ingolstadt, 1757.

Enfin la théorie générale de l’ascétisme a été faite assez sommairement, dans Idea theologiseascelicœscientiam sanctorum… exhibens, in-8°, œuvre posthume, publiée à Augsbourg en 1781, fréquemment rééditée et encore en 1853 à Paris, sans parler de diverses traductions en allemand, polonais, italien, français.

Théologie.

En dehors des écrits et des conférences

de controverse dont nous parlerons plus loin, le P. Neumayr n’a guère publié que des travaux catéchétiques : Kern des Christenthums, oder christ-kalholische Glaubens-und Sitlenlehre in immerwàhrende Uebung geselzl, in-8°, Augsbourg-Inspruck, 1762, très nombreuses éditions dont plusieurs au xixe siècle. — Religio prudentum sive sola fides catholica fuies prudens, in-8°, Augsbourg-Ingolstadt, 1764, à tendances apologétiques, souvent réédité ; il y a une édition allemande : Religion eines vernïmfligen Mannes, ibid., 1769.

Comme beaucoup de ses confrères, le P. Neumayr a été amené à prendre position dans la querelle du probabilisme. Dans une de ses conférences d’Augsbourg, il avait posé, à l’adresse, prétendait-il, des publicistes protestants, cette question : Ob der Probabilismus, oder die gelindere Sitlenlehre catholischer Schulen abscheulich und zu vermaledeyen seye ? 40 p. in-4°, mardi de Pâques, 1753 ; il publia la même apologie du probabilisme en latin l’année suivante : Quæstio an probabilismus sive doctrina moralis benignior… abominabilis et execratione sit digna ? Cet opuscule latin fut mis à l’Index le 29 mai 1760. La Congrégation estima sans doute que là chaire chrétienne n’était pas le lieu où traiter ces questions d’école. C’est, ce que dirent aussi à l’auteur un certain nombre d’adversaires catholiques du probabilisme. Voir Sommervogel, col. 1672-1673 ; et cf. Fleury, Histoire ecclésiastique, continuation, 1 246, § 52. Contre ces attaques, notre auteur se défendit dans des Noise theologicue pro tutela probabilismi, in-4°, Munich-Ingolstadt, où il prend spécialement à partie le P. Dominique Reichard, O. P.

Controverse.

Le P. Neumayr doit sa plus solide

réputation aux conférences qu’il a prêchées à Augsbourg, et qui sont presque toutes orientées dans le sens de la controverse. C’est un genre qu’il aimait et il y déployait une ténacité et un mordant, qui risquent parfois de le rendre peu sympathique. Mentionnons seulement sa controverse écrite avec le bénédictin apostat H. Rothflscher, qui porte tant sur la profession de foi de ce converti au luthéranisme, que sur la réforme scolaire dont il commençait à entretenir l’opinion publique. Voir les n. 35-38 de Sommervogel. — D’intérêt plus considérable sont les conférences de controverse où l’orateur prit à partie d’abord les protestants. Beaucoup ont été publiées, aussitôt après avoir été données, en petits livrets in-4° de 30-40 pages. L’auteur les a réunies en 2 vol. in-4°, Heilige Streitreden ùber wichtige Glaubensfragen, Munich-Ingolstadt, 1757-1760, puis en 4 autres vol., 1763-1764. Les principes essentiels du protestantisme y sont longuement discutés. Il y eut, semblet-il, des plaintes car l’orateur traita ex professo, le jour des Saints Innocents de 1753, cette question : Ob heilige Slreilt-Reden in der Kirche Golles milRecht ùblich seyen ? A plusieurs reprises aussi, il réfuta expressément des réponses écrites faites à ses conférences, cf. par ex. les n. 54, 55 de Sommervogel. A partir de 1760, laissant presque complètement de côté

la controverse antiprotestantc, il s’adresse aux libres penseurs et traite les questions de l’existence de Dieu, de la Providence, de la destinée humaine, etc.

Les conférences du P. Neumayr tiennent davantage de la leçon académique que du sermon ; il est froid et s’élève rarement aux mouvements d’éloquence ; il est discuteur et semble chercher plutôt à réduire ses adversaires au silence qu’à les changer. Mais il est fort, pressant, dialecticien accompli. On serait curieux de savoir s’il avait des protestants dans son auditoire, et l’impression qu’il leur faisait. On se le représente beaucoup plutôt affermissant les catholiques dans leur foi (lue ramenant au bercail romain les brebis égarées. Incontestablement, il marque une date dans l’histoire de la prédication catholique en Allemagne.

Tout l’essentiel est dans Sommer vogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, t. v, col. 1654-1683, cf. t. ix, col. 716 ; Hurter, Nomenclator, 3° édit., t. v a, col. 235-237.

É. Amann.
    1. NEUSS (Phi lippevlberti de)##


NEUSS (Phi lippevlberti de), théologien carme du xv siècle, naquit à Neuss, au diocèse de Cologne ; il embrassa l’état religieux au couvent des carmes de Francfort et prit le doctorat en théologie. Il enseigna à Paris et à Cologne, fut régent et prieur du couvent de Francfort de 1496 jusqu’à sa mort, qui arriva l’an 1506. Philippe Alberti non seulement brilla par sa science philosophique, théologique et scripturaire, mais aussi par son talent littéraire et oratoire. Il écrivit les ouvrages suivants : 1. Postilla in Cantica Canticorum ; 2. Commentaria in Magislrum Sententiarum ; 3. De purissima B. V. Mariæ Conceplione, ouvrage remarquable qu’il rédigea pour défendre l’Immaculée Conception contre la Qusestio quodlibeta écrite et défendue, par le dominicain Wigand Wirth d’Oppenheim à l’université de Cologne. On doit encore à Nicolas quelques sermons et des lettres.

Jean Trithème, Catalogus illustrium viror. Germaniam exornantium, Opéra historica, Francfort 1601, p. 175-176 ; Gesner, Bibliotheca (Epitome de Simler), Zurich, 1574, p. 571 a ; Sixte de Sienne, Bibliotheca sancta, Lyon, 1575,

t. IV, p. 312 ; Pierre Lucius, Carmelitana bibliotheca, Florence, 1593, fol. 76 r° ; Possevin, Apparalus sacer, Venise, 1606, t. iii, p. 76 ; Augustin Biscareti, Palmites vineæ Carmeli, ms. de 1638 conservé au Collège Saint-Albert à Rome, fol. 198 r° ; Alègre de Casanate, Paradisus carmelitici decoris, Lyon, 1639, p. 371 ; J.-B. de Lezana, Annales, Rome, 1645-1656, t. iv, p. 986, 991-992 ; Daniel de la Vierge Marie, Spéculum carmelilanum, Anvers, 1680, t. ii, p. 1098, n. 3891 ; Joseph Hartzheim, Bibliotheca Coloniensis, Cologne, 1747, p. 286 a ; Prodromus historiæ universitatis Coloniensis, Cologne, 1759, p. 10 ; Cosme de Villiers, Bibliotheca carmelitana, Orléans, 1752, t. i, col. 26, n. 35 ; t. ii, col. 625-626, n. 155 ; Henri-Hubert Koch, Die Karmelilenklôster der Niederdeutschen Provinz, Fribourg-en-B., 1889, p. 15, 22, 23, 41 ; Hurter, Nomenclator, 3e édit., t. ii, col. 1111 ; Benedict Zimmerman, Monumenta historica carmelitana, Lérins, 1907, p. 420 et 517 ; Acta capit. gêner. Ord. carm., Rome, 1912, p. 298.

P. Anastase de Saint-Paul.

    1. NEUSSER Brunon##


NEUSSER Brunon, frère mineur de l’Observance, lecteur de théologie à Mayence et custode de la province de Cologne, fut un philosophe et un théologien très goûté, mais avant tout un prédicateur renommé. Il doit être mort vers 1669 ou 1680. Nous n’avons que peu de détails sur sa vie et son activité littéraire. Il a traduit de nombreux ouvrages homilétiques de prédicateurs illustres en latin : 1. Hortus floridissitnus discursuum prædicabilium, 4 vol., Mayence, 1677 ;

2. Scientia universalis concionalorum (trad. de l’italien), Cologne, 1676 ; 3. Quadragesimale, Dominicale et Sanctorale (trad. de l’italien), 4 vol., Mayence, 1669 ; 4. Sermones per omnes dominicas (trad. du français), Mayence, 1668 ; 5. Assumpta prsedicabilia super omnia evangelia quadragesimse (trad. de l’italien), Cologne,

1668 ; 6. Summa prxdicabilium sermonum, 2 vol., Cologne, 1569.

ilandentius Guggenbichler, Beilruge zur Kirchengeschichte des XVI. und XVII. Jahrhunderts, vol. i (unie), Bozen, 1880, p. 321 sq. ; A. Zawart, <). M. Cap., The hislory of franciscan preaching and o/ franciscan preachers (1209-1927). A bio-bibliographical siudy (Franciscan studies, n » 7), NewYork, 1928, p. 508-509.

Am. Teetært.

    1. NEWCASTLE (André de)##


1. NEWCASTLE (André de), frère mineur du début du xiv° siècle. Originaire d’Angleterre, il semble avoir appartenu à la custodie des frères mineurs de Lorraine et à la province de France. Ce théologien, qui fut appelé Doctor ingeniosissimus, a composé deux ouvrages ; d’abord, un Tractatus de conceptione beatse Mariæ, qui est resté inédit, et ensuite un Commentarius in primum li bruni Sententiarum, qui fut imprimé, à Paris, en 1514 et dont il existe un manuscrit à la Bibl. nationale de Paris. André n’a probablement pas commenté les quatre livres des Sentences, comme le dit L. Wadding.

L. Wadding, Scriplores ordinis minorum, 2e édit., Rome, 1906, p. 16 ; J.-H. Sbaralea, Supplementum ad scriptorcs triam ordinum S. Francisci, t. i, 2e édit., Rome, 1C08, p. 37-38 ; H. Warthon, Appendix ad hisloriam lilierariam Guilielmi Cavi, Oxford, 1743, t. i, à l’année 1301 ; C. Oudin, Commentarius de scriptoribus ecclesiasticis, Leipzig, 1722, t. iii, au mot Andréas de Newcastle ; Quétif-Fchard, Scriplores ordinis Prædicatorum, Paris, 1719, t. i, p. 740.

Am. Teetært.

    1. NEWCASTLE (Hugues de)##


2. NEWCASTLE (Hugues de), frère mineur, originaire d’Angleterre et appelé généralement Doctor scholasticus. Il eut comme maître Duns Scot dont il fut un fidèle disciple et un défenseur acharné. Il doit donc être postérieur au Docteur subtil, et sa carrière professorale et littéraire ne peut point se placer en 1284, comme quelques auteurs le supposent. Il souscrivit, en 1322, la déclaration du chapitre général de Pérouse, dans laquelle les capitulaires déclarent, contre Jean XXII, que la proposition : « Le Christ ni les apôtres n’ont jamais rien possédé, ni personnellement, ni en commun, » est une vérité établie par les saintes Écritures. Hugues de Newcastle est aussi un des quatorze théologiens franciscains célèbres, dont les noms sont gravés autour du tombeau de Duns Scot à Cologne. On y lit : Magister Hugo de Novo-caslro.

Hugues a écrit un commentaire sur les quatre livres des Sentences qui est resté inédit jusqu’à nos jours. L’incipil du I er livre est le suivant : Pulchritudinem candoris ejus admirabitur oculus, etc. Eccles. 43. 20. Le IIe livre commence par les mots : Mirabilia opéra tua et anima mea cognoscit nimis : in Psal. Dicebatur in primo Sententiarum prosequendo illud verbum : Pulchritudinem candoris ejus admirabitur oculus : quod in sacra scriplura quatuor mirabilia conlinentur ; tandis que le IIIe livre débute ainsi : Auditum audivi a Domino, Je. 49. Quia veritas primi principii. — Il aurait encore écrit des Reportata in Quatuor libros Sententiarum (cf. L. Wadding, Scriplores ordinis minorum, Rome, 1906, p. 121). Et, en effet, au début d’un ms., qui appartint autrefois à la bibliothèque du couvent Saint-François à Assise, on lit : Incipit secundus Lecluræ Fralris Hugonis ordinis jralrum minorum, suppletus ab eodem. — Hugues de Newcastle composa encore : Tractatus de Victoria Christi contra Antichristum, qui fut publié, en 1471, à Nuremberg ; un Tractatus de advenlu Anlichristi, et des Collationes dont une porte comme titre : De mysterio Immaculatæ Conceplionis virginis Mariæ.

D’après toutes ces considérations, nous pouvons conclure qu’il faut placer l’activité professorale et

littéraire de Hugues de Newcastle, au début du xiv » siècle.

L. Wadding, Annales minorum, Rome, 1733, t. vi, p. 137, 176 et 396 ; du même, Scriptores ordinis minorum, 2e édit., Rome, 1906, p. 121 ; J.-H. Sbaralea, Supplemenium ad scriptores trium ordinum S. Francisci, 2e édit., Rome, 1921, t. i, p. 383.

Am. Teetært.

    1. NEWMAN (John-Henry)##


NEWMAN (John-Henry), ecclésiastique anglican, converti au catholicisme et finalement cardinal de l’Église romaine (1801-1890). — I. Vie. II. Œuvres et doctrines (col. 353).

I. LA VIE.

I. PÉRIODE ANGLICANE DE LA VIE DE

NEWMAN. — Les principales autorités pour la période anglicane de la vie de Newman sont : VApologia, 1864 ; Letlers and correspondence of J. H. Newman during his Uje in the english Church, with a brief autobiography, editedal cardinal Newman’s requesl by Anne Mozleꝟ. 1891 (lettres et correspondance de J. H. Newman écrites durant son séjour dans l’Église anglicane, publiées à la requête du cardinal Newman par Anne Mozleꝟ. 1891) ; Correspondence of J. H. Newman with John Keble and others, 1839-1845, ediled at Ihe Birmingham Oratorꝟ. 1917 (correspondance de J. H. Newman avec John Keble et d’autres personnes (1839-1845) publiée à l’Oratoire de Birmingham, 1917). Ces ouvrages seront désignés respectivement par les abréviations suivantes : Apol., M., K. Pour Apol., les renvois se réfèrent à l’édition d’ensemble des œuvres de Newman, publiée par Longman’s ; pour M à la seconde édition.

La première jeunesse.

John Henry Newman

naquit le 21 février 1801. Son père était un banquier de Londres dont les ancêtres étaient originaires du comté de Cambridge. On a raconté que la famille était d’origine juive ; mais cette légende a pris naissance, dans l’imagination de l’écrivain, auquel est dû l’article sur Newman de VEncyclopiedia brilannica. Celui-ci avoua par la suite à Wilfred Ward que ses seules preuves étaient « le nom et le nez » de son personnage. Son hypothèse a été acceptée par Mgr Barry dans son Newman (Lilerary lives séries, Hodder et Stoughton, 1904, p. 9-10), mais il a, lui aussi, reconnu dans un ouvrage récemment publié qu’il n’en avait jamais découvert aucune confirmation. Memories and opinions, Londres, 1927, p. 239. Le nom ne prouve rien, car il était fort répandu en Angleterre longtemps avant que les Juifs, sous Olivier Cromwcll, ne fussent autorisés à s’établir dans le pays. La mère de Newman descendait de réfugiés huguenots. On a dit qu’elle était très attachée à l’école calviniste ou « évangélique » ; mais c’est là une fable mise en circulation par Thomas Mozley, cet écrivain si peu exact, dans ses Réminiscences, chiefly of Oriel, etc. (Souvenirs, principalement du -collège d’Oriel à Oxford.) Des lettres de protestation furent adressées à Mozley par Newman aussi bien que par son frère Francis ; celui-ci s’indignait de l’injustice qui était faite à la mémoire de sa mère « femme trop sage, disait-il, pour élever ses enfants dans une religion qui fût en quelque manière sectaire. » The early hislory of cardinal Newman, etc. Londres 1891, p. 72 (Histoire des premières années du cardinal Newman). Mozley, tout en gardant le silence, fit disparaître son affirmation de la seconde édition de son livre. La religion dans laquelle fut élevée Newman, était, on peut le supposer la « religion de la Bible », telle qu’il l’a définie dans sa Grammar of assent, p. 56-58, comme étant celle de « la masse des gens pieux et vertueux » dans l’Angleterre de son temps. A l’âge de sept ans, Newman fut envoyé dans une grande école à Èaling (près de Londres, aujourd’hui dans la ville), où il resta jusque vers la fin de 1816. Au cours des derniers mois — citons ses propres

paroles — « un grand changement se produisit dans ma pensée. Pour la première fois, je subis l’influence d’un credo arrêté, et j’eus conscience de ce qu’est un dogme, impression qui, grâce à Dieu, ne s’est jamais effacée ni obscurcie. » L’auteur de ces lignes, il vaut la peine de le remarquer, insiste sur le côté intellectuel de sa conversion ; ce trait la distingue nettement de ces conversions émotives auxquelles on l’a souvent comparée. L’instrument humain de ce grand changement fut un clergyman de l’école « évangélique », l’un des maîtres de l’école d’Ealing, nommé Walter Mayers. Les « évangéliques » représentaient à l’intérieur de l’Église anglicane le grand mouvement religieux que Wesley et Whitefield avaient mis en branle. Ceux qui, après la mort de Wesley, s’étaient peu à peu laissé emporter par le courant hors de l’Église d’Angleterre, avaient reçu le nom de méthodistes. Bien différents de Wesley, qui était franchement hostile au calvinisme, la majorité des « évangéliques » professaient des doctrines calvinistes.

Il est sans doute assez risqué d’affirmer quoi que ce soit relativement à la doctrine de gens qui ne sentaient pas le besoin d’un système théologique ; on peut, néanmoins, en toute sûreté, tenir ceci pour acquis : ce que l’on a coutume d’entendre sous le nom de calvinisme rigide, n’était pas un trait caractéristique de leur enseignement. Mayers peut être considéré comme un exemple typique. Francis Newman, frère cadet de John-Henry, parle ainsi de lui : « Comme chez la plupart des « évangéliques » de ma jeunesse voici en quoi consistait son calvinisme : il ne cherchait pas à éluder par des commentaires le 17e des 39 articles anglicans, mais s’inclinait devant lui en tremblant d’une peur respectueuse. II était par nature incapable de professer une doctrine aussi terrible et de la soutenir par des arguments ; mais il croyait que « dans l’autre monde elle nous serait expliquée de quelque manière. « Op. cit., p. 15. Le 17e article est celui qui traite « de la prédestination et de l’élection ». Il ne parle que de la prédestination des élus. La croyance qui tenait réellement à cœur aux « évangéliques » était que la foi seule justifiait, et qu’elle était, du commencement à la fin, le don gratuit de Dieu. Ils n’adhéraient au calvinisme que dans la mesure nécessaire pour mettre ainsi hors de cause le caractère gratuit de ce don. Ils détestaient profondément la doctrine de la régénération par le baptême, et dépensaient force ingéniosité à annuler, par des explications l’affirmation qui en était clairement faite dans le Book of common prayer. La conversion soudaine était plus ou moins considérée comme l’idéal, mais étant donné que tant de « vrais croyants » et de « chrétiens d’accord avec eux-mêmes » — pour nous servir ici de leur phraséologie — n’étaient pas passés par cette expérience, on ne pouvait la considérer comme essentielle. Mayers nous a lui-même rapporté que sa conversion avait été graduelle ; selon toute apparence, celle de Thomas Scott l’avait été aussi, et celle de Newman, s’il est vrai qu’elle ne s’étendit pas sur une longue période, ne fut pas soudaine.

Les traits les plus frappants de cette première conversion sont sa profondeur et sa simplicité. « Lorsque j’étais un jeune garçon de quinze ans, je vivais une vie de péché, la conscience très noire, et l’esprit très méprisant des choses saintes. Il a dans sa pitié touché mon cœur, et malgré d’innombrables péchés, je ne l’ai plus oublié depuis ce temps, et il ne m’a pas oublié lui non plus. » K., p. 314. C’est en ces termes que Newman écrivait à Keble en 1844. Il dit dans une autre lettre à Miss Mozley (1885) : « Je ne puis comme de juste juger objectivement de mon propre cas ; mais, cette réserve faite, on peut difficilement, à mon sens, se représenter ou imaginer

qu’avant et après le mois d’août 1816, le jeune garçon que j’étais soit resté la même personne. » Dans V Apologia, il est, dit-il, plus certain d’avoir subi cette conversion intérieure, qu’il ne l’est d’avoir des mains et des pieds. Apol., p. 4. Ici s’affirme une tendance à l’idéalisme philosophique, Ncwman est plus certain d’une expérience purement intérieure que de faits de perception extérieure.

En 1872, Newman détruisit les notes et les papiers écrits après sa conversion, mais « répugnant à supprimer entièrement les traces de la grande miséricorde de Dieu envers lui », il en recopia quelques extraits. Miss Mozley fit un choix de quelques-uns d’entre eux ; mais elle ne reproduisit pas avec son exactitude habituelle le passage suivant que l’on a bien des fois cité. C’est apparemment le brouillon d’une composition qui paraissait au jeune garçon susceptible d’être rédigée : « La réalité de la conversion, en tant qu’elle coupe le doute à la racine et tend une chaîne entre Dieu et l’âme [c’est-à-dire une chaîne dont aucun maillon ne manque ]. Je sais que je suis dans le vrai. Comment le sais-je ? Je sais que je le sais — Comment ?

— Je sais que je sais que je le sais. [Vide Gram. of as., 4e édit., p. 195-197] » Miss Mozley laisse de côté les crochets qui renferment — cela est clair — des explications ajoutées par Newman en 1872 ; et elle laisse croire par là que c’est elle-même qui renvoie à la Grammar of assent. Elle omet également les mots suivants : « Et encore chaque action a son effet, a son poids et son sens. Pas d’ombres, accord et suite. L’homme non converti change sa raison de vivre selon les périodes de son existence, ou bien ne cesse de changer au hasard ; mais ici tout s’accorde, tout se suit. » Le jeune homme aimerait justifier sa certitude, mais il ne le peut. Il doit se contenter de l’ipse dixit de son esprit. Cependant il y a quelque chose qu’il peut énoncer en paroles, à savoir, l’harmonie et l’esprit de suite que la religion donne à la vie. Le jeune garçon de moins de seize ans qui est prêt, s’il le faut, à s’en tenir à son « Je sais que je sais », mais avancera plus loin s’il le peut, n’est pas près d’être mûr pour la philosophie de Locke, ni pour le fidéisme.

Les « évangéliques » professaient des opinions sévères sur les distractions mondaines, telles que la danse et le théâtre, et ils exigeaient la stricte observance du dimanche. Newman se traça à cet égard une ligne de conduite à lui. Vers la fin de 1816, nous le voyons condamner la danse, mais pour lui-même se’ulement. Écrivant en latin, tant pour s’exercer que pour se protéger contre des indiscrétions, il exprime ainsi question et réponse, .Sic agendo alios qui choreis favent condemno ? Procul a me sit illud ! Il ne voyait aucun mal à aller au théâtre, bien qu’il n’y eût mis les pieds que deux fois après 1816. Lorsqu’enfin, en 1821, il décida de ne plus le faire, il se mit en garde contre toute tendance à juger ceux qui avaient des principes moins rigoureux. De même en 1823, lorsqu’il renonça à « profaner le dimanche », par exemple en lisant des journaux. D’un bout à l’autre, on est frappé de ne pas rencontrer « l’entêtement volontaire de l’enthousiaste ». Il reconnaissait instinctivement que s’abandonner à l’arbitraire de sa propre volonté, et l’imposer aux autres, ce n’est pas seulement faire preuve de mauvaise éducation, mais encore s’exclure de la vraie spiritualité.

Mayers en quittant Newman, lui fit cadeau d’un ouvrage de Beveridge, Private thoughts (Pensées intimes), livre de piété solide que le jeune homme étudia ardemment. Mais l’écrivain qui eut le plus d’influence sur lui fut Thomas Scott (1747-1821), clergyman de l’Église d’Angleterre, qui, après être tombé dans le socinianisme, avait été converti par Newton, « évangélique » célèbre et guide spirituel

du poète Cowper. Scott devint un champion résolu des doctrines calvinistes et, en même temps, combattit avec force ce qu’il en considérait comme l’abus. Il insistait sur le côté pratique des épîtres de saint Paul aussi bien que sur leur côté doctrinal, et s’attira ainsi le reproche de pencher vers l’arminianisme. Puisque les bonnes œuvres devaient nécessairement suivre la foi « qui seule sauvait », on estimait inutile de prendre ces œuvres pour matière de prédication. C’est apparemment le côté minutieusement pratique de l’enseignement de Scott qui faisait dire de lui par Newman : « C’est l’homme à qui (humainement parlant) je dois presque mon âme. » C’est lui aussi qui, le premier, implanta profondément dans l’esprit du jeune homme la doctrine de la Trinité. Apol., p. 5.

En 1816, Newman lut l’Histoire ecclésiastique de Milner, ouvrage « évangélique », et « se prit d’un goût passionné pour les longs extraits des Pères » qu’il y trouva ; il lut en même temps le livre de Newton, On (lie prophecies, qui le convainquit que le pape était l’antéchrist. Apol., p. 7. Telle était l’opinion courante des Anglais religieux, il y a un siècle. Ils voyaient dans les soi-disant prophéties sur « l’apostasie papale », et dans leur accomplissement une des preuves capitales de la divinité du christianisme. Il s’appropria aussi en passant la doctrine d’après laquelle les convertis sont sûrs de persévérer jusqu’au bout. Mais cette « détestable doctrine » n’eut aucune influence sur sa conduite, et en l’espace de quelques années s’effaça progressivement de son esprit. Apol., p. 4. En acceptant « l’évangélisme », le jeune homme acceptait la seule forme de religion où se trouvât à cette époque une foi vivante aux dogmes de la Trinité et de l’Incarnation.

Newman à Oxford.

 Newman devint étudiant

à Oxford en juin 1817. En 1820, il obtint le grade de bachelier es arts, mais il ne réussit nullement à se distinguer aux examens, contrairement à l’attente de tous ceux qui le connaissaient. Cet échec relatif fut plus que compensé en 1822, lorsqu’il fut nommé « fellow » du collège d’Oriel. Il se trouva tout à coup placé dans la société la plus intellectuelle d’Oxford.

Nous passerons sur ce qui est familier à tout lecteur de V Apologia, sur la manière dont Whateley fit sortir Newman de sa coquille et lui apprit à penser par lui-même, etc. ; mais nous pouvons nous arrêter un moment à un autre sujet ; Y Apologia n’y fait qu’une brève allusion, mais l’Autobiographie s’y attarde assez longuement, nous voulons parler de la manière dont fut déraciné son « évangélisme ». En 1824, il fut ordonné diacre et devint vicaire de l’église Saint-Clément à Oxford. Il chercha naturellement les conseils d’un de ses collègues d’Oriel, Hawkins, à cette époque curé de l’église Sainte-Marie. Les critiques que fit Hawkins des sermons de Newman, ses fréquents entretiens avec le jeune homme et un livre qu’il lui mit entre les mains, Apostolical preaching (la prédication apostolique) de Sumner, tout cela eut pour résultat d’arracher de son Credo les doctrines « évangéliques » M., i, p. 105. Il en vint à reconnaître les différences fondamentales qui séparaient les exhortations de saint Paul dans ses épîtres de celles qui tombaient des chaires « évangéliques ». Ou donc, par exemple, l’apôtre diviset-il ceux qui le lisent en deux catégories, ceux qui sont justifiés par leur foi et ceux qui ne le sont pas ? Pendant un moment, Newman fut en danger de se laisser tomber dans « une froide doctrine arminienne, le premier degré du libéralisme. » Mais sa dévotion aux Pères de l’Église (M., i, p. iii), une maladie et un grand deuil (Apol., p. 4) le sauvèrent. En 1826, il se vit attribuer l’un des postes de « tuteurs » a Oriel ; en 1828, il succéda comme curé de Sainte