Dictionnaire de théologie catholique/MORT III. Effets

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 10.2 : MESSE - MYSTIQUEp. 599-601).

due aux actions de leur vie terrestre et sont dans un état qui ne comporte plus Je changement ; cf. v., 26. Le mauvais riche supplie Abraham d’envoyer quelqu’un à ses frères pour les exhorter à une pénitence que lui ne peut plus faire.

c) Les graves avertissements du Christ : briser tout attachement et toute habitude scandaleuse, Matth., xviii, 8-9 ; Marc, ix, 42-47 ; se renoncer à soi-même et f.rendre sa croix, Luc, xiv, 27 ; veiller et prier dans la continuelle attente du dernier jour, Matth., xxiv, 42-44, afin de ne pas être surpris dans la débauche, l’ébriété et les soucis de ce siècle et de ne pas encourir pour sou àme un éternel dommage, Luc, xxi, 34. fout cela, en effet, suppose clairement que l’instant

de la mort est décisif, et qu’il devient ensuite impossible à l’homme de mériter oujie démériter, de faire pénitence de ses fautes ou, à l’inverse, de perdre la grâce de Dieu.

d) II Cor., v, 10 : « Nous devons tous comparaître devant le tribunal de Jésus-Christ, afin que chacun reçoive ce qui est dû à ses bonnes œuvres ou à ses mauvaises actions, pendant qu’il était revêtu de son corps. » Notre état futur/lérive de ce jugement. Mais ce jugement aura pour objet unique les actions de la vie présente, les actions que nous aurons’accomplies quand notre àme était unie au corps, ut referai unusquisque propria corporis. Cette pensée fondamentale éclaire d’autres assertions de saint Paul : « Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant le jour du salut », id. vi, 2. Et encore. « Pendant que nous en avons le temps, faisons du bien », Gal., vi, 10. Et encore : « Exhortez-vous chaque jour les uns les autres pendant le temps qui s’appelle aujourd’hui, de peur que quelqu’un de vous ne s’endurcisse par la séductionjiu péché. » Heb., iii, 13. Le terme « aujourd’hui », emprunté au ps. xciv, désigne ici la durée de la vie terrestre de l’homme. En sorte que le sens est clair : « Exhortez-vous… tant que Dieu vous accorde le « jour » de la présente vie, et avant que ne tombe sur vous la nuit^de la mort, dans laquelle il devient impossible de travailler pour le ciel, etc. »

e) Joa., v, 25-29. On distingue ici deux temps où la voix du Fils de Dieu se fera entendre. Le premier temps est le temps de la vie présente : « L’heure vient, et elle est déjà venue, où les morts entendront la voix du Fils de Dieu. » 25. Il s’agit ici des morts spirituels par le péché. La voix du Fils de Dieu se fait entendre à eux, afin qu’ils ressuscitent spirituellement, « et ceux qui l’auront entendue, vivront », id. : la voix dirige son appel vers beaucoup de morts, mais tous ne l’entendent pas, c’est-à-dire n’y répondent pas. L’autre temps est celui de la consommation des siècles. De ce temps il est écrit : « L’heure vient (mais ce n’est pas celle qui est déjà venue) où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront la voix du Fils de Dieu » ꝟ. 28. Il s’agit ici de ceux qui sont morts à la vie du corps. Mais la voix du Fils ne se fera plus entendre pour exciter leur libre arbitre vers le bien, et il n’y a plus place pour la distinction précédemment établie entre ceux qui répondent et ceux qui ne répondent pas à l’appel du Fils de Dieu. Il s’agira uniquement d’appeler au jugement les hommes ressuscites. « Et ceux qui auront fait le bien (pendant le temps de leur vie mortelle ) sortiront des tombeaux pour la résurrection de la vie, maix ceux qui auront mal fait, pour la résurrection du jugement (qui confirmera leur damnation). » ꝟ. 29. Cf. Billot, loc. cit., p. 33-42.

L’Ancien Testament fournit plusieurs textes où se trouve exprimée la même vérité. Chr. Pesch, Prælectiones, t. ix, n. 572, cite Eccl., ix, 10 ; Eccli., iv, 33 ; xiv, 13 ; xvii, 26 ; xviii, 22, coll. xi, 22 sq.

C’est d’ordinaire en commentant Joa., ix, 4, venit nox quando nemo potest operari, que les Pères procla ment la foi catholique. L’auteur de la II a démentis, vin, 2 ; Origène, In ps. XXXVI, homil. iii, P. G., t.xii, col. 1346 ; In Levit., homil, iii, n. 4 ; id., col. 129 ; S. Cyprien, De lapsis, c. xxix, Harlel, t. iii, p. 258 ; S. Hilaire, In ps. XLI, n. 23, P. L., t.ix, col. 323 ; S. Jean Chrysostome, In Joannem, homil. lvi, P. G., t. lix, col. 309 : S. Cyrille d’Alexandrie, In Joannem, t. VI, P. G., t. lxxiii, col. 959 ; S. Augustin, Enchiridion, c. ex, P. L., t. xl, col. 283 ; In Joannem, tract, xliv, n. 5-6, P. L., t. xxxv, col. 1715-1716 ; S. Grégoire le Grand, In Evang., homil. xiii, P. L., t. lxxvi. col. 1127.

L’Église n’a pas formulé sur ce point de définition solennelle. Léon X a condamné la proposition suivante de Luther (prop. 38) -.Animai in purgatorio non sunt securæ de earum sainte, saltem omnes : nec probatum est ullis aut ralionibus aut Scripturis, ipsas esse extra slatum merendi vel augendx caritatis, Denzinger-Bannwart, n. 778 ; et le concile du Vatican se proposait de promulguer cette définition dogmatique : Post mortem quæ est vise nostræ terminus, illico omnes minifestari nos oportel anle tribunal Christi, ut référât unusquisque propria corporis prout gessit, sive bonum, . sive malum (II Cor., v, 10) ; neque ullus post hanc mortalem vitam relinquitur locus peenitentiæ ad fuslificationem. Mansi-Petit, Concil., t. lui, col. 175.

2. Explication théologique.

Les théologiens enseignent

unaninement cette doctrine. Cf. Suarez, De gratia, t. XII, c. xv ; De angelis, LVI, c. iv, n. 9 sq. ; Ripalda, De ente supernaturali, disp. LXXVII, sect. i sq. Tous professent même que la raison dernière du terme imposé par la mort à l’état de voie, est la volonté souveraine de Dieu, qui, absolument parlant, aurait pu faire qu’après la mort l’homme pût encore mériter, ou qu’avant la mort fût déjà fixé un terme au mérite ou démérite possible. Mais, à ne consulter que l’ordre de la sagesse divine, l’instant de la mort paraît très convenablement choisi pour fixer le terme de la voie, tant au point de vue du sujet, qui, à ce moment là, se trouvant privé du corps, cesse d’être principe total d’activité, qu’au point de vue de la sanction morale nécessaire dès l’entrée en l’autre vie.

Lorsqu’il s’agit de donner la raison prochaine de l’état de terme, dans lequel le changement moral, le mérite et le démérite sont devenus impossibles, les théologiens ne sont plus d’accoid. Les thomistes font procéder la fixité des volontés humaines dans le bien ou dans le mal après la mort des lois psychologiques qui régleront, indépendamment même de l’état de béatitude surnaturelle ou de damnation, la connaissance et l’amour des âmes séparées. A l’instant de la mort sera fait par l’âme le choix de sa fin dernière, ou plutôt l’âme sera fixée dans le choix qu’elle se sera librement déterminé avant la [mort : à l’instant de la mort, « notre âme change de mode de connaissance. Le corps n’étant plus là pour lui fournir les images et les émotions sensibles qui pendant cette vie éveillent, précisent, rectifient ou pervertissent nos idées et nos inclinations volontaires, elle reçoit directement, du même influx divin qui la soutient dans l’être, l’ensemble des idées qu’appelle l’état actuel de son intelligence, état individuellement déterminé par le résultat dernier de toute l’expérience de sa vie terrestre et consacré par son acte suprême d’acceptation ou de refus de l’autorité du Père céleste ». Hugueny, O. P., Critique et catholique, t. iii, p. 337. Cf. S. Thomas, Conl. Gentes, t. IV, c. xcv ; De veritale, q. xxiv, a. 1 ; le commentaire de Sylvestre de Ferrare sur la Somme contre les Gentils, loc. cit. ; Bellarmin, De gratia, t. V, c. xiv. Billot a développé cette preuve dans De personali et originali peccato, Rome, 1924, th. vii, § 2, et dans La Providence de Dieu et le nombre infini d’hommes en dehors de la voie normale du salut, IX, Catégorie des adultes, pour lesquels il n’est plus de milieu entre le ciel et l’enfer, dans Études, 1923, t. clxxvi, p. 385-408.

Beaucoup de théologiens, en dehors de l’école de saint Thomas, n’estiment pas philosophiquement évidente ou même simplement probable la raison psychologique apportée par les thomistes. Les uns confessent leur ignorance à ce sujet. Cf. B. Romeyer, art. Ame, dans le Dictionnaire pratique des connaissances religieuses, t. i, col. 204. D’autres, tout au moins pour les damnés et pour les élus, recourent à des raisons extrinsèques : fixation de l’âme dans le vrai et le bien surnaturels par la vision intuitive : obstination des damnés dans le mal par la soustraction de toute grâce, et par le désespoir dans lequel la connaissance de leurs fautes les plonge. Suarez, De angelis, t. III, c. x ; t. VIII, c. x, n. 18 ; c. xi, n. 5 sq. Voir Chr. Pesch, op. cit., n. 574-575 ; 660-670. Ces raisons extrinsèques et d’ordre surnaturel sont d’ailleurs acceptées par les thomistes à la suite de saint Thomas ; voir par exemple, pour les damnés, De veritate, q. xxiv, a. 10 ; De malo, q. xvi, a. 5.


IV. Moment.

Le moment de la mort appelle une discussion théologique à cause de la distinction établie par certains auteurs, entre le moment de la mort apparente ou relative et le moment de la mort réelle. Cette distinction présente une importance capitale pour l’administration des derniers sacrements. En droit, tous les théologiens sont d’accord. S’il y a un doute qu’on se trouve en face d’un être humain encore vivant, on peut lui administrer sous condition les sacrements. Mais, en fait, se pose la question : la mort simplement apparente peut-elle se produire ? Se produit-elle en réalité ? Se produit-elle dans tous les cas ? 1° Observations de la science médicale.

1. La mort

d’après les médecins, peut être simplement apparente : « La suppression absolue de l’une des trois fonctions essentielles à la vie commune (fonctions du cerveau, du cœur, des poumons, simultanément nécessaires pour assurer la vie de l’organisme entier) entraîne promptement l’arrêt des autres et la mort de l’ensemble. Cette suppression radicale est parfois remplacée par un simple affaiblissement de l’une de ces fonctions, qui en rend à nos yeux la persistance inappréciable. En pareil cas, les autres activités vitales peuvent continuer à se dérouler et à témoigner par là du maintien de la vie ; mais dans certains autres, elles se dépriment à leur tour sous l’effet neutralisant de la défection précédente et répandent un silence trompeur sur l’économie tout entière. C’est la mort apparente. » Em Berlin, art. Mort (Physiologie) dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales de Dechambre, t. ix, p. 557. Dans le cas de la mort simplement apparente, le cœur n’a pas cessé complètement de battre ; mais ses battements sont devenus pour ainsi dire imperceptibles. Cette mort apparente se produit dans certains cas : syncope, asphyxie, léthargie, etc. La rigidité cadavérique peut même parfois être simulée.

2. D’autres fois, la mort apparente devient même relative, (’/est lorsque le coeur a cessé complètement de battre : mais les centres nerveux sont encore doués de vie : le cas peut se produire quand la mort est violente ou subite : « On peut supposer qu’il est possible de ranimer un sujet tant que les centres nerveux ne sont pas morts. Dans ce cas, le rétablissement de la circulation provoquera le retour des fonctions organiques. Les seuls cas favorables ou susceptibles d’être traités de la sorte seront évidemment les cas de morts violentes, morts déterminées par une syncope cardiaque en particulier, morts sans altération matérielle incompatible avec la vie. Cette hypothèse n’est pas une simple vue <lr l’esprit. Brown-Séquard l’a déjà envisagée et il a réalisé expérimentalement de vraies résurrections (Journal de la physiologie de l’homme et aes animaux, 1858, p. 6C6 : Recherches sur la possibilité de ramener momentanément à la vie des individus mourant de maladie). Il opérait sur des animaux mourant de maladies et porteurs de lésions fatalement mortelles. Souvent, dans ces expériences, la respiration était arrêtée depuis un nombre variable de minutes (17’dans un cas), les dernières convulsions de l’agonie avaient eu lieu, la pupille était dilatée ou se dilatait. Malgré ces circonstances extrêmement défavorables, il a pu ranimer ces animaux agonisants. Les uns sont revenus complètement à eux pour plusieurs heures ; les autres ont recouvré la respiration et la faculté réflexe ; chez d’autres, il n’y eut qu’une augmentation de la vitalité du cœur. L’auteur introduisait dans la carotide de ces animaux une canule en T, et par là leur transfusait du sang frais d’un animal sain, simultanément vers l’encéphale, et vers le cœur ». D’Halluin, La vie du cœur isolé, Lille, 1903. On est arrivé par le massage du cœur à réaliser ces « résurrections » chez des êtres humains, et les résultats ont été tels que M. d’Halluin n’hésite pas à écrire : « Nous pouvons conclure, que la mort ne survient pas au moment où le cœur s’arrête. Il existe une période plus ou moins prolongée durant laquelle le retour à la vie peut être provoqué par le massage du cœur, méthode exceptionnellement réalisable et complexe. » Op. cit., p. 66. Une méthode plus récente a donné, elle aussi, des résultats tangibles. Par le système de l’injection intrarardiaque d’adrénaline, le D r Petit-Dutaillis a obtenu des réanimations temporaires, même après 20 ou 30 minutes d’attente après la syncope, des réanimations définitives, quand l’injection a été pratiquée moins de 6 minutes après l’arrêt du cœur. Notes cliniques sur « les injections intracardiaques d’adrénaline », dans Archives des maladies du cœur, des vaisseaux et du sang, publiées sous la direction du D r H. Vasquez, Paris, 1925, p. xvii sq. Cf. Paris médical, 5 juillet 1924.

3. Faut-il étendre à tous les cas de mort sans exception l’explication de la mort relative ? La question est beaucoup plus complexe à résoudre. Tous les médecins admettent que la mort de l’organisme entier ne supprime pas immédiatement toutes les vies particulières des organismes inférieurs. On est arrivé, en effet, à faire revivre des organes, même séparés de l’organisme entier, et qui, pendant un temps notable, avaient conservé toutes les apparences de la mort. D’Halluin, Le problème de la mort. Extrait de la Revue de philosophie, t. xxiii, p. 23. Les expériences, renouvelées fréquemment et souvent avec succès, fournissent, dit-on, une base suffisante d’argumentation. S’il est possible d’entretenir ou même de rappeler la vie en des organes soit encore unis à l’organisme entier déjà mort, soit même séparés de cet organisme, c’est que la vie ne s’est pas complètement retirée ; c’est que le principe vital agit encore ; c’est que la mort relative ne marche elle-même que progressivement vers la mort absolue : « La mort de l’ensemble n’est pas une véritable mort.etla nature de cette redoutable transformation se présente à nous sous un jour tout nouveau : l’extinction réelle de l’existence s’opère dans les éléments anatomiques, dans les assises cellulaires qui ont été aussi les seuls témoins de sa genèse. A son tour, la mort de ces organismes simples apparaît comme le résultat de l’abandon où ils tombent après la rupture de leur association, comme l’effet mécaniquement nécessaire des provocations externes que le défaut d’accord les empêche désormais d’utiliser pour la manifestation des phénomènes vitaux…. » E. Bertin, art. cité, p. 567. On peut donc parler des étapes de la mort ».

D’après le D r d’Halluin, la mort, que nous avons