Dictionnaire de théologie catholique/JUDAÏSME I. Sources : littérature juive

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 8.2 : JOACHIM DE FLORE - LATRIEp. 86-93).

I. Sources : littérature juive. — Sauf quelques renseignements fournis par les auteurs grecs et romains, Polybe, Diodore, Strabon, Plutarque, Cicéron, Tite-Live, Suétone, qui ont écrit sur l’histoire de la Syrie sous l’ère séleucide et romaine, voir Th. Reinach, Textes d’auteurs grecs et romains relatifs au judaïsme, Paris, 1895, 1a littérature juive est presque notre seule source pour la connaissance du judaïsme.

Parce qu’ils sont des produits du génie juif, ces écrits appartiennent à la vie intérieure du peuple. Mais puisque la manière de les apprécier, surtout par rapport à leur date et à leur caractère, influe nécessairement sur toute la conception du judaïsme, il faut en parler en premier lieu. Pour ne pas faire double emploi, nous allons les apprécier non seulement comme sources, mais aussi comme œuvres littéraires ;

Littérature canonique.

En abordant ce terrain, on est assailli par les principaux problèmes de la haute critique. La solution en est si difficile que celui des historiens qui a écrit sur le judaïsme l’étude la plus complète qui existe jusqu’ici, A. Bertholet, se voit obligé de reconnaître à plusieurs reprises que, vu l’incertitude qui plane sur la date des écrits en question, les résultats de ses recherches ne sont que provisoires et qu’il regarde presque son entreprise comme une audace. Biblische Théologie des Allen Testamentes, t. ii, Die jùdische Religion von der Zeil Esras bis zum Zeitaltcr Christi, Tubingue. 1911, p. vin. D’autres comme T. K. Cheyne, Jewish religions Life after the Exile, NewYork, 1898, préface, ont fait le même aven. Ce qui, joint au désaccord qui existe entre les critiques sur bien des points capitaux, donne le droit de se tenir sur la réserve en face de systèmes qui reposent très souvent moins sur des faits réels que sur des idées préconçues.

1. La prétendue origine exilienne et postexilienne du Code sacerdotal. — D’après la conception évolutionniste des origines du Pentateuque, le quatrième document dont celui-ci est formé, sérail ici notre source la plus importante. Car le Code sacerdotal aurait été composé partie pendant l’exil, partie immédiatement après, pour régler la vie religieuse du peuple reconstitué.

Sans entrer dans l’ensemble de la question « lu Penta^

teuque, il faut dire que ni les divergences entre les éléments historiques et législatifs des cinq volumes, ni les données de l’histoire de la religion Israélite et des autres religions sémitiques, ne sont telles qu’elles forment une preuve absolument inattaquable de la répartition du Pentateuque en quatre sources appartenant à quatre époques tout à fait distinctes.

Pour ce qui concerne en particulier les lois rituelles du Code sacerdotal, nous indiquerons plus loin, les raisons pour lesquelles nous ne nous pensons pas obligés à regarder le Code sacerdotal comme étant l’ouvrage le premier en date et le plus caractéristique du judaïsme. Nous ne laissons pas néanmoins de le tenir pour une source très précieuse et pour un élément constitutif de la vie religieuse d’Israël après l’exil. Car c’est alors seulement que ces lois reçurent leurs derniers compléments et furent observées avec cette minutie qui demeure le trait le plus marquant du judaïsme. Pour comprendre ce dernier fait, il n’est pas besoin de supposer qu’à ce moment-là se fit leur première promulgation ; il suffit de songer aux circonstances nouvelles, créées par l’exil, après lequel l’État politique fut remplacé par une communauté religieuse, dirigée par des prêtres.

2. Littérature poétique et didactique.

a) Les Psaumes. — On appelle avec raison le psautier le livre de prière et de chant de la communauté postexilienne. D’abord c’est à cette époque que fut constitué le recueil définitif et complet des psaumes, que leur usage officiel et privé devint fréquent, qu’on adapta des psaumes individuels au culte public en leur donnant un sens collectif, que bien des titres contenant des remarques liturgiques et musicales ont été ajoutés.

A ces divers titres déjà, le psautier représente un témoignage et un élément important de la piété juive. En outre un certain nombre de psaumes remontent à cette époque. Beaucoup de critiques tiennent que ce serait le cas de presque tous. Hypothèse aussi inexacte que celle de la composition tardive du Code sacerdotal et qui repose en somme sur les mêmes préjugés. Elle ne tient aucunement compte de la tradition si bien documentée des livres de Samuel sur les talents poétiques et musicaux ainsi que sur les productions littéraires de David, I Reg., xvi, 18 ; II Reg., i, 17 sq. : iii, .’5 : 5 sq. ; vi, 15 ; xxii ; xxiii, 1 sq., et méconnaît absolument le caractère de beaucoup de psaumes. Il est tout à fait invraisemblable que les psaumes qui s’adressent à un roi, ii, xvii, xix, xx, xxvii, xliv, lx, i.xii, lxxi, cix, cxxxi, (numérotation de la Vulgate), qui professent une opinion libre sur les sacrifices, xiv, xxxix, xlix, l, soient postexiliens, et puisque ces psaumes voisinent avec d’autres qui leur ressemblent, de grands groupes doivent dater de l’époque des rois. Voir E. Sellin, Einleitung in das Allé Testament, 3e édit., Leipzig, 1020, p. 137 sq.

D’autre part il est certain que l’époque perse pendant laquelle les Juifs jouissaient d’une grande tranquillité extérieure et intérieure et s’adonnaient d’après les Chroniques avec tant de zèle au culte du temple, a vu naître beaucoup de psaumes, en particulier des psaumes liturgiques, mais il est difficile de les discerner des psaumes préexiliens. Par contre l’époque inacchabéenne était beaucoup moins favorable à la poésie religieuse, de sorte que, même pour les psaumes xliii, i. xxiii, i.xxviii, i. xxxii, qu’on regarde si souvent comme mæchabéens, il vaut peut-être mieux supposer une date et une situation plus ancienne.

b) Livres sapientiaux : Cantique des cantiques, Ecclé siaste, Ecclésiastique, Sagesse. La plupart des critiques attribuent tous les livres sapientiaux au judaïsme el y voient, avec les psaumes, les produits caractéristiques de l’époque qui a suivi l’exil, comme les livres prophétiques seraient les œuvres marquantes de la

période préexilienne. Jusqu’à la fin de l’exil, les Israélites auraient eu comme guides spirituels surtout les prophètes ; après cette date, les sages auraient pris leur succession. Cette conception simplifierait beaucoup l’histoire littéraire et religieuse d’Israël. Mais elle ne correspond pas à la réalité telle qu’elle est attestée par les écrits historiques et prophétiques préexiliens. D’après III Reg.. iv, 29 (hébr. v. 10, sq.) ; x, 1 sq. on cultivait déjà la « sagesse » à la cour de Salomon et Jérémie, xviii, 18, parle des « sages » comme d’un étal qui existait de son temps à côté des prophètes et des prêtres.

En face du témoignage de III Heg., iv, 32, sur l’activité littéraire de Salomon, il n’y a aucune raison pour nier en bloc l’authenticité salomonienne du livre des Proverbes. Il n’existe de sérieuses difficultés que pour l’introduction, i-ix, et le dernier chapitre, xxx, 10-31. Les différents arguments qu’on allègue pour l’origine postexilienne des sentences salomoniennes (absence de polémique contre l’idolâtrie, état très élevé de la civilisation qui forme le fond de beaucoup de sentences et qui serait au-dessus du niveau de la culture juive à l’époque de Salomon, etc.) sont loin d’être décisifs. Surtout c’est à tort qu’on suppose nécessaire pour la floraison de la littérature gnomique en Israël l’influence hellénique et qu’on attribue dès lors à une époque tardive, l’ensemble de ces manifestations littéraires.

Il n’est pas aussi aisé de déterminer l’époque du livre de Job. Les moyens sûrs pour fixer sa date font défaut. Il nous semble plus probable que cette œuvre, la plus grandiose qu’ait produite le génie poétique des Israélites, est née au temps de la pleine floraison de la littérature hébraïque, donc avant l’exil. Dans la discussion du problème de la rétribution, la moindre lueur de la possibilité d’une survivance heureuse après la mort manque (xix, 25-27, il n’est pas question de résurrection ; voir art. Job, col. 1473 sq.), ce qui paraît peu vraisemblable pour un homme d’une si haute culture intellectuelle, vivant à l’époque perse ou grccqiTe. La prétendue dépendance du poème par rapport à Jérémie, xx, 14-18, et Ézéchiel, xviii, 2 sq., ou à d’autres écrivains encore plus tardifs est un argument très précaire. Voir néanmoins les opinions en sens contraire dans l’art. Job, col. 1482.

Tous les autres écrits didactiques sont à considérer comme des fruits du judaïsme :

D’abord le Cantique des cantiques, cette poésie aussi réaliste que mystique. Ce sont surtout des raisons d’ordre philologique qui rendent l’origine postexilienne (ive ou ve siècle), plus probable que l’origine salomonienne.

Ensuite VE celés iastc, le plus curieux des produits littéraires du judaïsme biblique, qui, à cause du caractère tardif de sa langue et de sa familiarité avec les idées grecques, à dû être écrit après 300 avant Jésus-Christ. La langue aussi bien que le contenu excluent toute relation avec Salomon.

L’Ecclésiastique contient les i proverbes » du judaïsme. Son auteur, Jésus benSirach, était un scribe palestinien du commencement du iie siècle avant Jésus-Christ. Après s’être adonné dès la jeunesse à l’étude de la sagesse, après avoir voyagé beaucoup, il a composé ce livre essentiellement juif qui se distingue des Proverbes de Salomon par l’influence beaucoup plus grande de la loi et du sacerdoce.

La Sagesse a été composée par un philosophe juif de la Diaspora égyptienne dans le dernier siècle avant Jésus-Christ. L’influence grecque y est plus forte que chez l’Ecclésiaste sans que la doctrine traditionnelle y soit abandonnée : celle-ci est au contraire enrichie par l’enseignement le plus clair de la survie après la" mort et par la spéculation sur la Sagesse incréée.

3. Littérature prophétique.

La critique moderne veut placer également au temps du judaïsme un bon nombre d’écrits prophétiques. Outre les prophètes de la restauration : Aggée, Zacharie, Malachie, elle regarde comme postexiliens Abdias, Joël, Jonas ainsi que deux morceaux du livre d’Isaïe et le livre de Daniel. Examinons rapidement les divers problèmes que soulèvent ces attributions. — Aggée et Zacharie sont les deux premiers prophètes postexiliens. L’écrit du premier date de l’année 520, il contient des exhortations à la construction du temple en vue d’accélérer l’arrivée du temps messianique. Le livre qui est conservé sous le nom du second se divise en deux parties très distinctes. La première (i-vm) présente sous forme de visions nocturnes les mêmes idées que le livre d’Aggée. La seconde (ix-xiv) diffère beaucoup pour le fond et la forme de la précédente ; il n’est plus question de la construction du temple, de Zorobabel ou de Babylone ; le salut messianique prévu pour la fin des temps, est décrit d’une façon apocalyptique ; les précisions sur la date des prophéties, telles qu’elles se trouvent dans la première partie, manquent. Pources raisons, il semble nécessaire de supposer pour les deux parties, sinon deux auteurs différents’, au moins un certain intervalle entre la rédaction des deux morceaux. Voir A. Van Hoonacker, Les douze petits Prophètes, Paris, 1908, p. 649 sq. L’un et l’autre sont d’une extrême importance à cause de leurs idées messianiques.

Malachie a suivi de près Aggée et Zacharie. Le temple est achevé, i, 10 ; mais les graves abus que blâme le prophète prouvent qu’il a exercé son ministère avant la réforme de Néhémie et d’Esdras. En prédicateur austère, il annonce le jour du grand jugement de Jahvé.

Non seulement ces trois derniers livres du recueil des Douze Petits Prophètes, mais encore trois autres sont à considérer comme postexiliens :

D’abord la prophétie d’Abdias sur la chute d’Edom et sur le relèvement d’Israël qu’à cause des versets Il sq. il faut placer après l’année 586.

Ensuite le livre de Joël, célèbre par sa description si complète et si une du jugement final de Jahvé ; la dispersion d’Israël qui y est supposée, le gouvernement des prêtres, qui semble remplacer celui du roi, ainsi que d’autres faits, paraissent caractériser cet écrit comme postexilien. Voir ci-dessus, col. 1489.

Finalement le livre de Jonas est encore plus sûrement un produit du judaïsme. Les raisons philologiques, historiques et psychologiques rendent sa composition par le prophète Jonas, contemporain de Jéroboam II, pour ainsi dire impossible, et sa forme littéraire le rend voisin des derniers livres du canon. Sa doctrine si remarquable sur l’universalité du salut en fait au point de vue dogmatique une des perles de toute la littérature de l’Ancien Testament, Voir col. 1498.

Bien plus compliqués sont les problèmes que soulèvent certaines parties d’Isaïe et le livre de Daniel.

Au sujet d’Isaïe d’abord, les exégètes non catholiques sont unanimes à placer pendant l’exil les chapitres xl-lv, après l’exil lvi-lxvi et xxiv-xxvii ainsi que d’autres morceaux moins importants. Voir l’exposé des raisons à l’art. Isaie, col. 26 sq.

Du moment que le prophète a écrit certaines parties de son livre comme s’il vivait après la destruction de Jérusalem, et la dispersion des Israélites, il est admis par les exégètes catholiques, J. Touzard, Renie biblique, 1917, p. 122-136, et Dictionnaire apologétique, t. ii, col. 1624, que l’on peut utiliser les chapitres xllv pour le temps de l’exil auquel ils se réfèrent. En vertu du même principe, les chapitres lvi-lxvi deviennent une source pour l’histoire du judaïsme.

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

C’est en ce temps seulement que les idées des prophètes étaient destinées à devenir actives. Il faut en dire autant de l’apocalypse xxiv-xxvii, qui fait supposer un milieu historique analogue.

Au sujet du livre de Daniel, l’accord semble fait entre les critiques indépendants pour dire qu’il ne provient pas du prophète exilien et pour en faire un pseudépigraphe de l’époque macchabéenne. Les arguments qu’ils empruntent au fond et à la forme, à la place qu’occupe l’ouvrage dans le canon ainsi qu’au silence du Siracide à son sujet, prouvent au moins que cet écrit n’a reçu sa forme définitive qu’au temps des guerres macchabéennes : ses allusions fréquentes aux circonstances de cette époque montrent qu’il a dû être un livre de consolation précisément pour ce temps. C’est dans ce sens que l’on peut regarder le livre de Daniel comme une source pour la connaissance des idées juives de cette époque.

4. Littérature historique.

Tandis que les livres historiques abondent sur la période qui précède l’exil, deux ouvrages seulement nous renseignent sur l’histoire générale du judaïsme : les livres d’Esdras et de Néhémie et les livres des Macchabées ; les uns et les autres ne portent que sur deux courtes époques, celle de la restauration et celle des guerres macchabéennes.

Les livres d’Esdras et de Néhémie ne sont plus conservés dans leur état primitif, de sorte qu’il n’est pas facile de reconstituer la suite des événements. Le fond des deux écrits est constitué par des documents qui sont très rapprochés des événements, savoir les mémoires d’Esdras et de Néhémie, des actes officiels des archives perses et juives qui constituent des sources très précieuses pour l’histoire. Leur valeur n’a pu être diminuée ni par les nombreuses attaques d’autrefois, voir article Esdras-Néhémie, t. v, col. 535 sq., ni par la critique récente de G. Hôlscher dans E. Kautzsch, Die Heilige Schri/t des Allen Testamentes, 4e édit., Tubingue, 1922, t. ii, p. 491 sq.

Très importants comme sources sont aussi les deux livres des Macchabées ; le premier peut être considéré comme le meilleur livre historique de l’Ancien Testament ; au sujet du second, qui n’est qu’un extrait d’un grand ouvrage de Jason de Cyrène, les critiques font des réserves à cause des nombreux faits miraculeux qui y sont relatés. Tandis que le premier a été composé en Palestine et en langue hébraïque, le second est un produit de l’hellénisme juif et à te titre il renseigne, non seulement sur l’histoire politique rie l’ère macchabéenne, mais, d’une façon particulière, sur les idées religieuses de ce temps.

Les livres d’Esdras et de Néhémie n’étaient primitivement que la seconde partie d’un ouvrage historique dont la première était formée par les deux livres des Chroniques ou Paralipomènes. L’auteur de cet écrit a voulu retracer l’histoire de l’humanité pieuse à partir d’Adam jusqu’à la restauration de la communauté israélite. C’est une des œuvres les plus caractéristiques du judaïsme à cause de l’intérêt prédominant que l’ouvrage manifeste pour le temple et le culte lévitique. Comme source historique, le livre des Chroniques ne mérite pas le mépris avec lequel Wellhausen, Renan et leurs disciples l’ont traité, c’est ce qu’ont montré des savants de première valeur comme H. Winckler, Alttestamentliche Untersuchungen, 191 P, p. 157-167 ; Sellin, op. cit., p. 162 et F. X. Kualer, Von Moses bis Paulus, 1922, p. 234-300 : Zur Glaubwùrdigkeit der Chronik.

Trois autres écrits postexiliens sont relatifs à des épisodes particuliers : le livre de Judith raconte la délivrance de Béthulie par une pieuse veuve, le livre de Tobie le soit d’uni’famille juive, transportée en exil à Ninive, le livre à’Esther l’élection d’rne belle juive comme reine à la cour de Suse et la délivrance

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    1. JUDAÏSME##


JUDAÏSME, littérature juive

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des Israélites du royaume perse par sou intermédiaire. Le premier lut probablement composé à l’époque des Séleucides : la portée historique en est difficile à déterminer à cause de l’état défectueux du texte actuel. Le second, dont la date est incertaine, est surtout important par ses renseignements sur les croyances et les pratiques religieuses des derniers siècles avant Jésus-Christ : il dépasse, au point de vue de la composition, toutes les autres narrations de l’Ancien Testament. Le troisième donne des renseignements sur l’origine de la tête des l’urim et contient sûrement une histoire vraie, mais élargie dans un but parénétique.

Il y a lieu d’ajouter à ces sources bibliques de l’histoire juive les papyrus araméens découverts au commencement du xx° siècle à Assouan et à Éléphantine dont les derniers surtout ont jeté une lumière inattendue sur le judaïsme égyptien au i er siècle. (H.Sayce. Aramaic papy ri discovered ai Assuan, Londres, 1906 ; J. Euting, Notice sur un papyrus égypto-araméen de la bibliothèque impériale île Strasbourg, Paris, 1903 ; E. Sachau, Drei aramûische Papyrusurkunden « < ; s Eléphantine, Berlin, 1908 ; M. J. Lagrange, Les nouveaux papyrus d’Eléphantine, dans Revue biblique, 1908, p, 325 sq.

Littérature apocryphe.

A partir du iie siècle

avant Jésus-Christ, on voit surgir du sein du judaïsme, à côté des livres inspirés qui devenaient de plus en plus rares, une autre littérature, aussi riche que variée. Ces nouveaux produits de l’esprit judaïque sont si nombreux et parfois si remarquables qu’ils représentent une seconde floraison de la littérature Israélite. Ils témoignent de la vie intellectuelle intense du judaïsme tardif.

Cette littérature se compose de groupes très différents parmi lesquels il faut nommer en premier lieu les apocryphes. Ce sont des livres qui ressemblent pour le fond et pour la forme aux écrits canoniques, et ont été pour cette raison assez souvent regardés comme divins. Leurs auteurs ont imité les écrits inspirés et, pour donner plus de crédit à leurs productions les ont mises sous le nom de personnages célèbres de l’antiquité Israélite. Toutes ces œuvres sont donc des pseudépigraphes. Elles se divisent en trois catégories :

1. Légendes.

a) La Petite Genèse ou Livre des .Jubilés est le spécimen le plus remarquable et le plus ancien de ce genre. Cet écrit est un élargissement fantastique de l’histoire de la Genèse et de la première partie de l’Exode. Il fut composé en Palestine probablement du temps de Jean Hyrcan (13Ô-104) ; il est même très vraisemblable qu’il contient des éléments prémacchabéens.

b) Le martyre d’Isate raconte la persécution du grand prophète par le roi Manassé. A cette légende qui date d’avant Jésus-Christ, une main chrétienne a ajouté une vision d’Isaïe, de sorte qu’on nomme souvent l’ensemble Ascension d’Isaïe.

c) La lettre d’Aristée, composée antérieurement à 63 avant Jésus-Christ, raconte l’origine miraculeuse de la version des Septante.

</) Le IIIe livre d’Esdras est la traduction grecque d’un extrait des livres des Chroniques ainsi que d’Esdras et de Néhémie, probablement faite à la fin du deuxième siècle avant Jésus-Christ. Il n’a donc pas le caractère légendaire des autres écrits de ce groupe ; Cependant lui aussi est élargi par un récit fabuleux sur les trois pages de Darius parmi lesquels se trouva Zorobabel.

r) Le If Ie livre (1rs Macchabées contient un roman sur Ptolémée IV : celui-ci, après avoir voulu pénétrer dans le sanctuaire du temple de Jérusalem et après avoir été un grand ennemi des Juifs, devient leur ami

dévoué.

Ces cinq livres ne son ! que des témoins épars d’une

activité littéraire très florissante. Les litres conservés de quelques autres légendes et les apocryphes analogues, composés par des chrétiens, qui ne sont que des imitations d’écrits juifs, prouvent suffisamment combien ce genre était en vogue. La légende s’empara surtout d’Adam, d’Abraham et de Moïse.

2. Apocalypses.

Comme les légendes avaient pris soin d’embellir le passé en complétant les livres historiques, les apocalypses s’appliquèrent à transfigurer l’avenir et à préciser les prophéties anciennes. Fuyant la misère des temps présents, les visionnaires se réfugiaient en esprit vers le bonheur de l’époque messianique, vers les mystères de l’autre monde. Ils placent leurs révélations dans la bouche de ceux des anciens patriarches et prophètes (Hénoch, Moïse etc., ) qui semblaient être les plus capables de les donner."

Malgré leurs éléments fantastiques et leurs nombreuses obscurités, ces productions sont très importantes pour la connaissance de la théologie juive, en particulier du messianisme et de l’eschatologie. « Elles comblent la lacune littéraire qui s’étend entre l’Ancien et le Nouveau Testament, et, par les espérances si hautement messianiques qui sont leur caractéristique commune, elles sont comme une sorte de prolongement et d’épilogue des prophètes canoniques, en même temps que le prologue de l’Évangile. » P. Batiffol, Dictionnaire de la Bible, 1. 1, col. 757.

a) Livre d’Hénoch. — C’est un conglomérat d’écrits de date et de contenu très différent, tous attribués au patriarche Hénoch. Ses parties les plus anciennes sont les chapitres i-xxxvi et i.xxii-cv ; la première date probablement du temps prémæchabéen et nous renseigne sur la chute des anges, le jugement final et le monde de l’au-delà ; la seconde appartient plutôt à l’époque asmonéenne et le contenu en est très disparate ; il y a un traité astronomique, c. lxxii-i.xxxii, deux aperçus sur l’histoire du monde et des Israélites au point de vue messianique : une vision sur le déluge, c. lxxxiii-lxxxiv, et une vision sur les animaux et les soixante-dix bergers, nommée livre des Songes, c. lxxxv-xc, des exhortations et des malédictions en vue du sort de l’autre monde, c. xci-cv. Dans ce dernier groupe. les chapitres xcinet xa, 12-17. forment une partie à part nommée apocalypse des dix semaines.

Au milieu se trouve le Livre des Paraboles, c. xxxvhlxxi ; son contenu messianique et eschatologique est tout autre que ctlui des chapitres qui l’englobent. L’origine en est très discutée : nous nous rallions à l’opinion de ceux qui l’attribuent au temps d’Hérode le Grand (37-4 avant notre ère). Puisque ni la mort du Messie sur la croix, ni sa résurrection ne sont mentionnées, il nous semble que rien ne permet de regarder les passages sur le Fils de l’homme et sur l’Élu comme des interpolations chrétiennes.

Le livre d’Hénoch est la plus importante de toutes les apocalypses, parce qu’il « a contribué à propager l’attente du Messie, à vulgariser les concepts du jugement, de la géhenne, du royaume du ciel… à la veille de la venue du Sauveur. » F. Nau dans le Dictionnaire apologétique, t. i, col. 165.

On L’appelle souvent le livre éthiopien d’Hénoch pour le distinguer du livre slave d’Hénoch, recension beaucoup plus récente qui date du I er siècle chrétien ; celle-ci est assez indépendante du livre primitif el surtout originale pour l’eschatologie.

b) Ascension de Moïse. C’est un discours adressé par Moïse à Josué sur les destins futurs du peuple élu. Le livre a été composé peu après la mort d’Hérode.

C) Livre des Testaments des douze Patriarches. — Cette apocalypse est un élargissement du testament de Jacob, Gen., xux. Chacun des douze fils est mis en scène, raconte sa vie et fait des prophéties sur l’avenir de sa tribu. Ce n’est pas, comme on le suppose sou_

vent, un livre chrétien mais une œuvre juive avec des interpolations chrétiennes. Il date comme le Livre des Jubilés, dont il partage les idées messianiques, de l’époque de Jean Hyrcan. Dans le tableau du Messie, les additions chrétiennes sont assez nombreuses, comme le P. Lagrange le prouve contre Charles et Bousset. Le Messianisme chez les Juifs, Paris, 1903, p. 68 sq.

d) IVe livre d’Esdras. — Apocalypse très remarquable par son contenu comme par sa beauté littéraire, composée peu après la destruction de Jérusalem par Titus. Elle révèle le pessimisme des Juifs après ce désastre, mais encore davantage leur espérance imperturbable en l’avènement prochain du Messie et en la rétribution juste et complète de tous les hommes dans l’autre monde. Son influence dans les milieux chrétiens, même dans la liturgie, a été encore plus grande que celle d’Hénoch.

e) Apocalypse de Baruch. — Elle est écrite à la même époque et dans le même esprit, mais avec moins d’art que le IVe livre d’Esdras. Leprophète Baruch est censé relater ce qu’il a vu après la destruction de Jérusalem par les Babyloniens en 586 ; en réalité l’auteur parle de la chute de Jérusalem en 70 après Jésus-Christ.

/) Livres sibyllins. — Si païen que paraisse leur nom, les quatorze livres sibyllins sont juifs ou chrétiens par leur origine aussi bien que par leur contenu. — Les oracles des sibylles païennes furent parfois fixés par écrit. Les Juifs mirent ces prédictions à profit comme véhicules de leurs pensées dans le monde païen : ils répandirent leurs idées sous forme d’oracles sibyllins et furent plus tard imités par les chrétiens dans ce genre de propagande.

Les oracles sybillins nous sont conservés dans une forme chaotique qui rend souvent très difficile le discernement des prédictions juives et chrétiennes.

Parmi les quatorze livres, ce sont surtout les livres III-V qui contiennent les éléments juifs.

Le IIIe livre (vers 97-807) est le reflet des grandes espérances que les Juifs nourrissaient après les succès des Macchabées. Il appartient au temps asmonéen et fut écrit vers 140 avant Jésus-Christ. Il célèbre le rôle providentiel du peuple juif dans le monde et du Messie dans le sein de son peuple.

Le IVe livre donne un aperçu de l’histoire du monde jusqu’à l’éruption du Vésuve (79 après J.-C.) et décrit le jugement que Dieu doit exercer un jour.

3. Livres didactiques.

On a aussi imité les cantiques et les livres sapientiaux.

a) Les Psaumes de Salomon, au nombre de dix-huit, sont le produit le plus remarquable de ce genre au point de vue religieux et poétique. Ils ont été composés en hébreu très peu après la prise de Jérusalem par Pompée ; ils expriment d’une façon admirable les sentiments amers et indignés des pieux pharisiens contre la nouvelle domination étrangère et leur confiance en Jahvé qui réparera tout par le Messie.

b) Les Odes de Salomon, au nombre de quarante-deux, sont beaucoup moins importantes. Elles ont été composées en grec au i er siècle de l’ère chrétienne, probablement par un prosélyte. Il y a bien des retouches chrétiennes dans un sens gnostique.

c) La prière de Manassé a été composée à l’époque macchabéenne et contient les paroles que le roi Manassé, d’après II Par., xxxiii, 11-13, a dû proférer devant Dieu, après avoir été transporté en exil.

d) Le IVe livre des Macchabées est un discours paranétique « sur l’empire de la raison ». L’auteur est un Juif stoïcien. Il prend comme point de départ les martyrs macchabéens et veut prouver que la foi et la piété surmontent toutes les passions et toutes les douleurs. L’écrit appartient au même milieu hellénique

que la Sagesse. La date en est très incertaine ; probablement il fut composé au premier siècle chrétien avant 70.

Littérature rabbinique.

Tandis que les auteurs

d’apocryphes avaient la prétention de fournir de nouveaux écrits bibliques, d’autres maîtres en Israël de la même époque s’adonnaient avec un zèle admirable à la conservation et à l’explication des anciens textes sacrés, surtout de la Thora. Ce travail exégétique, fourni en partie déjà pendant les siècles précédents, fut entrepris d’une façon systématique à partir du dernier siècle avant Jésus-Christ. Comme ses entrepreneurs portèrent au moins plus tard le titre honorifique de rabbi, on nomme l’ensemble de cette production la littérature rabbinique. Longtemps les gloses des rabbins ne furent pas fixées par écrit, mais transmises d’une génération de savants à l’autre par l’enseignement oral. C’est seulement à partir du iie siècle de l’ère chrétienne qu’elles furent rédigées, de sorte que la forme définitive ne tombe qu’en partie dans l’époque judaïque qui nous intéresse. Mais en tant que les témoignages cités lui appartiennent et représentent la tradition de ce temps, ces œuvres rabbiniques entrent pour une large mesure dans le cadre de nos recherches.

Le travail exégétiquc des rabbis fut double. En premier lieu il portait sur la Loi dont on maintenait scrupuleusement la lettre en même temps qu’on l’adaptait aux besoins des temps nouveaux. Il en résulta le droit traditionnel, nommé Halacha (= chemin). En second lieu on s’occupait du contenu historique et dogmatique du Pentateuque comme de tous les autres livres, en le développant par des spéculations. Il en résultait la Haggada ( = doctrine).

1. La Halacha d’abord était exposée ou bien en connexion étroite avec le texte, en forme de commentaires suivis, ou bien d’une façon systématique, groupée d’après les différentes sortes de lois. Le second genre prévalut et fut seul employé dans la littérature talmudique. Cette dernière comprend :

a) La Mischna ( = répétion) qui est la plus ancienne codification du droit juif. Sa rédaction définitive fut faite par Babbi (= Babbi Juda ha-Nasi) à la fin du iie siècle chrétien ; quelques parties en furent déjà écrites plus tôt par Babbi Meïr et Babbi Akiba. Elle se divise en soixante traités ; ceux-ci se subdivisent en chapitres et en paragraphes. Elle renferme les avis et les décisions d’une trentaine de rabbins, nommés Tannaïtes et appartenant à quatre générations (70100, 100-130, 130-160, 160-200 après J.-C).

b) La Tosephta (= addition) qui contient les paroles des Tannaïtes omises dans la Mischna. La Tosephta est d’origine palestinienne comme la Mischna ; composée sur le modèle de celle-ci, elle a plus d’intérêt pour la connaissance du judaïsme à l’époque de Jésus-Christ, car elle contient fréquemment la tradition sous une forme plus ancienne et plus pure.

c)Les Talmuds (= enseignement) palestinien et babylonien, qui sont le commentaire de la Mischna et de la Tosephta. Ils n’ont été composés qu’à partir du me siècle après Jésus-Christ. A cause de leur origine récente et surtout parce que les autorités qui y sont citées ne font plus partie des Tannaïtes, mais des Amoréens, c’est-à-dire des savants qui les suivirent, ils ne nous regardent plus, à l’exception des quelques passages dont il est expressément dit qu’ils appartiennent à la tradition tannaïque et qui portent le nom de Baraïtha,

2. La Haggada, qui se trouve aussi dispersée dans les livres talmudiques, est surtout conservée dans deux autres sortes de compositions rabbiniques, les Midraschim (= recherche) et les Taryums (interprétation).

a) Midraschim. — On nomme ainsi les commentaires

suivis du texte sacré. Ils concernent le texte de la Thora aussi bien que celui des autres livres de sorte que les éléments haggadiques y sont mêlés aux éléments halachites. Dans les plus anciens Midraschim c’est-à-dire dans ceux qui remontent pour le fond au 11e siècle de notre ère, savoir Mechilta (sur l’Exode), Siphra (sur le Lévitique) et Siphré (sur les Nombres et le Deutéronome), les derniers prédominent. Les autres (Habboth, Pesikta, etc.) appartiennent aux siècles postérieurs et sont plus riches en matériaux haggadiques.

Le premier et le plus important desMidrasch est le livre apocryphe des Jubilés (voir ci-dessus).

b) Targums. — Us furent primitivement des traductions araméennes du texte hébreu, nécessitées par l’ignorance de la langue hébraïque. Toutefois la plupart d’entre eux ne sont pas des traductions littérales, mais bien des paraphrases midraschiques.

Les plus anciens sont le Targum d’Onkelos pour le Pentateuque, et celui de Jonathan pour les prophètes ; le fond primitif de ces versions remonte au I er siècle de l'ère chrétienne ; leur rédaction définitive appartient au ive siècle. Leur conception du texte biblique correspond plusieurs fois d’une façon étonnante à celle du Nouveau Testament, preuve qu’ils remontent pour le fond à l'époque apostolique.Ces deux Targums, surtout le premier, sont des versions assez exactes, tandis que tous les autres, en particulier ceux des Hagiographes sont des paraphrases très fantastiques. Ils sont beaucoup plus récents que ceux d’Onkelos et de Jonathan.

1° Littérature hellénique, ni canonique, ni apocryphe. — La plupart des œuvres juives mentionnées jusqu’ici appartiennent au judaïsme palestinien ou au moins hébreu. Depuis que, par suite de l’expédition d’Alexandre le Grand. l’Orient se trouva sous l’influence de l’hellénisme et que les Juifs se dispersèrent en Egypte, en Syrie et même en Europe, le judaïsme eut aussi une littérature hellénique. Nous en avons déjà rencontré deux spécimens parmi les livres inspirés : la Sagesse et le IIe livre des Macchabées et quatre parmi les apocryphes : le IIIe et IVe livre des Macchabées, le IIIe livre d’Esdras, la prière de Manassé. Ils sont loin d'être les seuls. Le travail littéraire de l’hellénisme juif est particulièrement riche et ramifié. Il tourne en premier lieu autour de la Bible, mais il s’est également emparé d’autres sujets.

1. Versions grecques des livres saints.

a) Les Septante. — La première œuvre de ce genre qui est en même temps la plus majestueuse et la plus importante est la traduction grecque, nommée version des Septante ; elle fut faite à Alexandrie entre 250 et 150 avant Jésus-Christ. C’est le premier exemple de traduction que connaisse l’histoire. Elle a fourni aux membres helléniques du judaïsme la base de leur culture religieuse et intellectuelle. Non seulement elle est devenue la Bible des Juifs de la Diaspora, niais c’est in cille version que l’Ancien Testament fut lu par l’Eglise pendant les premiers siècles.

Cette version est par surcroît une source importante pour la connaissance des idées religieuses à cette période du judaïsme. La manière dont bien des passages ont été traduits reflète les conceptions théologiques de cette époque.

b) Les versions d’Aquila et de Théodotion -- La Bible des Septante, d’abord si estimée des Juifs et employée par eux comme, moyen de propagande, fui depuis la destruction de Jérusalem et la dispersion du peuple de plus en plus détestée, à tel point qu’on la remplaça au ii c siècle de notre ère par trois nouvelles versions, celles d’Aquila, de Symmaque et de Théodotion. La seconde n’appartient pas au judaïsme parce que son auteur fut ébionite et peut-être pour la même raison faut-i] exclure aussi la troisième.

C’est surtout la traduction d’Aquila qui supplanta celle des Septante. Elle est d’un littéralisme exagéré. Celle de Théodotion n’est en somme que le texte des Septante corrigé.

2. Œuvres historiques. — Le judaïsme hellénique a eu un grand intérêt pour l’histoire de sa nation. C’est pourquoi l’historiographie y fut très cultivée.

Par Alexandre Polyhistor (entre 50 et 40 avant J.-C.) nous connaissons pour les deux derniers siècles avant Jésus-Christ des fragments de cinq ouvrages sur les patriarches, Moïse et les rois israélites. Leurs auteurs (Démétrius, Eupolémos, Artapanus, Aristée, Cléodémus) répétaient et surtout embellissaient par des traits légendaires les récits bibliques.

Par le deuxième livre des Macchabées nous sommes renseignés sur une autre œuvre historique, celle de Jason de Cyrènc (vers 150 avant J.-C.) qui se composait de cinq volumes et contenait l’histoire contemporaine des guerres macchabéennes.

Le plus grand historien juif, un des plus grands de toute l’antiquité, est Flavius Josèphe, né en 37-38 après Jésus-Christ et mort peu après 100. De pharisien outrancier, grand ennemi des Romains, il devint le favori des empereurs et le partisan de l’hellénisme. Logé au palais impérial à Rome, il écrivit ses ouvrages sans lesquels l’histoire juive du siècle avant et du siècle après Jésus-Christ ne nous serait guère connue. Us sont au nombre de quatre.

a) Sur la guerre de Judée qui contient l’histoire juive à partir d’Antiochus Épiphane jusqu'à la destruction de Jérusalem, mais surtout celle de l’insurrection des années 60-73.

b) Les antiquités judaïques qui racontent l’histoire du peuple élu du commencement jusqu'à l’année C6.

c) L’autobiographie qui est surtout une apologie de l’attitude de l’auteur, pendant la guerre judaïque.

</) Contre Apion qui est une apologie du peuple juif.

Josèphe a écrit pour la gloire de sa nation et de sa personne, mais il ne voulait blesser en rien les Romains de sorte qu’il a embelli bien des faits et omis d’autres très importants ; il ne parle jamais du messianisme. Dans la première partie des Antiquités, il est souvent sous l’influence des conceptions rabbiniques, dans la seconde il a usé très arbitrairement de ses sources.

Au philosophe l’hilon on doit également deux ouvrages historiques, l’un sur la législation mosaïque qui est presque complètement conservé, l’autre sur les persécuteurs des Juifs de son temps dont seuls quelques fragments nous restent.

3. Œuvres poétiques. — Les Juifs helléniques ne se contentaient pas de raconter l’histoire de leur peuple en prose : il le firent aussi en vers. Par Alexandre Polyhistor et Eusèbe, Prseparatio evangelica, îx. 20, '2'- !. 24, 37, nous connaissons des fragments d’une épopée d’un certain Philon (à peu près du iie siècle avant J.-C.) sur Jérusalem, et de Théodotus (de la même époque) sur Siehem. Par les mêmes auteurs, cf. Prseparatio evangelica. îx, 28, 20, nous avons connaissance des œuvres dramatiques d’un poète Ézéchiel. Us nous ont conservé de copieux extraits d’un drame sur l’Exode. Clément d’Alexandrie. Strom.. I, xxiii, 155, le nomme le poète des tragédies juives. C’est ainsi que le judaïsme hellénique a créé des genres de poésies qui manquent complètement dans la littérature hébraïque.

I. Œuvres philosophiques, - Dans les compositions littéraires qui viennent d'être recensées, l’esprit grec n’a guère inspiré que la forme ; dans les œuvres philosophiques, qu’il nous reste à sij4nale1.il Inspire jusqu'à un certain point les idées. S’inflltranl plus ou moins profondément dans le peuple juif, la culture grecque met les intellectuels en contact avec les idées des grands philosophes de l’Ilellade. Déjà V Ecclésiaste en témoigne pour ce qui est de la Palestine, la Sagesse

davantage encore pour ce qui est de la Diaspora. .Mais, tandis que les auteurs de ces compositions canoniques restent fidèles aux doctrines de l’Ancien Testament, chez d’autres la pensée grecque ne laisse pas de prendre le dessus sur l’inspiration proprement juive. C’est déjà le cas pour l’auteur du IVe livre des Macchabées, mais plus encore pour Aristobule et Philon.

Aristobule est un philosophe péripatéticien qui a composé, paraît-il, pour Ptolémée VI (181-146) un commentaire midraschique de la Thora, en vue de prouver que les penseurs et les poètes de la Grèce se sont inspirés de Moïse. L’œuvre d’Aristobule ne s’est conservée qu’en fragments, dans Clément d’Alexandrie et dans Eusèbe, et la fixation de son acmé ne va pas non plus sans de graves difficultés.

Philon, sensiblement contemporain de Jésus-Christ, est le plus grand écrivain, et le plus’grand savant du judaïsme hellénique. Il a tenté de faire la synthèse de la religion mosaïque avec la philosophie grecque. Son œuvre, son action, son influence seront étudiées en détail à l’art. Philon. Signalons seulement ici les œuvres principales où se manifestent ses idées théologiques et philosophiques :

a) Quæstiones et solutiones in Genesim et in Exodum, courte explication en forme de catéchisme des deux premiers livres de la Thora.

b) Legum allegoriæ ou Commentaire allégorique des saintes lois, qui s’occupe, en seize écrits différents, des principales questions relatives à la Genèse.

c) L’exposition systématique des lois de Moïse, en sept traités.

d) Écrits spéciaux : sur Moïse, sur les Juifs, sur la Providence, etc. L’œuvre de Philon n’est pas seulement remarquable par l’élévation des idées mais encore par la composition et le stjle.

5. Écrits apologétiques.

Par leur religion monothéiste, les Juifs formaient dans le monde grécoromain un élément hétérogène qui se heurtait partout au paganisme. Pour cette raison, la majeure partie de la littérature judéo-hellénique accuse une tendance apologétique. Mais puisque les auteurs païens les attaquaient souvent dans leurs livres, que plusieurs même composaient dans ce but des écrits spéciaux, les Juifs se préoccupèrent de réfuter directement les accusations de leurs adversaires. De ces écrits deux seulement nous sont connus : un fragment de l’apologie de Philon sur les Juifs et le livre de Josèphe contre Apion.

6. Écrits de propagande sous forme païenne.

Il faut encore nommer une dernière classe de produits littéraires des Juifs helléniques, la plus curieuse de toutes.

Ce sont des compositions juives mises en circulation comme provenant d’auteurs païens. Elles leur servaient à faire avec plus d’autorité de la propagande juive sous le masque païen. Les principaux de ces pseudépigraphes sont les passages juifs des livres sibyllins sur le messianisme. Voir plus haut.

Sous le nom du Perse Hystaspe, les écrivains chrétiens, Justin, Clément d’Alexandrie, Lactance, connaissaient un écrit juif qui annonçait la venue du fils de Dieu et son règne sur terre.

Nous connaissons aussi une poésie gnomique de deux cent trente hexamètres, attribuée au poète gnomique Phocylide qui a vécu au vie siècle avant J.-C. à Milet.et une collection de sentences, semblable aux Proverbes, attribuée au poète attique Ménandre († 290 avant J.-C).

Dans les œuvres d’Eusèbe et de Clément d’Alexandrie, nous trouvons encore des vers, attribués aux grands poètes grecs comme Sophocle, Homère, Orphée, qui sont censés faire l’éloge des Juifs et de leurs institutions. Ces falsifications remontent en partie à Hécatée d’Abdère, Juif contemporain d’Alexandre le Grand, qui composa une œuvre sur Abraham. Dans la

même catégorie, il faut placer la lettre d’Aristée sur l’origine des Septante.

I. Textes.

Sources païennes.

Elles sont réunies

dans Th. Reinach, Textes d’auteurs grecs et romains relatifs au judaïsme, Paris, 1895.

Apocrij plies.

Les textes originaux, pour autant qu’ils

sont conservés, et les plus anciennes versions sont dispersées en de nombreuses publications ; on les trouvera rassemblées en traduction allemande dans E. Kautzsch, Die Apokryphen und Pseudepigraphen des Allen Testamentes, 2 vol., Tubingue, 1900, et encore mieux, en traduction anglaise, dans II. Charles, The Apocrypha and Pseudepigraplia of ihe OUI Testament, 2 vol., Oxford, 1913.

Littérature rabbinique.

1. Mischna siue tolius Hebreeorum

juris… syslema cum clarissimorum Rabbinorum Maimonidis et Bartenoracommentariis integris., .. latinitate donavit ac notis illuslravit Guil. Surenhusius, vol. in-fol., Amsterdam, 1698-1703 ; édition du texte vocalisé avec traduction allemande de J.-M..lost, Berlin, 1832-34, 6 vol.

— 2. Tosephhi : M. S. Zuckermandel, Tase/ta nach den Er/urter mut Wiener Handschriften mit Parallelstellenuml Varianten, Pasewalk, 1880 ; Lev. Friedlander, La Tosephta, livraison Seraïm, livraison Naschim, Presbourg, 1889 et 1890. — 3. Talmud palestinien, édition de Cracovie, 1609 ; M. Schwab, Le Talmud de Jérusalem traduit pour la première fois, Paris, 1878-1889, t. n-xi ; le premier volume, paru en 1871 sous un autre titre, a été réédité en 1890 sous le titre, Le Talmud de Jér., t. i. — 1. Talmud babylonien, La meilleure édition en est celle de Wilna, 1880-1886 en 25 vol. Il n’est pas encore traduit en entier ; trois traités entre autres sont traduits dans Cgolini, Thésaurus antiquitatum sacrarum, Venise, 1755-1765, t. xix et xxv. — 5. Midraschim : Mechil’a. .kriliscli bearbeilet von J.-H. Weiss, Vienne 1865 ; Sifra, Barajtha zum Leviticus, herausgegeben von J. H. Weiss, Vienne, 1865 ; Sifra… kerausgeqclen von M. Friedmann, Vienne, 1864. Une traduction latine de ces trois Midrasch se trouve dans Ugolini, op. cit., t. xiv et xv. — 6. I argum : Targum Onkelos, herausgegeben und erlâuterl von A. Ber-Jiner, t. i-ii, Berlin, 188-1 ; le Targum de Jonathan pour les prophètes est publié par P. de Lagarde, Prophétie Chaldaice, Leipzig, 1872.

Écrivains juifs.

La seule édition critique des œuvres

de Flavius Josèphe est celle de Niese : blavii Josci>hi opéra, 6 vol., Berlin, 1887-1894 ; R. Arnaukl d’Andilly a publié une traduction française, Paris, 1667-1668, qui fut rééditée par Buchon, Paris, 1894 ; une nouvelle traduction a été entreprise sous la direction de Théod. Reinach : Oùivres complètes de Flavius Josèphe, t. i, Antiquités Judaïques, livres I-IV, traduction de Julien Weill, Paris, 1 ! 00. — La publication principale des ouvrages de Philon est toujours celle de Thom. Mangey, Philonis Judœi opéra, 2 vol., Londres, 1742. Plus critique mais encore inachevée est celle de Léopold Cohn et P. Wendland, Philonis Alexandrin/ Opéra quæ supersunt, Berlin, 1896 sq., t. vi, en 1915. — Pour les autres auteurs judéo-hellénistes, voir les références dans W. von Christ, O. Stahlin et W. Schmid, Geschichte der griechischen Lilteratur, 6e édit., t. n a, Munich, 192<>, p. 535-662 (Die hellenisiisch-jùdische Liieratur).

IL Travaux. — 1° Pour l’ensemble de la littérature juive l’ouvrage capital est E. Schiirer, Geschichte des jiidischen Volkes im Zeitaller Jesu Christi, 3e édit., Leipzig, 1. 1, 1901, p. 31-161 : § 3, Quellen ; t. iii, 1898, p. 135-542 : § 32-34, Die palestinensisch-jiidische Liieratur, die hellenistisch-jiidischc Lit., Philo ; voir aussi J. l-’elten, Neulestamentliche Zeitgeschichte, Ratisbonne, 1910, t.i, p. 3-18 : Einleitung ; p. 524620 : Die jiidische Liieratur ; W. Bousset, Die Religion des Judentums im neuleslamenllichen Zeitalter, 2e édit., Berlin, 1906, p. 6-53 : Die Quellen.

2° Sur tes apocryphes, on trouvera l’essentiel dans E. Kautzsch, op. cit. ; H. Charles, op. cit. ; W. Bousset, Die jiidische Apocalyplik, Berlin, 1903 ; P. Volz, Jiidische Eschatologie ion Daniel bis Akiba, Tubingue, 1903, p. 4-54 : i’ebersicht iïber die eschalologische Litleratur von Daniel bis Akiba ; M. J. Lagrange, Le Messianisme chez les Juifs, Paris, 1909, p. 37-50 : généralités sur les apocalypses ; P. Batiffol, Apocalypses apocryphes, dans Dictionnaire de la Bible, t. i, col. 757-767 ; Sibyllins (Oracles) : ibid., t., col. 1689-1694 ; Delaunay, Moines et Sibylles dans l’antiquité judéo-grecque, Paris, 1874.

3° Sur la littérature rabbinique consulter avant tout H. Strack, Einleitung in den Talmud und Midrasch, 5e édit., Munich, 1921 ; ensuite Zunz, Die gollesdiensUichen Vortràge L595

    1. JUDAÏSME##


JUDAÏSME. HISTOIRE POLITIQUE

159(5

(1er Juden, 2 l (dit., faite par Briill, Berlin, 1892 ; M. Bâcher, Die Agada der Tannaîten, Strasbourg, t. i, 2 édit., 1903, 1. 11, 1890 ; Lagrange, op. cit., p. 137-147 : le rabbinisme, la tradition, son caractère général ; Lesêtre, Mischna dans Diction, de la Bible, t. iii, col. 1127-1130 ; Mangenot, Targums, ibid., t. IV, col. 1595-2008.

1° Sur la littérature hellénique, Christ-Stahlin-Schmid, op. eil. : YV. l’riedlander, Geschichte (1er jùdisehen Apologetik als Vorgeschtchle i/c< Christentums, 1903. — Sur Flavius Josêphe l’excellente biographie de R. Laqueur, Der jiidisehe Jlistoriker Flavius Josephus, Ciiessen, 1920 ; Chasles, De l’autorité historique de Flavius Joséphe, Paris, 1841 ; H. Lesêtre, Josêphe, dans Dicl. de la Bible, t. iii, col. 1670-1679. — Sur I’hilon, Delaaney, Philon d’Alexandrie, écrits historiques ; influence, luttes et persécutions des Juifs dans le monde romain, 2’édit., Paris, 1880 ; 11. Lesêtre, Philon, dans Dict de / « BibL, t. v, col. 300-312.