Dictionnaire de théologie catholique/JÉSUS-CHRIST IV. Jésus-Christ et la théologie 1. Conclusions relatives à l'être même de Jésus-Christ

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 8.1 : ISAAC - JEUNEp. 645-675).

IV. JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE.

Ce titre, par lui-même trop vague, a besoin d’être précisé. Nous entendons ici la théologie dans son sens strict : il s’agit de la science des conclusions plus ou moins éloignées que la raison peut déduire du dogme. Le dogme est contenu formellement, soit explicitement soit implicitement dans la révélation ; la théologie n’est que virtuellement renfermée dans la révélation. Pour l’en faire sortir, il faut faire appel au secours d’un raisonnement. La théologie de Jésus-Christ s’efforce donc de mettre en relief les traits de la figure du Sauveur laissés dans l’ombre par les écrits inspirés, mais contenus cependant dans d’autres traits plus expressifs qu ont retenus nos auteurs sacrés. Nous considérerons surtout les vérités théologiques les plus étroitement connexes au dogme sous les trois rubriques suivantes :


I. Conclusions relatives à l’être même de Jésus-Christ. —
II. Conclusions concernant les relations du Christ et du Père(col. 1332). —
III. Le Christ considéré dans ses relations avec les hommes (col. 1345).

I. Conclusions théologiques relatives a l’être même de Jésus-Christ. —

Ces conclusions se rapportent :
1° ù la personne divine qui s’est incarnée en Jésus-Christ et, sur ce point, elles oui été suffisamment exposées soit à Hypostatique (Union), t. vii, col. 518-519, soit surtout à Incarnation, col. 15111523 ;
2° à la nature humaine, considérée dans son union au Verbe, voir Hypostatique (Union), col. 519521, ou par rapport aux perfectionnements qui doivent, en suite de l’union, rejaillir sur elle-même ; c’est le point de vue qu’il nous faudra aborder ici ;
3° à l’union même des deux natures : on n’a rien à ajouter, de ce chef, au long exposé déjà Fait, Hyposi mne (Union >, col. 190-541 ;
4° aux formules à employer pour attriquer à Jésus-Christ, Dieu et Homme, les propriétés humaines et divines : c’est la communication des idiomes voir ce mot, t. vii, col. 595-602.

La sainte Écriture, surtout par la voix de saint Paul et de saint Jean, nous a laissé entrevoir les merveilles de la constitution et de la vie intime de l’Homme-Dieu, l’ius dune fois, les Pères onl rappelé ces enseignements et formulé leur propre doctrine. Mais c’est à la théologie catholique qu’il était réservé de préciser d’une façon définitive d’une part quelles perfections d’ordre naturel et surnaturel l’union hypostatique devait apporter soit au corps soit à l’âme du Sauveur, et, en conséquence, d’autre part, quels défauts, quelles faiblesses de la nature humaine encore, en Jésus-Christ, compatibles avec une perfection (col. 1327).

I. PERFECTIONS v VTVRBLLBS i ; r 8VRJ/ATORBLLB8 DU CORPS ET DB V i mi : VI Jl 3UB-CBRI8T, — 1° Le corps du Christ. Le Christ, avant sa résurrection, était à la fois voyageur et i compréhenseur. Par

son corps, il demeurait encore dans la voie ; par l’âme, il était déjà au terme. Il ne faut donc pas songer à attribuer au corps du Christ, avant la résurrection, les qualités glorieuses que le rejaillissement naturel de la gloire de l’âme aurait dû y produire. Mais toutes les qualités nécessaires à l’intégrité et à la perfection substantielle de ce corps, Jésus les a très certainement possédées : on ne comprendrait pas que celui qui fut le chef-d’œuvre de l’Esprit Saint ait été privé d’une seule perfection physique possible au corps humain. Tous les théologiens le supposent implicitement, en parlant des défauts naturels compatibles avec la perfection de l’union hypostatique. S. Thomas. Sum. theol., III*, q. xiv, a. 4 ; les sententiaires, t. III, dist. xv, et nommément S. Bonaventure, a. 1, q. i, u ; Richard de Middletown, q. n. m ; Durand de Saint-Pourçain, q. i, cités par Suarez, De incarnatione, disp. XXX II, sert, il, n. 2. De ce principe général, les théologiens déduisent deux conclusions. — 1. Il est certain, et Suarez, toc. cit., n. 7, note l’opinion contraire comme téméraire, que le Christ n’a pu connaître, dans son corps, la maladie ou l’indisposition sous quelque forme que ce soit. On ne saurait, en effet, dans le corps de II tomme-Dieu leur assigner une cause quelconque : malformation congénitale, intempérance, influences nocives de l’atmosphère ou des saisons. Suarez, loc. cit., Slentrup, De Ycrbo incarnalo, thèse lix. — b) Il est plus probable que le corps du Christ et particulièrement son visage ont eu la beauté physique en partage. S’appuyant sur Is., lui, 2, Clément d’Alexandrie, Pœdag., t. III, c. i ; Stromat., t. III, c. xvii, P. G., t. viii, col. 558 sq., 1208 ; Tertullien, De carne Christi, c. ix, P. L., t. ii, col. 779, ont affirmé la laideur du Christ, thèse reprise par Michel Médina, S. J., De recta in Deum ftde, 1. II. c. vu et surtout François Vavasseur, S. J., De forma Christi, Paris, 1649. Petau, De incarnatione, t. X, c. v, n. 22, fait iemarquer l’extrême faiblesse de cette base scripturaire : lsaïe, en effet, ne parle que du Christ souffrant au moment de sa passion et de sa mort. La thèse contraire a pour elle la plupart des Pères et des théologiens : on cite surtout saint Augustin, saint Jérôme, saint Chrysostomc, saint Bernard. Voir la réfutation de Vavasseur dans Stenlrup. op. cit., thèses i.x-i.xi. Cf. Janssens, Summa theologica, t. iv, Fribourg-cn-Brisgau, 1901, De speciosa forma corporis Christi, appendice, p. 505-520. L’opinion de saint Thomas est nettement formulée dans son commentaire In ps. vL/i, n. 2, Opéra, Parme, t. xiv, [). 32(i. Cf. s. Bonaventure, In IV Sent., 1. III. dist. XV a. 2 ; Suarez, De incarnatione, disp. XXXII, sert. n. n. 2-4 ; Salmanliccnscs, De incarnatione, disp. XXIV, n. Il ; Legrand, De incarnatione Verbi dii>ir)i, t. IX, c. ii, a. 5. concl 3. dans Migne, Cursus tlwologicus, t. i. Cf. Pesch, De Vcrbo incarnalo, n. 233 ; voir ci-dessus, col. 1 153.

Au sujet de la formation du corps du Christ, les anciens scolasliques. abandonnant leur théorie de l’animation médiate, voir ANIMATION, t. i, col. 1305 sq. affirment que le corps du Christ a été formé et animé dans le premier instant de sa conception. S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. xxxiii, a. 1, 2. H est difficile, en effet, de ne pas en arriver à cette conclusion, si l’on accepte le dogme : Qui conceptus est de Spiritu sancto. Si Jésus n’avait pas été complet, parfait, comme homme, des le premier instant de sa conception, on ne pourrait, en toute vérité, le dire conçu du Saint-Esprit. Noir les Sententiaircs, I. III, dist. IIP Mais cette dérogation aux lois de la nature s’explique avec beaucoup de difficultés (dans l’hypol liése de l’animation normalement médiate). Cf. Suarez. De mi/steriis vitw Christi, disp. XI. sert, i. u. Dans l’hypothèse de l’animation Immédiate, il n’a aucune difficulté. Voir

AlNIM TlnN, col. 1319.

1273 JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. SAINTETÉ Dl CHRIST 1274

L’Ame du Christ.

Les théologiens n’ont rien pu

ajouter aux données de l’évangile relativement aux perfections naturelles de l’ftme du Christ. Noir col. 1156 sq. Ils se sont elTorcés de synthétiser la doctrine catholique relativement à la science et à la sainteté de Jésus-Christ.

1. Science humaine de Jésus-Christ.

La question de la Science du Christ devant être traitée dans un article spécial, nous n’en rappellerons ici que les conclusions admises par les théologiens et nécessaires à l’intelligence des termes du problème relatif a la sainteté et à l’obéissance du Christ. La question de la science du Christ avait été agitée par les Pères, contre les ariens, à partir du ive siècle, à cause de Marc, xiii, 32 et de Luc, ii, 52. Voir col. 1259 sq.. Les principes de solution avaient été formulés par saint Jean Chrysostome, saint Augustin et plus tard Euloge, explicitement approuvé par saint Grégoire le Grand. Les scolastiques s’emparent de ces données traditionnelles et les systématisent. Le Verbe de Dieu a dû prendre, en s’incarnant, une humanité qui possédât toutes les perfections convenant à l’humanité, excepté celles qui seraient contraires à la fin de l’incarnation, par exemple la personnalité humaine, l’exemption de la souffrance et de la mort. Cf. S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. v, a. 1-4. Il faut donc, en conséquence, distinguer en Jésus-Christ deux sciences, l’une qu’il possède comme Dieu et qui est infinie ; l’autre qu’il possède comme homme et qui n’est que la perfection due à son intelligence humaine, q. ix, a. 1. Quelle est donc la perfection due à l’intelligence humaine du Christ ?

a) Le Christ homme est à la fois au terme et dans la voie, q. xv, a. 10. Comme compréhenseur, il doit posséder la connaissance de vision intuitive. Il reçut donc la vision béatifique d’une façon plus parfaite que n’importe quelle créature, parce qu’uni plus intimement au Verbe lui-même, q. x, a. 4, et il la reçut dès sa conception, q. xxxiv, a. 4. Cf. Suarez, De incarnatione, disp. XXV, sect i, n. 4. L’objet de la science que le Christ a ainsi possédée en raison de la vision intuitive n’est pas infini : l’intelligence humaine du Christ ne peut « comprendre » Dieu, qui est infini, parce qu’elle-même, étant une créature, est nécessairement finie. S. Thomas, Sum. theol., III 1, q. x, a. 1 ; Suarez, op. cit., disp. XXVI. Le concile de Bâle (1435) a d’ailleurs censuré, dans un livre d’Augustin de Rome, la proposition suivante : Anima Christi videt Deum tam clare et intense quantum clare et intense Deus videt seipsum. Cf. Intuitive (Vision), t. vii, col. 2381. Mais la science de Jésus s’étend très certainement, quant à son objet secondaire, voir Intuitive (Vision), col. 2386, à tout ce qui intéresse l’incarnation. Or le Verbe incarné est le chef de tous les hommes et même des anges ; il doit être le juge souverain de toutes les créatures responsables : il faut donc que la science bienheureuse qu’il possède en vertu de la vision intuitive s’étende à tout ce qui est, a été ou sera fait, dit ou même pensé par les créatures raisonnables et dans tous les temps. S. Thomas, Sum. theol., III q. x, a. 2. D’un mot, les théologiens résument l’étendue de cet objet en disant que, par sa science bienheureuse, le Christ connaît tout ce que Dieu lui-même connaît par sa science de vision. Suarez. loc. cit., sect. iv. Sur la science divine de vision, voir Science de Dieu. Ces conclusions, au moins théologiquement certaines, et quant à l’existence et quant à l’étendue de la science bienheureuse de l’âme du Christ, cf. Suarez, De incarnalione, disp. XXIV. ^ect. i, ont été confirmées par le décret du Saint-Office du 7 juin 1018 Cavallera, Thesaur. , n. 778 ; Hugon, Le décret du Saint-Office louchant la science de l’âme du Christ, dans la Revue thomiste, avril-juin 1018, p. 105-110. b) Ln dehors de cette science bienheureuse, en tous points surnaturelle, on

doit accorder à l’âme du Christ, parce que cette âme est parvenue à l’état du tenue, même dès le premier Instant tic son existence, la science propre aux âmes arrivées à ce terme. Cette science est la science essentiellement infuse, per se infusa, c’est-à-dire infuse en raison même de l’étal de terme et du mode de connaissance qu’implique cet état. Sur ce mode de connaissance, qui se fait par conversion de l’intelligence aux espèces infuses, voir Anqélolooie d’après les Scolastiques, t. i, col. 1232-1235 et Hugon. l’Etat des âmes séparées, c m-iv, dans Réponses théologiques à quelques questions d’actualité, Paris, 1908, p. 230-253. La plupart des théologiens accordent au Christ cette science infuse per se. S. Thomas, Sum. theol., III 1, q. xi, et ses commentateurs. Il n’est pas même vraisemblable que les rares théologiens Scot, saint Bonaventure, quelques nominalistes, qu’on a coutume d’inscrire en faux contre l’opinion thomiste, aient en realité accusé une vraie divergence avec saint Thomas, quant à la question de l’existence de la science infuse. Voir Ch. Pesch, op. cit., n. 263. Les divergences portent plutôt sur l’objet de cette science et son étendue. Id. n. 265. On trouvera dans Suarez, op. cit., disp. XXVII-XXVIII, un bon exposé de la question. Faut-il aussi accorder au Christ une science infuse accidentellement, per accidens infusa, c’est-à-dire, immédiatement reçue de Dieu, mais se substituant purement et simplement à la science acquise encore inexistante et dont elle emprunte le mode de connaissance ? Saint Thomas ne l’accepte point, Sum. theol, . IIP, q. ix, a. 4, ni les commentateurs thomistes. Voir aussi Vasquez, De incarnalione, disp. XLV, c. n. Suarez estime cette opinion probable, car le Christ n’a pu être inférieur à Adam, op. cit., disp. XXX, sect. ii, n. 1, 2 sq.De Lugo estime que cette connaissance accidentellement infuse a été confiée au Christ non dès le principe.puisqu’elle lui aurait été alors inutile, mais successivement au fur et à mesure des circonstances. De incarnalione, disp. XXI, sect. i. En tout cela, il n’y a rien que des conjectures plus ou moins probables, et l’existence même d’une science infuse dans l’âme de Jésus-Christ, considérée indépendamment de toutes les modalités théologiques, ne peut se déduire avec certitude du dogme de l’union hypostatique. Cf. Suarez, disp. XXV. sect. iii, n. 3. — c) Enfin, le Christ, comme nous, a possédé la science expérimentale ou acquise, susceptible de vrai progrès, et par laquelle le Christ élaborait, selon les lois de l’intelligence humaine à l’état de voie, des données sensibles acquises par l’expérience, les idées représentatives du monde matériel. S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. ix, a. 4. Ainsi le Sauveur acquit la connaissance de tout ce qu’un homme de son époque pouvait expérimentalement apprendre, q. xii. a. 1 ; il l’acquit par ses propres efforts, sans le secours des hommes, id., a. 3, ou des anges et très facilement. id., a. 4. Saint Thomas avait nié la nécessité, dans l’âme du Christ, des espèces impresses formées au cours de l’expérience sensible par l’intellect agent, In I’Sent., t. III, dist. XIV, q. i, a. 3, q. v, ad 3 ; il l’admet pleinement dans la Somme théologique, loc. cit., a. 2. D’ailleurs, la science acquise du Christ a toujours été conforme à ce que, vu les circonstances, il était convenable qu’il sût ; nonobstant son développement progressif et continu, elle a donc toujours été. relative ment à cette convenance, parfaite. L’existence de la science expérimentale dans le Christ est tnéologtqac ment certaine.

2. La sainteté du Christ.

Ce couii aperçu sur la théologie de la science de l’âme du Christ sera déve loppé a Science do Christ ; mais il (’tait nécessaire de le produire ici afin de nous permettre de mieux comprendre ce que fui la sainteté de lame du Christ avons déjà vu que cette sainteté est attestée |’" 127 :. JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. SAINTETÉ 1)1 CHRIST L276

les synoptiques, col. 1158, par saint Paul, col. 1235 el par saint Jean, col. 1243 ; qu’elle est proclamée par les Pères de l’Église, col. 1218, 1258. etc. Les théologiens scolastiques n’ignorent pas ces preuves positives et c’est sur elles qu’ils fondent la certitude de quelques-unes de leurs thèses, bien qu’il n’y ait, à leur sujet, aucune déclaration authentique de l’Église.

a) Le problème théologique de la sainteté de Jésus-Christ : sainteté substantielle incréée, sainteté accidentelle créée. - La sainteté qui comporte l’union, la conjonction avec Dieu, d’une façon ferme et stable, voir Sum. theol., II « II », q. i.xxxi, a. 8, ne se trouve pas réalisée de la même façon dans les différents êtres qui en sont susceptibles. En Dieu, cette sainteté est essentielle : l’union est réalisée par l’identité, et la stabilité de l’union se confond avec l’acte pur. Dans l’ange ou dans l’homme, la sainteté, tout en affectant la substance de l’esprit, est accidentelle et résulte Formellement de la grâce sanctifiante, principe créé qui les rend participants de la nature divine et capables d’opérer surnaturelleinent. Mais, en Jésus-Christ, en qui l’unité de personne renferme, unies en une conjonction étroite, la divinité et l’humanité, quel est le principe formel de la sainteté ? On le voit, il ne s’agit pas d’expliquer la sainteté essentielle au Verbe comme tel ; ce point est étranger à la présente controverse. Mais on considère uniquement la sainteté humaine en Jésus-Christ, sainteté explicitement affirmée par l’Écriture, Luc, i, 35 ; Joa., x, 36 ; Act., iii, 14, et qu’il faut absolument reconnaître en celui qui, étant le médiateur de Dieu et des hommes, I Tira., n. 5. doit communiquer à tous de la plénitude de sa sainteté. Joa., i, 16. Et on se demande si l’humanité du Christ a été sanctifiée par le seul fait de l’union hypostatique, d’une. sainteté incréée, ou bien si la grâce habituelle, infuse et créée — que cette humanité a d’ailleurs très réellement possédée, a été nécessaire à sa sanctification.

La controverse est propiement théologique et bien postérieure a saint Thomas qui ne l’a point envisagée directement. Et, en réalité, une simple remarque suffirait à mettre d’accord entre eux les théologiens. Si la sainteté n’était en Jésus qu’un principe des opérations surnaturelles de l’union à Dieu par la connaissance et par l’amour, on devrait affirmer qu’elle résulte nécessairement et uniquement de la grâce habituelle, infuse et créée. C’est à ce point de vue que certaines scotistes se sont placés pour affirmer une thèse peu acceptée des autres docteurs catholiques. Mais, en Jésus-Christ, la sainteté est, avant tout, un état, l’humanité du Sauveur étant indissolublement et substantiellement unie à la divinité. De même que cette union est substantiellement surnaturelle, voir Hypostatique (Union), col. 532, de même la sainteté qu’elle implique est une sainteté substantielle, logiquement antérieure a la sainteté des opérations surnaturelles issues de la grâce créée et des vertus qui en dérivent.

b) Sainteté substantielle incréée. a. Problème principal. L’union hypostatique est le plus parfait des dons que I)ien puisse faire â une créature : elle est une union qui dépasse toute aulie union. HYPOSTATIQUE (Union), col. 532-53 1. Toutefois, nous L’avons déjà fait observer, ce serait s’arrêter â une conception trop étroite que de considérer l’union hypostatique séparément de la vision béatilique, de la grâce sanctifiante, de la gloire qui en est le complément et le couronnement nécessaire. C’est pour s’être arrêté â cette hop subtile distinction que Durand de Saint l’ourçain et

les scot istes en général on1 nié la sainteté substantielle

Incréée de Noire seigneur. Durand de Saint-Pourçain’arrêtant a l’hypothèse d’une nature humaine., dé

pourvue de grâce sanctifiante, mais unie hj postatique ment à la divinité, allirme que cette nature humaine, nonobstant l’union hypostatique, eut été faillible et aurait pu pécher. In IV Sent., t. III, dist. xii, q. n. u. 7. D’autres théologiens, dans la même hypothèse, refusent au Christ la puissance de mériter. Pierre de la Palu, P<L, dist. XIII, q. n ; Didace Alvarez, In ///>" » partem Sum. theol., q. vii, a. 1, disp. XXXI, n. 18. Toute une école, à laquelle on voudrait rattacher saint Bonaventure, prétend que la grâce sanctifiante créée est nécessaire comme condition logiquement préalable â l’union hypostatique. Voir ce mot, col. 529. Toutes ces opinions, sous une forme ou sous une autre, proclament la nécessité de la grâce sanctifiante pour que le Christ puisse agir saintement. Nous avons indiqué tout à l’heure comment l’aspect de l’opération surnaturelle dans la sainteté du Christ justifie ces assertions.

Une seconde opinion, qui est à proprement parler celle de l’école scotiste, affirme que l’union hypostatique sanctifie l’humanité du Christ, non formellement, niais fondamentalement, en ce sens qu’elle est la source, la racine de la sainteté en Jésus. Elle n’est pas par elle-même la justice, mais elle produit nécessairement la grâce habituelle créée qui devient la forme même de la sanctification. Cf. Mastrius, De incarnatione, disp. II, q. i, n. 16 ; Ilenno, id., disp. XIV, q. 1.

Les thomistes et. en général, la plupart des théologiens catholiques estiment que ce n’est pas assez dire. L’union hypostatique, d’après une troisième opinion, reçue de presque tous, sanctifie formellement, c’est-âdire immédiatement, par elle-même, directement et non seulement par une exigence physique ou morale de la grâce habituelle, l’humanité de Jésus-Christ. Cette explication du terme formellement est ici nécessaire pour éliminer de notre esprit la conception d’une forme inhérente à l’âme de Jésus-Christ (principium quo), par laquelle cette âme serait sanctifiée. Le principe de la sanctification substantielle du Chiist est le Verbe lui-même uni immédiatement à l’humanité (principium quod). Voir Salmanticenses, De incarnatione, disp. XII, dub. i, § 3, n. 16 ; Gonet, De incarnatione, disp. XI, a. l, n.8 ; Hugon, /> Verbo incarnalo, Paris, 1920, p. 144. Cette sanctification de l’humanité est comme un sacre, une onction qui fait du Christhonimc. même antérieurement â la possession de la grâce sanctifiante (antériorité purement logique) l’objet des complaisances de Dieu. Voir, dans l’école thomiste, Médina, In III’m p. Sum. S. Thomæ q. vii, a. 1, dub. 2 ; Jean de s. Thomas, De incarnations, disp. VIII, a. 1, concl. 1 et 2 : Godoy, id., disp. XXI, n. 4 ; Gonet, id., disp. XI, a. 1 ; D. Soto, In IV Sent.. t. IV, disp. N1X. q. i, a. 2 ; De mdura et ijratia, t. III, c. vi ; BiUuart, De incarnatione, dissert. VIII, a. l ; en dehors de l’école thomiste, les plus grands théologiens de la compagnie de Jésus, unanimement, Suarez, De incarnatione, disp. XVIII, sect. i, n. 3 : Grégoire de Valencia, id., disp. i, q. vii, punct. l : Vasquez, id., disp. |.|, c. m ; De Lugo, id., dis]). XVI, n. 2 : et de nos jours, llugon. op. cit., q. v, a. 1 : Le nu/stère de l’incarnation, Paris. 1913, [V « partie, c. i : Stentrup, <ip. cit., th. i.x.wir ; Franzélin, DeVerbo incarnalo, th. xi. i ; Ch. Pcsch, De Verbo tncarnato, prop. xxii ; limier, Theologia dogmatica, n. 584 sq.. etc. Ces théologiens ne prétendent pas, pour autant, supprimer la nécessité de la grâce sanctifiante dans l’âme du Christ comme principe des opérations surnaturelles. La sain teté substantielle du Christ regarde l’étal de l’humanité unie â la divinité et non directement ses opéra-I ions.

Ces explications données, il n’est point difficile de

montrer comment l’opinion communément admise est fondée en autorité el en raison. En autorité tout d’abord. La sainte Écriture atteste que le Christ a reçu 12 ;

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JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. SAINTETÉ 1)1 CHRIST L278

une onction singulière entre toutes, et tellement exceptionnelle qu’il en a pris son nom, yp’.OTÔ-, l’Oint. Il Cor., i. 21, 22 ; I Joa., ii, 20, 27 ; ci. Ps. xliv, 8 ; Is. i.xi. 1 : LUC, iv. 18 ; Act., iv. 27 :. 38 On pourrait à la rigueur entendre cette onction île la grâce sanctifiante, mais où serait alors la pleine signification des textes, qui comporte une différence radicale, essentielle entre l’onction de Jésus-Christ et l’onction des justes ? Les Pires expliquent que telle onction est la divinité elle-même s’unissant à l’humanité, soit qu’il s’agisse de la cause active de l’union hypostatique.par exemple S. Irénee. Cont. Hteres., 1. III. c. xviii. n. 3, P. G.. t. vu. col. 924 ; S. Cyrille d’Alexandrie. In Joa.. 1. XI. c. P. G., t. i.xxiv. col. 542 (on peut aussi entendre l’onction désignée dans ces textes de la grâce habituelle créée, cf. Franzelin, th. xii. g 1, n. 2 ; Pesch, n. 283) ; soit surtout qu’il s’agisse du Verbe s’unissant immédiatement à l’homme, par ex. S.Grégoire île Nazianze, Oral., xxx. n. 21. P. G., I. xxxvi, col. 131 ; S. Jean Damascène, De fuie orthodoxa, t. III, c. m ; Oral. I de imag., tin. P. (, ’.. t. xerv, col. 990. 1249 ; S. Augustin. De Trinitate, t. XV, c. xxvi, P. I… t. xi.u. col. 1093-1094 ; S. Grégoire le Grand, EpisL, t. XI, i.xvii. P. L.. t. i. xxvii. col. 1208 ; etc. Voir les textes dans Pesch. n. 282-283 ; Hugon. Le mystère de l’incarnation, p. 210-211. et surtout Petau, De incarnatione. 1. XI. c. vii-ix. Stentrup. th. lxxvii, part. n. Le concile de Francfort (785) contient également une déclaration expresse : Christus NATUBA unctus. non per gratiam. quia in illo plene fuit divinitas, Epist. ad episc. Hisp.. P. L., t. xcviii, col. 377. « De tous ces témoignages de la tradition se dégage une conclusion doctrinale dont il est utile de faire ressortir l’importance. Le Sauveur est oint par l’union hypostatique, par le don même de la personne du Verbe. Or, dans le langage sacré, i oint » et i christ » désignent celui qui est l’objet des complaisances divines, qui possède la vraie sainteté, cette justice intérieure, seule beauté qui plaît à Dieu. Telle est donc la portée de nos textes : les auties justes sont agréables au Seigneur, saints, par la consécration accidentelle de la grâce créée, le Christ, par la consécration substantielle de la divinité. Pour nos docteurs, en elïct, la sainteté consiste dans l’union avec Dieu : les justes n’ont qu’une sainteté accidentelle, parce que leur union avec la divinité, reste toujours accidentelle et participée ; le Christ, au contraire, parce qu’il est Dieu substantiellement, est saint d’une sainteté substantielle et infinie. » Hugon, op. i it., p. 211-212. L’opinion de S. Thomas, favorable à la thèse communément admise, est bien exposée et discutée par les Salmantieenses, De incarnatione, disp. XII. dub. ii, n. 6-9. On la déduit de Sum. theol., IIP, q. vu. a. 1 ; q. xxii. a. 2 ; Compendium theologiæ, c. ccxiv : In IV Sent.. t. III, dist. XIII, q. i, a. 1, ad 5 UI " : De veritate, q. xxix, a. 1 ; In Joannis evangelium. c. i. lect. viii, etc.

La raison théologique, ensuite, nous amène à la même conclusion : Sanctifier une âme, c’est l’unir à Dieu, le lui rendre agréable, la soustraire au péché, lui conférer la filiation divine au moins adoptive ; la grâce sanctifiante fait tout cela, en nous rendant participant de la nature divine. Voir GRACE, t. vi, col. 1612-1615. Mais « l’union hypostatique fait tout cela et plus que tout cela. Elle rive l’humanité a Dieu par une étreinte si forte qu’il en resuite une seule personne, ("est l’être divin que le Christ reçoit et non plus une participation créée. En vertu de ce lien, Jésus mérite le titre d’enfant, bien mieux que tous lesjustes, par la grâce habituelle : il est le Fils propre de Dieu ; la grâce ne fait que des fils adoptifs. Enfin l’union hypostatique exclut et le péché et la puissance même de [lécher, car elle exige que toutes les actions appartiennent à la personne même du Verbe, selon le prin cipe : Aetiones sunt suppositorum. Le péché, dès lors, serait imputable au suppôt divin. Il répugne absolument que l’ombre du mal effleure cette humanité radieuse et Immaculée que le Verbe vient gouverner. Ainsi, la grâce d’union est à elle seule un pouvoir éminent de sanctification, elle atteint toutes les profondeurs de sa nature humaine, les pénètre de cette onction joyeuse qui fait de Jésus le plus beau des enfants des hommes. » Hugon, Marie, pleine de i/râce, Paris, 1921, p. 72-7 :  ;. Cf. Monsabré. Exposition du dogme catholique, 10e conférence ; Sehwalm, O. P., Le Christ d’après saint Thomas d’Aquin, Paris, 1910, p. 60-65.

b. Problèmes subsidiaires. Sur cette vérité fondamentale et incontestable se sont greffés, grâce à la trop ingénieuse subtilité des théologiens, un certain nombre de problèmes purement scolastiques. Xous les allons énumérer brièvement, en indiquant les solutions diverses qui y ont été apportées. — y.) Les premières discussions ont trait au principe propre de la sanctification substantielle incréée du Christ, ce que les théologiens en appellent la « raison formelle >. Il s’agit ici du principium quo ; voir ci-dessus. La question est posée â l’occasion des théologiens qui, comme Suarez, tout en admettant que l’union hypostatique est une union immédiate, « prétendent que la nature humaine ne peut être unie au Verbe sans y être disposée par un mode substantiel qui lui enlève son indifférence par rapport à l’union et soit le terme de l’action de la Trinité dans l’incarnation. » Voir Hypostatique (Union), col. 530, et Incarnation, col. 1524-1526. — a. Il n’y a pas de doute, disent la plupart des théologiens, que ce mode substantiel créé et fini, ne peut être le principe formel de la sanctification substantielle du Chiist. C’est l’opinion des thomistes en général et particulièrement de Jean de Saint-Thomas, De incarnatione. disp. III, a. 1 ; de Gonet, id., disp. XI, a. 2, n. 25 ; des Salmantieenses, id., disp. XII, club, ii, § 1, n. 26 ; Billuart, loc. cit., § 2, auxquels il faut ajouter Vasquez, id., disp. XLI, c. iv ; De Lugo, id., disp. XVI, sect. ii, n. 18 ; Becanus, id., c. viii, q. 1, contre Suarez, qui semble abandonner disput. LI II, sect. iii, l’opinion commune qu’il avait cependant admise, disp. XVIII, sect. m. — (3. Est-ce la personnalité propre du Verbe considérée comme virtuellement distincte de la divinité, qui serait cette raison formelle de la sanctification substantielle du Christ ? La plupart des thomistes, avec Gonet, loc. cit., n. 28, les Salmantieenses, dub. ut. S 1, n. 34 ; Godoy, De Incarnatione, disp. XXXI, § 5, n. 118, Billuart, loc. cit., répondent négativement, et leur opinion est partagée par Vasquez, op. cit., disp. XLI, c iv. Par contre, Jean de Saint-Thomas, op. cit., disp. VIII, a. 1, concl. 3 ; Grégoire de Valencia, /n ///"" p. Sum. S. Thomse, q. vii, punct. 5 ; De Lugo, op. cit., disp. XVI, sect. ii, concl. 2, considèrent que la personnalité du Verbe, comme tellee ! dans ce qui la distingue de la divinité, est le principe même de la sanctification substantielle de l’humanité du Christ. Toutefois, De LugO assurant que cette sanctification se fait par la divinité que contient la personnalité du Verbe, semble se rapprocher, de l’opinion thomiste qu’on va exposer. — y. ("est, en réalité, la divinité comme telle, virtuellement distincte de la personnalité

du Verbe, niais contenue en elle qui est la raison formelle de cette sanctification substantielle. A part Jean de SaintThomas, les grands thomistes soutiennent cet le doctrine, Salmantieenses, ’< « . cit., dub. iv ; ( îonel. P". cit., n. 31 ; Billuart, loc. cit. I)< Lugo, qui sciât tache verbalement a l’opinion précédente, pourrait

être compté parmi les partisans de cette opinion, la

personnalité du Verbe n’étant pour lui que le moyen par lequel la divinité sanctifie substantiellement 1279 JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. SAINTETÉ DU CHRIST 1280

l’humanité en Jésus-Christ. P) La sanctification substantielle de l’humanité du Christ est-elle d’ordre physique ou moral ? S’est-elle produite par une simple influence morale de la divinité sur l’humanité, ou par une sorte de communication physique, la divinité s’unissant physiquement à l’humanité par mode de terme ? voir Incarnation, col. 1519. L’influence purement morale est défendue par Suarez, disp. LUI, sect. m ; Vasquez, dist. XLI, c. iv ; Godoy, disp. XI, § 10, n. 243 et quelques autres. La communication physique est affirmée avec force par Jean de Saint-Thomas, disp. VIII, a. 1, et la plupart des thomistes ; cf. Gonet, loc. cit., n. 55 sq. Les Salmanticenses adoptent une opinion moyenne, loc. cit., dub. iv, $ 3 : d’une part, certains effets de la sanctification substantielle s’expliquent suffisamment par la simple influence morale ; d’autie part, certains effets supposent absolument la communication physique : c’est ainsi seulement qu’on peut s’expliquer comment l’humanité en Jésus-Christ est l’objet très spécial d’un amour particulier de Dieu, n. 57 sq. Mais l’humanité du Christ n’est pas pour autant aimée de Dieu comme la divinité qui la sanctifie, § 4, n. 67. — y) La sanctification de l’humanité par la divinité doit elle être dite infinie ? Non, répond De Lugo, disp. XVI, sect. iii, qui semble ici contredire saint Thomas, Sum. theol., III’, q. xlviii, a. 2, ad 3. affirmant que l’humanité, « devenant la chair d’un Dieu, en retire une dignité infinie. » Cf. I », q. xxv, a. 6, ad 4. Cf. Pesch, n. 288. Les Salmanticenses, conséquents avec leurs solutions précédentes, admettent que la sanctification du Christ physiquement finie est infinie moralement, § 4, n. 66. On trouve une solution analogue dans Suarez, disp. XXII, sect. i, n. 13. Les thomistes, cependant, admettent généralement que la grâce d’union doit être dite simpliciter infinila. Cf. Hugon, De Verbo incarnato, p. 172. Stentrup, th. i.xxviii, déclare la sainteté substantielle du Christ infinila in génère sunclipcationis participatif, mais elle ne saurait être dite simpliciter infinila. Cf. Pesch, n. 28C. Ce dernier auteur fait une remarque opportune, n. 287 : « bien que la sainteté [substantielle] concerne prochainement l’âme, la chair du Christ est sanctifiée, elle aussi, par l’union hypostatique. La chair du Christ, en effet, est spécialement consacrée à Dieu et en raison de cette union elle est digne d’une souveraine vénération, incapable d’aucune tache morale ; elle a droit à la béatitude ; elle est remplie de vertu sanctificatrice. » Cf. Suarez, disp. XVIII, sect. i, n. 12. Sur tous ces points, pour li partie positive, on consultera Petau, De incainatione, I. XI, c v-ix.

c) Sainteté accidentelle créée. - La sainteté accidentelle créée de l’humanité du Christ comprend [a grâce habituelle et son cortège inséparable, les vertus infuses et les dons du Saint-Esprit. On peut également se demander si Jésus, dans son humanité, a ressenti l’influence de la grâce actuelle et que] était l’objet de cette influence. — a. La grâce habituelle créée. — a) Existence. — Les théologiens appuient leur thèse de l’existence d’une grâce habituelle créée en Jésus-Christ : Sur la sainte Écriture. Is., xi, 2 ; cf. Matth., xii, 18 ; Joa., i, 32-33 : l’inhabilation du Saint-Esprit, la possession des dons de l’Esprit Saint supposent la grâce habituelle. Coloss., i, 18-19 où la plénitude signisignifle la grâce créée. Luc, i, 15 ; ii, 10 : Act., VI, 8 ; ii encore Luc, ii, 52 ; Joa., i, 14-17, où la grâce est attribuée explicitement à Jésus Christ ; — sur lu tradition : non seulement les Pères reconnaissent la sain teté de Jésus-Christ, mais interprétant Joa.. i. M. ils entendent ce texte de la grâce créée. Cf. S. Anibroise, l><- Splriiu sancto, I. I, c. viii, ix, P. /… t. xvx, col. 755 759 ; s. Athanase, Contra arianos, orat. i. n. 46, PG., t. kxvi, col. 107 ; s. Augustin, De Tri nilate, t. XV, c. xxvi, n. 4, P. L., t. XLn, col. 1093 ; S. Jean Chrysostome, In ps. xliv, n. 2, P. G., t. lv, col. 186 ; S. Cyrille d’Alexandrie, De Trinitate dial., vi, P. G., t. lxxv, col. 1018 ; S. Bernard, Homil. IV super « Missus est », n. 5, P. L., t. cxxxxiii, col. 82. On lira surtout le commentaire de saint Jérôme, In Is., t. IV, c. xr, P. G., t. xxjv, col. 147 sq. ; — sur la raison théologique. Cette raison, d’après saint Thomas, Sum. theol., III », q. vii, a. 1 est triple. — A un double titre personnel, Jésus doit posséder la grâce sanctifiante créée. Tout d’abord la sainteté substantielle de la grâce d’union ne serait pas complète si elle n’impliquait pas, comme son couronnement, la sainteté accidentelle de la grâce habituelle. La grâce d’union ne supprime pas la distinction des deux natures. Or la nature humaine, sans la grâce sanctifiante, n’est pas encore « déiforme » ; il faut qu’elle participe à la nature divine par la grâce habituelle Et à ce sujet, il faut observer, avec le cardinal Billot. loc. cit., ad l" iii, que l’effet formel de la grâce sanctifiante n’est pas de conférer la filiation adoptive, mais de rendre l’âme participante à la nature divine, ce qui implique, dans les êtres qui en sont capables, la filiation adoptive. Or, en Jésus-Christ homme, cette filiation est impossible. Voir t. i, col. 409. - De plus, la nature humaine du Christ doit produire « connaturellement » des actes surnaturels ; or, sans la grâce habituelle, le Christ n’aurait pas possédé le principe « connaturel » des opérations surnaturelles, le deuxième argument se présente, sous la plume des théologiens, sous deux autres aspects. Le Christ a dû mériter de condigno ; voir plus loin, col. 1325. Or le mérite était impossible, tout au moins d’après les lois ordinaires de la providence (de potentia ordinala, disent les théologiens ) sans la grâce sanctifiante. Cf. Gonet, disp. XII. a. 2, § 1, n. 36-37. L’autre aspect est fourni par saint Thomas lui-même, ad 2um : l’homme qu’est Jésus-Christ est le Fils naturel de Dieu et comme tel doit avoir en partage l’héritage divin, c’est-à-dire la jouissance du bien infini qui est Dieu lui-même. Mais pour arriver à cette jouissance, vision béatifique et ses conséquences, la grâce habituelle est nécessaire, comme le dit l’angélique docteur, De verilale, q. xxix. a. 1. Enfin, à un titre qui nous est commun avec lui, Notre Sauveur devait, comme Sauveur, être constitué dans son humanité tel que l’exigeait l’ordre de notre salut. « Jésus est le chef du genre humain, le médiateur nécessaire entre Dieu et les hommes. Comme la tête doit posséder des énergies propres pour imprimer aux membres le mouvement et l’activité, ainsi faut il que le Christ porte en lui-même et au suprême degré cette vie intense du surnaturel qu’il vient donner aux autres : ni vitam habeant et abundantius habeant, Joa., x, 10. » Hugon, Le nujstère de l’Incarnation, p. 217. Seul parmi les théologiens de marque, Vasque/, rejette la première des trois raisons théologiques apportées pour justifier l’existence en Jésus de la grâce habituelle, De incarnationc, disp. XI. I. c. i, rv-v. Voir, pour l’ensemble de la thèse catholique, S. Thomas, Sum, theol., IIP, q. vii, a. 1 et les commentateurs : notamment Gonet, disp. XII, surtout a. 2 ; Salmanti censés, disp. XIII, dub. i ; SuareL. disp. XVI II, sect. i. et, paimi les auteurs plus récents ou contemporains. Stenlrup, De Xerbo incarnato, part. I, th. î.xxx : Franzelln, /<L. th. xli ; Ch. Pesch, De Verbo incarnato, prop. xxiii : Billot, id., th. xvi ; Hugon, td., q. v, a. 2 : Monsabré, conférence citée.

3) Certitude de l’existence d’une grâce créée dans l’unie île Jésus-Christ. Pierre de la Palu, In 1 V Sent.. t. III, dist. X I 1 1, q. ii, rapporte que certains théologiens de son époque (xrv 6 siècle) estimaient inutile dans l’âme de Jésus-Christ la grâce sanctifiante créée, parce (pula sanctification substantielle y rend superflu 282

cette sanctification accidentelle. Nous avons mi que la raison est mauvaise. Aussi tous les commentateurs de saint Thomas et tons les théologiens en général proposent la doctrine contraire au moins comme une doctrine (heologiquement certaine. Suarez veut qu’elle soit de foi, disp. XV 1 1 1, sect. u. ii, .">..Mais on considère plus communément que la thèse des t néologiens catholiques est théologiquement certaine ou, au plus, proche de la foi. Voir les Sahnanticcnses, disp. XIII, dnb. i. n. S ; Mastrius, De incarnalione, disp. II, q. i, n. 1 ; D. Alvarez. In ///, m p. Sum. S. Thomæ, q. vii, a. 1. n. 3, immédiatement avant la dis]). XXXI. Ces théologiens considèrent la thèse opposée non seulement comme improbable, mais comme erronée. Vasquez, disp. XLI, c. i, n. 1 et De Lugo, disp. XVI, sect. v, n. 91, tout en admettant la certitude de la doctrine communément admise, se refus nt à noter d’erreur l’opinion contraire. Au fond, la note de certitude théologique avec, pour l’opinion contraire, celle d’erreur théologique, représente la véritable norme. La thèse de l’existence d’une grâce créée en Jésus-Christ n’est pas si explicitement contenue dans l’Écriture et la tradition qu’elle n’ait besoin, pour être démontrée, d’un certain raisonnement. Aucune définition de l’Église ne la vient corroborer, et la déduction légitime qu’on peut tirer. > n sa faveur, de la condamnation, par le concile de Sens, de la 11e proposition d’Abélard, ne saurait lui conférer la certitude de la foi. Denzinger-Banmvart. n. 378.

y) Connexion entre la grâce d’union et la grâce habituelle créée, dans le Christ. — La grâce habituelle ne saurai ! être conçue, dans l’âme du Christ, comme une disposition à la grâce d’union. Voir Hypostatioii : (Union), col. 529. Elle en est plutôt l’effet et la résultante : cf. S. Thomas, Compendium theologiæ, c. ccxrv. L’union exige la grâce sanctifiante, et, en ce sens, on peut appeler cette dernière une propriété naturelle de l’union hypostatique. Cf. Sum. theol., IIP, q. vii, a. 13, ail 3 : m. Toutefois la presque totalité des théologiens catholiques est d’accord pour affirmer que la grâce sanctifiante suit la grâce d’union, non pas comme une propriété physique qui en découlerait, mais comme une conséquence morale exigée par sa souveraine convenance. » Dieu produit donc, dans l’âme du Christ, la grâce sanctifiante créée par une action que nous pouvons légitimement distinguer de l’action unitive. Quelle proportion physique et nécessaire établir entre l’union hypostatique et la grâce sanctifiante ? Il ne s’agit donc, entre l’une et l’autre grâce, que d’une connexion morale. Voir sur ce point les Sahnanticcnses, disp. XIII, dub. ii, n. 28 sq. ; Jean de S. Thomas, disp. IX. a. 3. n. 7 : Gonet, dis].. XII, a. 1, n. 23 et. en dehors de l’école thomiste, Suarez disp. XV 111. sect. iii, n. 5 : Vasquez, disp. XLI. cap. ult., n. 29 ; De Lugo. disp. XVI. sect. v. n. 100, etc. Remarquons toutefois que la nécessité morale de la grâce sanctifiante dans l’âme du Christ s’entend par rapport à la d’union. Dans le Christ, comme en nous, la grâce sanctifiante est physiquement nécessaire pour les opérations surnaturelles et pour la i déiformité » de l’âme.

i) Plénitude de la grâce habituelle dans le Christ. — Cf. S. Thomas, III’. q. vu. a. 9-13. Une remarque préalable est nécessaire qui doit nous mettre en garde contre l’interprétation de Cajétan. Tout ce qui va être affirmé de la plénitude et de l’infinité de la grâce habituelle dans le Christ s’entend de la grâce possible dans l’ordre présent de la divine Providence. Il est évident, en effet, que dans un ordre différent, niais inexistant. la puissance divine pourrait réaliser quelque chose de plus grand et de meilleur que la grâce habituelle du Christ. » S. Thomas, a. 12, ad 2 UI ". L’union trypostat ique est ce qu’il y a de meilleur et de plus parfait. i u

DICT. DE THÉOL.’MilOL.

égard à tous les ordres possibles ; la grâce habituelle du Christ est, dans l’ordre présent, possédée par le Christ dans une plénitude qui atteint la perfection qu’il était impossible à Dieu, dans cet ordre, de dépas sci. C’est dans ce sens que nous affirmons que : ’I. Le Christ a possédé la grâce habituelle dans une plénitude à la fois d’extension et d’intensité. La pléni tuile de grâce est affirmée dans Joa., i, 14-16 par saint Paul, l-’.ph., i. 13 (reX^ptù’ia toû Xp wtou) ; cf. Col., i, 18-19 ; ii, 9-1(1. L’intensité de la grâce marque sa perfection essentielle ; son extension marque les etïets auxquels elle peut atteindre. Or le Christ a eu la plénitude de la grâce SOUS les deux rapports Sa grâce a été la plus parfaite qu’on puisse concevoir ; elle a produit en lui et en ceux qui devaient « recevoir de sa plénitude ►, tous les effets qu’on était en droit d’en attendre. S. Thomas, Inc. cil., a. 10, parmi les commentateurs Gonet, disp. XIII. a. 2, §1 ; Billuar-t, dissert. VIII. a.."> ; Suarez. disp. XXII, secl. n et, chez les contemporains. Janssens, De Deo-Homine, t. i, p. 361 et llugon, De Verbo incarnate, p. 168 ; Le mystère de l’Incarnation, p. 219 sq. [i. Le Christ seul a possédé de la grâce la plénitude absolue ou jormclle ; les saints, auxquels l’Écriture attribue une plénitude de grâce (la sainte Vierge, Luc, i, 28 ; Etienne, Act., vi, 8 ; Barnabe, Ad., xi, 21). n’ont possédé qu’une plénitude relative ou subjective, celle qui était exigée par leur condition, leur étalon leur vocation, celle à laquelle fait allusion saint Paul, Eph., iv, 7. — yDans son commentaire sur Joa., i, 16, saint Thomas, lect x, n. 1, distingue, sous un autre aspect, une triple plénitude de la grâce. La plénitude de suffisance est celle qui est accordée à tous les justes en vue d’agir surnaturellement et de faire leur salut. La plénitude de rejaillissement (redundanliic) est celle qui se déverse sur les autres : la plénitude de grâce accordée à la sainte Vierge est de ce genre, puisque de Marie, par Jésus, nous est venue la grâce du salut, et que la Mère du Christ peut être en toute vérité saluée comme la Mère de la divine grâce. A plus forte raison ce rejaillissement de la plénitude de la grâce existe dans le Christ par rapport aux membres de son corps mystique et, en général à tous les hommes. La plénitude d’efficience, d’excellence, appartient à Jésus-Christ seul : seul, en effet, il a déversé sur les hommes la grâce qu’il possédait en lui et dont il était l’auteur.

s) Infinité de la grâce habituelle dans le Christ. C’est le corollaire de tout ce qui précède. — a. La grâce d’union, étant infinie, communique aux actions et. en général, aux propriétés de la personne de l’Homme-Dieu une dignité et une valeur infinie. A ce titre la grâce habituelle dans le Christ possède une infinité d’ordre moral. Cf. Salmanticenses, disp. XV, dub. unie, n. 2 ; Gonet. disp. XIII. a. I, i ; 1, n. 12 ; Hugon, De Verbo incarnate, p. 172 ; Le mystère de l’Incarnation, p. 222. °j. Si l’on considère la grâce du Christ dans son être physique, elle est finie aussi bien que le sujet qui la reçoit. Cf. S. Thomas, IIP, q. v, a. Il ; Salmanticenses, loc. cit.. n. 0 ; Gonet, loc. cil., n. 1. y. Si enfin on la considère comme grâce, on peut la dire infinie, en ce sens qu’elle n’est pas limitée, possédant « toutes les perfections qui appartiennent â

l’essence de la grâce…. la glace ayant été accordée

a l’âme du Christ comme au principe universel de toutes les grâces que devait obtenir lanal are humaine ; comme si nous disimis ipie la lumière du soleil est infinie, non selon son être, mais selon la nature de sa lumière, parce qu’il a tout ce qui peut appartenir a

ire de la lUl I lOt. rit., cf. (< net,

loc. cit., n i qu’il en suit (le l’exemple de la

lumière du soleil, ce troisième aspect de l’infinité de la

habituelle du On ist mrril i

attention, car, à son sujet, le cardinal BUlot, se deman VIII — Il

L283

    1. JÉSUS-CHRIST ET I##


JÉSUS-CHRIST ET I. THÉOLOGIE VERTUS DU CHRIST

1284

dant s’il mconviendrait pas d’abandonner une thèse communément reçue dans l’école thomiste, insinue une explication nouvelle, fort intéressante, de l’infinité de la grâce du Christ. De Verbo incarnato, th. xvii, § 2. On n’avait guère mis en discussion, jusqu’ici, l’identité spécifique de la grâce habituelle concédée au Christ et de la grâce habituelle donnée aux hommes ou aux anges. Cf. Salmanticenses, disp. XIII, dub. I, § 3 ; Suarez, disp. XVIII, sect. ii, n. 8 ; Gonet, disp. XII, a. 1, * 3. n. 27. Kl cette position des théologiens était conséquente à leur thèse plus générale allirmant l’impossibilité de distinguer plusieurs espèces’de grâce sanctifiante. Salmanticenses, tr. XI Y, De gratia, disp. IV, dub. vin ; Jean de S.Thomas, De gratia, disp. XXIV, a. 1 ; Suarez, De gratia, t. VIII, c. iii, n. 10 ; cf. Gonet, De gratia, disp. II, a. 4, §3, coroll. 3 ; Hugon, De Angelis et de gratia, Paris, 1920, p. 327. Cette thèse générale, communément admise, a été cependant révoquée en doute par Granados, S. J., In ///"" p. Sum. S. Thomse, controv. VIII, tr. IV, disp. IV ; Kipalda, De ente supernaturali, t. I, disp. XXIII, sect. xiv. Dans les éditions plus’récentes de son De Verbo incarnato, le cardinal Billot pose la question de la diversité spécifique de la grâce habituelle du Christ, en vue d’expliquer plus pleinement l’infinité de cette grâce, par rapport à celle des hommes et des anges. Si en effet il n’y a qu’une différence’de degré entre la grâce du Christ et la grâce des anges el des hommes, même prise cumulativement, la grâce du Christ n’aura pas, par nature et en droit, la plénitude parfaite qui lui convient ; elle ne la possédera qu’en )ait et pour ainsi dire accidentellement, en suite des décrets de la divine Providence limitant à tel degré déterminé, dans l’ordre actuel des choses, les grâces des hommes et des anges. Supposons, au contraire, que la grâce du Christ soit d’une nature suréminente, elle dominera essentiellement et en droit, la grâce des hommes et des anges. Et le savant théologien en appelle à l’autorité de saint Thomas, Sum. theol., IIP, q. vii, a. 11, ad 3um et De veritale, q. xxix, a. 3, ad 5um. Sur la plénitude de la grâce du Christ par rapport à la grâce des anges et des hommes pris collectivement, voir Gonet, De incarnatione. disp. XIII, a. 2.

ç) Deux corollaires. — a. La grâce habituelle a clé in/usée au Christ dès le premier instant de sa conception, et elle est inamissible. — Cette vérité est supposée dans Luc., i, 35 (quod nascetur ex te sanctum). Puisque l’union hypostalique exige moralement comme conquence la présence de la grâce sanctifiante dans l’âme du Christ, cette grâce existera en Jésus-Christ comme la grâce d’union, c’est-à-dire, dès le premier instant de sa conception, et partagera la condition d’inamissibilité propre â l’union hypostalique. Voir t. vii, coi. 534, 536. Cette vérité est admise communément ; voir S. Thomas, Sum. theol, III 1, q. vii, a. 1 el 13 ; q. xxxiv. a. 1 et 1 ; In I Y Sent.t. III, disl. xiii, q. i. a. 2 ; soi. 3 ; De veritale, q. xxi. a. 8, el les commentateurs : Salmanticenses, disp. XIII. dub. r, § 4 ; Gonet, disp. XII. a. 1, § :  !, n. 20-22 : Suarez. disp. XVIII. sect. in. n. I 2. el les manuels i écents déjà cités.

Sur cette question fondamentale, quelques théologiens

41 client un problème accessoire
dès le premier Instant

de sa conception, le Christ, s’esi-il disposé par un acte libre de sa volonté à l’infusion de la grâce ? On sail que ce mouvement de la volonté est requis chez les adultes a qui la grâce sanctifiante esi Infusée et ne se distingue de l’infusion même de la grâce que d’une priorité logique ; bien plus il est produit par la grâce sanctifiante elle-même, considérée comme grâce rnic. Voir Grâce, t. vx, col. 1631-1633. On sait que les anges ont été sanctifiés de celle manière dans

le premier In8tant de leur voie. Pourquoi n’accepterait -on pas la même psychologie surnaturelle dans l’âme

du Christ ? Saint Thomas l’accepte explicitement, IIP, q. xxxiv. a. : > et les meilleurs commentateurs se rallient à cette opinion : Gonet, disp. XII, a. 1, n. 26 ; Salmanticenses, disp. XIII, n. 43. L’opinion contraire est cependant défendue par Bafiez, In I "" /). Sum. S : Thom.. q. i.u, a. 3. dub. ii, ad 4, et quelques auli es.

P La grâce habituelle du Christ n’est pas susceptible d’accroissement. — La question ne se pose pas pour la grâce d’union, qui est immuable comme la divinité. Il ne s’agit ici que de la réalité de la grâce créée. Nous avons fait observer plus haut, voir col, 1281, que la plénitude de la grâce du Christ s’entendait dans Yordrc actuel de la divine Providence. Il est donc facile de comprendre le sens de notre affirmation. Ajoutons que, dès le premier instant de sa conception, le Christ fut, dans son âme, « compréhenseur » parfait. Or, l’âme ainsi parvenue à son terme par la vision intuitive n’est plus susceptible de progrès et de perfectionnement dans la grâce qu’elle possède et les opérations qui en dérivent. Voir Intuitive (Vision), t. vii, col. 2389-2391 et Gloire t. vi, col. 1415. Cf. S. Thomas, IIP, q. vii, a. 12. Cette conclusion, ainsi formulée, est théologiquement certaine

Sur cette conclusion ferme se greffe une controverse d’école. Dans une hypothèse différente de l’ordre actuel, mais que Dieu pourrait réaliser, s’il voulait faire appel à sa puissance absolue, une grâce supérieure à celle qu’a possédée le Christ serait-elle possible’? Non, répondent de grands théologiens, tels que Richard de Saint-Victor, saint Bonaventure, Duns Scot, Durand de Saint-Pourcain et quelques thomistes, dont le plus connu est Cajétan. Mais la plupart des théologiens de l’école de saint Thomas et de la Compagnie de Jésus affirment que si une grâce habituelle plus parfaite que celle du Christ est impossible dans l’ordre actuel, c’est-à-dire de potentia Dei ordinala, elle reste absolument et métaphysiquement possible de potentia absoluta. Voir dans les Salmanticenses, disp. XV. dub. unie, § 3, n. 11, les références, et pour l’exposé de la controverse, Schwalm, Le Christ d’après saint Thomas d’Aquin, p. 90-98.

La position adoptée par les scolastiques les oblige à expliquer, en conformité avec leurs principes, le texte de Luc, ii, 51 : Et Jésus profîciebat supientia et œlale et OliATiA apud Deum et homincs. Les théologiens du moyen âge et des siècles postérieurs expliquent qu’il ne peut s’agir d’un progrès réel dans la sagesse ci dans la grâce, mais d’un simple progrès dans leur manifestation extérieure. Cf. Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, t. II, part. I. c. vi, P. L. t. clxxvi, col. 384 ; cf. Summa Sententiarum, tract. I, c. xvi, col. 73 ; Pierre Lombard, /// Sententiarum, disl. XIII ; S.Thomas Sum. theol., III », q. vii, a. 12 : Suarez, In /// » m p. Sum. S. Thomæ, q. xii, a. 12, n. I. b. Les vertus surnaturelles dans l’âme du Christ. a ) Doctrine générale. — La grâce est inséparable des vertus et des dons du Saint-Esprit cpii en sont le ccrlège nécessaire. Le Christ a donc tout naturellement possédé les vertus et il les a possédé S dans Un degré héroïque. Cf. S. Thomas, Sum. theol., III", q. vu. a. 2 et ad 2°"i ; cf. a. 3 et 1. L’évangile l’atteste cxplicitement. Voir ci-dessus, col. 1158. Aupoint de vue strictement théologique, la doctrine générale touchant les vertus du Christ, peut se résumei en trois affirmations. — a. Le Christ a certainement possédé, des l’instant de sa conception, et dans un degré éminent, les vertus surnaturelles infuses. Leur héroiclté toutefols s’est manifestée spécialement ♦ dans les actes suprêmes de la passion rédemptrice, qui comblèrent la mesure des mérites et des satisfactions. » llugpn, op. cit., p. 231. Cf. Gonet, disp. XII, a. 3, § 1 ; Salmanticenses, disp. XIV, dub. n. — p. Le Christ a possédé JÉSl S-CHRIST ET l. THÉOLOGIE. ER l l S

Dl CHRIST

également les vertus morales naturelles que les hommes doivent acquérir par la répétition des actes vertueux.

Quelques théologiens, comme Lorca, In ///"" p Sum. S. Thomx, disp. XXXVIII, n. 19 et plusieurs autres q ue cite Vasquez, disp. XI. ii, c. ii, ont nié l’existence de vertus naturelles en Jésus, mais leur négation n’est pas probable. Cf. Gonet, disp. XII, a. H. > 1. n. 63 sq. ; Salmanticenses, disp. XIV, dub. i, 1. Le parallélisme de la science acquise et des sciences infuses dans l’âme du Christ, voir ci-dessus, col. 1273. suggère la coexistence des vertus surnaturelles infuses et des vertus naturelles qui, chez les hommes, sont normalement acquises. La seule controverse possible porte sur ce point : le Cluïst a-t-il dû vraiment acquérir les vertus naturelles, où lui ont-elles été accidentellement infuses, comme la science en Adam ? Les thomistes, et les théologiens en général sont partagés sur ce point. D’excellents thomistes et de grands théologiens soutiennent la thèse de l’infusion per aecidens : Jésus-Christ a reçu de Dieu, dès sa conception, ces vertus naturelles parfaites, comme s’il les avait acquises par ses propres actes ; il les exerça ensuite selon les circonstances : Médina, In III*™ p. Sum. S. Thomx, q. vii, a. 2 ; Jean de Saint-Thomas, De incarnatione, disp. VII. a. 3 ; D. Alvarez, O. P., irf., disp.XXXII ; Gonet, disp. XII. a. 4, § 1 (qui qualifie son opinion de verior et mullo probabilior) ; Billuart, dissert. VIII, a. 3 ; Suarez, id., disp. XIX, sect. n. Vasquez, id.’, disp. XL II, etc. Mais des théologiens d’aussi grande autorité prolongent le parallélisme entre la science acquise et les vertus morales naturelles jusqu’à dire que celles-ci, même dans le Christ, furent acquises par la répétition des actes. Les thomistes N T azario, Araujo, Cippullus, Cabrera, et surtout les Salmanticenses, De mcarnatione, disp. XIV, dub. i, § 2 ; Grégoire de Valencia, In III"" p. Sum. S. Thomx, q. vii, a. 2, punct. 3 ; De Lugo, De incarnatione, disp. XVI, sect’▼n, n. 119, cf. disp. XXI, sect. i, etc. se rallient à cette deuxième opinion qui semble plus conforme à la réalité des choses. Parmi les auteurs récents, peu ont touché à cette controverse ; Stentrup, op. cit., th. lxxxi, part. 2, se rallie à la première opinion, en’invoquant l’autorité de Suarez ; Hugon, De Verbo incarnalo, q. v, a. 3, n. 2 et Le mystère de l’Incarnation, p. 231, est du même avis ; Pesch ne fait qu’une brève allusion auvertus morales infuses per aecidens, n. 295. — Le Christ a possédé les vertus surnaturelles et naturelles compatibles avec la perfection exigée par l’union hypostatique, et il les a possédées selon le mode de perfection exigée par l’état de compréhenseur. Cf. S. Thomas, Sum. theol., Illa, q. vii, a. 2-4 ; In IV Sent., 1. III. dist. xiii, q. i, a. 1 ; Salmanticenses, disp XIV dub. ii, n. 29. Gonet, disp. XII, a. 3.

hoctrines particulières. — - y.. La foi n’a pu exister dans l’âme de Jésus-Christ. L’objet de la foi est l’invisible : donc la foi n’est pas possible pour un esprit qui, des le premier instant, a connu, dans la vision intuitive, tout l’objet de la science de vision divine. Et cependant, sans avoir la foi, Jésus en gardait tout le mérite, à cause de sa libre obéissance. Voir plus loin, col. 1295 sq. S. Thomas, Sum. theol., III », q. vii, a. 3-1 Gonet, loc. cil., n. 59 ; Salmanticenses, loc. cit., ii. 31 ; Billot, De Verbo incarnalo. th. xvi, § 2 ; Ch. Pesch’De Verbo incarnalo, n. 250 ; Hugon, De Vrrbo incarnalo, q. v, a. 3, n. 3. — p I), - même’espérance n’a pu exister en l’âme de Jésus-Christ. Son objet est la béatitude dans l’avenir, ni possédée, ni vue ; car

c-t-on ce que l’on voit 7 Quod videt quis’quid tperail Rom., viii. 21. Or, pour le Christ la béatitude n’est pas dans l’avenir, elle ne reste pas invisible : elle est vue, elle est possédée, inamissible, en Celui qui a joui, à son aurore, de la vision et de l’amour ! fiques. » Hugon, Le mystère de l’Incarnation, p

IJSG

oir les auteurs déjà cités. Toutefois le Christ ne possc’da, t P as la gloire future « te s, , , , corps II est

vrai que cette gloire est simplement accidentelle VoirGLoiRE, t. vi, col. 1401 sq. Il pouvait donc attendre’désirer cette gloire du corps, bien qu’il ne l’ignorai pas. Mais ces actes n’étaient pas des actes « le la vertu Uieologique d’espérance, pas plus que l’attente, 1e la résurrection ne constitue chez les élus un acte de cette vertu Cf. S. Thomas, IL-IK <, . « viii, a ! 2 ad 4 Toutefois, le Christ devait mériter cette gloire et par conséquent son attente de la gloire accidentelle comporte une nuance particulière étrangère au désir des âmes bienheureuses. Désir des élus, attente du Christ procèdent, non de l’espérance, mais de la charité la vertu, principe de la jouissance béatiflque, faisant vouloir, aimer, attendre ce qui manque encore au bonheur consommé. Cf. S. Thomas, IMI » q xxv a. 4 ; Gonet, loc. cit., n. 62, et De bealiludinc, disp iv’a. 2 ; De virtutibus theologicis, disp. IX, a. 4- Salmanticenses, loc cit., „. 33-34 ; Hugo, , , De Verbo incarnalo, loc. cit., n S. — y. En vertu des principes généraux exposes ci-dessus, il semble bien qu’on doive éliminer de Jésus, dans la vertu cardinale de justice, la vertu de pénitence : «  « Le Christ n’a pu pécher. Donc la matière de la vertu de pénitence fait défaut en lui a " SS’b ! e "e " acte c l u’en Puissance. » S. Thomas, In IV Sent., t. II, dist. xiv, q., , a. 3, qu. 1. C’est là l’opinion communément reçue chez les thomistes, voir GoneU disp XII, a 3, § 1, n. 58 ; Salmanticenses, disp XIV dub. ii, n. 36 ; Jean de Saint-Thomas, disp VIII, a. 4, n. 15 ; et même ailleurs, voir Vasauez In III*n p. sum. S. Thomæ, q. vii, a. 4. Suarez alarmé que le Christ, sans avoir jamais pu effectivement faire un acte de pénitence, a possédé la vertu de pénitence parce qu il eût été prêt à détester le péché si par impossible, il eût pu le commettre Disp XIX sect. i n. 2 Les scotistes pensent généralement que’lé Christ, capable de satisfaire pour les péchés des autres a été aussi capable de pénitence à leur endroit et qu en conséquence, à ce point de vue, il a possédé la vertu de pénitence, et cela d’une manière très élevée et sureminente. Cf. Janssens, De Deo-Homine, t., , p. 344-345. Il faut noter que l’Église a proscrit l’invocation autour de Jésus pénitent. Cœur sacré de Jésus (Dévotion au), t. iii, col. 345. Voir Hugon Le mystère de l’incarnation, p. 234-234. — 8 Quant aux autres vertus cardinales, aucune ne doit être exclue aucune, dans toute l’étendue de son objet, ne s’opposant à la perfection souveraine du Christ. Si l’une ou l’autre d’entre elles suppose ou implique un défaut une imperfection incompatible avec la sainteté parfaite, ce n’est que parce que cette vertu est considérée dans un état encore imparfait ou par rapport à un de ses actes particuliers. Ainsi la tempérance, la continence, considérée dans le commun « les hommes suppose les appétits désordonnés les rébellions honteuses de la chair. En Jésus, jamais n’exista le foyer de conçu piscence : il est l’idéale chasti par conséquenl

la continence en Jésus ne pul exister que comme elle dans les corps glorifiés avant un tout autre objet que dans cette vie. On … sur ce sujet

les auteurs relativement à la permanence des vertus dans l’autre vie. Voir Vertus. D’une mani raie, l’assertion suivante « le S. Thomas. /„ / r "s’en/ 1. III. dist. XIX. q. i, a. 2, ad 2’" ». exprime bien la’vente qu’il importe « ! « retenir présentement « l es vertl1 ne conviennent pas au Christ quant à

certains usages qui existent en.mus, par exemple lors.pi, 1 s’agit de dompter par elles les passions « ! < la concupiscence de la chair contre l’esprit, passions oui n existaient pas dans le Christ. Quant aux autres . appropriés a l’eiat des élus, .es vertus exis tèrent pleinement dans le Christ, elles existèrent aussi J 287

    1. JÉSUS-CHRIST ET I##


JÉSUS-CHRIST ET I. THÉOLOGIE. VERTUS m CHRIST

>S

quant a certains usages de l’état présent, ceux qui ne dérogeaient pas a sa dignité, le Christ étant à la fois « voyageur » et « compréhenseur ».

c. Les dons du Saint-Esprit dans l’âme de Jésus-Christ. — Cf. S. Thomas, Sum. theol., III’, q. vii, a. 5. Sur les dons du Saint-Esprit, voir t. IV, col. 1728 sq.— y.) Existence. — L’existence des dons du Saint-Esprit dans l’âme de Jésus-Christ, abstraction faite de la théorie de leur distinction entre eux et de leurs rapports avec les vertus, est une vérité de foi, tant elle est explicitement affirmée dans l’Écriture sainte et proposée pr renseignement ordinaire de l’Église. Isaïe, xi, 2, 3 nous montre les dons de l’Esprit reposant sur le juste et Luc, iv, 1 nous déclare Jésus plein de l’Esprit Saint. Cf. Marc, i, 1 ; Matth., iv, 1 ; Luc., x. 21 ; Joa., i, 14, etc. l.a raison théologique démontre facilement l’existence des dons du Saint-Iîspril dans l’âme du Christ. On conçoit en effet les dons du Saint-Esprit comme des dispositions surnaturelles à recevoir docilement les suggestions et les mouvement s du Saint-Esprit. Par eux, le juste est conduit plus qu’il ne se conduit lui-même. Et c’est pour ce motif que les dons sont requis pour les actes sublimes et héroïques qui dépassent les perfections où peut arriver, la simple énergie humaine. Cf. S. Thomas. In IV Sent., t. III, dist. xxxiv, q. î, a. 1 ; Sum. theol., III’-, q. lxviii, a. 1. Or c’est précisément cette touche instinctive de l’Esprit, ces actes héroïques et sublimes qu’on remarque en Jésus, et d’une façon suréminente. Cf. Sahnanlicenses, De incarnatione, ad q. vii, a. 5, n. 2 ; Gonet, disp. XII, a. 5, n. 103-104.

[}) Les actes des dons du Saint-Esprit en Jésus-Christ.

— Durand de Saint-Pourçain, tout en confessant l’existence des dons eux-mêmes, nie que ces dons aient pu produire dans le Christ les actes qui leur correspondent, pas plus qu’il n’accepte que ces actes soient produits dans les âmes bienheureuses. In IV Sent., t. III, dist. xxxiv, q. m. Cette thèse est rejetée par l’ensemble des théologiens comme téméraire et proche de l’erreur. Salmanticenses, loc. cit., n. 3. Elle comporte, en effet, une véritable négation de la perfection du Christ, et une réelle conlradition. Si le Christ a eu les dons, il a dû en produire les actes. « Par le don de sagesse, il a pu formuler des jugements certains sur les choses divines connues dans leurs raisons les plus profondes ; par le don de science, il a formulé des jugements certains sur les choses d’expérience quotidienne, connues dans leurs raisons immédiates ; par le don d’intelligence, il a très parfaitement pénétré les révélations divines ; le don de conseil lui a dicté sa

conduite en toutes espèces de circonstances et sans hésitation possible ; le don de force a permis au Christ encore dans l’état de voir de braver la mort et de parfaire l’œuvre de noire rédemption ; cl, après la mort lui a donné la sécurité la plus absolue à l’endroit de tout danger. Par le don de piété, Jésus a eu un vrai sentiment d’amour, filial vis-à-vis de Dieu le l’ère, fraternel vis-à-vis des autres saints devenus les fils adoptifs de Dieu. Enfin, par le don de crainte, il a eu, vis-à-vis de Dieu, une souveraine révérence, ainsi qu’on va le déclarer. » Salmanticenses, loc. cit., n. 3. Cf. (Mgr) FI. de la Villerabel, l.es dons du Saint-Esprit Ions l’âme de Jésus, Saint Hricuc. 1916, p. 16-39. — i Le don, ic crainte dons l’âme du Christ. — Cf. S. Tho-Suni. theol., III, q. vu. a. (’.. l.a question spéciale de l’existence (u don de crainte en Jésus Christ s’est

po ée a l’occasion de la il 1, proposition d’Abélard, voir Abélard (Articles condamnés), t. i, col. 15, > ondamnée par le concile de Sens (1 MO) et par Innocenl II comme hérétique. Cf. Denzinger-Bannwart,

H, .", 7D. I.e don de crainte existe en Jésus-Christ, « mais

>é des imperfections qui l’accompagnent chez

I.a crainte comporte deux actes : trembler de ant

le châtiment que le souverain législateur inllige tôt ou tard pour le péché, et vénérer la suprême excellence de Dieu, cette force invincible devant laquelle s’inclinent les célestes Puissances, treinunt potestates. Jésus, même selyn l’humanité, n’a pas à redouter la vengeance divine, parce qu’il est impeccable et ne peut jamais être séparé de Dieu ; mais il est toujours dans un saint respect devant cette auguste majesté qui a pour se faire révérer un pouvoir infini. Et cela nous explique pourquoi Celui qui ne pouvait avoir la vertu de pénitence a pu posséder excellemment le don de crainte. Dans la pénitence l’acte principal est la détestation du péché personnel, la satisfaction n’est que l’acte accessoire et accidentel ; dans la crainte, l’acte principal est de révéler le Dieu terrible, redouter le châtiment pour la faute n’est que secondaire. Pas d’accessoire sans le principal et donc, pas de vertu de pénitence où manque le repentir pour le péché personnel ; mais le principal peut se réaliser sans l’accessoire et ainsi le don de crainte subsiste encore dans l’âme qui est à l’abri du châtiment. » llugon. Le mystère de l’incarnation, p. 238. Parmi les thomistes, Godoy, disp. XXV, $ 3, Gonet. disp, X 1 1, a..">. n. 110, admettent dans le Christ un acte de crainte véritable devant le péché et le châtiment possibles pour la nature humaine considérée en soi. Cette conception est vivement combattue par les Salmanticenses. tract. VIII, disp. IV, dub. îv. n. ">6. Suarez fait consister l’acte de crainte en Notre-Seigneur en un acte d’humilité devant Dieu joint à une certaine crainte révérentielle en lace de l’infinie majesté. Par cette admixtion de crainte révérentielle, il semble se rapprocher de Godov et de Gonet. Disp. XX. sect. n. n. 7-10.

d. La grâce actuelle dans l’âme du Christ. — S’il faut admet lie. avec beaucoup de théologiens, que la grâce actuelle est nécessaire pour chaque acte surnaturel et méritoire, même dans l’âme déjà sanctifiée par la grâce habituelle et les vertus infuses, on doit conclure que l’âme de Jésus-Christ a reçu, elle aussi, d’une façon absolument constante et sans cesse renouvelée. ces grâces actuelles qui devaient mettre en activité ses énergies surnaturelles, vertus et dons, e l.’union hypo-Statique, écrit le 1’. Ilugon, garantissait ces secours a l’humanité assumée. Si notre contact accidentel avec le Christ nous vaut une influence continuelle du Rédempteur, une sève toujours renaissante, comme celle que les sarments reçoivent de la vigne, cf. Conc. Trident.. Sess. vi, c. XVI, que devait donc réaliser en cette âme l’union substantielle et indissoluble avec le Verbe, principe de toute vie ? Notre union par la grâce sanctifiante ne nous garantit avec certitude que grâces suffisantes ; la personne divine dans le Christ assurait à la volonté créée des secours toujours efficaces. Cette volonté sans doute, gardait le pouvoir radical de résister et demeurait entièrement libre sous l’action du Verbe ; mais, en fait, la motion divine ne demeurait jamais vaine et la volonté, toujours pai laite, consentait infailliblement, quoique non nécessairement, a la grâce actuelle. » I.e mystère <le l’incarnation, p. 235.

Suarez étudie avec un soin extrême le rôle de la grâce actuelle en Jésus-Christ. Disp. XVIII, sect. IV. lui premier lieu, il affirme que la grâce actuelle adjuvante a été nécessaire au Christ comme à nous pour produire des actes surnaturels. n. 2. lai second lieu, la grâce excitante a été nécessaire au Christ, considéré en l’état de voie, pour produire des actes surnaturels : l’union hyposlatique excluant ces sortes de grâces du Christ, considéré comme comprehenseur, ne saurait empêcher, dans l’âme de Jésus, une perfection connaturelle à l’état de voie, n. 3. Enfin, en troisième lieu, l’âme du Christ a eu besoin d’une grâce excitante et JESLS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. [MPECCABILITÉ 1)1 CHRIST

L290

adjuvante pour observer les commandements et éviter

le mal. Bien que le Christ soit Impeccable par suite de l’union hypostatique, c’est-à-dire ah intrinseco. il a du également être rendu impeccable ah exiïinseco par le moyen de grâces actuelles efficaces, qui sont, en vertu du premier aspect de l’impeccabilité, rendues pour ainsi dire nécessaire ah intrinseco. c’est -à-dire

s par l’union hypostatique, a. 4-6.

Il semble plus simple de proposer, avec les théolo S qui n’acceptent pas la nécessité d’une grâce surnaturelle pour chaque acte méritoire de l’âme juste, une solution totalement différente. Ne comparons pas le Christ, compréhenseur, avec les hommes encore à l’état de voie, mais bien plutôt avec les élus. La communication de Dieu aux âmes dis dus ne se fera pas seulement par la vision et par la jouissance béatifiques : il y aura des communications actuelles et renouvelées de l’esprit divin dans les âmes glorifiées. Voir Gloiiu :, t. vi, col. 1421. L’âme de Jésus-Christ, parce qu’elle était plus intimement unie à la divinité, que ne le peuvent être les âmes saintes du paradis, devait recevoir de ces communications divines abondamment et d’une façon pour ainsi dire ininterrompue. C’est ainsi que le Christ « était conduit par l’Esprit. Mat th., iv. 1 ; qu’il « tressaillait dans l’Esprit Saint >, Luc, . 21, etc. La grâce actuelle compatible avec la pertection du Christ est donc le mouvement surnaturel reçu dans les dons du Saint-Esprit et auquel ces dons nous disposent. Cf. Billot, De Verbo Incarnalo, th. xvi,

De virtutibus infusis, th. vu.

dj Conséquence de la sainteté substantielle et accidentelle du Christ : l’impeccabilité. La sainteté comporte l’absence de péché, que les théologiens appellent I’i impeccance », c’est-à-dire le fait de ne point commettre de faute : dans l’état actuel de l’humanité appelée à une fin surnaturelle, et, à plus forte raison, dans l’âme du Christ, sanctifiée de la façon que nous avons dite, la sainteté est la cause de l’impeccance. Mais, dans le Christ, il semble qu’on doive affirmer plus encore : la sainteté substantielle a été cause non seulement d’impeccance, mais encore d’impeccabilité : le Christ non seulement n’a pas péché, mais n’a pas pu pécher ; bien plus, à aucun titre, il n’a pu, dans son humanité sainte, subir la moindre souillure du péché. L impeccance du Christ est une vérité de foi ; l’impeccabilité est une conclusion théologiquement certaine admettant certaines variétés d’interprétation théologique. Certains auteurs appellent l’impeccance et l’impeccabilité du Christ sa « sainteté négative ». Cet aspect négatif de la sainteté de Jésus-Christ repose en réalité sur ce qu’il y a de plus positif dans cette sainteté, la sainteté substantielle de l’union hypostatique.

a. L’impeccance du Christ. — a) Le (ait de l’impeccance du Christ. — La sainte Écriture l’affirme explicitement, soit par la bouche de Jésus lui-même, soit par les déclarations des auteurs inspirés. Joa., viii, 46 ; II Cor., v, 21 ; Heb., iv, 15 ; v, 20 ; I Pet., ii, 22 ; I Joa., iii, 5. Cf. Luc, i, 35. Voir col. 1158, 1229. Nous avons entendu pareillement les Pères proclamer d’un commun accord la sainteté parfaite de.Jésus ; voir col. 1260 sq. On trouvera les textes des Pères en abondance dans Petau. De incarnalione, t. XI, c. u : cf. Ch. Pesch, De Verbo incarnalo, n. 305. De telles affirmations excluent de l’âme de Jésus la souillure de tout péché, actuel ou originel. Déjà le 10’- anatli< tisme de saint Cyrille, lu au concile d’Éphèse, s’exprimait ainsi : « Il n’avait pas besoin d’oblation pour lui-même, notre Pontife, qui a ignoré totalement le péché. Denzinger-Bannwart. n. 122. Le concile de Florence est plus explicite encore, decr. pro Jæobitis : > Le médiateur de Dieu et des hommes, Notre-Seigneur Jésus-Christ, a été conçu sans le péché, est né s ; ms ], péché, est mort sans péché. tint peccate concept us,

natus et mortaus. lit., n. 711. La même formule se lisait dans le symbole du XI’concile de Tolède (675),

Denzmger-Bannwart, n. 286. — P) Les raisons de

l’impeccance absolue. - a. En ee qui concerne le péché originel, une double cause explique l’impeccance du Christ. Conçu par l’opération du Saint-Esprit, il n’a pu contracter la souillure originelle, celle première raison, s’en ajoute une seconde, tirée de l’union hypostatique. Comme toutes les actions sont attribuées à la personne et qu’il n’y a en Jésus-Christ qu’une personne, la souillure originelle dans l’âme de Jésus rejaillirait sur la personne même du Fils de Dieu. Or la sainteté essentielle du Fils de Dieu, la sainteté substantielle du Verbe incarné s’opposent a ce qu’il en soit ainsi. p. Cette dernière raison, tirée du fait de l’union hypostatique, vaut évidemment pour le péché actuel. Mais, de plus, saint Thomas ajoute une autre raison, tirée du triple but pour lequel le Christ a pris certains défauts de notre humanité. Su m. f/ieoZ., III a, qi xv, a. 1. Le Christ a pris nos défauts en vue de satisfaire pour nos péchés, de prouver ainsi la vérité de sa nature humaine, enfin de nous laisser l’exemple de ses vertus. Voir plus loin, col. 1327 sq. Or, le péché actuel, en Jésus-Christ, se serait opposé à cette triple fin ; il eût empêché la satisfaction ; il eût affaibli la preuve de la vérité de la nature humaine en Jésus ; il eût défiguré notre modèle. — y) Une objection contre l’impeccance du Christ. — Les anciens auteurs réfutent longuement certaines objections, que le sens littéral des textes suffit seul à résoudre : II Cor., v, 21 ; Ps., xxi, 1 ; cf. Matth., xxvii, 46 ; ou encore notent certaines difficultés tirées de la circoncision ou du baptême de Jésus, lesquelles, en réalité, sont de nulle portée. La seule objection que retiennent aujourd’hui les adversaires de la thèse catholique est tirée de Matth., xix, 17 ; Marc, x, 18 ; Luc, xviii, 19. A un Israélite qui lui dit : « Bon Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? », Jésus répond : « Pourquoi m’appelles-tu bon. » Il n’y a que Dieu seul qui soit bon ». « Dans la

pensée du Juif Jésus est un docteur de la Loi comme

un autre. Il l’appelle « bon maître », ainsi qu’il l’eût fait, s’il se fût trouvé devant un docteur quelconque ; car tant est grand son optimisme qu’il ne doute pas de l’excellence morale de ceux qui parlent ou agissent au nom de Dieu. Cette illusion qu’il a dans l’appréciation qu’il porte sur les autres hommes est encore celle qu’il a dans le jugement qu’il pot te sur lui-même… Il semble bien que ce fut uniquement pour le faire réfléchir et pour le tirer de son illusion que Jésus lui dit équivalemment : « Tu me donnes le nom de bon : mais sais-tu bien ce que tu dis ; ignores-tu que Dieu seul a le droit de réclamer ce titre’? « Jésus ne veut pas dire qu’il ne mérite pas le titre qui lui est décerné, il veut seulement amener son interlocuteur à apprécier la dignité de ce titre, afin de l’attribuer avec un plus grand discernement ». L. Labauche, Leçons de théologie dogmatique, t. i. p. 210-241.

Sur l’impeccance du Christ, voir S. Thomas, Sian. tiieol., 1 1 1*, q. xv, a. 1 ; (Jouet, De incarnalione, dis]). XX, a. 1, S 1 ; Salmanticenses, / « L, disp. XXV. dub. 1, §1 ; liilluart. Id., dissert. XV. a. 1 ; Suarez, LL, disp. XXXIII, sect. I, n. 1-2 ; ci. parmi les auteurs récents, Janssens, / » Deo-Homtne, t. i, q. xv. a. 1. p 522-525 ; I binon, De Vcrbn Incarnalo, q. ix, a. 1-3 ; Tanquerey, lie Verbo Incarnalo, e. iii, a. 2. n. 1081 ;  !.. Labauche, Leçons de théologie dogmatique : le r<r/><- incarné, e. ii, s 2.

b. L’impeccabilité du Christ. fous les auteurs

catholiques admettent l’impeccance du Christ. Mais, en cherchant le fondement ontologique et psychologique de cette prérogative, les mêmes auteurs affirment unanimement que l’impeccance en JéSUS-Chrlsi ne peut être expliquée complètement si l’on n’admet pas l’impeccabilité du Sauveur. El celle affirmation J 291

    1. JÉSUS-CHRIST ET I##


JÉSUS-CHRIST ET I.A THÉOLOGIE. IMl’ECCABILITÉ DU CHRIST 1292

est considérée, dans l’enseignement catholique, comme une vérité théologiquement certaine Toutefois cette impeccabilité du Sauveur n’esl affirmée comme une thèse certaine que par rapporl à l’ordre présent, de potentia ordinàta Dei : « la controverse théologique reprend ses droits lorsqu’il s’agit de résoudre le problème purement scolastique si. de puissance absolue de Dieu, le Christ aurait pu pécher. » — a) Conclusion théologiquement certaine : le Christ, dans l’ordre présent, possède l’impeccabililé. — Sur l’impeccabilité, voir ce nmt. t. vii, col. 1265 sq. — y.. Une première explication de l’impeccance du Christ, renouvelée d’anciennes erreurs, refuse d’en chercher la cause plus liant que dans la liberté du Christ se déterminant, chaque fois qu’il l’a fallu, dans le sens du bien moral. C’est la thèse de Gùnther, Vorschule : ur spcculativen Théologie des positiven Christenlhums, Vienne, 1829, t. ii, p. 441 sq. ; de Farrar, The Life of Christ, Londres, 1874. c. ix, et de quelques autres. Le Christ a été impeccable en ce sens que Dieu a prévu qu’il ne pécherait point ; mais à cause du libre arbitre, il a fallu que le Christ, comme le premier Adam, fût sujet à la tentation et ait eu la possibilité de commettre le mal, bien qu’il ne l’ait jamais commis. Cette thèse est, à bon droit, réprouvée par l’ensemble des théologiens, comme téméraire et même erronée. En effet, même en apportant à la thèse de Gunther, le secours des explications scolastiques touchant le concours divin et l’efficacité de la grâce, il n’en reste pas moins vrai que le fait de ne pas pécher, la confirmation en grâce, dus à ce concours et à cette grâce efficace (lesquels, on le sait, sauvegardent pleinement la liberté humaine) ne donnent point l’impeccabilité, parce qu’il n’enlèvent pas la puissance radicale de pécher. De là, si en Noire-Seigneur Jésus-Christ nous ne devons trouver, comme raison dernière de son impeccance, que le concours efficace de Dieu agissant sur la volonté libre, le Christ aurait encore possédé la liberté du bien et du mal, quoiqu’il n’en eût jamais usé. Il n’eût pas été impeccable. Or, l’impeccabilité lui est due, car, en vertu de la loi de communication des idiomes, il faudrait dire que Dieu lui-même peut, dans le Christ, commet Ire le péché. De plus combattant l’hérésie d’Arius et d’Apollinaire et, plus tard, celle des nionothélites, les Pères, rejetant les assertions de tous ces hétérodoxes, affirment absolument que l’humanité du Christ, complète et parfaite, est néanmoins, en vertu de son union avec le Verbe, totalement impeccable. C’est donc parce qu’en réalité elle s’oppose à la doctrine commune des Pères que l’opinion deGûnlher et de Farrar est répréhensible. Voir les textes des Pères sur l’impeccabilité de Jésus-Christ dans les Salmanticenscs, disp. XXV. dub. ii, n. 9 12 ; Suarez, disp. XXXIII, sect. ii, n. 4, et surtout Petau, De incarnatione, t. XI, c. x-xi. — p. Tous les catholiques admet Uni donc que non seulement le Christ n’a pas pèche mais qu’il n’a pas pu pécher. Toutefois, de cette affirmation unanimement approuvée, deux explications divergentes sont apportées. — Pour Scot et son école, l’impeccabilité du Christ provient non pas de l’union hypostatique, niais simplement et à l’exclusion de l’union hypostatique, de la vision béatiflque, laquelle, dans le Christ comme dans les élus, iMPKCCAniLn r., col, 1277. exclut la possibilité du péché. Scot. In I Y Seul., I. 111, disp m. q. i, ad 2 ; Mastrlus, De incarnatione, disp. II, q, ii, n. 33 ; Durand de Saint-Pourçain, In IV Sent., t. III, disp. xii, q. i, el, en général, les scotistes et les nominalistes. cf. Gabriel Biel, In IV Sent., t. III, dist. xii, q. i. Cette opinion, examinée sous le pontifical de Paul V, a été dcVlaréc exempte de toute censure théo-Ique, Cf. Vlva, De trtnttate, disp. V, q. vi. n. : i lie conserve. en effet, la doctrine catholique de l’im

peccabilité du Christ et en donne une explication.

de soi. suffisante. Elle admet pleinement que selon les lois ordinaires de la Providence, la plénitude des giâces en Notre-Seigneur exige que soit supprimée en son âme jusqu’à la possibilité du mal. Elle admet que la vision intuitive fixe la volonté dans le bien et supprime la liberté de contrariété : « lorsque l’intelligence est toujours ouverte sur l’infini, la volonté est ravie infailliblement dans un amour béatifique qu’elle ne peut interrompre et elle est rivée pour toujours à Dieu et au bonheur. Puis donc qu’il jouissait sans cesse de la vue de Dieu, le Christ était nécessairement à l’abri de tout péché. » Hugon, Le mystère de V Incarnation. p. 292 ; Billot, De Verbo incarnato, th. xxix. Voir Intuitivk (Vision), t. vii, col. 2291. — Les autres théologiens suivant l’opinion du Maître des Sentences, t. III, dist. XII, admettent que non seulement la plénitude des grâces, qui implique la suppression du f ornes peccati, et la vision béatifique, mais encore et surtout l’union hypostatique expliquent l’impeccabilité du Christ ; bien plus, l’union hypostatique dans le Christ serait, par elle seule, une cause d’impeccabilité absolue. C’est l’opinion de saint Bouaventure, dans son commentaire sur le Maître des Sentences, de sai.it Thomas, Sum. theol., IIP, q. xv, a. 1, de tous les thomistes dont on trouvera les références dans les Salmanticenses, De incarnatione, disp. XXV, dub. ii, § 1, n. 8, de tous les théologiens de la Compagnie de Jésus, et notamment de Suarez, De incarnatione, disp. XXXIII, sect. n ; de Vasquez, Id.. disp. LXI, c. m ; de De Luge, Id., disp, XXVI, sect. i. n. I. ainsi que le signale Pesch, De Vcrbo incarnato, n. 303. Cette impeccabilité absolue, issue de l’union hypostatique, concerne aussi bien le péché véniel que le péché mortel, Salmanticenses, loc. cit., n. 39 et doit s’étendre, par analogie, aux simples imperfections. Voir, sur ce point, la longue dissertation des Salmanticenses, disp. XX V. dub. v, La raison apportée est tirée de l’unité de personne en Jésus-Christ. « C’est un principe métaphysiquement certain que toutes les actions, toutes les puissances, toutes les facultés relèvent de la personne : c’est une vérité de foi qu’il y a une seule personne en Jésus-Christ, celle du Verbe. Dès lors, l’humanité el tout ce qu’elle possède est la propriété du Verbe, tous les mouvements qui jaillissent en elle doivent revenir au Verbe ; et donc, dans l’hypothèse où la nature humaine faillirait, c’est au Verbe qu’il faudrait imputer la faute, au point qu’on pourrait dire : le Verbe a failli, le Verbe a péché ! Cette seule supposition froisse et révolte le sens chrétien, i Hugon, op. cit., p. 293. Cet argument est vivement critiqué par quelques théologiens, même en dehors de l’école scotislc. De LugO, disp. XXVI, sect. i. n. 9 ; Vasquez, disp. LXI, c. vi ; Becanus, De incarnatione. c. xii. q. v ; Bernai, De incarnatione, disp. XI.l 1 1. sect. t, n. 9 ; P. Ilnrlado. De incarnatione, disp. I.1X. sect. v. §50. el quelques autres : car. disent-ils. l’union hypostatique n’influe pas sur les opérations, mais simplement sur l’être de la nature humaine, Mais ces théologiens oublient que l’union hypostatique ne saurait être considérée comme la cause physique et immédiate de l’impeccabilité. l.’union hypostatique pose dans la

personne du Christ une exigence morale de l’impeccabilité : même si le Christ n’avait pas joui de la vision intuitive, il faudrait de (ouïe nécessité et le contraire exprime une répugnance métaphysique que la divinité en Jésus régît l’humanité de telle sorte que la volonté humaine du Christ fût déterminée librement au bien. Dans cette situation le Christ n’eût pas été simplement confirmé en grâce, il eût été réellement Impeccable, parce que, si fions considérons sa personne. la libre détermination de la volonté au bien sous l’influence de la divinité eûl procédé d’un principe intérieur et n’aurait pas pu ne pas exister. Cf. Suarez,

De incanuitione, disp. XXXVII, sect. ii, n 5 et sect. m. n. 23. « Comme Jésus était Dieu, écrit à ce propos saint Thomas, son âme et son corps furent en quelque sorte les organes de la divinité, en tant que la divinité régissait l’âme et l’Ame, le corps : d’où il suit que le péché ne pouvait pas plus atteindre son âme qu’il n’est possible à Dieu de pécher. » In IV Sent., t. III, ilist. XII, q. ii. a. 1. En tout cas, les théologiens précités acceptent unanimement que les allirmations des Pères ne peuvent s’expliquer que dans L’hypothèse où l’union hypostatique est conçue comme expliquant l’impeccabilité du Christ. Salmanticenses, loc. cit., § 2. n. 1°) sq. Comme raison théologique, De Lugo recourt à la sainteté substantielle du Christ qui ne peut se concilier avec la moindre tache en Jésus-Christ, disp. XXVI, sect. i, n. 19 ; cf. Vasquez. loc. cit., Hurtado fait appel au concours divin, disp. I.IX, sect. v, § 72. Cf. Pesch, op. cit., n. 311.

P) Controverses scolastiques. — De leur opinion, les scotistes et les nominalistes déduisent, avec assez peu de logique d’ailleurs, que, de puissance absolue île Dieu, le Christ aurait pu, dans sa nature humaine, posséder la puissance de pécher. Xous ne nous attarderons pas à résumer ici les arguments de la controverse. On les trouvera, tout au long exposés, soit dans Suarez, disp. XXXIII. sect. ii, soit dans Gonet, disp. XX, a. 1. 5 1-8, soit dans les Salmanticenses, disp. XXV. dub. ii. Les mêmes controverses se renouvellent au sujet du péché habituel ; Suarez, disp. XXXIV, sect. n ; Jean de S. Thomas, disp. XVI, a. 1. ; Goret, disp. XX,

1., § 9 ; Salmanticenses, disp. XXV, dub. m. Ces

discussions purement scolastiques ne présentent d’ailleurs aucun intérêt et il suffit de les signaler ici.

On cons altéra, sur l’impeccabilité du Christ, outre les auteurs déjà cités au cours de l’article, Petau, De incarnatione t. XI, c. x ; Franzelin. De Verbo incarnate, th. xlui ; Stentrup, De Verbo Incarnato, t. ii, th. i.xxrv ; Janssens, De Deo-Homine, t. I, p. 666, sq.

e) Conséquence de l’impeccabilité : l’absence de tout foyer de la concupiscence. — Le foyer de la concupiscence, fomes concupiscenliæ, fomes peccati, n’est pas autre chose que l’appétit sensible désordonné. Il est en nous, le résultat du déséquilibre introduit par le péché d’Adam dans la nature humaine. Les mouvements désordonnés de l’appétit sensible constituent ce que les théologiens scolastiques appellent le foyer de la concupiscence in aclu secundo ; la puissance à de tels actes introduite dans l’appétit sensible constitue le foyer de la concupiscence in aclu primo. A aucun titre, l’appétit sensible ne constitue, pris en lui-même, ce foyer qui implique, outre l’appétit, le désordre introduit dans l’appétit par le péché d’Adam. Au sujet du foyer de la concupiscence en Jésus-Christ, la théologie catholique procède par un certain nombre d’affirmations de plus en plus précises, comportant par voie de réciprocité, des certitudes décroissantes. — a. Contre Vhérésie de Théodose de Mopsueste, la foi catholique affirme que la sainteté de Jésus-Christ exige en son humanité l’absence /le tout mouvement désordonné de concupiscence, c’est-à-dire l’absence du foyer « le la concupiscence in aclu secundo. Lois de l’affaire ls Trois Chapitres, le IIe concile de Constantinople a signalé et condamne une proposition de l’évêque de meste suivant laquelle le Christ, distinct d’ailleurs du Dieu-Verbe, aurait été molesté par les passions de lame et les concupiscences de la chair. Can. 12, Denzinger-Bannwarl. n. 221. La même condamnation fut renouvelée au III’concile de Constantinople, danla lettre de saint Sophronius, insérée à la session xi’. Cf. Mansi, Concil.. I. sa, col. 196. La doctrine des l est absolument ferme sur ce point et ne laisse prise a aucune équivoque. Voir les textes dans les Salmanti censes, disp. XXV, dub. iv, n. 51 et surtout dans l’et au. De incarnatione, l. V, c. xii ; t. XI, c x. La raison théo logique vient également affirmer ce qu’enseigne la foi : « e’est cpie. en effet, le foyer maudit est la suite du péché originel et qu’il devient en nous la source de ces lamentables désordres qui aboutissent ou inclinent au péché actuel : dès lors, être exempt du péché originel et du péché actuel, c’est être à l’abri de la concupis cence. Et puis, la grâce est si abondante dans le San veui qu’elle rend impossible toute rébellion des facultés inférieures. A plus forte raison, la vision béat i fi que, possession de l’Infini, est-elle l’exclusion absolue et pour toujours de la concupiscence et de ses suites honteuses. Enfin l’union hypostatique, s’oppose à ce que le foyer atteigne l’humanité du Sauveur, parce que, nous venons de le montrer, voir col. 1290, il serait imputable à la personne même du Verbe, à laquelle il faut rapporter œuvres, puissances et propriétés. » Hugon, op. cit. p. 294. Cf. Gonet disp. XX, a. 2, n. 09-70 ; Salmanticences, disp. XXV, dub. iv, n. 51. — b. Il est théologiquement certain que le Christ, n’ayant éprouvé en fait aucun mouvement de la concupiscence, ne pouvait pas marne les éprouver, n’ayant pas le foyer in actu primo. Durand de Saint-Pourçain semble avoir soutenu l’opinion contraire, In IV Sent., t. III, dist. III, q. ni ; niais il faut se souvenir que cet auteur entend par foyer de la concupiscence l’appétit sensible lui-même. Or, il est constant que Jésus-Christ a possédé une humanité parfaite, douée de sensibilité ; mais les puissances et les mouvements de cette sensibilité fuient toujours selon l’ordre de la droite raison. Sa faim, sa soif, son besoin de sommeil, n’impliquent donc pas de concupiscence en son appétit sensible. Cf. Si/m. Iheol., III’, q. xv, a. 2. ad 2 e. L’angélique docteur, dans le corps de cet article, fait valoir deux raisons en faveur de l’absence de tout foyer de concupiscence en Jésus-Christ. Possédant les vertus morales au suprême degré, le Christ ne pouvait avoir de concupiscence ; car cette concupiscence eût ramené à un degré inférieur la vertu du Chi ist. Déplus, Jésus-Christ n’a pris que les défauts de la nature humaine utilisables pour la fin de l’incarnation, le rachat de l’humanité. Or la concupiscence aurait plutôt un effet contraire. Suarez, disp. XXXIV, sect. ii, n. 1-7 ; Salmanticenses, loc. cit., n. 52. Cf. Gonet, loc. cit.. n 71-72. Ce dernier auteur apporte un troisième argument, n. 73 : le foyer de la concupiscence n’a existé ni en Adam dans l’état d’innocence, ni dans la bienheureuse Vierge, ni dans les bienheureux après la résurrection. Donc, a fortiori, le Christ a dû en être exempt, puisque la concupiscence ne pouvait lui servir pour la rédemption des hommes. Ajoutons enfin un argument proprement théologique, tiré du concile de Trente. Ce concile déclare, sess. v, can. 5, Denzinger-Bannwart, n. 792, que la concupiscence ou le « foyer > demeurent chez les baptisés et sont appelés par l’apôtre « péché », nonpas qu’elle soit dans les baptises un véritable péché mais parce qu’elle vient du péché et conduit au péché. Donc le foyer de la concupiscence vient du péché. Jésus n’ayant jamais contracté la souillure originelle ne peut avoir contracté le foyer de la concupiscence. Hugon, /V V<rbo incarnato, q. ix. a. 1. n. 8. lue conclus ! , y i >’impose immédiatement, relative aux tentations de Jésus dans le désert. Ces tentai ions furent purement externes, et n’éveillèrent en Jésus aucune concupiscence. Le démon n’hésita pas a tenter Jésus. afin d’éprouver s’il était vraiment Fils de Dieu. Jésus repoussa la tentation, non en lai. an ! appel a sa puissance, mais en rappelant simplement au démon les lois de la justice. Il permit, ces tentations pour notre instruction, afin que nous ne nous croyions jamais à l’abri d’une telle épreuve, pour notre édification,

non laissant mi exemple admirable de victoire ; enfin 1 : 15

    1. JÉSUS-CHRIST ET LA THEOLOGIE##


JÉSUS-CHRIST ET LA THEOLOGIE. LIBERTÉ 1)1 CHRIST

L296

pour notre réconfort, nous rappelant que la grâce de

Dieu ne nous fera jamais défaut pour vaincre. S. Thomas. Suni. theol., III’, q. xii, a. 1. Cf. Heb., iv. 15 ; mi. 12. c. C’est une opinion de beaucoup la » lus probable, que même de puissance absolue de Dieu le Christ n’a pu avoir le foyer de la concupiscence. Quelques théologiens, en effet, soutiennent que dans un ordre différent des choses, Dieu absolument parlant, aurait pu s’unir une humanité douée de ce foyer de la concupiscence. Ainsi opinent Vasquez, disp. LXI, c. viii, n. 17 ; De Lugo, disp. XXVI, sert, iv, n. 52 : Becanus, c. xii, q. v. Ragusa, De incarnalione, disp. CLV, introduit dans cette opinion une distinction : le Verbe n’aurait pas pu s’unir une humanité douée d’un foyer non éteint et non lié : niais, de puissance absolue de Dieu, il eût pu s’unir une humanité douée d’un foyci non éteint, mais lié. Contre ces opinions, si peu probables qu’on les doit déclarer improbables, les thomistes, et beaucoup d’autres théologiens, avec eux. cf. Suarez, disp. XXXIV, sert, il, n. 8, enseignent que, de toute façon, et en n’importe quelle hypothèse, il répugne métaphysiquement que le foyer de la concupiscence se trouve dans le Christ, parce qu’une telle coexistence répugne métaphysiquement a la sainteté substantielle de Jésus. Voir, pour la discussion de ce point controversé. Suarez, toc. cit. ; Sa Iman licences, loc. cit., n. 55 : Gonet, loc. cit., n. 75 sq. Ces deux derniers ailleurs résolvent longuement les objections des adversaires dans un paragraphe spécial. 3. La liberté du Christ.

La sainteté et l’impeccabilité qui en est la conséquence ne suppriment -pas, en Jésus-Christ, la liberté. Libre de toute contrainte extérieure dans les déterminations de sa volonté, l’âme du Christ fut également libre de toute nécessité interne, l’obligeant à se déterminer dans un sens plutôt que dans un autre. Toutefois une distinction est ici nécessaire : cette liberté excluant toute nécessité interne, liberté que les théologiens appelle liberté d’indifférence, se subdivise en trois espèces différentes : liberté de contradiction, par laquelle nous pouvons agir ou ne pas agir : liberté de spécification par laquelle nous pouvons choisir entre tel ou tel acte ; libelle de contrariété, par laquelle nous pouvons choisir entre le bien et le mal. Le Christ, impeccable et par là même incapable de commettre le péché, ne pouvait jouir de la libellé de faire le bien ou le mal ; mais cette liberté. que Dieu lui-même ne connaît point, n’appartient pis à la perfection de la liberté ; elle en est plutôt en défaut. CI. Billot, De Deo Uno. th. xxvi, !  ; 2 : De Verbo incarnate, th. xxx. Mais le Christ, comme homme, a possédé très certainement la liberté de choisir entre des biens différents, et la liberté d’agir ou de ne pas agir. La liberté d’indifférence SUl ces deux points est absolument nécessaire pour mériter, cf. Denzinger-Bannwart, il. 1091, et le mérite acquis par le Christ soit pour lui-même, soit pour nous, ne peut pas Être mis en doute. Toutefois une grave difficulté surgit à propos de la liberté du Christ. Il est au moins un cas OÙ, d’après la sainte Écriture, Dieu paraît avoir imposé au Christ un précepte formel, celui de mourir pour les hommes. Dans ce cas précis, Jésus ne pouvait se dérober a ce précepte sans péché : il ne pouvait donc ni éluder ce précepte en choisissant un autre mode de satisfaction, ni se dispenser d’obéir ; car, de toule laçoli

il eûl offensé Dieu. Or le Christ n’avait point la liberté d’offenser Dieu. Serait-il donc mort sans avoir accepté

librement sa mort ? 1.1 alors, que devient le mérite de la Rédemption, c’est-à-dire la Rédemption clic

un nie. Telle est la question, que les théologiens ont

coutume d’agiter autour du problème de la liberté du Christ, et qu’ils ont, peut-êti e, compliquée à plaisir.

") Existence de la liberté humaine du Christ. La

volonté humaine de Jésus Chris ! même régie ci.lu

par la volonté divine, a possédé la liberté d’Indifférence nécessaire au mérite. Cette thèse, dans sa teneur générale, el dégagée des explications apportées par la théologie à la liberté humaine du Christ, est de foi divine et catholique : en l’absence de définition expresse de l’Église sur ce point. nous avons la proposition authentique et très certaine du magistère ordinaire de l’Église, laquelle suffil amplement. Cf. Conc. Vatic, sess. m. c. iii, DenLinger-Uaniiwail. n. 17’, » 2.

il. Lu sainte Écrirure est sur ce point très affirmative.] a Christ a eu, en plusieurs occasions, la liberté de choisir entre différentes déterminations :.Joa. vu. 1 : Matth.. xxvii, 3 1, viii, 3. i II ne roulait pas aller en Judée ; il ne voulut pas boire : je le veu v. dit-il, sois gué] i. lui second lieu, le Christ a possédé cette liberté qui est requise pour les œuvres louables et méritoires. Il exalte l’obéissa. ice qu’il témoigne à l’égard de son Père : < « Je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé. Joa., v. 30. Et c’est pour cette obéissance qu’il attend de Dieu sa propre glorification. Joa., xvii. 1. 5. Et il a élé vraiment glorifié à cause d’elle, Phil. ii, JS- !). Aussi l’auteur de l’épître aux Hébreux nous le propose comme exemple, en une formule qui atteste derechef sa liberté, quel que soit le sens à lui donner, Heb., xii. 2. On lit. en effet, de Jésus : ôç ixvtî Tr, : Tcpoxeuxévqç aùrcô "/apiç ûjréufiivsv trraupov, qui proposito sibi qaudio sustinuit crucem. La glorification lui fut-elle proposée comme récompense de la croix, ou bien Jésus a-t-il choisi la croix de préférence à la gloire -.’peu importe, la liberté du Christ reste explicirement attestée. Lu troisième lieu, enfin, l’Écriture nous atteste que le Christ, en subissant la mort, a été libre ; il a eu le pouvoir de donner sa vie, et ce pouvoir appartenait certainement à sa volonté humaine, seule capable de recevoir un commandement de Dieu : c Le Père m’aime, parce que je donne ma vie, pour la reprendre de nouveau. Sut ne me Vête, mais je la donne de moi-même ; et j’ai le pouvoir de la donner et j’ai le pouvoir de la reprendre ; j’ai reçu ce commandemeiU de mon Père, i Joa.. x, 17-18. Cet le liberté du Messie mourant avut de] i ; t : affirmée par Isa e, un, 7, sq cf. Art., vin. 32. / ». Les Pères ne sont pas moins allumai ifs, très spécialement en ce qui concerne la libellé du sacrifice de la croix. Rappelons simplement quelques textes, en renvoyant pour l’ensemble des Pères a Pelau. De incarnatione, I. IX. c. vin. et à Stentrup, op. cit., th. i.xxv. < Ce n’est pas par nécessité, mais volontairement, écrit saint Jérôme, que le Christ a subi la croix : n’a-t-il pas dit dans l’Évangile : < Xe boirai-je pas le calice que m’a donné mon Père, i In. Is., c. un, " i. 7, P. L.. t. xxiv, col. 508 ; cf., c vii, . 15, col. 1 10. < Il lui était loisible, dit a son tour saint Jean Chrysostonie.de ne ri en souffrir, s’il l’avait voulu ; il pouvait, s’il l’avait voulu, ne pas subir la croi In Heb., c. xii, i. 2. P. G., t. txiii, col. 193. El enco « Il lui élaii permis de ne point subir les opprobres ; il lui était permis de ne pas souffrir ce qu’il a souffert, s’il n’avait considéré que son intérêt personnel. Il ne voulut pas cependant agir ainsi, ni ai s, considérant ce qui nous était avantageux, il négligea ce qui pouvait le concerner. » In Rom., c xv. -.. 3, P. <'>.. t. i.x.col. 16 11 est mort, ajoute saint Augustin, parce qu’il l’a voulu, quand il l’a voulu et comme il l’a voulu. tDe trinilate, l. IV, c. xiii, n. t (i, P./… t. xi.ii. col. 898 ; cf. InJoannem, tract, c.xix, n. (i. P. /… t. xxxv, col. 1952. A l’unanimité des Pères, s’ajoute, comme argument d’autorité, l’unanimité des théologiens. Cf. S. Thomas, Sum. theol.,

Il I’.q. xviu.a. I ; Suarez. disp. XXXV] l.secl.ii.n. 1. c. Une première preuve de raison théoloqique s’appuie sur une double prémisse de foi. Tout d’abord, il est de foi que Jésus nous a mérité le salut et le concile (le Treiili’ne cesse d’exalter la valeur de ces mérites

Immenses et d’une efficacité universelle. Conc lïid.

VI"-,

JÉSUS-CHRIST ET LA I I !  ; ’() !.()(, 1 1 LIBERTÉ DU CHRIST

TJ ! >S

sess, v, eau. : > : sess. i. c. iii, xvi : can. 10, 32 : 1 >enzin lannwart n. 790, 799, 800, 809, 810, 820, 842.

Ensuite, il est également de foi, contre Jansénius, que

/< mérite requiert la liberté, l’exemption non seulement

de toute violence et de toute contrainte extérieures, mais encore de toute nécessité intérieure. Denzinger Bannwart, n. 1094, Donc, -et cette conclusion immédiate de deux prémisses qui sont de foit ne peut cire qu’une vérité de foi — le Christ, comme homme, est libre, puisque, comme tel, il nous a mérité le salut. — L’nc seconde preuve de raison théologique s’appuie sur les décisions dogmatiques des conciles affirmant que Jésus-Christ a pris une nature humaine complète, et très particulièrement sur les décisions du III* concile de Coastantinople contre le monothélisme. Voir

îTANTiNOPLi (III* concile de), t. iii, col. 1268. s’il va en Jésus-Christ deux natures, le divine et l’humaine, d u volontés naturelles, celle de Dieu, celle de l’homme, il y a également deux libertés qui sont lapropriété de la volonté divine etdela volonté humaine, la liberté de Dieu et la liberté de l’homme. De ces deux libertés, il faut répéter ce que le concile affirme des deux volontés : e elles sont sans division, sans confusans opposition, car il n’y a pas de contrariété en elles : mais elles sont. X’a-t-il pas fallu, pour reprendre l’argument sotériologique proposé par les Pères contre Apollinaire, que le Christ prît notre liberté, afin de la guérir, afin de le sauver ? Cf. S. Jean Damascène. De fide orthodoxa, t. III, n. 14, P. G, , t. xciv, col. 1012. Voir Legrand, op. cit., dissert. IX, a. 3, eoncl. 1 : Pranzelin, De Yerbo incarnalo, th. xuv, S 1 ; Pesch, op. cit., prop. xxv. et surtout Janssens, De Deo-Homine, t.i, p 670-675,

b) Conciliation de la liberté du Christ avec le précepte de mourir imposé par Dieu. — Xous avons exposé tout à l’heure la difficulté. Il nous reste à préciser ici le point précis où semble se concentrer cette dilliculté, avant d’aborder l’énoncé des diverses solutions proposées.

<i. Point précis de la difficulté. — Xous avons énuméré plus haut. col. 1290, trois causes de l’impeccabilité du Christ. la plénitude de la grâce, la vision intuitive, l’union hypostatique. Or ni la première, ni la troisième de ces causes ne peuvent apporter de sérieuse difficulté dans le problème présent. La plénitude de grâces, en premier lieu, ne supprime pas le jeu normal des facultés naturelles, car la grâce ne supprime pas la nature : elle ne fait, lorsqu’elle est possédée dans sa plénitude comme par l’âme du Christ, que corriger les défauts et les imperfections de la nature ; or la liberté d’indifférence, quant a l’exercice et à la spécification de l’acte, est, au contraire, une véritable perfection de la nature. La grâce ne peut donc que respecter et accroître cette perfection. En second lieu L’union hypostatique : soumettant a l’emprise de la divinité l’humanité sainte du Sauveur, a rendu celle-ci impeccable sans lui enlever sa liberté. L’humanité du Sauveur était impeccable, de ce chef, parce que la motion divine efficace

itait toujours sa volonté libre dans le sens du bien ; mais cette motion efficace respecte, on le sait, la liberté humaine. Jésus-Christ était, eu vertu de sa sainteté substantielle couronnée par la sainteté accidentelle, semblable a un homme confirmé en grâce, a qui Dieu aurait décrété, tout en le laissant libre, de lui faire toujours éviter le péché, en lui donnant ton jours le concours convenable pour que le péché fui effectivement évité. In tel homme serait impeccable et cependant libre. La différence entre un saint confirmé en grâce et Notre Seigneur.lésiis Christ, au point

ue qui nous occupe consisterait uniquement en ce que, pour le juste confirmé eu grâce, cette confirma

tion est un pur effet de la bonté toute gratuite de

Dieu, tandis que l’âme de Jésus-Christ, a caus de union hypostatique avec le Verbe, avait un droit

rigoureux a cette confirmation. L’homme Juste, con

firme en grâce, n’est Impeccable qu’cxtriiisèquemenl. c’est-à-dire par suite de la grâce efficace que Dieu veut bien miséricordieusement lui accorder d’une façon continuelle ! Jésus Christ, est Impeccable intrinsèquement, c’est-à-dire, en vertu même des exigences de.sa personne, dans laquelle la divinité ne peut être unie à une humanité pécheresse. Voir sur L’impeccabilité antécédente extrinsèque ci Intrinsèque, Impeccabi i.ité, col. 126"), sq. Les justes con firmes en grâce, considérés en eux-mêmes, et abstraction faite du secours efficace que leur donne Dieu, - - sensu diuisu restent toujours absolument parlant faillibles, quoique considérés sous l’influence du secours elficace, ils ne puissent pécher, le Christ, comme tel, doit posséder dans sa divinité cette direction infaillible qui lui est connaturelle et, par rapport à sa personne, intrinsèque : on ne peut, dès lors qu’on parle du Christ, concevoir le sens divisé, dont nous parlions à propos des confirmations en grâce, et donc, purement et simplement le Christ est impeccable. Suarez, disp. XXXV IL sect. 3, n. 23. Cf. Billot, De Verbo incarnalo, th. xxix. Qu’on explique la motion efficace dans le sens du concours simultané, de la prémotion physique dirigée par la science moyenne, de la prédétermination physique, peu importe : l’impeccabilité qu’elle entraîne en Jésus-Christ implique la liberté de la volonté humaine du Sauveur, bien loin qu’elle la détruise. La vraie difficulté vient de la vision intuitive, laquelle, à un double titre, lie la volonté créée et béatifiée au bien suprême qui est Dieu et a tout bien créé qui est en relation nécessaire avec ce bien incréé. Voir Impeccabiuté, col. 1275-1277.’fout d’abord, en effet, la volonté béatifiée s’attache comme à sa fin dernière et se fixe d’une manière irrévocable au bien suprême que la vision intuitive lui fait connaître et saisir en lui-même ; et ce bien suprême ainsi irrévocablement possédé devient la règle de tous les choix et de toutes les déterminations de la volonté. Si donc un bien créé est présenté à la volonté béatifiée comme en relation nécessaire avec le bien suprême, soit parce que cette relation est dans la nature même des choses, soit parce que la volonté divine établit cette relation, la volonté béatifiée sera nécessitée à ce bien, tout comme elle est nécessitée au bien suprême. Ensuite, la volonté béatifiée s’attache au bien suprême, un acte toujours présent, et dont l’éternité participée est la mesure. Cet acte est, par là même, irrévocable et définitif. Et tout bien créé qui est en relation nécessaire avec la loi suprême tombe également sous le choix définitif et irrévocable de la volonté. Voit Intuitive (vision), col. 2390. Donc, si Jésus a vraiment reçu de Dieu son Père le commandement formel de mourir, et de mourir sur la croix, ce sacrifice semble bien être, de par la volonté de Dieu, en relation nécessaire avec le bien suprême auquel la volonté béatifiée du Christ était irrévocablement et définitivement lixée. Donc la vision

intuitive nécessitait sa volonté à L’accomplissement de

ce sacrifice. Tel est le point précis de lu difficulté. Comment le résoudre’.'

b. Principes certains d’après lesquels doivent être exclues les explications très certainement fausses. — Remarquons tout d’abord que si nous ne voyions pas comment concilier la liberté et l’impeccabilité dans le Christ, nous devrions cependanl admettre deux vérités indubitables. De plus, l’existence de la vision Intuitive dans L’âme de Jésus doit être, pour le même motif, fortement affirmée ; cette vérité ne supporte aucune négation, aucune diminution, Enfin, c’est la volonté humaine de Jésus Christ qui a Libre ment accepté la moi t ci pai la posé un acte méritoire du salut des hommes. Ces quatre vérités Indubitable nous permettent d’éliminer, sans même les discuter, 1-299

    1. JESUS-CHRIST ET LA THEOLOGIE##


JESUS-CHRIST ET LA THEOLOGIE. LIBERTÉ DU CHRIST

L300

un certain nombre de théories, les unes simplement fausses et Insuffisantes, les autres confinant à la témérité et à l’erreur, ou même à l’hérésie. at) Fausse et insuffisante l’explication de saint Anselme rapportant à la volonté divine la liberté et le mérite du sacriflee de la croix : « Dieu, par un libre choix, s’est fait homme et a voulu mourir, et parce qu’en Jésus-Christ le même suppôt est Dieu et homme, cette personne (qui est le Christ) a voulu librement mourir. > Cur Deus homo, 1. 11, c. xvii, P. L., t. (xviii, col. 419 sq. — (3) Erronée et proche de l’hérésie, l’explication des Jansénistes, selon laquelle le Christ aurait subi la mort volontairement mais nécessairement, la nécessité n’excluant pas le mérite. Cf. Platel, Traclatus de incarnalione, n. 317. — y) Fausse et erronée, l’explication d’un certain nombre de théologiens du siècle dernier, niant purement et simplement l’existence de la vision intuitive de Jésus-Christ. Gunther, Vorschule der speculativen Théologie, t. ii, p. 295 et les gunthériens, auxquels il convient d’ajouter Klee, Laurent, Mgr Bougaud, Knittel, Hernlann Schell. Cf. Ch. Pesch., op. cit., n. 242. — 8) Téméraire et proche de l’erreur, l’explication qui a séduit jadis d’excellents théologiens comme, M, Cano, De locis theologicis, t. XII, c. xiii, in fine ; Grégoire de Valencia, De incarnalione, disp. I, q. ix, punct. 2 ; Salmeron, Commentar. X, tract, xi ; Maldonat, In Mallh., c. xxvi, ꝟ. 37. Cette explication donnée pour concilier les souffrances de la passion avec la béatitude qu’entraîne la vision intuitive, consiste à affirmer qu’au moment de la passion la vision béatilique a subi comme un ralentissement ou une suspension dans l’âme du Christ, ou que du moins son effet ne s’y est plus fait sentir. Cf. Janssens, De Deo-Homine, t. ii, p. 700. Par une semblable suspension de la vision intuitive, on pense expliquer la liberté du Christ. Sur l’impossibilité absolue d’une telle suspension soit de la vision, soit de ses elïets, voir Intuitive (vision), col. 2391. De cette explication doit être rapprochée celle qui n’admet, dans le Christ, à la toiscomprehensor et viator, qu’une vision intuitive atténuée, en raison de l’état de voie drns lequel se trouve le Christ. Mais qu’est-ce que cette vision intuitive atténuée ? — En bref, il faut admettre dans le Christ et l’impeccabilité et la vision intuitive, complète et sans atténuation, et la liberté d’indifférence, capable de mérite. Toutes les divergences d’opinion portent donc ou sur l’existence du précepte ou sur l’objet de la liberté du Christ. c. Les solutions probables. — Il serait difficile de trouver dans les grands théologiens du xiii c siècle une indication ferme. Chaque système prétend y trouver ses précurseurs et ses patrons. On cite les noms d’Albert le Grand, de saint Thomas, de saint Bonaventure. et d’autres encore. Saint Thomas se contente d’affirmer la liberté du Christ et son obéissance aux inspirations, au précepte du Père. Cf. Sum. theol., IIP, q. xi.vn. a. 3, ad 3um ;  ; „ IV Sent., I. 111, disl XVIII, q. i, a. 5 ; In epist. ad Rom., v, vi, lect. viii. D’autres passages sont plus difficiles à interpréter, par exemple, In IV Senl., 1. Ill.dist. XVIII, q i, a.2, ad5 « w> ; Sum. theol., 1 1 1 q. xviii, a. 1, ad 3 1 " 11 : De veritatt. q. i. a. 6. Sur l’opinion de saint Thomas, voir Pesch, "P. cit., n. 319, note. Saint Bonaventure affirme — ce que tout le monde accepte. que la détermination de la volonté du

Christ, en raison de son impeccabilité, n’empêchail pas sa liberté, et Indique la solution de la difficulté en rappelanl que le Christ a mérité par les actes, non du

compréhenseur, mais de l’homme encore dans l’état de voie. In l sent., I. Ml. dist. XVIII, < l, q. ". ad 1’"". ad 2° u >. ad.V" 1. Les systèmes bien accusés postérieurs.

ix) Première solution Jésus Christ « reçu </ Dieu un précepte véritable relativement à lu mort sur lu croix ; il a obéi et, nonobstant lu vision intuitive, son obéissance a

été par/ailement libre. — a. Exposé. — Cette solution a le grand avantage de conserver intégralement tous les éléments du problème. Elle admet, d’une part la réalité du précepte, et d’autre part, la liberté et l’obéissance du Christ. Elle est la solution de tous les thomistes de la famille dominicaine, cf. Gonet, disp. XXI, a. 3, § 3, n. 83, des théologiens de Salamanque, disp. XXVII ; et de nombre de molinistes, en premier lieu de Molina lui-même, Concordia, disp. LUI. memb. iv, ad linem ; In I, m p. Sum. S. Thomæ, q. c.xiv, a, 3. disp. VIII ; de Lessius./n III * m p. Sum. S. Thom « r q. xviii, a. 4 ; deBecanus, Theologiascholastica, part. IL tract, iv, De gralia, c. v, q. i ; du B. Bellarmin.De justifleatione, t. V, c. n. Elle est bien exposée de nos jours, du côté thomiste, par le P. Hugon.De Verbo inmrnalo, q. xi, a. 3, et, du côté moliniste, par le P. Pesch, De Verbo incarnato, prop. xxvi. Nous avons déjà rappelé plus haut que l’union hypostatique, . considérée comme source de l’impeccabilité, n’était pas un obstacle à la liberté, soit qu’on explique celle-ci par les décrets prédéterminants des thomistes, soit qu’on lui donne comme explication dernière la science des conditionnels de Molina. Au « sens composé » de la motion efficace, le Christ n’a pu pécher ; mais ♦ au sens divisé » de cette inotion.il a pu pécher, possédant la nature humaine qui, considérée dans ses facultés naturelles, peut défaillir. Partant, il est demeuré libre. On conçoit donc, que, se plaçant à ce point de vue, un excellent thomiste écrive : La difficulté n’est pas autre ici que la difficulté générale de concilier la liberté créée avec la prescience éternelle et avec le concours divin. De même que le décret prédéterminant porté de toute éternité ne nuit en rien à la contingence de l’acte qui se produira dans le temps, de même que la liberté demeure intacte sous l’influence de la motion divine ; ainsi le précepte du Père ne rend point fatale l’obéissance du Christ et la grâce, toujouis efficace en lui, bien loin de gêner la volonté, assure et produit les actes parfaitement libres et méritoires. L’union hypostalique entraîne pour l’âme cette plénitude de grâce habituelle ou actuelle qui se soumet toutes les puissances et exclut le péché ; elle garantit pour chacun des actes humains une motion infaillible qui les rend parfaits… Ainsi donc, en Jésus-Christ, le pouvoir radical de ne pas mourir ou de ne pas poser un tel acte existait véritablement, c’est seulement le fait de ne pas mourir ou de ne pas opérer qui ne s’est pas réalisé et qui, vu le plan divin, ne devait pas se réaliser. La liberté est donc demeurée intacte dans le Sauveur, comme j’avais l’entière faculté de m’asseoir à tel moment, bien que le fait n’ait pu avoir lieu que parce que je me suis trouvé en marche à ce même instant. La prédestination et la grâce efficace, tout en laissant la puissance entière, assuraient infailliblement que le fait ne se produirait pas, comme il es1 arrivé infailliblement que je n’ai pas été assis à cette heure de ma journée ». Hugon, Le mystère de l’Incarnation, p. 300-301. Les molinistes diffèrent d’expressions avec les thomistes : ils rejettent l’explication du < sens divisé i et du < sens composé », et lui substituent la prescience des futuribles ; mais la solution reste substantiellement la même, et revient â dire que

le problème de la liberté du Christ n’est qu’un aspect particulier du problème plus général « le la liberté humaine, sous la motion divine efficace. Cf. Pesch, op. cit., n. 329 et 342. Pour le détail des explications thomistes on consulte ! a Gonet, disp XXI, a. 3. 5 i : Billuart, dissert. XVIII, § 2 ; et Salmanlicences. loc. cit. — p. Critique. — La vraie difficulté n’est pas ou veulent la voir les thomistes, cf. Gonet, loc. cil., n. 93, dans la conciliation du régime d’inipeccabilile imposé pai l’union hypostatique à la volonté humaine avec ! la liberté du Christ ; d’excellents théologiens, qui ont L304

    1. JÉSUS-CHRIST ET LA rHÉOLOGlE##


JÉSUS-CHRIST ET LA rHÉOLOGlE. LIBERTÉ Kl CHRIST

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combattu la solution thomiste, concèdent que cette conciliation n’a rien de bien ardu, non milu videtur, expeditu ardua, écrit Théophile Raynaud, C.hristus Deus-Homa, 1. IV. sect. ii, c. vi. n. 388. Kl Suarez est pleinement d’accord sur ce point avec les thomistes et Molina. Disp. XXXVII, sect. ii, n. 23. La difficulté proprement dite vient de la vision intuitive ; les grands thomistes affectent de la résoudre en quelques mots. Gonet. loc. cit., n. 106 ; Billuart, loc. cit., § 3 ; Salmanticenses, loc. cit., n. 53. Le P. Hugon, soit dans son De Verbo incarnato, soit dans Le mystère de l’Incarnation, ne la mentionne même pas. Et pourtant c’est là tout le noeud de la question : Et « en effet, écrit le cardinal Billot, l’impeccabilité du Christ n’avait pas sa cause uniquement dans l’union hypostatique et

— ce qui en est la conséquence — le gouvernement de la volonté humaine par la divinité : elle avait également sa source dans la condition d.’ « compréhenseur », dont la volonté est physiquement déterminée à l’amour du souverain bien et, par conséquent, physiquement incapable de produire un acte quelconque répugnant à cet amour. La volonté de celui qui voit Dieu en lui-même aime en effet nécessairement tout bien nécessairement ordonné vers Dieu, exactement comme la volonté de celui qui ne voit pas Dieu dans son essence, aime nécessairement tout ce qu’elle aime, sous la raison commune du bien en général, la seule qu’elle atteigne… Ainsi, supposé que Dieu ait porté un précepte formel, le compréhenseur voudra nécessairement l’objet de ce précepte en tant précisément qu’il est imposé par Dieu : par le fait de ce commandement, tout bien opposé n’est plus capable d’être rapporté à Dieu et. s’il s’agit d’un précepte grave, tout bien opposé revêt un caractère nettement contraire et devient en réalité un mal Billot, De Verbo incarnato, th. xxix. A cette objection, plusieurs réponses ont été tentées. Dans le camp thomiste, les opinions sont partagées. Los uns, avec Capréolus. Silvestre de Ferrare, Médina. D. Soto, Jean de Saint-Thomas, Contenson, distinguent en Jésus-Christ deux amours de Dieu, l’un et l’autre ayant pour objet labonté divine considérée en soi et recherchée pour elle-même, l’un, réglé par la vision béatifique et par conséquent nécessaire, l’autre, réglé par la science infuse, et par conséquent libre. Dans son Manuel thomiste, Gonet indique cette solution comme probable. A cette première réponse, le cardinal Billot réplique par une fin de nonrecevoir. « Cette distinction dit-il, est vaine, car en réalité qu’un homme soit attaché avec un seul lien, il ne pourra être réputé libre, bien qu’il ne soit pas attaché avec deux ou trois autres liens ; il n’est, en effet, besoin pour l’attacher que d’un seul lien, si ce seul lien exerce toujours son action. Or la science bienheureuse exerce toujours son action sur l’âme du compréhenseur et fixe la volonté divine d’une façon nécessaire dans l’amour divin, avec lequel n’est compatible aucun péché ». La réplique de l’éminent théologien semble, au premier abord, irréfutable. On peut toutefois se demander si elle tient suffisamment compte de l’état exceptionnel dans lequel se trouvait, en Jésus-Christ, l’homme ù la /ois voyageur et compréhenseur. Nous sommes évidemment en face du mystère — le mystère de Jésus-Christ — mais, bien que Jésus ait joui, dès le premier instant de son existence, de la vision intuitive, on peut se demander si l’état de voie, dans lequel il se trouvait également, ne s’étendait pas aux opérations par lesquelles il devait mériter notre salut. Et à cette question la réponse ne saurait être douteuse. On la trouvera chez le cardinal Billot lui-même, th. xxiv. note, édit. de 1012, p. 285-286. Expliquant que le Christ doit être dit t voyageur » quant au corps et compréhenseur i quant a l’âme, le cardinal ajoute : i (tic affirmation peut être com prise dans un sens taux et comprise dan-, un sens vrai. Ce serait une erreur de croire que seul le corps et non pas l’âme a été le sujet des privations et <les opérations propres au Christ voyageur, lui effet, la passibilité appartenait au Christ voyageur, et cependant le sujet de cette passibilité n’était pas seulement lecorps ; et pareillement les opérations par lesquelles le Christ a mérite et satisfait étaient, sans aucun doute, les opérations de l’état de voie, puisque cet état est requis pour le mérite et la satisfaction. Et cependant, — c’est l’évidence même, — ces opérations appartenaient plus encore à l’âme qu’au corps l.a vérité consiste doue â dire que tous les défauts, toutes les conditions appartenant à l’état de voie, avaient leur racine, leur cause non pas précisément dans l’âme, mais dans le corps, c’est-à-dire dans cette chair mortelle et passible par lequelle le Christ a pleinement participé à notre nature. » Il ne faut donc pas raisonner comme si l’âme tout entière et dans toutes ses opérations était, en Jésus-Christ, réglée par les lois propres aux compréhenseurs. Le Christ a une psychologie spéciale et unique. Nous n’en pouvons découvrir les lois profondes et cachées, mais nous les pouvons soupçonner et peut-être la vérité se trouve-t-elle dans la formule thomiste, suffisamment indiquée par saint Thomas lui-même : « Le Christ n’a pas mérité par la charité qu’il avait en tant que compréhenseur, mais par celle qu’il avait, comme voyageur. Car il fut à la fois voyageur et compréhenseur. Mais maintenant qu’il n’est plus dans l’état de voie.il ne peut plus mériter. » Sum. theol., III’, q. xix, a. 3, ad l nn ».

Une deuxième solution thomiste distingue dans le même acte d’amour deux objets, l’un, la divine bonté considérée en soi et en tant qu’elle est la raison d’aimer Dieu et ses perfections nécessaires ; l’autre, la divine bonté considérée comme raison d’aimer les créatures, avec lesquelles cette divine bonté n’estpas en connexion nécessaire. Envisagé sous le premier aspect, l’acte d’amour est nécessaire ; sous le second, il est libre. C’est ainsi que l’amour que Dieu a de lui-même est nécessaire, et que l’amour qu’il a pour les créatures reste libre, quoique ce soit le même amour. C’est la solution de Nazario, Alvarès, Araujo, et, parmi les grands thomistes, de Gonet, dans le Clypeus, de Jean de Saint-Thomas et des Salmanticenses. Il semble bien que cette réponse soit insuffisante car quelle comparaison établir entre l’amour que Dieu a de lui-même et des créatures et dont la liberté relativement aux créatures trouve une raison d’être dans la transcendance infinie de tout ce qui est Dieu ou appartient à Dieu, et l’amour humain du Christ, nécessairement fini et soumis aux lois qui régissent les opérations des créatures ? Voir la discussion dans Gonet, loc. cit., n. 100 ; dans Billuart, dissert. XVIII, a. 4, § 3 ; Jean de S. Thomas, De incarnalione, c. xix, disp. XVII, a. 3, n. 10-19 ; Salmanticenses, disp. XXVII, n. 53.

I.a réponse des scotistes est plus simple. En principe, ils admettent la réponse thomiste de la double condition du Christ voyageur et compréhenseur. Scot, 7/i IV Sent., I. III. dist. XVIII, q. 7, n. 9. Mais, à la difficulté tirée de la vision intuitive, ils répondent purement et simplement que l’amour béatifique est sans doute nécessaire, paice que la Providence divine agit de telle façon que les bienheureux persévèrent en cet amour ; mais il respecte la liberté de la volonté dont il procède. Et la raison de celle assertion, c’est que le principe de l’impeccabilité des élus est extrinsèque et non intrinsèque à la volonté béatifiée. Voir Impeccabiuté, col. 1276. Mais cette théorie semble bien dénuée de toute probabilité. De plus, il faudrait dire, dan cette opinion, que le Christ a mérité d’une manière différente des autres hommes, car les actes tutres homme ! parvenus : < la béatitude me sont

I)lus méritoires. Il audrait dire que par un privilège spécial — quelle que soit « railleurs la nature de ce privilège — les œuvres du Christ ont été méritoires. Cl. Faber (Le Fèvre), In IV Seul.. 1. 111. dist. XY1II, disp. XLIY. n. 8, 26.

Les molinistes reprennent, en général, la première solution thomiste, en la précisant quclque peu. Ils partent de ce principe que l’âme du Christ était éclairée d’une double connaissance, la connaissance propre au compréhenseur, vision intuitive et la connaissance propre au voyageur connaissance infuse (per accidens) et surtout expérimentale. A cette double source de connaissances, devait correspond ! e une double série d’actes de volonté. Par la connaissance propre au voyageur, le Christ avait conscience du bien consistant dans l’obéissance due à Dieu, et cette obéissance ne lui apparaissait pas comme un bien absolu sans mélange du mal. Le précepte de souffrir et de mourir ne lui laissait-il pas entrevoir les maux très graves qu’il devait subir ? Il n’y a donc pas de doute que la volonté humaine du Christ, considérée en dehors de l’influence de la vision intuitive, fût libre de remplir le précepte imposé par Dieu. Or, la vision intuitive n’est pas une perfection constituant ou affectant intrinsèquement l’acte de la volonté du Christ voyageui : sur le Christ ainsi considéré, elle n’agit qu’extrinsèquement et par voie cle répercussion. Ne pouri ait-on pas admettre que l’influence de la vision intuitive, quoique excluant connaturellement tout acte opposé à la béatitude, pourrait cependant, pour tel effet déterminé, être tempérée de telle sorte que tout son effet connaturel ne se produisit pas ? Cf. Pesch, op. cit., n. 334, citant Suarez, disp. XXXIY, sect. iv, n. 7 ; De gralia, t. XII, c. xv, n. 18 ; / ; i Sum. S. Thomas, Molina, Concordia, q. xiv, 1. 13, disp. LUI, menib. 4 ; Tolet, IIP, q. xix, a. 4, concl. 5 ; Platel, De incarnalionc, n. 335. Comme confirmation de cette hypothèse on peut apporter la coexistence, dans l’âme bienheureuse du Christ, de la souveraine jouissance et de la tristesse causée par l’appréhension des souffiances, et par la souffrance elle-même. On pourrait également invoquer l’opinion admise par bon nombre d’auteurs que, chez les bienheureux, Dieu pourrait, s’il le voulait, unir â la vision intuitive la liberté. Toutefois cette opinion de Ripalda, De ente su.pernatu.rali, t. IV, dis]). I.XXYII, sect. iii, n. 23, cf. n. 41 est trop discutée et discutable pour fournir un point d’appui vraiment sérieux.

(3) Deuxième solution : il n’y a pas eu de précepte formel imposé au Christ par Dieu son Père. — y.. Exposé. — Le Père n’a pas imposé au Christ un précepte rigoureux, mais.simplement manifesté un désir, auquel Jésus s’est soumis de lui-même et qu’il aurait pu, sans aucune faute, ne pas accepter, Le précepte dont parle Notre-Seigneur Jésus-Christ ne peut pas être un précepte rigoureux, car le Clu is| ne sciait plus alors libre d’obéir : il s’agit donc uniquement d’une complaisance divine, d’un bon plaisir divin proposé au Christ, de telle sorte qu’un autre mode de Rédemption eût été, lui aussi, infiniment agréable a Dieu si le Christ l’eût préférée. Parce que ce précepte s’adressait a la volonté libre du Sauveur, il ne pouvait êlie un précepte rigoureux, porté sons peine de péché. La loi porté- par Dieu le Père relativement â la mort de son

Fils doil respecter les conditions de la moralité. Or

nulle moralité n’est possible là OÙ la volonté est déterminée naturellement ad tinum. En réalité, les partisans du précepte rigoureux détruisent, relativemenl à l’obéissance du Christ, la vraie notion de la

loi qui paraît être police par le Père. Celle thèse générale revêt divers aspects particuliers. En premier

lieu, il faut signaler la thèse de Petau, reprise par

Franzelin. Celle thèse se contente de l’affirmation

générale qu’on vient de reproduire. Toutefois il faut en préciser les points principaux. Il n’y a pas en Dieu de volonté absolue antécédente relativement â la mort du Christ. C’est parce que le Christ, connaissant le désir du Père, choisit librement, comme mode de rédemption, la mort sur la croix, que conséquemment à ce libre choix, prévu par Dieu de toute éternité, la volonté conditionnelle antécédente de Dieu se transforme en volonté absolue conséquente. Franzelin, De Yerbo incarnato, Rome, 1874. p. 1 13. Mais, même dans cette volonté absolue conséquente, il n’y a pas.de précepte proprement dit : il n’y a que l’acte par lequel Dieu veut que le Christ rachète le genre humain par cette manifestation très particulière de son amour pour Lui et pour les hommes. — On rapproche ordinairement de la thèse de Petau et de Franzelin celle du cardinal Billot, De Yerbo incarnato, th. xxx. Pourtant le cardinal se défend d’avoir repris l’opinion de Franzelin, op. cit., édit. de 1912, p. 320-321, note. Il commence par rappeler que Dieu peut vouloir, d’une volonté absolue et antécédente de bon plaisir. qu’une créature agisse en tel sens, sans cependant lui imposer cette détermination par un précepte formel. Le précepte, en effet, se rattache à la volonté dite de signe et n’implique par lui-même qu’une chose, c’est que la créature est moralement obligée d’accomplir la chose imposée par le précepte : ce qui ne signifie pas que cette chose arrivera, car la créature peut désobéir. Or Dieu, d’une volonté de bon plaisir absolue, voulait la rédemption du genre humain par In mort satisfactoire du Christ en croix, ainsi que l’attestent les textes de l’Écriture. Aussi le bon plaisir de Dieu, était que non seulement le Christ souffrît, mais qu’il souffrit d’une façon méritoire, donc en pleine liberté et dégagé de toute contrainte et de toute nécessité naturelle. Il était donc impossible que la volonté de bon plaisir de Dieu fût manifestée comme un précepte imposant au Christ l’obligation de la croix. Car ainsi le Christ aurait été, sinon contraint, du moins soumis à la nécessité physique de subir la mort sur la croix : or, cela répugne à sa liberté. C’est pourquoi la volonté de bon plaisir relative à la mort sur la croix devait exclure la volonté d’obliger le Christ à cette immolation, de même qu’elle excluait la volonté de déterminer les Juifs au déicide qu’ils commirent (et tout le monde accepte ce dernier point) ; mais Dieu, dans sa Providence éternelle, a disposé et voulu ldrdre dans lequel d’avance il savait que les Juifs, poussés par leur propre malice, mettraient â mort le Christ, el que le Christ, connaissant la volonté du bon plaisir de Dieu, s’y conformerait librement. Et dans ce but. â la passion du Sauveur, laquelle devait infailliblement se produire, furent disposées par Dieu des causes contingentes, absolument libres, sans qu’aucun précepte formel vînt soumettre la volonté du Christ compréhenseur â la nécessité d’obéir. Billot, loc. cit. On le voit : il serait absolument injuste d’identifier la position de Billot et celle de Franzelin. Celte dernière n’a rien de commun avec la position t liomisl « ; celle-là, tout en niant le précepte formel, admet en Dieu, antérieurement â l’acceptation du Christ, une Volonté absolue de Dieu relativement â la mort en croix du Sauveur : tout le problème se trouve ainsi réduit â l’accord de la volonté divine et de la liberté humaine, ce qui est tout à fait le point de vue thomiste.

p. Critique. A-t-on bien le droit de nier l’existence d’un précepte formel porté par Dieu le Père relativement au salut du genre humain par la mort du Sauveur sur la Croix’.' I.a grosse difficulté, l’unique difficulté réelle, dans l’opinion de Franzelin et dans celle de Billot, c’est l’autorité de l’Écriture. Les mots èvréXXto, tvroXf), dont Jésus se sert pour affirmer le précepte 105 JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. LIBERTÉ DU CHRIST

1306

porto par le Père. Joa., iv. 31, doivent être détournés « le leur sens propre Ces ternies sont toujours dans le Nouveau Testament les ternies techniques pour désigner les commandements divins proprement dits Cf. Matth., v. 19 ; xxii. 36, etc. ; or c’est un commandement de ce genre que Jésus a reçu relativement à la mort qu’il doit subir. Joa.. x, 18 ; xiv. 31. En obéissant à ee commandement, le Christ cherche, non sa volonté, mais la volonté de celui qui l’a envoyé, Joa.. v. 30 ; xvii. 4 ; Matth., xxvi. 30. Joa.. xv. 10. Au contraire, dans l’Écriture, jamais le mot b/-jXr t n’est pris en un sens impropre. Les textes de Matth., xix. 7 et Marc, x. 3. à propos du libellas repudii, que Moïse a commandé » de donner à la femme adultère, n’infirment en rien la portée île la remarque précédente ; le contexte suffit a rétablir le sens de ces textes : le commandement de Moïse consiste à ne renvoyer les femmes que par le libellus repudii ; mais le libellas lui-même est le résultat d’une simple tolérance qu’il ne faut pas confondre avec le commandement. Cf. Pesch, op. cit.. n. 338-339. Franzelin invoque également d’autres textes, mais dont le sens est très incertain, II Reg., xvi, 10. 1 1 ; Ps. lxvii, 20 ; Marc, vii, 36. Petau trouve facilement parmi les autorités patristiques qu’il invoque de solides arguments pour étayer sa thèse. De incanuitione, t. IX, c viii, n. 6, sq. Cf. Stentrup, op. cit., p. 1204 sq. Il cite notamment saint Jean Chrysostome, saint Cyrille d’Alexandrie. Théodoret, Théophylacte, Œcuménius, et on peut ajouter saint Anselme Meditalioncs, xi. De redemplore, P.L., t. CLviu. col. 704. Mais les partisans du pi écepte rigoureux font observer que les autorités alléguées n’ont pas le sens et la portée qu’on leur prête. Les Pères nient simplement, contre les ariens qui veulent rendre le Fils inférieur au Père, que le Christ comme Dieu ait a recevoir des préceptes du Père, et ils affirment en conséquence que nul pi écepte n’a été imposé contre sa volonté et surtout avec menace de châtiment. Il ne s’agit pas, dans la pensée des Pères, de concilier la liberté du Christ et son impeccabilité, mais de réfuter l’arianisme. Nous serions donc, en invoquant l’autorité des Pères en l’espèce, hors de la question. Quoi qu’il en soit, l’autorité des Pères est cependant

ante pour prouver que le sens du terme èvroXT] n’est pas tellement certain et absolu qu’on ne puisse adopter l’opinion qui conteste l’existence d’un précepte rigoureux. On fait une dernière objection à l’opinion de Petau.de Franzelin, de Billot : c’est qu’elle est. en théologie, d’invention assez récente. A son époque, le cardinal de Lugo l’appelle une opinion singulière », De incarnutione, disp. XXVI, sect. viii, n. 100. Et, de fait, cette opinion ne semble avoir rallié de très nombreux partisans que postérieurement : au temps du P. Antoine Mayr. elle ne méritait plus la qualification donnée par De Lugo ; Mayr, Cursus theologicus. Ingolstat. 1732, tract. IN. p. 501. Cependant Gonet, loc. cil., n. 57. lui donne comme pj entiers défenseurs Albert le Grand, Pierre de la Palu, Denys le Chartreux. Franzelin invoque l’autorité de Lorca, de Vitoria, au témoignage de Médina, de Salmeron, de Ribera, de Velasquez. Mais ce qui a fait sa fortune, c’est, sans contredit, le patronage de Petau, loc. cit., de Pallavicini, Cursus theologicus, De incarnalione, c. vin ; d’Esparza, id., q. xxxii ; de Platel, id., c vii, n. 330 et plus près de nous d’Holzclau (Theologia Wirceburgensium). de Franzelin et de Stentrup, De Verbo incarnatn, I, th. i.xxvi. p. 1201 sq. Pour maintenir au Christ le mérite d’une vraie obéissance, ces

lis ne manquent pas d’en appeler a saint Thomas, Sum theol.. Ha H », q. <iv. a. 2 : - l’obéissance est d’autant plus prompte qu’elle prévient le commandenu nt exprès du supérieur, en obéissant a la simple lligence de ce commandement non encore exprimé.

Cf. a. 5, ail 3>' : ". Sous la forme que lui a donne le cardinal Billot, cette théorie peut se réclamer du patronage de Su. ire/, disp. XXXVII, sect. i, n. 0. L’opinion de Suarez semble être méconnue de nombre d’auteurs qui ont écrit sur la question. Tantôt on la rattache à l’opinion thomiste ; cf. L. Grimai, Jésus Clirist étudié et médité, Paris, 1010, p. 100 ; Tanqucrcv. De Verbo incarnalo, n. 1008 ; tantôt on fait de Suarez un précurseur de Tournély : cf. L. l.abauche. Leçons de théologie dogmatique, t. i, Paris, 191 1. p. 246. Aucune de ces assimilât ions ne nous semble exacte. Suarez. fidèle à son éclectisme, a pris différents traits dans différents systèmes, mais son opinion définitive, qu’il appelle responsio ultima, précisément dans ce n. sur lequel on prétend s’appuyer, est bien celle cpie le cardinal Billot a plus longuement et plus explicitement proposée. Sur les différents aspects de la doctrine de Suarez ou lira Stentrup, op. cit., th. i.xxv, p. 11921198.

y) Troisième solution : il g a eu précepte, réel mais conditionnel et subordonné à l’acceptation du Clirist. C’est seulement après cette acceptation que le précepte est devenu rigoureux. Cette solution ingénieuse se présente sous trois formes que des nuances minimes séparent. -’L. La première forme est celle de quelques théologiens dont les noms sont presque oubliés aujourd’hui et dont le plus connu est Cabrera. C’est le Christ lui-même qui a demandé au Père de lui imposer le précepte de mourir : il fut libre en faisant cette demande, et cette liberté est le fondement du mérite qui accompagna son sacrifice. Cf. Gonet, loc cit., n. 02. Mais dans cette hypothèse, l’intention de sauvegarder le sens littéral des textes relativement au mot svt/ay ;. on arrive, en réalité, à méconnaître totalement les assertions les plus claires de l’Écriture ou à en fausser le sens évident. Nulle part nous ne lisons que le Christ ait fait cette demande au Père ; mais nous savons expressément par saint Paul. Rom., vin. 32. que Dieu le Père n’a pas épargné son propre /ils et qu’il l’a livre pour nous tous. Si l’hypothèse proposée était vraie, il faudrait dire que c’est le Fils lui-même qui ne s’est pas épargné et s’est livré. De plus, la volonté humaine du Christ, et non la volonté divine serait ainsi à la source première de notre salut. Enfin, pour que la solution proposée soit valable, il faudrait qu’on la puisse étendre aux préceptes de la loi naturelle, (voir plus loin) ; le Christ, en effet, dut les observer et librement. Or, on ne saurait dire que la liberté du Christ, relativement à ces préceptes, ait consisté à demander au Père de les lui imposer. Gonet, id., n. 6-1-66. — $. La deuxième forme est celle qu’a rendue célèbre le cardinal De Lugo. Ce théologien attaque vivement l’opinion de ceux qui tiennent pour le précepte improprement dit. Le Christ a donc reçu de son Père un véritable commandement de mourir ; mais comme l’obligation de subir la mort n’existait pour le Christ. en fait, qu’après un certain laps de temps, tout en concédant que dans le sens composé l’lu précepte, le Christ ne pouvait pas ne pas mourir, cependant le Christ pouvait détruire ce sens composé en demandant a Dieu son Père de le dispenser de la mort ou de lui imposer un autre moyen de satisfaction. N’a I il pas déclaré dans Mal th.. XXVI, 53 : Pensez-vous que je ne puisse pas prier mon Père et qu’il ne m’enverrait pas sur l’heure plus de douze légions d’anges’.' c est donc parce qu’il n’a pas voulu demander la dispense du précepte déjà porté, que le Christ a été libre.

nonobstant le commandement divin, De incarnat

disp. XXVI, sect. VIII, 11. 102. - - Celte solution.

élégante au premier abord, présente en réalité plus de difficultés encore que la précédente. Appliquée aux préceptes naturels, elle est purement contradicto car oi iil demander dlspen précepte 1307

    1. JÉSUS-CHRIST l##


JÉSUS-CHRIST l.T LA THÉOLOGIE. L1HLRTK DU CHRIST 1308

Ensuite, le Christ connaissant par la science de vision la volonté du Père relativement à sa mort, ne pouvait pas ne pas s’y conformer : il ne pouvait donc d’une manière absolue et efficace lui demander une dispense sur ce point. Enfin, en supposant même que le Christ ail pu demander cette dispense, une telle requête de sa part aût été une véritable imperfection, et l’imperfection est impossible en Jésus-Christ. Gonet, loc. cil., n. 08-69. D’ailleurs quel motif raisonnable de demander dispense d’un précepte imposé au Christ personnellement et par Celui dont la volonté, très juste, ne saurait imposer à quelqu’un ce qui ne lui conviendrait pas. Billot, op. cit., p. 323. La théorie de De Lugo est donc de tous points insoutenable, Elle a été reprise par Legrand, De incarnatione Verbi divini. dissert. IX, a. 3, concl. m. Sur cette opinion, on lira Mcntrup, loc. cit., p. 1198-1200. — y Une troisième forme a été proposée par Tournélv, De incarnatione, corrigeant quelque peu la thèse de la « dispense », inacceptable en Jésus-Christ (Tournélv ne rejette d’ailleurs pas cette thèse et ne fait que la compléter) : le commandement divin était conditionnel, dépendant du consentement du Christ. Quelques auteurs précisent que ce consentement du Christ fut donné par sa volonté humaine, éclairée par la science infuse, in sirjno priore ad visionem beatificam. Cf. Amicus, De incarnatione, disp. XXV, sect. iii, iv. En réalité, une simple nuance sépare cette dernière forme de la première qui représente le commandement divin comme porté à la demande du Christ. C’est toujours, en définitive, delà volonté humaine du Christ que dépendrait notre salut : on diminue la force du précepte et l’on ne tient pas suffisamment compte des affirmations de l’Écriture, qui « fait toujours remonter à la volonté divine, à Dieu lui-même, le bienfait du salut : « Dieu a tant aimé le monde cju’il lui a donné son Fils unique, » Joa., ni, 10. Ce n’est point parce que la liberté humaine a choisi la première que Jésus est livré, c’est parce que Dieu aime le monde et veut le sauver. » Hugon, Le mystère de l’Incarnation, p. 299-300. Enfin, il faut dire ici encore que, vis-à-vis des préceptes naturels, le Christ n’avait pas à les accepter pour leur conférer la force obligatoire.

8) Quatrième solution : le Clirisl, lié quant à lu substance du précepte, a été libre en ce qui concerne les circonstances de la passion, lesquelles n’étaient pas contenues dans le précepte. — Voici comment le cardinal De I.ugo rapporte cette opinion qu’il qualifie de communior, sans l’adopter lui-même. « Le Christ a été libre en accomplissant les œuvres commandées parce que, même en supposant qu’il ne fût pas libre (le ne pas accepter la mort qui lui était imposée par un commandement formel, il restait libre d’accepter la mort pour tel ou tel motif, en ce temps ou en un autre temps, par un acte d’amour plus ou moins parlait. Quand donc en fait il l’accepta par un acte de charité intense, pour Ici motif et à tel moment déterminés, etc., il l’accepta en réalité librement, parce cju’il aurait pu ne pas l’accepter ainsi : par conséquent son acceptation fut méritoire. Les circonstances de ce genre appartenant à la substance même de son acte, l’acte, indivisible, lut libre fout entier et fout entier méritoire. » Disp. XXVI, sect. vii, n. 82. C’est l’opinion de Grégoire de Valencia, De incarnatione, disp. 1, q. xix, punct. ii, fine ; et VasqueL, disp. l. IV, c. 5 ; île Lessius, De summo bono, t. II, n. 185 ; de Théophile Raynaud, Christus Homo-Deus, t. IV, sect. ii, c. vi, Ysambert l’a exposée et défendue avec beaucoup de clarté, In Sum, S. Thomte, I1L, q. xviii, disp. ii, a. 6,

I)c I.ugo, lue. cil., a bien saisi la difficulté principale le cet le explication. « S’il y a, pour le Christ, nécessité quanl a la substance du précepte et liberté seulemenl quant aux circonstances, on ne voit pas, en consé quence, qu’on puisse attribuer au Christ, comme acte louable, d’être mort purement et simplement ; <m ne lui doit pour cela aucune action de grâces ; il n’a point par là mérité et, finalement il n’a pas racheté les hommes parce qu’il est mort, mais parce qu’il est mort plus volontiers ou pour tel motif. Et toutes ces affirmations sont contre l’Écriture qui ne parle que de la mort du Christ considérée dans sa substance et non dans ses circonstances et qui allirme que louanges et remerciements sont dus au Christ pour elle. « Elles sont également contraires à l’affirmation du concile de Trente, qui professe que c’est par cette mort très sainte, par sa passion sur l’arbre de la croix, que Jésus nous a mérité la justification et tous les biens du salut. Scss. vi, c vii, Denzinger-Bannwart, n. 799. Toutefois il semble cpie cette argumentation ne soit pas pleinement efficace ; car si le précepte de Dieu ne porte que sur la mort considérée en général, l’élection libre du Christ acceptant telle mort en particulier semble bien concrètement se porter non seulement sur les circonstances de la mort mais encore sur la mort elle-même considérée toutefois dans sa réalisation individuelle et spécifique. En sorte que, sous cet espe » ct spécifique et individuel, la mort ne tombe plus sous le commandement divin. On reviendrait ainsi au système de Petau et de Franzelin, et c’est bien ainsi que ce dernier auteur et le P. Stentrup, expliquent l’opinion de Vasquez et d’Ysambert. Il n’en reste pas moins vrai que les données scripturaires contredisent cette explication : les circonstances du drame rédempteur étaient prédites d’avance, Ps., xxi, Is., lu et lui, voir col. Il 18 et Dieu a voulu que son Fils s’y soumît, les Écritures devaient s’accomplir, sic oporlet fieri, Matth., xxvi, 54. L’heure de quitter ce monde et d’aller au Père était fixée par Dieu : venit hora ejus ut transeal ex hoc mundo ad Patrem. Joa., xiii, 1. Il est donc bien probable que le précepte divin concernait non seulement la mort, mais les circonstances de cette mort. Suarez, disp. XXXVII, sect. iv, n. 9. De plus, ici encore, on ne voit pas bien comment la liberté de Jésus existe quant aux préceptes naturels.

Conclusion. — Tous ces systèmes témoignent des efforts laborieux de l’esprit théologique pour arriver à l’intelligence des dogmes. Mais on ne saurait dire, en les rapprochant des données scripturaires, que tous jouissent d’une égale probabilité théologique. Tous sont admissibles puisqu’ils peuvent tous se réclamer du patronage d’un ou de plusieurs théologiens de renom. Mais leur plus ou moins de probabilité dépend de leur connexion logique avec la révélation. Or, le premier système est seul à tenir intégralement compte de tontes les affirmations de la sainte Écriture. Toutefois comme le sens du mot præceplum n’est pas absolument certain, le système du cardinal Billot cl la « solution ultime » de Suarez qui conservent, rclativemenl à la mort du Christ sur la croix, une volonté de Dieu absolu et antécédente, présente également une grande probabilité spéculative et une sûreté de doctrine incontestable. Le système de Franzelin et de Petau semble trop diminuer la valeur et l’efficacité de la volonté divine relativement à noire salut : quanl aux autres systèmes, il paraissent la supprimer complètement : leur probabilité en est, en conséquence, diminuée d’autant.

Nota. La libellé du Christ et les préceptes naturels. (.elle question plus générale est résolue par les mêmes principes qu’on adopte pour donner une réponse à la question plus particulière de la liberté du Christ en lace du précepte de mourir sur la croix. Les thomiste ! de plus ou moins stricte observance n’éprouvent aucune difficulté à concilier la liberté du Christ avec

l’obligation d’observer les préceptes naturels soit positifs, soit même négatifs. Il n’est pas nécessaire, eu effet,

pour expliquer l’obéissance méritoire du Christ aux préceptes négatifs d’admettre, de la part du Christ, la liberté do contrariété dans le sons du bien ou du mal, et do la part de Dieu un concours susceptible d’amener

la volonté créée au mal comme au bien. Môme sous la motion efficace, entraînant infailliblement la détermination moralement bonne, la liberté — quel que soit le système qu’on adopte pour l’expliquer — subsiste. Le Christ a été libre, non do mentir, mais en disant la vérité. Los autours qui admettent que lo précepte est inconciliable avec la liberté du Christ n’hésitent pas à affirmer qu’on face dos préceptes naturels, positifs ou négatifs, Jésus n’a pas été libre et n’a pas mérité. En cola, disent-ils, il n’y a aucune imperfection, bien au contraire, par là est démontrée la perfection du Christ. D’autres affirment que leChrist est demeuré libre sur les circonstances des précoptes positifs, et que la spontanéité, la liberté avec lesquelles la volonté du Christ choisissait ces circonstances avait une répercussion réelle sur la substance môme de l’acte. Voir sur ces différents points Franzelin, op. cit., p. 452 sq. ; Pesch, op. cit., n. 343 ; Billuart, dissert. XVIII, a. 4, fine ; Suarez, disp. XXXYI1, sect. n et iv : Legrand, dissert. IX, a. 3 ; Stentrup, op. cit., p. 1211. Généralement les auteurs passent sous silence cet aspect du problème de la liberté du Christ : le dogme n’y est pas intéressé spécialement.

4. La perfection morale de la volonté humaine dirigée par la volonté divine. — Xous n’avons pas à étudier ici le problème historique et dogmatique du monoihélisme et du dyothélisme. Voir Monothélisme et Constantinople (IIIe concile de), t. iii, col. 1260. Nous supposons comme un principe accepté la définition de saint Martin I er au concile de Rome en 649, can. 16, affirmant en Jésus deux volontés et deux opérations, la divine et l’humaine, mais rejettant toute opposition et tout dissentiment entre l’une et l’autre. Denzinger-Bannwart, n. 269. Ce principe a été renouvelé expressément par le IIIe concile de Constantinople, confessant en Jésus deux vouloirs « non pas, il s’en faut, deux vouloirs naturels opposés l’un à l’autre, mais un vouloir humain subordonné et qui, loin de lui résister et d’entrer en lutte avec lui, se soumet bien plutôt à son divin et tout-puissant vouloir, car il faut que le vouloir de la chair soit mû et qu’il soit soumis au vouloir divin ; car de même que sa chair « st dite la chair du DieuVerbe et l’est, de même le vouloir naturel de sa chair est dit le vouloir propre du Dieu-Verbe et l’est, etc. Denzinger Bannwart, n. 291. Cette conformité constante de sa volonté humaine à la volonté divine est attestée par l’Écriture, Joa.. v, 30 ; iv, 31 ; viii, 29 ; Heb., x, 9, et est un dogme de la foi : « la volonté humaine dans lo Christ lut tout à fait ordonnée sous l’influence de la volonté divine, de telle sorte que le Christ n’a rien voulu par su volonté humaine si ce n’est en conformité pleine et entière avec le divin vouloir, selon la parole rapportée par Jean, viii, 29 : Ce qui plaît au Père, je lo fais toujours. » S. Thomas. Contra Génies, t. IV, c. xxxvi.

a) Le problème théologique. — Le problème théologique de la perfection morale de la volonté humaine dirigée en Jésus-Christ par la volonté divine se rapporte

i doux points précis : premièrement, comment concilier

avec la liberté du Christ cette conformité parde la volonté humaine avec la volonté divine ; deuxièmement, comment la concilier avec certaines aflirmations de l’Écriture, où il semble qu’il y ait eu lutte entre les deux volontés. Le premier point est résolu par les considérations proposées à l’occasion de l’impeccabilité du Christ, voir col. 1289 sq. C’est le second point qui nous occupe présentement : la question se pose, au point de vue de l’explication théologique, à cause du texte de Mat th., xxvi. 39 ; cf.

Marc, xiv, 36, Luc, xxii, 42. Au jardin de l’agonie,

.losus demande a son Père, si la chose est possible. d’éloigner de lui lo calice do la passion. Il se reprend aussitôt et ajoute : qu’il soit fait, non selon ma volonté, mais selon la vôtre. Ces textes laissent à coup sûr entrevoir, sinon une opposition, du moins une divei gence dans les volontés du Christ. Comment concilier cette divergence avec l’affirmation de la foi relative a la conformité pleine et entière do la volonté humaine avec la volonté divine on Jésus-Christ.

La théologie, pour résoudre cette difficulté, fait appel à certains principes tirés de la psychologie naturelle et en fait l’application à l’âme du Christ.

b) Les principes de solution. — La diversité des vouloirs ne suffit pas à établir une véritable opposition entre les vouloirs. Il faut que cette diversité soit dans le. même sujet et par rapport au même objet. S. Thomas, III’, q. xviii, a. 6. Or la psychologie humaine nous atteste l’existence, dans l’homme, animal raisonnable, de deux appétits différents, l’un proportionné à la vie animale, l’appétit sonsitif que l’on peut appeler volonté par participation, ou encoie volonté de sensualité, voluntas sensualitalis ; l’autre, en rapport avec l’élément spirituel de l’humanité, l’appétit rationnel, ou la volonté de raison, voluntas rationis. S. Thomas, id., a. 2. L’appétit rationnel, à son tour, peut être considéré ou bien comme puissance — et sous ce rapport, il n’y a qu’une faculté de vouloir dans l’homme — ou bien dans les actes produits par cette puissance. Ces actes sont de deux sortes. Les uns se rapportent à l’objet proposé à la volonté tel qu’il s’offre en lui-même, satisfaisant ou contrariant la tendance naturelle de la volonté. L’objet qui convient à la volonté excite ainsi naturellement le désir ; l’objet qui afflige la volonté provoque naturellement la répulsion. Les actes de cette sorte nous font considérer la volonté dans son développement naturel, voluntas ut natura, disent les scolastiques, GéXr^atç, disait saint Jean Damascène, De fïde orlhodoxa, t. II, o. xxii ; cꝟ. t. III, c. xiv, xyiu, P. G., t. xciv, col. 944, 1036, 1072. Mais d’autres actes de la même faculté se rapportent à l’objet s’offrant à l’appétit rationnel, non plus en lui-même, mais dans l’ordre qui le relie ou non à une fin, dernière ou particulière. Cet ordre est celui que la raison, naturelle ou surnaturelle, impose à la volonté. Ces mouvements sont libres, alors que les autres sont indélibérés ; ils dénotent une volonté éclairée par l’intelligence, voluntas ut ratio, disent les scolastiques, ^oûXeuaiç, disait saint Jean Damascène, loc.cil. S. Thomas, id., a. 3. Pour apporter des exemples concrets de cette double série d’actes volontaires, il suffit de prendre ceux qu’on retrouvera à propos de Jésus Christ. Instinctivement, la volonté humaine éprouve une vive répulsion pour les injures, les souffrances, la mort. Cependant si l’intelligence et la foi luimontrenl ces injures, ces souffran te mort en relation

aire avec un bien supérieur qu’il faut obtenir, la volonté éclairée par la raison n’hésitera plus a les accepter.

Mais ce n’est pas tout. Il existe une double manière de conformer sa propre volonté a la volonté divine. La première conformité existe quant > l’objet voulu, Ce que Dieu veut, je le veux aussi. Dieu exj l’adore ; eu l’adorant, je conforme ma volonté ; i la sienne quant a l’objet même voulu par lui Mai, il y a une autre conformité de la volonté humaine a la

ité divine, celle qui est. IlOtl <|U ; ml ; i l’objet voulu,

mais quant au vouloir lui-même. Un supérieur peut iser a son Inférieur un acte, qui, sans ode péché, cependant pas ce que Dieu eûl voulu. Dieu ne veul pas cet acte ; mais il veul lies certainement que l’inférieur obéisse a son supérieur. L’obéissance de l’inférieur conformera sa volonté i celle de Dieu, non 13Il JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. PUISSANCE DU CHIUST 1312

quant à [’objet voulu par Dieu, niais quant au vouloir. Cf. Billot, op. cit., p. 310.

ej Applications. Parce que Jésus-Christ a pris intégralement la nature humaine, nous devons reconnaître en lui à côté de la volonté divine dans le Ycibe la volonté humaine, et l’appétit sensitif ou volonté de sensualité. Nous devons également, dans la volonté humaine, introduire, quant aux aetes, la distinction îles théologiens de la volonté ut naturel et de la volonté ul ratio. Toutefois l’âme de Jésus a reçu de la divinité une puissance absolue sur son corps et sur les moindi es mouvements de ses puissances. Voir plus loin. Aucun mouvement de la volonté ou de l’appétit sensitif ne pouvant, en Jésus, échapper à l’emprise de la raison, il ne convient pas de parler, dans la volonté humaine ou dans la sensibilité du Chiisl de mouvements instinctïfs ou indeliberes. Ces épilhétes mai (nieraient, en effet, que ces mouvements échappaient à la direction qu’aurait pu ou dû leur imposer la raison. Il faut donc parler des mouvements naturels de la volonté ou des sens, mouvements d’attraction ou de répulsion à l’endroit des biens ou des maux considérés en eux-mêmes, mouvements que la volonté, éclairée par la raison, soutenue par la puissance divine, aurait pu soumettre à sa direction, mais qu’elle laissa, pour des motifs de haute sagesse, se produire selon les lois de la psychologie humaine.

Nous n’avons à envisager ici que le problème de la divergence des volontés divine et humaine en Jésus-Christ, divergence attestée dans Matth., xxvi, 39. Sur les sentiments et les passions dans le Sauveur, voir plus loin. Or, la volonté humaine dont il s’agit ici ne saurait être que le mouvement naturel de la volonté, mise en présence d’un mal pour lequel elle éprouve une répulsion naturelle. Transeal a nie calix isle ! I.c calice de la passion est un mal pour lequel, considéré en lui-même, la volonté n’éprouve naturellement que répulsion. Naturellement, dis-je : c’est-à-dire, non par opposition a la grâce, mais en raison de sa tendance innée. Mais d’autre part ce calice, considéré par rapport a la fin de la rédemption des hommes, fin voulue par Dieu le l’ère, était désirable poui la volonté humaine du Christ éclairée par la science bienheureuse et infuse. Et, sous cet aspect, le mal qui tout à l’heure faisait horreur au mouvement naturel de la volonté humaine du Chlist, s’offre a elle comme un véritable bien qu’elle désiie et qu’elle recherche : verumtamen non mea ueluntas, se< ! tua fiât. Entre, la volonté divine et la volonté humaine, ut ratio, aucune divergence n’existe, c’est la conformité absolue quant à l’objet voulu lui-même. Toute la difficulté est donc ramenée a la conformité de la volonté humaine. ut na.lu.ra, à la volonté divine. Il y a divei site d’objet entre la volonté humaine ut natura, « l’une paît - transeal a mr calix isle el. d’autre part, la volonté humaine, ut ratio, et la volonté

divine mm mea VOluntOS, sed tua liât !.Mais celle

i///v ; s/7é n’implique pas la conlrariélé, c’est-à-diitl’oppo sition des volontés. L’opposition n’existe, avons-nous dit, que si la diversité concerne le même objet. Or le même objet peut se présenter sous des aspects très différents qui constituent, dans le même objet, pris matériellement, plusieurs objets formellement différents. I.e juge, qui a condamné un criminel à la peine capitale, veut ce châtiment à cause de l’intérêt général

dont il a la garde ; l’ami du condamné, qui cherche a soustraire son ami a la mort, est pousse par l’affection. I.e souci de l’iuléiel général chez le juge el l’affection chez l’ami ne sont cependant pas en réelle it ion. du moins tant que le sentiment d’affection

n’ira pas jusqu’à vouloir positivement compromettre

l’intérêt public. Dans le Christ, la volonté divine el

la volonté humaine ut rotin voulaient des fermement ission, considérée comme moyen de racheter le

genre humain. Mais la volonté humaine, ut natura, éprouvait un sentiment de répugnance à l’égard de la passion considérée simplement en elle-même, c’est-à-dire comme un mal réel et affligeant pour l’appétit rationnel et sensitif : et c’était là. d’ailleurs, le seul aspect de la passion qui lui fût accessible. Il y a donc eu, à ce moment, diversité, mais non contrariété de volontés.

La psychologie du Christ exige que nous approfondissions encore cette solution. Sans impliquer de véritable opposition, la diversité des volontés pourrait, en effet, entraîner dans l’âme, par la violence même du mouvement naturel et instinctif, un empêchement total ou partiel, un retard du mouvement raisonné. Le phénomène se piodint assez fréquemment pour que les moralistes aient dû en faiie la psychologie et tracer des règles à son endroit. Mais n’oublions pas qu’en Jésus-Christ aucun mouvement naturel n’était purement instinctif et indélibéré. Tous, au contraire, étaient soumis à la volonté libre el à la laison dans un parfait équilibre de la nature humaine pei sonnellement unie au Verbe. Quelle que soit donc la foi ce du mouvement naturel que Jésus a bien voulu laisser se produire soit dans sa volonté soit dans sa sensibilité, il n’en a jamais éprouvé la moindre difficulté pour conformer pleinement sa volonté de raison à la volonté de son l’ère et pour agir en conséquence. Xequc volunlas divina, neque voluntas rationis in Christo impediebatur aut relardabatur per voluntatem naturalem aut per appelitum sensuulitatis S. Thomas. loc. cit., a. C. L’agonie de Jé>us n’implique donc pas une lutte dans la volonté’lu Christ, mais simplement dans la partie inférieure de lui-même. /<L, ibid., ad3um. Voir plus loin. Mais ce n est pas encore tout : il faut encore confesser que la volonté humaine du Christ. ut natura. c’est-à-dire dans ses mouvements naturels de répulsion à l’égard du calice de la passion a été conforme à la volonté divine, non pas certes quart à l’objet voulu, mais quant lui vouloir lui-même, l’aile fait que le Verbe prenait la nature humaine. I l pour des motifs de haute sagesse concernant notre foi en l’incarnation et les exemples de vie surnaturelle que nous devait laisser Jésus, voulait que la volonté créée de Jésus se développât aussi selon les lois naturelles de l’appétit humain, en tout ce qui est bon et honnête : ainsi, bien quc l’objet désiré ou repoussé par la volonté humaine du Christ, considérée ut natura. ne fut pas nécessairement celui que Dieu voulait et avec lui la volonté humaine du Christ, considérée ul ratio ; cependant le vouloir naturel en Jésus était conforme à la divine volonté : beneplacito divins voluntatis permiltebatur carni pâli et operari quæ propria. Cf. S. Thomas, 1IL, q. xiv. a. 1. ad 2°’" ; a. 2 : Suarez.disp. XNNY 1 1 1. sect. m. n. 3 ; Billot, th. xxvin. 5. La puissance de l’dnic du Christ. Dans ce dernier problème relatif aux perfections naturelles et surnaturelles issues de l’union hypostaliquc dans l’être même de Jésus-Christ, il s’agit de la puissance active pour produire des œuvres extérieures potentia activa ad extra. Or, L’âme de Jésus Christ. h ypostaliquement unie au Verbe de Dieu, peut être, au point de vue des œuvres extérieures, considérée sous un double aspect, celui qu’elle revêt comme principe d’opération dans l’ordre nature] el dans l’ordre surnaturel, celui qu’elle re et comme instrument du Yei be. 1)ans le premier cas,

elle est cause principale, dans le second, cause instrumentale proprement dite. Certains effets trouvent dans la cause seconde dont ils procèdent leur principe adéquat et permanent, soit naturellement, en raison de la vertu propre de cette cause, soit surnaturellemenl . en raison de la grâce et des vertus infuses par lesquelles la vertu naturelle se trouve élevée à un

ordre supérieur, On suppose par ailleurs que ces elTels L313 JÉSUS-CHRIST Kl’LA THÉOLOGIE. PUISSANCE OU CHRIST l.il’,

ne peuvent se produire qu’à l’aide « lu concours divin

sans lequel aucune cause seconde ne peut passer a l’acte quant à son opération, voir CONCOURS DIVIN, t. m. col. 78I. et en raison duquel la cause seconde, pur rapport à la cause première qui la meut, peut être dite, en un sens large et impropre, cause instrumentale, id., col. 786. D’autres effets, au contraire, n’ont dans leur cause immédiat e. même considérée comme mue par Dieu selon le mode ordinaire de la Providence. aucun principe proportionné, ni dans l’ordre de la nature, ni dans celui de la grâce. Ils nécessitent une interention particuhut extraordinaire de la puissance infinie agissant comme telle : comme effets de ce genre, on peut citer : la création, les miracles d*ordrc intellectuel (prophétie) ou physique (guérisons naturellement impossibles), la justification de l’âme pécheresse, l’accroissement de la grâce et des vertus infuses, etc. Dieu peut opérer ces effets extraordinaires directement ; mais, excepté pour la création, voir ce mot, t. iii, col. 2110, il peut également se servir, pour les produire, des causes secondes qu’il meut alors en leur communiquant sa puissance divine par mode de vertu instrumentale proprement dite. Lors donc que nous parlons de la puissance active du Christ ad extra, il faut distinguer tout d’abord ce qui, dans cette puissance, appartient en propre à l’humanité du Christ, soit dans l’ordre de la nature, soit dans l’ordre de la grâce, et ce qui lui appartient comme organe ou instrument de la divinité.

a) La puissance propre à l’humanité du Christ. — « Comme cause principale, l’âme du Sauveur avait la puissance de produire tous les effets qui peuvent convenir à une âme humaine soit naturellement, soit surnaturellement… Cette âme pouvait donc, comme cause principale, gouverner son corps, produire les actes humains, mériter la grâce aux hommes, satisfaire pour leurs péchés, exercer les opérations de se> trois sciences : vision béatifique, connaissance infuse, connaissance acquise. » Hugon, Le mystère de l’incarnation, p. 310-311. Cf. S. Thomas, Sum., theol., III 1, q. xiii, a. 2. Sur ce point la théologie n’a eu, au cours des siècles, qu’une discussion, d’ordre négatif, à engager. Cette discussion est relative à l’attribution à l’humanité de Jésus-Christ, comme cause principale, de la toute-puissance divine.

En un certain sens on peut concéder, en vertu de la loi de la communication des idiomes, que cet homme qui est Jésus-Christ est tout-puissant. Il n’y a. dans cet « homme qu’est Jésus-Christ i qu’une personne, la personne du Fils de Dieu et par conséquent la toute-puissance divine doit être attribuée à la personne du Fils de Dieu, même considérée comme subsistant dans la nature humaine. Cf. S. Thomas, toc. cit. a. 1, ad lum. Mais autre chose est que la toute-puissance soit dite appartenir personnellement I â l’homme qu’est Jésus-Christ : autre chose est qu’elle | appartienne réellement et essentiellement â la nature humaine qui est en la personne de Jésus-Christ. Attrij huer réellement et essentiellement un attribut divin | à l’humanité du Christ, c’est, en vérité, renouveler j l’hérésie du monophysisme. Voir ce mot. Cette hérésie a été renouvelée au xvie siècle par les ubiquitaires. Attribuant à l’humanité de Jésus les propriétés de la nature divine, ils en vinrent à dire que cette huma nité a reçu l’immensité et la toute-puissance. La droite du Père, exposent-ils, est partout : Jésus-Christ. même selon son humanité, est a la droite du Père, donc, même selon son humanité, il est présent partout. Et c’est ainsi, ajoutaient-ils, que doit s’expliquer la présence du Christ sons de multiples hosties sans recourir a la transsubstantiation. Voir l’exposé et la réfutation de cette doctrine hérétique a HYPOSTA-Tifjvt : Union), col. 541-549. En ce qui concerne spé r>K.r DE THÉOL. <- r HOL.

cialeniont la toute-puissance, on doit affirmer qu’elle n’appartient pas â l’humanité du Christ : il est hnpos sible que l’infini soit renfermé dans le fini ; de plus, l’être tout-puissant doit nécessairement être indépendant de tout autre agent ; la divinité seule peut Être toute-puissante. Gonet, disp, XIX, a. 1, n.8-11. Quant au texte de Malth., x.xviii, IX : Toute puissance m’a été donnée au ciel et sur la terre, on ne saurait y trouver une réelle difficulté ; il faut l’entendre ou du Verbe, Fils du Père, ou de Jésus-Christ en raison de sa personnalité divine, ou, si on l’étend â l’humanité, de la puissance d’excellence accordée à Jésus pour opérer des miracles, conférer la grâce, instituer les sacrements. Gonet, id., n. 12-14, L’omniscience qui est dite avoir été communiquée par Dieu à l’humanité du Christ n’est en réalité qu’une omniscience îelative, dont l’objet est l’objet même de la science divine de vision : donc cette omniscience est en réalité finie et son existence en l’âme de Jésus ne saurait être un argument en faveur de la communication de la toute-puissance. S. Thomas, IIP, q. xiii, a. 1, ad 2° m ; cf. Suarez, Comm. in h. I. On pourrait d’ailleurs parler, d’une façon tout aussi relative, de la toute-puissance de Jésus-Christ, qui, en effet, a pu réaliser tout ce qu’il voulait, d’une façon efficace et absolue. Ce que Jésus n’a voulu que d’une volonté efficace conditionnelle (par rapport aux libres initiatives des autres causes secondes qu’il entendait respecter), n’a pas toujours été réalisé. Sur la volonté inefficace ou conditionnelle en Jésus-Christ, problème plus scolastique que théologique, soulevé à propos de Marc, vii, 24 et d’autres textes similaires indiquant que la volonté ou le commandement de Jésus ne furent pas suivis d’effet, voir les subtiles dissertations de Suarez, disp. XXXVIII, sect. v et des Salmanti censés, disp. XXIII, dub. vii, n. 88-94, commentant S. Thomas, id., a. 4, ad l » m (deuxième explication : vel potest dici, etc.).

Ainsi donc, en vertu de sa puissance propre, l’âme du Christ n’avait pas de pouvoir spécial soit pour modifier l’ordre des êtres extérieurs, soit pour apporter un changement aux dispositions naturelles de son propre corps. S. Thomas, id., a. 2, 3 et les commentateurs, notamment Suarez. disp. XXXI, sect. i et les Salmanticenses, disp. XXIII, dub. i. Tout ce qu’il a fait, dans cet ordre de choses, relève de la puissance divine communiquée instrumentalement à son âme.

b) La puissance instrumentale du Christ. Les théologiens envisagent tout d’abord un aspect négatif de la question. Même comme instrument nul par la divinité, l’humanité de Jésus-Christ n’a pu produire cerlains effets lesquels, cependant, n’échappent pas à l’infinie puissance de Dieu, à savoir la création et l’annihilation des êtres. La cause instrumentale en effet, outre son effet instrumental, produit son effet propre, lequel suppose un sujet préexistant qui le reçoit. Aucune cause seconde, si parfaite qu’on la conçoive, ne peut donc concourir â l’acte de la création. Voir Création, t. iii, col. 2110. L’annihilation répond à la création : le « rien > qui serait le terme le cette opération destructive ne peut être le sujet récepteur de l’action propre de la cause instrumentale, Cf. S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. xiii. a. 2. — L’aspect positif de la question théologique touchant la puissance instrumentale du Christ peut se ramener à trois points principaux : existence, objet, nature de cet le puissance insl rumentalc.

a. Existence d’une puissance instrumentale en l’huma nité de Jésus Christ. Les miracles accomplis par Notre Seigneur, la grâce qu’il a accordée aux pécheurs repentants et qu’il confère encore aujourd’hui aux

hommes dans et par l’Église catholique sont des faits

VIII — 42 1315 JESUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. PUISSANCE DU CHRIST 1316

qu’on ne saurait révoquer en doute sans pécher directement contre la foi. Or, ce sont là des œuvres préternaturelles et surnaturelles qui supposent l’âme de Jésus ornée d’un charisme spécial, lequel lui est nécessaire pour produire de telles œuvres. L’existence de ce charisme est donc de foi, tout comme l’existence des œuvres dont il est, en Jésus, le piincipe. L’Écriture est explicite sur ce point. Cf. Matth., ix, 4, sq. ; Luc, vi. 19 ; viii, 43. De cette puissance, Jésus pouvait user comme il le voulait. Matth., viii, 2-3. Et les arguments de haute convenance, disons plus, de nécessité morale, abondent en faveur de l’existence, en Jésus, d’une telle puissance : La dignité de la personne du Sauveur exige que les différentes prérogatives, surnaturelles et prêter/naturelles, accordées parfois par Dieu aux autres hommes, Jésus-Christ, l’homme uni substantiellement au Verbe, les ait possédées d’une façon suréminente. Voir plus loin. De plus, la dignité messianique exigeait que Jésus-Christ fit connaître la vérité de sa mission par des œuvres attestant que Dieu était avec lui. Parmi les grâces gratuitement données par lesquelles le Sauveur se ferait connaître comme le.Messie annoncé, le don des miracles, signes de sa destinée messianique, figurait en toute première ligne. Joa., v, 36 ; x, 38 ; Matth., xrr, 2, sq., etc. Et ce pouvoir divin des miracles devait s’étendre sur toute la création, sur la nature, sur les hommes et même sur les anges. S. Thomas, III », q. i.xiii-xuv. Est-il besoin d’ajouter qu’on ne saurait attribuer à l’âme de Jésus la puissance de cause principale physique relativement à ces effets prétei naturels ou surnaturels. Dieu seul est la cause efficiente principale de la grâce. Voir Grâce, t. vi.col. 1633. Cf. S. Thomas, I 1, q. ex, a. 1 ; I" II*, q. cxii, a. 1, Suarez De incarna(ionc, disp. XXXI, sect.iv, et Salmantieenses./Je ineewnatione, disp, XX 111, ùub. iii, n. 16-17. Peut-être cependant pourrait-on concéder que le Christ, dans son humanité, a été cause morale principale des effets prêter naturels et surnaturels, miracles et infusion de la grâce, par son mérite surabondant. Salmanticenses, loc. cit., n. 18.

b. Objet de lu puissance instrumentale de l’humanité du Sauveur. — Nous pouvons le considérer sous un double aspect : le charisme des > grâces gratuitement données conféré à l’âme de Jésus-Christ en vue de lui faciliter l’accomplissement de sa mission messianique ; le pouvoir d’excellence concédé à l’humanité de Jésus relativement à la sanctification des hommes.

-. i Grâces gratuitement données. — Sur le rôle extérieur des grâces gratuitement données, voir Grâce, col. 1558. Saint Paul, cꝟ. 1 Cor., xii, 8-11, en énumère quelques-unes : < lui premier lieu, celles qui ont trait à la connaissance et à renseignement des choses divines : la sagesse est le don éminent d’expliquer les mystères de la religion par leurs sommets, c’est-à-dire par les raisons les plus hautes : la scienee s’attache aux vérités plus faciles et les présente avec des preuves mieux adaptées à l’intelligence naturelle. Vient ensuite la foi, non point la vertu théologale, mais une excellence et une fermeté particulière, de cette vertu, ou encore cette foi qui provoque les miracles , i transporte les montagnes. Puis, il tant convaincre les âmes par des arguments irrécusables qui soienl comme la voix ouïe sceau du Toiit-l’uissant ; faire ce que Dieu seul peut faiie, c’est la grâce des guérisons il le pouvoir des miracles ; ou manifester ce que Dieu seul connaît, c’est la prophétie et le discernement des

esprits. » P. Hugon, Mire de grâce, p. 193-194. Dans

toutes ces grâces gratuitement données, nous reconnaissons une vertu instrumentale émanée de la sagesse ou de la | ni sauce divine, car aucune d’elle ne saurait trouver dans l’âme humaine, même élevée a la

vie surnaturelle, un principe proportionné ci perma nent. En X’otre-Seigneur toutes ces grâces gratuitement données existaient à coup sûr d’une manière éminente, c’est-à-dire que Jésus les possédait dans leur plénitude et toutes réunies à la fois. Comment le docteur du surnaturel n’aurait-il pas possédé la science et la sagesse ? Ne se manifestaient-elles pas dès le temple de Jérusalem, lorsque Jésus y fut retiouvé discourant au milieu des docteurs ? Ne se manifesteront-elles pas de nouveau dans sa prédication de l’Évangile ? Comment le sanctificateur des âmes n’aurait-il pas possédé le don du discernement des esprits ? Jésus lit dans le fond des consciences. Joa., n, 25 ; Luc, vi, 8. Comment n’eut-il pas eu le don de prophétie, lui qui devait être le Prophète par excellence, annoncé par Moïse" ? Cf. Marc, vi, 15 ; Luc, vii, 16, 39 ; Joa., iv, 19 ; vi, 14 ; xii, 40. Il en a eu d’ailleurs la fonction, lui qui a prédit toutes les circonstances de sa passion et de sa résurrection, Marc, x, 33 ; Matth., xx, 17, la fuite des disciples, Matth., xxvi, 31, le reniement de saint Pierre et la trahison de Judas, Matth., xxvi, 21-25, 34 ; la ruine de Jérusalem. Matth., xxiv, 5-28 ; Marc. xiii. 5-2 1 ; Luc, xxi, 8-2 1 et les destinées de l’Église. Matth., xvi, 18, xxviii. 1H-20 Toutefois, en Jésus, les grâces gratuitement données se rapport an l à la connaissance et à renseignement des mystères, au discernement des esprits, à la prédiction des faits à venir existaient d’une manière bien supérieure à la manière dont les possèdent les âmes des hommes ordinaires : elles étaient, en effet, contenues dans la perfection de la science soit bienheureuse, soit infuse dont était ornée l’âme du Christ, et nous les devons donc éliminer de la puissance purement instrumentale dont était douée l’âme de Jésus ; elles lui appartenaient en propre et trouvaient en elle un principe adéquat et permanent. Envisagée sous l’angle des grâces gratuitement données, la puissance instrumentale de l’âme du Sauveur comporte donc surtout le don des guérisons et le pouvoir des miracles. Et ce pouvoir sur le monde extérieur eut raine comme corollaire le pouvoir de l’âme de Jésus sur son propre corps.

a. Pouvoir de Jésus sur le monde extérieur : le pouvoir des miracles. — L’existence de ce pouvoir étant hors de cause, voir ci-dessus, il ne s’agit ici que d’en déterminer l’étendue. Comme instrument de la divinité, l’humanité de Notre-Seigneur devait précisément pouvoir opérer tous les miracles utiles à la fin de l’incarnation. Cf. Cajétan, In ///"" p. Sum. S. Thomte, q. xiii, a. 2. Et parce que la fin de ce mystère est la restitution de toutes choses dans l’ordre, le pouvoir d’opérer des miracles devait s’étendre à tout ce qui peut favoriser cette restitution. Sur l’étendue de cet objet, esprits purs, hommes, créatures irrationnelles voir ci-dessus, col. 1233, et S. Thomas, Sum. t licol., III*, q. xliii, a. 1-1, commentés par les auteurs. — {ii. Pouvoir de Jésus sur son propre corps. — Si Jésus avait un véritable pouvoir sur le monde extérieur, à plus forte îaison le devait-il posséder à l’endroit de son propre corps. Il le fallait pour la fin de l’incarnation qui exigeai ! que le Christ, en tant qu’homme, eûl le pouvoir d’offrir sa vie ; cf. Joa., x, 17-18. Sans cela, en effet, le Christ n’aurait pu offrir un véritable sacrifice, faute d’avoir pu faire l’acte proprement sacerdotal de l’offrande de la victime. <>i. il semble a beaucoup de théologiens que l’offrande faite par le prêtre exige un acte positif, et non une simple permission ; il ne siilïisail’1 hic pas que le Christ se laissai immoler par les Juifs, il fallait qu’il s’immolât lui-même, faisant acte de puissance personnelle eu donnant sa vie. Lire S. Thomas. Coinpendium theologitc.e. CCXXX. Et comme, l’âme n’avait pas naturellement ce pouvoir sur son corps, il dut lui être donné, comme un pouvoir divin, instrumentalement communiqué. Cf. Hillot, 1317 JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. PUISSANCE Dl CHRIST L318

De Verbo incarnate th. xxii, s J : Salmanticenses, disp. XX 111. (luh. vu.

$) Puissance instrumentale du Christ relative à la production de la aràce. - Ce nouvel objet de la puissance instrumentale conféré à rame du Christ ne saurait être mis en doide. Noir plus haut. Il suffit, ici encore, d’en déterminer l’extension. Or, il est de foi, que les hommes, même depuis le commencement du monde, n’ont pu être sauvés que par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et ce n’est pas assez dire que le Sauveur a été cause de la grâce qui nous sauva, parce qu’il l’a méritée pour nous, parce qu’il s’est olïert en sacrifice expiatoire de nos fautes, en un mot, parce qu’ils nous a rachetés, il est également nécessaire d’affirmer qu’il est la cause de notre grâce, parce qu’il l’a produite effectivement en notre âme, non certes comme cause eiliciente principale, mais comme cause efficiente instrumentale. Toutefois, il est nécessaire d’introduire ici une distinction entre les hommes qui ont vécu avant et ceux qui ont vécu après la venue du Sauveur. L’humanité de Jésus-Christ, à l’égard de la grâce conférée aux premiers en vue des mérites du Sauveur à venir, n’a pu agir que par mode de mérite, c’est-à-dire moralement. C’est uniquement à l’égard de la grâce conférée aux seconds qu’elle a pu agir comme cause efficiente instrumentale. Il serait difficile, sur ce point, de soutenir l’opinion singulière que 15. Médina, sans oser la proposer absolument, déclare cependant non dénuée de probabilité, et qui attribue à l’humanité du Christ, à l’égard des effets surnaturels qui ont précédé, dans le monde, la venue du Sauveur, une véritable causalité eiliciente. Cf. Médina, In III xiii p. Sum. S. Thomæ q, xiii, a. 1. Elle se heurte, en effet, à l’évidence du principe formulé par saint Thomas : Causa e/ficiens non potest esse poslerior in esse ordine durationis, sicut causa finalis. Sum. theol., III’, q lxii, a. G. Xous affirmons donc simplement que toute justification de l’âme, se produisant ex opère operato ou ex opère operantis, non seulement au temps où vivait Xotre-Seigneur, mais encore postérieurement et jusqu’à la fin du monde, a pour cause efficiente instrumentale l’humanité de Jésus. Et, en dehors de toute controverse d’école, un argument d’ordre dogmatique suffit à démontrer la vérité de cette assertion : « La grâce de la justification ne nous arrive que par les sacrements reçus en réalité ou en désir… Par là, il est clair que la grâce nous est conférée non seulement en vue des mérites du Christ (comme elle l’était aux justes de l’Ancien Testament), mais encore par le Christ lui-même souffrant pour nous, c’est-à-dire par ses ministres et par les moyens institués par lui pour nous appliquer les fruits de la rédemption. Et cette ellicacité de la passion du Christ est bien marquée par le sang et l’eau qui s’échappèrent de son côté entr’ouvert. » Billot, De Verbo incarnalo, th. l. Sans doute, eu égard à la puissance absolue de Dieu, il aurait pu se faire que le Christ comme homme nous eût simplement mérité la grâce, Dieu se réscivant de nous la communiquer par lui-même, en dehors de tout ministère de l’humanité prise par le Verbe. Mais une telle disposition eût été contraire au bon ordre : car l’humanité, devenue l’organe de la divinité, doit participer à la distribution des biens spirituels qu’elles nous a mérités. De même que dans le Christ souffrant nous trouvons la source du mérite, de même de lui doit découler toute dispensation, toute production des grâces qu’il nous a méritées en souffrant poui nous. En résumé, l’humanité du Christ est cause méritoire et satisfactoire principale de la grâce, soit dans l’Ancien, soit dans le Nouveau Testament ; mais à l’égard de ceux qui sont venus après l’incarnation, elle est, en plus, cause efficiente instrumentale de cette

même grâce. Cf. s. Thomas, III q. ci. iii, a. 6, ad 3um.

e. Nature de la puissance instrumentale de l’humanité du Christ. tous les théologiens s’accoident sur

l’existence et l’objet de la puissance Instrumentale de l’humanité du Christ : les divergences s’affirment relativement à la nature de cette puissance instrumentale. Xous noierons brièvement et par ordre les différentes opinions, le problème devant être repris sous une autre forme et plus complètement à propos de la causalité des sacrements.

Tout le monde est d’accord pour al trlbuer à l’humanité du Christ une causalité morale de m élite par rapport aux miracles et à la grâce. Et l’on peut affirmer que cette causalité est une causalité principale. La controverse concerne la causalité eiliciente instrumentale.

a) Causalité morale. « La causalité efficiente morale réside en ce que, posée une certaine chose, une volonté différente (soit formellement soit virtuellement ) est mue pour produire un certain effet. L’humanité du Christ opérait donc moralement les miracles, si à cause des contacts, des paroles, de la simple volonté humaine du Christ, la puissance divine se manifestait infailliblement pour produire ce que le Christ, comme homme, avait décidé. » Pesch, De Verbo incarnato, n. 348. C’est la théorie de la causalité morale des sacrements appliquée à l’humanité de Jésus-Christ. En faveur de cette opinion, on cite parmi les anciens théologiens Albert le Grand, Alexandre de Halès, Summa, III a, q. iii, memb. 3, a. 3 ; saint Bonaventure (au moins pour la grâce), In IV Sent., t. III, dist. XIII, a. 2, q. m ; Duns Scot, In IV Sent., t. IV, dist. I, q. i et iv ; Durand de Saint-Pouiçain, In IV sent., I. III, dist. XIV, q. v, a. 2 ; parmi les auteurs plus récents, Vasquez, In 1 1 I xiii p. sum. S. Thomas, disp. LI, c. v ; in D m p. disp. CLXXVI, c. m ; Becanus, De incarnalione, c. x, q. îx, et bon nombre de théologiens de la Compagnie de Jésus : recenliores communissime, écrit avec quelque exagération Platel, De incarnalione, n. 259. On trouvera un bon exposé de l’opinion dans Pesch, De Verbo incarnato, n. 148, qui l’adopte, et dans Stentiup, th. lxxxv, qui la considère, au point de vue philosophique, comme plus probable. Les partisans de cette opinion s’appuient : sur l’Écriture qui représente Notre-Seigneur, au moment d’opérer un miracle, comme demandant à son Père d’exaucer sa prière, Joa., xi, 41-42 ; — sur les Pères qui n’attribuent à l’humanité de Jésus qu’une puissance morale relativement aux miracles ; cf.S.Athanase, Oral. III contra arianos, n. 32, P. G., t. xxxvi, col. 391 ; S. Augustin, In Joannis evang., tiact. viii, n. 9, P. L., t. xxxv, col. 1455 ; S. Jean Damascène, De fide orlh., t. III, c. xv, P. G., t. xciv, col. 1046 sq. ; S. Sophrone, Epist. si/nod., P. G., t. lxxxvii, 3, col. 3175 : — sur l’autorité de l’Église, notamment du tome de saint Léon : unum horum coruscat miraculis ; aliud succumbit injuriis, I enzinger-Bannwart, n. 144 ; et surtout du concile de Trente, énumérant les causes de notre justification, sess. vi. De justificatione, c. vu : hujus justificadonis causa sunt, finalis guident gloria Dei et Christi ac vita alterna ; BFFICIBSB uero miscricors Deus.. ; UBRi toria autem dileclissimus unigenilus sans I)..V..I. (.’…, TNSTRUMENTALis sacramentum baptismi, etc. Demum unira fut mal is causa fusil tia Dei… Denzinger-Bannwart, n. 799.— -Sur les raisons qu’on a coutume de développer à l’occasion de la causalité morale des sacrements, voir ce mol On a prétendu abriter cet te opinion soule patronage de saint Thomas. Il dil, en effet In IV Sent., I. III. dist. XVI, q. I, i..’!, que li-s miracles du Christ ont été accomplis par lui per modum orationi » et intercesslonis. Sur le sens de ce texte, expliqué différemment par les thomistes, voir Gonet, dis]). XIX, a. 2. s 2, n. 26-29. 131 ! » JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. PUISSANCE DU CHRIST 1320

P) Causalité physique. - Les meilleurs commentateurs de saint Thomas, c’est-à-dire toute l’école

thomiste, sauf Melchior C.ano qui adhère a l’opinion de la causalité morale. Relect. de Sacramentis, p, iv, q. 1. post cbnclus. 6, et bon nombre d’autres théologiens, dont les plus connus sont Grégoire de Valencia De incarnation ! ’, q. xiii. punet. 2 ; Suarez, De incarnatione, disp. XXXI. sect. m : Tanner, ici., q. v, duh. i, dubit. 2, et, de nos jours, dans leurs traités de l’incarnation. Janssens, Hugon, Van N’oort, etc., admettent avec saint Thomas, que la causalité morale ne saurait suffire poui expliquer la part prise par l’humanité du Christ dans la production (les miracles ou de la grâce. Cette causalité moi aie ( qu’on l’explique par le mérite ou par la prière, peu importe) requiert en outre une véritable causalité efficiente. Sans doute, les adversaires affirment. bien que la causalité morale est en réalité efficiente, et ils parlent de causalité instiumentale morale, mais leui thèse est difficile à expliquer et surtout leuis affirmations doivent tomber devant les textes précis de saint Thomas, lequel reconnaît, en Jésus, â l’égard des miracles et de la grâce, une double causalité per meritum et per efficientiam, meritorie et efficienler sed instrumentaliter. Sum. theol., IIP, q. viii, a. 1, ad lum ; q. xlviii, a. 6 et ad 3um ; q. i.xiv, a. 3. Or, cette causalité elliciente instrumentale ne saurait être purement morale : car elle vise les effets miraculeux â produiie dans les êtres, sauf la création. q. xiii, a. 2 ; cette restriction ne serait pas intelligible, s’il ne s’agissait d’une causalité instrumentale physique, au sens où l’entendent les thomistes, c’est-à-dire comportant deux effets réels subordonnés, l’un propre à, l’humanité du Christ, l’autre produit par cette humanité mue par la divinité, le premier appelait nécessairement le second dont il est comme une disposition préalable. En effet, dans l’hypothèse d’une causalit’instrumentale morale, rien n’empêcherait le Christ de demander à Dieu de créer un être.

D’ailleurs, de l’aveu même des théologiens favorables à la causalité morale, la causalité instrumentale physique i est plus conforme à certains témoignages de l’Écriture et (les Pères ». Slentrup, op. cit.. p, 1294, Nous avons, en effet, remarqué déjà, voir col. 1193, que le Christ opérait le plus souvent ses miracles en accomplissant certains gestes, certaines actions où le contact physique tient la plus large part ; cf. Mat th., vin. 2-3 ; 11-15 ; Marc, viii, 22-20 ; Joa., ix, (i ; vii, 32-35 I i miracle s’accomplissait, car, est-il dit plusieurs lois, une < vertu » sortait de Jésus et guérissait les malades Luc, vi, 1’.) ; cf. viii, 46. On comprend la causalité moi aie par l’invocation la prière, le mérite ; on ne conçoit plus le rôle de ces gestes sensibles du Sauveur dans l’hypothèse d’une causalité morale ; et comment expliquer cette vertu i qui sortait de lui’? D’autres fois la causalité de l’humanité du Christ — et c’est toujours le cas lorsqu’il s’agil de la rémission des péchés et de l’infusion de la grâce dans l’âme d’un pécheur — s’exprime d’une manière impérative, commandement, menaces ci simple volonté extéi ieurement exprimée, Marc, ix, 25 ; iv, 39 : v. 11-12 : Luc, ii, 14-15, 48 ; vi, 2() ; Joa., xi, 43. Lorsqu’il s’agil de

Communiquer l’Esprit Saint aux apôtres, Jésus joint

au commandement le rite sensible de llinsuffiation, Luc, xx, 22. Expliqués par la causalité morale, ces signes impératifs ne se justifient plus que par un occa sionalisme Insoutenable. Il faut donc leur accorder

une causalité propre et parlant physique.

Le concile d’Kphèsc fournit de plus, en ce qui

concerne particulièrement l’humanité du Christ, un

liment qui semble décisif. Le onzième anathé matlsme, parle de la chair vivificatrice oàpï Çiootccioç

du Seigneur. Mais la chair du Christ ne saurait’lie

vivificatrice selon la causalité morale, qui appartient

en piopre à l’âme ; cf. Gonet, n. 10. Et c’est bien un réalisme physique que piofessent certains Pères, notamment saint Cyrille d’Alexandrie, In Joannem, C n. iv, P. (’., t. i.xxiii, col. 565, 578 ; Exegesis ad Valerianum, P. G., t. lxxvii, col. 261-263 ; Quod unus sit Christus, P. G., t. î.xxv, col. 1360 ; Eusèbe de Césarée. Demonslr. evang., t. IV, c. xiii, 1>. G., t. xxii, col. 286-287 ; saint Jean Damascène, De fuie orthod., t. III, c. xvi, P. G., t. xciv, col. 107 !). On trouvera d’autres témoignages dans Suarez, disp. XXXI. sect. iii, et Petau, De incarnatione, t. X, c. n ; cf.Stentrup, loc. cit. Les thomistes insistent particulièrement sur ce fait que les Pères gtecs, surtout Eusèbe et le Damascène, appellent l’humanité du Christ organe du Verbe ou de la divinité. Or, cet organe ne saurait être conçu dans l’hypothèse de la causalité morale.

Enfin la raison paraît exiger la causalité physique ; l’humanité du Christ, physiquement unie à la divinité dans l’être même du Verbe, doit aussi lui demeurer physiquement unie dans l’opération. Or cette union physique dans l’opération suppose la causalité physique instrumentale, comme on l’explique d’ordinahe.

Ces principes généraux sont admis par les thomistes et autres partisans de la causalité physique ; mais dès qu’il s’agit d’analyser plus profondément la nature de la causalité physique instrumentale de l’humanité du Chiist, de nouvelles divergences commencent â s’affirmer :

a. La première opinion à citer — parce qu’elle doit être immédiatement éliminée — est celle du frère mineur André Vega, dans son ouvrage sur les décrets du concile de Trente, De justificationc doctrina universa, I. VII, c. xiv. Tant que l’humanité du Christ a vécu de sa vie terrestre, elle a été l’instrument physique, non seulement des miracles, mais de la grâce en ceux que Jésus a justifié immédiatement. Mais, montée au ciel, cette humanité ne peut plus concourir physiquement aux effets surnaturels qui se produisent dans l’Église militante.

A rencontre de cette opinion, l’unanimité morale des thomistes enseigne que L’humanité du Christ jouissait, même ù distance, et aujourd’hui encore du haut du ciel, de la causalité elliciente physique instrumentale par rapport aux miracles et à la grâce. L’assertion du 11e’anathématisme d’Éphèseest universelle et ne pose pas de restriction ; les textes rapportés plus haut du docteur angélique supposent ou affirment d’une manière explicite, lorsqu’il s’agit des sacrements, cette action physique instrumentale de l’humanité du Christ. Pourquoi appellerait-on l’humanité du Christ l’organe ou l’instrument de la divinité (et non du Fils simplement), si son action après l’ascension du Sauveur, ne devait être quc morale ? Enfin, il est de toute convenance que l’humanité glorifiée conserve au ciel les mêmes prérogatives dont elle jouissait ici-bas. s’il n’y a pas de contradiction â les lui reconnaître. Or, même au ciel, cette humanité peut conserver les caractères de cause instrumentale physique : comme cette humanité est un instrument nul par la divinité elle-même, sa vertu instrumentale n’est limitée ni par le temps, ni par l’espace. Aussi la passion, la résurrection de Noire-Seigneur sont dites par saint Thomas les causes instrumentales de noire salul et de noire propre résurrection, parce que l’humanité souffrante du Sauveur a été et reste encore, parce que l’humanité glorieuse de Jésus est toujours, par la vertu divine qui l’anime, cause Instrumentale de noire salut et de nolie gloire lutine. Cf. Gonet, loc. cit.. n. 35, 15. Et nul COntacl

physique n’est requis pour l’instrument, là où. a cause même de l’infinie puissance de Dieu, le « COntacl virtuel ou spirituel i suffit. Cf. s. Thomas, Sum theol., J321 JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. PI [SSANCE Dl CHRIST L322

III », q. xlviii. a.d. ad 2<>ni ; q. lxi, a. 1, ad 3um. Cette doctrine n’est, en somme que la traduction en formule BCOlastique de la doctrine de saint Jean, sur le Christ, vie des chrétiens, ou de saint Paul, sur le Christ, chef du corps mystique de l’Église.

3. Une deuxième opinion, dont on retrouve trace dans Cajétan et Silvestre de Ferrare, pour le premier dans son Commentaire in III"". q. xiii. a. 4 ; q. lxii. a. 1 : Ia-IIæ. q. cxii, a. 1. pour le second, dans le Commentaire in Sum. c. Genfea, t. III, c. lvi, a été pioposée par le cardinal Billot. Elle comporte deux assertions principales. — La première assertion est relative à la nature de l’action instrumentale, la seconde concerne l’instrument lui-même. S’appuyant sur un texte de saint Thomas, De potentia, q. vi. a. 4. ces auteurs disent que Dieu opérant les miracles par le seul commandement, l’action instrumentale de l’humanité de Jésus doit uniquement consister dans la présentation de ce commandement aux créatures. Qu’est, au juste, cette présentation" ? Le commandement divin réalise immédiatement les effets voulus par D*ïeu ; mais comment le concevoir physiquement passant par un instrument pour atteindre physiquement l’effet voulu’? Cette présentation du commandement divin consiste donc simplement dans la désignation des créatures sur lesquelles doit opérer le divin commandement. Dans cette désignation se trouve une marque efficace qui entraîne nécessairement, infailliblement le miracle. Mais l’homme, par lui-même, n’a pas ce pouvoir ; il faut donc qu’il désigne les créatures par l’autorité et comme instrument de Dieu. Ainsi le prêtre opère instrumentalement pour obtenir la transsubstantiation, en prononçant les paroles de la consécration, commandement divin, en vertu duquel le pain devient le corps, le vin devient le sang du Christ. Cette action instrumentale, conclut le cardinal Billot « ne provient pas d’une vertu physique, mais elle appartient bien plutôt à l’ordre intentionel de l’esprit qui dirige, avec le secours de la volonté. Et quoique dans des directions de cette sorte les forces naturelles de l’âme agissent (l’instrument doit toujours mettre dans son action quelque chose de lui-même), cependant ces forces n’auraient aucune efficacité par elle-même, si elles n’agissaient pas en vertu du souverain domaine que Dieu possède sur tout l’univers. Par là nous pouvons résumer en deux points l’analogie qui existe entre les instruments de Dieu dans l’accomplissement des miracles et les instruments physiques dont nous nous servons dans les arts humains. Premièrement, à l’opération propre de l’instrument physique correspond, chez l’instrument d’ordre rationel, la conversion vers la chose naturelle marquée ainsi par lui pour le miracle (cette conversion se manifeste par des paroles, des gestes, des contacts, ou même par un simple acte de volonté). Deuxièmement, au mouvement physique que l’agent principal communique à l’instrument physiquement, répond l’efficacité de la désignation, efficacité qui découle de la volonté de Dieu qui choisit lui-même les hommes et les anges qu’il veut pour devenir les instruments des merveilles à accomplir. » — Le second point de la présente opinion se rattache plus exclusivement à la question de la puissance instrumentale de l’humanité du Christ. L’instrument physique n’est pas instrument simplement lorsqu’il est mis en action par l’agent principal ; il possède auparavant déjà la forme qui le rend apte à agir comme instrument. Sans doute la hache ne coupe que lorsqu’elle est actionnée par la main de l’artisan : mais auparavant déjà, elle possède la forme qui la rend apte à recevoir cette impulsion : l’instrument acquiert sa vertu instrumentale, dit. saint Thomas, doublement, tout d’abord quand il reçoit la forme qui le fait instrument ; ensuite quand il

reçoit, de l’agent principal, l’impulsion qui lui fait produire un effet. » Sum. theol., [II », q. î.xxii. a. 3, ad 2, lm. Il faut eu dire autant, toute proportion gardée, des Instiuments d’ordre rationnel, que Dieu choisit pour accomplir des œuvres surnaturelles. Chez le prêtre qui consacre, la i foi me instrumentale n’est autre que le caractère sacramentel, dont le prêtre use comme il l’entend, en vue d’accomplir ce miracle déterminé qu’est la transubstantiation. Sur la nature du caractère sacramentel, voit Caractère, t. ii, col. 1702 sq. Dans le Christ la > l’orme » instrumentale n’a pas été une qualité, puissance possédée par mode d’habilus permanent : mais c’est par l’union hypostalique elle-même, par la grâce d’union, que, d’une façon habituelle, l’humanité du Sauveur a été constituée l’instrument de la divinité pour les opérations dépassant les forces de la nature. Billot, th. xxii, a. 1.

Remarquons immédiatement combien les deux points délimités si nettement par le cardinal Billot précisent le problème si embrouillé chez les auteurs et surtout chez Suarez, disp. XXXI, sect. v-vi, de la nature de la puissance instrumentale en Jésus-Christ. L’instrument, pour être, c’est-à-dire pour avoir sa forme d’instrument, n’a besoin, en Jésus-Christ, d’aucune addition intrinsèque ; par le fait de son union avec le Verbe, l’humanité est l’instrument de la divinité. Mais, pour agir, l’instrument doit recevoir de l’agent principal, en Jésus-Christ comme dans les causes physiques ordinaires, une impulsion, un mouvement de l’agent principal, et devient par là capable de produire instrumentalement l’effet auquel naturellement il ne peut atteindre. Ainsi, en Jésus-Christ, ♦ l’humanité doit recevoir de la divinité une impulsion, un mouvement, une « vertu instrumentale ». Qu’est-ce que cette vertu ? Le cardinal Billot répond à cette question précise dans le premier point exposé ci-dessus. C’est une intention, une direction de l’esprit, manifestée, dans les miracles de Jésus, par la désignation des créatures sujets des miracles, au moyen de signes extérieurs sensibles ou d’actes intérieurs de la volonté. On sait toutes les critiques auxquelles cette causalité intentionnelle, qui ne veut être ni physique ni morale, a donné lieu. Voir Sacrements. Il semble bien, en tenant compte de tous les éléments de la controverse que pour échapper à la contradiction, il faille la ramener à l’une ou l’autre causalité : nous l’avons maintenue parmi les opinions se réclamant de la causalité physique, parce que c’est par la causalité physique qu’il faut expliquer le texte du De potentia sur laquelle elle s’appuie.

y) Suarez admet pleinement la causalité physique instrumentale ; mais ne pouvant rejeter les principes posés par lui au sujet du concours simultané, il est contraint, pour expliquer l’action instrumentale de l’humanité de Jésus-Christ, d’abandonner les explications proprement thomistes et de s’engager dans une voie singulière. I.a vertu instrumentale communiquée au Christ par la divinité pour l’accomplissement des miracles, n’est ni une qualité surajoutée, ni un mouvement inspiré à l’humanité hypostatiquement unie a ce Verbe, mais c’es ! une vertu active obédienlielle existant en cette humanité, vertu par laquelle l’humanité sainte du Christ peut produire les œuvres surnaturelles, comme instiument de Dieu, Dieu concourant avec l’humanité par un secours ou un concours proportionné a l’effet voulu, secours ou concours excédant celui qui cùl été dû à l’activité naturelle île ht créature. I >isp, XXXI, sect. V, n. 7. Dans la partie négative de sa thèse, loc. cit., sect. vi, n. l-l". Suarez combat efficacement la thèse trop radicale, soutenue par quelques auteurs, dont Contenson, et d’après laquelle, même pour l’action Instrumentale, rien, absolument rien ne serait requis en l’humanité du Christ, en plus de l’union 1323 JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLpGIE. L’OPÉRATION THÉANDRIQUE 1324

hypostatiquc : il ne s’agirait que d’une élévation purement extrinsèque, Id nobis probari vix potest, dit de son côté avec raison Billuart, diss. XIII. a. 2 : l’union, en effet, n’ajoute rien aux puissances intrinsèques à l’humanité : ces puissances demeureront donc impuissantes relativement aux effets surnaturels. Voir également Salmanticenses, disp. XXI II, duo. v, $ 3. Mais la solution positive imaginée par Suarez soulève bien des critiques. Qu’est-ce que cette « puissance obédientielle active » ? N’est-ce pas un simple mot’.' Cf. Salmanticenses, disp. XXIII, dub. v, S 2 et 4. Nous n’insisterons pas davantage sur un système aujourd’hui abandonné de tous,

S) Il semble donc que logiquement on doive arriver à la solution thomiste, sans toutefois qu’on en puisse dissimuler les imprécisions et les difficultés. Cette solution allirme que Yaction instrumentale de l’humanité du Christ a son explication dans un principe spirituel intrinsèque à l’humanité du Sauveur, principe dérivé de la divinité et qui élève l’action de l’humanité à un ordre supérieur, tout comme la vertu instrumentale dérivée de l’impulsion donnée par la main de l’artiste élève l’action de l’instrument physique. Mais dès qu’il s’agit d’expliquer la nature exacte de ce principe intrinsèque, l’école thomiste se partage en deux camps, où nous rencontrons des noms également illustres. D’un côté, Capréolus, In IV Sent., t. IV, dist. I, q. i, a. 3, ad 4°’", Sylvestre de Feirare, In Sum. c. Gent., t. IV, c. lvi, les Salmanticenses, disp. XXIII, dub. vi. S 1, Gonet, disp. XIX, § 3, n. 48 sq., enseignent que le don des miracles et de la justification des pécheurs en Jésus-Christ, sous le rapport de la vertu instrumentale dont était doté l’humanité du Sauveur, était une QUALITÉ incomplète, de sa nature transitoire et passagère, mais possédée, en raison de la dignité du sujet, d’une manière habituelle. D’un autre côté, D. Soto, Cajétan, Cabrera, que cite et suit Jean de Saint-Thomas, De incarnationc, disp. XV, a, 3, concl. 3, estiment que ce don n’était qu’un mouvement divin, non seulement appliquant l’humanité du Christ à l’action, mais lui conférant simultanément la puissance pour agir sous l’impulsion de l’agent divin. Dans cette opinion, le Christ pouvait opérer des miracles lorsqu’il le voulait, cf. Mat th., vin, 2, non parce que la volonté divine était à la disposition et sous la direction de la volonté humaine, mais parce que la volonté humaine était au contraire tellement soumise à la volonté divine qu’elle agissait chaque fois que celle-ci le décrétait et comme elle le décrétait : l’unité de personne explique le si vis, potes me mundare.

Les diflicultés de la thèse thomiste sont exactement celles qu’on objecte à la causalité physique des sacrements. Nous renvoyons à ce mot.

Suarez, De incarnations disp. XXXI ; Salmanticenses, id., disp. XXIII : Gonet, id., dis] ». XIX. Ou trouvera un bon résumé dans Billuart, diss. XIII, a. 2. Voir également Stentrup, De Verbo incarnato, th. i.xxxv ; Janssens, Dr Deo-llominr, t. i, p. 479-491 ; Billot, De Verbo incarnato, th. xxii-xxiii ; Hugon, De Verbo incarnato, q- vii, a. 1-2 ; Ch. Pesch, De Verbo incarnato, pmp. xxvii, ri surtout Hugon, Du causante instrumentale en théologie, Paris, 1907. c. m.

6. Conclusions.

a) L’opération (l’activité) du Clirisl est nécessairement théandrique, a. Le mot i Ihéan drigue ». — Pour Justifier leur erreur, les monothélites se réclamaient du ici me i opération théandrique » dont s’était servi le pseudo-Denys poux désigner l’opération du Verbe incarné. Du reste, le Christ n’accomplissait pas les œuvres divines uniquement

connue Dieu, OU les crimes humaines uniquement

comme homme, mais parce que Dieu s’éiaii fait homme, il exerçait à notre endroit une sorte d’activité nouvelle, l’activité théandrique, BexvS

èvécyetav. De eccles. hierarch., ciii, ii, 4. P. G., t. irr, col. 429.

b. Le sens de cette expression. — Quoi qu’il en soit du sens plus ou moins orthodoxe de l’expression originale, les Pères l’ont interprétée en ce sens que dans le Christ les opérations divines et humaines appartenant au même sujet, et ce sujet étant à la fois Dieu et homme, OiavSpoç. ŒâvOpcoTîoç ou encore àvSpcoQdç 6sôç, pour reprendre les expressions du pseudo-Denys lui-même, toute opération du Christ, comme tel. peut être appelé théandrique. Évidemment les opérations du Verbe, comme Verbe, ne sauraient recevoir cette qualification. Le sens de l’expression « théandrique » a été précisé, en 619, par le concile romain tenu sous Martin I er, canon 15 : « Si quelqu’un, suivant en cela de criminels hérétiques, comprend d’une façon insensée l’opération divino-humaine (dcivirilem operationem ) que les Grecs appellent théandrique, et ne confesse pas en Jésus-Christ une double opération, la divine et l’humaine, mais prétend que cette expression : deivirilis, qu’on vient de rapporter, ne désigne qu’une opération unique, et ne marque pas simplement l’admirable et glorieuse union des deux natures, qu’il, soit co.idamné. » Denzinger-Banmvai t. n. 268. Dans cette union admirable et glorieuse, déclare le VIe concile, ulraque natura indivise et inconfuse propria operatur cum alterius communione. La » communion » des deux natures dans la dualité d’opération s’allirme sous un triple aspect. D’abord dans l’ordre de la perfection morale, l’opération humaine du Christ est tellement soumise à la direction de la divinité, que Jésus est le modèle par excellence de toute sainteté, de toute perfection ; voir ci-dessus, col. 1274 sq. ; à vrai dire il n’y a en Jésus, même dans l’ordre des opérations inférieures, que des actes humains, sagement réglés : cf. S. Thomas, IIP, q. xix, a. 2. En second lieu, dans l’ordre de la causalité instrumentale, par rapport aux miracles et à la justification des pécheurs : l’humanité est l’instrument proprement dit de la divinité, et ici la communion des deux natures dans la dualité d’opération devient plus stricte et s’affirme dans la subordination des causalités. Enfin dans l’ordre du mérite et de la salis/action, et ici ce n’est plus par une simple direction, par la communication d’une vertu instrumentale, c’est par la communication de l’être divin dans l’union hypostatiquc, laquelle donne a toutes les actions de l’humanité du Verbe incarné, une valeur et un mérite infinis. Cf. S. Jean Damascène, De fuie arthod., . III, c. xv. nix, P. G., t. xçiv, col. 1045, 1080. Ainsi donc, à l’exclusion des opérations propres au Verbe comme tel (soit ad intra. soit ad extra), toutes les opérations du Christ doivent être dites théandriques. Cf. Hugon, Le mystère de V incarnation, p. 288-289 ; Le mystère de la Rédemption, Paiis, 1910. p, 89-90. La causalité instrumentale en théologie, Paris, 1907, p. 78 sq. c. L’opération (l’activité) théandrique s’affirme surtout dans les ouvres méritoires et satisfactoires du Christ. -Dans l’ordre de la perfection morale, Dieu, en faisant appel à sa toute-puissance absolue aurait pu communiquer à un simple homme tant de glace et tant de perfection, que cet homme, dominant tous les autres par sa sainteté suréminente, aurait pu être leur modèle. Dans l’ordre de la causalité instrumentale, Dieu, par sa puissance absolue, aurait pu faire accomplir par un simple homme les miracles accomplis par le Christ : on ne nie pas pour autant qu’en fait, ces miracles accomplis par l’humanité du Christ sous l’impulsion de la divinité, n’aient affirmé d’une façon plus stricte la communion des deux natures dans l’opération, Mais l’ordre de la satisfaction et du mi exigeait impérieusement l’union hypostatique, et, en ce sens, c’est dans cet ordre que s’affirme davantage I l’opération théandrique. Sur la nécessité or l’incarna ; JÉSUS-CHRIST Il LA THÉOLOGIE. LE MÉRITE DU CHRIST L326

lion pour satisfaire Dieu, voir INCARNATION, t. vu. col. 1473. Que l’incarnation ait été également nécessaire pour nous mériter la grâce, dans l’ordre présent, cola est évident pour un double motif : premièrement, le mérite de cette grftce dépendait, dans l’ordre présent, de la réparation offerte pour les péchés ; deuxièmement, les individus humains étant indéfiniment multipliables, il fallait un mérite inépuisable, le mérite de l’Homme-Dieu. Cf. s. Thomas. [II », q. i. a. 2, ad 1°’».

Sur l’opération théandrique chez les Pèr-s. voir Petau, De incarnations, I. VIII, c. vu-xin. Voir l’exposé theologi<pje de la question dans Stentrup. th. u-uu ; llurter. De ri>o incarnaio, a. 534-558 ; Billot, De Verbo incarnate, th. xxxi ; Janssem, De Deo-Homine, t. i, p. 667-682, avec un bon choix de textes patristiques : I lu-’on, /). Verbo ine<irn(i(o, q. xi. a. I. n. l-t>.

b) Le mérite du Christ. — En raison de l’union hypostatique qui donne à Jésus la sainteté substantielle, toutes les opérations du Christ sont d’une dignité infinie, et par conséquent d’une valeur infinie quant à la satisfaction et au mérite. Faisons remarquer, toutefois, que cette valeur infinie ne leur vient pas du principe d’opération, la nature humaine, mais du principe d’être qui élève hypostatiquement cette nature le Verbe divin lui-même.

Ce principe général une fois rappelé, nous renvoyons à l’article Rédemption tout ce qui concerne le fait de la satisfaction infinie donnée par le Christ à Dieu, conformément aux exigences exposées à Incarnation, t. vii, col. 1173 sq. Quant au mérite nous n’avons à envisager ici que le mérite du Christ par rapport à lui-même, conformément au titre général du paragraphe. Cf. S. Thomas, III », q. xix, a. 3.

a. L’existence du mérite en Jésus-Christ, considérée d’une manière générale est affirmée explicitement par l’Écriture : Foetus obediens usque ad mortem… PROPTER QOOD et Deus exaltavit illum, Phil., ii, 8, ou encore, dans la bouche de Jésus lui-même, Xonne hœc oporluit pâli Christum et ita intrare in g oriam suaml Luc, xxiv, 26. Le concile de Trente, à propos de notre justification, dit que le Christ en est la cause méritoire, sess. vi. De juslificatione, a. vii, Denzinger-Bannwart, n. 799. La raison théologique enfin montre que, toutes choses égales d’ailleurs, il est plus parfait de posséder une perfection due au mérite que de l’avoir sans la mériter. On doit donc accorder au Christ toutes les perfections qu’il a pu mériter. Certes, il n’a pu mériter ni la grâce qui est le principe du mérite, ni la gloire essentielle de son âme, car l’absence de cette gloire en son âme eût été une imperfection incompatible avec l’union hypostatique. On délimitera plus loin l’objet du mérite personnel du Christ. Enfin toutes les conditions requises pour le mérite se trouvent réalisées dans le Christ ; il a été libre, voir ci-dessus, col.1295, ses actions étaient et quant à leur objet et quant à leurs circonstances moralement bonnes ; il a toujours fait la volonté du Père, voir ci-dessus, col. 1297 ; il était orné de la sainteté substantielle et de la grâce habituelle, possédée dans toute sa plénitude, voir ci-dessus, col. 1275 sq. ; enfin ses actions méritoires étaient accomplies dans l’état de voie, voir ci-dessus, col. 1309. Donc, l’existence du mérite en Jésus-Christ, conclusion certaine de tout ce qui précède, ne peut être mise en doute : c’est une vérité de foi.

b. L’objet du mérite acquis par Jésus relativement à lui-même peut se résumer en ceci : Jésus a mérité tout ce qui a pu contribuer a la gloire de son corps : transfiguration, résurrection, ascension et à l’exaltation de son nom. Cf. Apoc, v, 12. Saint Thomas attribue au Christ une triple exaltation méritée par une triple humiliation : la gloire qui a suivi la résurrection, méritée par < ements de

la passion : la manifestation de sa divinité, méritée

par la déchéance de l’incarnation, où le Christ a pris la forme d’esclave ; l’hommage enfin de toutes les créatures mérité par l’humiliation de l’obéissance

jusqu’à la mort. In Kf>ist. ad. Phil.. c. ii, lect..’!. On . lira également les belles considérations du même auteur relatives a la résurrection, III- 1, q. un ; à l’ascension, q. un ; à la session à la droite du l’ère, q. l.vill. Scot n’admet à l’égard de la gloire du corps, qu’un mérite indirect. In I Y Sent., Præf. I. 1. VoirDuNS Scot, t. iv, col. 1896

c. Quant au emps du mérite, les théologiens catholiques ont émis quatre opinions différentes qu’il suffit d’ailleurs de signale], la dernière seule étant reçue dans l’enseignement commun. - La première opinion n’accorde au Christ le mérite qu’après sa conception : il lui a fallu, pour ainsi dire, un instant de réflexion, pour agir délibérément. Ainsi opinent Alexandre de I [aies, Summa, part. III, q. xviii, memb. 2, a. 1 : saint Bonaventure, In IV Sent.. I. Ill.dist. KVIII.a. l, q. i. Durand de Saint -l’ourcain, In. IV Sent., t. III, dist. XV 1 1 1, q. ii, "Mais cette opinion se heurte à l’autorité de Heb., x, 6-9, et ne tient pas compte de la possibilité, pour le Christ, d’un acte, libre de volonté dès le premier instant de la conception. Cf. S. Thomas. III’. cj. xxxiv, a. 2-3. A plus forte raison donc, le Christ a-t-il mérité dès s i tendre enfance : les l’êtes, dans leurs serinons sur la naissance, la circoncision et l’enfance du Sauveur insistent sur les persécutions qu’eut à subir l’enfant Jésus et qui lui furent méritoires. La deuxième opinion, à laquelle il serait difficile de rattacher le nom d’un grand théologien, mais qu’on trouve relatée dans les auteurs, affirme que le Christ a pu mériter, même après sa mort, et qu’il mérite encore au sacrifice de la messe et dans l’administration des sacrements. L’état de voie est la condition du mérite. De ce seul chef, cette opinion manque totalement de probabilité. Vasquez, disp. LXXVI, c. i, n. 3 pense que le Christ, absolument parlant peut mériter pour nous, non pour lui, après sa mort et dans le ciel. L’intercession du Christ dans le ciel, Rom. viii, 31 : Heb., vii, 25 ; I Joa.u, 1. vaut par les mérites précédemment acquis (en tant que méritoire). Cf. Vasquez, loc. cit., De Lugo, De incarnalione, disp. XXVII, sect. IV, n. 54 ; Suarcz, id., disp. XXXIX, sect. m. n. 9. Quand les l’ères nous disent que les sacrements sortirent du côté entr’ouvert du Christ, ils ne disent pas que le Christ a mérité par son côté entr’ouvert : l’eau et le sang qui symbolisent les sacrements sont sortis du côté du Christ ; mais ce symbole n’implique pas un mérite en Jésus-Christ déjà mort. Suarez, disp. XXXIX, sect. iii, n. 10. — La troisième opinion, professée par Cajétan, In ///"" />. Sam. S. Thomæ, q. i.vi, a. 6, ad L « », /n II"" //æ q. cxxiv. a. 4, ad 2 et par Hurtado, De incarnalione, disp. LXIII, sect. x, enseigne que le Christ a mérité dès le premier instant de sa conception et jusque dans l’instant qui a terminé sa vie terrestre et qui a vu se consommer sa mort. La quatrième opinion exclut avec vraisemblance cet instant ultime. Cf. s. Thomas, III-’, q.u, I ium.

<l. Une quatrième question est relative à la charité

qui fut en Jésus le principe du mérite. Cette question a beaucoup d’affinité avec celle de la liberté du Christ examinée plus haut. En effet, l’acte de charité, par lequel le Christ aimait Dieu, était, eu raison de la vision intuitive, non pas libre, mai e, et

tout ce qui se rattache nécessairement a Dieu, devait être aimé nécessairement.La solution de cette difficulté a exercé la sagacité des théologii ; ans, avec

n/, disp. I.WIV, c. iii, nient que le Christ ait mérité par la charité qu’il avail pour Dieu. D’autres distinguent en Jésus-Christ deux charités, ré| l’une par la vision intuitive, l’amie par ! JÉS1 S-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. PASSIH1LITÉ Dl CHRIST 1328

infuse, et rapportent la liberté, nécessaire au mérite, à cette deuxième charité. C’est l’opinion de D. Soto, De natura et gratia, t. III, c. vii, de Suarez, De incarnatione, disp. XXXIX, sect. m. et on peut en rapprocher l’opinion de Tolet qui dans son commentaire ht Sum. S. Thomæ, III 3, q. xix, a. 3, concl. 3, admet que le Christ a mérité par la charité de l’état de voie et non par celle de l’étal de terme. D’autres, ne reconnaissant en Jésus qu’une charité, distinguent deux actes réglés l’un et l’autre par la vision Intuitive, mais le premier est nécessaire, parce qu’il se rapporte aux biens intrinsèques à la divinité, le second reste libre, parce qu’il se rapporte aux biens extrinsèques que procurent les créatures à Dieu, gloire, honneur, louange, obéissance, etc. On trouve cette explication chez Grégoire de Valencia, In IID™ p. Sum. S. Thoma-, q. xix, punct.2 et chezde Lugo, De incarnalione, disp. XXVII, sect. i, n. 4. La plupart des thomistes adoptent soit l’une soit l’autre des explications données plus haut à la liberté du Christ en face du précepte de mourir. Xombre de molinisles sont également, sur ce point, fidèles à la logique des principes posés par eux à cette occasion.

II. LES DÉFAUTS ET FAIBLESSES DE LA SATURE HUAI AI. E COMPATIBLES AVEC L’UNION HY POSTA-TIQUE. — 1° Principe théologique dominant le problème. — L’union hypostatique apporte nécessairement à l’humanité du Christ une incomparable perfection de science et de sainteté. Un en conclut que l’humanité de Jésus ne pourra revêtir les défauts et les faiblesses qui seraient incompatibles avec cette plénitude de science et de sainteté. C’est à la lumière de ce principe que nous devons analyser la compatibilité ou l’incompatibilité des dits défauts. Or, on peut ramener les défauts de la nature humaine à trois catégories.

1. Certains défauts n’appartiennent pas nécessairement à la nature humaine comme telle, mais ils surviennent accidentellement à tel ou tel individu, en raison d’une cause particulière à cet individu, faute personnelle, hérédité, maladie, vice de conformation congénital, etc. Le Christ, à coup sûr, n’a pu être assujetti à des défauts de ce genre qui impliqueraient une certaine infériorité personnelle, incompatible avec la dignité du.Messie. On ne voit pas d’ailleurs pour quel motif le Christ y eût été assujetti.

2. Certains défauts appartiennent à la nature humaine comme telle et lui sont, après la chute d’Adam, pour ainsi dire inhérents. En principe, Noire-Seigneur qui est venu sauver, sans acception de personne, tous ceux qui possèdent la nature humaine, devait se soumettre à ces défauts. Toutefois, il n’a pu s’assujettir à ceux qui répugnent à la science et à la sainteté parfaite : il n’a donc pu ni être sujet à l’ignorance, ni éprouver la difficulté à faire le bien, ni ressentir les atteintes de la concupiscence.

3. Restent donc, parmi les défauts inhérents à la natuie humaine, ceux qui se rapportent à la possibilité de souffrir et de mourir : la faim, la soif, la fatigue la douleur, la tristesse, l’angoisse, la crainte, etc. Nous avons vu que l’évangile attribue à Jésus-Christ tous ces sentiments, toutes ces liassions. Voir col. Il 16. Ce sont, dit saini Jean Damascène « toutes les passions naturelles à l’homme et nullement répréhensibles i, qu’il fuit attribuer au Christ, rcàvra -i cpuaixà y.’/X àoVapXy ; t « 7r<£8ï] tou 7.v<) : (’, >-’, -.. De /i<le orthod., t. III, c. xx, P.’L, t. m iv, col. 1071. Saint Thomas, résumant la penser des pries indique trois raisons de convenance en faveur de l’existence de ces défauts naturels en Jésus-Christ : il fallait que Jésus pût satisfaire (en souffrant) pour le genre humain : qu’il manifestât plus parfaitement la vérité de l’incarnation ; qu’il fût enfin pour nous un modèle dans la façon de les

supporter. Sumtheol., III’. q. xiv, a. l, cf. In IV Sent., t. III, dist. V, q. i, a. 1 ; dist. XXII, q. ii, a. l, qu. 1 ; C. Génies, 1. 1V, c.lv ; Compendium theologia-, c. ccxxvi. On peut encore ajouter une quatrième raison, indiquée par Heb., ii, 17 : clebuit per onviia /ratribus assimilari, ut misericors fieret et fidelis pontifex ; connaissant mieux nos infirmités, Jésus y pouvait compatir plus miséricordieusement. Et, par là, nous retombons dans l’argument général des convenances de l’incarnation. Voir Incarnation, t. vu. col. 1469-1470. Bien plus, le Sauveur a dû prendre ces défauts naturels nécessairement, c’est-à-dire non par suite d’une contrainte extérieure, mais parce que ces défauts étant inhérents à la nature humaine comme telle, il était nécessaire, d’une nécessité de nature, que le Christ les prît en prenant la nature elle-même. Cf. Sum. theol., III a, q. xiv, a. 2. En fait, le Christ a subi des contraintes extérieures, mais il les a subies parce qu’il le voulait délibérément et de sa volonté divine et de sa volonté humaine, éclairée par la raison et la science surnaturelle des desseins de Dieu. Id., ibid. Toutefois, il faut encore affirmer que le Christ a pris ces défauts sans, à proprement parler, les contracter. Il les eût contractés, s’il avait été pécheur comme les autres hommes, lesquels sont soumis à ces faiblesses physiques, à raison du péché. De Jésus-Christ, on ne peut affirmer qu’il ait « contracté » les suites du péché : prenant la nature humaine sans le péché, il aurait pu la prendre dans la pureté même qu’elle avait dans l’état d’innocence, il aurait pu la prendre sans les défauts, que corrigeait précisément l’état de justice originelle. Si ces défauts se trouvent en lui, c’est qu’il les a, non contractés, mais « volontairement pris ». Ibid., a. 3. C’est ce que les théologiens expriment en disant de ces défauts qu’ils étaient, en Jésus-Christ, à la fois nécessaires et volontaires. Suarez, De incarnatione, disp. XXXII, sect. m.

2° Première conclusion relative au corps « passible » du Christ. — Le corps de Jésus a souffert, non parce que Jésus, par un miracle, a voulu que son corps, incorruptible par nature, subît néanmoins en fait la souffrance et la mort, mais parce que ce corps est naturellement passible. Voir Gaianite (Controverse), t. vi, col. 1102 sq. et, au sujet des aphtartodocètes, .Monophysites. Sur la controverse soulevée au xiie siècle, entre Philippe de Harveng et le moine Jean, voir aussi Hulaire (saint), t. vi. col. 2139 sq. La i passibilité t du corps du Christ, est un dogme défini, voir col. 1263 sq. I.a théologie se contente ici de démontrer qu’il n’y a pas contradiction à ce qu’une âme glorifiée soit unie substantiellement à un corps passible. C’est le cas de NotreSeigneur qui ne fut « compréhenseur » que quant à une partie de son âme, voir col. 1273 sq. Ce n’est pas, en effet, en tant que forme du corps que l’âme est glorifiée. Et c’est pourquoi, lorsqu’on affirme qu’il y aura, chez les élus après le résurrection, rejaillissement (redundantià) de la gloire de l’âme sur le corps, on ne saurait concevoir ce rejaillissement comme le résultai d’une loi physique et nécessaire de la nature humaine. I.a grâce sanctifiante qui, dès celle vie, existe en l’âme comme principe de la gloire future et est inhérenfe à son essence, n’a aucun rejaillissement sur le corps et ne l’affecte en rien physiquement. Donc, la gloire elle-même de l’âme ne rejaillit sur le corps de l’élu ressuscité en vertu d’aucune loi physique et nécessaire, mais simplement parce qu’il est foui à lait convenable et conforme à l’étal de béatitude que la condition du corps suive celui de l’âme ef y participe. C’est une nécessité » connaturelle ».

Donc, qu’une.’une glorifiée ail élé. en Jésus, unie à un corps naturellement passible cela ne constitue pas en soi. et à proprement parler, un étal strictement JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. PASSIBILITÉ Dl CHRIST 1330

miraculeux, contraire aux lois physiques de la nature humaine. Mais une telle union serait contraire a toute convenance si. en Jésus-Christ, la convenance ne

devait pas exceptionnellement être réglée par les conditions tout à fait particulières et extraordinaires dans lesquelles le Sauveur a dû vivre sur terre. Ces conditions exigeaient que l’âme glorifiée, admise a l’immobilité substantielle île la vision béatiflque, fût unie, pendant son séjour ici-bas. à un corps passible et soumis à toutes les conditions propres à l’état de voie. En tout cela, par rapport à Jésus-Christ et à lui seulement, il n’y a pas de miracle, sinon en un sens très impropre, puisque cet état est exigé par les conditions spéciales dans lesquelles vécut le Christ sur la terre. Billot, thèse xxiv. Cf. s. Thomas, Sum. theol., III 1. q. xi v. a. 1 et les commentateurs.

3° Deuxième conclusion relative aux « passions » du Christ. {.Définition. — Il faut tout d’abord préciser le M-ndu mot < passio 1 v l.a philosophie moderne emploie ce terme pour désigner non seulement un phénomène affectif intense, mais encore et surtout un phénomène affectif dont l’orientation est contraire à la loi morale. La théologie et la philosophie scolastiques réservent le nom de concupiscence au dérèglement de la passion et nous savons que Jésus a été pleinement exempt de la concupiscence :

Le terme « passion », selon les philosophes scolastiques peut être pris en un sens strict ou en un sens large. Dans son sens strict, la passion désigne une altération d’où résulte, en celui qui en est le sujet, un déséquilibre plus ou moins violent de l’organisme. Entendue en ce sens, la passion n’existe donc que chez les êtres vivants et corporels. Chez les êtres doués de la vie sensitive, cette altération peut se produire de deux façons. Elle peut consister tout d’abord dans une lésion des membres, une irritation des organes corporels ; sans doute ces troubles ont leur répercussion dans la sensibilité douloureuse, mais parce que le corps est d’abord altéré, on les appelle plus spécialement passions du corps. L’altération peut être aussi un mouvement violent de l’âme, accompagné sans doute d’un certain changement dans les organes du corps, le cœur ne se dilate-t-il pas sous l’influence de l’amour, de la joie, de la tristesse ? cf. S. Thomas, De veritate, q. xxvi. a. 8 ; mais sans lésion ou irritation’de ces organes, et parce que ce mouvement se rapporte plutôt à l’âme, on l’appelle une passion de l’âme. Voir le commentaire de Cajétan. In /""> II »  », q. xxii, a. 1. Passions du corps en Jésus-Christ, la soif, la fatigue du voyage, les souffrances de la flagellation, de la crucifixion ; passions de l’âme, la crainte, l’ennui, la tristesse du jardin de Gethsémani. Certains auteurs modernes nomment, pour plus de clarté, les passions du premier genre, des sensations ou des passions, celles du second genre des sentiments. Cf. Labauche, op. cit.. p. 280 ; Hugon, Le mystère de i Incarnation, p. 304-303.

Mais il y a plus : l’âme peut être contrariée, dans les opérations qui relèvent exclusivement de la vie intellectuelle, l’ar la connaissance et l’appréhension d’un mal qui la menace, l’âme, dans sa partie supérieure, éprouve de la tristesse, de la crainte, de la souffrance purement spirituelles, lesquelles ne sont pas la tiis. la crainte, la souffrance sensibles, bien que fréquemment unies à elles dans l’homme, en raison même de l’union de l’âme et (lu corps. La passion entendue en un sens large, peut donc être définie : l’affliction spirituelle de lame. En Jésus, cette passion spirituelle de l’âme existait certainement, lorsi|u il s’écriail : Mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ?

wenant t dis passions en Jésus-Christ. - a) Les itis proprement corporelles, lésions ou irrita tions des organes, ne sont pas incompatibles avec la sainteté du Christ. Le Sauveur, ayant pris un corps passible, devait effectivement ressentir les passions. corporelles. — b) L’affliction spirituelle n’est pas non plus une imperfection ; elle est donc compatible a vicia sainteté absolue, l.a seule difficulté théologique qu’on puisse soulever à son sujet concerne sa coexis tence. dans lame bienheureuse du Sauveui, avec la joie parfaite de la vision intuitive. Voir plus loin.

c) Mais les passions de l’ordre sensible, ire sont-elles pas une imperfection ? N’échappent-elles pas, en effet, au domaine de la volonté et de la raison ? Ne nous retardent-elles pas dans la voie du bien ? En un mot. le sage, le parfait, ire doit-il pas être sans passions de ce genre ? La réponse à ces objections découle des vérités rappelées plus haut, voir col. 1293 sq.. touchant la puissance de l’âme de Jésus sur les mouvements de sa sensibilité. Il faut, avec sairrt Thomas, distinguer, dans les passions de l’appétit sensible, le côté physiologique — modification de l’organisme — qui en est comme l’élément matériel, et le côté psychologique mouvement de l’appétit sensilif — qui en est comme l’élément formel. Sum. theol.. [ » II*, q. xxxvii, a, 4. Or le mouvement physiologique considéré err soi. n’implique aucune imperfection morale et répond au caractère passible du corps de Jésus. Le mouvement psychologique peut être désordonné et dénoter une imperfection mais ce désordre et cette imperfection ne lui appartiennent pas essentiellement : ils ne sont provoqués qu’accidentellement soit en raison de l’objet vers lequel il tend, ou de la violence avec laquelle il se manifeste et qui prévient le jugement de la raison, ou lui fait excéder la juste mesure, empêchant la raison de demeurer dans les limites convenables. Or, ce mouvement psychologique désordonné ne pouvait, nous l’avons vii, exister en Jésus.

Nos passions, conclut donc à bon droit, le P. Hugon o se portent souvent vers l’objet mauvais qui nous séduit par ses perfides amorces, ou vers l’objet frivole, qui nous fait gaspiller nos énergies : celles de Jésus sont toujours orientées vers l’honnête, vers l’utile, vers la fin de la rédemption. Les nôtres préviennent plus d’une fois la raison et troublent la sérénité de ses décisions ; celles de Jésus, commandées par la partie supérieure, n’agissent que sur ses ordres. Les nôtres aboutissent parfois à des effets désastreux : au lieu de se tenir dans leur domaine propre, elles empiètent sur celui de la raison et entraînent avec elle la faculté maîtresse qui aurait dû les gouverner et les dompter ; celles de Jésus, toujours harmonieuses, ne sortent jamais de leur rayon et servent toujours l’esprit. C’est pourquoi de grands docteurs, à la suite de saint Jérôme, In Matth., c. v, v 28, P. L., t. xxvi, col. 38. disent que les émotions en Noire-Seigneur sorrt plutôt îles />ropassions que des passions. Elles sont bien des passions véritables au sens philosophique, c’est-à-dire des mouvements réels de l’appétit sensitif, mais elles restent entièrement affranchies des désordres qui trop

BOUVent accompagnent ces mouvements chez les

autres humains. L’mystère de l’incarnation, p. 300. Cf. s. Thomas, Sum. theol, III’. q. xv, a. H0 : Salmanticenses, De incarnations, disp. XXV, dub. viii,

n. 104 sq.

. ;. Comment concilier lu tristesse et lu douleur en Jésus-Christ avec la joie béatiflque. Il n’y a pas de miracle nouveau (c’est la simple conséquence des principes exposés plus haut), à ce que dans une.nue glorifiée unie a un corps passible, coexistent, d’une paît, la Vision bienheureuse et, d’autre part, la Iris tesse et la douleur, soi ! dans l’appétit sensible soit même dans la partie supérieure de l’âme intellect ive.

a) Pour que se produise la coexistence de la tris1331 JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. SUJÉTION DU CHRIST 1332

lesse et de la douleur sensibles avec la joie béatifique, il suflit que chacune des puissances de l’âme soit laissée à son exercice normal. Ce n’est pas, en effet du côté de l’objet que la vision intuitive exclurait les mouvements inférieurs, car les objets sont différents : l’objet de la joie béatifique est le bien divin possédé par l’âme : l’objet de la passion sensible, tristesse ou douleur, est un dommage que l’on redoute pour soi ou pour autrui. Ce n’est pas non plus du côté du mouvement que s’exclui aient la joie de la vision divine et la passion de la tristesse ou de la douleur sensibles. La vision intuitive exclut tout mouvement organique et laisse donc, à l’égard d’un objet sensible, la possibilité, dans une faculté sensible, d’un mouvement organique qu’aucun mouvement contraire du même genre ne vient contredire. Enfin, ce n’est pas l’influence naturelle de l’opération d’une puissance sur une autre qui pourrait empêcher ici cette coexistence. Dans la vie présente, par exemple, nous ne pouvons exercer notre intelligence qu’en exerçant notre imagination, car physiquement l’idée est solidaire de l’image et réciproquement. Mais en celui qui, comme le Christ, serait à la fois « voyageur » et « cornpréhenseur », les conditions deviendraient toutes différentes et échapperaient aux lois psychologiques connues de nous. La vision intuitive est totalement transcendante par rapport à nos facultés sensibles ; avec ces dernières elle n’a aucun point de contact possible. Et donc, ici encore, l’influence de la vision intuitive sur l’exercice d’une faculté sensible doit être conçue à la façon dont se produit l’influence de la gloire de l’âme sur le corps ; cette influence se produit parce que moralement exigée par l’état des élus. Mais, en Jésus-Christ, parce que les conditions psychologiques sont différentes, cette influence ne doit pas « connaturellement » se produire. Dans l’âme du Christ, " Dieu permet aux puissances inférieures leur exercice normal à l’égard de leur objet propre, et ainsi le Christ était à la fois ravi du ravissement des bienheureux dans la partie supérieure de son âme et livré aux mouvements de crainte et de douleur dans ses facultés inférieures. — b) Ce n’est pas tout. Ce n’est pas encore assez, pour expliquer l’Evangile, de montrer qu’il n’y a pas contradiction à admettre, dans l’âme de Jésus, la joie et la vision intuitive dans l’intelligence, les passions de douleur et de crainte dans les facultés sensibles ; il faut encore admettre que cette douleur, cette crainte, ce sentiment d’abandon, cet ennui, cette tristesse ont pu avoir et ont eu en fait une répercussion dans l’intelligence même et dans la volonté de Jésus. Voir prop. 13 condamnée par Innocent XII, Denzinger Bannwart, n. 1339. Son intelligence n’a-t-elle pas compris toute l’amertume du calice qu’il fallait boire ? Et sa volonté ne répugnait-elle pas tout d’abord à consommer le sacrifice ? Ici encore, il n’est pas contradictoire d’affirmer que, dans la partie supérieure de l’âme, du Sauveur, joie et tristesse, ravissement et crainte, vision béat iflante et sentiment de l’abandon de Dieu ont pu simultanément coexister. Sans doute, la vision intuitive n’a pu, même en taisant connaître au Christ les maux qu’il devait endurer, être pour lui un principe de crainte et de douleur ; car cet te science

de vision ne fait pas connaître les maux en cm mêmes, mais en tant qu’ils sont contenus dans les raisons éternelles de la divine sagesse, et c’est parce qu’ils les connaissent sous « et angle que les élus ne ressentiront aucun chagrin, aucune peine des maux de ceux

qui leur sont chers. Voir Intuitive (1 ision), roi. 2392.

Mais, nuire la science de vision, le Christ possédait la science infuse et la science acquise : et, par Cette double

(ii née. il connaissait les maux de toute sorte, d’abord en eux mêmes, puis en tant </ii’ils pouvaient l’atteindre personnellement. Il connaissait ainsi tes souffrances de

la passion qui devaient être son mal personnel ; il connaissait ainsi tous les péchés des hommes, qui l’écrasaient de leur poids, parce qu’il s’en était volontairement chargé et qu’il s’était substitué, victime volontaire, aux pécheurs. Et la volonté du Christ, sa volonté humaine, ne pouvait naturellement qu’éprouver de la répulsion pour ces maux qui l’accablaient : de là, la tristesse, la douleur morale, le sentiment de l’abandon. La vision intuitive ne pouvait exclure ces sentiments ni être exclus par eux. L’objet formel de la vision intuitive et de la science expérimentale ou infuse est bien différent, donc on objet n’excluait pas l’autre. L’intensité de la vision intuitive est d’ordre purement spirituel et son intensité laisse intacte la puissance spirituelle d’opération dans un ordre inférieur. Enfin les conditions psychologiques du Christ « voyageur » et « compréhenseur » excluaient la répercussion, connaturelle à l’état de terme, de la vision intuitive sur l’exercice naturel des facultés de l’âme. Cf. S. Thomas, 111’. q. xv, q. xlvi. a. 7. Cî.InlV Sent., t. III, dist. XV, q. ii, a. 3 ; Salmanticenses, disp. XXV, dub. viii, et les commentateurs. Parmi les auteuis récents, voir Stentrup, th. lxv : Franzelin, th. xvii, sch. 2 ; Billot, th. xxui-xxiv ; Pesch, n. 257-261. Sur la solution proposée par Melchior Cano et quelques autres théologiens, d’une suspension des effets de la vision intuitive, voir col. 1299. Sur la solution singulière de De Lugo, disp. XXII, sect. ii, n. 26 sq., imaginant que la tri tesse, dans l’âme du Christ, a pu coexister avec la joie béatifique en raison d’une priorité de nature, voir Stentrup, loc. cit.