Dictionnaire de théologie catholique/JÉSUS-CHRIST IV. Jésus-Christ et la théologie 2. Conclusions concernant les relations du Christ et du Père

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 8.1 : ISAAC - JEUNEp. 675-682).

II. Conclusions théologiques concernant les RELATIONS DU CHRIST ET DU PÈRE.

NOUS n’avons

pas à revenir ici sur la filiation divine et unique du Christ par rapport au Père ; il est le Fils de Dieu, voir ce mot, t. v, col. 2388 sq., et il en est le Fils naturel qui, à aucun titre ne peut être dit fils adoptif de Dieu, voir Adoptianisme, t. i, col. 408-413, et Hypostatique (Union), t. vu. col. 461-168 : 511-512. Quatre points subsidiaires doivent être élucidés ici ; ils sont relatiꝟ. 1° à la sujétion du Christ comme homme au Père ; 2° à la prière que le Christ devait adresser au Père comme homme ; 3° au sacerdoce du Christ et 4° à sa prédestination.

I. SUJÉTION ai : père. — Les droits comme les devoirs sont attribués à la personne en raison de la nature. Là où, comme dans la Trinité, trois personnes ne possèdent qu’une seule nature, il n’existe qu’un droit. Mais dans le Christ, où la nature divine et la nature humaine existent dans l’unité de la personne du Fils de Dieu, des droits comme des devoirs peuvent cl re at tribués au Christ en raison de sa induré humaine. Comme la nature humaine a le devoir en tant que créature de Dieu, de lui être soumise et de lui rendre les hommages divins, la question théologique se pose de la sujétion du Christ selon /" nature humaine, à Dieu le père. s. Thomas. Sum. Iheol. III* q. xx, a. l. Il faut écarter immédiatement deux sens hérétiques de la formule : < Le Christ est soumis au l’ère » ; le sens arien i le Christ comme ïils est soumis au Père », et le sens nestnrien ou tout au moins adopl ianisle : < le Chris ! comme personne humaine, ou comme suppôt humain, est soumis au l’ère. Pour éviter toute équivoque il faut, toul en parlan I de la sujétion du Christ, ajouter le correctif : selon la nature humaine.

En ce sens la doctrine catholique de la sujétion du Christ n’esi que l’écho des prophéties messianiques relatives au » Serviteur de Jabvé ». Voir col. 1121. Cl. Is.. xi. ii, 1 : xi.ix, 5 ; Zach., m. S. Voir le sens adop-I ianisle de. l’expression « serviteur », condamné par Adrien I". Dcnzinger-Bannwart. il. 310. C’est aussi la doctrine expresse de saint Paul dans l’épître aux 1333

    1. JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE##


JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. PRIÈRE D1 CHRIST

l ;  ::; ’.

Philippiens : formant servi accipiens. A vrai dire l’article’de saint Thomas sur la sujétion du Christ selon la nature humaine est un admirable résumé de toute la doctrine scrip tin aire et traditionnelle sur ce sujet, et on ne saurait trop mettre en relief les formules expressives du doc leur angelique. Dans saint Jean, Jésus déclare expressément : i Le Père est plus grand que moi ». Joa., xiv. 28 : mais il n’est pas moins vrai que le Fils est l’égal du Père. La sainte Écriture affirme l’un et l’autre et l’égalité du l’ère et du Fils et l’infériorité du Fils par rapport au Père, celle-là a cause de la divinité : celle-là parce que le Fils a revêtu la forme d’esclave. il ne saurait donc y avoir de confusion. C’est comme homme, selon « la forme d’esclave

que le Christ doit être dit soumis au Père. Et

quelle sujétion ! Par sa condition naturelle, l’humanité a une triple sujétion vis-à-vis de Dieu. File est tout d’abord, dans son être même, une participation de la divine bonté et par là elle est constamment soumise à cette bonté qui s’irradie en elle. A cet égard, le Christ est soumis au Père ; en comparaison de la bonté essentielle qu’est Dieu, son humanité si parfaite soit-elle, n’atteint pas à cette bonté, mais en dépend totalement. C’est ainsi que les Pères et notamment saint Jérôme et saint Augustin interprètent la réponse de Jésus au jeune homme : « Pourquoi m’appelez-vous bon ? Dieu seul est bon. » Matth., xiv, 18. Cette dépendance dans l’être s’affirme et par l’union hypostatique elle-même et par la sainteté substantielle qui en est l’effet immédiat dans l’âme de Jésus, f.a sujétion de l’humanité vis-à-vis de Dieu s’affirme ensuite dans ses opérations ; tout ce que nous pouvons faire est soumis à l’influence et au pouvoir de la providence divine. En JésTis, il en a été de même : tout ce qui a été fait dans son humanité n’est arrivé que conformément aux décrets de Dieu. Le Christ, dans son humanité, a réalisé à la lettre la parole du livre de la Sagesse : creatura tibi factori deserviens, xvi, 24. Enfin, il est une troisième sujétion dans l’ordre moral, de la créature au créateur. Celui-ci pose des préceptes, la créature doit obéir. Et ici, le Christ, dans son humanité, a été un modèle parfait de sujétion : non seulement il a pris la forme d’esclave, Phil., ii, 7, mais il a été obéissant au Père jusqu’à la mort, et à la mort de la croix, id., 8 ; sa vie d’obéissance parfaite a été résumée par lui-même : « Quæ placita sunt ei, facio semper. » Joa., viii, 29.

Mais, à son tour le Christ doit tenir en sa sujétion toutes choses et principalement les hommes qu’il est venu racheter. C’est en lui et par lui que tout doit être restauré. Cette vérité qui a été exposée tout au long, voir Incarnation, t. vii, col. 1488, est fondamentale dans la doctrine catholique de la sujétion du Christ au Père. Elle explique que cette sujétion, parfaite si l’on ne considère que la nature humaine du Christ, ne deviendra complète et définitive, si l’on considère le corps mystique de Jésus et l’univers tout entier, que lorsque la consommation des choses sera arrivée : Cum aiilem subjecta juerinl Mi omnia, lune ipse Filius subjectus erit Mi, qui subjecit sibi omnia. I Cor., xv, 28. Ainsi Dieu « sera tout en tous ». C’est le meilleur commentaire qu’on puisse donner de cette autre parole de saint Paul : Vos Christi. Christus autem Dei, I Cor., m. 23. Voir col. 1233 sq. ; 1237 sq. Un corollaire important se tire de la doctrine qu’on vient d’exposer : parce que le Christ comme homme ne participe pas au droit divin qui est offensé par le péché, il lui est possible d’offrir à Dieu une véritable satisfaction, encore que la condignité de cette satisfaction ait sa raison d être dans la divinité de Jésus. Cf. Suarez, disp. XL 1 1 1 et XLIV ; Gonet, disp. XXfl.a. 1,

II. la PtilÊ&EDV CHB/8T. — 1° Doctrine générale. Le fait de la prière de Jésus ne peut être révoqué en doute : toutes les pages de l’évangile attestent que

Jésus priait. Cf. Luc, m. 21 ; vi. 12 ; i. 29 ; xi, 1 : Matth.. xiv. 23, etc. Voir ci-dessus, eol. 1207. Et la convenance, la nécessité de la prière adressée par Jésus à Dieu son l’ère n’est qu’un corrolairc de ce qu’on a dit touchant la sujétion du Christ à I)ieu, selon la nature humaine, l.a puissance humaine de Jésus est bornée ; sa volonté ne peut pas tout ; il lui faut le secours de Dieu pour l’aider à obtenir les biens qu’elle désire ; il lui faut donc les demander à Dieu. El la prière de Jésus sera d’autant plus humble que son humanité, connaissant l’infinie perfection de Dieu par la science bienheureuse, apprécie exactement son impuissance en regard de la toute-puissance divine. S. Thomas. Sum. theol., III’, q. xxi, a. 1, et surtout ad lum.

Jésus a prié pour lui, id., a. 3, soit pour rendre grâces à Dieu des biens qu’il en avait déjà reçus, Matth., xxvi-27 ; Joa.. xi, 41, soif pour lui demander ceux qui lui manquaient encore. Heb., v-7. Remarquons que Jésus, dans sa prière, a pu demander à Dieu de lui accorder un bien répondant à l’appétit sensilif ou au désir naturel de la volonté. Ce n’était pas la sensibilité ou l’instinct qui parlait alors — aucune prière n’est possible de ce côté — et la raison n’était nullement dominée par les facultés inférieures. Mais Jésus a voulu prier ainsi afin de nous mieux manifester la réalité de sa nature humaine, et de nous rappeler que ces mouvements naturels de l’instinct ne sont pas un péché. Toutefois par la suite qui fut donnée à ces sorte# de prièies, il nous a enseigné à soumettre notre propre volonté à la volonté divine. S. Thomas, ibid., art. 2.

C’est qu’en effet si la prière de Jésus, faite par lui, par un acte de volonté éclairée par la raison et les lumières de sa science surnaturelle (voluntatis ul ralio) fut toujours exaucée — ego sciebam quia sempei me audis, Joa., xi, 42 — précisément parce que cette volonté ne pouvait rechercher que ce que Dieu lui-même voulait, il n’en est pas de même des prières adressées par Jésus, laissant se manifester en elles le mouvement naturel et instinctif de la volonté (voluntatis ut natura). Une telle volonté en lui n’était que conditionnelle et inefficace, et pour ainsi dire antécédente. Voir col. 130’rt. C’est ainsi qu’il demanda, au jardin de Gethsémani, l’éloignement du calice de la passion. Mais, voulant nous apprendre à conformer nos désirs à la volonté de Dieu, il s’empressa d’ajouter : non mea voluntas sed tua fiât.

Jésus pria surtout pour les autres, c’est-à-dire pour ses disciples et en général pour tous les hommes. La prière de la Cène en est une admirable preuve. Cf. Joa., xvii en entier. II semble bien plus probable que la prière de Notre-Seigneur pour nous se continue au ciel, et que l’opinion de Médina, Vasquez, Becanus. De Lugo affirmant que la prière actuelle du Christ glorieux n’est que la prière, les souffrances, les mérites de la vie mortelle du Christ, sans cesse présentés aux regards du Père, est une opinion peu recevable. Elle violente le sens obvie de Rom., viii, 34 ; Heb., vii, 25 ; I Joa., ii, 1. Les Pères de l’Église affirment que Jésus prie encore pour nous à la droite de Père. Cf. Gonet, disp. XXII, a. 2, n. 35 et Suarez, disp. XL V, sect. in. s’appuyant sur S.Thomas. In IVSent., dist. XV, q. iv, a. 6, sol. ii, ad lum.

L’oraison dominicale.

Bien plus. Jésus nous a

laissé lui-même le type le plus excellent de la prière que nous puissions adresser à Dieu. Ce type, c’est l’oraison dominicale, qui représente pour nous la façon la plus parfaite dont nous puissions nous adresser à Notre Père des cieux :

La raison est en quelque sorte notre Interprète auprès de Dieu, écrit saint Thomas, Sum. lheol., U II’. q. lxxxdx, a. 9. En conséquence nous ne pouvons légitimement demander que ce que légitimement nous pouvons désirer.’» r, dans l’oraison d’iminicale, *non L335.JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. SACERDOCE DU CHRIST 1336

seulement nous demandons tout ce que légitimement nous pouvons désirer, mais encore nous le demandons dans l’ordre où il convient que nous le défilions. Ainsi, cette prière nous instruit de ce qu’il faut demander à Dieu, et, de plus, elle ordonne et diiige nos affections.

Il est de toute évidence que nous devons désirer tout d’abord notre fin dernière et ensuite par rapport, à cette liii, les moyens qui y conduisent. Or, notie fin suprême est Dieu, Dieu veis qui notre amour doit tendre de deux manières. Une première manièie, c’est de vouloir sa gloire : une seconde manière, c’esl d’en vouloir jouir. La piemière manière se 1 al tache à la charité par laquelle nous aimons Dieu en lui-même ; la seconde implique l’amour dont nous nous aimons nous-mêmes en Dieu. Aussi nous disons dans la première demande : Que voire nom soit sanctifié, c’est là demander la gloire de Dieu. Dans la seconde, nous prions : Que vitre règne arrive ; c’est là demander, pour nousmême, de parvenir à la gloire de son royaume. Quant aux moyens qui peuve nt nous conduire à une fin, les uns y tendent essentiellement, les autres accidentellement. Essentiellement nous conduit à la fin le bien qui est utile pour atteindre cette fin. Or, pour atteindre la fin de la béatitude, le bien peut se présenter avec une utilité double. La première utilité est directe : c’est principalement le bien qui, si nous le pratiquons, fious fait mériter notre béatitude, par notre obéissance à Dieu, et c’est pourquoi nous disons : Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. L’autre utilité est indirecte : c’est celle de l’instrument qui nous aide simplement à mériter ; aussi ajoutons-nous : donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien, soit qu’on entende par ce pain quotidien la communion sacramentelle dont l’usage quotidien est si utile à l’homme (et ce pain quotidien renferme également tous les autres sacrements), soit qu’on l’entende du pain matériel, et ce pain quotidien signifie tout ce qui est nécessaire à la vie. Accidentellement, quelque chose nous conduit à notre fin, en écartant de nous les obstacles qui nous empêcheraient d’atteindre cette fin. Or, il y a surtout trois obstacles à notre béatitude. Le premier, c’est le péché qui nous évince directement du royaume de Dieu, aussi poursuivons-nous pardonnez-nous nos offenses. Le second, c’est la tentation qui nous dissuade d’obéir à la divine volonté ; et nous disons donc à ce sujet : ne nous induisez pas en tentation, ce qui ne signifie nullement que nous demandions à Dieu d’être exempt de tentations ; nous souhaitons simplement de n’être pas vaincus par elle, et c’est là exactement ce que signifie : être induits en tentation. Enfin, le dernier obstacle est la tribulation de la vie présente qui nous ôterait les moyens nécessaires à la vie : et nous terminons en disant : Délivrez-nous du mal ».

En lisant cette admirable explication de l’oraison dominicale, on comprend < pourquoi la prière du Pater esl dite et est vraiment la prière du Seigneur. (Miel homme aurait pu, en si peu de mots et en des termes

si simples, que peuvent Immédiatement comprendre

savants et Ignorants, renfermer tant de sublimités si profondesl « Billot, th. xxxiii, nota. Voir égalemeni de s. Thomas, Opusculum v (édit. de l’arme). In oratio nem Dominicain expositio.

tll, LE SACERDOCE VI CHRIST, Le sacerdoce du

Christ se trouve explicitement affirmé, nous l’avons

VU, dans la révélai ion et dans les prophéties « le

l’ancien Testament, voir col. U18 el par l’auteur

de l’épttre aux Hébreux. Voir col. 1238. Cf. Matth.,

xxii, 43, el l’s. t.ix. Aussi tous les théologiens sontif. unanimes à affirmer que le sacerdoce du Christ B’ImpOSe a nous comme une vérité de foi divine, cl

catholique. Cf. Suarez, Disp. XI. VI. sect. i, n. 1.

Elle est supposée dans le 10e anathématisme de saint Cyrille au concile d’Éphèse et par le concile de Trente, sess.xxin, c. i, Denzinger-Bannwart, n. 938. D’ailleurs le magistère ordinaire de l’Église, lequel s’exprime dans toutela liturgie ecclésiastique, dans les rites de l’ordination, dans la célébration de la messe, dans la récitation de l’office divin, proclame avec force et éloquence que le Christ est le prêtre de notre religion et notre pontife pour l’éternité. Les Pères de l’Église ne font que répéter ou expliquent la doctrine de l’épître aux Hébreux. Les Pères apostoliques appellent le Christ le « pontife éternel », Ep. Poli/c, xii, 2 ; cf. i, 2 ; vi, 2 ; le i pontife de nos offrandes », S. Clément, / Cor., xxxvi, 1 ; xlix, (i ; cf. xxii, liv, Cf. S. Ignace, Philadelph., ix, 1 ; Magnes, x, 3. Plus tard, saint Justin l’appelle « prêtre éternel », Dial., n. 32-33, P. (i.. t. vi, col. 546, 547 ; « notre prêtre et Dieu », n. 115, < ol. 713 ; S. Ambroise écrit : idem ergo sacerdos el hoslia. De fide, 1. III c. xi, n. KO. P. L., t. xvi, col. 607. Le mot « pontife » se retrouve également chez saint Athanase, Contra arianos, Orat., ii, n. 7, P. G., t. xxvi, col. 169 ; chez saint Cyrille d’Alexandrie, Contra Nestorium, t. III, c. I, P. G., t. lxxvi, col. 119 sq. ; chez saint Léon le Grand, Serm., liv, n..’!. P. L., t. liv, col. 359-360 ; chez saint Fulgence, De fuie ad Petrum, t. II, n. 22, P. L., t. xlv, col. 682. Saint Augustin, très théologiquement, écrit : Secundum hominem Cliristus et rex et sacerdos effeclus est, ut esset ad interpellandum pro nobis medialor Dei et hominum, homo Christus Jésus. De cons. evangel., t. I, c. iii, n. 6, P. L., t. xxxiv, col. 1045.

Nous n’avons pas à définir ici le sacerdoce et le sacrifice* corrélatif au sacerdoce. Voir ces mots. Le sacrifice, par lequel le Christ exerce son sacerdoce est le sacrifice de la croix et celui de l’Eucharistie. Voir Bédemption et Messe. Par son sacerdoce, le Christ est non seulement mis en rapport avec Dieu, mais il est placé comme médiateur entre Dieu et les hommes. Sur ce rôle de médiateur, voir plus loin. Nous n’avons à aborder ici que la théologie du sacerdoce du Christ, envisagé par rapport à Dieu. Le dogme mis à part, on peut ramener cette théologie à trois points principaux : l’existence du sacerdoce en Jésus considéré comme homme ; la consécration substantielle du Christ prêtre ; l’éternité du sacerdoce de Jésus-Christ, Homme Dieu.

1° Le sacerdoce est en Jésus considéré dans son humanité. — Le piètre est celui qui est député par l’autorité légitime pour offrir à Dieu le sacrifice et dispenser au> hommes les choses sacrées. La fonction de prêtre est une fonction publique : le prêtre est délégué pou représenter la société dans ses rapports avec Dieu. pro hominibus consliluitur in lus qute suni ad Deum. Ileb., v, 1. Bien plus, le prêtre qu’est Jésus Christ est un pontife « qui peut compatir à nos Infirmités lleb., iv, 15. L’auteur de l’épttre aux Hébreux suppose donc explicitement que Jésus-Christ est prêtre comme homme. < La raison théologique confirme celle vérité. Offrir à Dieu une victime, prier, intercéder, demander pardon, obéir et autres actes du sacerdoce supposent évidemment une Infériorité vis-à vis de Dieu. Cette infériorité dans le Christ existe seulement en raison de la nature humaine, l.1. Grima], Jésus-Christ étudié el médité, Paris, 1910, I. I, p. 454. Cf. Hugon, Le mystère de t<i Rédemption, p. 161-166.

N’oublions pas cependant que la nature humaine, en Jésus Christ, n’est que le principe d’opération, et non le sujet auquel est rapportée l’opération. Le sujet. c’esl la personne du Verbe incarné, Dieu et homme

tout ensemble. El c’esl à cause de cette unité de

personne dans le Christ que ses moindres actions, plus forte raison, ses actions sacerdotales, sont d’un mérite infini. Cf. COl. 1323. D’ailleurs le sacerdoce du 133Î

    1. JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE##


JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. SACERDOCE Dl CHRIST 1338

Christ n’est éminent au-dessus de tous les autres sacerdoces, il n’est éternel que précisément parce que son fondement dernier est la divine dignité de Jésus-Christ : la nature humaine n’est que le principe prochain d’action, par lequel s’exerce ce sacerdoce. Cf. Pesch, De Yerbo inearnato n. 534, et, en ce qui concerne les autorités patristiques sur ce point de vue théologique, l’etau. De inearnatione, 1. XII. c. u. n. "> et c. xi.

Les théologiens se demandent comment.lesus a pu être prêtre comme homme, alors que c’est comme homme aussi qu’il a été victime. Cf. S. Thomas, III’q. xxii. a. 2. ad l « m ». Ils répondent unanimement qu’il n’y a nulle impossibilité à ce que le Christ soit à la fois prêtre et victime. Il ne s’est pas immolé, sans doute, mais il a accepté et reçu la mort volontairement et a offert cette mort en sacrifice à Dieu pour nos péchés, les Juifs n’étant pour lui que les instruments choisis par Dieu pour la réalisation de ses desseins. La chose n’est possible qu’au Christ, qui, à cause de sa puissance sur lui-même a pu, non seulement accepter la mort, comme les martyrs le font, mais encore l’offrir à Dieu.Cajétan, Jenlacula, m ; Suarez, Disp. XLVI, sect. i, n. 3. On ne saurait donc admettre, pour résoudre la difficulté, que le Christ a été prêtre selon la divinité et victime selon son humanité, comme l’ont soutenu certains hérétiques des temps anciens et modernes. Suarez, id., sect. ii, n. 1, sq. Cf. Hugon, op. cit., p. 163.

2° Consécration substantielle de l’humanité en Jésus.

— Sur la doctrine révélée du sacerdoce de Jésus-Christ selon l’ordre de Melchisédeeh, voir col. 1238 sq., les théologiens font le rapprochement entre le sacerdoce de Jésus et les autres sacerdoces : le sacerdoce primitif de la loi de la nature, conféré aux chefs de famille ; le sacerdoce aaronique de la loi mosaïque, et enfin le sacerdoce chrétien de la loi nouvelle, sacerdoce inst itué par Jésus-Chiist lui-même. Et ils n’ont aucune peine à démontrer que par i apport à ce triple sacerdoce, celui de Jésus occupe une place suréminente. Le sacerdoce de la loi de nature et celui de la loi mosaïque n’étaient que des figures et la préparation du sacerdoce du Christ. Le sacerdoce de la loi nouvelle dérive de celui du Christ dont il est une participation. Voir Ordre (Sacrement de i). En sorte que le sacerdoce des prêtres de la nouvelle Loi est en réalité un sacerdoce-vicaire de celui du Christ et, à cause même de cela, il est conféré par un rite extérieur sacramentel, qui imprime dans l’âme une qualité réelle, mais accidentelle : le caractère sacerdotal. Voir Carai TÈre sacramentel, t. ri, col. 1698. Sur tous ces points, cf. Suarez, disp. XLVI, sect. m.

En conséquence tous les théologiens, dans leurs commentaires. In IV Sent.. 1. IV. dist. IV, et InSum. iheol. S. Thomse, III. q. i.xmi. a. 5, enseignent, après le docteur angélique « que le sacerdoce du Christ ne pose pas en son humanité une qualité réelle, c’est-à-dire le caractère, mais simplement la dignité et le pouvoir qui convient au Christ-prêtre en raisoir de l’union hypostatique elle-même. Par cette union, err effet, l’humanité ou plutôt cet homme qu’est le Christ, d’une façon très élevée et très parfaite, est pour ainsi dire désigné et séparé des autres hommes, et reçoit le pouvoir d’intercéder pour eux. d’ollrir pour eux un digne sacrifice, île les sanctifier. Cette dignité et ce pouvoir supposent en celui qui les possède et la dignité de chef des hommes, et le pouvoir de mériter et de satisfaire pleinement pour les autres hommes, et la puissance productrice de la grâce, et enfin, requiert de la part « le Dieu, une disposition spéciale en vertu de laquelle le Christ est constitué médiateur entre Dieu et les hommes >. Suarez, (oc. cit., n. 3. Sur la dignité de chef des hommes et le rôle de médiateur,

vr.ir plus 1cm. Sur le imnl ; ’du ( hrist par rapport « 

nous et la satisfaction qu’il a offerte pour nous, voir Hi.in MiTinN. Le Christ est donc substantiellement

piètre, comme il est substantiellement 1’i oirrt » et le » sairrt > de Dieu, err vertu de l’union hypostatique. Cf. Doin Columba Marmion, Le Christ dans ses mystères, Maredsous, 1922, p. 88-92 ; Hugon, op. cit., p. 172 175.

>° L’éternité du sacerdoce du Christ. — l. L’éternité

dont il s’agit n’est pas L’éternité sans commencement ni fin. C’est l’éternité improprement dite, qui corrrpoi le un commencement, mais suppose une durée sans lin : le sacerdoce drr Christ résultant de l’union hypostatique possède exactement la même durée que l’union elle-même. Voir Éternité, l. v, col. 921. Hypostatique (Union), t. vii, col. 536-539. Nous avons déjà tait remarquer cependant, voir col 1253, que les Pères justifient parfois l’éternité du sacerdoce du Christ par la divinité éternelle qui est en Jésus-Chiist. Mais cette interprétation du texte : lu es sacerdos in setemum, l’s. cix. 1, appliqué au Christ par l’auteur de l’épître aux Hébreux, Heb., v, 4-6, est accommodât ice. Le véritable sens est que dès le premier instant de l’incarnation, le Christ, en vertu même de l’union hypostatique, a été appelé et consacré par Dieu prêtre pour l’éternité, c’est-à-dire, pour une durée sans fin Cf. Thomassin, De inearnatione, t. X, c. vrir, rx.

2. Le sacerdoce du Christ peut être encore dit éternel, err ce sens que les effets de ce sacerdoce se manifesteront dans l’éternité, c’est-à-dire dans cette durée sans fin qui suivra la consommation des siècles. Le Christ « par son immolation, est devenu, pour tous ceux qui lui obéissent, la cause du salut éternel. » Heb., v, 9. Mais la /onction principale du sacerdoce du Christ, à savoir l’offrande du sacrifice, ne saurait se perpétuer dans l’éternité ; le Christ l’a exercée pour lui-même une seule fois, sur la croix ; et son sacrifice a pleinement suffi à ceux qui doivent être sanctifiés, Heb., x, 14 ; il l’exerce toutefois, aujourd’hui encore, et l’exercera jusqu’à la fin du monde, par l’insti muent de ses ministres, darrs le sacrifice de l’eucharistie, lequel renouvelle et continue le sacrifice de la croix. Celte fonction sacerdotale du Christ remonté au ciel rre s’exerce pas seulement par l’intermédiaire de ses_^ ministres sur terre et par L’offrande du sacrifiede la messe : le sacerdoce éternel du Christ contient « les profondeurs sublimes que saint Jean nous laisse entrevoir en nous décrivant i l’agneau qui se tient au milieu du trône, comme immolé », dans le ciel. Apoc, v, (i. Il y a donc, pour ainsi dire, une continuation du sacrifice drr Calvaire. Comment comprendre ce sacrifice continué de Jésus glorifié à la droite de son Père ?

a) Éliminons tout d’abord l’explication erronée des sociniens. D’après eux, le Christ n’aurait offert son sacrifice qu’au ciel, après l’Ascension : admis en la présence de soir l’ère, il lui aurait, alors seulement, offert sa mort. Cette offrande, faite au ciel, serait Le vrai sacrifice ; la mort subie en croix n’aurait été qu’une condition préalablement requise : sicut non prias sacerdotium vere adeptus est quarn cum post mortem in cozlum, ut pro nobis coramDeo appareret, (nlroductus est ; sic non prias perfecle se Deo obiulit, quam cum se illi in m In prtBsentewit. Relativa enim suni sacerdos </ "M" tio. I toque ubi verus sacerdos nondum est, nec vera obla im esse potest. Socin, De Jesu Christo Servalore, pari.II, c. xv. Sur les relations de cel te docl i ine avec la néga tiorr socinienne de la satisfaction, voir.1. Rivière, L Dogme de In Rédemption, étude historique, Paris, 19 (5, ]i 16 17 ; Le dogme di ta Rédemption, étude théolog

Paris. 191 I. p. 410 sq. La fausseté de cette thèse est

démontrée par la réalité même du sacrifice offert sur la croix par Jésus. Voir Rédemption. Socin prétend appuyer son opinion sur L’autorité de l’épître aux 1339 JÉS1 S-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. SACERDOCE Dl CHRIST 1340

Hébreux, et il apporte quatie arguments — Dans l’épître aux Hébreux, le Christ offrant son sacrifice, est conipai é au prêtre de l’Ancien Testament ; de même que ce prêtre offiait son sacrifice en entrant dans le Saint des saints, de même le Christ offre le sien en entrant dans le ciel. — Le Christ a commencé d’être prêtre, lorsqu’il lui a été dit : Tu es mon Fils, cf. Heb., v, 5. Or, cette parole lui a été dite, au témoignage de saint Paul lui-même, Act., xiii, 33, à la résurrection ; c’est donc, à partir de la résurrection seulement que le Christ a commencé d’être prêtre. — L’épître aux Hébreux, viii, 4, enseigne formellement que le Christ c^t prêtre, non sur tene, mais dans le ciel. — Enfin, l’épître affirme de manière explicite le sacrifice purement céleste de Jésus : « Jésus n’est pas entré dans un sanctuaire fait de main d’homme…, mais dans le ciel même, afin d’apparaître maintenant pour nous devant la face de Dieu ; non pour s’offrir lui-même plusieurs fois… » Heb., ix, 24-25. — De tels arguments sont bien fragiles : le contexte de Heb., ix, 24-28 indique clairement que le sacrifice, offert une seule fois par le Christ, est antérieur à son entrée dans le ciel : l’offrande du Christ fut sa propre mort, ꝟ. 27, précédée des souffrances de la passion, v. 26. Le sacerdoce terrestre, que l’auteur de l’épître refuse au Christ, n’est autre que le sacerdoce aaroniqué, le sacerdoce de la loi mosaïque. Voir les commentateurs. Quant ù la filiation divine, promulguée lors de la résurrection, elle existe dès le premier instant de la conception du Christ et cette promulgation plus solennelle ne marque nullement le début du sacerdoce de Jésus. Voir ci-dessus, col. 1337 Enfin, l’entrée de Jésus au ciel, figurée par l’entrée du grand prêtre dans le Saint des saints, suppose déjà faite l’offrande à Dieu, la présentation du sang versé sur la croix. Cf. Franzelin, De Verbo incarnato, th. i.i, S 1 ; Stentrup, Soteriologia, th. lxxx.

De la thèse socinienne se rapproche beaucoup l’opinion d’un grand nombre de protestants orthodoxes, qui tiennent sans doute que la mort du Chi ist sur la croix fut un véritable sacrifice, mais enseignent en même temps qu’elle ne fut qu’une partie, et la inoins importante du sacrifice, et qu’en conséquence la partie principale de ce sacrifice est l’olîrande que Jésus fait au ciel de lui-même. Cf. E. K. A. Riehm, Der l.ehrbegrifj des Hebrucrbriejes, Halle, 1867, p. 527 sq. On ne saurait, au point de vue catholique, admettre que le sacrifice de la croix n’a pas été complet et parfait. Voir Rédemption.

b) Certains auteurs catholiques, tout en professant la vérité et la perfection du sacrifice de la croix, pour expliquer le sacrifice et le sacerdoce célestes, de Jésus crucifié admet lent un nouveau sacrifice du Christ dans le ciel : la présentation faite par Jésus à son Père de ses œuvres et de sa mort. Ce sacrifice ne consisterait essentiellement que dans un acte d’obéissance, continuant devant Dieu, jusqu’au jugement derniei, celui par lequel le Christ a offert sa vie pour les hommes au Calvaire. Cet acte d’obéissance est perpétuellement manifesté, sans doute par les cicatrices de la passion toujours marquées sur le corps glorifié du Sauveur. Thalhofer, Dos Opjer des Allen und Neuen Blindes…, Ratisbonne, 1870, p, 201 sq. et Handbuch der katholischen Liturgik, t. i, Fribourg-en-B., L883, p. 195 sq. (cette théorie du sacrifice céleste étant éliminée de la nouvelle édition publiée par Kisciiholcr. l’.M’J) : dans le même sens, j. T. Franz, Die eucharistische Wandlung und die Epiklese der griechischen und orientalien Liturgien, 2e édit., p. 61-63, Wurzbourg, l880 ; Pell, Nach ein Lôsungsversuch : ur Messopferfrage dans la Theologisch-praklische Monats-Schrift, t. xviii, p. 655-057, et Max Ten Hompel, D<u Opferal » Selbsthingabe und seine idéale Verwircklichung im Opfer Christt, Fribourg< h i !., 1920, p. i 17 i 19, Les théologiens qui tiennent

à la notion classique du sacrifice n’acceptent pas cette explication du sacrifice céleste du Christ, le sacrifice consistant, d’après eux, dans l’offrande d’une victime, immolée en quelque manière, afin d’affirmer par là le domaine absolu de Dieu sur toutes les créatures. Ce symbole ne peut exister dans le ciel par rapport au Christ glorieux : il n’y a plus, à son sujet, aucune Immolation, aucun changement possible, donc, aucun sacrifice possible. D’ailleurs, l’épître aux Hébreux, in. 24, cꝟ. 7, ne fournit aucun fondement solide a cette théorie, bien que quelques auteurs aient fait appel à son autorité en ce sens. Cf. Zill, Der Bric/ mi die Hebrær, Mayence, 1870, p. 430 sq., 150 sq., 48.’! sq. L’auteur de l’épître, en effet, n’enseigne pas, en ce passage, que le Christ a offert au Père, dans le ciel, le sacrifice qu’il avait consommé sur la terre. Voir Pesch, De Verbo incarnato, n. 550. Sur les textes patrisliques sollicités par Thalhofer dans le sens de son opirrion, voir Stentrup, Soteriologia, th. lxxxii.

c) Une théorie très voisine de celle de Thalhofer, avait été mise en avant par certains auteurs mystiques du xvii c siècle : le P. de Condren, Idée du sacerdoce cl du sacrifice de Jésus-Christ. Paris, 1(>77. P » part. §3, n. 5, p. 37-38, n. 8, p. 43, n. 9, p. 45-46 ; cf. H p., n. 26 p. 110 ; IIP part., n. 27 ; p. 231-235 ; M. Olier, Explication des cérémonies de la grand’messe de paroisse, Paris, 1858, p. 11-14 ; cf. Traité des Saints Ordres, IIP part., c.v.Paris, 1856, p. 420-421 ; Vie intérieure de la sainte Vierge, t. ir, p. 118-119, et plus récemment. M. Lepin, L’idée du sacrifice dans la religion chrétienne, Paris. 1897, p. 187, cꝟ. 158-159. Cette théorie s’appuie sur une idée du sacrifice, longuement exposée par Thomassin, De incarnatione Verbi, t. X, c. xr, n. S-13 ; c. xu-xrv : le sacrifice est essentiellement constitué de cinq éléments, la consécration, l’oblation, l’immolation, la consommation et la communion. Voir Sacrifie. La consécration de la victime avait été faite dès le premier instant de l’incarnation ; l’oblation, commencée dès cet instant a été manifestée extérieurement dans l’immolation sanglante du calvaire. Le mystère de la résurrection parlait la consommation du sacrifice, « consommant ce qui, en Jésus-Christ, était de son état infime, lui donnant, dans les entrailles du tombeau, une vie de gloire ù la place de la vie d’infirmité et de souffrance qu’il avait reçue de David ; enfin le faisant passer de l’état d’hostie pour le péché en celui d’hostie de louange par une clarification de la chair et de l’âme de Jésus-Christ, qui fut solide, véritable, réelle et substantielle. » Olier, Vie intérieure, t. ri, p. 119. Ce point de vue est approuvé par Benoît Xl, Dcsacri/icio misses, t. II, c. xr, n. 5. L’ascension est le complément de la résurrection : dans ce mystère s’accomplit la communion éternelle du Christ au Père dans le ciel, pendant que sur la terre le mystère eucharistique achève la communion du Christ-victime aux membres de son corps mystique.

Au fond, cet le théorie, dégagée de l’opinion assez singulière des cinq parties essentielles, constitutives du sacrifice, reproduit la doctrine traditionnelle du sacerdoce du Christ s’exerçanl pour nous et en union avec les êtres du Ciel. Mais il faut en exclure l’idée d’un « sacrifice céleste », d’une « Immolation du ciel », idées si souvent émises par le P. de Condren et M. Olier, au xviie siècle, et reprises de nos jours par M. Sauvé, Jésus uitinie, 2 1’édit., t. iii, p. 203-215 passim, l.a formule plus adoucie de Thoniassin, enseignant que « le Christ, après sa résurrection, demeure prêtre et perpétue en quelque sorte le sacrifice, de la croix dans le ciel ia besoin elle-même de quelques éclaircissements. Car il faut expressément maintenir, avec la tradition catholique, appuyée sur l’épître aux Hébreux, que la mort sur la croix fut, pour Jésus, le sacrifice unique et définitif. L’épître aux Hébreux oppose constam1341 JÉSUS-CHRIST El I A THÉOLOGIE. PRÉDESTINATION 1)1 CHRIST 1342

ment la multiplicité îles offrandes impuissantes de la

Loi a l’unité de notre oblation parfaite. L’entrée et faction sacerdotale de notre pontife dans le ciel se rattachent à ce saciifice unique : Jésus pénètre dans le sanctuaire par son sang, il y paraît et intercède pour nous par les mérites de sa mort : et s’il offre les adorations de son humanité sainte, dans l’état île gloire, cette vie d’hostie ne constitue pas une oblation à part, un sacrifice proprement dit, indépendant de la croix. car elle n’est que la suite naturelle, le complément nécessaire du sacrifice de la croix. » J. Grimai, Le sacerdoce et le sacrifice de Notre-Seignew Jésus-Christ, Paris, 1908, p. 200 ; P. de la Taille. Mysterium fidei, Paris, 1921, p. 178-179 ; cf. Heb., îx. 22, 25, 26 ; x, 11-14.

d) En quoi donc consiste la consommation céleste du sacrifice de la croix et, par voie de réciprocité, la fonction sacerdotale du Christ dans le ciel ? Avec l’auteur qu’on vient de citer, on peut distinguer deux aspects de cette consommation céleste du sacrifice du Christ, l’aspect temporel et l’aspect éternel. L’aspect temporel nous permet de déterminer la fonction sacerdotale exercée par le Christ dans le ciel jusqu’à la fin du monde. L’aspect éternel nous manifeste quelle sera cette fonction même après l’entrée au paradis du dernier des élus, à la consommation des siècles. — a. Aspect temporel. — Au ciel, Jésus constamment « présente pour nous au Père les mérites de son sang répandu à la croix, demandant, opérant notre sanctification ; il nous introduit en la possession de l’héritage divin. Dans ce rôle céleste de Jésus, saint Thomas voit un acte vraiment sacerdotal et une réelle consommation du sacrifice de la croix. Le saint docteur distingue et rattache à la fois, d’une manière très précise, l’oblation, le sacrifice proprement dit, et la consommation, conséquence du sacrifice, qui consiste dans notre introduction au ciel, dans notre participation aux fruits éternels de la croix. In officio sacerdotis duo possunt considerari : ipsa OBLA.TIO sacrificii, secundo ipsa cossvitiiATiO sacrificii, quæ quidem consista in hoc quod illi pro quibus sacrificium ofjertur, finem sacrificii consequantur ; finis autem sacrificii quod Christus oblulit fuerunl… bona seterna quæ per ejus morlem adipiscentur, unde dicitur ad Hebrseos, quod Christus est assislens futurorum bonorum, ralione cujus Christi sacerdotium dicitur esse œternum. Et hsec quidem consummatio sacrificii Christi pncfigurabatur in hoc quod ponlijex legalis semel in anno cum sanguine hirci et vituli intrabat in Sancla Sanctorum, cum tamen hircum et vitulum non immolaret in Sanctis Sanctorum, sed extra. Et simililer Christus in Sancta Sanctorum, id est, in ipsum cœlum intrauit, et nobis viam paravit inlrandi per virtutem sanguinis sui quem pro nobis in terra ef]udil. Sum. theol., III », q. xxii, a. 5. Cf. Salmanticenses, De incarnatione, disp. XXXII, dist. i, n. 4445, où l’on trouve.Médina, Suarez, Sylvius cités dans le même sens. Saint Thomas traduit fidèlement la pensée de l’épître aux Hébreux quand il voit dans le rôle céleste que Jésus remplit en notre faveur un exercice formel de son sacerdoce et une réelle consommation du sacrifice de la croix. L’épître, en effet, a toujours soin de rattacher au sacerdoce et à la croix l’œuvre de salut que Jésus accomplit pour nous au ciel, i Grimai, op. cit., p. 211-212. Dans le rôle du Christ, faut-il ne voir qu’un rôle d’adorateur, unissant nos adorations aux siennes, comme semble l’affirmer M. Grimai, op. cit., p. 225-220, 230, 248, et, après lui, le P. Colomba Marion, op. cit., p. 102. Hien que ces auteurs affirment que ce « sacrifice est en perpétuelle continuité avec l’immolation de Jésus sur la croix, il semble qu’on doive aller plus loin et déclarer que le « sacrifice céleste » de Jésus-Christ est la continuation virtuelle de l’offrande de la croix ; l’offrande temporelle une fois accomplie au calvaire demeure valable pour

l’éternité ; car l’offrande et l’acceptation ont été faites irrévocablement. Et donc le Christ est ainsi prêtre éternellement. P. de la Taille, Mysterium fldei, Paris. 1921, p. 17’.' : cf. Scheeben, Handbuch der katholischen Dogmatik, t. iii, Fribourg-en-B., 1882, n. 1490, p. 144 I 15 ; Zill. op. cit., p. 184-486. — b. Aspect éternel. — Cette fonction demeure même après la constitution définitive de l’Eglise triomphante, soit qu’on l’entende au sens de M. Grimai, soit qu’on l’envisage, avec Scheeben et le P. de la Taille, connue la continuation virtuelle de la fonction exercée au Calvaire. C’est l’aspect éternel du sacerdoce du Christ qu’expose Thomassin, De incarnatione, t. X, c. xiv, litre : Christus post resurrectionem suam sacerdos tum maxime est, cujus holocaustum est ipsa bealorum Ecclesia ex mortuis suscilata. On doit appuyer cette théologie du sacerdoce éternel du Christ sur la doctrine paulinienne du sacrifice de la croix, vainqueur du péché, et de la mort et se terminant en conséquence dans la résurrection et la gloire éternelle de Jésus et dans notre propie résurrection et notre propre glorification éternelles, se rattachant intimement et nécessairement au sacrifice de la croix. Ainsi, à la suite de son entrée dans le sanctuaire céleste, Jésus Pontife y introduit son coips mystique pour réaliser pleinement l’efficacité du sacrifice vainqueur du péché et de la mort, et pour parfaire l’histoire glorieuse de l’éternelle adoration en laquelle se consomme sans finie sacrifice unique de la croix. Voir surtout I Cor., xv, 17-57, cf. Rom., vi, 0, 9 ; Col., ii, 14, 15. Cf. Olier, Explications des cérémonies de la grand’messe, t. VIII, c. v, viii ; Introduction à la vie et aux vertus chrétiennes, c. i, n ; Lettres ix, ccclxxx ; Thomassin, op. cit., t. X, c. xiv, et Bossuet, Sermon pour la Fête de tous les saints, 1 er et 2° points, édition Lebarcq, t. i, p. 47 sq. ; et surtout Sermon pour la /ête de l’Ascension, id., p. 523 sq.

e) Conclusion. — Le Christ restera donc prêtre dans l’éternité. Vasquez, De incarnatione, disp. LXXXV, c. n. Son sacerdoce découle de l’union hypostatique et durera autant qu’elle. C’est une discussion verbale que de nier le sacerdoce éternel du Christ ou de concevoir cette éternité d’une façon purement relative et négative (en ce sens que le Christ exerce ses fonctions jusqu’à la fin du monde et n’aura pas de successeur dans le sacerdoce), ainsi que le voudrait De Lugo, De mysterio incarnalionis, disp. XXIX, sect. m.

II ne s’agit pas, en effet, pour le Christ — -nous l’avons rappelé plus haut — d’offrir dans le ciel un sacrifice nouveau ou d’y perpétuer formellement l’oblation de la croix ; le Christ continuera son sacrifice dans l’éternité en le consommant dans les fruits qui doivent nous en être appliqués jusqu’à la fin du monde et t après la fin du monde, en offrant au Père, par lui-même uni à son corps mystique, l’adoration parfaite dont le principe fut posé au Calvaire.

Sur le sacerdoce éternel du Christ, voir : S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. xxii, a. 5 et les commentateurs, notamment Suarez, in lame locum ; Vasquez, De incarnatione, disp. LXXXV ; De Lugo, De mysterio incarnalionis, disp. XXIX, sert. 1 1 r ; Salinanticeiiscs, De incarnatione, dis]). XXXI, diib. iv. Voir aussi Petau, De Incarnatione V erbi, t. XII, c. xi, et surtout Thomassin, De Incarnatione Verbi Dei, I. X, c. x-xiv. Parmi les modernes : I’ranzelin, De Verbo Incarnato, thèse u ; Stentrup, Soteriologta, thèses lxxxi-i.xx.mii ; Pesch, De Verbo incarnato, n. 549-550 et

très spécialement ! < P. de la Taille, Mysterium Fidei, Paris, 1921, l. I, c.v. ci. auteurs tes de langue française, cités au cours de l’article, et le P. Monsabré, Exposition ila Dogme catholique, carême 1879, 42’conférence.

IV. l.A PRÊDB8TI NATION DS JÊ8U8 0HBI8T. —

1° L’origine de cette question. C’est à propos de

Rom., i, I, que la question dogmatique (le la prédestination fie Jésus-Christ, I’ils de Dieu, fut posée et discutée par les théologiens. Paul, parlant du Fils 1343 JÉSUS-CHRIST ET LA THÉOLOGIE. PRÉDESTINATION 01 CHRIST 1344

[de Dieu ], qui lui est né de la race de David selon la chair, ajoute (texte de la Yulgate) : qui prædestinatus est Filins Dei m virtute, secundum spiritum sanctificationis, ex rcsurrectione morluorum Jesu Christi Domini nostri. L’exégèse latine, du moins chez un grand nombre de Pères, acceptant une interprétation de saint Augustin, entend littéralement prædeslinatus dans le sens d’une véritable prédéfinition, prédestination, faite par Dieu de toute éternité. On verra tout à l’heure quelle difficulté dogmatique est inhérente à cette Interprétation. Il est certain que prædeslinatus n’a pas ici ce sens. L’original grec porte simplement ôpiaOévTOç et non ^pooptaOé^Toç, qu’on lit cependant chez Épiphane, p. (, ’., t. xli, col. 969. Le sens de manifesté, déclaré, jugé tel, reconnu par tout le monde, adopté par saint Jean Chrysostome (cf. II Cor., iv, 1 ; vn, 9 ; Col., i, 15-19 ; Phil., ii, 9) et, à sa suite, par Théodoret et les interprètes grecs qui donnent pour équivalent Seix^svtoç, à7109av6Évxoç, xpiGévTOç, ÔU.0X0yv, 6évT0ç, cf. Cornely, Epist. ad Romanos, Paris, 1896, p. 38 sq., Toussaint, Épîtres de saint Paul, Paris, 1913, t. ii. p. 38, ne paraît pas répondre suffisamment au sens primitif ; qui. dans Rom., i, 4, rapproché de Act., x, 42 ; xvii, 31 ; cf. ii, 23 et Luc, xxii, 22, paraît être : « constitué ». Au jugement du dernier interprète, M. J. Lagrange, Épilre aux Romains, Paris, 1916, p. 6, le sens littéral de ce verset, d’ailleurs fort difficile, pourrait être restitué comme suit : « qui a été constitué Fils de Dieu exerçant sa puissance, en raison même de sa divinité, et cela à la suite de sa résurrection d’entre les morts. » En tout cela, rien qui se rapporte à la prédestination, telle que l’entendent les théologiens. Sur les différentes interprétations de ce texte, voir, après Saint Thomas, dans son commentaire et en dehors de Cornély et de l.agrangc, loc. cit., Beelen, Commentarius in epistolam S. Pauli ad Romanos, Louvain, 185 1, et Janssens, De Deo-Homine, t. i, p. 766-769.

Néanmoins l’exégèse latine, accordant à prædeslinatus le sens de prédestiné fournissait aux adoptianistes, un argument en faveur de leur erreur. Si Jésus, comme homme, est prédestiné à être le Fils de Dieu, il ne peut être, comme homme, qu’un fils adoptif. Aussi, prévenant cet abus du texte de saint Paul (encore que son sens littéral ne fournisse aucun fondement et aucun prétexte à l’erreur), les I’ères du XIe concile de Tolède (675) crurent devoir donner de Rom., i, 4, une interprétation dogmatique satisfaisante :

Ilabet igitur in se gemi luiin substantiam dlvinitatis

suse et humanitatis nostra-.

Hic tamen per 1 1 oc quod de

Deo t’atre sine initio prodlit,

natus tantum, nain neque

tactus, neque pwedestinatus

accipitur ; per hoc tamen

quod de Maria vtrgtne nul us

est, et natus et factus et

prsedestinatus esse creden dus est. Denzinger-Bann wart, n. 285.

(Jésus) possède donc en

lui la double substance de sa

divinité et de notre huma nité. Toutefois, en tant qu’il

procède du l’ère sans com mencement, il en est simple ment né, ne pouvant être dit

ni fait, ni prédestiné ; mais

en tant qu’il est né de la

viorne Mario, il faut croire

qu’il est non seulement né,

mais fait et prédestiné.

Par le lait de cetie définition, la question dogmatique et théologique de la prédestination du Christ était posée.

2° fin quel sens Jésus-Christ peut-il être dit : prédeslitli ? Les théologiens du moyen âge et des xvr cl xvii’siècles s’étendent longuement sur cet le question. On trouvera dans Suarez, In l II"" p. Sum.S. Thomee, disp. l., d’abondantes références et de trop copieux développements. Voir également De Lugo, De nuis ici in incarnationis, disp. XXXII ; Salmanticenses, op. cit., disp. XXXIV, el généralement les commentateurs de saint Thomas, in ///"". q. xxiv. En réalité

la question est assez simple, et les théologiens contemporains l’exposent d’ordinaire avec une grande brièveté. Reprenant la distinction proposée par le concile de Tolède, ils affirment que la prédestination à être Fils de Dieu concerne la personne du Verbe incarné, considéré dans sa nature humaine. Sans doute, c’est la personne même du Fils de Dieu, mais lorsque nous parlons de prédestination divine relativement a cette personne, nous n’envisageons cette personne que comme le sujet « vague et indéterminé de la nature humaine qui subsiste en elle, faisant pour ainsi dire abstraction de sa personnalité divine. Cf. Suarez, disp. L, sect. ii, n. 11. Voici comment s’exprime, à ce sujet, le cardinal Billot : i Il faut remarquer que ce prédicat « prédestiné » n’est pas imposé au sujet en raison d’une perfection qui existe dans le sujet lui-même, mais en raison de l’acte qui est dans l’intelligence de celui qui prédestine. La prédestination, en effet, n’existe que dans le prédestinant, non dans le prédestiné. Voir I q. xxiii, a. 2. Il n’est donc pas nécessaire qu’elle convienne au sujet considéré dans toute la détermination qu’il possède actuellement dans la réalité des choses ; il suffit qu’elle lui convienne sous un certain aspect que peut envisager en lui notre intelligence. Or, notre esprit peut tout d’abord eu considérant la personne du Christ comme homme, l’envisager d’une façon « vague », comme le sujet de l’humanité qui appartient au Christ, sujet qui, dans l’ordre naturel, abstraction faite (par pure hypothèse) de l’incarnation, aurait dû être un sujet créé et purement humain. Et parce que, par une grâce toul a fait singulière, Dieu a décrété que ce sujet ne serait autre que la personne même de son Fils, à laquelle l’humanité serait unie selon la subsistence, il n’est pas inconvenant d’affirmer que ce sujet de l’humanité, c’est-à-dire le Christ en tant qu’homme, a été prédestiné à être le Fils de Dieu. » De Ycrbo incarnato, 1912, p. 355.

Ne pourrait-on pas exprimer la même vérité sous une autre forme, en disant que le Christ -Jésus, prédestiné à être le Fils de Dieu, est ici considéré comme l’œuvre même de l’incarnation, laquelle voulue de Dieu de toute éternité, a été réalisée dans le temps ? Celte formule, que nous empruntons au P. Ch. Pesch, De Verbo incarnato, n. 180, a le grand mérite de poser le piincipe d’où dérivent les solutions à toutes les questions scolastiques agitées par les théologiens relativement à la prédestination du Christ quant à la giâce et quant à la gloire. Cf. Suarez, loc. cil., sect. m. Le sujet de la prédestination est sans doute le Christ en tant qu’homme, mais le Christ-homme est ce sujet précisément parce que le terme de la prédestination est l’union hypostatique, et, en suite de l’union hypostatique, toutes les grâces, tous les dons, toutes lis œuvres surnaturelles qui en dépendent. C’est dans ce sens qu’on doit dire que l’incarnation elle-même a été prédestinée ; prédestinée, la nature humaine à son union avec le Verbe : cf. Suarez, loc. cil., sect. i ; prédestiné, le Chiisl à son rôle de Rédempteur, « le chef de L’Église ; à sa gloire dans le ciel. Cf. Franzelin, De Verbo incarnato. th. xxxviii, schol, 3.

3° La prédestination du Chris/ es/ la cause et le modèle de noire prédestination, non pas dans l’acte divin, par lequel le Christ a été prédestiné, mais en raison de l’intention par laquelle celle prédestination a été voulue par Dieu. Dieu a prédestiné, en effet, le Christ à être Fils de Dieu afin que, nous conformant à l’image du Christ dans notre vie surnaturelle, nous parvenions par ses mérites a la vie bienheureuse. C’est en ce sens que les théologiens affirment que la prédestination du Christ est la cause et le modèle de notre propre pré destination. Cf. S. Thomas, Sum. Iheol.. IIP, q. xi. a., ’i et I et les commentateurs. Voir PRÉDESTINATION.

JÉSl S-CHRIST sul ERA IN M KM TI

1346

Mais est-elle la cause et le modèle de la prédestination

îles ailles î Voir plus loin.