Dictionnaire de théologie catholique/IMMACULÉE CONCEPTION IV. Dans l'Eglise latine après le concile d'Ephèse. I.D'Ephèse au milieu du XIè siècle

Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 7.1 : HOBBES - IMMUNITÉSp. 497-505).

IV. IMMACULÉE CONCEPTION DANS L’ÉGLISE LATINE APRÈS LE CONCILE D’ÉPHÈSE.


I. Depuis le concile d’Éphèse jusqu’au milieu du xie siècle : préparation prochaine et aube de la croyance explicite.
II. Depuis le milieu du xie siècle jusqu’au concile de Bàle (1439) : période de discussion.
III. Depuis le concile de Bâle jusqu’au xixe siècle : période du triomphe.
IV. La définition par Pie IX ; synthèse des preuves dans la bulle Ineffabilis Deus.
V. Après la définition : amis et ennemis.

I. Depuis le concile d’Éphèse (431) jusqu’au MILIEU DU XI^ SIÈCLE : PRÉPARATION ET AUBE DE LA CROYANCE EXPLiaTE. —

Nous avous d’abord mené de front l’étude de l’immaculée conception dans les deux grandes parties, orientale et occidentale, de la chrétienté jusqu’au concile d’Éphèse. A partir de cette époque, il y avait lieu d’étudier séparément cette doctrine dans les deux Églises. La période cjui s’étend de ce concile jusqu’à la séparation définitive des deux Églises (1054) présente bien encore, comme trait commun, la tendance à concevoir et à mesurer en fonction de la maternité divine la sainteté <le Marie et la plénitude de grvce qui lui fut propre ; mais l’essor de la doctrine se produit dans des conditions différentes : rapide et vigoureux en Orient, il est, au contraire, lent et d’abord indécis en Occident. Ce qui s’ex))lique par deux causes principales : l’état de bouleversement et d’instabilité que les grandes invasions causèrent dans les paj’s latins, puis la direction imprimée à la théologie par la réaction antipclagienne. Néanmoins des témoignages existent, où il est permis de voir, non pas seulement une préparation prochaine à la période de croyance explicite en l’immaculéeconception, mais l’aube même de cette croyance.

Le développement doctrinal coïncide avec un développement cultuel, qui se manifeste surtout par l’introduction de fêtes en l’honneur de la sainte Vierge, dans la seconde moitié du tw siècle. La fête de la Conception de Marie n’est pas des premières, mais elle fait son apparition sur la fin de cette période : événement notable en lui-même et plus encore pour l’influence qu’il devait exercer sur l’afllrmation et la propagation de la pieuse croyance.

1° Les Pères latins postéphésicns et leurs successeurs.

— Signalons, uniquement pour le rejeter, un témoignage attribué parfois à Fauste de Biez, mort entre 490 et 495 : Non cnim violala est partu, qux magis est sanctificata conceptu (quæ absque omni peccato concepta est in utero). De rationc fidei, c. i. La dernière incise, singulièrement étonnante à cette époque et qu’aucun lien logique ne rattache au reste, n’appartient pas au texte primitif, comme on le voit par l’édition critique d’Engelbrecht, Corpus scriptorum ecclesiasticorum latinorum. Vienne, 1891, t. xxi, p. 454.

Abstraction faite d’apocrjphes semblables, deux sortes de témoignages sont à distinguer ; ils représentent deux courants, qu’on peut caractériser par les dénominations de négatif et de positif, en ce sens que l’un s’oppose à la pieuse croyance ou du moins n’en favorise pas l’éclosion, tandis que l’autre la prépare et semble même en contenir quelques anticipations.

1. Courant négatif.

Il se rencontre parmi les disciples de saint Augustin qui s’inspirent uniquement ou presque uniquement de témoignages écrits sous l’influence antipélagienne, ceux où l’universalité du péché originel et le rapport de connexion entre la génération humaine, soumise à la loi de la concupiscence, et la conception dans le péché sont mis fortement en relief. « Seul ptjrmi les enfants des hommes le Seigneur Jésus est né sans péché, parce que seul il n’a pas été sujet, dans sa conception, à la souillure de la concupiscence charnelle. » S. Léon, Serm., xxv, in Nativ. Domini, v, 5, P. L., t. liv, col. 211 ; de même S. Fulgence, De veritate prædestinationis et gratiie, t. I, c. II, P. L., t. Lxv, col. 604 ; S. Grégoire le Grand, Moral., 1. XVin, 84, P. L., t. lxx% coï. 89 ; S. Bède, Homiliæ genninæ, t. I, homil. i, in festo Annunt., P. L., t. xciv, coi. 13 ; Alcuin, Adv. hxresim Felicis, 24, P. T.., t. CI, col. 96. Nulle exception n’étant jamais formulée en faveur de ! Marie, elle est donc, sous ce rapport, assimilée aux autres créatures humaines ; conçue suivant la loi du péché, en raison de sa descendance adamique par voie de génération sexuelle, elle eut, à la différence de son Fils, une chair de péclu’. S. Fulgence, De incarnatione et gratia, vi, 13, P. L., t. lxv, col. 458. Aussi fut-elle purifiée au jour de l’annonciation : Hac inde purgationem traxit, unde conccpit. S. Léon, Serm., xxii, in Nativ. Domini, ii, 3, P. L., t. liv, col. 196. Cette purification préalable était nécessaire pour que Marie devînt digne d’enfanter un Dieu, et pour que la chair du Christ ne fût pas elle-même chair de péché. S. Bède, loc. cit., col. 12.

Que dire de cette doctrine, prise dans son ensemble ? Ce qui a été dit plus haut, col. 881, à propos des textes de saint Augustin qui l’ont inspirée. Pour les disciples comme pour le maître, toute génération sexuelle est

soumise, dans l’ordre actuel, à la loi de la concupiscence et, dans le même sens, à la loi du péché ; l’engendi’é, terme de la génération, est également soumis à la loi de la concupiscence, qui l’atteint directement dans sa chair et indirectement dans son âme. D’après ces principes rigoureusement appliqués, Marie, conçue par saint Joachim et sainte Anne, subit dans sa chair la conséquence de la loi du péché ; en ce sens-là, il y a matière à purification, ou subséquente, ou concomitante, ou préventive. La souillure de l’âme est, en droit, en principe, une conséquence. Pour aller plus loin et conclure à l’existence effective de cette souillure dans l’âme de Marie, il faudrait supposer de deux choses l’une : ou que ces Pères ont identifié purement et simplement le péché originel proprement dit et la concupiscence, ou qu’entre les deux ils ont mis une connexion absolue. Ni l’une ni l’autre des deux hypothèses ne peut leur être attribuée sûrement.

Mais il faut reconnaître que cette doctrine prête à l’équivoque, qu’elle contient le germe de la grande controverse qui éclatera plus tard, et qu’en tout cas elle n’était pas de nature à favoriser l’éclosion et le développement de la croyance au glorieux privilège de la mère de Dieu. Aussi le silence règne encore dans les milieux mêmes où cette crojance prendra bientôt son essor, par exemple, dans l’Église anglo-saxonne. Le premier auteur de cette nation dont les écrils figurent dans la Patrologie latine, saint Aldhelm (650-709), a chanté les vierges les plus célèbres des deux Testaments. De lauàibiis virginilatis, P. L., t. lxxxix, col. 103-162. Il donne à la mère de Dieu une place d’honneur ; les louanges qu’il lui adresse, plus solennelles, révèlent la croyance à une pureté spéciale qui met la Vierge bien au-dessus des autres, mais il n’est pas question de l’immaculée dans le sens actuel du mot. Peu après, le Vénérable Bède (673-7’15) parle de Marie en divers endroits de ses écrits, particulièrement dans la première homélie. In je-.lo Annuntiaiionis, et il en parle dignement. Il nous la montre comme un astre ctincclant qui, par un privilège spécial, brille au-dessus des flots de ce monde souillé ; il voit, dans les paroles de l’ange l’appelant pleine de grâce, une salutation aussi digne de la bienheureuse Vierge qu’elle était inouïe parmi les hommes ; il proclame la mère de Dieu spécialement et incomparablement bénie entre les femmes bénies. P. L., t. xciv, col. 11, 16. Jamais cependant sa pensée ne va expressément à la conception, ni même à la naissance (le Marie, et rien d’ailleurs ne le portait à remonter si haut ; car, suivant sa propre remarque, l’Église anglo-saxonne ne fêtait encore à cette époque que deux naissances, celles du Sauveur et de son précurseur. Ilomil., XIV, col. 210. Pourtant, dans une homélie, le vénérable docteur a énoncé un principe d’une grande portée : parlant du lils d’Elisabeth rempli du Saint-Esprit et délivre du péché dans le sein de sa mère, il a ra))pe ! é que, suivant l’enseignement des Pères, l’auteur de toute sainteté n’est pas, dans l’exercice de son action sanctilicatrice, enchaîné par la loi : constat quippe veridica Patrum sententia quia Zeg"- non stringitur Spirittit Sandi donuni. Homit., m, in vigilia S. Joannis liaptislw, col. 208.

2. Courant positij.

La doctrine mariologique des Pères latins postéphésiens ne se borne pas à ce qui précède ; d’autres témoignages existent, favorables à la pieu.se croyance, soit qu’ils en préparent l’éclosion par une notion transcendante de la nicrtde Dieu, soil qu’ils la contiennent déjà équivalemment.

Marie est pour eux, comme pour leurs devanciers, la nouvelle Eve, instrument de notre salut et mère des vivants dans Tordre de la grâce : pseudo-Augustin, De symbolo ad catcclmmrnns, scrni. ni, c. iv, n. 4, P. L.. t. XL, col. 655 sq. ; S. Pierre Chrysologuf-, Serm.. i.xtv.

de Lazaro, et xcix, de parabolu jcrmenli, P. L., t. lii, col. 380, 479 ; S. Maxime de Turin, Homil., xv, de Nativ. Domini, x, P. L., t. Lvii, col. 254 ; S. Éleuthère de Tournai († 531), Sermo de natali Dnmini, P. L., t. Lxv, col. 94 ; S. Fulgence, Serm., ix, de duplici nativ. Christi, n. 6, 7, P. L., t. lxv, col. 728 sq. ; S. Bède, Homil., I, P. L., t. xciv, col. 9. Tous ces Pères s’attachent à la scène de Tannonciation ; ils s’arrêtent à la victoire remportée alors par Marie sur le démon ; idée dont s’inspirait aussi saint Pulchronc, évêque de Verdun, quand, au retour d’un voyage à Rome, en 470, il fit bâtir une nouvelle église en l’honneur de Notre-Dame et sculpter une image qui la représentait foulant aux pieds le dragon. Acta sanrtorum, februarii t. iii, Anvers, 1658, p. 12. D’autres vont plus loin ; reliant le présent au passé, ils supposent une préparation préalable de la future mère de Dieu. Tel saint Grégoire, quand il compare Marie à une haute montagne et à une riche demeure, « elle qui s’est préparée par d’incomparables mérites à recevoir dignement dans Son sein le Fils unique de Dieu, n In I Rcgum, c. i, n. 5, P. L., t. lxxix, col. 25. La pensée du saint docteur va directement aux mérites acquis ; elle n’a de valeur pour nous que par l’idée qu’elle énonce, d’une préparation de Marie, non seulement prochaine, mais lointaine, en vue de la maternité divine. Mais longtemps auparavant, vers le milieu du ve siècle, deux Pères avaient, sous la même inspiration, reporté leur pensée jusqu’aux origines de la Vierge et affirmé l’union intime avec Dieu ou la sainteté dont elle jouit dès lors. Saint Pierre Chrysologue l’avait dite - fiancée à Jésus-Christ dans le sein de sa mère, au début de son existence : oui est in utero pigrwrata cum ficrct.. Serm., cxl, de Annunt., P. L., t. LIT, col. 577. Saint ^Maxime de Turin l’avait proclamée une demeure digne du Christ, non par les qualités du corps, mais par la grâce originelle : idoneum plane Maria Christo habitaculum, non pro habita corporis, scd pro gratia originali. Homil., vi, ante natale Domini, P. L., t. L^^, col. 235. Ne sembic-t-il pas qu’en ce dernier texte, signalé avec le précédent dans la bulle Inefjabilis, la grâce originelle soit j)Osée comme disposition requise en celle qui devait être la mère du Verbe incarné ?

Les poètes parlent aussi, à leur manière. Contemporain de saint Pierre Chrysologue et de saint Maxime, Sedulius chante la’ierae nouvelle, issue de la race d’Èvc, mais destinée à exiger la faute de celle-ci. Carmen paschale, t. ii, v. 26-31, P. L., t. xix, col. 595 sq. Dans une image qui reporte naturellement l’esprit aux origines de la femme bénie, il la compare à une tendre rose surgissant du milieu des épines, elle-même sans épines et brillant d’un éclat qui éclipse celui de sa mère, l’ancienne Eve :

ui undc

(^ulpu dedil iiiorlem, piotas darot inde salutem ; Kt, velute spinis mollis rose surgil acutis, Nil quod hrdat liabens, niatrcnique « bscurat honore : Sic Evsc de stirpe sacra venicnte Maria, Vlrginis antiquae facinus nova Virgo piaret.

Dans la seconde moitié du siècle suivant, Venance Forlunat, évêque de Poitiers, voit en Marie et son fruit « le germe juste’que Dieu avait promis de susciter à David, Jer., xxiii, 5 ; il salue dans la Vierge l’œuvre propre de l’artiste divin, œuvre d’une beauté incomparable, masse lumineuse d’une nouvelle création. Miscellanea, t. VIII, c. vii, P. L., t. lxxxviii, col. 277, 281 :

Hoc gcrnirn jnslumVirgo est, « ftex sinis in fans,

Judicium lacions, arliiler. orbis lionis… l’iBiiientum figidi, super oninin viisa dororuni, Atque creatura> fid^ida niussa novn-.

La pensée du poète atlcinl-clle directement Marie

au moment même où Dieu la créa, comme l’estime Pahiiieri, J)c Deo créante, p. 705 ? li serait dillicile ilc l’établir incontestalilement, mais les expressions emi)]oyc’cs ne favorisent pas peu cette interprétation, et l’union de la mère et tlu Fils sous’la nolion commune de gennen jusium met clairement la bienlieureuse Vierge dans un ordre à part.

De plus en plus l’idée de sainteté ou d’innocence parfaite et perpétuelle nous apparaît intimement liée à celle de Marie, mère de Dieu. Ainsi en est il dans trois écrits qui semblent appartenir au viiie siècle. L’auteur de deux sermons attribués souvent à saint Ildephonse nous présente la bienheureuse Vierj^e comme « unie à Dieu par une alliance perpétuelle », et coimne « un rejeton qui, d’une racine viciée, sort indemne de tout vice. » Serm., ii, de Assumplione ; XII, de sancta Maria, P. I.., t. xcvi, col. 252, 279. Le pseudo-Jérôme la compare à une nuée, « qui ne fut jamais dans les ténèbres, mais toujours dans la lumière. » Br"viariuin in Psalmos, Ps. lxxvii, 4, P. L., t. XXVI, col. 1049. Ambroise Autpert, abbé de Saint-Vincent de Bénévent († 778), l’auteur présumé d’un sermon sur rxssomption, jadis faussement attribue à saint Jérôme, Epist., ix, ad Paiilam et Eustochium, de Assumplione B. M. Virginis, P. L., t. xxx, col. 122, proclame Marie « sans tache, parce qu’elle n’a été sujette en rien à la corruption, d ideo immaculala. quia in nullo corrupta… ; vrai jardin de délices, où se rencontrent toute sorte de fleurs et les parfums des vertus ; jardin si bien fermé, que ni les attaques insidieuses ni les pièges de l’ennemi n’ont jamais pu le violer ni le corrompre, » n. 9, col. 132 ; passage inséré dans le bréviaire romain, 8 décembre, leçons du second nocturne. Ces aiïîrmations s’appliquent principalement à l’intégrité virginale et à l’absence de fautes personnelles ou actuelles, mais il serait arbitraire d’en restreindre la portée à ces deux objets, car Marie to ; nberait alors, dans son âme, sous cette loi de corruption qui semble écartée de toute sa personne.

Sur la fin du même siècle, Paul Warnefride, diacre d’Aquilée, reconnaît dans la mère de Dieu le rameau qui, d’après Isa’ie, devait sortir du tronc de Jessé, rameau < ; entièrement indemne de tout nœud mauvais, vitiositalis nodis fandilus carens. » Homil. in Assumptione, F. L., t. xcv, col. 1567. Ailleurs, voulant expliquer pourquoi Marie n’apparaît pas auprès de son Fils au cours de sou ministère public, il remarque que Jésus s’est dit « envoyé aux brebis perdues de la maison d’Israël, » Matth., xv, 24, qu’il « est venu appeler, non les justes, mais les pécheurs, chercher et sauver ce qui était perdu. » Luc, v, 32 ; XIX, 10. Dès lors, « pourquoi cette mère très sainte, cette vierge douée d’une splendeur de sainteté inestimable, aurait-elle dû se mêler aux pharisiens et aux pécheurs pour suivre son Fils corporellement, elle qui, sûrement, ne fut jamais spirituellement séparée de lui en cette vie, a quo proent dubio spirihialiter in tempore nunquam creditur defuisse. » Homil., ii, in Evangcl. : Inlravil Jésus, n. 5, col. 1573. Aussi la salutation angélique suggère-t-elle à cet orateur des effusions semblables à celles des Orientaux sur Marie, temple vivant de la Sagesse divine que celle-ci s’est construite elle-même, voulant l’habiter un jour : " Elle a été saluée par l’ange en des termes absolument inusités jusqu’alors : Je vous salue, pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous. Dites-moi, que pouvait-il manquer en tait de justice et de sainteté à la Vierge qui, par une miséricorde si efficace, a reçu la plénitude de la grâce ? Comment le moindre vice aurait-il pu trouver accès dans son âme et dans son corps, puisque, semblable au ciel qui contient tout, elle est devenue le temple du Seigneur ? C’est vraiment la demeure dont Salomon a dit (sans préjudice d’un autre sens

que l’Éiilise attribue à ces paroles) : La Sagesse s’est construit un palais… Palais que l’éternelle Sagesse s’est, en effet, construit et qu’elle a rendu complètement digne de recevoir le Verbe fait homme pour sauver le monde. » Homil., i, in Assumptione, col. 1567. Pensée émise également par Haymon, évoque d’Halbersladt en Saxe (853) ; rencontrant ce texte de l’Ecclésiastique, xxiv, 14 : Ab initia et unie sœcuta creata sum, il les applique ù la mère de Dieu, o que la Sagesse divine elle-même a créée telle, que le Fils de Dieu, voulant racheter notre nature, a pu naître d’elle en dehors de toute influence de l’humaine concupiscence. .> Homil. in solemn. pcrpciuse Virginis Maria ; P. L., t. cxviii, col. 765.

A l’époque où nous sommes parvenus, quatre fêles de Notre-Dame sont célébrées en Occident : la Purification, l’Annonciation, la Nativité et l’Assomption. Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1903, p. 272. La troisième de ces solennités est particulièrement intéressante dans la question présente, car elle prépara et achemina les esprits à la fête de la Conception. Les orateurs qui célèbrent la naissance de Marie ne présentent pas cet événement comme une simiilc annonce du Sauveur ou du jour de notre délivrance ; Marie est pour eux une aurore étincelante et à ce titre elle participe déjà elle-même, par une sorte d’anticipation, à la lumière que le soleil de justice versera bientôt sur la terre : Sicut aurora valde rutilons in nmndum progressa es, o Maria, quando veri solis spkndorem, tantæ sanctitaiis jubar præcucurrisli. El recte quidem auroræ implesti officium. Ipse enim sol justiliæ de te processurus, ortum suum quadam malulina irradiatione præveniens, in te lucis suse radios copiosc transjudit. Ainsi parle l’auteur de l’iiomélie lu, in Nativitate B. M. Virginis, contenue dans un recueil du ix" : siècle. F.Wiegand, Bas Homiliarivm Karls des Grnssen, Leipzig, 1897, p. 1517.

Si Marie naît au monde extérieur pure déjà et radieuse, quand donc les rayons du soleil de justice avaient-ils pénétré pour la première fois dans son âme ? Il était désormais impossible que la question ne se posât pas ; posée, elle soulevait nécessairement le problème de la sanctification de la Vierge et de sa conception, considérées dans leur rapport mutuel. On ne saurait donc s’étonner que, parlant de celle < dont la glorieuse naissance est proclamée heureuse et bénie dans l’Église de Dieu, » saint Paschase Radbcrt. abbé de Saint-Pierre de Corbie au diocèse d’Amiens (jvers 860), ait pu écrire, eu remontant de l’effet à la cause : « Puis donc qu’on célèbre sa naissance d’une manière si solennelle, l’autorité de l’Église montre clairement que Marie naissant a été exempte de toute faute et que, sanctifiée dans le sein de sa mère, elle n’a pas contracté le péché ori :. ; inel. » De parla Virginis, t. I, P. L., t. cxx, col. 1371 ; écrit attribué parfois à saint Ildefonse, P. L., t. xcvi, col. 2Il sq. Prises à la lettre, ces paroles n’énoncent pas une sanctification postérieure à la conception, bien qu’antérieure à la naissance ; elles écartent simplement de Marie le péché originel : neque contraxit, in utero sanctificaiu, originale pcccatum. De la sainteté que possède l’enfant qui naît, Paschase remonte à la sainteté initiale de l’enfant conçu, la seconde chose lui apparaissant sans doute comme l’explication de la première.

Mais ce passage appartient-il au texte primitif, ou ne serait-il pas plutôt une interpolation postérieure ? Cette seconde hypothèse a été soutenue, après dom Martène, par des critiques récents ; en revanche, le protestant Zôckler s’est servi de ce passage pour affirmer l’existence de la fête de la Nativité de Marie en France dans la seconde moitié du ixe siècle. Realencyklopadie iïtr protestantische Théologie und 98c

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Kirche, art. Maria, 3<" édit., t. mi, p. 320. La difficulté, spécieuse à premièie vue, vient d’une contradiction qu’on dit exister entre ce passage et la doctrine professée, quelques lignes auparavant, sur la purification de la Vierge. La thèse de Radbert est que la mère de Dieu n’a pas enfanté son fils comme les autres femmes, mais que, l’ayant conçu virginalement, elle l’a ensuite enfanté en dchois des lois communes. Vient alors cette objection : la chair de Marie fut une chair de péché, soumise à la loi commune de la concupiscence ; elle devait donc concevoir et enfanter suivant cette même loi. Oui, répond-il en substance, s’il n’y avait pas eu purification préalable, mais cette purification ayant eu lieu quand le Saint-Esprit descendit sur la Vierge au jour de l’annonciation, il n’y avait plus en elle, quand elle conçut son divin Fils, chair de péché ni, par conséquent, chair soumise à la loi de la concupiscence. Il sera question plus loin, à propos de saint Anselme et des théologiens du xiie siècle, de cette théorie de la purification de Marie. Contentons-nous ici de répondre qu’il y aurait contradiction réelle entre les deux passages et, par suite, indice d’interpolation, si, dans la pensée de l’écrivain, la purification opérée au jour de l’annonciation portait sur le péché originel proprement dit ou le supposait nécessairement ; mais ceci n’est pas démontré. D’après une manière de voir que beaucoup partagèrent alors et plus tard, Paschase a pu regarder la sanctification première de la mère de Dieu comme s’étendant à l’àme seule et laissant la chair soumise, en principe ou même en fait, à certaines suites de la faute originelle, notamment à la concupiscence, dite loi du péch-, et c’est en cela qu’il y eut l)iirification : lotain defœcavil a sordibus virgincm ri dccoxil, ul esset santtior qiiam aslra cxli, col. 1372. Quand le saint abbé dit : » D’ailleurs comment n’aurait-elle pas été libre du péché originel, après qu’elle eut été remplie du Saint-Esprit, celle dont la glorieuse naissance est proclamée heureuse et bénie dans l’Église du Christ ? > il fait un raisonnement a forUori dont voici le sens complet. si dès avant sa naissance Marie fut exempte du péché originel (proprement dit), comment la purification opérée en elle par le Saint-Esprit, au jour de l’annonciation, ne l’aurait-elle pas totalement délivrée, en sa chair et en son esprit, de ce même péché considéré dans ses traces ou conséquences ? Et cela, pour qu’elle conçût et enfantât son fruit d’une façon virginale et en dehors de toute action ou passion se rattachant, de près ou de loin, à la concupiscence. La contradiction réelle disparaît, mais le dernier mot ne pourrait être donné que par une édition strictement critique de l’écrit.

Un dernier témoignage couronnera dignement cette première période des docteurs latins posléphésiens ; il est de saint Fulbert, évcque de Chartres au début du xie siècle († 1028). Dans un premier sermon, où il utilise largement rÉvan ;  ; ile apocryphe de la Nativité de Marie, il nous montre la bienheureuse Vierge descendant d’ancêtres péclieurs, mais apparaissant elle-même « belle comme un lis au milieu des épines <, puis parlant de ses perfections qui dépassent toutes nos louanges : i Ce qu’on peut d’abord atfirmcr, dit-il, c’est que l’àme et la cliair de Marie, clioisie par la Sa’.'csse divine pour devenir sa demeure, furent pleinement exemptes de toute malice et impureté, ab nmni maliUa et tmnmndilia puri ! isim ! e, conformément à ces paroles de l’Écriture, Sap, r, 14 : Qitoniam in imdcvolam animam non in-Iroibtt xapienlia, nec habilabit in corpnre’iibdilo pfCcfdis. I^ sagesse n’entrera pas dans une âme qui médite le mal, et n’habitera pas dans un corps esclave du péché. » STm., iv, de Xalivilale B. M. V.. P. L., t. cxLi, col. 322. Le ton s’élève dans un autre sermon

sur le même sujet : « O bienheureux cet enfantement et cette naissance, puisqu’ils donnent à la terre la Vierge qui doit effacer l’antique offense de nos premiers parents, et redresser le monde courbé sous le joug du plus impitoyable ennemi 1 Enfantement dont toute la raison d’être fut de préparer au Fils du Très-Haut une demeure sainte et pure. Car à quelle autre lin aurait-il pu être destiné ?… Dans la conception nécessaire de cette Vierge, l’Esprit de vie et d’amour remplit certainement ses parents d’une grâce particulière, et la garde des saints anges ne leur fit jamais défaut… Combien grande, dites-moi, dut être la sollicitude de ces esprits célestes à l’égard de personnes aussi chères à Dieu, dès qu’ils commencèrent à produire leur fruit, ab initia procrcationis suæ, et combien grande la vigilance des mêmes esprits à l’égard d’un tel fruit I Est-il croyable que l’Esprit-Saint n’ait pas été dans cette enfant choisie, qu’il devait un jour couvrir de sou ombre ? » St’rm., vi, in ortii almse Virginis, col. 326. Isolée, la dernière phrase reste vague ; prise dans le contexte immédiat, elle se rapporte à la bienheureuse Vierge considérée au début de son existence, « alors que ses parents commencèrent à produire leur fruit. » On pourrait incnie se demander si, en parlant de la grande sollicitude des esprits célestes à l’égard de saint Joachim et de sainte Anne à ce moment-là, l’évêque de Chartres ne songerait pas, sous l’influence d’ajiocryphes orientaux, à mettre la conception active de Marie en dehors de la loi du péclié ou de la concupiscence. Quoi qu’il en soit de ce point, le pieux docteur ne se contente pas de voir dans cet événement la préparation lointaine de la future mère de Dieu : il reconnaît, en outre, a présence du Saint-Esprit dans cette enfant de bénédiction, et il unit, dans sa pensée et dans sa vénération, la double naissance, l’extérieure et l’intérieure. Dès lors, que fallait-il pour arriver à la fête de la Conception de Marie ? Il sullisait de dédoubler l’objet du culte et d’honorer à part chacune des deux naissances. C’est ce qui avait eu lieu déjà comme nous allons le voir.

Débuts de ta jêle de la Conception en Occident.


Longtemps cette question est restée fort obscure ; sans être pleinement élucidée, elle a fait, depuis un demi-siècle, de grands progrès. Mais là, comme en beaucoup d’autres points, il faut opérer un triage dans les pièces versées au débat.

1. Documents apocri/plics on sans valeur probante.

— On a revendiqué pour l’iispagne l’honneur des prémices en cette matière. D’après une Vie attribuée à l’un de ses successeurs, saint.lulien de Tolède, et par suite composée une vingtaine d’années après sa mort, saint Ildefonse (f (J()7) aurait « ordonné de fêter la Conception de sainte Marie, c’est-à-dire le jour où elle fut conçue, et c’est en vertu de cette institution que la fête se célèbre solennellement en Espagne. » De son côté, le roi Ervige († 687) aurait prescrit aux Juifs d’observer certaines solennités en usage parmi les chrétiens, et tout d’abord festum sanctæ Virginis Maria’, quo gloriosa concept io ejusdem cclebratur. Mabillon, Acta scmclorum ordinis benedictini, sa ; c. ii, p. 522 ; récemment, J. Mir y Noguera, I.a inmaculada concepciôn, Madrid, 1905, p. 27. Mais ces documents manquent de valeur probante. Le témoignage prêté à saint.Julien de Tolède est apocryphe ; rien de pareil dans le court éloge qu’il a fait de son glorieux prédécesseur. P. L., t. xcvi. col. 43. Le décret d’Ervige n’a pas la portée qu’on lui attribue : il s’applique, non à la conceiition passive de .Marie, mais à sa concciilion active, celle qui, au jour de l’annonciation, la rendît mère du Verbe incarné, liallcrini, Quipstio an S. llildejonsus episropus Tolelaluis conceplæ Virginis festuni in Ilispaniis inslilueril.

Rome. 1850 ; réimprimé dans SijUoge monumenlorum, du même auteur, Paris, 1855, 1. 1, p. ix.

Après l’Espagne, quatre siècles plus tard, vient l’Italie septentrionale. La pièce invoquée est le testament d’un prêtre de Crémone, Ugo de Summo ; testament qui aurait été rédif^é en décembre 1047, in feslo sanctx et immuculalæ conceplionis bealw Virginis Muriæ. Ballerini, SiiUoge, t. i, p. 1-25. Il y est question de Marie comme de la femme, annoncée dans la Genèse, quæ gratta Filii ab originali tabe anticipata redemptione prœservala sempcr fuit tam anima quamcorporc intégra et immaculata. Prescription est faite de célébrer tous les ans avec solennité la fête de l’immaculée conception, et d’j' chanter les deux strophes suivantes :

Candldissima uti lilia. Salve seterni patris filia. Salve mater redemptoris. Salve sponsa spiratoris. Sine macula concepta.

Salve Triadis electa, Salve inferni victrix aspidis, Illius cxpers sola cuspidis. Salve Triadis electa. Sine macula concepta.

Mais il est impossible d’accorder une valeur réelle à une pièce dont l’original n’a jamais été produit et que tout rend suspecte : recherche dans la composition, superfluité dans les détails, accumulation d’expressions techniques que seules les controverses postérieures ont pu provoquer. Malou, L’immaculée conception, Bruxelles. 1857, t. i, p. lll ; Kenner, Heo tologie, 3e édit., p. 192, note 4.

2. Documents authentiques.

Ils appartiennent à divers pays et se présentent dans des conditions notablement diflérentes.

a) Italie méridionale. — Xaples nous fournit un premier document certain. Dans un calendrier liturgique, gravé sur marbre, on lit cette inscription au 9 décembre : Coneeptio sanctæ Marisa Virginis. La date serait à placer entre les années 840 et 850, d’après l’éditeur, A. S. Mazzocchi, Vêtus marmoreum Neopolitanæ ecelesiæ kalendarium, Naples, 1744. A cette époque, l’Italie méridionale dépendait encore de l’empire grec ; nous sommes donc là en face d’une importation byzantine, ce que confirme la date du 9 décembre, au lieu du 8 dans notre fête latine. Remarquons seulement qu’à Naples, le titre de la fête exprime directement la conception de Marie ou conception passive, et non pas, comme à Constantinople, la conception de sainte Anne ou conception active.

b) Irlande. — Trois dociunents ont été récemment publiés ou mis en lumière, dont l’importance est d’autant plus grande que la mention de la fête de la Conception n’apparaît pas ailleurs avant l’an 1000 ; elle ne se trouve, par exemple, ni dans le calendrier de saint Willibrord († 739), Paris, Biblioth. nationale, ms. latin 10837, ni dans le Bénédictional de saint Ethelwold († 984), publié dans Archœologia, Londres, 1832, t. xxiv, ni, semble-t-il, dans l’important calendrier de la bibliothèque de Trinity Collège à Dublin, dont parle le P. Thurston, The Irish origins of our Lady’s Conception jeast, p. 457, note 3.

a. martyrologe de Tallaght, du ix « ou xe siècle. Mention avait été faite de cette pièce dans les Acta sanctorum, maii t. i, Anvers, 1680, p. 361, parmi les Prsetermissi du troisième jour : Mariæ Virginis Coneeptio celebratur in Marlijrologio Tamlactensi.Lareproduction du texte a confirmé cette indication ; on y lit, au mois de mai, r nonas, c’est-à-dire le troisième jour :

Cnicis Christi Inveiitio. Maria’Virginis Coneeptio. Eventii, Teodoli, Ambrosii, etc.

Book oj Leinstcr, édit. Rob. Alkinson, Dublin, 1880, p. 360 ; pour la date, H. Thurston, Eadmeri tractalus de conceptionsanctæ Mariæ, p. xxxiii.

b. Un calendrier manuscrit versifié, dont l’exemplaire le plus ancien aurait été composé après la mort du roi Alfred, entre 901 et 940. Cet exemplaire dépend lui-même d’un prototype irlandais qui doit, par conséquent, remonter au moins au début du dixième siècle. Cette inscription s’y trouve, au sixième des nones, deuxième jour de mai :

Concipitur virgo Maria cngnoniine senis.

Londres, British Mus., ms. Colton., Galba A. xviii. Cf. Thurston, art. cit., p. 451, 455 ; Eadmeri tractalus,

p. XXXII.

c. Calendrier d’Œngus, moine irlandais qui vécut quelque temps dans le monastère de Tallaght. Cette pièce semble remonter jusqu’à la naissance du ix^siècle : elle porte, au 3 mai, cette annonce :

Feil mar Maire nage.

(La grande fête de la Vierge Marie.)

La note suivante se lit en marge du texte irlandais dans le manuscrit Lebar Brece :

La grande fêle de Marie, et le reste, c’est-à-dire sa première origine, suivant les uns — mais elle a eu lieu au mois de février ou de mars, puisque Marie est née apré--> sept mois, comme il est rapporté — ou quelque autre de ses fêtes.

Feil mar muire, et reliqua, id est, hase inceptio eius, ut alii putant — sed in februo mense vel in martio facta est illa, quia post VII menses nata est, ut inarratur — vel quîelibct alia feria eius.

The transactions o/ Ihe Royal Irish Academy. Irish manuscripl séries, yo. i, part. 1. Calendar of Œngus, by Dr. Whitley Stokes, p. lxxviii, lxxxiv ; cf. Thurston, ari. c ; ^, p. 455 sq. ; Eadmeri tractalus, p. xxxiii.

La date assignée, dans ces documents, pour la fête de la Conception pose un problème obscur : comment expliquer cette date du 2 ou 3 mai ? Le P. Thurston a cherché un point d’appui dans des calendriers coptes, et il est vrai qu’on y trouve mentionnée, au début du mois de Baschnès (fin avril et mai), une fête de la sainte Vierge, mais c’est une fête de la Xativàté. Mai, Scriptorum veterum nova collcclio, t. iv, p. 94 ; F. Nau, Les ménologes des évangéliaires coptes-arabes, dans Pntrologia orientalis, t. x, fasc. 2, p. 202 ; E. Tisserant, Le calendrier d’Aboul-Barakal, ibid., p. 270. Cependant, comme la fête de la Nativité réapparaît aulO^jour du moisdeTout (7 sept.), ibid., p. 187 sq., 270, il se peut que les moines irlandais aient été amenés à voir dans la fête de mai la première naissance ou conception de Marie. Quant à l’objection exprimée dans la note du ms. Lebar Brece, il n’y a pas à en tenir compte, car elle repose sur une supposition fausse, rejetée déjà par saint André de Crète, P. G., t. cvii, col. 1313, et n’ayant pour fondement qu’une variante, dénuée d’autorité, dans le texte d’un apocryphe. Voir E. Amann, Le prolévangile de Jacques, p. 198.

Mais s’agit-il, dans les trois calendriers, d’une fête réellement célébrée en Irlande à l’époque où ils furent composés ? Certains le contestent, en particulier Kellner, op. cit., p. 192 : l’insertion de la fête dans ces recueils proiiverait seulement l’érudition des compilateurs. D’autres se sont tenus sur la réserve, comme Edm. Bishop, On ihe origins of Ihe feast of the Conception, Londres, 1904, note prélim., p. 5 sq. : « Si tant est que cette fête ait été effectivement célébrée. » La façon indécise dont parle l’annotateur du calendrier d’Œngus et la disjonction qu’il pose : hœc inceptio eius… vel qua’libet alio feria eius, sont assez difiiciles à comprendre dans l’hypothèse d’une

solennité réellement en usage. Cette raison n’a pourtant rien de péreniptoire ; car la note est de seconde main et d’époque postérieure, celui qui l’a insérée pouvait ignorer ce qui s’était pratiqué jadis. A tout le moins, les documents eux-mêmes prouvent que ridée d’une fête ou d’une commémoraison ayant pour objet la conception de Marie existait dans certains milieux irlandais aux ix<= et xe siècles. En revanche, ils ne nous donnent aucun renseignement précis sur la manière dont on comprenait l’objet de la fête ou de la commémoraison. à savoir dans le sens plus large d’une conception simplement miraculeuse ou dans le sens plus strict d’une conception sainte. Mais il serait arbitraire d’exclure a priori le second sens, quand, vers la même époque, on trouve dans une bymne sur la bienheureuse Vierge la strophe qui suit, où la mère de Dieu, nouvelle Eve, est mise à part des autres humains dans ses prérogatives, dans son rôle tt peut-être dans son origine.

Huic iiiatri nec inventa ante nec post similis, Nec de proie fuit plane Iiiinianæ originis. Per muliercm et lignuni niundus periit, Per mulieris viitutem ad saluteni rediit.

Cl. Blume, Analeda hymnica medii œvi, t. li. Die Hymnen des 5-Il Jahrh. iind die Irish-Kcllischc Hijmnodien, p. 305.

c) Anr/lclcrrc — Ou a vu plus haut qu’au iiie siècle, la dévotion envers la mère de Dieu n’avait pas encore pris son plein essor dans T’Église anglo-saxonne. Pourtant, c’est déjà une très hante idée de la sainteté de Xotre-Dame et de son pouvoir d’universelle intercession, que respire VOndio ad sanctam JMariam, contenue dans le manuscrit dit Book of Cerne, dont se servait, en 7 « )0, Ethelwald, évêque de Sherbourne : la prière s’y adresse à la » sainte mère de Dieu, toujours vierge, bienheureuse, bénie, glorieuse, … Marie immaculée, choisie par Dieu et l’objet de ses prédilections, ornée d’une sainteté unique et digne de toute louange, … avocate du monde en péril… »

Sancta dei Rcnctri> : scmper virgo beata benedicta gloriosa et gencrosa. Intacta et intemerata casta et incontaminata Maria immaculata electa et a deo dilecta. Singulari sanctitate prasdita, atquo omni laude digna. Quai es interpcllatrix pro totius mundi discrimina exaudi exaudi êxaudi nos sancta Maria.

Dom A. B. Kuypers, The prayer book of Aedeluald the bishop, commonly called the Book of Cerne, Cambridge, 1902, p. 154.

Rien qui mérite de fixer l’atiention au ixe siècle ; mais à partir du x’, des documents apparaissent, d’abord négatifs, puis positifs.

a. Documrnla nâr/alifs. — Les recueils de textes saxons, publiés en Angleterre, contiennent un ccr-’tain nombre d’homélies des x" et xie siècles : The Blicking homilirs of the ienlh century, édit. B. Morris, Londres, 1880 ; Wulfstan, Sammlung dcr ihm zugeschricbenen homilien, 1’" partie, érlit. A. Napier, Berlin, 1883 ; The homilics of the Anf/lo-Saxon Church, édit. Benjamin Thorpc. Londres, 1844, 1846. L’auteur de ce dernier recueil, Eifric, » araît s’identifier avec l’archevêque du même nom (1023-1051), qui fut le successeur immédiat de saint Wulfstan sur le siège d York.

Dans les Blicking Iwmilies, deux sermons se rapportent directement à la mère ile Dieu : l’un pour la (dte de l’Annonciation, incomplet au début ; l’autre pour la fête de l’Assomption. La pensée de l’orateur ne va jamais au delà de ces trois i<lécs : pureté perpétuelle et parfaite, rôle de médiatrice, place privilé-Itiée au-dessus de toutes les autres créatures. Aucune des homélies de saint Wulfstan n’a pour objet propre Notre-Dame ; incidemment elle est mentionnée sous

les appellations de < sainte Marie, mère du Christ, pure vierge, femme sans tache, vase destiné à contenir un trésor. Serm., n et xliv, p. 13 sq., 251. Elfric proclame Marie riche de toutes les vertus, toute belle et toute brillante, temple du Saint-Esprit comme nul autre, possédant la grâce en sa perfection, nouvelle Eve et notre médiatrice auprès de son divin Fils, t. I, p. 447 sq., 455 ; t. ii, p. 23. Il affirme qu’elle est née, comme les aulrcs humains, d’un père et d’une mère, Joachim et.’nue, personnes pieuses selon la Loi, mais dont il ne veut rien dire de plus, par crainte de tomber dans l’eiTeur, t. ii, p. 466. Paroles où perce un sentiment de défiance à l’égard des amplifications contenues dans les Évangiles apocryphes. En somme, dans ces divers documents, nulle manifestation d’une croyance à la sainteté originelle de la bienheureuse Vierge, nulle mention d’une fête en l’honneur de sa conception. Mais ce n’est pas là tout l’apport de l’Éghse anglo-saxonne, antérieurement à l’invasion normande de 1066 ; il y a d’autres sources utilisées surtout par Edm. Bishop et le P. Thurston.

b. Documents positifs. — Un premier groupe nous présente la simple mention de la fête ; tels deux calendriers, provenant des abbayes d’Old Minster et de Newminster, à Winchester, et rédigés l’un vers 1030, l’autre sous le gouvernement de l’abbé Aelfwin (1034-1057). La fête y figure au 8 décembre, sous ce titre : Conceptio sancte Dei genitricis Maria’. R. T. Hamplon, Mcdii a=vi kalendarium, Londres, 1841, t. I, p. 433, 440. Dans un martyrologe, composé vers 1050 au monastère de Saint-Augustin de Cantorbéry, on lit également à la même date, ri id. dec. : item ipso die conceptio sonde Marie Dirginis. Londres, British Muséum, i/s. CoWon., Vitelliiis, c. xii ; cf. Thurston, Abbot Ansclm of Bury and the immaculate conception, dans The Month, juin 1904, p. 570 ; Eadmeri traciatus, p. xxxvii sq.

D’autres documents, formant un second groupe, sont plus précis que les précédents, car ils contiennent des formules de bénédiction ou des oraisons pour la fête. Dans un pontifical, dressé pour l’église primitialc de Cantorbéry après 1023, mais dans la première moitié du siècle, on lit, sous ce titre : Benedictio in die conceptionis sancte Dei genetricis Marie, les prières suivantes :

Cwlestium carisnialum Daigne l’auteur des dons inspirator tcrrcnaruinqxio célestes et le rénovateur des rcparator, qui bentam dei esprits terrestres, qui a fait gonitriccm angclico conciannoncer par un ange la piendani prccona it oraculo, conception de la bienheuvos benedictionum suanini rcuse nicrc de Dieu, vous ubertate dignctur locupleenrichir de ses plus abontare et virtutum floribus. dantes bénédictions et des Amen. fleurs des vertus. Ainsi

soit-il.

Et qui illani priiis sanctiLui qui l’n sanctifiée par ficavit nominis dignitate l’imposition d’un nom auquam édita gigncretur hugusfe avant que l’humaine luana fragilitate, vos virlufragilité ne lui donnât le tum copiis adiuvct pollcre. joir, qu’il vous fasse posscet in nominis sui a cueratida der les vertus dans leur confessione infaligabiliter plénitude et persévérer infaprrsevernre. .Viiicn. ligablement dans la respectueuse confession de son

nom. Ainsi soit-il.

Obtineat vobis gloriosis Qu’elle-même vous obinterccssionibus prospéra tienne par sa glorieuse iutempora, iucunda et pacilereession la prospérité, le fica, et post prcsenlia secula, bonheur et la paix ici-l>as gaudia sine fine manentia, et, après cette ie, les joies cuius vonerand.T conceptio- éternelles, celle que nous bonis frcqui nlamini magnifira norons en fêlant les glorieux sacramenta. Anicn. mystères de sa vénérable conception. Ainsi soit-il.

Londres, British’Sluf.cum, mu. Jlarleinn. 2892, iol. ICI : cf. Thurston, Eadmeri traciatus, p. 85. 991

IMMACULEE CONCEPTION

mi

Un autre pontifical, appartenant à l’église cathédrale d’Exeter et qui paraît avoir servi à révêqque Léofric (1050-1073), renferme sous la rubrique : Benedidio in’conceptione sancte Marie, une prière du même genre :

Que la bienheuriîusc vierge Marie vous obtienne pour toujours la bénédiction divine par sa pieuse intercession, elle dont le Tout-Puissant, qui la destinait pour mère à son fds unique, a fait annoncer la conception par un ange ! Et qu’elle vous assiste sans cesse de son secours bienveillant, celle qui est la bienveillance mêmel Ainsi soit-il.

Daigne celui qui l’a désignée par son nom avant qu’elle ne fût conçue et qui l’a couverte du Saint-Esprit, vous accorder de concevoir vous-mêmes en vos âmes la grâce et la confession de la sainte Trinité ! Qu’il vous préserve de tout mal et vous confirme dans la sainteté déifiante ! Ainsi soit-il.

VA que la sainte mère de Dieu Marie vous obtienne de Dieu un accroissement de paix et de joie, en sorte qu’ayant reçu dans l’heureux enfantement de la bienheureuse Vierge le principe du salut, vous obteniez aussi Jésus-Christ pour éternelle récompense et source d’une vie permanente au ciel.

Londres, Brit. Mus., ms. addil. 2888, fol. 189 ; cf. Thurston, Eadmeri tradatas, p. 84.

Enfin, le Missel de Léofric, donné par cet évêque à la cathédrale d’Exeter, contient, pour la fête de la conception de Marie, V ! id. décembres, trois oraisons dont la première et la troisième méritent d’être signalées :

Scmpiterna(m’) a deo beuedictionem vobis béate Marie virginis pia deposcat supplicatio, quam concipiendam omnipotens, ex qua eius conciperetur Unigenitus angelico declaravit preconio, quam et vobis iugiter suffragari benigno, ut est benignissima, sentiatis auxilio. Amen.

Quique illam ante conceptum presignavit nomine spiritus sancti obumbratione, vos divinam gratiam mente annuat concipere in sancte Trinitatis confessione atque ab omni malo protcctos deifica confirmet sancti ficatione. Amen.

Sancta vero dei genitrix Maria vobis a Deo pacis et gaudii optineat incrcmentum, ut quibus felix eiusdem béate virginis partus extitit salutis exordium, sit etiam ipse Jhesus Christus premiam in celis vite pernianentis sempiternum.

(Collecta). Deus qui beatæ Marice virginis conceptionem angelico vaticinio parentibus priedixisti, presta huic prcsenti familire turc eius præsidiis muniri, cuius conceptionis sacra solemnia con^rua frequcntatione veneratur. Per Dominuni…

AU coniplendum. Repleti vitalibus alimoniis, et divinis refecti mysteriis, supplices rogamus, omnipotens Deus, béate Marie semper virginis, cuius venerandam colimus conceptionem, pia interventioneasqualorumerui immaniuni dominatione. Per Dominum. ..

Dieu qui, par l’entremise d’un ange, avez prédit la conception de la bienheureuse Vierge Marie à se-s parents, accordez à votre famille ici présente d’avoir pour protectrice et soutien celle dont elle s’efforce, en cette sainte solennité, de vénérer dignement la conception. Par Notre Seigneur…

Repus des aliments vivi-Tiants et restaurés par les divins mystères, nous vous supplions, ô Dieu tout-puissant, de nous délivrer du joug des funestes souillures, grâce à la pieuse intercession de la bienheureuse Marie toujours vierge, dont nous fêtons la conception vénérable. Par Notre Seigneur…

The Léofric missal, édit. F. E. Warren. O.xford, 1883, p. 268.

c. Origine de la fête anglo-saxonne de la Conception de Marie. — Si les documents qui précèdent se présentent dans de meilleures conditions que ceux de provenance irlandaise, s’ils rendent indubitalole l’existence de la fête de la Conception en Angleterre dans la première moitié du xi’e siècle, ils ne disent pas ni ne permettent de conclure fermement sous quelle iii lUience elle fit son apparition. Comme tous les documents se rattachent à un groupe de monastères dépendant étroitement de l’abbaye de Nevminster, Edmoiu ; Bishop conjectura d’abord que Ks moines bénédictins de ce monastère, disciples iuimédiats ou médiats de saint J-2thelvoId († 984), auraient établi la solennité de leur propre initiative. Plus tard, le P. Thurstoi ! parla d’une influence irlandaise. D’autres attribuèrent l’introduction de la fêle en Angleterre à Théodore de Tarse, qui vint dans ce pays comme primat di Cantorbéry (669-690), en compagnie du moine Adrien, auparavant abbé d’un monastère napolitain ; conjc(ture renforcée par la présence, en d’anciens livrc^ liturgiques, de prières ayant une saveur orientale prononcée, et même de mots grecs transcrits en caractères anglo-saxons. Voir Lesètre. L’immaculée conception et l’Église de Paris, Paris, 1004, p. 16 ; M. Jugie, Origines de la fête, p. 532 ; cf. Thurston, The Englisli feast of our Lady’s Conception, p. 465. Enfin, dans la courte préface de son article réimprimé en 1904, Edm. Bishop s’est rallié ù l’hypothèse d’un emprunt fait à l’église de Xaples par les moines bénédictins de Winchester. Plusieurs clioses semblent, c ; effet, trahir une influence grecque : la célébratio-. de la tête en décembre et, dans les formules de béni diction comme dans lacollecte du IMissel de Léofric, L allusions au récit du Protéuangile de Jacques, vulgarisé en Occident par ses remaniements latins : VÉva : gile de pseudo-Matthieu et l’Évangile de la Nativile de Marie.

d. Sens de la fête anglo-saxonne. — Qu’en Angleterre comme en Irlande, l’hommage des fidèles allât droit à la personne de la mère de Dieu, on le voit par le titre commun de la fête : La Conception de Marie, el plus nettement encore par la troisième oraisoii du Missel de Léofric, où la conception de Marie est tout à la fois appelée vénérable et proposée comme objtl du culte : Beatæ Mariie semper virginis, cujus venerandam colimus conceptionem. îMais à quel titre cette conceplion était-elle considérée comme vénérable’.' Était-ce seulement à cause des circonstances extérieures auxquelles il est fait allusion dans les documents cités : la prédiction de la naissance, la révélntion du nom de Marie, la cessation miraculeuse de la stérilité de sainte Anne, l’annonce du prochain rédempteur dans la première apparition de sa mère ? Ou bien était-ce aussi pour le caractère de sainteté proprement dite qui se serait attaché à la personne de Marie dès le début de son existence ? S’il était permis d’interpréter le sens de la fête au xi « siècli par celui qu’elle aura un siècle plus tard dans les mêmes milieux, la question serait facile à trancher, car nous verrons qu’Eadmer et les autres partisar.s de la fête de la Conception l’entendaient bien dans le sens immaculiste. Mais à s’en tenir aux seuls documents rencontrés jusqu’ici, les données sont trop maigres pour autoriser une réponse ferme.

D’autre part, ce ne serait pas tenir un compte suflisant du contenu intégral des documents, que d’interpréter l’objet de la fête uniquement d’après les circonstances extérieures qui. dans la pensée de leurs auteurs ou rédacteurs, précédèrent ou accompagnèrent la conception de JNIarie. Dans la bénédiction du Pontifical d’Exeter, la bienheureuse Vierge est considérée en fonction de son rôle futur, ex qua eius conciperetur Unigenitus. Surtout la deuxième oraison de cette même bénédiction et l’oraison correspondante du Pontifical de Cantorbéry contiennent l’une et l’autre une expression où l’idée de sanctification proprement dite semble bien intervenir : quiqac illam ante conceptum prsesignavit nomine Spiritus Sancti obumbratione… Et qui illam prius sanctificavil nominis dignitaic, quam edlia gignerdw

humnna jrayilihdc. 01)scures eu elles-nièines, ces (ieux expressions acquièrent une signification plus précise si on les raiiproche du passage correspondant du Liber nalivilatis Mariie, dont elles s’inspirent manifestement. Voici, en effet, comment l’ange y parle à saint Joachim, iii, 3 : > ; Ainsi ton épouse t’enfantera une fille, et tu l’appelleras Marie. Elle sera, comme vous en avez fait le vœu, consacrée au Sei- ] gneur dès son enfance, et remplie du Saint-Espril dès le sein de sa mère, adhiic ex utero malris. » Un peu j plus loin, IV, 1, l’ange dit à sainte Anne : « J’ai été envoyé vers vous pour vous annoncer la naissance dune fille, qui s’appellera Marie et qui sera hénie par-dessus toutes les fenunes. Remplie de la grâce du Seigneur dès l’inslanl de sa naissance…. a natiL’itate sua stnlim… » E. Amann, op. cit., p. 348. Cet auteur se demande s’il n’y aurait pas dans ces derniers mots « Uiie légère inconsistance avec ce qui précède. L’ange avait annoncé à.Joachim que Marie serait remplie du Saint-Esprit dès le sein de sa mère. 11 s’agit ici du moment de la naissance ; à moins qu’il ne faille prendre le mot natioitas dans un sens plus large et y voir la conception. » La contradiction disparaît, en effet, en ce cas-là ; car l’autre expression, dès le sein de sa mère, est indéterminée et peut s’appliquer indifféremment à une sanctification opérée soit au dél)ut soit au cours de l’existence de Marie au sein de sa mère. Il n’en va pas de même pour la sanctification de saint Jean-Baptiste, puisque l’Evangile, Lie, ꝟ. 44, la rai)porte à un moment déterminé et postérieur à sa conception. Quoi qu’il en soit, les termes employés indiquent au moins une sanctification de Marie affirmée par l’ange dans la même annonce prophétique où il révèle ie nom qu’elle portera ; et c’est là ce qui send)le expliquer la phrase laconique des deux bénédictions pontificales de Gantorbéry et d’Exeter. Dans la première, le nom de la future mère du Verbe et la première descente du Saint-Esprit sur elle sont unis comme faisant partie l’un et l’autre du message prophélique : præsignavit nominc Spiritus Sandi obumbrntiono.. Dans la seconde, les deux objets, nom et sanctification, sont encore unis, la sanctification se trouvant en fonction du nom considéré dans la dignité qu’il suppose en celle qui le portera ; et cette sanctification est doimée comme antérieure à la naissance, sans que rien n’en fixe l’époque à un moment déterminé et postérieur à la conception : prias sanctiflcavil nominis dignilnte qunm édita gigneretur.

Peu importe ici la valeur objective de la source utilisée dans les pontificaux ou missels anglo-saxons ; peu importe que tels ou tels détails, relatifs à la conception de sainte.

ne et à la sanctification de son

fruit béni, aient été calqués sur ce que, dans les Ecritures, on dit d’.

ne, mère de Sanuiel, et d’Elisabeth, mère du précurseur, ou du précurseur lui-même ; car il s’agit maintenant de constater la croyance subjective de ceux ((ui ont composé ces écrits et de ceux qui, ensuite, s’en sont servis. Une remarcque, faite par E. Amaim au sujet du Protévnngile de Jacques, a déjà été signalée, col. 876 : « La Vierge qui devait mettre au monde.Jésus, devait-elle être moins favorisée que le précurseur du Christ ? On ne le pensait pas dans les milieux chrétiens où fut composé le Protévangile, et Instinctivement la piété populaire y faisait le raisonnement qm revient à chaque page des traités modernes de mariologie : il faut admettre que la Vierge Marie non seulement a reçu les mômes faveurs que les saints les plus cminents, mais qu’elle les a eues d’une manière plus excellente. La remarque n’a pas moins de valeur pour les remaniements latins que pour ! a rédaction primitive du Protévangile.

3° f-Jtat de la croyance ri du culte en Occident â la

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

fin de la période allant du concile d’Éphèse jusqu’au milieu du A/e siècle. — Fixons en quelques mots les résultats acquis ; car l’époque où nous sommes arrivés est doublement importante : d’une part, la séparation définitive de l’Église grecque s’effectue par le schisme du patriarche Michel Cérulaire (1054) ; fie l’autre, un nouvel âge va commencer, l’âge scolastique qui marquera en Occident une période nettement distincte des précédentes, pour la croyance et pour le culte.

Dans ces six siècles postéphésiens, la croyance à rimmaculéc conception de la mère de Dieu ne se présente pas encore en Occident sous une forme explicite, généralement parlant ; des lueurs apparaissent, mais éparses et mêlées d’ombres. Certains témoignages font pressentir les difficultés qui surgiront bientôt ; d’autres semblent déjà une anticipation de la croyance formelle, mais pour une raison ou pour une autre, surtout parce quc la question n’est pas encore posée expressément, aucun n’a cette clarté qui force la conviction. Il reste pourtant incontestable qu’un mouvement progressif se dessine ; mouvement comparable à celui qui. pendant les mêmes siècles, se produit en Orient, bien qu’en ce dernier pays il ait été plus brillant et plus rapide : la bienheureuse Vierfe est consiilérée ou proclamée sainte en mère de Diev, d’une façon et dans une mesure proportionnée à son rôle et à sa dignité. L’application va tout d’abord à Marie devenant effectivement mère du Verbe incarné au jour de l’annonciation ; mais, par voie de conséquence, il y a réaction sur son existence antérieure ou sa préparation préalable : c’est en future mère de Dieu qu’elle vit, qu’elle naît, qu’elle est formée. Remontant ainsi du plein midi à la première aurore, les latins comme les orientaux arrivent à saluer en Marie, dès le début, le temple que le Verbe divin s’est choisi de toute éternité et qu’il s’est construit lui-même, ayant dès lors en vue ses destinées futures. C’est par là surtout qu’ils anticipent, à leur manière le dogme de l’inmiaculée conception ; par là que cette période posléphésienne, prise dans son ensemlile, peut se dénonuner l’aube de la croyance formelle.

Vers la fin de cette période, à partir du ix « ou du X'e siècle, la fêle de la Concejjfion de Marie apparaît, mais dans des cercles restreints, sans relation apparente avec le magistère ecclésiastique et dans des conditions qui ne permettent pas d’affirmer une connexion certaine entre la célébration de la fête et la croyance au privilège mariai. Là encore il y a, cependant, lueur d’aube naissante, car la fête n’a pas pu exister sans que cette question se posât dans les esprits : Pourquoi, à quel litre vénérons-nous la conception de la mère de Dieu ? Quoiqu’il en soit de la réponse donnée à cette époque, cpie cette réponse ait été unanime ou qu’elle ail été, connue plus tard, discordante, le problème était posé et demandait une solution. Que telle ait été la logique des choses, toute la suite de cette étude le montrera.

Passaglia, op. cit., part. III. sccl. vii, c. i, a. 2 ; Edni. Bishop, Origins o/ llie fenst o/ the ConcefUion o/ llte blessed V’irf/in Marii, dans The doivnside review, 1886, t. v, p. 107 ; réimpression en liré-ù-part, avec note préliminaire, Londres, 1904 ; II. Thurston, The F.nglish feast o/ oiir LAidy’x Conception, dans The Monlh, Londres, 1891, t. Lxxiii, p. 4.S7 ; The Irish oriqin.i o/ oiir I.ady’s Conception feasi, ibid., 1904, t. ciii. p. 449 ; cf. lirviic du clergé françai.^, Paris, 1904, t. XXXIV, p. 2’).'> : F. O. Holwcck. Fasii Mwiani. FribourK-on-Hris ! <au, ]892, p.28.3sq. ; X.-M.LrBachelct, op.ciL. II. L’Occident, c. i, S 2 ; c. ii, § 1 ; A. Noyon, Les origines de In fêle de la Conception en Occident (X’, SI’et XII’siècles), dans les fitiides, Paris, 1904, t. c, p. 763 ; M. Jugie, Origines de ta ffte de l’inimnciiléc conception en Occident, dans la Heviir aiigiislinicnne, Paris, 1908, t. xiii, p. 529 ; E. Vacandard.

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7>c".s oriyines de hi jêle et (in dogme de l’immaculée conception, dans la Iteniic du clergé Irançais, liMO, t. i.xii, p. 15 sq. ; K. A. H. Kellner. lieorlologie, S 28, Friljourg-eii-Hrisgau, 1911, p. 186 sq.