Dictionnaire de théologie catholique/GLOIRE HUMAINE

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 6.2 : GÉORGIE - HIZLERp. 95-98).

III. GLOIRE HUMAINE. La gloire purement humaine est celle qui se conçoit par rapport à une connaissance purement humaine de notre excellence. Objectivement, elle est constituée par cette excellence elle-même, abstraction faite de la connaissance dont elle peut être ou devenir l’objet, et de l’honneur qui résulte de cette connaissance. Elle existe soit dans l’ordre naturel, soit dans l’ordre surnaturel. C’est ainsi que la femme est la gloire de l’homme, I Cor., xi, 7 ; l’âme humaine, la partie la meilleure de notre être, est nommée dans l’Écriture kâbôd, gloire, de kâbâd, être illustre, Gen., xlix, 16 ; Ps. vii, 6 ; xxix, 13 ; evi, 9 ; evi, 2 ; les nobles d’une nation sont appelés sa gloire. Is., v, 13 ; vin, 7 ; x, 6 ; xvi, 14 ; xvii, 3, 4 ; Mien., i, 15 ; Judith, xv, 10. Voir Gloire, dans le Dictionnaire de la Bible de M. Vigouroux, t. iii, col. 251. Formellement, la gloire humaine est constituée par l’honneur humain qui rejaillit sur nous de la connaissance qu’on peut avoir de notre excellence. Selon l’acception stricte du mot « gloire » , cette connaissance doit être le fait du grand nombre, la gloire ne se concevant facilement qu’en rapport avec une louange rejaillissant sur nous par l’estime que la multitude fait de nos qualités. Mais, dans un sens plus large, la gloire s’entend encore de l’honneur qui rejaillit sur nous à la suite de la connaissance que peu de personnes ou même une seule personne ont de notre excellence ; bien plus, la connaissance personnelle que nous pouvons avoir de notre valeur peut suffire à nous constituer, à nous-mêmes, une certaine gloire. Cf. II Cor., i, 12 ; S. Thomos, Sum. theol., IIa-IIæ, q. cxxxii, a. 1 ; Demalo, q. ix, a. 1. Cette gloire humaine peut être :
1° légitime et bonne ;
2° désordonnée. En ce dernier cas, on l’appelle la vaine gloire.

I. Gloire humaine légitime.

1° Sa possibilité morale. —

Il semble difficile que la recherche de la gloire humaine puisse être, moralement parlant, légitime : « La louange, l’honneur et la gloire ne se donnent pas aux hommes pour une simple vertu, mays pour une vertu excellente. Car par la louange nous voulons persuader aux autres d’estimer l’excellence de quelques-uns ; par l’honneur, nous protestons que nous l’estimons nous-mesmes ; et la gloire n’est autre chose, à mon advis, qu’un certain esclat de réputation qui rejaillit de l’assemblage de plusieurs louanges et honneurs : si que les honneurs et louanges sont comme des pierres précieuses, de l’amas desquels reùscit la gloire comme un esmail. Or, l’humilité ne pouvant souffrir que nous ayons aucune opinion d’exceller ou devoir estre préférés aux autres, ne peut aussi permettre que nous recherchions la louange, l’honneur, ni la gloire, qui sont deues à la seule excellence. .. » S. François de Sales, Introduction à la vie dévote, part. III, c. vu. Il y a cependant des limites raisonnables, dans lesquelles la recherche de l’estime des autres ou de sa propre estime — ce qu’avec saint Thomas, dans un sens large, nous avons appelé gloire humaine — est légitime au point de vue de la morale. En effet, il est légitime et naturel à l’homme de rechercher la connaissance de la vérité : l’homme peut donc légitimement connaître et approuver, faire connaître et faire approuver ce qui est bien en lui. S. Thomas, loc. cit. Mais pour rester dans les limites de la vérité, nous ne devons en premier lieu attacher à la gloire humaine qu’une valeur humaine, c’est-à-dire une valeur incertaine, non définitive, et infiniment inférieure à celle que comporte, par exemple, la gloire promise par Dieu aux élus : Quærere gloriam ab homine, ut homine, non est secundum se pravum, ut ctllala ratio (celle apportée par saint Thomas au corps de l’article) probal : sed, si quseratur gloria humana ultra humanos limites, vel quia quæritur ab homine lanquam a certo, vel magno testimonio, aul etiam ullima teslimonio, tune vitium est inanis gloriæ. Cajétan, Com. in jjum jj æ g Thomæ, loc. eit. En second lieu, il faut que cette gloire humaine ne s’oppose pas à notre fin dernière et puisse être, au moins médiatement, rapportée à Dieu. C’est le cas de tous les biens particuliers, considérés comme mobiles de nos actions. Voir Fin dernière, t. v, col. 2491-2492. Or, lorsqu’on recherche la gloire humaine dans les limites convenables, même si l’on ne pense pas explicitement à rapporter cette gloire à Dieu, l’acte posé est cependant bon moralement, parce que la gloire humaine recherchée légitimement en faveur d’une vertu qui existe réellement en nous, se rapporte médiatement à Dieu, fin de la vertu. Cajétan, loc. cit., à la fin. A plus forte raison, sera bonne, et même méritoire, la recherche de la gloire humaine qui se propose immédiatement pour fin, ou la gloire de Dieu, ou l’utilité du prochain, ou notre utilité personnelle : 1. la gloire de Dieu, cf. Matth., v. 16 ; I Pet., ii, 12, en provoquant les autres à honorer Dieu par l’exemple que nous leur donnerons, en leur faisant connaître notre vertu personnelle et en les entraînant à nous imiter ; c’est ainsi que saint Paul agit vis-à-vis des Romains, Rom., xv, 17 sq. ; 2. l’utilité du prochain. Cf. Rom., xii, 17 ; xv, 2 ; I Cor., x, 32-33 ; II Cor., xii, 1 sq. Saint François de Sales, continuant sa pensée, s’exprime ainsi : « elle (l’humilité) consent bien neantmoins à l’advertissement du Sage, qui nous admoneste d’avoir soin de nostre renommée (Eccl., xli, 15), parce que la bonne renommée est une estime, non d’aucune excellence, mais seulement d’une simple et commune preud’homie et intégrité de vie, laquelle l’humilité n’enpesche pas que nous ne reconnaissions en nous-mesmes, ni par conséquent que nous en desirions la réputation. Il est vraij que l’humilité mespriseroil la renommée, si la charité n’en avait besoin ; mays, par ce qu’elle est l’un des fondemens de la société humaine, et que sans elle nous sommes non seulement inutiles, mays dommageables au public à cause du scandale qu’il en reçoit, la charité requiert et l’humilité a g grée que nous la desirions et conservions précieusement. » Loc. cit. Envisagée sous cet aspect, la gloire humaine ou plutôt l’estime des autres est un lien de concorde et de charité, et « le mépris formel et complet de l’estime des autres est le plus souvent une marque d’orgueil, une manifestation de mépris pour ceux qui nous entourent, et il nous est inspiré par le sentiment exagéré et déréglé de notre supériorité. » De Smet, Noire vie surnaturelle, t. il, p. 325-326. 3. Notre utilité personnelle, dum considérât (homo), dit saint Thomas, bona sua ab aliis laudari, de his gratias agit, et firmius in cis persislit, De malo, loc. cit. ; ainsi, pour affermir les premiers chrétiens, saint Paul les encourage en publiant le bien qu’ils font, ou en les proclamant la gloire de l’Église. Rom., ii, 10 ; xv, 14, 29 ; xvi, 2-12 ; I Cor., xvi, 10 ; II Cor., i, 14 ; viii, 2sq. ; IThes., ii, 20, etc. Saint François de Sales, loc. cit., exprime cette fin de la gloire humaine d’une façon charmante : « Outre cela, comme les feuilles des arbres, qui d’ellesmesmes ne sont pas beaucoup prisables, servent neantmoins de beaucoup, non seulement pour les

embellir, mais aussi pour conserver les fruitz tandis qu’ilz sont encor tendres : ainsy la bonne renommée, qui de soy-mesme n’est pas une chose fort désirable, ne laisse pas d’estre très-utile, non seulement pour l’ornement de nostre vie, mays aussi pour la conservation de nos vertus, et principalement des verluz encor tendres et joibles. L’obligation de maintenir ncslre réputation, et d’estre tclz que l’on nous estime, force un courage généreux d’une puissante et douce violence. »

Aussi les maîtres de la vie spirituelle recommandent-ils de travailler à conserver la juste estime des autres et à écarter ce qui pourrait injustement y faire tort, comme seraient des accusations fausses, des reproches mal fondés qui pourraient détruire ou diminuer cette estime. Mais cette recherche de l’estime d’autrui doit s’allier toujours au plus grand calme et à la plus grande modération ; dépasser les limites convenables en cette matière, manifester des sentiments de colère ou d’indignation serait témoigner qu’on accorde à la gloire humaine plus qu’elle ne mérite et tomber dans la faute de la vaine gloire. N’oublions pas, comme dit encore saint François de Sales, que « la réputation n’est que comme une enseigne qui fait connoistre où la vertu loge : la vertu doit donq être en tout et partout préférée… ; il faut estre jaloux, mays non pas idolâtre, de nostre renommée ; et comme il ne faut offenser l’œil des bons, aussi ne faut-il pas vouloir arracher celuy des malins. » Loc. cit. L’humilité véritable est la condition même de la magnanimité et de la modestie qui doivent gouverner notre désir instinctif de la gloire. Cf. S. Thomas, Sum. iheol, IP IP, q. cxxix, a. 1, 2 ; Hugueny, Humilité, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, t. il, col. 526. On connaît, sur ce point, le texte de saint Grégoire le Grand, conciliant Matth., vi, 1, avec v, 16 : Sic autem sit opus in publico, quatenus intentio maneat in occullo ut et de bono opere proximis pricbeamus exemplum, et tamen per inlentionem qua Dco soli placere quærimus, semper optemus secretum. Homil. in evangel., 1. I, homil. xi, n. 1, P. L., t. lxxvi, col. 1115. En résumé : « L’amour des louanges n’est pas en lui-même un sentiment condamnable ; il est même un acte vertueux, lorsqu’il réunit les quatre conditions suivantes : 1. que ce qui donne lieu à la louange soit une qualité vraiment estimable, constitue une véritable perfection pour l’être intelligent ; 2. que cette qualité se trouve réellement en nous ; 3. qu’il n’y ait pas dans la louange un caractère d’exagération qui fait qu’elle manque de sincérité ou de justesse ; 4. que le témoignage d’estime soit rapporté par celui qui le reçoit à une fin digne d’un être intelligent éclairé des lumières de la foi, fin qui doit être en dernière analyse la gloire de Dieu, le bien du prochain ou sa propre utilité. » De Smet, op. cit., p. 333.

Sa possibilité psychologique.

Difficulté. —

Pour obtenir l’estime des autres, on veut paraître parfait. Comment allier psychologiquement ce désir de paraître parfait à l’extérieur avec la réalité de nos imperfections intérieures ? Ne sera-ce pas l’hypocrisie ? Et lorsque nous nous montrerons, dans les moments de surprise et d’oubli, tels que nous sommes réellement, c’est-à-dire remplis de faiblesses et peut-être de défauts, n’allons-nous pas scandaliser davantage et détruire notre prestige ?

Réponse. — Si l’on voulait se contenter de parai tic parfait, sans l’être réellement, la difficulté n’aurait pas, au point de vue psychologique, d’autre solution que dans l’hypocrisie. Il faut supposer que l’on désire mériter l’estime d’autrui plus encore que l’obtenir. « Dès lors, la préoccupation de nous montrer parfaits sera d’un puissant secours pour nous prémunir contre les mouvements irréfléchis des passions humaines. Il nous arrive trop souvent de nous faire illusion sur le désordre de certains sentiments et de certains actes et d’être tentés ainsi de les justifier à nos propres yeux et de nous encourager à nous y entretenir. Il est beaucoup plus facile de comprendre l’impression que ces sentiments et ces actes doivent faire sur les autres, de constater qu’ils doivent leur apparaître comme des manifestations d’idées et de sentiments tout à fait naturels, dans le mauvais sens du mot, c’est-à-dire opposés aux idées et aux sentiments surnaturels qui doivent être la règle de notre conduite. » De Smet, op. cit., p. 330-331. Lorsque nos défauts apparaîtront, l’estime qu’on aura de nous diminuera peut-être ; nous ne devons pas nous tourmenter de cette diminution, autrement que pour réparer le mal que nous auront fait en nous abandonnant au mal. Nous porterons ainsi le poids et la responsabilité de notre faute, sans que pour cela il y ait le moindre sentiment d’hypocrisie.

Instance. — Mais enfin, n’affichons-nous pas des perfections que nous n’avons pas réellement ?

Réponse. — Non, ce n’est pas exact ; car nous possédons toujours, au moins dans l’intelligence et la volonté, ces perfections dont on constate, à l’extérieur, la manifestation. Et cela suffit pour que notre vertu soit réelle. Qu’il y ait, au dedans de nous, des luttes et des révoltes contre les idées élevées et les nobles tendances que nous manifestons aux autres, c’est possible ; mais cela ne détruit en rien notre vertu et « personne ne dira sérieusement que la sincérité que nous nous devons les uns aux autres exige que nous manifestions à tous les tentations et les résistances intérieures qui rendent l’exercice de la vertu plus ou moins difficile et nous font même tomber parfois dans certaines faiblesses intérieures ou extérieures. » De Smet, op. cit., p. 331, note. On peut sans doute nous juger trop favorablement, en nous estimant exempt de ces révoltes et de ces luttes. Mais de ce jugement logiquement défectueux ne résulte ni de notre côté l’hypocrisie, ni, de la part de ceux qui nous voient, une louange fausse. Il nous suffira d’estimer cette louange à sa vraie valeur, qui est tout humaine, c’est-à-dire essentiellement incertaine et relative.

II. Vaine gloire.

1° Définition et nature. — La vaine gloire est la gloire purement humaine recherchée d’une façon désordonnée. Or le désordre peut s’introduire ici de trois façons : la vanité de la gloire peut résider :
1. dans une erreur d’appréciation touchant le bien qui en est le fondement, lorsqu’il s’agit, par exemple, d’un bien périssable comme les biens de la fortune, d’une qualité morale qui n’existe qu’en apparence et dont l’hypocrisie contredit le vrai bien ;
2. dans l’estime exagérée que l’on fait de la louange des hommes, lesquels ne méritent pas un crédit considérable ;
3. dans la complaisance de notre amour-propre excité par les louanges d’autrui, et qui retient ces louanges pour lui-même, sans les ordonner à Dieu, au bien du prochain ou à notre utilité personnelle. S. Thomas, Sum. theol., IP IVe, q. cxxxii, a. 1 ; cf. De malo, q. ix, a. 1. C’est ce que saint François de Sales résume ainsi : « Nous appelons vaine la gloire qu’on se donne ou pour ce qui n’est pas en nous, ou pour ce qui est en nous, mays pas à nous, ou pour ce qui est en nous et à nous, mais qui ne mérite pas qu’on s’en glorifie. » Op. cit., part. III, c. iv. Les autres sortes de désordres, par exemple, la recherche d’une gloire personnelle au détriment de celle d’autrui ; le trop grand désir d’être glorifié, se ramènent à la complaisance de l’amour-propre qui refuse d’ordonner la gloire humaine à une fin digne de notre qualité d’enfants de Dieu et de frères en Jésus-Christ. Cf. Cajétan, loc. cit.

La vaine gloire s’oppose formellement à la vertu de magnanimité, bien que matériellement elle puisse se produire à l’occasion d’actes opposés à d’autres vertus, par exemple, la cupidité, l’imprudence, etc., cf. S. Thomas, Sum. theol., loc. cit., a. 2, ad 1°", parce que la magnanimité est cette partie de la vertu de force qui règle l’usage des honneurs et de la gloire. Ibid., q. cxxix, a. 1, 2 ; In IV Sent., 1. II, dist. XLII, q. ii, a. 4.

Culpabilité.

Que la vaine gloire soit une faute,

la sainte Écriture l’atteste ; cf. Is., xl, 6-8 ; Matth., vi, 1 ; Joa., v, 41 ; I Cor., iv, 7 ; Gal., iv, 26 ; Phil., ii, 3, etc., et les Pères de l’Église ne manquent pas d’en détourner les fidèles. Voir à la bibliographie. Les théologiens considèrent qu’en soi la vaine gloire n’est qu’une faute vénielle, parce qu’elle ne s’oppose pas à la charité envers le prochain, ni à l’amour de Dieu. Cependant saint Thomas admet qu’elle peut devenir péché mortel s’il s’agit de tirer gloire d’une chose offensant gravement Dieu, ou de préférer à Dieu, par vaine gloire, un bien périssable et l’estime des hommes, ou encore de faire de la vaine gloire sa fin dernière. Loc. cit., a. 3. Les théologiens trouvent ces sortes de péchés indiqués dans Ezech., xxviii, 2 ; I Cor., iv, 7. Saint Alphonse de Liguori dit de la vaine gloire comme de l’ambition qu’elle devient per accidens péché mortel, vel ratione materiæ ex qua, vel ratione damni quod proximo injertur. Theologia moralis, édit. Gaudé, Rome, 1907, t. iii, 1. V, c. iii, n. 66. Lcisque la vaine gloire porte sur une chose offensant gravement Dieu, certains auteurs pensent qu’on doit expliquer en confession de quelles choses mauvaises on a tiré vaine gloire, parce que la vaine gloire prend la gravité spécifique de ces choses ; ainsi l’enseignent Sanchez, Opus morale in præcepta dccalogi, Parme, 1723, 1. I, c. ni, n. 13 ; L. Lopez, Inslruclorium conscientiæ, Salamanque, 1592, cité par Busenbaum, mais à tort, car, part. I, c. v, q. ni, il tient l’opinion communément enseignée ; la spécification des choses mauvaises dont on a tiré vaine gloire n’est requise que quando quis gloriam et laudem quærit de peccalis morlalibus CUM COMPLA-CENTIA earum. C’est l’opinion de saint Alphonse de Liguori, loc. cit. ; de Navarrus, Manuole confessariorum, Venise, 1616, prælud. iv, n. 4 ; de Castropalao, Opus morale, Venise, 1721, tr. II, disp. II, p. ii, n. 5 ; de Diana, Diana : concorduti, Venise, 1698, t. viii, tr. X, resol. vi, et même, quoi qu’en dise encore Busenbaum, Mcdulln theologia : moralis. Tournai, 1848, 1. V, c. m. dub. i, n. 1. de Rodriguez, Summa casuum conscientiæ, Venise, 1628, part. I, c. lui, n. 14. Cf. de Lugo, Disputationcs scholaslicæ et morales, Lyon, 1633-1654, De pœnileniia, disp. XXVI, n. 267. Il suffirait donc, s’il n’y a pas complaisance aux péchés, de dire : « J’ai péché tant de fois en cherchant louange et gloire de péchés mortels, » sans spécifier de quels péchés il s’agit, péchés que peut-être on n’a pas commis, ou qu’on a déjà confessés, ou qu’on confessera plus loin. Navarrus, loc. cit.

Les moralistes, appliquant les principes concernant la gravité per accidens de la vaine gloire, en déduisent qu’il y a péché mortel de vaine gloire : 1. chaque fois qu’entendant louer quelqu’un ou soi-même à cause d’une chose gravement coupable, on accueille, on approuve cette louange, Sanchez, loc. cit. ; Baldelli, Disputationcs ex morali theologia, Lyon, 1637-1661, 1. III, disp. V, n. 12 ; 2. quand on blâme quelqu’un de n’avoir pas commis un acte gravement coupable, vengeance, fornication ; c’est le péché grave de jactance joint à l’approbation du mal, Baldelli, loc. cit., n. Il ; 3. quand, introduisant par son influence des modes nouvelles, on impose aux autres la nécessité morale de se conformer à des usages dispendieux qui les ruineront ou les empêcheront de payer leurs dettes, Baldelli, loc. cit. n. 18 ; 4, quand on simule la sainteté avec la volonté de ne point l’acquérir, Baldelli, loc. cit., n. 19 ; 5. quand on simule le mal, à cause du scandale grave qui en résulte ; les saints, pour s’humilier, n’ont jamais fait que des actes en soi indifférents, et n’ont jamais positivement provoqué des jugements en leur défaveur. S. Alphonse, édit. Gaudé, loc. cit., n. 67.

Mais puisqu’en soi la vaine gloire n’est qu’un péché véniel — la coquetterie, par exemple, en est une manifestation, Baldelli, loc. cit., n. 23 — une conclusion s’impose, c’est qu’un motif de vaine gloire ne vicie pas substantiellement, dans les cas ordinaires, la moralité d’une bonne action. En effet, la vaine gloire ne s’opposant pas à la vertu de charité, laisse subsister l’influence d’autres motifs louables. Lehmkuhl. Theologia moralis, t. i, n. 34, donne plusieurs exemples de ce principe touchant les pratiques de dévotion et la réception des sacrements. Si le motif de vaine gloire ne vient qu’en second lieu et laisse la place principale à un motif louable, la valeur de l’acte posé en est d’autant moins diminuée. Lehmkuhl, loc. cit. Si c’est l’inverse, et que prédomine le motif de vaine gloire, pourvu que cependant ce motif ne soit pas exclusif, l’acte posé ne sera pas encore vicié substantiellement, du moins selon l’avis d’auteurs sérieux, tels que Silvestre Prierias, Summa, Venise, 1612, au mot Varia gloria ; Navarrus, op. cit., c. xxiii, n. 13.

Péchés dérivés.

La recherche de la vaine gloire,

étant une manifestation de l’orgueil, doit être considérée, au même titre que l’orgueil, comme un vice capital. S. Thomas, loc. cil., a. 4. Certains auteurs distinguent même la vaine gloire de l’orgueil et comptent ainsi huit vices capitaux. Cassien, Collaliones, V, c. ii, P. 4., t. xlix, col. 611 ; S. Jean Damascène, De oclo passionibus, n. 1, P. G., t. xcv, col. 80. Voici comment le docteur angélique expose tous les dérivés de la vaine gloire, a. 5 : « La fin de la vaine gloire est de montrer sa propre excellence ; ce que l’homme peut faire de deux façons : d’abord, d’une manière directe, en se vantant dans ses paroles, comme fait la jactance. Si ce sont des choses qui provoquent l’étonnement, on l’appelle présomption des nouveautés, ce que les hommes admirent beaucoup d’ordinaire ; si ce sont des choses fausses, c’est l’hypocrisie. Il y a encore une autre manière de manifester sa supériorité, mais indirectement, en ne voulant pas paraître inférieur aux autres. Cela peut avoir lieu de quatre façons : 1. quant à l’intelligence, en refusant d’abandonner son sentiment pour se rendre à un avis meilleur, et c’est ce que l’on appelle Y opiniâtreté ; 2. quant à la volonté, en ne voulant pas céder pour faire la paix, et c’est ce qu’on appelle la discorde ; 3. dans les paroles, en se disputant avec bruit, et c’est ce qu’on appellela contention ; 4. dans ses actions, en refusant d’exécuter l’ordre d’un supérieur, et c’est ce qu’on appelle la désobéissance. » Cf. S. Alphonse, loc. cit. Saint Thomas emprunte sa nomenclature à saint Grégoire le Grand, Moral., 1. XXXI, c. xlv, n. 88. P. L., t. lxxvi, col. 621.

S. Thomas, Sum. IheoL, II* » II ; P, q. cxxxii ; De mdlo, q. i ; Cajétan, Comment, sur la q. cxxxii de la II Il II* ; S. Alphonse de Liguori, Theologia moralis, édit. Gaudé, Rome, 1907, t. iii, 1. V, c. ni, dub. i, et les moralistes cités au cours de l’article ; Billuart, Cursus théologies, Paris, 1878, t. viii, diss. II, a. 3, § 3 ; S. François de Sales, Introductiotl à la vie dévote, part. IIP, c. iii, vu ; Imitation de Jésus-Christ, 1. I, c. vu ; 1. III, c. xl ; De Smet, Notre vie spirituelle, Bruxelles, 1911, t. ii, p. 324-335 ; les auteurs spirituels, à la question de l’humilité.

Chez les Pères de l’Église, sur la vraie gloire et la vaine gloire : Clément d’Alexandrie, Pwd., 1. I, c. vi ; Strom., I, c. xi, P. G., t. viii, col. 293, 748 ; Origène, De oralione, n. 19 ; Conl. Cehum, 1. VII, n. 24, P. G., t. xi, col. 476 sq., 1456 sq. ; In Jeremiam, homil. xi, n. 4, 7, 8, P. G., t. xiii,

col. 372 sq., 388 sq. ; In Episl. ad Romanos, 1. II, n. 5, P. 67., t. xiv, col. 879 ; S. Basile, In Hexæmeron, homil. v, n. 2. P. G., t. xxix, col. 96-100 ; In ps. l.Xl, n. 4, col. 476 sq. ; Epist, 1. I, epist. xlii, n. 4, t. XXXII, col. 354 ; cf. Homil., xx. De humilitale.t. xxxi, col. 525 ; Constitutiones monastiese, c. x, col. 1372 ; c. xvi, col. 1378 ; S. Grégoire de Nazianze, Oral., ii, apologeliea, n. 51, P. G., t. xxxv, col. 461 ; Oral., xix, theologica, n. 4 sq., col. 1041 ; S. Grégoire de Nysse, Oratio de morluis, P. G., t. xlvi, col. 497. Mais, parmi les Pères grecs, c’est surtout saint Jean Chrysostome quî a parlé le plus et le mieux de la vraie et de la vaine gloire. Entre mille passages, on lira avec huit les suivants : Homil. in kalendas, P. G., t. xlvii, col. 953 sq. ; Adversus oppugnantes vitee monastieiv, 1. II, n. 5, 6, col. 337 sq. ; Ad Theodorum lapsum, 1. II, n. 3, col. 3Il sq. ; De compunctione, 1. I, n. 4, col. 399, 400 ; Ad Stagirium a dœmone vc.vatum, I. I, n. 9, col. 445 sq. ; Ad viduam juniorcm, n. 5, 6, col. 605608 ; De sacerdolio, 1. III, n. 9 ; cꝟ. 1. VI, n. 12, col. 646 sq., 688 ; De Anna, serm. iv, n. 3, t. liv, col. 663-664 ; In Gen., homil. v, n. 5, 6 ; homil. xxii, n. 7, col. 53, 54 ; 195 ; Expositio in ps. Y, n. 6, t. lv, col. 69 : in ps. XLVIII, n. 8, col. 234 ; cf. col. 510 ; in ps. XLIX, n. 11, col. 240 : in ps. VIII, n. 7, col. 116 sq. ; in ps. CXX, col. 377-379 ; In Matthœum, homil. xix, t. lvii-lviii, col. 273 sq. ; homil. lviii (lix), n. 4, col. 570 sq. ; homil. iv, col. 51 ; homil. lxv (lxvi), n. 4, col. 621 sq. ; homil. XI, n. 8, col. 201 ; homil. lxxii (lxxiii), col. 667 sq. ; In Joa., homil. ni (n), n. 5, t. lix, col. 43 sq. ; homil. xxviii (xxvii), n. 3, col. 165 ; homil. xxix (xxviii), n. 3, col. 170 sq. ; homil. xxxviii (xxxvii), n. 5, col. 218 sq. ; In Acta apostolorum, homil. xxviii, n. 3, t. lx, col. 212 ; In Epist. ad Rom., homil. xvii, n. 3, col. 567 ; In Epist. I ad Cor., homil. xxxv, n. 4-6, t. lxi, col. 300-306 ; cf. In Epis. II ad Cor., homil. xxix, n. 4, col. 601 sq. ; In Epist. I ad Tim., homil. ii, n. 2, 3, t. lxii, col. 511-516 ; In Epist. ad Phil., homil. v, col. 213 sq. ; cf. homil. xiv, col. 281 ; In Epist. ad Titum, homil. ii, n. 3, 4, col. 673 sq. ; Tertullien, De cultu fœminarum, 1. II, c. iii, P. L., t. i, col. 1319 ; Ad martyres, c. iv, v, col. 625-626 ; S. Cyprien, Epist., xxx, P. L., t. iv, col. 303-307 : il s’agit d’une exhortation aux martyrs de placer toute leur gloire en Dieu seul ; S. Jérôme, In Epist. ad Gal., 1. III, c. vi, n. 26, P. L., t. xxvi, col. 423 sq. ; Epist., xxii, n. 27 ; cviii, n. 3, t. xxii, col. 412, 879 ; S. Augustin, dans ses polémiques antipélagiennes, a souvent parlé, en passant, de la vaine gloire ; voici cependant quelques endroits où il en traite plus directement : De civitate Dei, I. V, c. xii, xiii, xix, xx, P. L., t. xli, col. 154, 158, 165-167 ; Serm., cxxix, n. 2, t. xxxviii, col. 721 ; Enarr. in ps. VII, n. 4, t. xxxvi, col. 99-100 ; in ps. XXV, n. 12, col. 194 ; in ps. CXUX, n. 11, t. xxxvii, col. 1955 ; Epist., clxxxviii, surtout c. ii, t. xxxiii, col. 848 sq. ; De correptione et gratia, c. xii, n. 37, 38, t. xliv, col. 938-939 ; Contra duas epistolas pelagianorum, 1. IV, c. xix, ibid., col. 626-628 ; De dono perseverantiæ, c. xxiv, t. xlv, col. 1033-1034 ; In Joannis evangelium, tr. LVIII, n. 3, t. xxxv, col. 1795 ; S. Grégoire le Grand, Moral., 1. VI, c. vi, n. 3 ; 1. X, c. xxii-xxvii ; 1. XIV, c. lui, n. 64, P. L., t. lxxv, col. 753, 945, 1073 ; 1. XVII, c. vii, viii, t. lxxvi, col. 945 ; S. Bernard, De diligendo Deo, c. ii, P. L., t. clxxxii. col. 975 sq. ; De conversione ad clericos, c. viii, col. 811 ; In dedicatione Ecclesin ?, serm. IV, t. clxxxiii, col. 526 sq. ; Scrmones de diversis, serm. vii, col. 558 sq.

A. Michel.

GNOSE, gnosis, est en elle-même la connaissance explicite des vérités révélées, la science de la foi. Le mot, avec l’idée qui s’y rattache, se trouve dans l’Évangile, Luc, xi, 52, et dans les Épîtres des apôtres, I Cor., viii, 7 ; xiii, 8, etc., pour désigner, à côté de la foi qui adhère à la révélation sur l’autorité du témoignage divin, l’étude approfondie des dogmes à l’aide des lumières de l’Écriture et de la tradition. La gnose est donc le naturel et légitime exercice de la raison chrétienne : c’est un besoin pressant, pour quiconque pense, de chercher à éclaircir les vérités révélées, à pénétrer les motifs et l’objet de la foi. Nombre des recrues les plus anciennes du christianisme, les Aristide, les Justin, les Tatien, les Pantène, les Clément d’Alexandrie, etc., ne pouvaient qu’exciter et développer cet impérieux besoin. Convertis à la foi, ils ne laissaient pas de rester des philosophes jusqu’à en porter d’ordinaire le manteau ; ils continuaient d’allier avec la foi l’aspiration à la science,