Dictionnaire de théologie catholique/CLÉMENT X, pape

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 3.1 : CLARKE - CONSTANTINOPLEp. 55-57).

11. CLÉMENT X, pape (1670-1676), successeur de Clément IX. Emile Allieri naquit à Rome, le 15 juillet 1590, d’une noble famille dont il était le dernier rejeton mâle ; devenu pape, il assura la continuation de son nom en le transmettant, avec ses armes et sa fortune personnelle, au cardinal Paluzzi el à son neveu Gaspar, qui avait épousé Laure-Catherine Allieri.

Après de bonnes études de droit civil et de droit canon, il lit ses débuts dans la diplomatie, comme auditeur de la nonciature de Pologne, puis fut nonce à Naples et en Pologne ; en 1627, il était évêque de Camerino. Alexandre’|| le lii secrétaire (le la S. C. des Évêques et Réguliers, Clément IX, président de la Chambre apostolique ; un mois avant sa mort.ee dernier pape lui donna la pourpre en lui disant gaiement : « Vous serez notre successeur. »

Le conclave qui suivit la mort de Clément IX fui long et agité, à cause des rivalités des factions de France et d’Espagne. Le duc de Chaulnes, qui avait contribué à l’élection de Clément IX, avait été de nouveau envoyé à Rome par Louis XIV connue ambassadeur extraordinaire auprès du conclave. Il fui moins heureux qu’en 1667, et ne put enlever l’élection d’aucun de ses candidats ; après cinq mois de luîtes, les divers partis réunirent par lassitude leurs suffrages sur le cardinal Allieri. 95 dont le grand âge laissait la porte ouverte à toutes les espérances (29 avril 1670) ; son nom ne figurait même pas dans l’instruction remise par Lionne au duc de Chaulnes. Cf. Hanotaux, Recueil des instructions, t. 1, p. 227 ; Gérin, Louis XIV et le Saint-Siège, t. II, p. 401 sq. CLEMENT X Clément X et son neveu d’adoption, le cardinal Paluzzi Altieri, s’efforcérent d’encourager le commerce et l’industrie dans les Etats pontificaux ; un décret du 15 mars 1671, Bullarium, p. 229, statua que les nobles romains pouvaient, sans déroger, se livrer au commerce de détail. Il éleva à Rome un hospice pour les nouveaux convertis, construisit le palais Altieri, embellit le pont Saint-Ange et la place Saint-Pierre, et secourut avec une grande charité les victimes du tremblement de terre qui éprouva l’Italie en 1675. Son gouvernement ne fut cependant pas populaire, à cause des impôts nouveaux que le cardinal Altieri crut devoir établir. L’un d’eux surtout, un droit de 3 0/0 qui frappait toutes les marchandises entrant à Rome, même à l’adresse des cardinaux ou des ambassadeurs, causa un mécontentement universel ; les ambassadeurs protestèrent avec une telle violence qu’Altieri ne put parvenir à faire observer son décret. Gérin, op. cit., p. 546 sq. D’autres graves démêlés surgirent entre la curie et l’ambassade de France, gérée alors par le duc d’Estrées, et son frère, le cardinal évêque de Laon, protecteur des affaires du royaume. Nominations de cardinaux et de bénéficiers, exemptions des taxes auxquelles la cour de Rome prétendait, droit d’asile réclamé par l’ambassadeur, non seulement dans son palais, mais dans le quartier avoisinant, tout devint prétexte aux plus blessantes entreprises des d’Estrées contre le pape et celui qu’ils appelaient « son neveu postiche » >. Gérin, op. cit.. p. 538-610. En même temps commençait en France cette série de mesures arbitraires. et contraires aux droits de l'Église qui devaient aboutir sous Innocent XI à une rupture ouverte avec la cour de Rome. En août 1670, Clément X dut répondre à l’arrèt d’Agen, dont il a été question précédemment, voir col. 88, par une importante constitution qui règle les rapports entre évêques et réguliers pour la confession et la prédication ; on en trouvera plus bas l’analyse. En 1673, Louis XIV décréta de sa propre autorité la suppression de divers ordres militaires et hospitaliers, et la transformation de ceux de Saint-Lazare et de Notre-Dame du Mont-Carmel, dont le roi prenait la grande maitrise ; il établit la même année à Paris et dans tout le royaume des officiers à charges vénales, dont le ministère était nécessaire pour toutes les expéditions et provisions ecclésiastiques et spirituelles émanées de Rome et d’Avignon » . L'édit allait jusqu'à déclarer « nuls et de nul effet » les décrets pontificaux obtenus par une autre voie. Procès-verbaux du clergé, t. v. p. 262 sq. Cf. Gérin, Louis XIV, p. 197. Un envoyé spécial, l’abbé Cocquelin, vint à Rome essayer d’arracher au pape la ratification de ces mesures ; il devait de plus obtenir la sécularisation d’une foule de petits monastères, l’imposition de la règle de Saint-Maur à toutes les congrégations bénédictines, la faculté pour le roi d’imposer, sur tous les bénéfices à sa nomination, des pensions perpétuelles s'élevant jusqu’au tiers du revenu. Le pape répondit, le 22 avril 1673, par une lettre qui mérite d'être placée à côté des brefs célèbres d’Innocent XI contre la régale ; tout en se montrant disposé à certaines concessions pécuniaires, il refusait absolument de ratifier les décrets portés par le pouvoir civil au mépris de l’autorité apostolique. Gérin, op. cit., p. 497, 498. En 1673 et 1675, toutes les églises du royaume furent soumises, par déclaration royale, au droit de régale qui n’atteignait jusque là que les évéchés fondés par les rois de France ; les archevêques et évêques qui n’avaient pas encore « clos leur régale » devaient accomplir celle formalité dans les six mois, en faisant enregistrer leur serment. 96 Ces ordonnances étaient en contradiction avec un décret du II concile général de Lyon qui, en autorisant la régale dans les évéchés où elle existait, avait détendu de l’introduire dans d’autres. Voir REGALE. Les prédécesseurs de Louis XIV, malgré les prétentions contraires des parlements, avaient respecté cette déiense. Gérin, Recherches historiques sur l’Assemblée de 1682, Paris, 1870, p. 39. Deux prélats, Caulet, évêque de Pamiers, et Pavillon, évêque d’Alet, dont nous avons raconté dans l’article précédent l’obstination janseniste, voir col. 90-91, furent cette fois mieux inspirés ; ils refusérent de préter le serment demandé et de recevoir les bénéficiers pourvus en régale par le roi dans leurs diocèses. Clément X avait été informé de cette allaire ; mais elle ne fut réglée que par ses successeurs. Les efforts faits par le pape pour maintenir ou rétablir la paix entre les princes chrétiens, et les liguer contre les Turcs, qui depuis la prise de Candie menaçaient l’Italie, contrarièrent souvent la politique française. On voit ainsi, en 1672. Clément X s’entremettre pour réconcilier Gènes et la Savoie, et écrire à l'électeur de Cologne pour le détourner de se joindre à la France contre la Hollande. Gérin, Louis XIV et le saintsiège, t. 11, p. 483. En 1675 et 1676, il offre sa médiation pour apaiser la guerre rallumée entre la France et la maison d’Autriche ; pendant que ses ouvertures étaient bien accueillies à Vienne et à Madrid, Louis XIV n’y faisait que des réponses dilatoires, et le pape mourut sans avoir vu la réunion du congrès d’où devait sortir la paix de Nimègue. Gérin, op. cit., p. 626, 642, 643. En même temps, Clément X aidait de ses subsides et de ses encouragements les Polonais qui, sous la conduite du grand maréchal Jean Sobieski, remportèrent sur les Turcs la victoire de Choczim (10 novembre 1673). L’incapable roi de Pologne, Michel Korybuth, étant mort ce même jour, Jean Sobieski fut élu pour lui succéder, à la grande joie du pape (21 mai 1674). Malheureusement, sous l’influence de l’ambassadeur de France en Pologne, Forbin-Janson, évêque de Marseille, le nouveau roi entama presque aussitôt avec les Turcs des négociations qui devaient aboutir à la funeste paix de Zurawno (1676). Gérin, op. cit., p. 521 sq. En 1673, le grand duc de Moscovie, Jean Basilitz, envoya une ambassade au pape pour lui deinander la confirmation de son titre de tsar ; l’attachement du grand duc au schisme empêcha le succès de sa requête. Malgré son grand åge, Clément X avait conservé ses forces et sa lucidité d’intelligence, et il n’est pas exact qu’il ait abdiqué son pouvoir entre les mains du cardinal Altieri, comme le lui reprochait l’ambassadeur de France. Cf. Mémoire des intrigues, p. 15 sq. ; Gérin, op. cit., p. 435 sq. Au commencement de juillet 1676, il fut pris d’hydropisie ; le 22 juillet, il reçut l’extrêmeonction, sans que le cardinal d’Estrées, qui lui devait la pourpre, eut voulu paraitre à la cérémonie ; il mourut. le même jour. On doit à Clément X la canonisation, déjà préparée par Clément IX. de saint Pierre d’Alcantara et de sainte Madeleine de Pazzi (Il inai 1670), Bullarium, t. XVIII, p. 1, 11 ; celles de saint Gaëtan de Thienne et de saint François de Borgia (Il juin et 3 juillet 1671), ibid., p. 233, 236 : de sainte Rose de Lima et de saint Louis Bertrand (12 avril 1671), ibid., p. 187, 215 ; de saint Philippe Beniti ( juillet 1672). Ibid., p. 314. Il a béatifié Pie V (27 avril 1672), ibid., p. 301 ; Jean de la Croix et François Solano (25 janvier 1675), ibid., p. 526 ; les martyrs de Gorcum (14 novembre 1675). Ibid., p. 600. Il a créé le siége épiscopal de Québec en faveur de Mar de Laval (1675). Les querelles du jansénisme semblaient assoupies par la paix de Clément IX ; le seul acte important de Clement X contre la secte est son approbation du décret de l’Index condamnant l'écrit d’Adam Widenfelt, Avertïssemens salutaires de la Bienheureuse Vierge à ses dévots indiscrets, qui avait excite d’ardentes polémiques (19 juin 1674). Cf. Ilurter, Nomenclator, t. ii, col. 53. Le pape se refusa à rapporter le formulaire d’Alexandre VII, malgré les instances de Louis XIV. Gérin, op. cit., t. il, p. 412.

Le 21 juin 1670 fiut publiée, comme il a été dit col. 95, la célèbre constitution Superna magni Palrisfamilias, Bullarium, t. xviii, p. 55 sq., qui règle les privilèges des réguliers par rapport à la prédication et à la confession. Après avoir rappelé les décrets du concile de Trente sur la matière, le pape, pour apaiser des controverses récemment soulevées, donne les explications et décisions suivantes :

Pour prêcher aux fidèles dans leurs églises propres, les réguliers doivent avoir l’approbation de leurs supérieurs, et, de plus, demander la bénédiction de l’évêque ; il n’est pas nécessaire qu’ils obtiennent cette bénédiction ; au cas seulement où l’évêque leur interdirait formellement la prédication, ils doivent s’abstenir. Pour prêcher dans une église étrangère, outre l’approbation de leurs supérieurs, il leur faut la permission de l’évêque diocésain ; celui-ci peut les soumettre à un examen préalable, et la permission une fois accordée peut être suspendue « pour des causes raisonnables, même occultes, mais concernant le ministère de la prédication « .Cependant l’évêque ne peut faire aux réguliers une défense générale de prêcher dans les églises de leur ordre.

Pour la confession, l’approbation de l’évêque diocésain est nécessaire aux réguliers, quand même ils seraient approuvés pour un autre diocèse auquel les pénitents qui se présentent appartiendraient. Une approbation distincte est exigée pour les confessions des religieuses, et les pouvoirs donnés pour un couvent ne s’étendent pas à d’autres. En revanche, dans les monastères, « ou même les collèges où la vie régulière est en vigueur, les supérieurs réguliers, aussi bien que les confesseurs des religieux, peuvent entendre les confessions des séculiers qui sont vraiment de la famille, et perpétuels commensaux de la communauté, non de ceux qui ne sont qu’employés au service de la maison. » Le religieux approuvé par l’évêque peut, à toute époque de l’année, et même au temps pascal, entendre les confessions de tout fidèle, même malade, sans permission du curé. Quand l’approbation a été donnée au régulier après examen, elle ne peut être suspendue, « sinon pour un motif nouveau concernant la confession elle-même, » et l’évêque n’a pas le droit de soumettre le confesseur à un nouvel examen ; il peut cependant retirer les pouvoirs à un religieux qui donnerait du scandai, « la première qualité du ministre du sacrement de pénitence étant l’intégrité de vie, » mais il ne peut enlever i la fois lespouvoirsà tous les religieux d’un même couvent sans recourir au siège apostolique. Les dernières clauses de la bulle regardent l’absolution des cas réservés à l’évêque ou au pape. En cas de doute sur rétendue des privilèges de tel ou tel ordre religieux, « si les termes desdits privilèges sont obscurs et ambigus, on ne doit pas en appeler au métropolitain, mais c’est au apostolique d’interpréter ces privilèges, l’interprétation appartenant à celui qui les a concédés. »

Le 7 juillet 1670, la permission est donnée aux fran >ins de l’Observance, même prêtres, d’exercer avec

l’autorisation de leurs supérieurs la médecine et la

chirurgie « pour l’utilité des chrétiens de Terre-Sainte » .

Bullarium, t. xviii, p. 66.

Le 6 avril 1673, interdiction est faite, à tout séculier ou régulier, « d’éditer par lui-même ou par d’autres, sau> une permission de la S. C. de la Propagande, perion qui devra être imprimée en tête de. l’ouvrage, des livn - ou écrits quelconques touchant les missions étrangères ou les questions qui s’y rapportent. » Bullarium, t. xviii, p.’.Xi.

DICT. DE THÏJOL. CATIICI..

En 1673 et 1674, de nombreuses ordonnances protégèrent les vicaires apostoliques de la Chine et des Indes contre les prétentions du clergé portugais. L’inquisition de Goa ne devait avoir aucune juridiction sur les pays non soumis au roi de Portugal, Bullarium, p. 412 ; les évoques et vicaires apostoliques des Indes et de la Chine étaient déclarés soumis au pape sans qu’aucun autre évêque pût exercer sa juridiction sur leurs territoires. Bullarium, p. 455, 482, 486. Cf. Launay, Histoire générale des missions étrangères, t. r, p. 197 sq. Un autre curieux décret du 17 avril 1675 soustrayait à la juridiction du Saint-Office de Portugal le célèbre missionnaire jésuite, Antoine Vieyra, et le déclarait soumis, sa vie durant, à la seule inquisition romaine (pour les causes qui relevaient de son tribunal). Bullarium, p. 573. Ce décret avait été motivé par les persécutions exercées en Portugal contre l’infatigable dénonciateur des cruautés et des abus qui pullulaient dans les colonies de son pays. Cf. Carrel, Antoine Vieyra, Paris, 1879, p. 366 sq.

Le 13 janvier 1672, une série d’ordonnances très sages réglementa l’exhumation des corps saints, ensevelis dans les catacombes de Rome, et les conditions auxquelles les fidèles pouvaient leur rendre un culte. Aucun corps ne pouvait être extrait des catacombes sans la permission du cardinal-vicaire et la présence d’un prêtre par lui désigné. Les reliques découvertes devaient être mises sous la garde du préfet de la sacristie apostolique ou d’un prêtre délégué ; on ne pouvait les exposer au culte sans l’approbation du cardinal-vicaire ; on ne devait les distribuer aux fidèles qu’avec la plus grande précaution, et en s’assurant qu’elles ne seraient pas conservées dans des maisons particulières, mais seulement dans des églises ou chapelles ; défense était faite de changer les inscriptions mises sur les reliquaires ou les châsses à la suite de l’enquête du cardinal-vicaire ; l’excommunication était portée contre tous ceux qui recevraient, en échange des reliques par eux distribuées, une gratification si minime qu’elle fût. Bullarium, p. 296. Clément X confirma et augmenta les faveurs accordées au collège germanique par ses prédécesseurs, mais régla que les élèves devraient, aussitôt leurs études terminées, rentrer en Allemagne pour se mettre à la disposition de leurs évêques. Bullarium, p. 47, 118.

I. Sources.

Bullarium romanum, Turin, 1860, t. xviii ; G. Hanotaux, Recueil des instructions données au.r ambassadeura et ministres de France à Rome, Paris, 1888, t. l (16481687), p. 227 sq. ; Procès-verbaux des assemblées du clergé de France, Paris, 1767 sq., t. v.

II. Travaux.

Amelot de la Houssaye, Histoire du conclave de Clément X, Paris, 1676 ; Aiisio, Memorie sulla vita di Clémente X, Rome, 1863 ; Artaud de Montor, Histoire des souverains pontifes, Paris, 1847, t. VI ; Audisio, Histoire religieuse et civile des papes, Paris, 1806, t. v ; De Bildt, The conclave of Clément X, in-8° Londres, 1905, t. I ; Bower, History of the roman popes, Londres, 1746, t. xi ; Bozon, Le cardinal de Retz à Rome, Paris, 1878 ; Broscli, Geschichte des Kirchenstaates, Gotha, 1880, t. I, p. 437 sq. ; Chantelauze, Le cardinal de Retz, Paris, 1875 ; Gazler, Les dernières années du cardinal de Retz, Paris, 1875 ; Gérin, Louis XIV et le saint-siège, Paris, 1894, t. il, p. 301 sq. ; Guarnacci, Vit.r et res gestie ponti/icum romanorum, Hume, 1751, t. i ; Launay, Histoire générale de la Société des missions étrangères, Paris, 1894, t. i ; Mémoire des intrigues île la cour de Rome depuis l’année 1609 jusqu’en 107fi, Paris, 1677 ; Muratori, Annali d’Italia. Milan, 1740, t. I, p. 318 sq. ; Palatius, Gesta pontifteum romanorum ab Innocenlio IV ml înnocentiutn XI, Venise, 1688, t. iv, p. 654 sq. ; Petruccelli délia Gattina, Histoire diplomatique des conclaves, Paris, 1864, t. III, p. 224 sq. ;. Hankc, Die rômiachen l’iipste in den letzten vier Jahrhunderlen, Leipzig, 1874, t. iii, p. 98 sq. ; Heumont, Geschichte der Stadt Rom, Berlin, 1870, t. iv.

.1. DE I.A SeRVIÉRE.