Dictionnaire de théologie catholique/CANON DES LIVRES SAINTS I Notion. II. Critérium de la canonicité.

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 2.2 : CAJETAN - CISTERCIENSp. 120-130).

2. CANON DES LIVRES SAINTS. -
I Notion.
II. Critérium de la canonicité.
III. Canon de l’Ancien Testament.
IV. Canon du Nouveau Testament.
V. Décret du concile de Trente De canonicis Scripturis.

I. Notion.

Origine et signification primitive du mot.

Le mot grec xavcâv qui, dans l’usage courant de l’antiquité profane et ecclésiastique, était employé avec les significations diverses de t Làton droit, règle, mesure, modèle » , ou « liste, table, catalogue » , a été, vers le milieu du ive siècle, appliqué aux Livres saints et a reçu une signification nouvelle, qu’Oru et ses disciples, Eusèbe et ses contemporains ne semblent pas avoir connue. Une plus ancienne attestation s. trouve en latin dans le vieil argument de l’Évangile de saint Jean, q’ui est cependant du IVe siècle plutôt que du iii c. Voir col. 1553. Vers 350. saint Athanase, De nicxiiis decretis, 18, P. G., t. xxv. col. 456, dit du Pasteur d’Hermas : Mt, d èx toO xavévoç. Dans sa xxxi.v lettre pascale, qui est de 367, P. G., t. xxvi. col. 1436, 1137. 1440, cf. col. 1176, 1177. 1180, il désigne les livresque la tradition et la foi tiennent pour divins, par l’expression : ta y.3vov :  ; ôu.£va ; il les distingue d’une autre classe de livres où x<xvoviÇdu*va, et il les oppose aux livres apocrv plies et hérétiques. Le traducteur syriaque de cette lettre en résume le contenu en ces termes : « i’.pitre dans laquelle saint Athanase définit canoniquement quels livres l’Église reçoit, i Dans lavantpropos placé, wrs 367, en tête du recueil des lettres pascales de l’évoque d’Alexandrie, on lisait, d’après la version syriaque : « Cette année, il a écrit un canon des Livres’saints, i Le traducteur syriaque de l’HUloin ecclésiastique d’Eusèbe, m.’25.0. E. Nestlé. Die Ai/ geschichte des Eusebius ans d cm Syrischen ûbersetit, dans Texte und Unters., nouv. série. Leipzig, 1901, t. vi, fisc. -J, p. 10-2, traduisait, vers 350, les d grecs : YP*9 «  « °’: * * » 81etW)Xou ; par : « les livres qui ne sont pas’mis au canon de l’Egli » , Le canon’.' du concile de Laodicée. qui date des environs de 3 «

décide qu’on ne doit pas lire à l’église àxavovio-ra |31 » >Xta, àXXà [j.ova Ta xavovixà tîjç xaivi, ; xai TtaXaîa ; 8ta8^xir|ç. Mansi, Concil., t. H, col. 574. Saint Amphiloque, lambi ad Seleucum, 318 319, édit. Combefis, Paris, 1624, p. 134, ou dans S. Grégoire de Nazianze, Carm., 1. II, ii, 8, P. G., t. xxxvii, col. 1598, conclut son catalogue des Livres saints par ces mots : Où-roç ocJ/EuSéaTaroç xaviôv av giV] tiôv Ôeotcve-jotijov ypaçwv. La Synopse, qui a été attribuée à saint Athanase, mais qui lui est postérieure, reproduit une liste des Livres saints, apparentée à celle de l’évêque d’Alexandrie, et emploie les expressions : xExavoviajxéva, xavoviÇôtxsva, où xavovt-Ç 6|j.eva pour désigner les livres canoniques et non canoniques. P. G., t. xxviii, col. 284, 289, 293. Si les termes xavùv, xavovixdç, xavovcÇôiiEva étaient nouveaux, ils exprimaient cependant des idées anciennes, énoncées avec des expressions équivalentes. Aussi leur emploi ne fut pas d’abord très fréquent ; on continuait à employer les anciens termes. On finit par réunir ceuxci avec les expressions nouvelles pour marquer leur équivalence. Ainsi un anonyme, contemporain de saint Chrysostome, dont l’homélie figure dans les œuvres de ce docteur, P. G., t. lvi, col. 424, parlant des trois Epitres de saint Jean, dit : Tûv 8é èxxXrgtrtaÇoiiivcov, où tûv àrcoxpùîptov (j.Èv ï] 7rpajTï] £7tiGroXiî, Tr, v yàp SeuTÉpav xa’t rpi-^v o ! TtarE’ps ; à7roy.avov : ^ouTcv. Vers 530, Léonce de Byzance, De sectis, ii, 1, 4, P. G., t. lxxxvi, col. 1200, 1201, emploie indistinctement Ta ExxXïjcrtao-rtxà PiêXi’a et rà xavoviÇo’fj.Eva fSioXia Èv xrj’ExxXrja-ia. Au IXe siècle, le patriarche de Constantinople, Nicéphore, dresse une liste slichométrique des Livres saints, qu’il appelle ÔEtai ypaçai ExxXïia-iaÇo’iJ.Evai xai xExavoviajjivai ; il leur oppose les àvTiXsyovTai xai oùx èxxXïiTiâÇovTai el les â-oV.puça. P. G., t. c, col. 1056, 1057, 1060.

Telle est l’origine de l’application du mot grec xaviôv à la Bible entière. Quel en est le sens précis ? Les Livres saints appartiennent au canon, quand ils ont été canonisés, xavovcÇo’tj.cva, x£xavovi<r[j.éva, et qu’ils sont devenus ainsi canoniques, xavovixô, tandis que les livres, qui ne sont pas au canon, n’ont pas été canonisés, où xavov.Çôfj.eva, àxavdvurTa. Les livres sont donc mis au canon ou hors du canon par un acte qui est exprimé par les verbes xavovi’ÇEtv et aTroxavovîÇeiv et qui les rend, oui ou non, canoniques. Le sens premier du mot xavtdv et de ses dérivés, appliqués aux Livres saints, est ainsi clair et certain. Il ne veut pas dire « règle, mesure » et ne présente pas les livres comme une autorité régulatrice ou la règle de la vérité inspirée par Dieu. Ce ne sont pas eux, ni leur contenu, qui sont xaviov ou règle ; ils sont eux-mêmes, au contraire, l’objet d’une action qui les introduit au canon ; ils sont « canonisés » et ils deviennent « canoniques » . Le mot xaviov, appliqué à la collection des Livres saints, n’a donc pas eu primitivement la signification active de règle et de mesure ; il a eu plutôt la signification passive de collection « réglée, définie » dont l’étendue était déterminée par la tradition ou l’autorité. La forme passive des participes ou adjectifs verbaux dérivés de xavcôv et usités au milieu du IVe siècle impose cette signification. Kaviôv, appliqué à la Bible entière, a donc eu primitivement le sens de xaTrfXoyoc, ou de « liste » des livres reconnus dans l’Église comme inspirés. Le mot xaTaXoyo ; était employé par Eusèbe, II. E., ni, 25 ; vi, 25, P. G., t. xx, col. 269, 580, et Rufin, dans le dernier passage cité, le traduit par canon. Le livre canonique est donc un livre « canonisé » .

2° Priorité, de Vidée sur lr mot. — L’idée, exprimée par le mot xaviôv, d’une collection déterminée d’écrils inspirés, avait précédé l’emploi de ce mot. A partir de Clément d’Alexandrie, cette collection se nommait BfftÔTJxii), le Testament, et comprenait deux parties, l’Ancien, TraXati, el le Nouveau Testament, xaiv^i SiaO^xi). Le livre qui en faisait partie était évSiâQqxo ;. Origène,

De oratione, 14, P. G., t. XI, col. 461 ; Eusèbe, H. E., m, 3, 25 ; vi, 14, P. G., t. xx, col. 216, 269, 549 ; le traducteur latin de In epist. S. Pelri secundam enarratio, deDidyme, P. G., t. xxxix, col. 1774, cf. col. 1742, a traduit plus tard ce mot par l’expression latine équivalente : in canone est. Saint Basile, Sermo de ascelica disciplina, , P. G., t. xxxi, col. 619 ; saint Épiphane, De mensuris et ponderibus, 3, 10, P. G., t, xun, col. 214, 253 ; CosmasIndicopleusles, 70po§r.cvm/., 1. VII, P. G., t. lxxxviii, col. 372, remplacent Èv$iâ&ï)xoç par èvSiâŒroç. Avant l’emploi du nom de Sia9r, xï], la collection biblique était désignée par le pluriel : al ypatpai (rarement tj Ypaiprj, qui était ordinairement appliqué à un livre scripturaire en particulier) avec ou sans les épithètes : â’ytai, Upai, 8sîai, xvpiaxat. On la désignait encore en indiquant les livres principaux dont elle était composée : « la Loi et l’Évangile, » « les Prophètes et l’Apôtre, » ou par opposition à la littérature païenne « nos écrits » , « notre littérature. » On entendait par là, non pas tous les écrits chrétiens, mais seulement ceux qui étaient reçus publiquement dans l’Église comme divins. A. Loisy, Histoire du canon du N. T., Paris, 1891, p. 123-125. Ces livres publics différaient par là même des livres apocryphes. Voir t. i, col. 14981500. On admet généralement que Jésus-Christ et les apôtres ont laissé et transmis à l’Église le corps des Livres sacrés de l’Ancien Testament, non pas seulement de la Bible hébraïque, mais de la Bible hellénique ou des Septante. Franzelin, Tractatus de divitia traditionc et Scriptura, 3° édit., Rome, 1882, p. 326-329 ; Didiot, Logique surnaturelle objective, théorème lxxvii, Lille, 1892, p. 523-531. Toutefois, il est évident qu’ils ont fixé le canon de l’Ancien Testament, non par une décision expresse dont les Églises n’ont jamais entendu parler, mais par l’usage qu’ils ont fait de la Bible grecque, usage qui s’est transmis dans l’Église. De l’histoire du canon du Nouveau Testament, il résulte qu’à partir de l’an 130 la collection des quatre Évangiles et d’eux seuls est constituée en fait et répandue partout ; que dans le premier quart du IIe siècle, les Épitres de saint Paul sont réunies au nombre de treize au moins et lues dans l’Église entière. A ces deux collections se rattachent les Actes et l’Epitre aux Hébreux. Les autres écrits canoniques du Nouveau Testament ne forment pas encore, au début du IIe siècle, une collection ; mais ils sont déjà plus ou moins répandus et ils servent à l’usage ecclésiastique en même temps que d’autres livres qui seront plus tard exclus du canon scripturaire. En tous cas, les deux collections des quatre Evangiles et des treize Epitres de saint Paul formaient à cette époque le noyau ferme de ce qu’on a appelé plus tard le canon du Nouveau Testament. A. Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, Paris, 1891, p. 40-46, 139. Voir col. 1583.

Nouvelle signification du mot.

Les anciens écrivains grecs ont maintenu la signification primitive du mot canon. Mais les Syriens, les Latins et les Grecs plus récents ont donné à ce mot un sens actif, celui de « règle » , même lorsqu’ils ont conservé la signification première de « catalogue » . Le traducteur syriaque de la xxxix lettre festale de saint Athanase mélange peut-être déjà les deux significations. Le titre de l’extrait grec de cette même lettre dit que l’évêque d’Alexandrie a fixé xavovix&c, c’est-à-dire comme règle canonique, quels étaient les Livres saints reçus dans l’Église. Saint Isidore de Péluse, Epist., 1. IV, epist. exiv, P. G., t. î.xxviii, col. 1185, considère la Bible elle-même comme « la régie de la vérité » : xôv xavôvarr, ; i’/r/lsiaç, rà ; (iEia ; ç/]|aé ypaçà ;. Macarius Magnés, Apocr., IV, 10, la nomme aussi tôv xàvôva ttj< xatvrje 5ta8^xir)(. Au xiie siècle, Zonaras, en commentant la lettre de saint Athanase, remplace l’expression originale par le tenue moderne et entend le canon comme une règle. P. G., d553

CANON DES LIVRES SAINTS

Iu51

t. cxxxviii. col. 564. Lee écrivalni latins ont reproduit l’idée primitive. Quelques-uns ont transposé en latin la signification passive des participes grecs. Ainsi l’auteur de l’argument latin de I Évangile de saint Jean signale que le quatrième Évangile, bien que l<- dernier par ordre chronologique, tanien dispotitione canonù ordu nati jmsi Matthteum ponitur. P. Corssen, Vonarchianische Prologe zuden mer Evangelien, dans Texh Vnters., Leipzig, 1896, t. xv, fasc. 1, p. 7, cf. p. 65. 66. Le viens traducteur latin du commentaire d’Origène sur saint Matthieu, In Matth., comment, séries, n. 28, P. G., t. xiii, col. 1(>37, cite des livres canonizali. Une Explanat’w symboli, attribuée à saint Ambroise, Caspari, Quellen zur Geschichte des Taufsymbols, Christiania, 1869, t. il, p. 50, dit de l’Apocalypse de saint Jean canonir zatur. L’auteur de l’Onus imperfectum t » Matth., ii, 23, P. (’<, t. lvi, col. 640, parle de prophètes, gui snnt nobis canonizali. Les mots xavûv et xecvovixéc ont été latinisés. Le canon africain, publié par Mornmsen et rapporté par lui à l’année 359, donne la liste des livres qui sunt canonici. Preuschen, Analccta, Fribourg-en-Brisgau, 1893, p. 138, 139 ; Zahn, Grundriss der Geschichte des Xetttestamentliclien Kanons, Leipzig, 1901, p. 81. Priscillien, dans ses divers traités, parle plusieurs fois des livres et des Fcritures « canoniques » et du « canon » , notamment lorsqu’il dit, Liber de fide et apocri/p/tis, édit. Schepss, Corpus script, eccles. latin., ’ienne, 1889, t. xv, p. 55, que l’épître aux Laodicéens n’est pas in canone. Saint Philastrius, Hxr., 88, P. L., t. xii, col. 1199 ; Rufïn, Comment, in symbol. apostolorum, n. 37, P. L., t. xxi, col. 374, emploient les expressions « canon » et « livre canonique » . Rufin se sert souvent de ces mots dans ses traductions d’Origène, par exemple, In Cant., prolog., P. G., t. xiii, col. 83, et dans sa version latine de l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe. Saint Augustin nomme fréquemment les Ecritures « canoniques » . Epiit., lxxxii, n. 3, P. L., t. xxxiii, col. 277 ; Contra Faustum manich., 1. XXIII, c. ix, P. L., t. xlii, col. 471 ; De peccatorum meritis et remissione, 1. 1, n. 50, P. L., t. xliv, col. IH7 ; Serin., cccxv, n. 1, P. L., t. xxxviii, col. 1426, etc. Mais sous le nom de « canon » , ces écrivains latins désignent la Bible elle-même, de sorte que lorsqu’ils disent qu’un livre est ou n’est pas dans le canon, ils entendent qu’il fait ou ne fait partie de la Bible. Ainsi parle Priscillien, édit. Schepss, p. 41-56, 63. Saint Jérôme lui-même, Epist., lxxi, n. 5, P. L., t. xxii. col. 671, appelle sa traduction latine, faite sur le texte hébreu, canonem liebraicx veritatis. Saint Augustin, De doctrina christiana, 1. II, c. viii, n. 13, P. L., t. xxxiv. col. 41, commence son catalogue des Livres saints par ces mots : Totus autem canon Script urarum… h is libris conlinetur. Cf. Spéculum, P. L., t. xxxiv, col. 946 ; Contra Cresconium, 1. II, c. xxxi, n. 39, P. L., t.xi.in, col. 489 ; S. Vincent de Lérins, Commonitorium, n. 27, P. L., t. L, col. 674. Ils donnent alors au mot « canon » le sens de « règle » . Saint Augustin, en effet, reconnaît aux Livres saints une « autorité canonique » . Contra Cresconium, loc. cit. ; De consensu evangelistarum, 1. I, c. I, n. 2. /’. /… t. xxxiv. col. 1043 ; Spéculum, pr.-eL, 7’. /.., t. xxxiv, col. 887-888 ; De civitate Dei, 1. XV, c. xiiiii, n. 4 ; 1. XVII, c. xx, n. 1 ; c. xxiv, P. L., t. xi.i, col. 470, 554, 560, etc. Le livre canonique ainsi envisagé’devient un livre « régulateur » . Le traducteur latin du commentaire d’Origine sur saint Matthieu, In Matth., comment. seri<’s, n. 117, /’. G., t. xiii. col. 1769, l’appelle livre regularit. Lis anciennes idées

de xocvt&v, signifiant la règle île la vérité ou de la foi ou

de l’Église, Polycrate, dansEusèbe, II. /"., v, 21. /’. G., t. xx, col. 196 ; anonyme contre Axtémon, ibid., v. 28, col. 516 ; S. Innée. Cont. Ii.vr., iii, 12, /’. C, t. vu. col. 847 ; Clément d’Alexandrie, Strom., i, 15, /’. G., t. ix, col. 348, 349 ; Origène, Deprmc., i, n. 9. /’. G.,

t. xi. col. 960 ; cf. Eusébe // E. 2 25 / < ;, t. xx,

col. 525, 581 : /’/, .. 5, /’. G. t xvi,

col. 3414 ; Homil. Clément., Epist. l’eu

n. I. /’. (’, ., t. ii, col. 25 ; Dacchiarius, l’rofi

n. (i. /’. /.., t. xx, col. 1034 ; ou hsymbole di

S. L I. tuer., i. 9. n. 4 : 22. n. I. /’. G., t. vii,

col. 545, 669 ; Tertullien, h pi., 12-14

/’. /.., t. n. col. 26, 27, ’--.1 I. I

col. 157 ; De virginibut velandis, 1. col. 889 ; voir i i.

col. 1676-1677 ; Nova tien, //.- Trinitate, 1. 9. /’. L.,

t. iii, col. NSI), 905 ; ou mérne déjà le canon scriptu raire, surtout le canon évangélique, c’est-à-dire l’a

avec l’Ecriture, l’Évangile et les paroles d

Tertullien, Adv. Marcion., ni, 17, P. L., t. ii, col

le valentinien Ptolémée écrivant à Flora, S. Épiphane,

User., xxxiii, 7, P. G., t. xi.i, col. 568, ces anciennes

idées, dis-je, ont été jointes à la notion de catalogue ou

de collection des Livres saints, de façon à

l’Écriture comme la règle de la foi et de renseignement

ecclésiastique. Cette dernière.signification du mot

t canon » s’est conservée et transmise dans l’Égl

elle est devenue la notion ecclésiastique du canon

scripturaire.

Définition.

Le canon des Écritures est donc la liste ou la collection, réglée par la tradition et l’autorité de l’Église, des livres qui, ayant une origine divine et une autorité infaillible, contiennent ou forment eux-mêmes la règle de la vérité’inspirée par Dieu pour l’instruction des hommes. Les éléments divers, qui entrent dans cette définition, n’ont pas toujour énoncés simultanément ni logiquement dispos, hiérarchisés par les Pères et les écrivains ecclésiastiques. Ceux-ci mettaient en évidence et en première ligne tantôt les uns tantôt les autres selon les circonstances ou les nécessités de leur exposition. Ils ont affirmé souvent, surtout lorsqu’ils traitaient ex pr< du canon biblique en général ou de la canonicité d’un livre en particulier, que la tradition, l’autorité des Pères ou la pratique de l’Église, avaient réglé le canon ou reconnu l’inspiration ou l’autorité canonique des livres divins. Voir plus loin. S’ils insistent spécialement sur cette autorité canonique, s’ils parlent des livres canoniques comme constituant le principe régulateur de l’enseignement ecclésiastique, ils reconnaissent parfois explicitement et ils supposent toujours que l’autorité canonique et régulatrice leur vient de leur origine divine, admise et enseignée par l’Église. Il nous semble donc qu il n’y a pas lieu de distinguer avec M. 1 Histoire du canon de l’A. T., Pai 185, etc., deux notions différentes de la canonicité : l’une, ancienne, consistant dans l’autorité régulatr l’aptitude à régler la foi ; l’autre, moderne, consistant dans la reconnaissance officielle de cette autorite p.ir l’Église. Ce sont seulement deux aspects divers d’une même question, qui ont été plus ou moins directement envisagés à des époques différentes de l’histoire du canon. Tantôt on faisait spécialement ressortir que le principe régulateur de l’enseignement chrétien était renfermé en partie dans la collection scripturaire ; tantôt, aucontraire, on considérait cette collection elle-même en tant qu’elle était déterminée par la tradition ecclésiastique pour servir de règle à l’enseignement. Loin de s’exclure, ces deux notions se superposaient l’une à l’autre et se complétaient l’une par l’autre. Il reste vrai seulement qu’après la définition du concile de Tri nie et dans la controverse avec les protestants, l’acception de reconnaissance officielle des Livres saints par l’Église a élé constamment mise en première ligne dans la notion du canon des Livres saints et a prévalu dans l’ensi’ment Idéologique. Lois. op. cit.. p,

L.i canonicité d’un livre biblique différe donc de son inspiration. Celle-ci fait qu’un livre est d’origine divine, a Dieu pour auteur et par conséquent jouit d’une auto

rite infaillible pour régler la foi et les mœurs des fidèles. Voir Inspiration. La canonicité est la constatation que l’Eglise fait officiellement, par une décision publique, ou équivalemment, par l’usage et la pratique, de cette origine divine et de cette autorité infaillible. La canonicité suppose l’inspiration et ne peut exister sans elle. L’Eglise ne peut rendre inspiré un livre qui ne l’est pas ; mais elle peut déclarer inspiré un livre qui l’est et lui donner ainsi un caractère officiel, une autorité canonique qu’il n’avait pas auparavant, car un livre inspiré a pu ne pas être reconnu par tous dès l’origine, et, de fait, on a douté longtemps, en certains milieux, de l’origine divine de quelques livres bibliques. L’Église, s’appuyant sur une tradition réelle et constante, a déclaré divins des livres dont l’origine divine était en quelques lieux et pendant quelque temps demeurée douteuse, et a fait cesser ces doutes. Tel a été renseignement précis des théologiens et des controversistes après le concile de Trente. F. Sonnius, De verbo Dei, c. xii. La plupart ont résumé cette doctrine au moyen d’une distinction très claire. Ils distinguaient deux sortes de canonicité : l’une, in actu primo, d’après laquelle les Livres saints sont canoniques quoad se, par le seul fait qu’ils ont Dieu pour auteur ; l’autre, in aclu secundo, qui les rend canoniques quoad nos, lorsque l’Église déclare qu’ils sont inspirés. La première leur confère l’autorité divine et la vérité infaillible et les rend aptes à être inscrits au canon, la seconde les inscrit au canon et leur confère réellement la canonicité. Stapleton, Princip. fidei releclio, 1. V, q. v, a. 1, Anvers, 1596, p. 505-507 ; Serarius, Prolegomena biblica, c. vii, Paris, 1701, p. 35-36 ; A. Contzen, Comment, in quatuor Evangelia, In Luc, I, q. IV, v, 1626 ; .1. de Sylveira, Upusc., I, resol. i, q. ii, iv, Lyon, 1687 ; A. Duval, Tractatusde fîde, q.i, A.5.De Scriplura, Paris, 1636, t. il, p. 137-138 ; Salmeron, Comment, in evang. hist., 1. I, prol. i, xxxii, Cologne, 1602, p. 5-7, 414-415 ; .1. Bonfrère, Præloquia, c. ni, sect. iii, dans Migne, Cursus Script, sac, t. i, col. 11.

IL Critérium de la canonicité. — Depuis que le concile de Trente, sess. IV, Decretum de canonicis Scripluris, a défini que tous les Livres saints, dont il a dressé la liste, sont sacrés et canoniques, c’est-à-dire ont Dieu pour auteur et, par suite, sont une des sources infaillibles de la révélation, aucun théologien catholique ne doute que l’Église seule possède le droit de déterminer et de fixer, par ses organes officiels, le pape ou un concile œcuménique, ou par son magistère ordinaire, le canon des Livres saints, et qu’elle soit, en matière de canonicité scripturaire, l’unique autorité compétente. Cela résulte de la notion même de canonicité. Si déclarer canonique un livre de l’Écriture, c’est affirmer qu’il est inspiré et imposer à tous les fidèles, comme vérité de foi, le tait de son inspiration, cette affirmation ne peut émaner que de l’autorité publique, infaillible et universelle de l’Église. Les Pères et les docteurs ont toujours, nous le verrons bientôt, reconnu et attesté ce droit de l’Eglise. C. Chauvin, Leçons d’introduction générale, p. 76-78. Les protestants, qui opposaient la Bible à la tradition et à l’autorité de l’Église et faisaient d’elle la seule règle de la foi, ont prétendu pour la plupart que l’Ecriture ne tenait pas son autorité de l’Église, mais de Dieu et non des hommes, et qu’elle l’avait par cela seul qu’elle était la véritable parole de Dieu. Il y a eu toutefois quelques exceptions. Carlstadt, De canonicis Scripluris libellus, Wittemberg, 1520, tout en soutenant l’autorité exclusive de l’Ecriture, mettait à la base de la canonicité des Livres saints leur réception dans l’Église et admettait sur ce point la valeur de la tradition ecclésiastique. Le 39e article de l’Église anglicane dit expressément : « Sous le nom d’Écriture sainte nous entendons les livres de l’Ancien et du Nouveau Testa-’meut de l’autorité desquels l’Église n’a jamais douté…

Nous recevons tous les livres du Nouveau Testament qui sont communément reçus. » La Conlession de Bohême, rédigée en 1535, a. 1, 2e édit., 1558, p. 17, reconnaît comme Ecritures saintes quse in Bibliis ipsis continentur et a Patribus receplæ autorilateque canonica dolalse sunt. La Confessio wirtemburgica, rédigée par Brentz en 1552, dit aussi : Sacram Scripturam vocamus eos canonicos libros V. et N. T. de quorum autorilate in Ecclesia nunquam dubitatum est. Mais ceux qui n’estimaient pas nécessaire de consulter la tradition ecclésiastique pour discerner les livres inspirés de Dieu devaient déterminer quel moyen plus infaillible restait au chrétien pour taire ce discernement et quel critère devait le guider dans son choix. E. Reuss, Histoire du canon des saintes Ecritures dans l’Église chrétienne, 2e édit., Strasbourg, 1864, p. 308-320. Ils ont proposé divers critères, que nous allons exposer avant de les opposer à la doctrine catholique.

I. selon les protestants.

1° D’après Luther et ses premiers disciples. — Dans la question du canon biblique, Luther s’est placé au point de vue dogmatique et a présenté un critère théologique ; ce critère était la doctrine de l’Évangile telle qu’il la comprenait. Selon lui, le christianisme tout entier se résumait dans la thèse du salut gratuit, de la justification par la foi seule en Christ sauveur, à l’exclusion des œuvres. Cette doctrine devint le critère de la canonicité, qui résultait de l’enseignement de chaque livre sur le Christ et le salut des hommes. Les autres critères, les noms et la dignité des auteurs, étaient insuffisants. Luther graduait donc les Livres saints d’après la nature des enseignements qu’ils contiennent. En comparaison des écrits du Nouveau Testament qui montrent le Christ et enseignent tout ce qui est nécessaire au salut, l’Épitre de saint Jacques n’est véritablement qu’une épître de paille, car elle n’a pas la manière de l’Évangile. Vorrede aufdasN. T., 1522, Werke, Erlangen, t. lxiii, p. 114. La véritable pierre de touche pour jugertous les livres consiste à constater s’ilsparlent, oui ou non, du Christ. Toute Écriture doit nous montrer Christ. Ce qui n’enseigne pas Christ n’est pas apostolique, vint-il de Pierre ou de Paul ; ce qui prêche Christ est apostolique, quand même il viendrait de Judas, d’Anne, de Pilate ou d’Hérode. Aussi l’Épitre de saint Jacques, quoique contenant des préceptes utiles, contredit Paul et toute l’Écriture sainte et ne peut être dans la Bible, au moins parmi les livres principaux. Vorrede auf die Epist. Jacobi, ibid., p. 157. Pour la même raison, l’Apocalypse fut d’abord peu estimée de Luther. Il ne la tenait ni pour apostolique, ni pour inspirée. « Mon esprit ne peut s’accommoder de ce livre, et il me suffit de voir que le Christ n’y est ni honoré ni connu, tandis que la première tâche que Jésus ait donnée à ses apôtres est celle-ci : Vous me servirez de témoins. C’est pourquoi j’en reste aux livres dans lesquels le Christ m’est présente clairement et purement. » Vorrede auf die Apokalypse, 1522. Cf. S. Berger, La Bible au xvi » siècle, Paris, 1879, p. 86-107 ; A. Credner, Geschichte des Neutestamentlichen Kanon, Berlin, 1860, p. 330-333. Luther jugeait aussi les livres de l’Ancien Testament d’après ce même principe et il recherchait en eux l’élément évangélique. Il écartait les livres qu’on appelle deutérocanoniques, parce qu’il n’y reconnaissait pas lui-même sa doctrine, plutôt que parce que la Synagogue ne les avait pas reçus. Il appréciait les livres protocanoniques en raison de ce qu’ils prêchaient plus ou moins le Christ. Il mettait donc la parole de Dieu, telle qu’il l’entendait, au-dessus de l’Ecriture, et cette parole, ou la révélation du Christ rédempteur, lui servait à discerner les livres de l’Écriture. Une pareille théorie ne pouvait pas aboutir, i une délimitation rigoureuse du canon biblique, et si Luther exaltait tics haut l’Écriture à l’encontre de la tradition et de l’Église, C’est qu’il prétendait retrouver daus l’Écriture, au sens qu’il lui doni :

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nait, sa propre doctrine sur l’Évangile. Son critère théologique de la canonicité résultait donc de ion enseignement sur la justification par la foi, appliqué comme norme de démarcation des livres inspi E. Reuss, Histoire du canon des taintet Écritures, p. 339-354 ; Rabaud, Histoire de la doctrine de l’inspiration des san, 1rs Écritures, Taris 1883, p. 38-40. Mélaïuhlhon et Flacius s’appuyaient, connue Luther, sur l’analogie de la toi pour discerner les livres canoniques des non canoniques. Reuss, op. cit., p. 354-356.

2 » D’après Calvinet tes premiers calvinistes. — Calvin s’est demandé comment on peut se persuader que l’Ecriture vient de Dieu. Il a répondu que « l’Esoriture a de quov se faire cognoistre comme les clioses blanches et noires ont de quoi montrer leur couleur et les choses douces et amères leur saveur » . Institution, 1. I, c. VII, n. 2. L’Écriture elle-même, son enseignement, son esprit, ses formes et surtout les effets qu’elle produit sur les lecteurs bien disposés révèlent son origine et sa dignité et imposent les vérités qu’elle proclame. Toutefois ce témoignage que l’Écriture se rend ainsi à elle-même ne repose pas sur des raisons humaines ; c’est le témoignage même que le Saint-Esprit lui rend dans les cœurs. Cet Esprit fait valoir et garantit les marques intérieures que l’Écriture présente de son origine divine. « Que nous lisions Demosthene ou Ciceron, Platon ou Aristote, ou quelques autres de leur bande : je confesse bien qu’ils attireront merveilleusement et délecteront etesmouverontjusquesàravirmesme l’esprit ; mais si de là nous nous transportons à la lecture des sainctes Escritures, veuillons ou non, elles nous poindront si vivement, elles perceront tellement nostre cœur, elles se licheront tellement au dedans des moelles, que toute la force qu’ont les rhetoriciens ou philosophes, au prix de l’efficace d’un tel sentiment, ne sera que fumée. Dont il est aisé d’appercevoir que les sainctes Escritures ont quelque propriété divine à inspirer les hommes, veu que de si loing elles surmontent toutes les grâces de l’industrie humaine. » Ibid., c. VIII, n. 1. Les autres raisons ne sont pas suffisantes pour prouver la certitude de l’Écriture. Le Père céleste, qui y fait reluire sa divinité, l’exempte de tout doute et de toute question. Ibid., c. xi ; S. Iierger, op. cit., p. 113-118 ; Rabaud, op. cit., p. 58-G 0. Pour que ce sentiment se produise, il faut la foi, et Calvin fait appel à l’expérience intime des chrétiens. Voir col. 1399-1400. Les théologiens calvinistes ont reproduit la doctrine du chef de la secte. P. Viret, De vero verbi Dei ministerio, 1. I, c. v ; 1. II, c. in. Ils disaient que l’ancienne Église, en formant le canon, avait été guidée par le Saint-Esprit. Yermigli, Loci comniunes, cl. I, 1. VI, 8. La seconde Confession helvétique, c. i, déclare que l’effet de la lecture de l’Écriture dépend, comme celui de la prédication, de l’illumination intérieure du Saint-Esprit. La Confession des Pays-Bas reçoit ces livres comme saints et canoniques, c’est-à-dire comme règle suprême de la foi, et croit ce qu’ils contiennent, « parce que le Saint-Esprit atteste dans nos cceurs qu’ils émanent de Dieu et qu’ils portent en eux-mêmes son approbation » (a. 5). La Confession française les reconnaît « non pas seulement d’après le sentiment unanime de l’Église, mais beaucoup plus d’après le témoignage du Saint-Esprit et la conviction qu’il donne intérieurement, car c’est lui qui apprend à les distinguer d’autres écrits ecclésiastiques » (a. 4). Cette théorie de la canonioité, appuyée sur le témoignage intérieur du Saint-Esprit, découle du fond même du protestantisme qui écarte les intermédiaires entre Dieu et les âmes et s’en tient surtout à la conscience religieuse de chaque chrétien. Mais elle propose un critère incertain. L’action du Saint-Esprit sur les lecteurs de l’Écriture ne se l’ail pas toujours sentir et n’est pas uniforme. Les protestants répondent, il est vrai, que celle diversité « l’action dépend de la variété des dispositions des lecteurs et de la di versité des voies de Dieu dans l’œuvre du salut, l n pratique donc la théorie est insuffisante, et le* calvinistes eux-mêmes ont varié au sujet des livn - qu appellent apocryphes et ils ont dû recourir à d’autres critères. !.. Reuss, op. <it., p. 3204)

> D’après les calvinistes suisses et 1rs lutliérien* à partir du XVIIe siècle. — Tout en conlinuant à ex. ; l’autorité de lÉcriture au détriment de celle de la tradition, tout en maintenant en première ligne I action intérieure du Saint-Esprit dan^ le cour des fidèles, action sans laquelle la véritable foi n’existe pas. les tbéologiens protestants aboutirent bientôt à rendre < action inutile et superllue et proposèrent d’autres critères qui devaient produire la conviction humaine 1/ humana) préparatoire à l’acte de foi que l’Ecriture est divine. Ils distinguèrent deux sortes de critères. Les uns, dits internes, dérivaient de la forme et du contenu de l’Écriture ; les autres, dits externes, découlaient de son antiquité, de la propagation de l’Évangile, de la foi des martyrs, de la crédibilité des écrits bibliques, du caractère des écrivains inspirés, des miracles et des prophéties, enfin et surtout du témoignage de l’ancienne Église. Mais ils considéraient l’Eglise comme un témoin, qui garde le dépôt et veille à sa conservation, plutôt que comme un juge qui règle le recueil sacré de sa pleine autorité. Elle avait eu le devoir, et non le droit, d’approuver et de recevoir l’Écriture et de dresser le catalogue officiel des livres canoniques. Cependant quelques-uns évitaient de prononcer le nom de l’Eglise et se bornaient à dire que des individus pieux du judaïsme et du christianisme avaient possédé le don de discerner les Écritures canoniques et avaient comporecueils des deux Testaments. L’Église juive avait garanti l’Ancien Testament. Jésus-Christ et les apôtres avaient accepté la Bible hébraïque. L’Eglise primitive avait fixé le recueil des livres inspirés. On discutait seulement si elle y avait compris les deutérocanoniques dont finalement on admit la canonicité. E. Reuss, op. cit., p. 360-392 ; Rabaud, op. cit., p. 143-155.

D’après les critiques modernes.

Depuis Semler, Abhandlung von freier Vnlersuchung des Kanon, 4 vol., 1771 sq., beaucoup de protestants ont traité la canonicité des Livres saints exclusivement d’après les principes de la critique historique. Ils ont rejeté la tradition aussi bien que le témoignage intérieur du Saint-Esprit. Ils se bornent à écrire l’histoire de la formation du canon biblique. Ils discutent les témoignages anciens et les contrôlent par le contenu des livres eux-mêmes. Ils abandonnent en outre la notion traditionnelle de l’inspiration et recherchent seulement quelles et. lient les pensées des écrivains sacrés qu’ils replacent dans leur milieu social et religieux. Les livres bibliques ne sont plus pour eux que des documents de la pensée religieuse telle qu’elle s’est formée autrefois au sein du judaïsme et de la première génération chrétienne. Le canon biblique des deux Testaments n’est donc que la collection des restes de l’ancienne littérature hébraïque ou des livres, apostoliques ou non, qui expriment la pensée des premiers écrivains du christianisme.E. R op. cit., p. 411-431.

Pour la discussion de ces critères, voir Franzelin, Tractatus de divina traditione et Scriptura, part. II. sect. 1. c. II, th. v, vin. : e rdit.. Rome, 1882, p. 37’J-38’J, 397-399 ; Hurler. Theologim thc.r compendium, 3e édit. Inspruck, 1880, th. x.wu. xxviii. p. 154-157 ; Gilly, l’r.cis d’introduction à /Ecriture sainte. Nîmes. lM’, 7. t. i. p. Tli-TC ; Ubaldi, Introdv cram Scripturam, 2- édit, Rome, iss-j. t. î. p. 31-Ch’, 116-131 ; Trochon, Introduction générale. Paiis. 1886, t. I, p 8 F. Schmid, De inspirai orum vi et ratione, Brixen.

Crète, />< divina Bibliorum inspiration*, Uravaln, 1886, p. 11-82 ; Zanecchia, Dii sacra*

non Scripturarum ad mentem S. Thonis ? Aquit s. il 1898), p. 21-28 ; Chauvin, L’inspiration d, s divines h’eritui-sa, Parla, s. d. [1896), p. 7’j-toG.

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II. selon les cATnOLTQiTES.

Tous les théologiens catholiques, à rencontre des protestants, enseignent que l’unique critère de l’inspiration et de la canonicité des Livres saints est le témoignage de Dieu transmis, non par la voie des traditions humaines, mais par la tradition catholique, et interprété par le magistère de l’Eglise, Au lieu de prouver cette thèse en reproduisant la série d’arguments que ces théologiens développent, nous préférons faire l’histoire de. cette doctrine et montrer comment les Pères et les écrivains ecclésiastiques l’ont diversement présentée au cours des siècles. Cette méthode nous permettra de connaître les diverses manières dont la divinité et la canonicité des Livres saints ont été démontrées successivementou simultanément. Les arguments étaient différents selon que les Pères et les théologiens voulaient prouver directement ou hien l’origine divine et l’autorité régulatrice des Livres saints ou bien la reconnaissance de cette origine et de cette autorité par l’Église.

1° Preuves de l’origine divine et de l’autorité régulatrice des Livres saints. — Les Pères apologistes du 11e siècle ont les premiers démontré l’origine divine de l’Ecriture qu’ils citaient aux païens en preuve de la mission divine de Jésus-Christ. Voir t. i, col. 1596. Saint Justin, dont l’esprit n’avait pas été satisfait par les divers systèmes philosophiques qu’il avait étudiés, Dial. cuni Tryphone, c. n-v, P. G., t. vi, col. 476-489, a trouvé la vérité qu’il cherchait dans les prophètes de l’Ancien Testament. Les philosophes n’avaient pas la vérité ; cela résulte des enseignements absurdes qu’ils débitaient, Cohort. ad Grsacos, c. n-v, col. 241-253 ; c. xi, col. 261 ; Apol., I, c. xliv, col. 396 ; II, c. xiii, col. 465, et de leurs divergences relatives à la religion. Coll., c. vi, vii, vin, col. 253, 256-258 ; Apol, II, c. x, col. 460. L’Ecriture, au contraire, est vraie et divine, et cela résulte de l’accord admirable qui existe entre les écrivains sacrés. Ils ont la même doctrine sur Dieu, l’origine du monde, la création de l’homme, l’immortalité de l’âme, le jugement dernier et tout ce qui est nécessaire au salut, bien qu’ils aient écrit en des temps et des lieux différents. Saint Justin en conclut que les prophètes inspirés ontenseigné la vérité. Coll., c. viii, col. 256-257 ; cf. Freppel, Les Pères apologistes au / ; e siècle, 9e leçon, p. 169-173. Une autre preuve de l’origine divine des Écritures, preuve que le saint docteur appelle y.s.yi ?T : iv xa ; « Xï|80t « » ty)v aTiôôeiÇiv, Apol., I, c. xxx, col. 373, est tirée des prophéties de l’Ancien Testament, dont la plupart sontréalisées en Jésus-Christ et sonEglise. lbid., c. xxxi-liii, col. 376-408. Puisque la prophétie est un don divin, ibid., c. XII, col. 345 ; Coh., c. viii, x, col. 256, 201, les prophètes juifs ont été inspirés par le Saint-Esprit dans leurs écrits. Apol., I, c. xxxi-xxxiii, xxxv, xxxix, xl, col. 376, 377, 380, 381, 384, 388, 389 ; cl. Rcuss, Histoire ducanon, p. 49-50 ; J. Delitzsch, .De inspirationc Scriplurse sacrx quid staluerint Patres apo-Stolici et apologetx secundi sxculi, Leipzig, 1872, p. 3841. D’ailleurs saint Justin ne restreignait pas sa foi à l’inspiration des seuls écrits prophétiques, il retendait à tous les livres de l’Ancien Testament, dont les auteurs étaient pour lui des prophètes. Coll., c. ix-xi, xxviii, col. 257, 261, 264, 293 ; Apol, I, c. xxxii, liv, lix, col. 377. 109, H6. Les livres historiques eux-mêmes ont été’écrits sous l’inspiration prophétique. Coll., c. xxxv, col. 304. Tatien, disciple de saint Justin, avait constaté, lui aussi, le vide de i enseignement des philosophes. Il suit doue la même méthode que son maître pour prouver la divinité de l’Écriture. Le désaccord des philosophes est un indice certain de la fausseté de leur doctrine, car la vérité ne se contredit pas. Oral. adv. Grxcot, c. il, iii, xxv, /’. G., t. vi, col. 805-812, 860-861. Les chrétiens sont unanimes dans leur enseignement qui vient de Dieu, lbid., c. xxxii, col. 872. La philosophie chrétienne est vraie, parce qu’elle a été annoncée

par les prophètes. Ibid., c. xxix, xxxvi, col. 868, 880. Tatien appelle donc les Écritures : Geio-cirai ; Ipixyjveîa ;, Sià ypacpr, ; èEEXr ;)iy(X£va ;, Ôetotspa ; èxçuv^CTeco ; Xéyouç. Ibid., c. xii, col. 832. Alhénagore oppose, lui aussi, la doctrine des chrétiens à celle des poètes et des philosophes. Celle-ci est incertaine et fausse, puisque ses partisans sont en désaccord complet, celle-là est divine et a été divinement inspirée aux prophètes. Les philosophes sont allés à la recherche de la vérité, poussés non par Dieu mais par leur esprit propre ; les prophètes ont parlé sous l’impulsion du Saint-Esprit. On ne peut donc refuser de croire à l’Esprit de Dieu, dont les prophètes n’étaient que lesorganes. Légat, prochrist., c. vil, ix, P. G., t. vi, col. 901, 905, 908. Converti par la lecture des Livres saints, Théophile d’Antioche presse Autolychus de se convertir pour ne pas subir les supplices éternels prédits par les prophètes, car toutes les prédictions faites par les prophètes s’accomplissent. Ad Autolych., 1. I, c. xiv, P. G., t. vi, col. 1045. Une autre raison de croire aux oracles prophétiques, c’est leur harmonie, lbid., 1. III, c. xvii, col. 1144-1145. Cette harmonie ne se rencontre pas chez les philosophes et les poètes, qui sont inspirés par le démon et qui mêlent toujours le faux au vrai. Ibid., 1. II, c. vin ; 1. III, c. iii, col. 1060, 1061, 1124. Les prophètes, mus par le même esprit qui est l’Esprit de Dieu, annoncent la vérité sans mélange d’erreur, lbid., 1. II, c. ix, xxxv, col. 1061, 1109.

Quand les gnostiques, retournant contre l’Écriture l’argument des Pères apologistes, prétendirent que les Écritures étaient en désaccord, et par conséquent fausses, S. Irénée, Cont. hær., 1. III, c. il, P. G., t. vii, col. 846 ; S. Épiphane, Hær., xliv, P. G., t. xli, col. 823, quand Marcion opposa le Nouveau Testament à l’Ancien et soutint que ce dernier provenait du mauvais principe, Tertullien, Adv. Marcion., 1. I, c. xix ; 1. IV, c. i, P. L., t. il, col. 267, 361, voir t. i, col. 1382-1384, 1393-1398, les Pères affirmèrent et démontrèrent l’accord des deux Testaments en vue de prouver la divinité de l’Ancien. Saint Irénée emploie les deux livres, IIIe et IVe, de son traité Contra hæreses à montrer cet accord. Voir en particulier, 1. III, c. xi, n. Il ; 1. IV, c. ix, P. G., t. vii, col. 905, 996-999. Un de ses principaux arguments est l’accord doctrinal. L. IV, c. x, n. 1 ; c. xi, n. 1 ; c. xii, n. 3, col. 1000, 1001, 1005. Les différences réelles que l’on constate dans les deux Testaments n’empêchent pas qu’ils ne soient l’œuvre du même Dieu. L. IV, c. xv, n. 2, col. 1014. Le même Verbe de Dieu a envoyé les prophètes et les apôtres dans l’esprit de vérité et non dans l’esprit d’erreur. L. IV, c. xxxv, xxxvi, n. 5, col. 1087, 1095. Tertullien, qui, nous le dirons plus loin, recommandait une méthode différente contre les hérétiques, réfuta néanmoins directement Marcion dans son traité Adversus M arâonem. Il montra en particulier que les prophètes de l’ancienne alliance avaient annoncé le Christ et que le Christ avait parlé par leur bouche, 1. III, c. ii, v, vi, P. L., t. ii, col. 323, 326-328, et il conclut que l’Esprit du créateur avait prédit le Christ. L. III, c. xxii, col. 353. Il expliquait les diversités des deux Testaments en disant que leur unique auteur s’était conformé aux états et à la situation différente du genre humain. L. IV, c. l, col. 361-863. Dans son 14/)ologétique il démontre aux païens l’autorité de l’Ecriture. Il la fonde sur l’inspiration prophétique de ses ailleurs. C. XXIII, P. L., t. i, col. 377-381. Il la prouve par son antiquité", l’accomplissement de ses prophéties et par les malheurs que les juifs ont attirés sur eux par leur incrédulité. C. xix, col. 391. Les lettres des chrétiens sont donc des paroles de Dieu, aliment de la foi et fondement de l’espérance. (’.. xxxi, x.wix. roi. iiO. 168-469.

Clément d’Alexandrie, voulant convertir les (Irecs au Christ qui a parlé par les prophètes, Coh. ail Grsecot, c. 1, P. G., t. viii, col. Oi, montre que les philosophes et les poétes n’ont pas connu la vérité complète sur Dieu. Passant a l’examen des écrits prophétiques, il constate qi impie

il sans ornement, ils oui détourné les hommes du vice et de l’idolâtrie et < os » igné di i les. C. vi,

col. 173. Ils ont prêché le vrai Dieu, ou, pour mieux dire, l’Esprit de Dieu a parlé par leur bouche. C. viii, ix, col. 188 193. C’est le même pédagogue qui enseigne, quoique diversement, dans les deux Testaments. Pedag, , c. vii, iii, col. 320-321, 965. Les livres de l’Ancien et « lu Nouveau Testament ont Dieu pour auteur principal ; la philosophie vient île Dieu aussi et non du diable, mais par simple conséquence, parce que les philosophes ont volé aux saintes Écritures les étincelles de vérité, qui brillent dans leurs livres. Strom., I, 5, 1°, col. 717, 798. Clément prouve contre Basilide et Valentin que Dieu est l’auteur des deux Testaments et qu’il n’y a qu’une seule fui, fondée sur les prophéties et parachevée dans l’Évangile. Strom., ii, 6 ; iv, 1 ; Coût. Valentin., I. IV, c. xii, col. 964, 1210, 1297.

Origène, ayant à défendre les Écritures contre le païen Celse, affirme que le Saint-Esprit habitait dans l’âme de Moïse qui a parle de la religion avec plus de clarté que Platon et qu’aucun philosophe grec ou barbare. Cont. Celsum, i, 1’.), P. C, t. IX, col. 093, 090. Moïse a écrit les lois que Dieu promulguait et rédigé l’histoire conformément à la vérité, iii, 5, col. 928. La lecture attentive de ses écrits et notamment du récit de la création aurait convaincu Celse que le Saint-Esprit avait inspiré le prophète, iv, 55, col. 1120. L’amour de la vérité et le zèle persistant à corriger les humains sont des indices de l’inspiration de ceux qui, comme Moïse et les prophètes, ont ces qualités, iv, 4, 7, col. 1033, 1037. La conduite de ces hommes inspirés, comparée à celle des philosophes, suffit à montrer que leurs écrits sont divins, tandis que ceux des philosophes apparaissent comme des œuvres humaines, ni, 81, col. 1028. Il fallait que les juifs eussent des prophètes pour annoncer l’avenir, afin de ne pas paraître inférieurs aux païens qui avaient des oracles, des augures et des aruspices, I, 3fi ; ni, 2, col. 728-729, 924. Or les juifs croyaient avec raison que leurs prophètes étaient inspirés et ils joignaient leurs livres à ceux de Moïse qu’ils tenaient pour sacrés, i, 13 ; iii, 2, 3, col. 741, 921, 925. Les chrétiens partagent sur ce point la foi des juifs, i, 45 ; ni, 4 ; v, 00, col. 744, 92.">, 1276, et ils ne se trompent pas, car la prescience de l’avenir prouve l’inspiration divine, Dieu seul pouvant prévoir les choses futures, I, 35 ; ïi, 10, col. 728, 1305. D’ailleurs, la foi des chrétiens n’est pas aveugle ; l’Esprit-Saint, qui a inspiré la doctrine chrétienne, l’a appuyée par des prophéties claires et évidentes et par des miracles, i, 2, 50, col. Cû(i, 753. La vérité et la divinité des prophéties résultent tant de leur matière, l’avenir, accessible à Dieu seul, que de leur accomplissement, iv, 21 ; vi, 10 ; vii, 10, col. 1056, 1305, 1536. Enfin, une bonne vie, digne du Saint-Esprit qui les anime, distinguait les véritables prophètes des faux prophètes, vii, 7, col. 1429, 1432. Origène avait déjà réfuté par les mêmes arguments Apelle qui ne trouvait pas dans les écrits de Moïse des indices de l’inspiration de leur auteur. In Cru., homil. II. n. 6, P. G., t. xii, col. 105 ; cf. In Num., homil. xxvi, ibid., col. 771. Pour le célèbre docteur d’Alexandrie, la démonstration de la vérité et de l’inspiration des Ecritures par l’accomplissement des prophéties n’était pas seulement un procède d’apologétique contre les païens et les hérétiques ; c’était une méthode fondée sur les principes. Dans le IIspl àp/oïv. Origine démontre la divinité des Ecritures afin de pouvoir en tirer légitimement des arguments en faveur de la doctrine chrétienne. Or la principale preuve de l’inspiration dis Ecritures est l’accomplissement des prophéties messianiques. L’avènement de Jésus-Christ dans le monde prouve irréfragablement la divinité des livres de l’Ancien Testament, au point que leur origine divine ne pouvait auparavant être clairement démontrée. h* / rinc., iv, 0. / < ;., t. xi, col. 352-353. Cf. A. Zôllig, Die Inspirationslehre des Origenes, Fri — n-Brisgau, 1902, p. 7-15.

Saint Cyprien citait avec confiance les deux Testaments pour prouver la doctrine chrétienne, car celui qui craint Dieu sait que les prédictions divines sont véritables et que l’Écriture ne peut mentir. De opère et eleemosynis, 8. /’. L., t. iv, col. 608. Pour lui, le prophète inspiré dit la vérité-. Ad Demetrianum, 11. ibid., col. 552. Au début du iv siècle. Lactance, après avoir exposé, au 1. III de ses Institut !

avaient vainement tenté de répandre la vérité, prouve au 1. IV la divinité de la religion chrétienne. Son premier et principal argument est l’autorité des prophètes dont les oracles, pleinement réalisés, sont l’œuvre du Saint-Esprit. C. v. /’. L., t. vi, col. 15$1-$259. L accord des prophètes dans la doctrine et dans leurs oracles est une autre preuve de leur inspiration divine. L. I, c. iv ; I. IV, c. xi, col. 127-128, 475. Leur style simple et barbare ne nuit pas à leur autorité. La vérité néglige le fard. L. V, c. i, col. 550. Dieu, qui inspirait les prophètes, aurait pu leur donner l’élégance du langage ; il a voulu rendre clair son enseignement et le mettre à la portée de toutes les intelligences. I. VI. c. xxi. col. 714 ; cꝟ. 1. 111, c. i, col. 350. Arnobe. Adv. gentet, 1. I, c. lviii, P. L., t. v. col. 796, réfutait de la même manière l’objection que les païens tiraient du style simple et de la langue vulgaire des évangélistes.

I u m 1m de Césarée, dans sa Préparation évangélique, suit la méthode des anciens apologistes et prouve la divinité et l’inspiration des prophètes par l’accomplissement des prophéties, 1. I. c. ni. i ; I. VI. c. xi ; 1. XIII, c. xi P. G., t. xxi. col. 32-37. 481. 4M. 1140 ; par la doctrine profonde de l’Ancien Testament, exposée dans un style simple et clair et comparée aux erreurs des philosophes sur Dieu, 1. III, c. x ; 1. XV, c. i. col. 189, 1296, et par l’admirable harmonie des écrits prophétiques. 1. XIV, c. ii, iii, col. 1181-1185. comparée au désaccord des philosophes. L. XV, c. LXII, col. 1108. Après avoir ainsi démontré l’origine divine des livres hébreux, Demonst. ev., 1. I, proœm., P. G., t. xxii. col. 16, Eusèbe leur emprunte des arguments en faveur de la religion chrétienne. L. I, c. i, col. 20. Il compare, d’ailleurs, les prophètes juifs et les devins païens, et il montre longuement que, tandis que les devins du paganisme étaient inspirés par les démons, les prophètes juifs parlaient et écrivaient sous le souffle du Saint-Esprit. Præep. ev., I. IV, c. i-iv ; 1. V, VI. c. i-v. P. G., t. xxi, col. 229 401, 404-112 ; Demonst. ev., 1. Y, proœm., i G., t. xxii, col. 337-311.

A son tour, pour réfuter les calomnies de Julien l’Apostat contre les livres de Moïse et des prophètes, saint Cyrille d’Alexandrie prouve qu’ils contiennent seuls la vérité sur Dieu. De même qu’Eusèbe, Prmp. i. 1X-X. /’. G., t. xxi. col. 679-842, il prétend que les Grecs ont connu les écrits des Hébreux et leur ont ravi les parcelles île vérité qui se trouvent dans leurs propres ouvrages. Seuls leurs emprunts à la littérature hébraïque sont vrais. Quand ils parlent d’eux-mêmes, les philosophes grecs sont en désaccord entre eux ils disent des absurdités. Moïse, les prophètes et les évangélistes, inspirés de Dieu, disent la vérité sur Dieu et ne se contredisent pas. Cont. Julian., 1. 1. /’. Gf., t. lxxvi, col. 524, 525. 540, 545 I s écrivains inspirés ont montré par la sainteté de leur vie et par les miracles qu’ils ont opérés, qu’ils disaient la vérité et qu’ils étaient dignes de foi. L. Vlll, col. 913. 996. Saint Chrysostome, Exposit. m Ps. /v, n. 11. /’'.’., t. i, col. 57. lait reposer, lui aussi, la divinité des I prophétiques sur la réalisation de prophéties qu’ils contiennent. Saint Augustin lui même, qui a si

ment relevé l’autorité de l’Église en matière de canonicité (voir col. 1566), n’hésite pas à prouver l’inspiration des prophètes par l’accord surprenant de leurs prédictions. De consensu evangelist., 1. III, c. vii, n. 30, P. L., t. xxxiv, col. 1175-1176. Il aflirme maintes fois que Dieu, qui prévoit l’avenir, l’a prédit par la bouche et la plume des prophètes.

Cette manière de démontrer l’origine divine de l’Écriture par son contenu a persévéré dans l’Église, même lorsque d’autres méthodes avaient prévalu. Ainsi Junilius, à la question : Unde probamus libros rcligionis nostrse divina esse inspiratione conscriptos" ? répond : Ex multis, quorum prima est ipsius Scripturse veritas, dcincle ordo rerum, consonantia præceptorum, modus locutionis sine amhilu purilasque verborum. Additur conscribentium et prtedicantium qualitas, quod divina homincs, excelsa viles, infacundi subtilia nonnisi divino repleli Spiritu tradidissent ; tum prsedicationis virtus, quse mundum licet a paucis despeclis prædicaretur, obtinuit. Accedunt his lestificatioconlrainorumutsibyllarum vel philosophorum, expulsio adrersariorum, ulilitas consequentium, exilns eorum quæ per acceptiones et figuras prx.diclionesque prsedicta sunt ; ad postremum miracula jugiter facta, donec Scriptura ipsa susciperetur a genlibus, de qua hoc nunc ad maximum miraculum sufficit, quod ab omnibus suscepta cognoscitur. Instit. regul. divïnse legis, 1. II, c. xxix, P. L., t. lxviii, col. 42 ; Kihn, Theodor von Mopsuestia und Junilius Africanus als Exegeten, Fribourg-en-Brisgau, 1880, p. 527.

Au xif siècle, Baudoin, archevêque de Cantorbéry, fait dépendre la vérité de la foi de l’autorité de l’Écriture, et pour démontrer cette autorité, il s’appuie, le premier à notre connaissance, sur le témoignage des prophètes qui ont eu conscience de leur inspiration divine et qui ont confirmé leur témoignage en faveur de leur inspiration par la sainteté de leur vie et par leurs prophéties à brève échéance dont la réalisation garantissait la vérité de toutes leurs paroles. De commendatione jidei, P. L., t. cciv, col. 619-621. Leur inspiration est un gage que leurs oracles, révélés par le Saint-Esprit, sont vrais. Les apôtres, qui leur ont succédé dans la prédication, sont d’accord avec eux ; eux-mêmes ne se sont jamais contredits. Cet accord confirme que les prophètes et les apôtres ont été des témoins de la vérité. lbid., col. 625-628.

Dans le prologue de son commentaire sur les Sentences, Duns Scot démontre l’inspiration de la sainte Écriture par dix arguments qu’il a empruntés aux Pères, à savoir, la prédiction de l’avenir, l’accord des écrivains inspirés qui vivaient à des époques différentes et n’étaient pas disciples les uns des autres, leur témoignage véridique en faveur de leur propre inspiration, la tradition juive et chrétienne au sujet des livres canoniques, leur contenu conforme à la raison, les erreurs de ses adversaires, la perpétuité de l’Église qui les reçoit, les miracles opérés par Dieu en faveur de cette Église, le témoignage des païens et des hérétiques, enfin la conversion du monde nonobstant les persécutions. In IV Sent., prol., q. ii, Opéra, Paris, 1893, t. VIII, p. 76-78. Pour prouver que la Hible est de Dieu et non pas de l’homme, Raymond de Sébunde, Theologia naturalis, tit. ccxi-ccxvi, la considère en elle-même, dans sa manière d’affirmer la vérité et dans son contenu, et il conclut qu’elle est de Dieu, qu’il faut croire tout ce qu’elle enseigne et que sa certitude dépasse toutes les sciences humaines.

Les controversistes catholiques, contemporains de la Réforme, discutent généralement les critères proposés par les protestants. Ainsi Hosius, Quod fides fundamentum sit religioni » christianm, c. xvii, Opéra, in-fol., Paris. 1562, p. 8 ; P. Wittfelt, Theologia cateehetica, 1. I, disq. III, inst. i, q. i, 1675. Cf. Libert-Iïomond, Coin

ment, in sac. Script., In II Tim., iir, iG, 1662. Plus tard, Serarius, qui rejette le critère indiqué par Calvin, s’appuie cependant encore sur les critères internes pour prouver l’origine divine des Livres saints. Prolegomena biblica, c. iv, q. i-xii. Tobie Lohner, lnstitutiones quintuplicis tlieologise, tr. I, 1. I, tit. iv, v, 1679, joint au témoignage de Jésus-Christ, des apôtres et des Pères en faveur des livres inspirés celui de Dieu ou les miracles, l’accomplissement des prophéties et le contenu lui-même de la Bible, qui est saint et conforme à la raison. Noël Alexandre, Hist. eccl. V. T., diss. XII in iv am œtatem, 1676, suit la même méthode. Pour démontrer que l’Écriture est une règle infaillible de la foi, Suarez s’appuie principalement sur le fait de son origine divine ou de son inspiration. A ce motif de foi, il joint cependant, comme simples motifs de crédibilité, l’accomplissement des prophéties, l’accord et l’harmonie de tous les livres canoniques, la sainteté et la pureté de leur doctrine. De ftde, disp. V, sect. iii, n. 8, Opéra, Paris, 1858, t. xii, p. 144-145. Dès lors, ce n’est plus qu’à ce titre qu’ils sont invoqués, ou bien comme simples confirmations de la thèse prouvée par l’autorité de l’Église, ou bien dans la polémique avec les incrédules qui ne se rendent pas à la déclaration de l’Église. Cf. Frassen, Disquisitiones biblicæ, . I, c. i ; 1. III, c. iii, Paris, 1682 ; E. Dupin, Prolégomènes sur la Bible, 1. II, c. i ; Juenin, lnstitutiones theologicæ, proleg., diss. IV, c. iii, Paris, 1701 ; Calmet, Dissertation sur l’inspiration des livres sacres, dans Dissertations, Paris, 1720, 1. 1, p. 56-73 ; Chérubin de Saint-Joseph, Summa critiese sacræ, disp. V, a. 6, 7, 1704-, 1. 1, p. 463-516 j.Marchini, De divinilate et canonicitate sac. librorum, part. I, a. 4, dans Migne, Cursus complétas Script, sac, t. iii, col.55sq. ; Chrismann, Régula jidei catholicse, %b, dans Migne, Cursus complétas llico* logiæ, t. vi, col. 907-909.

2° Reconnaissance de l’origine et de l’autorité divine de l’Écriture par l’Église. — L’autorité de l’Église sur l’Écriture s’est exercée, et a été reconnue au cours des siècles, de diverses manières, d’abord implicitement par la possession et l’emploi, notamment dans les offices liturgiques, puis plus ou moins explicitement par la manifestation de plus en plus nette d’une tradition ecclésiastique, et enfin officiellement par des décisions disciplinaires ou dogmatiques.

1. Possession et usage de la Rible dans l’Eglise, surtout pour les lectures liturgiques. — Nous l’avons déjà dit, les chrétiens regardaient les Livres saints comme « leurs livres » , « leur littérature ; » ils s’en servaient comme de leur bien propre, comme étant la propriété de l’Église. Pour exclure les Évangiles apocryphes les Pères disent que l’Eglise n’a que quatre Évangiles. S. [renée, Cont. hær., ni, 11, P. G., t. vii, col. 885 ; Origène, In Luc, homil. i, P. G., t. « Il, col. 1803. Ce sont les seuls qui aient été transmis. Clément d’Alexandrie, Strom., iii, 13, P. G., t. viii, col. 1193. Les aloges prétendaient que les écrits de saint Jean n’étaient pas dignes d’être dans l’Église. S. Épiphane, User., LI, 3, P. G., t. xi.i, col. 892. Quand Origène parle des livres qui ont droit de faire partie de la Bible, il dit qu’ils sont reçus dans l’Eglise ou dans les églises. Epist. ad Africanum, 1, 2, P. G., t. vi, col. 48, 49 ; Cont. Cclsum, v. 54, i-bid., col. 1268 ; InMaltli., t. xiv, 21, P. G., t. XIII, col. 1240. Mais l’usage principal que l’on fait de ces livres dans l’Église de Dieu ou dans les églises est leur lecture publique durant les offices liturgiques. On estime généralement que la coutume de lire l’Écriture dans les réunions communes a passé de la Synagogue à l’Église, Or la lecture officielle d’un livre comme Écriture sainte était dans l’antiquité un critérium de son origine divine et de sa canonicilé. Le canon de Muralori parle d’écrits apocryphes, quoe. in catholicam Ecclesiam recipi non congruit, 1. 66 ; il dit de l’Épitre de saint.Inde et do deux Épitres de saint Jean que in cal/iolira (sous-en1565

CANON DES LIVRES SAINTS

tendu : Ecelesia) habentur, I. 88, 09 : il dit de l’Apocalypse de saint Jean ou de celle de Pierre que quelques Romains ne veulent pas la lire < I église, 1. 72 ; il assure que II’Pasteur d’Hermas, qui est d’origine récente, ne peut pas être lu à I église ni avec les prophètes ni avec les apôtres, 1. 77 sq. Origène, Eusèbe, etc., emploient souvent l’expression 81)|M>vctvca0ai (ou 81)|uûto6at) âv è/./>T/j.V ; pour dire qu’un livre est admis à la lecture publique dans les églises. C’est le terme qui oppose les écrits i publics » aux livres i secrets, cachés » , c’est-èdire aux apocryphes. Voir t. i, col. 1498-1500. Durant les premiers siècles, les Épttres de saint Clément de Home, la Doctrine ds apôtres, l’Épitre de Barnabe, le Pasteur d’Hermas ont été lus publiquement dans un certain nombre d’Églises, qui les tenaient comme œuvres divines et inspirées. Des apocryphes même ont servi aux lectures puhliqucs dans telle Eglise particulière. Ces faits ne prouvent pas que la lecture officielle n’était pas un critérium reconnu de canonicité ; ils montrent seulement que, dans certains milieux ecclésiastiques, on en faisait une fausse application. Cf. A. Loisy, Histoire du canon du A*. T., p. 81-88. Plus tard, quand le triage des livres canoniques et des apocryphes fut opéré, la lecture publique des Livres saints fut reconnue comme une preuve de leur canonicité. Ainsi saint Augustin, De prasdestinatione sanctorum, 27, P. L., t. xliv, col. 980, défend pour cette raison la canonicité de la Sagesse. Par contre, Théodore de Mopsueste attaque la canonicité du Cantique, parce que ce livre n’est lu publiquement ni chez les juifs ni chez les chrétiens. Mansi, Concil., t. ix, col. 227. Ce critérium de canonicité était reconnu partout : à Édesse, ainsi qu’il résulte de la Doctrine d’Addaï, l’hilipps, 771e doctrine of Addaî, 1876, p. 46 ; en Asie, où le 59e canon du concile de Laodicée interdit la lecture des livres non canoniques, Mansi, t. ii, col. 574 ; cf. Const. apost., il, 57, P. G., t. i, col. 728729 ; en Afrique, où les trois conciles d’Ilippone (393) et de Carthage (397 et 419) ordonnaient de ne rien lire dans les églises, sous le nom d’Ecritures divines, sinon les Écritures canoniques. Mansi, t. iii, col. 921 ; t. iv, col. 430. Il a servi, même au moyen âge, pour aflirmor la canonicité des deutérocanoniques de l’Ancien Testament. Cf. Amalaire († 837), Liber de origine antiphonarii, li, V.L., X. cv, col. 1310 ; Zona ras, P. G., t. cxxx vu i, col. 121 ; Ilonorius d’Autun, Sacramentarhtm, 100, P. L., t. ct.xxii, col. 801.

2. La tradition ecclésiastique.

Au IIe siècle s’élevèrent des hérésies. Les unes, comme les gnostiques, multipliaient les écrits apocryphes ; les autres, comme celle de Marcion, diminuaient et altéraient le recueil des Ecritures. L’Église leur opposa sa tradition. Saint Sérapion, évoque d’Ântioche, rejette l’Évangile de Pierre, qu’il avait trouvé aux mains de quelques chrétiens, parce qu’il n’a pas été transmis par la tradition. Eusèbe, II. /.’., vi, 12. /’. G., t. xx, col. 545. Tertullien refuse de discuter avec les marcionites le sens des Livres saints, qui ne sont pas leur propriété ; la discussion ne pourrait aboutir. Pour les convaincre, il faut recourir au principe d’autorité qui réside dans l’Église apostolique. Deprœscript., 17-19. 30, /’. /.., t. n. col. 3031, 43. Or, dans les Églises apostoliques, on garde les lettres des apôtres, et l’Église romaine, pour alimenter sa foi, joint la loi et les prophètes aux écrits évangéliques et apostoliques. Ibid., 36, col. 19-50, Tertullien affirme connue un principe certain que l’Évangile, qu’il n dait comme le supplément de l’Ancien Testament, Adv. Herniogenem, 20, P. /… t. ii, col. 216, avait pour auteurs et garants les apôtres eux-mêmes, soit qu’ils aient public’les écrits qu’ils avaient eux-mêmes composés,

soit qu’ils aient approuvé et couvert de leur autorité

ceux de leurs disciples. Adv. Marcion., iv, 2, col 364. Il reconnaît l’Évangile de saint Luc, tel qu’il est

conserve dans l’Église, et non pas tel que l’a altéré

Marcion. Ibid., iv, t. col. : v ;  : > 396. n affirme que lai Églises apostoliques patronnent les autres Évanj qum proinde per Mat um u’(a> habemut. I

iv, 5, col. 366-867. L’Épitre aux Hébreux, qu’il cite comme ouvre de Barnabe, a de l’autorité à se « yeux, parce qu’elle est l’œuvre d un disciple et d’un collal/or. itenr des apôtri De | udù itia, -J", col. 1021. D’ailleurs elle est reçue par un plus grand nombre d Égli Pasteur, qu’il rejette parce qu il lé comme

apocryphe par la plupart des Églises. Ibid., 10 col. 1000, 1021. Clément d’Alexandrie, Strom., iii, 13, I’. G., t. viii, col. 1193, ne connaît que quatre Eangiles, « qui nous ont été transmis, » dit-il, et il plane en dehors de ces quatre récits traditionnels l’Evangile « les Égyptiens. Origène, In Malth., homil. i, /’. G., . un, col. 829, ne connait non plus que quatre Évangiles, transmis par la tradition et reçus dans l’Église uni. er L’hérésie en a davantage, mais l’Église n’a que les quatre qui sont approuvés. In Luc, homil. i. ibid., col. 18021803. La tradition ecclésiastique et apostolique est pour lui la règle de la vérité. Or cette tradition nous enseigne de vive voix que la loi, les prophètes et les Évai sont l’œuvre du Dieu juste et bon. le l’ère de Jésus-Christ et le Dieu des deux Testaments. De princ., i, n. 4, P. G., t. xi, col. 117, 118. Eusèbe se sert de la tradition ecclésiastique pour distinguer trois classes d’Ecritures canoniques. H. E., m. 25 ; v, 8. P. G., t. xx, col. 216, 269, 448. Voir col. 1589. Saint Cyrille de Jérusalem, Gat., iv, 33, 35, ’'*'>. P. G., t. xxxiii, col. 496, 197, revendique pour l’Eglise le soin de fixer le canon : « Apprends soigneusement de l’Église quels sont les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, et ne lis rien des apocryphes. » Les livres canoniques sont ceui qu’on lit à l’église, i Ceux qui nous les ont transmis apôtres et les saints évêques, étaient plus sages et plus pieux que toi. » Pourprouvercontre Théodore de Mopsueste que le Cantique des cantiques était un livre biblique, Théodoret en appelle au témoignage des Pères qui l’ont reconnu comme inspiré. Di Gant., præf., P. G., t. î.xxxi, col. 29. Rulin, In symbolum apost., n. 36, P. L., t. xxi. col. 373, donne la liste des livres que, « selon la tradition des ancêtres, on croit inspirés par le Saint-Esprit lui-même et qui ont été transmis aux églises. » Dans le 85’canon apostolique, les apôtres, qui ont la parole, appellent les écrits du Nouveau Testament nos livres » . Mansi, Concil., t. i, col. 77. Mais aucun docteur n’a relevé l’autorité de la tradition et de l’Église relativement aux Ecritures canoniques autant que saint Augustin. « En ce qui concerne les Écritures canoniques, dit-il, Dedoct. christ., n.8. n. 12, P. L., . xxxiv, col. tO41, il faut suivre l’autorité du plus grand noThbre des Eglises catholiques, parmi lesquelles doivent être assurément celles qui ont mérité d’avoir des chaires apostoliques et de recevoir des Épitres. On se conduira donc à l’égard des Ecritures canoniques de façon à préférer celles qui sont reçues de toutes les Églises apostoliques à celles qui ne sont pas reçues de quelques-ui parmi celles qui ne sont pas reçues de toutes, celles que reçoivent les plus nombreuses et les plus importantes à celles que retiennent les Eglises moins nombreuses et de moindre autorité. Si l’on en trouve qui soient gardées par les plus nombreuses et d’autres par les plus importantes, bien que cela ne [misse facilement se rencontrer, je crois qu’il faut leur attribuer une égale autorité, i Mais au-dessus des traditions divergentes des Églises particulières, le saint docteur place l’autorité vivante de l’Église, et s’il croit à l’Évangile,

c’est parce que l’autorité de l’Église Catholique l’y i’mine. Il obéit a l’Eglise catholique qui lui dit : ("rois a l’Évangile. D’ailleurs si on croit a l’Évangile, il faut croire aussiau livre des Actes des Apôtres, car l’autorité Catholique recommande pareillement les deux Écritures

de l’Ancien et du Nouveau Testament. Cont. eyist. mani

chsei, c.v, P. L., l. xlii, col. 176-177. Voir t. i, col. 2341. Saint Ildepbonse, Annolationes de cognitione baptisrai, c. ijcxvii-lxxix, P. L., t. xcvi, col. 139-140, dresse Ja liste des livres des deux Testaments que la tradition des anciens reconnaît comme inspirés. Les livres Carolins, 1. III, c. i, P. L., t. xcviii, col. 1114, reçoivent les Livres saints dans le nombre que fixe l’autorité de la sainte Église catholique.

Ce principe de l’autorité de la tradition ecclésiastique appliqué depuis le IIe siècle pour former le recueil des écrits inspirés, a toujours été reconnu par l’Église catholique, et M. Reuss, Histoire du canon des saintes Écritures, p. 243, le rappelait aux théologiens protestants et reconnaissait franchement que le recueil scripturaire a été ainsi constitué d’après un principe étranger au protestantisme. Cette tradition n’est pas une simple tradition humaine, mais c’est la tradition catholique vivante, organe infaillible de l’enseignement apostolique. Elle s’applique à l’Écriture entière, et elle n’exige pas essentiellement, pour le Nouveau Testament, l’origine apostolique de tous les livres. L’acceptation d’un livre par l’Eglise lui confère la canonicité ; l’origine apostolique d’un livre ne suffit pas à elle seule à prouver que ce livre est inspiré, et le critère de l’apostolat, imagine -’par Michælis, Introductio in N. T., t. i, p. 116, n’a pas été connu dans l’antiquité, qui a parlé seulement de la garantie donnée aux Livres saints par l’autorité apostolique, base et fondement de la tradition catholique. Cf. A. Catharin, In septem epistolas canonicas prœfalio. Cependant des théologiens catholiques regardent l’apostolicité, c’est-à-dire l’origine ou l’approbation apostolique, comme ayant été dans les premiers siècles le principal critère de la canonicité des écrits du Nouveau Testament. Joiion, Le critérium de l’inspiration pour les livres du N. T., dans les Etudes, janvier 1904, p. 80-91. A partir du montanisme cette apostolicité a été, à tout le moins, un moyen de reconnaître les livres que la tradition ecclésiastique avait admis dès le temps des apôtres et transmis comme divins.

3. Décisions explicites de l’Eglise.

L’Église a exercé son droit de reconnaissance officielle des Écritures en portant des décrets particuliers ou généraux, disciplinaires ou dogmatiques, touchant quelques livres inspirés ou la collection entière. Au témoignage de saint Jérôme, Prsef. in Judith, P. L., t. xxix, col. 39, le concile de Nicée (325) a déclaré le livre de Judith canonique. On en a souvent conclu que ce concile avait dressé un canon complet de l’Écriture ; mais saint Jérôme ne le dit pas et il ne reste aucune trace de ce canon. Ilefele, Hist. des conciles, trad. Delarc, t. ii, p. 130, pense que le concile n’a parlé du livre de Judith qu’en passant, en le citant directement ou indirectement et en approuvant ainsi tacitement sa canonicité. Le II" concile général de Constantinople (553) a anathématisé Théodore de Mopsuoste qui rejetait hors du canon le livre de Job et le Cantique des cantiques. Mansi, Concil., t. ix, col. 223-227. Le IVe concile de Tolède, en 633, excommunie quiconque ne reçoit pas l’Apocalypse, reconnue comme livre divin par l’autorité de plusieurs conciles et les décrets synodaux des pontifes romains. Mansi, t. x, col. 624. En effet, un concile romain sous le pontificat de saint Damase, en 382, avait donné une liste complète des Livres saintfl reçus dans l’Église catholique. A. Thiel, De décrétait Gelasii papæ, 1866, p. 21 ; Labbe, Concil., t. iv, col. 1260. Cette liste a été longtemps connue sons le nom de décret de Grélase, parce qu’elle a été reproduite par ce pape (492-496). E. Preuschen, Analecla, Fribourg-en-Brisgau, 1893, p. 147-149 ; Turner, dans70urnai o) theologicals’udies, 1900, t. i, [i. 554-560. Le pape saint Innocent I" l’a encore reproduite en 405 dans sa lettre à Exupére, évéque de Toulouse, n.43, /’. L., t. xx, col. 501. Les conciles d’Ilippone, en 393, et de Carthage, en 397 et 419, ont

dressé un canon analogue. Denzinger, Enchiridion, doc. xix ; Mansi, t. iii, col. 924, 839 ; t" IV, col. 430. Mais ces conciles africains ne prétendaient pas donner d’euxmêmes une décision définitive, puisqu’ils communiquaient au pape Boniface ou aux autres évoques pour le confirmer le canon des livres qu’ils avaient reçus de leurs pères pour les lectures publiques. Voir t. i, col. 2341. En 865, le pape Nicolas I er, dans une lettre aux évêques de la Gaule, s’appuie sur le décret d’Innocent I er concernant les Écritures pour prouver qu’il faut recevoir toutes les décrélales des pontifes romains. P. L., t. exix, col. 902. Le 4 février 1442, Eugène IV promulgua, avec l’approbation des Pères du concile de Elorence, une bulle d’union imposée aux monophysites syriens et éthiopiens. Il y inséra l’ancien canon romain des saintes Écritures ; toutefois son but n’était pas de définir expressément la canonicité des livres cités ; il affirmait seulement « qu’un seul et même Dieu est l’auteur de l’Ancien et du Nouveau Testament, c’est-à-dire de la loi, des prophètes et de l’Évangile, parce que c’est sous l’inspiration du même Saint-Esprit qu’ont parlé les saints de l’un et l’autre Testament dont elle reçoit et vénère les livres » . Mansi, t. xxxi, col. 1736. Voir t. i, col. 1385. Toutes ces décisions, concernant le canon complet de la Bible, n’avaient qu’une valeur disciplinaire ou ne définissaient pas directement la canonicité des Livres saints. C’est le concile de Trente, sess. IV, qui décida dogmatiquement pour la première fois, le 8 avril 1546, la canonicité de ces livres. Voir col. 1593 sq.

Tels sont les critères de la canonicité qui ont toujours été appliqués ou enseignés dans l’Église catholique dès le IIe siècle. Il faut ajouter que plusieurs théologiens modernes, tout en enseignant que les Livres saints sont distingués des livres profanes par le jugement infaillible et le témoignage officiel de l’Église, ont cependant indiqué un autre critérium de l’inspiration des Livres saints. Ils le trouvent dans le témoignage même de l’auteur inspiré, qui, ayant conscience de son inspiration, aurait attesté que le livre composé par lui était divin. François Sonnius, évêque de Bois-le-Duc, De verbo Dci, c. xi, dans Demonst. religionis christ., 2e édit., Cologne, 1563, p. 11-12, distinguait deux manières différentes dont sont discernées les saintes Ecritures. Les auteurs inspirés qui, d’après lui, recevaient immédiatement de Dieu la révélation des choses qu’ils écrivaient, reconnaissaient la parole de Dieu par une illumination surnaturelle et par le témoignage même de l’Esprit inspirateur. Us n’avaient besoin ni de miracles ni de témoignage extérieur. Quand Dieu révèle sa pensée à un homme, il éclaire son intelligence de façon à lui faire discerner que la révélation donnée est la parole même de Dieu. Les autres hommes, qui tiennent la révélation divine de la bouche des prophètes et des apôtres, ont besoin du magistère de l’Église qui leur atteste quels sont les livres inspirés. Or la conscience que les écrivains sacrés avaient de leur inspiration a été appliquée au discernement divin des Écritures. Voici par quel raisonnement : L’homme inspiré, ayant ainsi par révélation divine connaissance de sa propre inspiration, a pu, par ordre de Dieu, l’affirmer à ses contemporains, ou aux prophètes de l’ancienne loi, aux apôtres de la nouvelle, ou seulement à quelque personne digne de foi. Sa parole seule aurait été un témoignage humain sans autorité divine ; pour obtenir une adhésion de foi divine, il fallait des preuves surnaturelles de la vérité de son affirmation, il les fournissait par des miracles et des signes Certains d’une mission divine. Ce témoignage donné dans les circonstances supposées ou inséré dans l’Écriture deviendrai ! sans doute une parole infaillible de Dieu. Magnier, Etude sur la canonicité des sainte » Écritures, Paris, 1892, p. 121-121. Mais en a-t-il été ainsi ? Non. Les noms de beaucoup d’écrivains inspirés de l’Ancien Testament son ! Ignorés ; il n’est pas certain que les auteurs [569

CANoX DES LIVRES SAINTS

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es avalent tons conscience de leur inspiration, et on ne oonnalt aucun exemple, en dehors peut-êtri prophètes, d’un écrivain sacré ayant manifesté pur des miracles l’in piration de ses écrits, Quoique ce critérium soit possible et valable, moyennant certaines conditions, il n’a pas été connu ni employé par I et on n’a pas de preuve suffisante de son emploi direct, même chej li i juifs. Fût il vérifié pour quelques livres, il ne pourrait pas l’< tre peur tous. Il reste donc inadéquat, et pour fixer le canon complet ( ! < l’Ecriture, il faudrait, en outre, recourir à l’autorité de l’Église, Beul juge infaillible de la canonicité des Livres suints. F. Schmid, De inspirationis Bibliorum vi et ratione, Brixen, 1885, p. 416-420 ; C. Chauvin, L’inspiration de » divines Écritures, Paris, s. d. (1896), p. 90-99.