Dictionnaire de théologie catholique/BAPTÊME DANS LA SAINTE ÉCRITURE

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 2.1 : BAADER - CAJETANp. 92-97).

1. BAPTÊME.

L’ensemble des questions qui concernent le sacrement de baptême sera étudié en onze articles, distribués, autant que possible, suivant l’ordre chronologique. —

I. Baptême dans la sainte Écriture.

II. Baptême d’après les Pères grecs et latins.

III. Baptême des hérétiques. Controverse relative à ce baptême.

IV. Baptême d’après les monuments de l’antiquité chrétienne.

V. Baptême chez les Arméniens.

VI. Baptême chez les Coptes.

VII. Baptême chez les Syriens.

VIII. Baptême dans l’Église latine depuis le VIIIe siècle avant et après le concile de Trente.

IX. Baptême d’après le concile de Trente.

X. Baptême dans l’Église anglicane et dans les sectes protestantes après le concile de Trente.

XI. Baptême des infidèles d’après Benoît XIV.


I. BAPTÊME DANS LA SAINTE ÉCRITURE.

— Le mot « baptême » , qui vient du latin baptisma ou baptixmus, calqué lui-même sur le grec pâim<r[i, oi ou f5a7m<7u, ô< ;, a. dans le Nouveau Testament, plusieurs sens correspondant aux diverses significations du verbe grec fJairnÇio, d’où il dérive. Il désigne tantôt une « lotion » ou « purification » , Marc, vii, 8 ; Hebr., ix, 10 ; tantôt un « accablement de maux » , Matth., îx, 22, 23 ; Marc, x, 38, 39 ; Luc, xii, 50 ; tantôt « le rite baptismal » proprement dit, soit de saint.lean-liaptiste, Matth., III ; Marc, i, i ; soit de Jésus-Christ. Rom., vi, ï ; Eph., iv, 5 ; Col., ii, 12 ; I Pet., iii, 21. C’est cette dernière signification qui est attachée aux mois baptême et baptiser dans la langue chrétienne, spécialement en français. On entend par baptême, d’uni’façon générale, le sa, reniciil qui nous fait chrétiens et nous incorpore à l’Église, C’est l’idée sommaire qui se dégage à première vue de la sainte Ecriture, et que l’examen détaillé du texte nous permettra de préciser davantage. —

I. Figures et prophéties.
II. Institution.
III. Rites constitutifs.
IV. Nécessité et conditions.
V. Effets.
VI. Usage du baptême.

I. FIGURES ET prophéties. —

Figures.


On peut les diviser en deux catégories, suivant que leur caractère figuratif est indiqué par l’Écriture elle-même ou par la tradition. Nous ne nous occuperons ici que des premières. Il y en a six : 1° le déluge et l’arche, I Pet., ni, 20, 21, images du vieil homme dont les péchés sont anéantis par l’eau baptismale, et de l’homme nouveau qui est sauvé de la mort spirituelle en entrant dans l’Église ; 2° la nuée m iraculeuse qui conduisait les Hébreux au désert, I Cor., x, 2, les éclairant pendant la nuit et les garantissant du soleil pendant le jour, symbole du baptême qui illumine l’âme des croyants et amortit en eux les feux de la concupiscence ; 3° le passage de la mer Rouge, I Cor., x, 2, dont les deux circonstances principales, la délivrance des Hébreux et la submersion des Égyptiens, représentent l’âme délivrée de ses péchés par l’eau baptismale, et ses ennemis réduits à l’impuissance ; 4° le rocher d’où Moïse fit jaillir de l’eau au désert, image du Christ qui sauve les croyants par l’eau baptismale, I Cor., x, 4 ; 5° la sépulture du Sauveur, figure du baptême, d’après saint Paul, Bom., VI, 4, sans doute parce qu’il est la mort du vieil homme et la production du nouveau ; G enfin et surtout la circoncision, qui était dans l’Ancien Testament ce que le baptême est dans le Nouveau. De même en effet qu’elle était le signe de l’alliance de Jéhovah avec son peuple et l’acte par lequel les hommes étaient officiellement agrégés à la nation juive, de même le baptême nous incorpore à Jésus-Christ et à l’Église. Aussi les deux rites sont-ils rapprochés l’un de l’autre à plusieurs reprises, par l’apôtre saint Paul. Il enseigne que les chrétiens sont circoncis d’une façon spirituelle en Jésus-Christ, ayant été ensevelis avec lui par le baptême, et étant ressuscites avec lui par la foi. Col., il, 11, 12. Il ajoute que la vraie circoncision juive, celle qui était efficace devant Dieu, et par conséquent la figure vivante du baptême, n’est pas la circoncision purement extérieure et charnelle, séparée de l’observation des commandements, mais la circoncision qui suppose l’accomplissement de la loi. Rom., ii, 20, 29. A la différence du baptême, qui est en même temps signe et cause de la grâce, la circoncision n’était que le signe de la justification obtenue par la foi, signaculum justitix fidei. Rom., iv, 11. Pour plus de détails, voir Circoncision. Ces figures, dont la signification typique indiquée par les écrivains sacrés est indéniable, seront reprises et développées, avec d’autres, par les Pères. Voir Baptême chez les Pères.

Prophéties.


Certains commentateurs ont cru voir l’annonce du sacrement de baptême dans différents passages de l’Ancien Testament, dont les principaux sont : IV Reg., ii, 21 ; Ps. xxiii, 1-3 ; L, 7 ; exil, 3-5 ; Is., i, 16 ; xii, 3 ; i.v, 1 ; lii, 1-3, 15 ; Ezech., xvi, 5, 8-10 ; xxxvi, 25 ; xlvii, 1, 8, 12 ; Mich., vii, 19 ; Zach., xiii, I ; xiv, 8. Mais, suivant la très juste remarque de l’abbé Corblet, « parmi les prophéties qui paraissent se rapporter au baptême, il en est qu’on ne peut assurément considérée que comme d’ingénieux rapprochements imaginés par les Pères et les commentateurs. » Histoire du sacrement de baptême, Paris, 1881, t. i, p. 28. Le savant historien cite les textes que nous avons indiqués, avec quelques mots de commentaire, en ayant soin de dire qu’il laisse aux commentateurs la responsabilité de leurs interprétations » . Ihid. C’est qu’en effet celles-ci sont hasardées en général, et on ne saurait y attacher une sérieuse importance, sauf peut-être en ce qui concerne le passage d’Ézéchiel, XXXVI, 25, qui fait tenir à Jéhovah le langage suivant : Kjfundam super i’os aquam mundam, et mundabimini ab omnibus inquinamentis vestris. Ce texte fait partie d’une prophétie dont plusieurs traits paraissent messianiques. Aussi des commentateurs autorisés, entre autres le I’. Knabenbauer, lu Ezechielem, Paris, 1890, p. 372, n’hésitent pas y voir l’annonce prophétique du baptême.


II. Institution. —

A côté et au-dessus du baptême de saint Jean (voir Jean-Baptiste), l’Écriture en mentionne un autre, distinct du premier et supérieur à lui sous tous les rapports. Le texte sacré ne dit pas en propres termes que c’est Jésus-Christ lui-même qui a institué le baptême chrétien, mais il le dit d’une façon équivalente. Nous voyons, en effet, le divin Sauveur non seulement donner à ses apôtres, après la fondation de l’Église, l’ordre de baptiser toutes les nations, Matth., xxviii, 19, mais affirmer, dès le début de son ministère public, la nécessité d’une régénération spirituelle pour entrer dans le royaume de Dieu, Joa., III, 1-8 ; et l’ensemble de ce dernier passage est tel, qu’il ne peut désigner que le baptême chrétien. On y trouve l’annonce d’un rite nouveau, dont Jésus-Christ est le premier à proclamer la nécessité universelle : Nisi quis renatus fuerit ex aqua et Spiritu Sanclo, non potest introire in regnum Dei ; un rite extérieur et visible, puisque l’eau doit y jouer un rôle important ; enfin, un rite sanctificateur, puisque, par l’action combinée de l’eau et du Saint-Esprit, il ouvre l’entrée du royaume de Dieu et produit dans l’âme une vie nouvelle d’ordre supérieur à celle de la nature. Ce sont précisément les traits caractéristiques du baptême chrétien.

Faut-il en conclure que le sacrement a été institué dans cette circonstance, ou même quelque temps auparavant, lors du baptême de Jésus-Christ ? Les deux opinions ont leurs partisans, et la seconde paraît être la plus commune. C’est celle de saint Thomas, entre autres, Sum. theol., III a, q. lxvi, a. 2, et le catéchisme du concile de Trente l’a adoptée, part. II, c. xx. Le principal argument scripluraire qu’on fait valoir en faveur de ces deux opinions est tire du baptême administré par Jésus-Christ, ou plutôt par ses apôtres, peu de temps après son entretien avec Nicodème. Joa., iii, 22 ; iv, 1, 2. Si saint Jean attribue à Jésus les baptêmes conférés par ses apôtres, c’est qu’on rapporte souvent l’action à celui au nom de qui elle est exécutée par d’autres. Mais s’agit-il là du baptême chrétien ? Oui, disent les partisans des deux opinions précédentes, car le Christ n’a pas pu vouloir conférer le baptême de saint Jean. C’est la raison que donne, entre autres, saint Augustin : Numquid faserat ut baptisnio Joannis baptizaret sponsus, id est, baptisnio amici vel servi" ? Epist., xliv, ad Eleusium, c. v, 10, P. L., t. xxxiii, col. 178 ; et son opinion est suivie par un grand nombre d’exégètes et surtout de théologiens. Voir Knabenbauer, Commentarius in Evangelium secundum Joannem, Paris, 1898, p. 152, qui réfute, d’ailleurs, ce sentiment, en faisant observer, avec Estius, que ni le mystère de la sainte Trinité, ni la divinité de Jésus-Christ n’étaient pas encore publiquement annoncés, peut-être même pas suffisamment connus des disciples, et que, dès lors, il est difficile de croire que les apôtres aient donné le baptême chrétien. Cette dernière opinion, déjà émise par Tertullien, De baptismo, c. xi, P. L., t. i, col. 4212, est aujourd’hui celle de la majorité des exégètes, qui regardent plutôt le rite en question comme une imitation du baptême d’eau conféré par le précurseur, et une sorte de préparation imposée à ceux qui voulaient être disciples de Jésus. VoirFillion, Commentaire de l’Evangile de saint Jean, Paris, 1887, p. 58. Aussi, d’après une troisième opinion, il faudrait placer l’institution du sacrement après la résurrection de Jésus-Christ, quand les apôtres reçurent l’ordre d’enseigner et de baptiser toutes les nations. Matth., xxviii, 19. Les données scripturaires sont insuffisantes pour résoudre le problème avec certitude. Il est pourtant assez probable que le sacrement a été institué avant la passion ; et, si l’on tient compte de l’économie sacramentelle générale, on peut croire qu’au inoins les apôtres ont été baptisés avant cette époque, puisqu’ils ont reçu l’eucharistie et l’ordre le soir du jeudi saint. Matth., xxv, 14-. Beaucoup de protestants

actuels prétendent que Jésus n’a pas institué le baptême chrétien. Selon eux, il n’a fait qu’accepter et confirmer, en le continuant, le baptême de Jean, qui demeure, pour lui comme pour son précurseur, le vivant symbole de la purification et de la repentance. Ce n’est que plus tard, dans la première communauté chrétienne, que le baptême conféré au nom de la Trinité a été regardé comme l’initiation nécessaire des chrétiens, et comme produisant la grâce ex opère operato. Sur les différences entre le baptême de Jean et le baptême chrétien, voir Jean-Baptiste.

III. Rites constitutifs. —

Ils sont au nombre de deux, que les théologiens ont appelés matière et forme du sacrement. La matière du baptême, qui est l’eau naturelle, peut être considérée soiten elle-même (matière éloignée), soit dans son application au baptisé (matière prochaine). La forme, ou formule qui doit accompagner l’application de l’eau, est celle-ci : Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Sur ces trois questions, l’Ecriture nous fournit des renseignements importants, mais contient aussi des passages ambigus qui ont besoin d’explication.

1° La matière employée pour le baptême (matière éloignée)est l’eau naturelle. —

Quand Jésus-Christ fit à Nicodème la première révélation de son baptême, il mentionna l’eau comme un élément nécessaire pour produire la régénération qui devait donner à l’homme une nouvelle vie. Joa., ni, 5. Il s’agit bien là de l’eau réelle et sensible, subordonnée sans doute à l’esprit, mais n’en étant pas un simple symbole, comme le prétendaient quelques anciens protestants. L’eau et l’esprit sont les causes immédiates de la régénération surnaturelle. Et après l’ascension du Sauveur, les apôtres ont soin d’exécuter ses prescriptions, en baptisant les croyants avec de l’eau naturelle. C’est ainsi qu’eut lieu le baptême de l’eunuque de la reine Candace par le diacre Philippe, et celui du centurion Corneille par saint Pierre. Act., viii, 36-38 ; x, 47. Voir Schanz, Commentar ùber das Evangelium des heiligen Johannes, Tubingue, 1885, p. 168169 ; Knabenbauer, Comment, in Evang. sec. Joa., Paris, 1898, p. 140.

On objecte, il est vrai, le passage où le précurseur parle du futur sacrement comme d’un baptême conféré « dans l’Esprit-Saint et le feu » , en l’opposant précisément à son propre baptême, qui était un baptême d’eau. Matth., iii, 11. Donc, semble-t-il, l’eau naturelle est étrangère au sacrement. Cette difficulté, quoique réelle, de l’aveu des meilleurs exégètes (voir Corluy, Commentarius in Joannem, Gand, 1880, p. 76), est loin d’être insoluble. D’abord, rien n’empêche de croire que Dieu n’avait pas encore révélé tous les rites constitutifs du sacrement à saint Jean-Baptiste, qui pouvait, dès lors, en parler d’une façon un peu vague. Mais, même en admettant que le précurseur eût déjà une connaissance complète du futur baptême, on n’a pas le droit de tirer de ses paroles une conclusion qui n’y est pas renfermée. L’objection a le tort de supposer que la comparaison établie entre les deux baptêmes porte sur leur rite constitutif, tandis qu’elle concerne simplement leur efficacité générale. Le but de saint Jean, dans ce passage — le contexte le prouve d’une façon évidente — est de faire ressortir son infériorité personnelle vis-à-vis du Messie, et voilà pourquoi il affirme que Jésus établira un baptême autrement puissant et efficace que le sien. Autant l’action du feu l’emporte sur l’action de l’eau, autant le baptême de Jésus sera supérieur au sien, pour purifier l’âme de ses souillures. C’est là, aux yeux de saint Jean, le trait caractéristique qui distingue les deux baptêmes. L’expression et igni ne serait ainsi qu’une apposition aux mots Spiritu Sanclo On ne peut donc tirer de ce passage aucun argument en faveur de l’opinion protestant.’qui refuse de reconnaître l’eau comme matière nécessaire du baptême chrétien, et qui affecte d’y voir quelque chose de purement symbolique. — D’après une autre

explication, qui ne fait d’ailleurs que compléter la première, l’antithèse énoncée par saint Jean aurait pour objet son propre baptême et l’initiation chrétienne tout entière, comprenant à la fois les deux sacrements de baptême et de confirmation. Les apôtres, en général, les administraient l’un après l’autre, et cette coutume, qui subsista longtemps chez les Latins, est encore en vigueur chez les Grecs. Presque tous les passages où il s’agit du baptême chrétien contiennent des allusions assez claires au sacrement de confirmation. Voir Confirmation. <in s’explique mieux, dés lors, la mention du Saint-Esprit et du feu dans la prophétie de saint Jean, surtout si on la rapporte à cette effusion merveilleuse du Saint-Esprit qui vint transformer les apôtres au jour de la Pentecôte. Jésus-Christ lui-même en avait parlé c.jinme d’un baptême dont l’action devait compléter celle du rite baptismal proprement dit. Act., i, 5. Voir Baptême PAR LE FEU.

2° L’eau dit baptême doit être appliquée (matière prochaine) par ablution, c’est-à-dire soit par immersion, soit par infusion, soit par aspersion. —

Le Nouveau Testament nous fournit peu de renseignements sur cette partie du rite baptismal. Saint Paul appelle le baptême’/ojTpov toj flSatoç, lavacrum aquee. Eph., v, 26. Cf. Tit., ni, 5 Le seul cas où le mode d’ablution soit mentionné d’une façon certaine est celui de l’eunuque de la reine Candace, baptisé par le diacre Philippe. « Tous deux (l’eunuque et Philippe) descendirent dans l’eau, et celui-ci le baptisa ; et après qu’ils furent remontés de l’eau, l’Esprit du Seigneur enleva Philippe. » Act., viii, 38, 39. Le fait de descendre tous deux dans l’eau et d’en remonter ensuite suppose évidemment un baptême par immersion, sinon totale, au moins partielle. On a voulu nier la chose, sous prétexte qu’en cet endroit, appelé fontaine de Philippe, l’eau a très peu de profondeur, ce qui rend toute immersion impossible. Mais pour que cette objection fût sérieuse, il faudrait d’abord connaître avec certitude l’emplacement de la fontaine — ce qui n’est pas — et prouver ensuite que son niveau n’a pas changé depuis les temps évangéliques, ce qui parait difficile. Sans désigner l’immersion en termes aussi formels, saint Paul y fait pourtant une allusion manifeste, quand il dit que nous sommes ensevelis par le baptême. Rorn., vi, 4. Cette expression, rapprochée surtout de celle qui a été employée par Jésus-Christ pour caractériser l’action du sacrement, renaitre, ne peut s’appliquer qu’à l’immersion proprement dite.

Est-ce à dire qu’il n’y ait pas eu d’autre mode d’ablution baptismale au I er siècle ? Non, assurément, et le témoignage des anciens Pères, aussi bien que les données de l’archéologie chrétienne le prouvent sans conteste. Mais l’Ecriture n’en parle pas. Ce n’est qu’à l’aide d’une induction, d’ailleurs très légitime, qu’on y retrouve les traces très probables du baptême par infusion, et peut-être aussi du baptême par aspersion. En elfet, sans parler des malades alités dont la plupart ne pouvaient recevoir le sacrement que de cette manière, l’Écriture mentionne plusieurs baptêmes qui ne peuvent bien s’expliquer que parle système de l’infusion. A deux reprises différentes, Act., IX, 18 ; xxii, 10, elle nous apprend que saint Paul se leva debout, dans la maison où il était, pour recevoir le baptême des mains d’Ananie. L’immersion, en pareil cas, ne se conçoit guère. De son côté, saint Paul, détenu en prison, convertit et baptisa son geôlier, avec les membres de sa famille. Act., xvi, 33. Difficilement, il aurait pu avoir recours à l’immersion. Cette difficulté eût été encore plus considérable quand il s’agit de baptiser, au jour di’la Pentecôte, les trois mille hommes qui se converlirentà la parole de saint Pierre. Act., Il, 41. (In a conjecturé que cette multitude avait été baptisée par aspersion ; mais ce n’est qu’une conjecture. Voir, en sens contraire, Corblet, Histoire du sacrement de baptême, Paris, 1881, t. i, p. 203.

3° La formule du baptême (forme) consiste en ces paroles : « Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. » —

C’est la formule même qu’emploie l’Église latine. Les Crées se servent dune formule équivalente : Le serviteur de Dieu, N…, est baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

L’invocation expresse des trois personnes de la sainte Trinité est nécessaire pour la validité du baptême, de l’aveu de tous les théologiens. Un ordre formel à cet égard fut donné par Jésus-Christ à ses apôtres avant l’ascension. « Allez, enseignez toutes les nations et baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. » Matth., xxviii, 19. Voir cependant Schanz, Commentâtïiber das Evangelium des heil. Matthaïis, Fribourg-en-Brisgau, 1879, p.559 ; Knabenbauer, Comment. inEvang. see. Matth., Paris, 1893, t. ii, p. 563-564. Que cet ordre ait été fidèlement exécuté par les apôtres, on ne saurait en douter. Nous en avons d’ailleurs une preuve indirecte dans un passage du livre des Actes. Saint Paul, ayant un jour rencontré à Éphèse des disciples du Christ, leur demanda s’ils avaient reçu le Saint-Esprit. Ils répondirent : « Nous n’avons même pas entendu dire qu’il y a un Saint-Esprit. — Quel baptême avez-vous donc reçu ? » leur demanda saint Paul. Act., xix, 2, 3. Cette réflexion de l’apôtre, établissant un lien immédiat et spontané entre le Saint-Esprit et le baptême, suppose clairement qu’on faisait mention de ce dernier dans l’administration du sacrement. Si les Éphésiens avaient reçu le baptême chrétien, ils n’eussent pas ignoré l’existence des trois personnes divines au nom desquelles il était conféré.

D’autres textes, il est vrai, semblent indiquer que les apôtres employaient une formule différente dans l’administration du sacrement. Il est dit, en effet, à plusieurs reprises, qu’ils baptisaient au nom de Jésus. Act., ii, 38 ; vin, 12, 16 ; x, 48 ; xix, 5. Cette expression a été diversement commentée par les théologiens et les exégètes. D’après l’opinion de Pierre Lombard, Cajetan et quelques autres, le baptême aurait été réellement conféré avec cette formule, et pourrait l’être encore d’une manière valide. Une seconde opinion, représentée surtout par saint Thomas, Sum. theol., III a, q. lxvi, a. 6, ad l um, restreint l’emploi valide de cette formule au I er siècle, et croit que les apôtres ont usé d’une dispense spéciale en la substituant à la formule ordinaire. Ils auraient fait cette substitution pour glorifier davantage le nom de-Jésus, que les Juifs et les Gentils avaient alors en hoiv reur. Enfin une troisième opinion, de beaucoup la plus probable et la plus commune, soutient que l’expression en litige, in nomine Jesu, ne désigne nullement la forme du baptême. C’est simplement une formule antithétique destinée à caractériser le baptême chrétien par ! opposition au baptême de saint Jean. Cette opposition est facile à remarquer dans le discours de saint Pierre, Act., il, 38, où il y a une allusion au baptême de pénitence du précurseur ; et elle apparaît surtout dans le passage où saint Paul demande aux Éphésiens quel baptême ils avaient donc reçu, puisqu’ils n’avaient pas entendu parler du Saint-Esprit. « Le baptême de Jean, » lui fut-il répondu. « Jean, dit l’apôtre, a baptisé le peuple du baptême de pénitence, disant de croire en celui qui devait venir après lui, c’est-à-dire en Jésus. » Et le texte ajoute qu’après cette déclaration, « ils furent baptisés au nom du Seigneur Jésus, » c’est-à-dire reçurent le baptême chrétien qu’ils ne connaissaient pas encore. Act., xix, 3, 5. L’auteur des Actes, comme on le voit, ne pense nullement à la formule employé pour le baptême, mais indique avec soin qu’il s’agit d’une cérémonie chrétienne, et non d’une autre.

Les théologiens de l’école libérale, tout en admettant que, des le début du christianisme, le baptême a été requis pour entrer dans la communauté, prétendent qu’on ne peut prouver directement que Jésus a institua

le baptême conféré avec la formule trinitaire. La parole du Sauveur, rapportée Matth., xxviii, 19, n’est pas authentique ; elle représente une tradition postérieure au christianisme primitif et qui se fait jour au IIe siècle seulement. En effet, saint Paul ignore que Jésus ressuscité ait parlé aux apùtres et leur ait donné des ordres particuliers. D’autre part, la formule trinitaire est étrangère aux discours authentiques de Jésus, et si elle avait été prononcée par lui au sujet du baptême, elle n’aurait pas eu, au siècle apostolique, la valeur qu’elle devait avoir, puisqu’à cette époque le baptême a été conféré £Î ; açEdiv à^xpriaiv et eÎî to à’vofxa XptaTO’J. Act., II, 38 ; Harnack, Lehrbuch der Dogmengesc/iichte, 2 11 édit., Fribourg-en-Brisgau, 1888, t. i, p. 68, note 3 ; Holtzmann, Lehrbuch der Neutestamentlichen Théologie, Leipzig, 1897, t. i, p. 378-379. Les raisons de nier l’authenticité des paroles de Jésus, Matth., xxviii, 19, ne sont pas admissibles. Saint Paul, qui rappelle les apparitions de Jésus ressuscité, I Cor., xv, 5-9, mentionne en particulier celle qui tut faite aux apôtres réunis. Lui, à qui le Christ ressuscité a parlé, ne pouvait ignorer les communications faites aux autres apôtres. Lui-même a été baptisé par Ananie. S’il n’a pas reçu la mission de baptiser, mais d’évangéliser, il a cependant baptisé quelques chrétiens. S’il se réjouit de n’avoir conféré le baptême à aucun Corinthien, c’est pour que personne ne se flatte d’avoir été baptisé au nom de Paul. I Cor., I, 14-16. Le baptême était donc nécessaire aux yeux de saint Paul, quoiqu’il ne se crût pas obligé de l’administrer personnellement. Par ailleurs, la formule trinitaire a eu dès l’origine l’autorité qui lui revenait comme institution de Jésus-Christ. Jamais le baptême n’a été conféré eïç à’fsaiv à|j.apTicov. Cette expression indiquait un effet du baptême, la rémission des péchés ; elle n’était pas la formule employée. Cette formule exprimait au nom de qui le sacrement était administré. La formule : Au nom de Jésus, était narrative plutôt que liturgique, ainsi qu’il résulte des faits rapportés plus haut. Elle ne pouvait être insolite sur les lèvres de Jésus qui parle si souvent du Père, du Fils qui est un avec le Père, et du Saint-Esprit. Enlin, saint Paul, en mentionnant les trois personnes divines pour montrer l’efficacité du baptême, I Cor., vi, 11, la paraphrase au lieu de la transcrire littéralement. Il savait donc que le baptême s’administre au nom de la sainte Trinité. A. Michiels, L’origine de l’épiscopat, Louvain, 1900, p. 52, note 2 ; p. 78, note.

IV. Nécessité et conditions exigées. —

Le baptême est nécessaire pour être sauvé. C’est Jésus-Christ lui-même qui nous l’affirme, dans son entretien avec Nicodème : « En vérité, en vérité je te le dis : si quelqu’un ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu. » Nicodème, étonné de cette parole et ne songeant guère à des réalités d’ordre surnaturel, fit ressortir l’impossibilité d’une renaissance physique. « Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? Peut-il rentrer dans le sein de sa mère et naître de nouveau ? » Jésus explique alors sa parole, mais sans en diminuer l’énergie, et proclame avec la même solennité la nécessité d’une régénération spirituelle, qui n’est pas autre chose, comme nous l’avons prouvé plus haut, que la régénération baptismale. « En vérité, en vérité je te le dis, si quelqu’un ne renaît de l’eau et du Saint-Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. » Le royaume de Dieu, dans l’Évangile, désigne toujours l’Église, tantôt sous la forme militante ici-bas, tantôt sous la forme triomphante au ciel, et quelquefois l’une et l’autre en même temps. La parole de Jésus, dans ce passage, a évidemment toute l’extension possible, et elle signifie que le baptême est nécessaire pour entrer, non seulement dans la société des chrétiens sur la terre, mais aussi dans la société des élus au ciel.

Le baptême ne peut être reçu comme il faut, quand il S’agit du moins des adulles, si l’on ne remplit deux conditions préalables. La première est la foi. « Celui qui croira et sera baptisé, dit Jésus-Christ à ses apôtres, celui-là sera sauvé. » Marc., xvi, 16. La foi d’abord, le baptême ensuite. La seconde partie du verset : Qui vero non crediderit condemnabitur, qui est l’antithèse de la première, ne prouve pas cependant que la foi seule, et non le baptême, est nécessaire au salut, car il va de soi que ceux qui ne croiront pas ne consentiront pas à être baptisés et ne seront pas sauvés. Les apôtres et les disciples tiennent le même langage. Les Samaritains et Simon le magicien lui-même ne sont baptisés que lorsqu’ils ont cru à la prédication de Philippe touchant le royaume de Dieu. Act., viii, 12, 13. Quand l’eunuque de la reine Candace dit au diacre Philippe : « Voilà de l’eau, qu’est-ce qui empêche que je sois baptisé ? » Philippe lui répondit : « Tu peux l’être, si tu crois de tout ton cœur. » Et aussitôt l’eunuque fit sa profession de foi : « Je crois que Jésus-Christ est le Fils de Dieu.) Philippe lui administra immédiatement le baptême. Act., VIII, 36-39. Le baptême de saint Paul a été précédé de sa conversion et de sa foi en Jésus. Act., ix, 18 ; xxii, 16. Corneille a cru avant d’être baptisé, Act., x, 33, ainsi que Lydie, Act., xi, 14, le geôlier de Paul, Act., XVI, 31, Crispus. Act., xviii, 8. La seconde condition est le repentir des péchés commis antérieurement. Saint Pierre indique cette condition dans le discours qu’il adressa au peuple le jour de la Pentecôte : « Faites pénitence, (jetavoviiTaTe, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ pour la rémission de ses péchés. » Act., M, 38. Il s’agit là clairement, comme l’indique le texte original, du repentir sincère du péché, qui doit précéder le baptême. Ces deux dispositions se rencontraient souvent et facilement réunies chez les Juifs ou les prosélytes pieux et fidèles. Aussi les Juifs de Jérusalem, l’eunuque de la reine Candace, Saul, le centurion Corneille n’ont pas besoin d’une longue préparation pour recevoir le baptême. La prédication les amenait vite à la foi et à la pénitence, auxquelles la grâce divine les sollicitait intérieurement. Ils ne devaient, d’ailleurs, éprouver aucune difficulté à passer par le bain baptismal pour être introduits dans la société chrétienne, puisque les païens étaient agrégés à la religion juive par un rite baptismal, qui n’avait toutefois d’autre effet que de leur conférer la pureté légale. Voir Schùrer, Geschichte des jùdischen Volkes ini Zeitalter Jesu Christi, 3e édit., Leipzig, 1898, t. iii, p. 129-132.

V. Effets. —

Mode d’action du baptême.


Des paroles de Jésus à Nicodème, on peut inférer quel est le mode d’action du rite baptismal. L’expression « renaître ex aqua et Spiritu Sancto » montre que cette régénération est l’œuvre de deux facteurs distincts, l’eau et le Saint-Esprit, que l’Écriture ne craint pas d’assimiler l’un à l’autre sous un certain rapport, celui d’une causalité véritable : ex aqua et… L’eau est cause du baptême, aussi bien que le Saint-Esprit ; mais, bien entendu, d’une manière différente. Chacun des deux agents doit avoir l’activité qui convient à sa propre nature. L’agent principal étant évidemment le Saint-Esprit, l’eau ne peut être qu’un agent secondaire, un instrument qu’il élève à la hauteur d’une cause, pour servir à la production de la régénération baptismale. C’est cette activité que les théologiens scolastiques exprimeront plus tard d’une façon technique, en employant la formule ex opère operato. Voir A. Loisy, Nicodème, dans la Bévue d’Iiistoire et de littérature religieuses, Paris, 1899, t. iv, p. 489497. Ajoutons que l’eau, matière du baptême, doit être unie à la forme dont nous avons parlé, pour être efficace. De là le mot de saint Paul : Mundans lavacro aquse inverbo vitse. Eph., v, 26.

Effets produits par le baptême.


Le premier effet du baptême, et celui que Jésus-Christ semble donner comme sa caractéristique spéciale, est une nouvelle naissance d’ordre spirituel, à laquelle correspond néces

sairement une nouvelle vie. Joa., ni, 5. La régénération baptismale efface les péchés. Act., ii, 38 ; xxii, 16. Sous ce rapport, elle procure le salui du baptisé, en renouvelant son ànie : Salvos nos fecit per lavacrum regenerationis et renovationis SpiHtus Sancti. lit., iii, 5. Cf. Marc, xvi, 16 ; I Pet., iii, 21. Bien plus, elle est en même temps une source de mort et de vie, selon la doctrine de saint Paul. L’apôtre, dans son épître aux Romains, consacre un chapitre tout entier à développer cette doctrine, que le baptême reproduit en nous, de quelque manière, la mort et la résurrection de Jésus-Christ. An ignoratis <itia quicumque baptizati sumus in Christo Jesu, in morte ipsius baptizati sumus 1 ? Consepulti enim sumus cum illo per baptismum in morlem, ut quomodo Christus surrexit a mortuis per gloriam Patris, ila et nos in novitate vitse ambulemus. Rom., vi, 2 sq. Nous participons à la mort du Sauveur, parce que le baptême nous fait mourir au vieil homme, vêtus homo noster simitl crucifixus est, c’est-à-dire détruit en nous tous les péchés qui souillaient notre âme. Nous participons à la résurrection du Christ, parce que le baptême produit en nous une vie nouvelle, que saint Paul décrit ensuite en termes magnifiques. Rom., vin. De cette doctrine générale, relative au baptême, l’apotre tire une conclusion particulière. C’est que, dit-il, il n’y a plus rien à condamner chez ceux qui vivent dans le Christ Jésus : Nihil ergo nunc danmationis est iis qui sunt in Christo Jesu. Rom., viii, 1. La généralité de cette parole a conduit les Pères, les théologiens, et même le concile de Trente à l’interpréter en ce sens, que le baptême a pour effet de nous exonérer complètement vis-à-vis de la justice divine, puisqu’il n’y a plus rien à condamner chez les baptisés considérés comme tels, abstraction faite de toute faute postérieure, car le baptême ne rend pas impeccables ceux qui l’ont reçu. I Cor., x, 12. En d’autres termes, le sacrement, non seulement nous délivre de la peine éternelle, mais remet aussi les peines temporelles dues au péché. Il nous donne droit aussi à la vie éternelle dont nous sommes les héritiers en espérance. Act., ni, 5-7. — La régénération baptismale nous établit en même temps dans de nouvelles relations vis-à-vis de Dieu. D’abord, elle constitue un engagement général envers lui, comme nous l’apprend saint Pierre : Et vos nunc… salvos facit baptisma, non caniis depositio sordium, sed conscientiæ bonse interrogalio (inîpwTr l u.a, stipulatio, engagement) in Deum. I Pet., ni, 21. Le sens le plus probable de ce passage, d’ailleurs obscur et très discuté, c’est que l’effet salvifique du baptême dépend beaucoup moins de l’ablution extérieure de l’eau, qui efface simplement en soi les souillures matérielles, carnis deposilio sordium, que de l’engagement sincère d’une conscience droite vis-à-vis de Dieu, im^il>xr t xa. eî ; Geov. Saint Pierre ne dit pas, remarquons-le bien, que le baptême consiste dans cet engagement envers Dieu ; il suppose clairement que le rite baptismal comprend à la fois l’ablution de l’eau et l’engagement en question, mais que ce second élément est le plus important des deux au point de vue salvifique. Estius, In Paulmn comment., Paris, 1653, p. 1184-1185. En outre, la régénération baptismale nous « revêt du Christ » , c’est-à-dire reproduit en nous son image, et nous fait « entants de Dieu » . Gal., iii, 26, 27. L’Écriture a soin de nous dire que cette filiation est réelle, I Joa., ni, 2, mais pourtant adoptive. Rom., viii, 15 ; Eph., i, 5 ; Gal., iv, 5. Elle participe à la fois de l’adoption et de la génération proprement dite. Voir Adoption surnati relle, t. I, col. 433. Dans h’baptême, on reçoit également le Saint-Esprit, que Dieu le Père communique avec une effusion abondante, selon l’expression de saint Paul : Salvos nos fecit per lavacrum regenerationis et renovationis Spiritus Sancti, quem effudit in nos abunde. Tit., iii, 5, 6. Un autre effel du baptême, c’est d’agréger les croyants à l’Église. Déjà insinuée dans le passage qui attribue au sacrement « l’entrée du royaume de Dieu » , Joa., ni, 5, et dans le précepte d’enseigner et de baptiser toutes les nations, docete, y.y.br^i-^vx.zz, c’est-à-dire « faites des disciples » en baptisant, Maltb., xxviii, 19, cette vérité est affirmée plus clairement par saint Luc, quand il dit : qui receperunt sermonem ejus [l’etri] baptizati sunt, et [hoc baptisnto] appositæ sunt [Ecclesise] in die illa animée circiter tria millia. Act., ii, 41. Saint Paul, en termes encore plus formels, déclare que « tous, dans le même Esprit, nous avons été baptisés pour un seul corps » , eîç Ev crwua. I Cor., XII, 13. Par suite il n’y a dans l’Église qu’un seul baptême. Eph., iv, 5. Ajoutons, afin d’être complet, que les passages scripturaires qui désignent les effets de la justification en général, sans mention expresse d’aucun sacrement, peuvent entrer en ligne de compte, au moins d’une laçon indirecte, pour marquer les effets du baptême, puisqu’il est la source première de toute justification sacramentelle.

VI. Usage. —

Deux questions se posent à ce sujet, concernant ceux qui donnaient le baptême et ceux qui le recevaient, en d’autres termes le ministre et le sujet du sacrement.

Ministre.


Autant que nous pouvons en juger par les rares passages qui parlent de l’administration du baptême, ce sacrement était conféré par des personnes de différentes catégories. Jésus-Christ laisait baptiser par ses disciples, si toutelois il s’agit du baptême chrétien. Joa., iv, 2. Les apôtres, sans aucun doute, baptisèrent eux-mêmes après la Pentecôte, du moins dans certaines circonstances ; témoin saint Paul, qui administra le sacrement au gardien de sa prison et à toute sa famille, Act., xvi, 23, et à Corinthe baptisa Crispus et Caius et la maison de Stephanas. I Cor., I, 14-16. Mais lorsque le nombre des chrétiens devint plus considérable, tout porte à croire qu’ils confièrent à d’autres le soin de baptiser les nouveaux croyants, en se réservant à eux-mêmes la prédication et la prière. Saint Pierre fit baptiser le centurion Corneille avec toute sa famille, Act., x, 48, et saint Paul déclarait que sa mission n’était pas de baptiser, mais d’évangéliser. I Cor., i, 17. C’est un diacre, Philippe, qui administra le sacrement à Simon le magicien, à un grand nombre d’habitants de Samarie et à l’eunuque de la reine Candace. Act., viii, 12, 13, 38. Enfin, quand il s’agit de baptiser saint Paul à Damas, ce fut Ananie, c’est-à-dire, selon toute apparence, un simple laïque, qui en reçut directement de Jésus la mission. Act., ix, 18. "Voir Vigouroux, Dictionnaire de la Bible, t. I, col. 542.

Sujet.


Tous les hommes peuvent recevoir le baptême, suivant la parole de Jésus-Christ à ses apôtres : « Allez, enseignez toutes les nations et baptisez-les. » Matth., xxviii, 19. Les païens, comme les Juifs, sont les sujets du sacrement. Et pour le recevoir comme il faut, les uns et les autres doivent réaliser exactement les mêmes conditions, celles que nous avons énumérées plus haut. C’est donc faute d’avoir compris la portée universelle de la parole du Sauveur, qu’un certain nombre de chrétiens de la primitive Eglise prétendirent que les païens ne devaient pas recevoir le baptême, a moins de passer d’abord par le judaïsme. Il fallut une intervention divine pour dissiper ce préjugé. La vision de saint Pierre à Joppé et la descente du Saint-Esprit sur le centurion Corneille firent comprendre à tous que les païens, comme les Juifs, pouvaient recevoir le baptême et entrer directement dans l’Église. Act., x. Les explications que saint Pierre crut devoir donner de sa conduite achevèrent d’éclairer les esprits droits sur ce point important. Act., xi.

On s’est demandé si l’Écriture comprenait aussi les enfants parmi les sujets du baptême. Il est certain qu’elle n’eu fait pas mention expresse. On a conjecturé

que les passages on il est question du baptême généra] de toute une famille désignaient aussi le baptême des enfants qui en faisaient partie. Cette conjecture est assez vraisemblable ; mais il est possible cependant que l’Écriture ait voulu mentionner seulement le baptême des adultes, à cause des dispositions qu’elle suppose d’ordinaire chez les baptisés dont elle parle. En revanche, certains principes généraux énoncés par l’Ecriture permettent de conclure avec certitude que les enfants peuvent et doivent être baptisés. Nous savons, par exemple, que « Dieu veut le salut de tous les hommes » . I Tim., ii, 4. Or, l’existence de cette volonté salvifique serait contestable, s’il n’y avait pas, dans l’économie actuelle, une institution régulière et permanente destinée, autant que le permet le jeu de la liberté humaine, à procurer le salut des enfants comme des adultes. Cette institution est précisément le baptême. L’Ecriture nous apprend encore que la venue de Jésus-Christ en ce monde a eu pour effet de réparer le mal causé à l’homme par la chute originelle, et que cette réparation a son point de départ dans une seconde naissance, d’ordre spirituel, qui efface en chacun de nous la souillure d’origine que nous contractons par notre première naissance. Il est certain, d’autre part, que le bien de la rédemption l’emporte de beaucoup sur le mal de la chute. Rom., v, 15. Si donc les enfants contractent le péché originel par le seul fait de leur naissance selon la chair, et avant tout exercice de leur liberté, à plus forte raison pourront-ils être justifiés et devenir enfants de Dieu par le seul fait de la régénération baptismale, avant l’usage de leur raison. En d’autres termes, ils peuvent recevoir le baptême aussi bien que les adultes. On ne peut pas conclure des paroles de saint Paul, I Cor., vii, 14, que les enfants des chrétiens sont saints par le seul fait de leur origine de parents croyants, sans avoir besoin d’être purifiés par le baptême. La signification de ce passage est très discutée. Notons qu’en raison de la comparaison, la sanctification des enfants, nés de parents chrétiens, est de même nature que celle des époux infidèles sanctifiés par leur conjoint fidèle. Les Pères grecs ont simplement conclu que la sanctification de ces enfants et celle des époux infidèles étaient rendues plus faciles et plus sûres par suite de leur situation dans une famille chrétienne. Les Pères latins ont entendu cette sainteté d’une sainteté extérieure, résultant pour les enfants et les époux de leurs rapports avec des chrétiens sanctifiés par le baptême : ces enfants, même n’étant pas encore baptisés, n’étaient pas souillés comme les païens, ils appartenaient déjà d’une certaine manière au Christ et étaient soustraits en partie au domaine du prince de ce monde. Aucun Père n’en a conclu que les enfants, nés de parents chrétiens, n’avaient pas besoin de recevoir le baptême. R. Cornely, Comment. in S. Pauli priorem epist. ad Corintltios, Paris, 1890, p. 183-186.

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