Dictionnaire de théologie catholique/AMÉRIQUE LATINE

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 1.1 : AARON — APOLLINAIREp. 557-572).

IV. AMÉRIQUE LATINE.
I. Histoire générale.
II. Concile plénier.
III. Privilèges.
IV. Éducation du clergé et sciences sacrées.
V. Saint-Domingue et Haïti.
VI. Cuba et iles voisines.
VII. Mexique.
VIII. Guatemala et républiques voisines.
IX. Colombie.
X. Equateur.
XI. Bolivie.
XII. Pérou.
XIII. Chili.
XIV. République argentine et Patagonie.
XV. Uruguay.
XVI. Paraguay
XVII. Brésil.
XVIII. Venezuela.
XIX. Tableau statistique.

L’Amérique est divisée géographiquement en Amérique du Nord, Amérique centrale et Amérique du Sud. Le terme Amérique latine est une dénomination ecclésiastique. Elle s’applique à la partie du nouveau monde qui embrasse le Mexique, l’Amérique centrale avec les Antilles et toute l’Amérique du Sud. L’Amérique latine forme dans l’Église catholique un groupe distinct, dont l’homogénéité a été fortifiée et consacrée dans ces dernières années, soit par la tenue et les décrets doctrinaux et disciplinaires d’un grand concile plénier, soit par les privilèges accordés en commun à tous les diocèses réunis sous cette dénomination.

Ce groupe est d’ailleurs caractérisé par des traits particuliers bien distincts. Il a été colonisé par les Espagnols et les Portugais ; il resta jusqu’au commencement de ce siècle sous la dépendance de l’Espagne et du Portugal ; il parle encore la langue de ces pays. Il est aussi comme eux presque totalement catholique. Les protestants et les juifs ne s’y rencontrent qu’en très petit nombre. On y trouve sans doute encore des Indiens, descendants des premiers habitants, qui ont conservé la langue et la religion de leurs ancêtres, mais ils vivent à l’état sauvage, en dehors de la population civilisée, et sont, eux aussi, relativement peu nombreux.

Pour mettre un peu d’ordre dans cet article, le plus simple est de commencer par les indications communes à toute l’Amérique latine, son histoire, son concile plénier, ses privilèges, les règles prescrites pour l’éducation de son clergé, de parcourir ensuite chaque pays particulier.

Nous nous arrêterons d’abord aux Antilles, premier pays découvert par Christophe Colomb, puis au Mexique. De là nous passerons par l’Amérique centrale en la prenant à gauche, et nous parcourrons la Colombie, l’Equateur, puis le Pérou et la Bolivie. Nous arriverons par le Chili au détroit de Magellan et reviendrons par la côte est, nous trouverons sur notre route la République argentine, l’Uruguay et le Paraguay, et enfin le Brésil qui, par la Guyane, nous conduira au Venezuela. Nous aurons ainsi vu toute l’Amérique latine, puisque nous serons revenus aux confins de la Colombie.

I. Histoire générale.

Deux grands peuples, deux idiomes se sont partagé le nouveau monde, suivant l’arbitrage d’Alexandre VI. Ce pape donna trois bulles pour régler le différend qui s’était élevé entre Jean II, roi de Portugal, et Ferdinand V, roi de Castille, au sujet de la possession de ces vastes régions ; la plus célèbre, celle qui trancha toute la difficulté, est la bulle Inter csetera, du 4 mai 1493. En vertu de cette bulle, il traça sur une carte, qui existe encore au musée Borgia de la Propagande, une ligne idéale, à l’ouest des Açores et du Cap-Vert. Le roi de Castille devait posséder les terres, îles ou continents à découvrir à l’ouest de cette ligne, et le roi Portugal, celles qu’il découvrirait à l’orient de cette même ligne ; selon une concession antérieure, Eugène IV accordait à ce dernier souverain les pays à découvrir en Afrique et en Ethiopie. La ligne de démarcation tracée par le pontife est au 55e degré longitude ouest de Paris et coupe une partie de l’Amérique du Sud. C’est pour ce motif que le Brésil a été portugais, tandis que les autres parties de ce même continent, qui se trouvaient à l’ouest de cette division, sont devenues espagnoles.

Le but de la conquête de ces nouvelles terres était clairement indiqué dans la bulle pontificale : Vnde omnibus diligenler et præserlim ficlei catholiese exallatione et dilatatione ( prout decet catholicos reges et principes) consideratis, more primogenitoritm vestrorum darse mémorise regum, terras firmas et insulas prsedictas illarumque incolas et habitatores vobis, divina favente clementia et ad fidem catholicam reducere proposuistis. La conversion des infidèles était le seul but qu’eût en vue le pieux roi Ferdinand ; c’est celui que poursuit le pape. S’il accorde aux deux rois chrétiens des terres et de nouveaux sujets, c’est pour qu’ils les amènent à Jésus-Christ. Planter la croix fut le premier acte de Christophe Colomb, quand il toucha, le Il octobre 1492, une des Lucayes ; affermir la croix fut l’œuvre d’Alexandre VI et de ses successeurs : c’est ce que prouve à l’évidence la création des divers sièges américains.

Si les colons européens agirent trop souvent en bourreaux vis-à-vis des Indiens de l’Amérique, les missionnaires catholiques s’appliquèrent à les convertir avec toute la charité et le zèle qu’inspire la religion chrétienne.

L’histoire de l’évangélisation de l’Amérique latine est facile à faire. Jules II envoyait, en 1512, deux évêques aux îles de Saint-Domingue et Porto-Rico. Sept ans après, en 1519, Léon X envoyait Julien Garces dans le Yucatan où il fonda la ville d’Angélopolis, près de Tlascala. Il instituait AlessandroGiraldini, évêque de Saint-Domingue, avec les pouvoirs de légat a latere et le chargeait d’organiser la religion chrétienne dans ces contrées nouvelles. Adrien VI, en 1522, donnait à l’île de Cuba son premier évêque. En 1527, Clément VII accordait au Mexique son premier prélat, dans la personne de Jean de Zumarraga, de l’ordre de Saint-François ; et, trois ans plus tard, il nommait un évêqueà Venezuela. Sous Paul III sont créés les sièges de Guatemala, de Lima et de Quito. Nous sommes au milieu du xvie siècle, cinquante ans après la découverte de l’Amérique : le Brésil et le Chili ont des évêques et tout le nouveau continent possède une hiérarchie ecclésiastique. Il suffira aux successeurs de ce pape de la développer et de l’accroître, suivant les besoins des fidèles. C’est ce qu’ils ne cessèrent de faire jusqu’à la fin du xviiie siècle, encourageant les efforts et le zèle du clergé américain. A cette époque, la religion et la civilisation étaient tlorissantes dans toute l’Amérique latine. « Pendant que la Révolution parcourait l’Europe, renversant les autels, brisant les trônes, toute l’Église d’Amérique, ignorant ces troubles, servait Dieu et jouissait du bienfait de la paix. Ce n’était plus ce monde inconnu aux anciens et que souillaient des sacrifices humains. D’une mer à l’autre, du nord au midi, se dressaient des villes et des forteresses qui, pour le nombre des habitants, la grandeur des palais, le disputaient aux villes d’Espagne, de France et d’Italie. Les basiliques resplendissaient de l’éclat de l’or et de l’argent et entendaient retentir dans leurs murs le nom suave du vrai Dieu. D’insignes sanctuaires dédiés à la reine du ciel témoignaient partout de la piété des habitants. Des collèges nombreux, des académies, des écoles, des hôpitaux, des monastères attestaient la libéralité des pasteurs et du troupeau. Les routes ouvertes à grands frais parmi de hautes et difficiles montagnes prouvaient la vigilance des chefs des États, dont plusieurs furent évêques. Mais une œuvre plus belle s’était accomplie : le Christ avait vaincu, le Christ régnait, le Christ gou

vernait. L’hérésie avait été chassée, l’idolâtrie presque complètement éteinte : c’est à peine si parmi tant de centaines de mille habitants on en trouvait quelques-uns qui ne s’appelassent point chrétiens et catholiques. » Ces paroles de Ms r Montes de Oca, secrétaire du concile plénier de l’Amérique latine, tenu à Rome en 1899, dans un discours qu’il lit à ce concile, dépeignent bien l’état de cette chrétienté ilorissante qui embrassait plus de la moitié du nouveau monde. Laudatio funebris Episcoporum Americse lalinse, Romae in acla conciliaire IV nonas Julias 1800 habita, Rome, 1899, et dans Acta et décréta concilii, Rome, 1900.

Mais au commencement du xixe siècle, la Révolution qui avait fait tant de mal à l’Europe franchit les mers et brisa les liens des divers pays de l’Amérique latine avec leur mère patrie. Se constituer en république fut facile ; mais bientôt, sous cette forme de gouvernement, les pouvoirs publics cherchèrent à opprimer la religion catholique ; l’Église eut ses martyrs dont Ma r Montes de Oca a aussi rappelé la liste glorieuse, lbid., p. lxxix. Nous indiquerons plus loin les épreuves par lesquelles elle passa dans chaque État particulier.

II. Concile plénier.

Léon XIII crut qu’un concile plénier donnerait un nouvel essor à cette Église éprouvée. Ils s’était tenu autrefois des conciles provinciaux dans l’Amérique du Sud et le Mexique ; mais jamais il n’y avait eu de concile plénier pour toute l’Amérique latine. Les évoques qui devaient y assister aimèrent mieux se réunir à Rome que dans aucune ville de leur vaste pays. Le concile fut annoncé par le souverain pontife le 25 décembre 1898 et la convocation fut faite le 7 janvier 1899. Tous les archevêques y étaient personnellement invités, ainsi que les évêques des républiques qui n’ont qu’un siège épiscopal. Les autres évêques n’étaient pas tenus de venir tous au concile. Dans chaque province, ils devaient élire un ou plusieurs d’entre eux, pour les y représenter. Les séances se tinrent à Rome au séminaire latino-américain, du 28 mai au 9 juillet 1899. Douze archevêques et quarante et un évêques y assistèrent. Les archevêques présents furent successivement délégués par le souverain pontife pour présider, à tour de rôle, les congrégations générales et diriger les délibérations du concile. Divers cardinaux furent délégués pour présider les sessions solennelles.

A partir de la 17e congrégation (26 juin) le cardinal Vives, qui venait de recevoir la pourpre, après avoir été consultent’du concile, assista aux congrégations comme président d’honneur. Les secrétaires du concile furent Ma r Montes de Oca, évêque de Saint-Louis de Potosi, au Mexique, et Ma r do Rego Maia, évêque de Pétropolis, au Brésil. Léon XIII approuva les actes du concile le Ie’janvier 1900. Le jour de la clôture de ces solennelles assises les Pères assemblés écrivaient au clergé et aux fidèles de leurs diocèses que, depuis la conversion de l’Amérique latine, il ne s’était produit pour ce pays aucun événement plus important : Nihil in tota America lalina post ejus conversionem majoris monienti unquam factum est quod solemni celebralioni concilii plenarii antecedat splendore, magnificentia et gratiarum ubertatc. Acta, p. xcvin. Les décrets du concile embrassent en effet tout le dogme et toute la discipline, en ces xvi titres subdivisés eux-mêmes en chapitres et en 998 articles : 1. De fide et ecclesia catholica ; 2. De fideiimpedimentis et periculis ; d. De persotn ecclesiasticis ; 4. De cullu divino ; ^. De sacramentis ; <i. De sacramentalibus ; 7. De institulione clericorum ; 8. De vita et konestate clericorum ; 9. De catholica instilutione juvenlulis ; 10. De doctrina christiana ; 11. De zelo animarum et caritate christiana ; 12. bc modo confcrendi ecclesiastica bénéficia ; 13. De jure Ecclesise acquirendi et possidendi bona temporalia ; 14. De rébus sacris ; 15. Dejudiciis ecclesiasticis ; 16. P< promulgatione et execulionc dccrelorum concilii. Ces

décrets inspirés du concile du Vatican, du concile de Trente, des conciles tenus précédemment en Amérique (Acta, p. lxxx), des décrets des papes et des congrégations romaines, forment un volume compact, qu’on a fait suivre d’un second volume d’appendices contenant, en 135 articles, les principaux documents propres à éclairer ou à compléter les actes du concile : Acta et décréta concilii plenarii Americse in Vrbe celebrati anno Domini MDCCCXCIX et Appendix ad concilium plenarium, 2 vol. in-8 de cxvi, 462 et 779 p. Les décrets doivent avoir force de loi dans toute l’Amérique latine, un an après leur promulgation. Acta, n. 99L Ils abrogent toutes les lois et coutumes contraires. Acla, n. 998. Il y a donc lieu d’espérer qu’ils vont amener un véritable renouvellement religieux dans ces vastes régions.

Pour en assurer la parfaite intelligence et la complète exécution, le concile en a réservé l’interprétation aux évêques, pour les questions minimes, et à la Sacrée Congrégation des Affaires ecclésiastiques, pour les points importants. Acta, n. 995. Il a aussi interdit de faire la traduction en langue vulgaire d’aucun titre, et à plus forte raison de la totalité des actes, sans la permission du saint^siège. Acta, n. 996. Les deux secrétaires du concile sont restés à Rome, après sa tenue, pour en rédiger la traduction officielle.

III. Privilèges.

Les évêques du concile se sont conformés aux lois générales de l’Église dans leurs décrets. Mais le saint-siège a daigné accorder à toute l’Amérique latine des privilèges qui constituent la partie la plus importante de sa discipline particulière et méritent, à ce titre, d’être indiqués ici. Us sont consignés dans quatre documents principaux : la lettre apostolique Trans oceanum du 18 avril 1897 ; un décret de la S. C. des Affaires ecclésiastiques du 6 juillet 1899, réglant l’obligation du jeûne et de l’abstinence pour l’Amérique latine ; un décret du 1 er janvier 1900, accordant diverses grâces demandées au saint-père par les évêques du concile plénier ; enfin un décret semblable de la S. C. du Concile du 4 mai 1900.

1° Lettre apostolique du 18 avril 1897. — Par sa lettre Trans oceanum, du 18 avril 1897, Léon XIII renouvelle pour trente ans et condense en quatorze articles les divers privilèges accordés par ses prédécesseurs à l’Amérique latine, privilèges dont un certain nombre avaient été abrogés, d’autres reconnus insuffisants.

Voici les principaux de ces articles : 1. Un évêque pourra au besoin se faire sacrer par n’importe quel évêque, en communion avec le siège apostolique, assisté de deux ou trois prêtres, à défaut d’évêques assistants ; — 2. On pourra se contenter de célébrer les conciles provinciaux seulement tous les douze ans ; — 3. Les évêques pourront faire le saint chrême et les saintes huiles en dehors du jeudi saint, s’il y a nécessité ; — 4. En cas de besoin on pourra user des huiles saintes, vieilles de quatre années, pourvu qu’elles ne soient point corrompues ; — 5. Permission de célébrer li’2 novembre trois messes, avec obligation de n’accepter l’honoraire que pour une seule messe et d’appliquer les deux autres à tous les défunts ; — 6. Le temps de Pâques commencera au dimanche de la Septuagésime et se clora à l’octave du Corpus Domini ; — 7. Si, pour gagner les indulgences ou jubilés, la condition de la confession et de la communion est imposée avec le jeune, les fidèles pourront se contenter de jeûner à défaut de confesseur, pourvu qu’ils aient le ferme propos de se confesser le plus tôt possible ou au moins dans le mois ;

— 8. Les Indiens et nègres peuvent contracter mariage au troisième et au quatrième degré d’affinité el de consanguinité ; — 9. Ils peuvent recevoir la bénédiction nuptiale toute l’année, mais sans pompe pendant le temps où les noces sont interdites ; — 10. Les Indiens et les nègres ne seront tenus de jeûner que les vendredis de carême, le samedi saint et la veille de Noël. Appendix ad concilium plenarium, docum. xcvi, p. 608.

2° Décret de la S. C. des Affaires extraordinaires du G juillet 4899. —

A la demande des évêqucs présents au concile plénier, et indépendamment des autres induits propres à chaque diocèse, le souverain pontife accorde pour dix ans aux évêques de l’Amérique latine, avec droit de le déléguer à tout prêtre, le pouvoir de dispenser les fidèles et les religieux ou religieuses de l’abstinence et du jeûne sous les réserves suivantes : 1. Lex jejunii sine abslinentia acarnibus servetur feriis VI adventus et feriis IV quad ragesimæ ; 2. Lexjejunii et abslinentise a carnibus servetur feria IV cinerum, feriis VI quadragesinise et feria V majoris hebdomadx. Sed diebus jejunii semper licebit omnibus, etiani regularibus, quamvis specialem dispensalionem non pelicrint, uti ovis ac lacticiniis ; 3. Abslinentia a carnibus sine jejunio servetur in quatuor pervigiliis festorum nativitalis D. N. J. C, Pentecostes, Assumptionis in cœlum B. M. V. et sanctorum apostolorum Pétri et Pauli. Appendix ad concilium plenarium, docum. cxxi, p. 701.

3° Décret du 1° janvier 1900. —

Il accorde également treize demandes faites par les évêques de l’Amérique latine réunis au concile, les unes pour dix ans, les autres à perpétuité. Voici les principales. A. Concessions pour dix ans. — 1. La profession de foi qui doit être faite devant l’évêque pourra, en cas de nécessité grave, être faite devant son délégué. — 2. Quand la pénurie des prêtres y obligera, l’évêque pourra se borner à appeler au synode une partie seulement des curés. — 3. Les ecclésiastiques suspendus pour plus de trois ans de tout office et de tout bénéfice seront, au bout de trois ans, privés par le fait même du droit de porter la soutane.— 4. Le Saint-Siège approuve qu’on prive les curés de leur paroisse pour les causes suivantes déterminées par le concile plénier, article 820 : très mauvaise réputation coupable sous le rapport des mœurs ; — admission téméraire et répétée au mariage sans dispense des empêchements publics ; — omission des catéchismes pendant la plus grande partie de l’année et négligence opiniâtre dans l’administration des sacrements in articula mortis, à cause de la distance ; — injustice opiniâtre dans l’exigence des honoraires ; — négligence opiniâtre du ministère auprès des Indiens et nègres de la paroisse, pendant la plus grande partie de l’année. — 3. Des pouvoirs très larges sont accordés aux évêques pour l’allocation et l’aliénation des biens ecclésiastiques. — 4. Concessions à perpétuité. — 5. Les fiançailles contractées sans écrit public seront invalides ; — 9. Dans chaque province ecclésiastique, on pourra ériger soit au séminaire de la ville métropolitaine, soit dans un autre séminaire choisi par les évêques, des facultés de philosophie scolastique, de théologie et de droit canon et y conférer les grades académiques. Dans les pays qui possèdent plusieurs métropoles, cette érection ne pourra être faite que dans un seul séminaire choisi par les évêques. — 43. La constitution Romanos ponti/ices du 8 des ides de mai 1881, réglant les difficultés pendantes entre les évêques et les religieux missionnaires d’Angleterre et d’Ecosse, est étendue à toute l’Amérique latine.

4° Décret du 4 mai 1900. —

Les Pères du concile plénier américain avaient demandé en outre (cf. Acta, n. 822) de pouvoir, à cause de la difficulté de faire les concours canoniques, conférer les cures vacantes à titre amovible, et donner sans concours tous les canonicats. Le 4 mai 1900, la S. C. du Concile a demandé aux Ordinaires de désigner dans chaque diocèse les paroisses principales qui seraient pourvues de pasteurs selon les règles du droit ; par conséquent le concours subsisterait pour celles-là. Elle accorde la laveur demandée pour toutes les autres paroisses (même les principales que l’on vient d’excepter si les circonstances l’exigent), pourvu que les droits du saint-siège soient saufs. Elle avertit en même temps les évêques qu’ils agissent modérément et avec une juste cause, quand ils changeront les pasteurs des paroisses, et charge la conscience des évêques de l’accomplissement de cette condition. La faculté est accordée pour dix ans. La congrégation a accordé pareillement pour dix ans la faculté demandée pour les canonicats. Ces concessions font à l’Amérique latine une situation analogue à celle de la France, où nous avons des curés inamovibles et des curés amovibles.

IV. Éducation du clergé et sciences sacrées. —

On a déjà pu remarquer, par les privilèges accordés à l’Amérique latine, que le nombre des prêtres y est beaucoup trop restreint. Cette observation frappera plus encore lorsqu’on parcourra la statistique qui termine cet article. On verra qu’en certains diocèses, il n’y a pas un prêtre pour 10000 catholiques, et que, dans un assez grand nombre d’autres, il n’y en a pas un pour 5000 fidèles, pénurie d’autant plus sensible, qu’il s’agit ordinairement de populations dispersées sur un plus vaste territoire et vis-à-vis desquelles le ministère sacré est, par conséquent, plus difficile. Dans cette situation précaire, on est porté à être moins exigeant pour la formation des clercs. Si l’on n’y prenait garde, la valeur des prêtres tendrait donc à décroître dans la même proportion que leur nombre. Aussi est-il évident que le recrutement et la formation du clergé doivent être particulièrement l’objet de la vigilance de l’épiscopat. Pour relever l’instruction religieuse et la moralité des populations, il est nécessaire de leur donner des prêtres et surtout de leur en donner d’excellents. C’est pourquoi Léon XIII a insisté sur ce point dans la lettre du 18 septembre 1899 aux évêques du Brésil, Appendix ad concilium plenarium, docum. cxxviii, p. 729, et, d’une façon plus frappante encore, dans l’allocution qu’il adressa à tous les Pères du concile de l’Amérique latine, lorsqu’ils vinrent prendre congé de lui, le 10 juillet 1899. Acta concilii, t. I, p. Civ. Le concile s’en est aussi longuement occupé. Nous indiquerons plus loin, en parlant de chaque pays, les principaux séminaires et les universités qui y sont établis. Faisons connaître ici les recommandations et les prescriptions faites par le concile plénier pour toute l’Amérique latine, relativement à la formation des clercs et à leur instruction dans les sciences sacrées. Elles se trouvent principalement au titre vii, De inslitutione clericorum, divisé lui-même en quatre chapitres.

Le premier chapitre, De electione et præparatione puerorum ad slatum clericalem in seminario, recommande aux curés et aux confesseurs de cultiver les vocations (art. 607) ; qu’il y ait dans chaque diocèse au moins un séminaire, et, autant que possible, deux séminaires : un petit pour l’élude des lettres, un grand poulies élèves de philosophie et de théologie. Les cours de philosophie pourront s’achever, au gré de l’évêque, dans les petits séminaires, pourvu que ce soit des cours de philosophie scolastique, qu’on exclue les textes en langue vulgaire et qu’on y consacre le temps prescrit.

Le chapitre il traite des petits séminaires. On n’y admettra que les enfants qui se destinent au sacerdoce. Ceux-ci ne retourneront point dans leur famille, même durant les vacances, jusqu’à la fin de leurs éludes ecclésiastiques. La piété est recommandée aux séminaristes plus encore que la science. Ils apprendront le latin, le grec s’il est possible, la langue nationale et aussi celle des Indiens de chaque région afin d’être en état de leur administrer les sacrements. Ils étudieront la rhétorique, l’histoire sacrée et profane, la géographie, l’arithmétique et les autres sciences naturelles.

Le chapitre in s’occupe des grands séminaires. Après les vacances, l’année commencera par une retraite. Chaque jour auront lieu en commun la prière du matin, à la chapelle, l’oraison mentale, qui durera une demi-heure, l’assistance à la messe, l’examen de conscience, la visite au saint-sacrement, le chapelet, la prière du soir. Les séminaristes se confesseront chaque semaine et s’appliqueront à leur formation spirituelle. Personne ne sera admis au séminaire qu’après avoir suivi régulièrement le cours des études. On donnera au moins deux ans à l’étude de la philosophie, et quatre à celle de la théologie. On suivra saint Thomas dans les cours de philosophie et de théologie et on n’interprétera que des auteurs d’une doctrine approuvée. On fera aussi au séminaire des cours d’herméneutique sacrée, d’exégèse biblique, d’histoire ecclésiastique, de droit canon, de liturgie, d’éloquence sacrée et de pastorale. Les clercs s’y periectionneront dans l’étude des langues des indigènes ; ils s’y exerceront aux cérémonies sacrées et au chant. Le concile témoigne le désir qu’on ne néglige point la théologie positive, surtout patristique, ni l’apologétique. Il exprime même le vœu qu’il y ait une chaire spéciale de théologie positive. — Chaque année, les séminaristes subiront deux examens sur toutes les matières enseignées. Tous mèneront la vie commune. On n’admettra parmi eux aucun externe, sinon pour des raisons très graves approuvées par l’évéque. Tous porteront la soutane.

Le chapitre IV est relatif à l’examen qu’il est bon que les jeunes prêtres subissent, au moins sur la théologie morale et dogmatique, pendant les cinq ans qui suivront leur promotion au sacerdoce.

Ailleurs, tit. viii, c. viii, le concile prescrit la tenue de conférences ecclésiastiques sur la théologie et la liturgie, dont il laisse la détermination au soin de l’évéque. Dans les régions où il n’est pas possible aux prêtres de se réunir, l’évéque pourra leur poser des questions théologiques et liturgiques, auxquelles ils seront tenus de répondre par écrit.

Dans le chapitre consacré aux universités, tit. IX, c. III, le concile témoigne le désir qu’il y ait, dans chaque république ou dans chaque région, une université catholique où l’on étudiera en particulier les sciences sacrées. Nous avons vu précédemment les concessions faites par le saint-siège à l’Amérique latine, pour l’érection de facultés de philosophie scolastique, de théologie et de droit canonique dans chaque pays ou dans chaque province ecclésiastique. Acta concil., a. 697, p. 307 et p. cix. Pie IX avait érigé à Rome un séminaire destiné à recevoir de jeunes clercs de l’Amérique latine qui suivent les cours des universités romaines. Il avait prescrit que tous les diocèses de ce pays contribueraient à son entretien. Le concile rappelle les immenses services que ce séminaire a déjà rendus à l’Eglise d’Amérique ; il prescrit de n’y envoyer que des jeunes gens d’une santé robuste, d’un esprit solide et d’une grande intelligence. Il insiste aussi sur l’obligation de payer exactement les redevances qui servent à son entretien. Tit. xi, c. vii, a. 797, 798. Nous terminons ces renseignements généraux pour parcourir rapidement chaque république de l’Amérique. Nous réservons, pour le tableau qui terminera cet article, le nombre des fidèles, des prêtres, des paroisses et des églises ; mais nous ferons connaître ici, quand il y aura lieu, l’état religieux, les universités, séminaires, écoles, congrégations de chaque pays.

V. Saint-Domingue kt Haïti. —

Saint-Domingue est le premier siège érigé dans le nouveau monde. Jules II donna, le 13 août 1513, la bulle d’érection qui constituait le premier anneau de la hiérarchie et y envoya Garcia Papilla, franciscain, confesseur de la reine Kléonore, qui mourut avant d’être sacré. Sou successeur fut un Romain (en 1520), Alexandre Gerardino, qui commença la cathédrale. En 1547, Saint-Domingue fui élevée à la dignité archiépiscopale par Paul III, qui lui adjoignit comme suffragants Cuba, Porto-Rico, Caracas et Jamaïque (qui était alors une simple abbaye). Le xvi° siècle fut l’époque brillante de Saint-Domingue ; mais, son commerce se mit à décliner et les événements du siècle dernier, les révoltes des noirs, les guerres qui en furent la suite ont fait de cette partie de l’île de Haïti une colonie malheureuse qui, en 1814, se sépara de l’autre partie et s’érigea en république (Dominicaine). Nous trouvons une preuve de cette décadence dans la liste des évêques. Leur succession est régulière jusqu’en 1798, puis vient une interruption jusqu’en 1817, où nous trouvons Pierre Valera qui résigna son siège en 1830. Alors, nouvel abandon. Les évêques reparaissent depuis 1818 jusqu’en 1866, où Renvenuto Monzon y Marlins est transféré à Grenade. Mais alors survient une autre lacune de vingt années ; le siège est abandonné ; les Indiens qu’on avait eu tant de peine à christianiser retournent à leurs pratiques idolâtriques. Un archevêque (immédiatement soumis au saint-siège depuis la création de la république dominicaine ) a été donné à ce diocèse en 1885.

Les catholiques de ces pays se divisent en deux classes : les blancs, presque tous imbus des idées voltairiennes, attachés à la franc-maçonnerie, et les gens de couleur qui sont remplis d’orgueil et croient faire grand honneur à Dieu par l’accomplissement de quelques pratiques religieuses. Ces pratiques, d’ailleurs, sont mêlées de beaucoup de superstition, soit restes de l’ancienne idolâtrie des habitants, soit fruits de sectes secrètes qui font parmi les noirs de nombreux prosélytes et ressemblent assez aux assemblées des sorciers et des sabbats. Cette indication s’applique non seulement à la république dominicaine, mais à sa sœur voisine, celle de Haïti.

Haïti a une circonscription ecclésiastique mieux organisée, nous y trouvons un archevêché dont la juridiction s’étend sur toute la république, et quatre diocèses qui se partagent l’Ile. Pie IX a créé ces évêchés par autant de bulles qui ont été données le 3 octobre 1861, déterminant les limites des différents diocèses conformément aux divisions administratives de l’île. Ces diocèses n’ont pas d’histoire puisque leur création est si récente, mais ils offrent une particularité intéressante. Le séminaire d’Haïti ne se trouve point dans cette île, mais en Rretagne, dans le diocèse de Vannes ; ce sont aussi des Français qui sont à la tête de tous les diocèses, sauf celui de Port-au-Prince, où M9 r Tonti, délégué apostolique, a voulu être archevêque sans cesser d’être délégué.

L’érection de ces diocèses a eu lieu à la suite d’un concordat de Pie IX avec la république d’Haïti qui date de 1860. En voici le premier article : « La religion catholique, apostolique et romaine, qui est la religion de la grande majorité des Haïtiens, sera, elle et ses ministres, protégée d’une manière particulière dans la république d’Haïti et jouira des droits et attributions qui lui sont propres. Les archevêques et évêques seront libres d’exercer dans le gouvernement de leurs églises tout ce qui rentre dans les attributions de leur ministère paroissial, selon les règles canoniques. » L’article 3 du même concordat déclare que le gouvernement de la république s’oblige à fournir et à conserver aux archevêques et évêques une allocation convenable sur les fonds du trésor public. Cette allocation est de 15000 francs pour l’archevêque, de 10000 francs pour les évêques, mais le gouvernement ne met point toute la ponctualité désirable à remplir ses engagements.

Le diocèse de Port-au-Prince, métropole de toute l’île, possède 1 collège et 21 écoles catholiques. Ces chiffres montrent qu’une grande partie de la population échappe à l’action de l’Église et que l’instruction chrétienne fait beaucoup trop défaut. Le diocèse de Les (’.aies possède aussi 1 collège et 16 écoles catholiques ; celui de Gonaïve, 10 écoles avec une population de I 620 élèves.

Les fréquents changements de pouvoirs dans l’Ile de Haïti et les révolutions qui en sont la conséquence sont loin d’avoir été favorables au développement et au main tien de l’esprit religieux. L’orgueil bien connu des populations de couleur paraît être le principal obstacle à la formation d’un clergé indigène. C’est pour ce motif que le dessein qu’avait formé le délégué actuel de fonder dans sa ville métropolitaine un séminaire pour un clergé qui serait national, projet qui était chaudement patronné par le gouvernement de la république, impatient de se sentir sous une tutelle étrangère, n’a pu aboutir. Le séminaire d’Haïti à Vannes fournit assez de prêtres pour maintenir le clergé existant, mais point assez pour évangéliser les peuples qui lui sont confiés.

VI. Cuba et îles voisines.

Cette province ecclésiastique compte deux suffragants : l’un est la Havane, dans l’île même de Cuba ; l’autre Porto-Rico, dans l’île de ce nom. Cette île, qui fut découverte par Christophe Colomb, reçut la foi chrétienne aux premiers jours de l’occupation et devint la propriété des Espagnols qui la gardèrent jusqu’en 1762, époque où les Anglais s’en emparèrent. Mais ils la rendirent par le traité de 1763 et î’ile revint sous la domination espagnole jusqu’en 1899, où la guerre hispano-américaine la fit passer, avec Porto-Rico, sous la domination des États-Unis d’Amérique.

Le budget ecclésiastique de l’île de Cuba, soldé jadis par le gouvernement espagnol, était considérable. La dotation du clergé tant régulier que séculier s’élevait à 2 329 244 francs, les tribunaux ecclésiastiques absorbaient à eux seuls 176166 francs. L’archevêque de Santiago et l’évêque de la Havane touchaient chacun 88200 francs ; les 15 chanoines de Santiago ensemble, 203840 francs ; ceux de la Havane 181 700 francs. Certaines cures valaient de 8 à 10000 francs et le nombre total des cures et vicairies dans le diocèse de l’île de Cuba était de 325. Depuis la conquête des États-Unis, le gouvernement américain a traité cette partie de l’île comme les autres Etats de l’Amérique et a supprimé le budget des cultes. Mais en dehors de la dotation régulière du gouvernement espagnol, qui était surabondante pour les besoins normaux de ces populations, le clergé avait pu se constituer des fonds de réserve, acheter des immeubles de rapport, se créer enfin des rentes ; il en résulte que prêtres et évéques sont dans une situation relativement aisée.

VIL Mexique. — L’histoire de ce riche pays peut se diviser en trois époques bien distinctes : 1° le Mexique avant la conquête par Ferdinand Cortez qui entra à Mexico en 1521 : c’est la période indienne ou si l’on veut archéologique ; 2° la domination espagnole depuis la conquête jusqu’en 1810 ; et 3° la période d’indépendance qui a commencé à cette date et se prolonge jusqu’à nos jours.

La religion catholique pénétra dans ces contrées avec les Espagnols, mais la cupidité de quelques Européens les réduisit à une bien triste situation. Des marchands de Cadix obtinrent le monopole du commerce et pour assurer un débouché à leurs produits firent défendre toute industrie similaire à celle dont ils pouvaient exporter des échantillons. De plus l’avidité conduisit les Espagnols à user souvent de violences envers les Indiens et toute l’éloquence du vénérable Las Casas ne suffit pas à les défendre et à les protéger. L’Église cependant était matériellement florissante. Les Indiens étaient convertis ; mais la crainte des Espagnols entrait pour beaucoup dans ces conversions, et les Indiens pouvaient difficilement se figurer, comme infiniment bon, un Dieu dont les serviteurs étaient si méchants.

La troisième partie de l’histoire du Mexique, c’est-à-dire la période de son indépendance, a été funeste à ce pays. L’ambition des hommes politiques se substituant au bien public, les guerres civiles conséquences de cette ambition, les ruines qui en ont été la suite ont exercé la plus malheureuse influence. De plus sous les gouvernements républicains qui se sont succédé, et en particulier sous la présidence de Comonl’ort et de Juarez,

l’Eglise a été dépouillée de ses biens, elle est réduite à vivre maintenant de son casuel et des aumônes des fidèles. Mais les fidèles sont généreux pour leurs églises et pour leurs prêtres : la basilique de Notre-Dame de Guadeloupe a coûté des millions ; la grande église de San Francisco, rachetée aux protestants, a revêtu une splendeur inouïe, grâce aux Pères jésuites qui en ont soin. La cathédrale de Saint-Louis de Potosi a été richement décorée par Mo^ Montes de Oca, celle de Guadalaxara s’est recouverte de peintures et d’or, celle de Puebla s’embellit encore tous les jours grâce au zèle de son évêque ; la cathédrale de Mexico a des richesses fabuleuses et n’est égalée sous ce rapport par aucune basilique de Rome ou du monde catholique.

Les communautés religieuses ont été dépossédées et chassées par la révolution, mais la guerre religieuse a pris depuis longtemps fin et la sage administration du président actuel, Porfirio Diaz, l’auteur de la constitution qui régit ce pays, leur a permis de revenir, non pas comme communautés avec lès droits qu’elles avaient jadis, mais sous le bénéfice du droit commun. Ainsi on trouve en plusieurs villes du Mexique les ordres suivants : les franciscains, qui se reconstituent rapidement ; les jésuites qui ont de florissants collèges ; les augustins mexicains. Par contre, les dominicains et les carmes, jadis très nombreux, ne sont presque plus représentés. Les congrégations nouvelles donnent un contingent important, et en première ligne il convient de nommer une congrégation mexicaine, celle des joséphisles ou missionnaires de Saint-Joseph, dont les statuts ont été approuvés en 1897 par le Saint-Siège. Les lazaristes dirigent trois grands séminaires ; les maristes ont à Mexico la charge de la paroisse française ; les missionnaires du Cœur-Immaculé de Marie, fondés par le vénérable Antoine Claret, archevêque de Cuba, ont des collèges et des missions. Citons encore les dames du Sacré-Cœur, les ursulines, les sœurs de l’Immaculée-Conception de Guadalupe, ces dernières s’occupant d’ouvroirs et d’orphelinats.

Il n’y a pas de concordat entre le Saint-Siège et le Mexique. Cependant M’J r Averardi a été envoyé récemment dans ce pays pour essayer précisément d’arriver à une entente et faire cesser légalement une persécution qui n’est plus qu’un souvenir, mais qui, vivant encore dans les lois et les règlements de police, pourrait éclater de nouveau. On ne dit pas que sa mission ait réussi sous ce rapport : il n’y a pas encore un diplomate accrédité près le Saint-Siège, pour représenter le gouvernement du Mexique.

Au point de vue de l’instruction, le Mexique a quatre facultés de théologie et de droit canon, elles sont établies à Mexico, à Guadalaxara, Puebla et Merida. Celle de Guadalaxara est la plus renommée et par le nombre de ses étudiants et par la science de ses professeurs. L’enseignement primaire est au contraire assez délaissé et c’est une des questions qui préoccupent le plus les évêques. Les biens du clergé ayant été pris par la révolution, celui-ci n’a que les ressources indispensables pour son ministère et ne peut, faute, d’argent, créer des écoles. Or au Mexique, comme dans tous les pays soumis au régime maçonnique, l’école est gratuite, obligatoire, neutre et laïque. L’enseignement que les parents peuvent donner à la maison ne saurait contre-balancer celui du maître d’école. Les évoques réunis en différents conciles provinciaux qui se sont tenus en 1896, ont unanimement résolu la fondation d’écoles catholiques ; mais les difficultés étant avant tout d’ordre financier, la question n’a été résolue que pour les paroisses riches, c’est-à-dire pour une faible minorité.

La presse religieuse s’est développée au Mexique. On y trouve le Pais, journal à cinq centimes, qui imite le genre de la Croix et obtient le même succès. Le Tiempo est à Mexico ce que l’Univers et la Vérité sont à Paris.

DICT. DE THEOL. CATII.

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AMÉRIQUE LATINE

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La Voz de Mexico est très catholique. Mentionnons VEslendarie de Saint-Louis de Potosi, La Rosa di Tepeyac, El Domingo imprimé à Durango, La Linterna de Diogenès à Guadalaxara, L’Amigo délia verdad de Puebla qui a une grande diffusion. Les Pères jésuites rédigent un Messager du Sacré-Cœur et on a encore à Mexico une revue de sciences ecclésiastiques analogue à l’Ami du clergé : c’est la Gaceta ecclesiastica mexicana.

Les œuvres sont en honneur au Mexique et, sans entrer dans le détail, il suffit de citer cette conclusion de la notice que l’Année de l’Église, Paris, 1899, consacre à ce pays : « En somme, les œuvres se développent au Mexique sur tous les terrains, même sur celui de la politique, et il est permis de saluer le jour où le pouvoir civil et le pouvoir ecclésiastique se donneront le baiser de paix au pied de la croix de Jésus-Christ. »

Mexico a eu quatre conciles. Le premier fut tenu en 1524 ou 1534 et détermina plusieurs points de discipline ecclésiastique, entre autres que les Mexicains qui voudraient professer la religion catholique seraient tenus aux lois de l’Église sur le mariage. Le second, plus célèbre, tenu sous Pierre Moya de Contrera en 1585, fit à l’usage des Indiens convertis à la foi de nombreux règlements, empruntés aux conciles antérieurs et particulièrement au concile de Trente. Parmi les prohibitions figurait celle de prendre du tabac dans les églises. Ces règlements, divisés en cinq livres, furent approuvés par le pape en 1586 et imprimés. Dans l’éloge funèbre des évêques de l’Amérique latine, qu’il prononça devant le concile plénier, Acta, p. 81, M.9* Montés de Oca appelle ce concile le troisième de Mexico, ce qui suppose que le premier aurait été dédoublé ; comme on en donne diverses dates, il se pourrait fort bien en effet que ce concile tenu en 1524 se soit renouvelé dix ans plus tard.

Le quatrième concile de Mexico a été tenu en 1766 sous François-Antoine de Laurenzana ; mais ce prélat ayant été après cette réunion nommé à Tolède, ne put obtenir du Saint-Siège l’approbation des actes conciliaires qui, par suite de cette circonstance, n’ont pas été promulgués. En 1896 les diverses provinces ecclésiastiques du Mexique ont tenu un concile provincial.

Le Mexique compte à l’heure présente 6 archevêchés et 22 évêchés, soit en tout 28 sièges et dans ce nombre sont compris 6 diocèses qui ont été créés depuis 1890. La population totale du Mexique d’après le dernier recensement est de 11092216 habitants. Le Mexique est administrativement divisé en 31 États. Parmi ses 28 diocèses 19 ont pour limite celle des États. Nous allons les parcourir par provinces.

Antequera (Oaxaca) est un diocèse érigé par Paul III, le 21 juin 1535 ; son premier évêque fut Jean Lopez de Zarate. Parmi les prélats qui ont illustré ce siège il faut citer Barthélémy de Benavente y Benavide († 1652), écrivain ecclésiastique ; Thomas de Monterroso († 1678), qui fonda le séminaire ; Nicolas de Puerto, son successeur, écrivain ecclésiastique ; Ange Maldonado († 1728), auteur de plusieurs ouvrages ; François de Santiago y Calderon, qui consacra la cathédrale et y ajouta les deux tours († 1733). En 1891, Léon XIII a élevé ce siège à la dignité archiépiscopale, lui donnant comme tributaires Campèche, Chiapas, Tabasco, Tehuantepec et Mérida (Yucatan).

L’archidiocèse d’Antequera a 2 séminaires, 1 collège et 64 écoles catholiques ; celui de Tehuantepec, 1 collège et 3 écoles catholiques avec 600 élèves ; celui de Yucatan, 1 séminaire, 4 maisons religieuses et 15 écoles catholiques, avec une population de 2946 enfants.

Durango est la seconde province du Mexique ; elle a pour suffragants Chihuahua, Sinaloa, dont l’évêque réside à Culiæan et Sonora. Durango possède 1 collège et 12 écoles catholiques avec une population de’2043 élèves ; Chihuahua, 1 séminaire, 1 collège et

2 écoles ; Sinaloa, 1 séminaire et 9 écoles catholiques ; Sonora, 1 séminaire et 9 écoles catholiques.

Province de Guadalaxara : trois diocèses, ceux de Co-Iima, Tepic, Zacatecas. Guadalaxara a 1 séminaire, 1 collège et 26 écoles catholiques ; Tepic, 1 grand et 1 petit séminaire qui comptent 150 élèves et 1 collège.

Province de Linares ou Monterrey, trois diocèses : Saint-Louis de Potosi, Saltillo et Tamaulipas. Linares a 1 séminaire et 10 écoles catholiques avec 637 élèves ; Saint-Louis de Potosi, 1 collège et 6 écoles catholiques avec 754 élèves ; Saltillo, 1 séminaire, 1 collège et 46 écoles catholiques avec 7 320 élèves ; Tamaulipas ou Ciudad Victoria a 1 séminaire.

Province de Mechoacan dont le siège métropolitain est à Morena, trois diocèses : Léon, Queretaro et Zamora. L’archidiocèse de Mechoacan possède 3 écoles catholiques ; le diocèse de Queretaro ou Saint-Jacques de Queretaro a 1 séminaire, 1 collège et 11 écoles catholiques ; celui de Zamora, 6 collèges et 159 écoles catholiques qui ont une population de 10 260 habitants.

Mexico est la plus importante des provinces du Mexique. Elle a, comme suffragants, les sièges de Chilapa, Cuernavaca, Tlascala, Tulancingo et Vera-Cruz. L’archidiocèse de Mexico compte 1 séminaire et8 collèges ; le diocèse de Cuernavaca a 1 séminaire et 6 écoles catholiques ; celui de Tulancingo, 1 collège ; celui de Vera-Cruz ou Jalapa, 1 séminaire et deux collèges.

VIII. Guatemala et les autres petites républiques voisines. — Le Guatemala est un État situé entre le Mexique et la république de Honduras. Ce pays appartint à l’Espagne pendant trois siècles. En 1821, suivant l’exemple des autres colonies espagnoles, il se déclara indépendant, s’unit d’abord au Mexique en 1822, s’en sépara en 1823, forma une république fédérale avec les États voisins et reprit en 1810 son indépendance. Tant que ce pays ne fut qu’une colonie espagnole, la métropole traitait ses questions religieuses par l’intermédiaire du nonce de Madrid et de son ambassadeur à Rome, mais quand le Guétamala eut proclamé son indépendance, il résolut de faire avec Rome un concordat qui fut signé en 1853. (Une convention presque identique avec le Saint-Siège fut signée par le Honduras en 1861. par Costarica en 1853, et par Nicaragua en 1863.)

L’article 1 er dit que la religion catholique, apostolique, romaine continue d’être la religion de la république de Guatemala et y sera toujours conservée et protégée avec tous les droits et prérogatives dont elle jouit par ordination divine et en vertu des saints canons. — Le concordat reconnaît au Saint-Siège le droit d’ériger de nouveaux diocèses ; mais à la condition de se mettre pour cela d’accord avec le gouvernement. — Le président de la république peut proposer aux sièges vacants et le Saint-Siège donnera aux candidats nommés l’institution canonique, s’ils en sont dignes ; en attendant, la personne nommée ne pourra à aucun titre s’immiscer dans l’administration du diocèse. Le gouvernement de Guatemala, reconnaît le droit des évêques de lever les dîmes, et comme les dîmes actuelles ne peuvent suffire à l’entretien du clergé, il y ajoute une somme annuelle de 4 000 écus (20 000 francs) qui formera une créance de l’Église sur l’État. Ces quelques lignes indiquent la teneur de ce traité. Il est légèrement modifié pour les républiques voisines. Les variations se rencontrent surtout dans la partie financière qui devait se mouler en quelque sorte sur la situation des différentes églises.

Ecclésiastiquement, Guatemala, capitale du Guatemala, est métropole. Elle a comme suffragants Comayagua de la république du Honduras ; Saint-Joseph de Costarica appartenant à la république de ce nom ; Nicaragua, qui relève de l’état de Nicaragua, et San-Salvador, capitale de la république de Saint-Sauveur. Tous les sièges suffragants de cette métropole sont donc des capitales de petits États indépendants. Signalons 2 collèges dans l’ar

chidiocèse de Guatemala, 1 séminaire et 1 collège dans le diocèse de Costarica.

IX. Colombie.

L’histoire des colonies espagnoles détachées de la mère patrie au commencement du siècle est toujours identique. Elle a été' en Colombie la même que dans les autres parties de l’Amérique.

Ce vaste pajs, qui mesure 1 200 000 kilomètres carrés, a, il faut l’avouer, une population bien faible par rapport à sa surface (4 habitants par kilomètre carré) ; mais la race indienne n’y avait pas été écrasée par la race conquérante. La preuve en est que, d’après les statistiques actuelles, il n’y a en Colombie que 400000 blancs, contre 1 600 000 métis, ou cholos, 350000 indiens civilisés, 50 000 non civilisés, et 700 000 nègres mulâtres ou zambos.

La foi fut portée dans ce pays dès le temps de la conquête par les Espagnols : elle se fortifia et se développa sous leur domination. En 1819, Bolivar ayant soulevé ces provinces, elles se déclarèrent indépendantes de la mère patrie, au congrès d’Angostura du 17 décembre 1819. En 1831, les douze départements qui les constituaient se désunirent et se partagèrent en trois groupes différents : les cinq premiers formèrent la Nouvelle-Grenade ; les trois autres formèrent l’Equateur, et les quatre derniers, à l’est des premiers, formèrent le Venezuela. En 1836, Grégoire XVI noua des relations diplomatiques avec la Nouvelle-Grenade. Il y établit un chargé d’affaires qui avait encore le soin de toutes les républiques américaines dépourvues de délégué apostolique ou de représentation quelconque du Saint-Siège. Ce poste était, on le voit, très important à cause de la juridiction étendue de son titulaire ; mais il a perdu beaucoup de cette importance, par suite de la création de nombreux délégués apostoliques, nonces et internonces dans l’Amérique latine. En 1851, la Nouvelle-Grenade, se constituant sur de nouvelles bases, prit le nom d'États-Unis de Colombie, titre qu’elle a changé, en 1886, pour celui de république de Colombie.

Le 8 décembre 1887, Léon XIII a fait une convention avec la Colombie. Ce pays doit donner à l'Église une somme annuelle de 500 000 francs et continuera à payer la rente des biens ecclésiastiques ou religieux dont il s'était emparé. — Le 2 juillet 1893, on ajouta à ce traité une convention additionnelle portant sur le règlement du for ecclésiastique, l’organisation des cimetières, et l’obligation pour les curés de se prêter aux recensements exigés par l'état civil. Actuellement la Colombie entretient un envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire auprès du Saint-Siège. Le pape y a un délégué apostolique et envoyé extraordinaire qui réside à Bogota, capitale de la république.

La division ecclésiastique est calquée sur la division civile. Il n’y a qu’une seule province ecclésiastique, celle de Bogota, qui comprend les sièges suffragants qui suivent : Antioquia, Carthagène, Sainte-Marthe, Medellin, Nueva Pamplona, Panama, Pasto, Popoayan, Soccoro, Tolima, dont l'évêque réside à Neiva, et Tunia. C’est, on le voit, un des archevêchés qui a le plus de suffragants : il n’est dépassé sous ce rapport que par le siège de Westminster, qui a tous les évêques d’Angleterre, au nombre de 15, sous sa. juridiction.

Santa-Fe di Bogota, maintenant, d’après un décret consistorial tout récent (1896), simplement Bogota, fut érigé en évêché le Il septembre 1562, et en archevêché' le 22 mars 1564, mais n’eut son premier évêque qu’en 1570. Ce fut un franciscain, qui entra dans le diocèse en 1573, fonda le séminaire et réunit, en 1582, un concile provincial. En 1621, Ferdinand Arias de Ugarte, célébra un second concile provincial. Bernardin de Almansa († 1633) a construit la cathédrale qui est dédiée à l’Immaculée Conception. Il existe dans cette cathédrale une coutume touchante. Tous les ans, au 6 août, jour anniversaire de la fondation de la ville, on expose les ornements sacrés qui servirent à célébrer pour la première

fois le saint sacrifice sur cette terre, dans une petite chapelle qui subsiste encore. Christophes de Torres, dominicain, érigea, vers 1670, l’université appelée Communio Indorum. Notons encore un autre synode provincial, en 1868. L’archidiocèse possède 1 séminaire, 30 collèges et 160 écoles. Dans une partie du territoire (dit de Saint-Martin), il y a encore une vingtaine de mille Indiens qui sont infidèles.

Carthagène des Indes était érigée en diocèse le 24 avril 1534 et avait sa cathédrale dédiée à la sainte Vierge. Cette ville était très fréquentée, car c'était le port d’attache où venaient débarquer les vaisseaux qui faisaient la traite des nègres. C’est à Carthagène des Indes que saint Pierre Claver exerça son admirable charité vis-à-vis des noirs. Il y a dans cette ville un séminaire.

Il y en a également 1 à Medellin, qui possède, en outre, 3 congrégations religieuses, 1 université, 1 collège et 141 écoles catholiques ayant une population de 16 035 élèves. Notons à ce sujet que le président de la Colombie, répondant au discours de bienvenue du nouveau délégué apostolique, Mor Vico, se félicitait que la Colombie jouissait du privilège inestimable de l’unité de la foi. Il ajoutait : & L’enseignement public distribué aux frais de l'État a été placé sous l’inspection de l’autorité ecclésiastique en tout ce qui concerne la foi et la morale et, pour une partie très considérable, dans tous les départements de la république, il a été mis sous la direction immédiate des instituts et congrégations religieuses. »

Le diocèse de Nueva Pamplona compte 250 480 catholiques, et 50 paroisses. Malheureusement, d’après les statistiques que j’ai sous les yeux, le clergé manque presque totalement : car il n’y aurait que 8 prêtres séculiers et 7 prêtres réguliers ; il y a cependant 1 séminaire et 31 écoles catholiques.

Panama possède 1 collège etl47 écoles catholiques, avec une population de 5 830 élèves. Les travaux d’ouverture du canal trans-pacifique ont amené dans ce diocèse une grande quantité d’ouvriers de toutes nations et de toutes religions ; mais le catholicisme a eu peu à se louer de cet aftlux d'étrangers, pour lesquels tout avait été prépara, sauf un clergé en rapport avec leurs besoins. Des hôpitaux tenus par les sœurs de Saint-Vincent de Paul sont la seule œuvre catholique créée à cette occasion. — Mentionnons encore 1 séminaire et 3 collèges au diocèse de Pasto.

X. Equateur.

La foi s’implanta dans cette région avec la conquête espagnole, et dès le milieu du xvie siècle Paul III avait déjà envoyé un évêque à Quito. En 1811, ce pays s’unit aux provinces voisines sous l’impulsion de Bolivar, pour s’affranchir du joug des Espagnols. Il fit alors partie des États-Unis de Colombie. Il revendiqua son autonomie en 1830 et est actuellement régi par une constitution, modifiée à plusieurs reprises, en particulier en 1883.

En 1862, Pie IX fit un concordat avec la république de l’Equateur. Après le paragraphe consacré à reconnaître la religion catholique, apostolique et romaine comme religion de la république, on y lisait : « C’est pourquoi on ne pourra point permettre dans la république un autre culte ou une société qui aurait été condamnée par l’Eglise. » Le gouvernement promettait (art. 6) de donner son appui aux évêques, surtout quand ceux-ci auraient à s’opposer à l’impiété et à la corruption des bonnes mœurs. Il devait aussi (art. 22) coopérer aux missions pour la conversion des infidèles. Ce concordat a été renouvelé le 2 mai 1881, avec quelques modifications.

Le nom de la république de l’Equateur est intimement lié à celui de son illustre président, Garcia Moreno, qui mourut assassiné (1875) par l’ordre des francsmaçons en prononçant ce mot sublime : « Dieu ne meurt

pas. » Berthe, Garcia Moreno, Paris, 1887. Depuis lors, le gouvernement est tombé aux mains des francsmaçons qui ont mis tout en œuvre pour arracher la religion du cœur des habitants. La foi a eu non seulement ses confesseurs, mais aussi ses martyrs. Actuellement, c’est un des gouvernements les plus irréligieux qui existent. La nomination d’un délégué apostolique semble un si^ne ou une promesse de détente ; mais il faut noter que celui-ci réside à Lima (car il est délégué pour l’Equateur, la Bolivie et le Pérou), et non à Quito, siège des anciens délégués de l’Equateur.

Si l’Equateur fait profession de catholicisme, les mœurs y sont fort relâchées, non seulement parmi le peuple, mais dans le clergé et même dans le clergé régulier. La persécution actuelle aura au moins ce résultat de séparer le bon grain de l’ivraie, d'élaguer les plantes parasites qui souillaient le sanctuaire, au lieu de l’orner, et de donner à la religion la force qui lui vient du sacrifice et des douleurs de ses fils.

La république compte 1400000 habitants. Elle a un archevêché à Quito, avec six sièges suffragants, Cuenca, Guayaquil, Ibarra, Loxa, Puerto Viejo et Bio Bamba, indépendamment de quatre vicariats apostoliques qui ont remplacé l’ancien vicariat apostolique dit de l’Orient.

Une université très fameuse a été fondée à Quito en 1586 par Philippe II, roi d’Espagne, et sa bibliothèque est considérée comme la plus riche de la région. Il y a aussi en cette ville un collège tenu par les jésuites.

Guyaquil possède 1 séminaire, 4 collèges et 60 écoles catholiques avec une population de 4390 élèves ; Loxa ou Loja, 2 collèges.

L’ancien vicariat apostolique de l’Orient, ainsi nommé parce qu’il était situé à l’orient de la république, a été divisé, d’un commun accord entre Léon XIII et le président Antoine Flores, en quatre vicariats : le premier, Napo, appartient aux jésuites ; le second, Canelos et Macas, aux dominicains ; le troisième, Mendez et Gualaquiza, a été confié à la société des salésiens ; le quatrième, Zamora, aux franciscains. Le gouvernement de l’Equateur reconnaît à ces vicariats le droit de percevoir les dimes et accorde à chacun d’eux un subside pour les frais du culte. Ces vicariats qui, régulièrement, devraient dépendre de la Propagande, relèvent au contraire de la S. C. des Affaires ecclésiastiques extraordinaires.

XI. Bolivie.— Ce pays, situé au sud de la république de l’Equateur, n’a point de débouché sur la mer. Il comprend 1 334200 kilomètres carrés, avec une population de 2 325000 habitants, dont 250 000 Indiens. Il se révolta en 1808 contre les Espagnols, mais ne constitua un État indépendant qu’en 1825, au congrès de Chuquisaca, après la victoire d’Ayachuco. En 1879, il s’engagea, en union avec le Pérou, dans une guerre malheureuse contre le Chili, qui lui a dicté les conditions de la paix en 1882, s’est emparé des départements d’Atacama et de Mejillones et de leurs ports, et a ôté ainsi à la Bolivie toute communication avec l’Océan.

La Plata est la ville métropole. Elle a trois sièges suffragants, Chochabamba, la Paz et Santa Cruz de Sierra.

XII. PÉROU. — Quand il était gouverné par les vicerois d’Espagne, le Pérou se divisait en haut Pérou et bas Pérou. Le haut Pérou est devenu la Bolivie ; le bas Pérou a conservé la dénomination de Pérou. Il a une superficie de 1 137 000 kilomètres carrés et 3 050000 habitants, la plupart métis espagnols, outre 400000 Indiens, 100000 nègres et 30 000 Chinois. Le Pérou ne s’insurgea contre l’Espagne, que lorsqu’une armée chilienne vint en quelque sorte le forcer à se déclarer contre la méiropole. Il se constitua d’abord en république indépendante. Une scission sépara plus tard le haut Pérou du bas Pérou. Les révolutions sont fréquentes au Pérou et la religion n’a pas à y gagner. LcSaint-Siège a dans ce pays un délégué apostolique dont la résidence est à Lima et qui est chargé du Pérou, de la Bolivie et de

l’Equateur. Le gouvernement péruvien entretient de son côté un ambassadeur auprès du Saint-Siège. Cependant il vient de prendre une mesure contraire à la religion, en établissant le mariage civil. — Comme nous venons de le dire, il y a encore de nombreux Indiens dans cette république et les franciscains espagnols ont la mission de les évangéliser.

Lima est la métropole du Pérou ; il y a des évêchés à Arequipa, Chachapoyas, Cuzco, Guanlanga, Huanuco, Puno et Trujillo.

Lima, la capitale du Pérou, fondée par François Pizzare en 1535, fut érigée en évéché le 19 mars 1537, et en archevêché le Il février 1546 : c’est la plus ancienne métropole de l’Amérique latine. Les auteurs font remarquer la richesse incroyable des églises principales de Lima, où l’on admire des candélabres et des statues de grandeur naturelle, en argent massif. Lima a eu trois conciles provinciaux. Le premier et le second, tenus en 1552 et 1567, ont laissé peu de traces. Le troisième, tenu en 1583 et présidé par saint Torribio Alphonse Mogrovejo (canonisé en 1726), est bien plus important par les nombreux canons qui y furent dressés. Ils embrassaient toutes les obligations de la vie chrétienne et celles du ministère paroissial. Ils établissent des règles très sages non seulement pour la conduite des blancs mais aussi pour celle des Indiens. Ce concile a eu une grande influence sur la vie religieuse au Pérou. Lima a été la patrie de sainte Bose de Lima, qui mourut en 1620.

Arequipa, évêché érigé le 15 avril 1577, est, au point de vue religieux, la perle du Pérou. On l’appelle « la catholique Arequipa ». Il s’y trouve trois couvents d’hommes et trois de femmes. Les jésuites y ont un collège ; les lazaristes dirigent le séminaire ; les salésiens viennent de s’y établir. Les frères de Saint-Jeande-Dieu y ont un hôpital. — Guamanga ou Ayachucho possède, de son côté, 2 congrégations religieuses, 1 séminaire et 2 collèges.

XIII. Chili. — Ce pays forme une immense bande de terre, limitée d’un côté par les flots du Pacifique, de l’autre par la chaîne des Andes. Il a en effet 4 200 kilomètres de longueur, sur une largeur moyenne de 170 kilomètres. Sa superficie est de 776 000 kilomètres carrés, sa population de 3500000 habitants. Pour le conquérir l’Espagne dut lutter longtemps avec les habitants. La soumission complète n’eut lieu qu’en 1775. En 1810, les Chiliens recouvrèrent leur indépendance ; ils retombèrent sous le joug des Espagnols en 1814, s’insurgèrent de nouveau en 1817 et assurèrent leur liberté en 1818 par la victoire de Mayno.

Les catholiques n’ont pas eu à gagner au changement de gouvernement. L’insurrection contre l’Espagne n'était pas uniquement un mouvement national : c'était aussi, sous une forme dissimulée, un mouvement contraire à la religion. La preuve en est dans les persécutions sourdes, que les catholiques ont toujours eu à subir depuis lors par l’influence des radicaux qui sont très puissants. Il y a quinze ans, M’J r del Frate qui était délégué apostolique à Santiago du Chili, ne dut son salut qu'à la fuite. Les relations sont moins tendues depuis lors. En 1898, le Chili a accrédité un représentant auprès du Saint-Siège ; et celui-ci s’est décidé à y nommer de nouveau un délégué apostolique à Santiago.

Le Chili a 1 archevêché à Santiago et 3 évêchés qui sont à la Conception, à Saint-Charles d’Ancud et à la Serena.

Santiago du Chili a été érigé en diocèse le 17 mai 1561 et en archevêché le 21 mai 1810. En 1586, l'évêque Diego de Medellin célèbre un synode diocésain ; en 1607, un autre évêque, Perez de Espinosa, érige un séminaire. Il existe à Santiago 18 instituts religieux d’hommes, 23 de femmes, 1 université, 4 collèges, 29 écoles catholiques, avec une population de 8440 élèves. — Le diocèse de la Conception possède 10 instituts d’hommes, 7 de femmes, 1 séminaire, 1 collège et 9 écoles catholiques avec une population de 2 500 élèves. Le diocèse de la Serena, 1 séminaire et 50 écoles catholiques.

Dans le nord du Chili se trouvent deux vicariats apostoliques, qui dépendent de la S. C. des Affaires ecclésiastiques extraordinaires : l’un est Antofogaste, dans la province de ce nom, l’autre Tarapacà, dans l’État de ce nom qui appartenait avant 1883 au Pérou.

XIV. République argentine et Patagonie.

En longeant la côte est de l’Amérique méridionale nous trouvons la Patagonie puis la République argentine qui confine avec le Chili et en est séparée par la chaîne des Andes. La République argentine a 2 789 400 kilomètres carrés. Pour une surface aussi considérable, elle n’a que 4 500000 habitants. Mais ceux-ci augmentent tous les ans, par l’immigration dont la partie la plus considérable vient de l’Italie. Ce territoire, qui appartenait aux Espagnols, proclama son indépendance en 1818, mais ne put obtenir un peu de tranquillité qu’en 1853-. Récemment la spéculation a déchaîné sur ce pays, qui a d’immences ressources matérielles, une crise financière dite de 1890, dont il n’est pas encore remis.

Il s’en faut malheureusement que la religion chrétienne y soit florissante. La révolution de 1810 ne brisa pas seulement tout lien avec la métropole, elle rompit aussi avec l’Église. Le mariage civil fut admis et le prêtre obligé de ne célébrer le mariage religieux qu’après le mariage civil. Or les distances sont telles, le nombre des officiers de l’état civil est si peu considérable pour les besoins de la population, que les fiancés sont parfois obligés de faire 200 kilomètres pour trouver celui qui peut les marier. Pour des départements qui ont 170 kilomètres de long sur 40 de large, il n’y a qu’un seul officier de l’état civil. Beaucoup d’habitants se passent en conséquence du mariage civil, et ils se voient privés en même temps du mariage religieux. C’est une des grandes plaies dont souffre le catholicisme ; car elle vicie la racine même de la famille.

Il n’y a pas cependant, de la part du gouvernement, d’hostilité ouverte contre l’Église. Toutefois, l’État ne s’en occupe point, ne rétribue aucun des ministres du culte, quoiqu’il se soit emparé des biens de l’Église. L’Argentin n’aime pas ce qui le gêne dans ses habitudes, et une profonde indifférence pour les choses religieuses est son mal caractéristique, celui dont il est le plus difficile de le guérir : la religion n’est pour lui qu’une chose de convenance ; le baptême et l’enterrement à l’Église lui suffisent. Le clergé ne se recrute guère dans ce milieu. Il est formé surtout d’Italiens et aussi d’Espagnols et de Français. Les évêques n’ont guère à se louer des prêtres italiens ; car ils vont dans l’Argentine pour trouver des ressources plutôt que pour sauver des âmes. Les allures du clergé sont d’ailleurs très libres.

La République argentine a un archevêché, Puenos-Ayres, dont dépendent 7 évêchés, Cordova, Saint-Jean de Cuyo, Parana etSalta, auxquels Sa Sainteté Léon XIII vient d’ajouter la Plata, Santa-Fé et Tucuman.

La lettre apostolique In Pétri cathedra, qui établit ces trois derniers sièges (15 février 1897), dit que le traitement des évêques sera formé des allocations que le ministère des cultes de la république a constituées sur les fonds publics pour ces nouveaux sièges. S’il n’y a pas eu un concordat formel entre la République argentine et le saint-siège, il y a donc eu au moins un accord verbal ; sans cela le pape ne parlerait pas des rentes établies par la république pour ces évêchés.

La Patagonie s’étend au sud de la République argentine. Elle comprend 776 000 kilomètres carrés, et l’île de la Terre de Feu, qui en dépend, 47 000. Elle fut évangélisôe, mais sans succès, par les franciscains ; en 1875, les salésiens y envoyèrent des missionnaires qui s’établirent sur le RioNegro à Carmen. Dieu bénit leur dévouement, leurs œuvres se développèrent et Léon XIII put, le

15 novembre 1883, ériger le vicariat nord de la Patagonie. Le 26 du même mois, il érigeait le sud de ce pays en préfecture, confiée, comme le vicariat, aux fils de dom Bosco.

Le vicariat apostolique de la Patagonie septentrionale comprend la région des pampas et n’a pas de délimitations encore bien précises, car toute la partie de la Patagonie centrale, qui est encore inexplorée, lui est jusqu’à nouvelle disposition attribuée. Le nombre des catholiques est de 90 000 ; il y a 3 000 protestants et on estime à 15 000 environ le nombre des indigènes qui se trouvent dans les régions inexplorées. Les missionnaires (salésiens de dom Bosco) ont 9 résidences principales et 45 stations secondaires. Ils sont en tout 36, avec 18 laïcs et 8 catéchistes. Les Filles de Marie-Auxiliatrice ont 60 sujets destinées à trois orphelinats, 3 hôpitaux et 27 établissements d’instruction, avec 900 élèves. Le séminaire diocésain est à Buenos-Ayres et a 90 élèves.

La préfecture apostolique de la Patagonie méridionale ou australe comprend, avec la Terre de Feu, toute la partie sud de l’Amérique. Au point de vue politique, ce territoire est soumis en partie à la Bépublique argentine, en partie au Chili, et les îles Falkland dépendent des Anglais. Il y a 9500 catholiques, 1800 protestants et on estime à 5 000 le nombre des indigènes. La résidence du préfet est à Puntarenas. Il y a 6 paroisses, 5 églises, 4 stations principales, 10 secondaires, 14 pères et 20 catéchistes européens. Le séminaire est à Santiago du Chili et renferme 50 élèves. Les écoles de garçons sont au nombre de 4 avec 200 élèves. Les Filles de Marie-Auxiliatrice dirigent 4 écoles avec 450 enfants. Il y a, en outre, 3 pensionnats pour garçons et autant pour jeunes filles. La résidence du préfet apostolique, Puntarenas, est en même temps paroisse, et celle-ci offre la particularité d’être la plus vaste du monde entier. Elle a une surface de 195 000 kilomètres carrés, soit les deux tiers de l’Italie.

XV. Uruguay. —

Cette petite république limitée au nord par le Brésil, à l’ouest par la rivière Uruguay, qui lui donne son nom, a 190 000 kilomètres carrés et une population de 788 130 habitants. Jusqu’en 1620 ce pays était uni à l’Église du Paraguay. Il fut alors rattaché au siège épiscopal de Buenos-Ayres. Son indépendance politique détermina la rupture de ces liens ecclésiastiques. Il avait été déclaré état indépendant en 1828 par un traité fait entre le Brésil et l’Argentine. Il obtint peu après du souverain pontife l’établissement à Montevideo d’un vicariat apostolique, qui fut, en 1879, élevé au rang d’évêché. La république ne cessa d’empiéter sur les droits de l’Église. L’époque la plus néfaste pour la religion fut la dictature de Santos. C’est à lui que l’on doit la loi sur le mariage civil rendu encore plus odieux par la défense faite au prêtre de baptiser aucun enfant qui ne serait pas inscrit sur les registres de l’état civil. N’osant procéder à l’expulsion pure et simple des congrégations religieuses, on décréta que leurs membres ne pourraient prononcer leurs vœux, qu’à l’âge de 40 ans. Mais ces lois n’obtinrent pas le résultat qu’on voulait atteindre. Aujourd’hui les congrégations sont relativement plus nombreuses à Montevideo qu’en aucun pays du monde. Il y a, en effet, 10 communautés d’hommes, et 8 communautés de femmes attachées à des établissements d’instruction, pendant que les sœurs de Saint-Vincent de Paul, de Notre-Dame de l’Huerto et les capucines se partagent le soin et l’assistance des malades.

L’évêque actuel, M3 r Soler, a développé les éléments religieux qu’il avait entre les mains et préparé dans l’élément laïque une défense contre les persécutions à venir. Il a fondé des écoles provinciales, des conférences de Saint-Vincent de Paul dans toutes les paroisses de la capitale, des cercles catholiques d’ouvriers qui comptent plus de 1 000 adhérents, un grand club catholique. Il a obtenu, de concert avec le gouvernement, l’érection de Montevideo en archevêché (19 avril 1897), avec deux suffragants. Ces deux sièges ne sont pas encore érigés, mais l’archevêque a avec lui deux auxiliaires qu’il destine à cette nouvelle situation. Montevideo possède un grand séminaire dirigé par les jésuites, et plusieurs collèges d’enseignement secondaire, tenus par des religieux.

XVI. Paraguay. — Le Paraguay a une étendue de 240 000 kilomètres carrés sur lesquels sont disséminés 700 000 habitants.

Le 2 février 1535, Pierre de Mendoza s’établit à l’endroit où est aujourd’hui Butnos-Ayres, puis, cherchant une communication par eau avec le Pérou, son lieutenant Ayolas remonta le Parana, entra de là dans le Paraguay et, le 15 août 1536, fonda la ville de l’Assomption. Cette ville devenait un évêché le 1 er juillet 1547. Les jésuites étant venus au Paraguay, en 1609, formèrent sur la rive droite du haut Uruguay et les deux rives du Parana les fameuses réductions, où 130 000 Indiens furent initiés à la foi chrétienne et à la civilisation. Charles III d’Espagne, abusé par les philosophes, donna l’ordre d’expulser tous les jésuites, et voulut les remplacer par des franciscains, mais ceux-ci, ne sachant pas l’idiome des Indiens, ne purent réussir ; les Indiens retournèrent dans leurs forêts et retombèrent rapidement dans l’état sauvage. Sur les réductions du Paraguay et leur organisation, voir Sagot, Le communisme au nouveau monde, Paris, 1900.

Le Paraguay se déclara indépendant le 14 mai 1801, mais subit, de 1824 à 1840, la plus odieuse tyrannie de la part de son président, Joseph Gaspar Francia. Il persécuta l’Église et chargea un prêtre de son choix d’administrer le diocèse aux lieu et place de l’évêque rélégué chez lui. Le président Lopez répara en grande partie les torts de son prédécesseur et mourut en 1862 ; mais son fils qui lui succéda persécuta cruellement les hommes de bien et s’engagea dans une lutte folle contre le Brésil, l’Uruguay et l’Argentine ; cette guerre fut si malheureuse que la population fut réduite de 1000000 à 300000 habitants. L’évêque Palacios se jeta dans le parti du président qui, après l’avoir pris pour conseiller intime, le fit fusiller en 1868. En 1879, Mo’Aponte fut nommé évêque de l’Assomption. Son épiscopat marque le relèvement moral et religieux du pays. Depuis le 21 septembre 1894, Mo r Bogorin gouverne à son tour cette église. Il a dû lutter énergiquement contre le gouvernement qui édicta, de la façon la plus inattendue et la plus hâtive, le mariage civil. On rendait cette loi obligatoire le p. lendemain de sa promulgation. Or on n’avait pas pensé à créer les bureaux de l’état civil nécessaires. Il s’ensuivait que les Paraguayens ne pouvaient plus se marier religieusement, puisque le mariage civil en vigueur avait la préséance, ni civilement puisqu’il n’y avait point d’officier d’état civil pour recevoir le consentement légal des époux.

Ces luttes contre l’Église ne sont pas demandées par le pays. La situation religieuse serait assez satisfaisante si le clergé était en nombre suffisant pour le ministère. Il y a bien peu de curés de campagnes qui n’aient pas à leur charge deux ou trois paroisses et ne doivent desservir des territoires de 15 à 20 lieues de rayon. Les hommes vivent dans l’indifférence et laissent aux femmes les pratiques religieuses. On a réussi cependant à former à l’Assomption une conférence de Saint-Vincent de Paul. Les confréries de femmes sont nombreuses et très florissantes. Il faudrait des établissements d’instruction, pour la jeunesse des deux sexes. Il n’y a qu’un pensionnat de Saint-Vincent de Paul avec 300 élèves, et 1 collège d’arts et métiers dirigé par les salésiens, qui a 200 élèves. La presse (5 journaux) est entièrement entre les mains de la maçonnerie, mais 1 évâque espère fonder bientôt une feuille catholique.

XVII. Brésil. — La découverte du Brésil est due à un

lieutenant de Christophe Colomb, Pinzon. qui aborda au cap de la Consolation et en prit possession au nom du roi d’Espagne. L’année suivante le Portugais Alvarez Cabrai, voulant éviter les courants de la côte d’Afrique, obliqua trop à l’ouest et se trouva, sans le savoir et le vouloir, sur la côte du Brésil dont il prit possession au nom du roi de Portugal. De là conflit, apaisé par Alexandre VI qui traça sa fameuse ligne de démarcation dont nous avons parlé au commencement. Celle-ci donnait le Brésil aux Portugais, mais par suite d’une erreur de cartographie, car la carte qui servit à l’arbitrage avait mis le Brésil 20 degrés trop à l’est. Le différend fut complètement terminé sous Philippe II en 1594. Ce roi d’Espagne, qui gouvernait aussi le Portugal, tira une autre ligne de démarcation qui conservait le Brésil au Portugal. Le calvinisme tenta de s’introduire au Brésil en 1566. Sous Philippe IV, en 1624, les Hollandais s’emparèrent de la capitale du pays, mais furent ensuite obligés de capituler ; une autre flotte hollandaise fit la conquête de Pernambuco et soumit plus de la moitié du Brésil, mais les Hollandais furent ensuite définitivement chassés.

En 1807, les armées françaises s’emparèrent de Lisbonne. Le roi de Portugal, Jean VI, s’embarqua pour Bio-Janeiro, capitale du Brésil depuis 1773, suivi de sa cour et du nonce apostolique, M<J r Caleppi. Lorsqu’il revint à Lisbonne, le roi laissa au Brésil son fils aîné, avec le titre de prince régent ; mais cela déplut aux Brésiliens qui proclamèrent leur indépendance, et donnèrent au gouvernement la forme d’un empire constitutionnel. Le 15 novembre 1889, une révolution militaire remplaça cet empire par une république.

Le Brésil a une superficie approximative de 8 337 2 18 kilomètres carrés ; il est 16 fois plus étendu que la France. Mais la population est très clairsemée. D’après les récentes statistiques, il compte 14 333 915 habitants ; sur ce nombre, 14179615 catholiques, 1673 grecs orthodoxes, 19957 protestants évangéliques, 1 347 presbytériens, 122 409 protestants appartenant à d’autres sectes, 309 musulmans, 1327 positivistes et 7 257 personnes ne professant aucun culte. La religion catholique est donc celle de la très immense majorité des Brésiliens, mais cette constatation faite, il ne faudrait pas en conclure que le Brésilien soit toujours et partout un bon catholique. Il y a plusieurs causes qui y mettent obtacle.

La première est une cause commune à presque tous les peuples de l’Amérique latine. Le clergé est malheureusement très relâché. Le prêtre isolé de ses confrères, vivant à six ou sept journées de marche d’un autre prêtre, habitant seul au milieu de populations de mœurs plutôt faciles, court trop de dangers, et a trop peu de secours pour ne pas se laisser souvent entraîner sur la pente des passions. Il sait d’autre part que, soit effet de l’ignorance, soit pour tout autre motif, son ministère n’aura point à en souffrir. Les fidèles recourent au ministère de leur curé sans en être empêchés par ses fautes personnelles. Une autre cause est la mainmise de la franc-maçonnerie sur le Brésil, non pas seulement depuis l’établissement de la république actuelle, mais depuis l’empire philosophique et libéral de dom Pedro. C’est sous son gouvernement que les sectes firent décréter la suppression des communautés religieuses. C’est aussi à la franc-maçonnerie qu’est due la violente persécution contre les évoques qui défendaient au Brésil les droits de l’Église. Les plus célèbres de ces confesseurs sont Vital Gonçalves de Oliveira, nommé évêque d’Olinda en 1871, qui mourut exilé à Paris en 1887 et appartenait à l’ordre des capucins. Cependant le gouvernement entretient un minisire plénipotentiaire à Home et le pape a un internonce à Rio-Janeiro.

Depuis quelques années, la situation religieuse est d’ailleurs un peu améliorée.

Le souverain pontife sachant combien sont rares les vocations ecclésiastiques au Brésil a adressé, le 18 septembre 1899, une lettre aux évêques pour leur recommander l’érection des séminaires demandée déjà par le concile plénier dont nous avons parlé. Il insiste sur ce point qu’il faut procurer à ces établissements une maison de campagne pour empêcher que les jeunes gens retournent dans leurs familles pendant les vacances : ce qui serait pour eux très dommageable à cause des périls auxquels ils se trouveraient exposés. Abordant la question du budget des cultes, il dit qu’anciennement le gouvernement rétribuait le clergé, mais qu’aujourd’hui la charité des fidèles doit remplir ce devoir négligé par l’État. Il préconise à cet effet la formation de caisses diocésaines alimentées par les oblations des fidèles, la contribution des cures riches qui existent encore en diverses parties du Brésil, et surtout la création de confréries qui viendraient en aide au clergé. Le pape exprime encore le désir que les prêtres s’occupent des œuvres de presse, ne laissant point entre les mains d’adversaires une arme qui peut porter des coups si terribles ; il ajoute qu’il serait désirable que les catholiques convaincus et les membres les plus marquants du clergé brésilien pussent entrer au Parlement, pourvu que ce ne fût point par ambition, mais pour procurer le bien de la religion dans leur pays. Telle est en quelques mots cette lettre qui trace un programme d’action au Brésil catholique.

Ce qui donne beaucoup à espérer pour le relèvement religieux de cette contrée, c’est le nombre toujours croissant de communautés d’hommes et de femmes qui viennent s’y établir et y prospèrent. Les bénédictins du Brésil, qui n’étaient plus qu’une ombre, se recrutent de nouveau. Les jésuites, les dominicains, les franciscains, les lazaristes, les salésiens, ces derniers surtout, se sont énormément développés. Ils s’occupent de l’éducation des jeunes gens. Ces instituts religieux envoient aussi des missionnaires au milieu des Indiens encore païens. Les sœurs de charité, les dames de Sion, les franciscaines de Hollande, les religieuses de Saint-Joseph de Cluny, les sœurs Dorothée de Borne se consacrent à l’éducation des jeunes filles.

L’histoire de la hiérarchie ecclésiastique du Brésil se divise en quatre époques différentes. Le siège de Bahia est fondé le premier, puis Innocent XI, en 1676, érige les diocèses de Bio-Janeiro, Pernambuco et Maranho (ce dernier l’année suivante). C’est la première époque. Cent ans après, Benoît XIV, en 1746, fait une seconde érection de diocèses à Saint-Paul, Marianna, Goyaz et Cuyaba. Dans une troisième époque Léon XII et Pie IX font des érections isolées de quelques évêchés. Léon XIII dans sa bulle Ad universas orbis ecclesias, du 27 mai 1892, revient aux traditions de ses prédécesseurs. Il érige Rio-Janeiro en métropole, fonde quatre évêchés nouveaux, les Amazones, Parahyba, Nictheroy ou Petropolis, et Curityba de Parana.

Le Brésil se trouve ainsi divisé en deux provinces ecclésiastiques ; Bahia, siège non seulement métropoli tain, mais encore primatial, qui a sous sa juridiction Amazones ou Manaos, Belem de Para, Fortalezza, Goyaz, Saint-Louis de Maragnano, Olinda et Parahyba. Cette province comprend tout le nord du Brésil. Le sud compose la province ecclésiastique de Bio-Janeiro, qui a sous sa dépendance Cujaba, Curityba, Diamantino, Marianna ou Minas-Geraës, Petropolis, Saint-Paul, Saint-Pierre de Bio-Grande, et Espirito-Santo.

Signalons à Bahia un séminaire diocésain, qui ne fut fondé qu’au commencement du siècle par le franciscain Damase de Abreu Vieira ; à Amazones ou Manaos, un séminaire, une communauté religieuse et 105 écoles catholiques ; à Belem de Para, un séminaire, 6 collèges, et 5 écoles catholiques avec une population de 1320 élèves ; à Goyaz, 3 communautés d’hommes, une de femmes, et un séminaire ; à Curityba de Parana, 2 communautés de religieux, 3 de religieuses, 1 sémimaire, 2 collèges et une école catholique contenant 350 élèves ; à Petropolis, 1 collège et 4 écoles catholiques, avec 380 élèves ; à Saint-Paul du Brésil, 7 communautés d’hommes, 4 de femmes, 1 séminaire, 3 collèges et 36 écoles catholiques ; à Saint-Pierre de Bio-Grande, 4 communautés d’hommes, 3 de femmes, 1 séminaire, 6 collèges et 203 écoles catholiques qui formeront la base du renouvellement religieux de ce diocèse, grand comme un royaume de l’Europe.

XVIII. Venezuela. — Les territoires que l’on comprend sous le nom de Guyane française, hollandaise et anglaise ne faisant point partie de l’Amérique latine, nous les traversons et arrivons plus au nord, au Venezuela. Ce territoire mesure 1 043900 kilomètres carrés (le double de la France), mais n’a qu’une population de 2238 900 habitants. Il reçut des Espagnols le nom de Venezuela, ou petite Venise, à cause de la ressemblance qu’offraient, les lagunes de Maracaibo avec celles de Venise et de Chioggia. Il appartint aux Espagnols jusqu’à 1822. Ceux-ci ne se laissèrent pas arracher ces belles provinces sans lutte, mais malgré leurs efforts l’indépendance de ces États fut proclamée. Le Venezuela fit d’abord partie de la république fédérative de Colombie dont il constitua l’État oriental, puis devint complètement autonome en 1863. Il est régi par une constitution élaborée en 1881.

Le pays forme une province ecclésiastique, celle de Venezuela ou Caracas, avec 5 sièges sull’ragants : Barquisimeto, Calabozzo, Nueva-Guyana ou Angostura, Merida et Zulia. Le clergé riche sous la domination espagnole a été dépouillé de ses biens sous la république, qui se contente de lui servir une rente.

XIX. Tableau statistique. — Presque toutes les données de ce tableau nous ont été fournies par l’Annuario ecclesiastico, Borne, 1900. Nous avons emprunté à Werner, Orbis terrarum catholicus, Fribourg-en-. Brisgau, 1890, les renseignements omis dans VA nnuario ecclesiastico. Les chiffres tirés de Werner sont suivis d’une astérisque (’).

Une partie de nos renseignements sur l’Amérique latine nous ont été fournis soit par les observations personnelles que nous avons faites dans nos voyages en ce pays, soit par nos entretiens avec les évêques qui assistaient à Rome au concile plénier de l’Amérique latine. On peut consulter Chaulmer, Le Nouveau Monde ou l’Amérique chrétienne, 2 t. en 1 vol. in-12, Paris, 1659-1663 ; Davih, Teatro ecclesiastico de la primitiva Iglesia de las Indias Occidentales, 2 vol. in-fol., Madrid, 1649-1655 ; Bourgoing, Histoire des missions d’Amérique, Paris, 1654 ; Eyzaguirre, Los intereses catolicos en America, 2 vol. in-8° Paris, 1859 ; Geronimo de Mendieta, Historia ecclesiastica indiana escrita al fin de siglo xvi, Mexico, 1870 ; Fabié, Vita y escritos de Fray Bartholomé de las Casas, Madrid, 1880 ; Restrepo, La Iglesta y et Estado, Bogota ; L. Marroquin, Las cosas en su punto (Ojeada sobro la Iglesia en Colombia), Bogota ; José de Sanza Amado, Historia da Egreja catholica en Portugal, Brasil…, Porto ; Hernær, Colleccioni de bulas, brèves, y otros documentos relativos a la Iglesia de America, Paris ; Mendes de Almeida, Direito civil ecclesiastico Brazileiro em suas relaçônes com o direito canonico, Rio-de-Janeiro, 1866 ; Estadistica de la comisaria gênerai de la orden Francescana en la repubiica Mexicana, Guadalaxara, 1885 ; Orbis seraphicus, Quaracchi, 1887 ; Franciscalium missionum descriptio, Quaracchi, 1893 ; R. Pérez, La compania de Jésus en America de 1861 basta nuestras dias, Valladolid ; Gams, Se}-ies episcoporum Ecclesix catholiese, Ratisbonne, 1873 ; Werner, Orbis terrarum catholicus, Fribourg-en-Brisgau, 1890 ; Annales de la propagation de la foi, 1834 sq. ; Les Missions catholiques, Lyon, 1808 sq. ; Kirchenlexikon, t. I, Fribourg-en-Brisgau, 1882, art. Amerika, par J. Spillmann ; Moroni, Dizionario di erudizione, Venise, 1840, 1841 ; Ch. Egremont, L’année de l’Église, 1899 sq. ; Acta et décréta concilii plenarii Amcricæ latinse, avec l’appendice, qui donne tous les documents pontificaux qui intéressent l’Amérique latine, et l’éloge funèbre de ses évêques prononcé au concile par M Montes de Oca, 2 vol. in-8° Rome, 1900.

P. Termoz.