Dictionnaire de théologie catholique/ABERLÉ (d') Maurice

E. Muller
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 1.1 : AARON — APOLLINAIREp. 39-40).

ABERLÉ (d’) Maurice, professeur d’Écriture sainte (Nouveau Testament) et de théologie morale à la faculté de théologie catholique de Tubingue. Né à Rottum en Wurtemberg, le 25 avril 1817, il fit ses études de philosophie et de théologie à Tubingue sous la direction des professeurs Drey, Kuhn, Hefele, Welle, etc., fut nommé en 1815 professeur au collège d’Ehingen, en 1848 directeur du Wilhelmstift, en 1850 professeur à l’université de Tubingue, où il mourut subitement le 3 novembre 1875. Doué d’un grand don d’assimilation, d’un esprit judicieux et critique, préparé à son enseignement par de sérieuses études philologiques et historiques, de plus parfaitement au courant de la littérature biblique protestante, il fut un des premiers qui tenta non sans succès de faire revivre dans l’Allemagne catholique, presque exclusivement préoccupée jusqu’alors de la défense de ses intérêts publics, l’étude approfondie des sources bibliques de la théologie et de l’Écriture sainte. Une série d’articles importants parus dans la Revue théologique de Tubingue et l’Encyclopédie théologique de Wetzer et Welte (1re  édit.) et l’Introduction au Nouveau Testament, publiée et complétée après la mort de l’auteur par le professeur Schanz, nous révèlent la tendance de son esprit et de ses recherches scientifiques. Sans vouloir diminuer en rien le caractère surnaturel des écrits du Nouveau Testament, il s’efforça de découvrir les liens cachés qui les rattachent au milieu historique, à l’atmosphère religieuse, scientifique, politique et sociale de l’époque où ils ont paru. Ses études portèrent notamment sur les livres historiques. Dans ses travaux sur l’origine et le caractère historique des Évangiles, sur les époques de l’historiographie du Nouveau Testament, sur le jour de la sainte Cène, etc., les idées originales, les aperçus nouveaux, les habiles combinaisons, les constructions quelquefois hasardées, les conclusions tirées avec une pénétrante sagacité de prémisses parfois plus ingénieuses qu’inébranlables, nous montrent en lui le critique et l’exégète moderne, convaincu que « les trésors de notre foi n’ont rien perdu de leur valeur vis-à-vis de la science du jour, mais qu’on manquerait à son devoir en se contentant pour les défendre des armes du passé ». Aberlé fut un initiateur. C’est le secret de sa force et de sa faiblesse. Il tenta la conciliation entre les exigences de la critique moderne et les données positives de la science biblique catholique. Il se vit souvent attaqué par deux camps opposés. « L’acier lui manqua, » dit de lui un de ses biographes, pour soutenir cette double lutte dans des publications plus étendues. Plus encore que par ses écrits, ce fut par son enseignement moral, continué jusqu’à sa mort avec un succès toujours croissant ; plus que par les résultats positifs de sa critique, ce fut par les problèmes qu’il suscita, les horizons qu’il ouvrit, les impulsions qu’il donna aux esprits, qu’Aberlé exerça sur les études bibliques une forte et durable influence.

Comme professeur de théologie morale, il prit part d’un côté au mouvement qui, vers la fin de la première moitié du siècle, substitua la « vieille morale » à la morale vague et sans sève de la période joséphiste. Il défendit entre autres avec succès le probabilisme de saint Alphonse de Liguori contre les tendances jansénistes. Mais en même temps il croyait devoir prémunir contre les dangers d’une théologie morale trop exclusivement casuistique, trop uniquement préoccupée des besoins du confessional, trop tardive à s’occuper des tendances morales et des situations sociales de notre temps. Un esprit plus systématique, un emploi judicieux des résultats de la psychologie et de la physiologie moderne, enfin l’étude approfondie des sciences sociales, tels sont, d’après lui, les moyens de rajeunir et de rendre plus conforme aux nécessités de l’heure actuelle notre vieille morale.

Les travaux du professorat n’absorbèrent pas toute l’activité d’Aberlé. Prêtre pieux et dévoué à l’Église autant que chercheur infatigable, il exerça non seulement la plus heureuse influence sur la jeunesse universitaire qui trouvait en lui un père et un ami, mais il prit une part active à la lutte qui s’engagea en Wurtemberg autour du drapeau de la liberté ecclésiastique et protesta vivement dans une série d’articles de journaux contre les prétentions de l’État à régler de son unique chef ses rapports avec l’Église. Les déboires ne lui manquèrent pas dans cette lutte, mais il eut la consolation de voir les rapports des deux puissances prendre un caractère plus conforme à ses vœux et à leurs véritables intérêts.

Voici la liste des principales publications d’Aberlé.

Dans la Tübinger Quartalschrift parurent entre autres les études suivantes : Ueber den Aequiprobabilismus, 1851 ; Ueber den Zweck der Apostelgeschichte, 1855 ; Zweck des Matthäusevangel., 1859 ; Zweck des Johanesevang, 1861 ; Ueber den Tag des letzten Abendmahls, Epochen der nentestam. Geschichtschreibung, Prolog des Lucasevangel., 1863 ; Ueber den Statthalter Quirinus, 1865 ; Exegetische Studien, 1868 ; Die Begebenheiten beim letzten Abendmahl, 1869 ; Die Berichte der Evangelien über die Auferstehung Jesu, 1870 ; Die bekannte Zahl in der Apocalypse, 1872. Son cours d’introduction au Nouveau Testament fut publié après sa mort par son successeur, Paul Schanz, sous le titre : Einleitung in das Neue Testament, Fribourg-en-Brisgau, 1877.

Pour sa biographie, voir Linsenmann-Funk, Worte der Erinnerung an M. v. Aberte, Tubingue, 1876 ; Himpel, Ueber die wissenschaftliche Bedeutung und theol.-kirchl. Richtung des sel. Pr. Dr. v. Aberle, dans Tübinger Quartalschrift, 1876, p. 177 sq. ; Kirchenlexikon, Fribourg, 1883, t. i, col. 62.

E. Muller.