Dictionnaire de théologie catholique/ÉGLISE III. Systèmes religieux se donnant comme chrétiens et rejetant au moins partiellement la divine constitution de l’Eglise

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 4.2 : DIEU - EMSERp. 422-423).

III. Systèmes religieux se donnant comme chrétiens et rejetant au moins partiellement la divine constitition de l’Eglise.

Ces systèmes, devant être exposés complètement ailleurs, n’ont droit ici qu’à la rapide mention, strictement indispensable pour la pleine intelligence de nos démonstrations apologétiques ou dogmatiques.

1° Bien que la plupart des hérésies ou des schismes antérieurs au xvie siècle aient, au moins par voie de conséquence, porté quelque atteinte à la divine constitution de l’Eglise, il est cependant vrai que le premier hérétique qui ait attaqué directement le concept même de l’cglise fut WiclefT (1324-1387), dont la doctrine sur ce point se résume en ces deux assertions : 27. Ecclesia romand est synagnga Satanée, née papa est proximus et immedialus vicarius Clirisli et apostolorum. 41. Non est de necessitule s<dutis credere romanani Ecclesiam esse supremam inter alias ecclesias. Denzinger-Bannwart, Enc/iirilion, n. 617, 621.

2° Jean lluss (1370-1415), en même temps qu’il nia, comme WiclefT, que Pierre eût jamais été le chef de l’Église ou que le pontife romain eût jamais possédé ce pouvoir, prop. 7-10, Denzinger-Bannwart, n. 633636, attaqua plus radicalement le concept de l’Église en affirmant qu’elle se compose des seuls prédestinés : 1. Vnica est smicta universalis Ecclesia, qusc est prædestinatorum universitas. (>. Sumendo Ecclesiam pro convocatione prædestinatorum, sivr juerint in gratia sivenon secundum pressentent juslitiam, isto modo Ecclesia est articulus fidei. Denzinger-Bannwart, n. 627, 632.

3° Au commencement du xvie siècle, Luther, admettant que l’Eglise n’est autre chose que la communion des croyants, sans aucune hiérarchie ou autorité, et soutenant d’ailleurs que ces croyants sont simplement ceux qui, dans son sens théologique, ont une absolue confiance dans la non-imputation de leurs péchés, grâce à l’appréhension tout extérieure des mérites de Jésus-Christ, devait aboutir logiquement à une tglise invisible composée de ces seuls croyants. Il garda cependant la notion d’une Eglise visible, résultant nécessairement de la réunion des mêmes croyants manifestant extérieurement leur foi. Cette Eglise est caractérisée par deux marques extérieures, la prédication de la pure parole de Dieu et l’administration convenable des sacrements, selon l’art. 7 de la Confession d’Augsbourg, reproduisant l’enseignement du maître. Healencyklopâdie fur protestantische Théologie und Kirche, art. Kirche, Leipzig, "1901, t. x, p. 336. Toutefois pour satisfaire au besoin d’ordre, Luther admit, dans sa lettre aux frères de Bohème, une autorité provenantde l’élection des fidèles et s’exerçant avec la protection des souverains temporels.

Calvin suivit une voie assez différente. Tout en admettant expressément, au sens de Wiclell’et de Jean lluss, une Église invisible composée des seuls prédestinés, Institution de la religion chrétienne, l. IV, ci, n. 2sq., Genève, 1566, p. 686 sq., il affirma, en même temps, l’existence d’une Eglise visible, caractérisée par les mêmes marques extérieures déjà indiquées par Luther, la prédication de la pure parole de Dieu et l’administration convenable des sacrements, l. IV, c. i, n. 9 sq., p. 693 sq., mais dans laquelle réside quelque autorité, dont l’origine divine est mal établie et à laquelle toutefois on est rigoureusement obligé de se soumettre, l. IV, c. i, n. 1, 5, p. 686, 689-691.

Sous l’influence de ces notions luthériennes et calvinistes, les sectes protestantes substituèrent a la hiérarchie traditionnelle de droit divin, des ministres choisis ou délégués par l’assemblée des fidèles pour exercer exclusivement une fonction à laquelle tous ne pouvaient, en fait, avoir une aptitude suffisante. En même temps et par une conséquence non moins fatale, on écarta aussi la visibilité de l’Église, ou l’on n’en maintint qu’une vaine apparence, comme l’ont souvent démontré les apologistes catholiques. P. Murray, Tractatus de Ecclesia Chris ti, disp. V, sect. i, n. 15 sq., Dublin, 1860, t. i, p. 253 sq.

Dans l’anglicanisme, il est vrai, on rencontra quelques partisans du droit divin de l’épiscopat, comme Hooker au XVIe siècle, Laud au xviie et de nombreux puiséistes ou ritualistes au xix e. Voir ANGLICANISME, t. i, col. 1292 sq. Mais cet épiscopat fut toujours un épiscopat dénué de tout pouvoir d’ordre dans sa source première, dénué de toute autorité doctrinale selon ses propres déclarations, dénué enfin de toute unité organique et de toute indépendance vis-à-vis de la puissance séculière, d’après sa constitution première et d’après sa conduite habituelle.

4° Ce que le protestantisme avait encore gardé du concept de l’Église fut radicalement nié par les protestants libéraux du XVIIIe et du XIXe siècle qui, rejetant absolument toute véritable révélation divine, rejetèrent non moins formellement en Jésus-Christ toute volonté d’établir une Eglise possédant quelque autorité déterminée. P. Batill’ol, L’Église naissante et le catholicisme, Paris, 1909, p. 174 sq. ; A. Sabalier, Les religions d’autorité el la religion de l’esprit, 4e édit., p. 51 sq. ; Realencyklopàdie fur protestantiche Théologie und Kirche, 3e édit., t. x, p. 319 sq. On sait d’ailleurs que ces négations du protestantisme libéral, si hardies qu’elles soient, sont presque identiquement reproduites par l’école moderniste. C’est ce qu’on peut aisément déduire des indications que nous avons données, à l’art. Dogme, sur les théories de M. Loisy, particulièrement dans son ouvrage L’Érangde et l’Église, 4° édit., Paris, 1908, p. 125 sq., et dans Autour d’un petit livre, 2e édit., Paris, 1903, p. 153 sq. C’est aussi ce que l’on doit déduire des propositions 52, 53, 55, 56, 59, condamnées par le décret Lamentabili du 3 juillet 1907, ainsi que des passages concernant l’Église, dans l’exposé des erreurs des théologiens modernistes, donné par Pie X dans l’encyclique Pa^cendi, du 8 septembre 1907.

5° D’autre part, les divers schismes orientaux anciens et actuels, en persistant dans leur insoumission opiniâtre et en cherchant à justifier dogmatiquement le fait de leur séparation obstinée, selon la tendance habituelle de tous les schisrnatiques, comme le remarquait déjà saint Thomas, Sum. theol., ll a II*, q. xxxix, a. 1, ad 3°", ont presque toujours porté quelque atteinte à la divine constitution de l’Église, en ce qui concerne l’unité que Jésus-Christ a voulu procurer à son Église par la primauté effective de Pierre et de ses successeurs. C’est ce que l’on peut particulièrement constater dans le schisme grec, depuis sa première apparition jusqu’à l’époque contemporaine. L. Duchesne, Églises séparées, Paris, 1896, passim.

C’est contre ces erreurs que nous devons prouver présentement la vérité de l’Église catholique.