Dictionnaire de théologie catholique/ÉGLISE IV. Démonstation apologétique de la vérité de l’Eglise catholique

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 4.2 : DIEU - EMSERp. 423-434).

IV. Démonstratsion apologétique de la vérité de l’Église catholique.

I. But de cette démonstration et nature des arguments à employer. —

1° Supposant le fait de la révélation chrétienne déjà prouvé selon le programme précédemment indiqué, voir Apologétique, t. i, col. 1519 sq., nous devons actuellement démontrer que cette révélation a été confiée par Jésus-Christ à une autorité, à laquelle il a lui-même assigné des propriétés nettement définies, et que cette autorité divinement étalilie existe uniquement dans l’Église catholique, la seule véritable Eglise de Jésus-Christ.

2° Notre démonstration actuelle, pour être une démonstration appartenant vraiment à l’apologétique scientifique, doit s’appuyer sur des motifs de crédibilité possédant en eux-mêmes une incontestable valeur critique, telle que les esprits cultivés soient entièrement satisfaits et que, même pour eux, tout doute, si léger qu’il soit, puisse être suffisamment écarté. Assurément dételles preuves, incapables de fournir par elles-mêmes l’évidence intrinsèque de la vérité révélée, ne sont point scientifiques au sens strict, la science supposant toujours nécessairement une pleine évidence qui satisfait l’intelligence. Elles méritent cependant, à quelque égard, le nom de preuves scientifiques, à cause des procédés scientifiques employés pour constater, dans la circonstance, l’évidence extrinsèque du fait de la révélation. Toutefois l’on doit observer que, pour être pleinement acceptées, ers preuves, toutes scientifiques qu’elles sont dans leur exposé, supposent quelque intervention de la volonté, arrêtant délibérément l’intelligence sur les considérations favorisant l’acceptation et la détournant des objections contraires. Ce rôle de la volonté, déjà signalé dans la question de la certitude, t. ii, col. 2162 sq., sera particulièrement étudié à l’art. Foi.

3° Les preuves, attestant ainsi scientifiquement la vérité de l’Église catholique, sont le témoignage historiquement irrécusable de Jésus et de ses apôtres et les miracles historiquement constatés en faveur de l’Eglise catholique et prouvant authentiquement sa divinité.

1. Le témoignage de Jésus et celui de ses apôtres, affirmant le l’ait de l’institution divine de l’Eglise, doivent être contrôlés avec les procédés critiques rigoureusement requis pour la certitude scientifique, telle qu’elle a été précédemment définie. A ces conditions, s’il s’agit du témoignage divin, la preuve est absolument certaine, puisque la parole divine est toujours une preuve irrécusable de la vérité qu’elle affirme ; et s’il s’agit du témoignage des apôtres, les circonstances dans lesquelles il se présente comme un écho fidèle de l’enseignement même de Jésus-Christ, en font un critère certain de vérité. C’est en ce sens que Léon XIII, dans son encyclique Salis cognxtv/m du 29 juin 1896, indique l’affirmation de Jésus-Christ sur la nature de l’Eglise comme la preuve principale de la vérité révélée.

2. Les miracles, accomplis en faveur de l’Église catholique et dûment contrôlés, prouvent authentiquement sa divinité, puisque tout miracle est un témoignage infaillible donné par Dieu lui-même. Ces miracles ne sont autre chose que la série ininterrompue des interventions divines toutes spéciales, que suppose nécessairement le fait de l’existence constante de l’Église catholique, considéré dans toutes ses circonstances concrètes et à travers toute l’histoire ecclésiastique, avec la permanente possession de l’unité de foi et de gouvernement et l’incessante jouissance d’une incomparable fécondité spirituelle. Ces faits, dépassant certainement l’action des causes humaines, attestent manifestement une intervention divine toute spéciale, seule capable d’expliquer suffisamment des effets aussi mer

veillcux, d’autant plus qu’ils se rencontrent uniquement dans la communion catholique. Celle preuve, malgré tuiile sa force démonstrative, comporte ici très peu de développements, parce qu’elle n’est pas substantiellement différente de la preuve des miracles accomplis en faveur de la révélation chrétienne, et que cette preuve étant exposée ailleurs avec toute l’ampleur désirable, il suflit de signaler ici les applications particulières à l’Église elle-même.

i A la preuve des témoignages et des miracles peut encore se joindre une preuve confirmatoirc, déduite de ce que la doctrine catholique est jugée particulièrement apte à satisfaire les besoins et les aspirations de l’homme, soit au point de vue individuel, soit au point de vue social. Relativement à la valeurxle cette preuve, nous ferons observer qu’ici, comme dans l.i démonstration de la religion chrétienne, elle est d’une application difficile et d’une importance plutôt secondaire, et qu’en pratique, elle doit principalement servir à écarter les objections des adversaires, et à préparer surtout les esprits cultivés à l’acceptation des arguments positifs empruntés au témoignage et aux miracles.

II. affirmationsnéo-testamentairbs.

1° Témoignage de Jésus-Christ. — A rencontre des systèmes protestants ou modernistes qui prétendent décider " priori ce que Jésus devait faire ou ne pas faire, nous devons tout d’abord nous enquérir de ce que Jésus a réellement fait, puisqu’en vérité, dans ce domaine relevant uniquement de la libre volonté de Dieu, rien ne nous autorise à présumer, par un apriorisme nécessaire et rigoureux, ce que Dieu a véritablement voulu. C’est le principe fondamental justement posé par Léon XIII au début de son encyclique Salin cognitum du 29 juin 189(5 : Ecclesise quidem non solum orlus sed tota constitutio ad rerum voluntate libéra effectarum perlinet genus : quoeirca ad id quod rêvera gestum est judieatio est omnis revocanda, exquirendumque non sane qu<> pacto una esse Ecclesia queat, sed quo unum esse is volait qui condidit.

Les affirmations de Jésus en cette matière sont principalement contenues dans les textes de Matth., xxr, IS sq., et Joa., xxi, 15 sq., concernant les pouvoirs spécialement conférés à Pierre et à ses successeurs et dans les passages de Matlli., XVIII, 18 ; xxviii, 20, et de Marc, xvi, 15sq., relatifs à l’autorité concédée colleclivement à tous les apôtres et à leurs successeurs.

Laissant à l’art. Pape la démonstration apologétique de la parfaite authenticité des textes de Matth., XVI, 18 sq., et Joa., xxi, 15 sq., en même temps que leur explication dogmatique, nous nous bornerons à indiquer ici brièvement les principales conclusionsque nous sommes autorisés à déduire de ces textes, dont l’authenticité nous est, pour le moment, suffisamment garantie par la tradition chrétienne constante et universelle, solennellement affirmée par le concile du Vatican, sess. IV, c. i, et prouvée par de nombreux témoignages dans l’encyclique Satis cognitum de Léon XIII du 29 juin 1896.

1. Affirmation de JésusChrist promettant Vinslilulion de so ?i Eglise. — Cette promesse est contenue dans les paroles rapportées par saint Matthieu, XVI, 18 sq. : Va ego dico tibi quia tu es Pelruset super Itanc pclram sedificabo Ecclesiam meam, et porta inferi non prævalebunt adret-sus eam. Et tibi dabo claves regni cxlorum. El quodeumque ligaveris super terrant eril ii jatum et in < ; vlis, ci quodeumque solveris super terrant, eril solution et in cœlis.

a) Ecclesia, anꝟ. 18, ne peut signifier, comme dans beau’oup de passages de l’Ancien Testament, le peuple israél’te choisi de Dieu par une vocation toute spéciale. Car nous savons, par l’ensemble des prophéties prouvanl la vérité de lo révélation chrétienne, que l’alliance

de Dieu avec le peuple i.-raélile devait prendre fin à l’avènement du Messie, et faire place à une nouvelle alliance étendue désormais à toute l’humanité et définitivement établie jusqu’à la consommation des siècles. D’ailleurs, le pronom mea employé par Jésus auꝟ. 18 suggère manifestement l’idée d’un peuple nouveau ou d’une société nouvelle sur laquelle le rédempteur a des droits spéciaux.

b) Cette Eglise nouvelle est principalement caractérisée par l’autorité que Jésus promet d’y établir et qu’indiquent nettement les trois métaphores qu’il emploie. a. La pierre sur laquelle l’Église doit être édifiée n’étant autre, d’après le contexte, que l’apôtre Pierre, désigne nécessairement, au sens métaphorique qui est ici le seul possible, le fondement moral sur lequel doit reposer cette société, c’est-à-dire l’autorité suprême de laquelle fous les membres doivent dépendre et sous la direction de laquelle ils doivent concourir à la fin commune de cette société. — b. Les clefs de ce royaume spirituel qu’est l’Eglise, signifiant selon l’usage de tous les peuples sanctionné’par l’Écriture, Is., xxii, 22 ; Apoc, i, 18 ; iii, 7, le pouvoir concédé sur une chose pour en disposer à son gré, par conséquent dans une société l’autorité pleine et entière sur cette société, il est manifeste que, par ces paroles, Jésus promet l’établissement d’une autorité capable de régir son Eglise, soit que l’on considère ces paroles en elles-mêmes, soit qu’on les considère dans leur harmonie avec tout le contexte.

— c. La même idée d’autorité est exprimée par les expressions métaphoriques : lier et délier. Car, selon l’usage scripluraire, le pouvoir de lier signifie le pouvoir de lier les volontés par des lois ou des préceptes, par des sentences judiciaires ou par des peines, comme l’indique le texte de Matth., XVIII, 18, se rapportant manifestement, d’après le contexte, à l’exercice de la juridiction dans les litiges survenant entre les membres de la société nouvelle. Inversement, le pouvoir de délier signifie le pouvoir de délivrer de ces divers liens, selon Joa., xx, 23, quorum remisa ilis peccata, remilluntur eis, exprimant le pouvoir de remettre les péchés. Il est donc manifeste que, par ces paroles, le divin fondateur de l’Eglise promet l’établissement futur d’un pouvoir législatifet judiciaire, s’étendanl universellement à tout ce qui convient au bien de la société nouvelle. Il est donc manifeste que les trois métaphores du texte scripluraire conduisent à la même conclusion : la promesse divine d’une autorité régissant la société nouvelle, pour diriger effectivement tous ses membres vers la fin voulue par son divin fondateur.

c) Toutes ces explications, solidement appuyées sur tout le contexte, nous autorisent à conclure que regnum cxlorum auꝟ. 19, bien qu’ailleurs il désigne parfois le royaume individuel de Dieu dans les âmes, Luc, XVII, 20 sq., ou le royaume éternel des élus, Matth., XXV, 34, signifie manifestement ici un royaume spirituel, qui doit être constitué sur la terre avec une souveraine autorité visible s’étendant à tout ce que requiert le bien de la société nouvelle. Quant à l’appellation cxlorum ajoutée à regnum. deux raisons la justifient : l’origine et le caractère surnaturel du pouvoir conféré à cette société, et la nécessité d’écarter les idées charnelles des Juifs, interprétant d’une manière trop humaine les expressions prophétiques de l’Ancien Testament, prédisant le royaume universel du Messie.

2. Affirmation de Jésus-Christ instituant son église.

— Celle affirmation est très explicite, soit dans la concession de pouvoir faite à Pierre et à ses successeurs jusqu’à la fin des siècles, soit dans la communication des pouvoirs réellement conférés aux apôtres et à leurs successeurs sous la dépendance de Pierre.

a) Les paroles adressées par Jésus à Simon Pierre, selon le récit de saint Jean, l’asce agnos meos, pasce oves meus, XXI, 15 sq., expriment l’institution d’une

autorité suprême dans l’Eglise, s'élendant à tous les actes d’une sage et complète administration. Car selon l’usage des peuples orientaux dont témoigne l’expression classique noijjtiveç).aûv, et selon le langage de l’Ecriture, II Reg., v, 2 ; vii, 7 ; Ps. H, 9 ; xxii, 1 ; lxxvii, 71 ; Is., xi., 41 ; Jer., xxill, 2 ; Zach., xi, 9 ; Micli., v, 2 : Act., xx, 28 ; Epli., IV, 11 ; I Pet., v, 2 ; Apoc, II, 21, l’expression pascere, 7toc'[j.atvsïv, signifie le pouvoir de gouverner. Aucune restriction n'étant faite par JésusChrist, selon le texte scripturaire, dans cette concession de pouvoir, nous pouvons conclure que ce pouvoir est, de fait, illimité et universel, s'élendant à tout ce qu’exigent les intérêts de la nouvelle société chrétienne.

b) La commission donnée par Jésus à tous les apôtres conjointement : Eunles ergo docete ornnes génies, baplizantes eos in nominel’alris et Filii et Spirilus Sancti, docentes eos servare omnia quæcumque mandavi rubis, et ecce ego vobiscuni sum omnibus diebus usque ad consummationem sœculi, Matth., xxviii, 19 sq. ; Emîtes in mundum universum prædicale evangelium omni creaturse. Qui credideril et baptizalus fiteril. salvus erit ; qui vero non credideril, condemnabitur, Marc, xvi, 15 sq., comporte, comme nous le prouverons bientôt en parlant de l’infaillibilité de l'Église, le pouvoir d’enseigner toute la doctrine révélée par JésusChrist et de l’enseigner d’une manière intégrale, sans aucune diminution ni sans aucune infidélité, grâce à l’assistance constante promise par Jésus pour assurer effectivement cet enseignement perpétuellement fidèle, assistance positivement exprimée par les mots ecce ego vobiscuni, qui dans le langage scripturaire expriment habituellement la protection et la bénédiction de Dieu pour assurer finalement et complètement le succès désiré ou espéré. Exod., III, 12 ; Jud., VI, 12 ; I Reg., iii, 19 ; Is., xi.m, 2 ; Jer., xx, 20 ; Judith, VI, 18 ; Act., xviii, 9 sq.

3. Affirmation de Jésus-Christ relativement à la durée perpétuelle de son Eglise. — o) Cette affirmation résulte manifestement de ces deux assurances formelles données par Jésus : super liane petram sedificabo Ecclesiam meam, elportæ inferi non prxcalebunt adversus eam. Matth.. xvi, 18. Puisque tous les efforts des puissances de l’enfer ou des puissances des ténèbres, plusieurs fois mentionnées dans le Nouveau Testament, Luc, xxii, 53 ; Eph., vi, 12 ; Col., I, 13, doivent être à jamais frappés d’insuccès, il est donc certain que l'Église subsistera toujours. Comme, d’autre part, elle ne peut exister sans son fondement nécessaire qui est l’autorité sur laquelle Jésus l’a établie, cette autorité doit rigoureusement durer autant qu’elle, c’est-à-dire perpétuellement. — b) C’est aussi ce qu’exprime la promesse positive, faite par Jésus à ses apôtres, de les assister jusqu'à la consommation des siècles dans l’exercice de l’autorité doctrinale qu’il confère à eux et à leurs successeurs : et ecce ego vobiscuni sum omnibus diebus usque ad consummationem sœculi. Matth., XX VIII, 20. La perpétuité de l’assistance promise par Jésus suppose nécessairement la perpétuité de ce qu’il doit assister, c’est-àdire de l’autorité doctrinale établie dans son Église.

i. Affirmation implicitement contenue dans les paraboles employées par Jésus. — Ces paraboles, sans nous renseigner positivement sur la constitution de l'Église, nous apprennent quelques particularités qui ne sont pas sans importance, notamment le double fait qu’elle doit contenir non seulement des justes mais encore des pécheurs, comme l’indiquent les paraboles du champ mêlé d’ivraie, Matth., xiii, 21 sq., des filets, M sq., et du festin nuptial, xxii, 2 sq., et qu’elle doit se répandre dans tout l’univers, comme le signifient les paraboles du grain de sénevé et du levain. Matth., xiii, 31 sq.

Témoignage des apôtres.

1. Témoignage de saint Paul. — Laissant les textes où l’apôtre parle,

d’une manière générale, de l'Église de Dieu, I Cor., x, 32 ; xi, 10 ; xiv, 4 ; xv, 9 ; Gal., i, 13 ; ou.la mentionne simplement sous le titre d'épouse de Jésus-Christ, Eph., v, 23 sq., ou de corps mystique de Jésus Christ, Eph., i, 23 ; v, 23, 30 ; Col., i, 18, nous nous arrêterons aux deux textes, où saint Paul esquisse le concept de l'Église nouvelle, Eph., iv, 4 sq., etl Tim., ni, 15, deux textes dont l’authenticité paulinienne est, pour nous, hors de contestation.

a) Au c. iv de l'Épitre aux Éphésiens, l’apôtre, après avoir rappelé que les fidèles forment un seul corps, puisqu’il n’y a qu’un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, affirme que Jésus-Christ lui-même a donné des apôtres, des prophètes, des évangélistes, des pasteurs et des docteurs, ni non jam sinms parvuli /Incluante* et circumferamur omni renia doctrinæ, in nequitia hominum, in astutia ad circumventionem erroris, 14. Quand même, dans l'ënumération précitée, il serait partiellement question de quelques ministères passagers, ou de quelques charismes temporaires qui ne devaient point subsister après l'âge apostolique, il reste cependant vrai que le but, positivement indiqué aux versets 15 sq., doit se réaliser dans tous les temps et pour tous les fidèles, puisque aucune restriction n’est indiquée, Ce but ne pouvant être réalisé qu° par une autorité infaillible perpétuellement subsistante, il est dès lors manifeste qu’une telle autorité doit perpétuellement exister. Ainsi le texte de saint Paul contient une affirmation explicite de l’autorité qui doit exister dans l’Eglise chrétienne. En même temps, cette autorité est clairement signalée comme établie par JésusChris I lui-même, d’après le. Il : />'/ ipse dédit qimsdam quidem apostolos, quosdam autem prophetas, ulios vero evangelistas, alios autem pastores et doctores. Saint Paul n’invente donc point le concept de l'Église ; il se borne à reproduire l’enseignement du Maître.

b) Dans la I" Kpitre à Timothée, saint Paul appelle l'Église de Dieu columna et firmamentum veritatis, paroles qui supposent manifestement, dans l’Eglise, une complète immunité de toute erreur. Cette parfaite immunité ne pouvant se réaliser sans une autorité doctrinale infaillible, l’existence de cette autorité doit être conséquemment admise. Cet enseignement de saint Paul, n'étant que la reproduction de l’enseignement précédemment donné par l’apôtre comme celui de Jésus lui-même, Eph., IV, Il sq., doit également provenir de Jésus-Christ, bien que l’apôtre ne fournisse ici aucune indication positive sur ce point.

2. Témoignage de saint Pierre.

En exhortant les TipîaS-jTipoi à paître leurs troupeaux, nocfivtovtoO 8so0, de manière à recevoir l'éternelle récompense de Fàpy17toîjxevo ; , I Pet., v, 2 sq., saint Pierre fait clairement entendre que leur autorité vient de Jésus-Christ à qui ils en devront un compte rigoureux ; interprétation d’ailleurs confirmée par l’appellation donnée àJésusde noiu.r|V y.a’t £71 : 1x0710 ; tgSv tyvyûri. I Pet., ii, 25. Ce témoignage de saint Pierre n’est nullement affaibli par le passage où les fidèles sont appelés ylvo ; èxXextô/, fiaofteiov ÊepaTc-ju.*, é'ôvo : â^tov, Xaôiç s !  ; uspc7ro171(nv, I Pet., il, 9, car le contexte et la comparaison avec Exod., xix, 6, indiquent assez clairement, comme sens unique, celui de race sainte et de peuple de Dieu.

3° Ensemble des faits néo-testamentaires relatifs à l'Église. — 1. Le Nouveau Testament présente tout un ensemble de faits gravitant autour de l’apostolat établi par Jésus et exercé en son nom avec pleine autorité. — a) L’apostolat, tel qu’il a été établi par Jésus, comporte, comme le montrent les textes précédemment cités, la mission spéciale d’envoyés ayant reçu de Jésus la plénitude de ses propres pouvoirs, pour enseigner en son nom aux fidèles la doctrine révélée par lui et pour les gouverner ou les diriger en tout ce qui est

nécessaire pour leur bien spirituel. Voir Apôtres, t. I col. 1651 sq. — b) L’apostolat ainsi établi par Jésus est exercé en son nom avec pleine autorité. De fait, les apôtres enseignent comme envoyés de Jésus, accrédités par lui et parlant en son nom, et leur parole est donnée comme la parole de Dieu, à laquelle pleine soumission est due. I Thess., il, 13 ; II Cor., v, 20 ; x, 5 sq. ; Rom., i, ."> ; II Tim., ii, 2, li. Ceux qui rejettent cet enseignement sont considérés comme ayant fait naufrage dans la foi, comme séducteurs et comme antéchrists et comme dignes d’analhème. II Thess., i, 8 ; Gal., 1, 8 sq. ; Tit., iii, 19 sq. ; 1 Tim., 1, 19 sq. ; II Tim., II, 18 sq. ; II Pet., ii, 1 ; I Joa., il, 18 ; II Joa., 7 sq. ; Jud., 13. En même temps les apôtres, en vertu de l’autorité' que leur confère leur mission, exercent un pouvoir de commandement sur les fidèles. Act., xv, 28 sq. ; xvi, 4 ; 1 Cor., v, 3 sq. ; xi, 2, 31 ; II Cor., XIII, 2, 10. Cf. Ma' P. Batiffol, L'Église naissante et le catholicisme, Paris, 1909, p. 49 sq.

2. L’ensemble de ces faits ne peut s’expliquer suffisamment par un pur charisme, car par lui-même le cbarisme, don individuel de l’Esprit-Saint, ne suppose aucune autorité ou mission divine dans celui qui en est orné, et son exercice même est régulièrement soumis à l’autorité.

La seule explication rationnelle est donc que les apôtres possédaient réellement un pouvoir permanent d’enseigner et de gouverner, en vertu d’une mission spéciale donnée par Jésus-Christ ; pouvoir qui d’ailleurs apparaît manifestement concédé pour tous les temps et pour toutes les générations chrétiennes, puisque les témoignages précédemment cités n’indiquent aucune restriction. Batiffol, op. cit., p. (>6 sq.

Conclusion. — De tout ce que nous avons rapporté des affirmations de Jésus et de ses apôtres, ainsi que de l’ensemble des faits néo-testamentaires, nous sommes autorisés à conclure qu’une autorité a été établie à perpétuité par Jésus Christ dans la société chrétienne, pour enseigner fidèlement toute sa doctrine et pour diriger effectivement les fidèles vers leur fin surnaturelle.

Appuyés sur ce même fondement scripturaire, nous pouvons encore déduire, avec non moins de certitude, plusieurs propriétés essentielles de cette Eglise divinement établie, notamment sa perpétuelle visibilité, son litre de société parfaite, son unité, son apostolicité, sa catholicité, sa sainteté et sa perpétuelle indéfectibilité dans la doctrine révélée par Jésus-Christ et dans la divine constitution établie par lui, comme nous le moMlrerons bientôt en étudiant la divine constitution de l’Eglise d’après le dogme révélé.

/II. TÉMOIGNAGE DE LA TRADITION CHRÉTIENNE BANS

les '.'/ uvi/j rrtEviEns siècles, — Noire démonstration strictement apologétique et cantonnée sur le terrain historique, dans le sens précédemment défini, s’arrèlera après les quatre premiers siècles, parce que, au de la de cette époque, les adversaires du catholicisme ne contestent plus aujourd’huil’exclusive prédominance du concept catholique de l’Eglise, bien qu’ils ne veuillent point admettre sa divine origine.

Dans cette période des quatre premiers siècles, notre étude nécessairement synthétique s’arrêtera aux trails principaux du concept général de l'Église, en laissant de côté les points particuliers qui seront l’objet d’articles spéciaux, tels que les noies de l’Eglise, l'épiscop.il, l.i primauté du pape et son infaillibilité.

1° Première période, des temps apostoliques jusqu'à lu fin du ile siècle. — 1. Saint Clément pape ([- vers lUl), dans sa lettre aux Corinthiens occasionnée par la sédition survenue dans cette Eglise, insisie principalement sur l’obéi san Je due, selon l’ordre divin, à l’autorité des évéques en matière de discipline ecclésiastique : ûfxeiC ovv ai evjv xocaSoXqv ttjç « nàasa) ; notrjaavTSc ûtio tâyi-|TE toî ; 7rp- ; 7Ô-jr£pot ; -/.al TiatSîjOri" il- ; AS : âvo ! av /tâp.'f/avrs ; Ta yrivarà x ?|ç xapfii’a ; vpcâv. I Cor., lvii, 1 ; Eunl<, Patres apostolici, 2e édit., Tubingue, 1901, t. i, p. 170 sq. Il ne s’agit point d’un simple conseil, mais d’une obligation rigoureuse, dont l’inexécution priverait de toute espérance dans le Christ Jésus et exposerait à être rejeté de son troupeau, p. 172. Si quelques-uns n’obéissaient point à ce que Jésus leur dit par notre intermédiaire, qu’ils sachent qu’ils manquent gravement, et qu’ils se mettent dans un danger consi dérable,

OT ! TiapaTrtiDTEi /.a : xivojvco ou |j.ixpa> ea’jTo-j ;

èvSTJorouo’iv, p. 174.

L’unité de l’Eglise est affirmée au moins implicitement dans le passage où Clément parle de l’unité de foi au Père, au Fils et au Saint-Esprit, de l’unité de vocation dans le Christ, et de l’unité du corps de Jésus-Christ dont tous les fidèles sont les membres. xlvi, 6, p. 158. D’ailleurs, l’unité de l’Eglise ressort assez clairement de l’autorité que l'évoque de Rome exerce sur l’Eglise de Corinthe, autorité d’autant plus manifeste que, selon le texte de la lettre, Clément parait être intervenu d’une manière entièrement spontanée, xi.vn, 7, p. 160, et avoir voulu s’acquitter du devoir de sa charge, i.ix, 2, p. 174.

2. Saint Ignace d’Anlioclie († 101), en combattant les hérésies de son temps, insiste très fréquemment sur la soumission à la hiérarchie ecclésiastique constituée par l'évêque, le presbyterium et les diacres. Ad Eph., ii, 2 ; iv ; v, 3 ; xx, 2, Patres apostolici de Eunk, 2e édit., Tubingue, 1901, t. I, p. 214, 216, 218. 230 ;.1, / Magn., n sq. ; vi ; vii, 1 ; xiii, 2, p. 232, 231, 236, 240 ; Ad Trait., ii, vii, xiii, 2, p. 242 sq., 216 sq., 250 ; Ad Philad., iv, vii, p. 266, 270 ; Ad Smyrn., viii, p. 282. Cette soumission n’est pas demandée seulement en matière de discipline ecclésiastique, comme dans la lettre de saint Clément aux Corinthiens. Saint Ignace exige expressément que l’on s’accorde dans la soumission, Tr, TOÛ È7110-/-07TO-J "pÛfM), Ad Epll., IV, p. 216 ;

soumission non seulement aux volontés mais encore aux jugements de l'évêque. Cette soumission est né saire pour que l’on soit uni rf y v '">[M) to-j OîoO, car Jésus-Christ, qui est notre vie indispensable, est f, Yvœp, Y| toO TTXTpb ;, comme les évéques établis par toute la terre, èv 'Iy|to0 Xpis : o-j ('"> ! J -'1 z'.ivI. La soumission à l’autorité de l'évêque est exigée en vertu de l’ordre divinement établi. Ad Eph., Il, 2, p. 214. On doit être dans l’unité immaculée avec l'évêque, pour participer toujours à Dieu. Ad Eph., IV, p. 216. On doit avoir soin de ne point résister à l'évêque pour rester soumis à Dieu. Ad Eph., v, 3, p. 218. On doit considérer dans I évéque Dieu lui-même. Ad Eph., VI, p. 218. On doit être soumis à l'évêque J » ; yip-.Tt ûsoO et au presbyterium <l> ; v6 ; j.'.> 'Ir.ffoû XpuTToO. Ad Magn., il, p. 232. L'évêque tient la place de Dieu et le presbyterium celle du sénat apostolique. Ad Magn., VI, p. 234. D’ailleurs, la manière dont l'évêque d’Anlioclie dénonce les hérétiques et les schismatiques suppose, chez les uns et les autres, la rébellion contre une autorité divinement établie. Si quelqu’un corrompt par une doctrine perverse la foi de Dieu pour laquelle Jésus a été crucifié, il ira au feu éternel, et également celui qui l'écoute. Ad Eph., xvi, p. 226. Si quelqu’un suit un schismatique, il n’obtiendra pas l’héritage du royaume divin ; si quelqu’un suit une doctrine étrangère, il ne participe point à la passion de Jésus-Christ. Ad PIMad., ni, p. 266.

Quant à l’unité de l’Eglise, elle résulte de ce que .(('sus-Christ fait l’unité de tous les évéques établis dans le monde : y.-A yxp 'liaovi Xpiiio ?, to àS'.xxptxov r)a<iJv Çf.v, tvj 7TATpb ; - [/'ii.r l, (', > /.ai ol É7tÎ5X07TOi, ol /.ara Ta 7r£para âptaOévTS ;, i’i 'Ir)TOÛ Xpurtoû Yviiiiir) eicxtv. Ad Eph., iii, 2, p. 216. Ailleurs, saint Ignace parle expressément du corps de l'Église universelle qui est un, èv

é-/ <7tà(j.aTi tyjç iy.v.'i.r^lac, aùtou. Ad Smym., 1, 2, p. 276. Cette même unité est encore affirmée, au moins implicitement, dans le concept de l'Église universelle, expressément appelée, pour la première fois chez les auteurs ecclésiastiques, r y -LaOoÀcxï] èL-/).r, o-fa. Ad Smyrn., viii, 2, p. 282.

Enfin on est suffisamment autorisé à reconnaître dans l’appellation toute particulière donnée à l’Eglise de Rome, tjtiç y.a’t 7rpoxc<6f, Tai êv iouio yo>p ; o’j 'Piaptaftov, Ad Rom., init., p. 232, une indication assez explicite en faveur de la primauté de cette Église, parconséquent en faveur de l’unité de l’Eglise, nécessairement liée à cette primauté. Mgr L. Ducliesne, Églises séparées, Paris, 1896, p. 127 sq. ; J. Tixeront, La théologie anténicéenne, Paris, 1906, p. 142 sq. ; P. Batiffol, op. cit., p. 168 sq. Voir Pape.

3. Parmi les ouvrages qui nous restent de saint Justin, le seul où il parle explicitement de l'Église est le Dialogue avec Tryphon, destiné à des lecteurs chrétiens ou juifs. Appliquant au Verhe incarné le psaume xliv, saint Justin montre dans l'Église la reine prédite par le prophète. Cette Eglise est composée de tous ceux qui croient en Jésus-Christ et qui forment une seule âme, une seule synagogue, une seule Église. Dial. cuni Tryph., n. 63, P. G., t. VI, col. 621. La même pensée est exprimée dans plusieurs autres passages, n. 110, 116, 117, 119, col. 729, 745 sq., 752 sq.

Dans son Dialogue comme dans ses Apologies, saint Justin n’a aucune occasion de parler directement de l’autorité divinement établie pour instruire et régir les fidèles. Mais cette divine autorité ressort suffisamment de la manière dont Justin parle de l’enseignement reçu de Jésus-Christ, fidèlement transmis par les apôtres et par leurs successeurs et actuellement donné comme étant le seul vrai et comme s’imposant intégralement à l’acceptation des fidèles. Apol., i, 23, 61, 65, 66, 67, P. G., t. vi, col. 364, 420, 428, 432 ; Diai. cuni Tryph., n. 119, col. 153.

D’ailleurs, en reprochant aux hérétiques d’enseigner, sous l’inspiration du démon, l’impiété et le blasphème et de suivre la doctrine de l’homme dont ils portent le nom, au lieu de se soumettre à celle de Jésus-Christ, Justin laisse assez clairement entendre qu’il y a une autorité divinement instituée contre laquelle les hérétiques s’insurgent. Apol., I, 26, col. 368 sq. ; Dial. cuni Tryph., n. 35, col. 552. On est autorisé à croire que c’est aussi la pensée dominante d’un ouvrage perdu, que l’apologiste chrétien dit lui-même avoir composé contre toutes les hérésies : Êern Se ry.iv -Lai <j-jv7ay|J.a Laxa TTiO’wv T(iv yey£vr||Jiévcôv aipÉo-swv <7VTETayîJ.Évrjv w et (30ûXs<76e Èv-u/etv, 5w(70u.ev, Apol., I, n. 26, col. 369, et auquel saint Irénée, Cont. lieer., l. IV, c. VI, n. 2, P. G., t. vii, col. 987, et Tertullien, Adv. valentinianos, c. v, P. L., t. ii, col. 547, paraissent faire allusion, quand ils citent saint Justin contre les hérésies de leur temps.

4. De saint Justin à saint Irénée, l’on rencontre encore quelques témoignages assez explicites. Saint Polycarpe de Smyrne, dans l’unique lettre qui nous reste de lui, parle comme Ignace d’Antioche. Il exige que les Philippiens se soumettent aux Ttpsoê-jrÉpot et aux diacres comme à Dieu et au Christ, jTtoTairaoïj.Évo’jç rot ; irpsaë-jTÉpo'.ç -Lai 8tax(5voiç cl> ; 0eâ> -Lai Xptenrù. Ad Phil., V, 2, Patres apostolici de Eunk', 2e édit., Tubingue, 1901, t. I, p. 302. On doit servir Jésus-Christ avec crainte et respect, comme il nous a lui-même commandé et comme nous ont commandé les apôtres qui ont annoncé l'évangile. AdPhil., v, 3, p. 304, Aussi l’on doit laisser les fausses doctrines et revenir à l’enseignement qui nous a été donné dès le commencement : £ib a710Xt716vte ; tï|v [ia-aioTYiia tcôv 7to).X(ôv -Lai Taç ^euSoSiôa’jxaÀiaç eut tôv i àpyffi r, [J-tv 7tapaSo6évT « Xdvov l7Tt<jTpé<J/ù[ « v,

vu, 2, p. 304. Ceux qui enseignent différemment sont appelés faux frères qui portent hypocritement le nom du Seigneur, VI, 3, p. 304. Celui qui détourne les paroles du Seigneur au gré de ses désirs et nie la résurrection et le jugement, est le premier-né de Satan, vii, 1, p. 304.

Papias (— 150), dans son Exégise des logia du Seigneur, dont Eusèbe nous a conservé quelques fragments, atteste que la règle qu’il suit pour juger l’enseignement donné, c’est l’enseignement des anciens qui rapportent les préceptes donnés par le Seigneur lui-même, Eusèbe, H. E., l. III, c. xxix, P. G., t. xx, col. 296 sq. ; en d’autres termes, il donne la tradition provenant des apôtres comme règle de la foi. Papise fragmenta, il, 7, 14, Patres apostolici de Eunk, 2e édit., Tubingue, 1901, t. i, p. 354, 358.

C’est aussi la méthode d’Hégésippe († 180) selon ce qu’Eusèbe nous a gardé de ses écrits, l. IV, c. viii, 22, col. 321, 377 sq.

Vers la même époque, un fragment d’une lettre de saint Denys de Corinlhe (fl80), conservé par Eusèbe et attestant l’inépuisable charité de l'Église romaine envers toutes les Églises qui sont dans le besoin, Eusèbe, H. E., l. IV, c. xxiii, P. G., t. xx, col. 386, montre assez clairement la prééminence toute spéciale de cette Eglise.

Une preuve non moins manifeste en faveur de cette même prééminence est fournie par l’inscription d’Abercius au commencement du iiie siècle, selon beaucoup de critiques. Voir t. i, col. 61 sq., et l’article Abercius, dans le Dictionnaire d’archéologie chrétienne de dom Cabrol, t. i, col. 83 ; Batiffol, L'Église naissante et le catholicisme, Paris, 1889, p. 221.

5. Saint Irénée (y 202), dans son Contra hæreses, dirigé surtout contre les gnostiques de son temps, insiste principalement sur deux caractéristiques de la véritable Église de Jésus-Christ : o) L'Église seule possède la vérité intégrale et la possède d’une manière constante ; elle la prêche incessamment, et c’est à elle seule qu’il faut la demander. Contra h ; cr., . 111, c. iii, n. 3 ; c. iv, n. 1 ; c. xxiv, n. 1 ; l. IV, c. xxvi, n. 5, l. V, c. xx, n. 1, P. G., t. vii, col. 851, 855, 966, 1056, 1177. — b) L'Église seule possède aussi la double apostolicité de mission et de doctrine, marque certaine de son institution divine et de la vérité de sa doctrine. Contra hwr., l. III, c. ni, n. 1 sq. ; l. IV, c. xxvi, n. 5. ; c. XXXIII, n. 8, col. 848 sq., 1056, 1077.

C’est d’ailleurs sur ce solide fondement de l’apostolicité que l'évêque de Lyon appuie l’argument de tradition ou de prescription, inauguré par lui, Contra Itser., l. III, pr ; ef. et c. i-v, col. 813 sq., et si efficacement utilisé ensuite par Tertullien dans tout son livre De pra-scriptionibits et par l’ensemble des Pères et des théologiens subséquents.

Ces deux caractères de la véritable Église impliquent nécessairement une autorité doctrinale divinement établie, pour enseigner infailliblement et maintenir dans toute son intégrité la doctrine révélée par Jésus-Christ, et en même temps une autorité remontant jusqu’aux apôtres envoyés eux-mêmes par Jésus-Christ.

C’est encore ce que confirme la doctrine de l'évêque de Lyon sur l’hérésie. Puisque le crime d’hérésie consiste à rejeter l’autorité de l'Église en l’accusant d’erreur ou d’incompétence, et qu en agissant ainsi l’on se rend coupable de blasphème en s’attaquant à Dieu luimême, Cont. hær., l. III, c. xxiv, n. 2 ; l. V, c. xx, n. 2, col. 967, 1177 sq., il est manifeste qu’il y a réellement une autorité divinement établie et constamment existante, à laquelle on doit se soumettre effectivement. Cette autorité, saint Irénée la montre principalement dans l'Église romaine, dans laquelle la tradition apostolique s’est toujours intégralement conservée et avec laquelle toutes les autres Églises doivent posi

tivement s’accorder. Couda Itxr., 1. III, c. III, n. 2, col. 819. Voir Pape.

2° Deuxième période, depuis la fin du w siècle jusqu’au commencement du IV siècle. — 1. Tertullien († 243), dans son ouvrage De præscriptionibus, compose' vers l’an 200 contre les gnostiques de cette époque, insiste principalement sur l’autorité de la tradition vivante dans l'Église. Cette tradition, c’est l’enseignement unanime des Eglises fondées par les apôtres, et possédant dans toute son intégrité la doctrine prêcliée par les apôtres et reçue par eux de Jésus-Christ luimême. De prxcript., c. XXI, XXVIII, xxxi sq., xxxvii, P. L., t. il, col. 33, 40, 44 sq., 50 sq. Cet enseignement est une règle de foi très sûre à cause de l’assistance du Saint-Esprit promise par Jésus-Christ : Age nunc, /mines erraverint ; deceptus sit Apostolus de testimonio reddendo quïbusdam ; nullam respexerit Spiritus Sanctus uli eam in veritatem deduccret, Joa., xiv, 26, ad hoc missus a Christo, ad hoc poslulatus de Paire, ut essel doctor veritatis, Joa., xv, 26 ; neglexerit "f/icium Dei villicus, Christi vicarius, sinens Ecclesiam aliter intérim intelligere, aliter intérim credere, quant ipse per apostolos prædicabat : ecquid verisimile est ut lot ac tanlx in unani /idem erraverint ? c. xxviii, col. 10.

D’ailleurs, Tertullien dénonce vigoureusement les hérésies et les hérétiques. Les hérétiques ne peuvent pas être chrétiens, tenant leurs doctrines non de JésusChrist mais de leur propre choix et des chefs qu’ils se sont donnés. Ils sont déshérités et répudiés par les apôtres comme des étrangers et des ennemis, à cause de l’opposition entre leur doctrine et celle des apôtres, c. XXXVIII, col. 51. L’hérésie vient du démon, dont c’est le rôle de s’opposer à la vérité et d’imiter, dans les mystères des idoles, les divins mystères de la religion, c. xi-, col. 5't sq. Les hérésies n’ont pas d’autre unité que le schisme. Si on les examine de près, on constate qu’elles sont en divergence avec leurs propres auteurs sur beaucoup de points. Les lu ré tiques n’ont point d'é'glise constituée : plerique nec ccclesias liabenl, sine matre, sine sede, orbi fide, extorres, sine lare vagantur, c. xi.ii, col. 58.

De ce double enseignement de Tertullien résulte nécessairement l’affirmation de quelque autorité doctrinale divinement instituée, qui seule peut assurer dans l'Église le maintien intégral de la doctrine de JésusChrist et des apôtres, autorité dont la violation constitue vraiment le péché d’hérésie.

D’ailleurs, Tertullien mentionne plusieurs fois assez explicitement le concept de l’Kglise universelle, épouse de Jésus-Christ, Contra Marciôn., 1. IV, c. xi, /'. L., t. il, col. 382 ; 1. V, c. XII, col. 502, et mère de tous les lidèles comme Dieu est leur père, Ad mari., c. i, P. L., t. ii, col. 619 ; Cont. Marcion., 1. V, c. iv, P. L., t. ii, col. 478 ; De ntonogamia, c. VIII, col. 939 ; r.glise certainement une dans sa doctrine qu’elle tient de Jésus-Christ et qu’elle garde intégralement, une aussi dans son autorité s’exerrant en vertu de la mission transmise par les apôtres qui l’avaient eux-mêmes reçue de Jésus-Christ, De prxscript., c. XXXVII, P. L., t. ii, col. 50 sq. ; une surtout en vertu de la primante' 1 de l'Église romaine qui est nettement indiquée, c. xxxvi, col. 49. Kglise enfin qui, par son litre de catholique, se distingue de loules les sectes hérétiques toujours particularistes, c. xxvi, xxx, col. 38, 42.

2. Clément d’Alexandrie, dans les ouvrages qui nous sont restés de lui, indique, au moins d’une manière incidente, le véritable concept de l’Kglise. Comme il n’y a qu’un seul Verbe, i -ûr/ ôXôv Aôyoç, et qu’un seul Esprit-Saint qui est partout, il n’y a qu’une seule Lglise à la fois mère et vierge. P : vd., I. I, c. VI, P. G., I. viii, col. 299. L’Kglise est comparée à une cité régie par le Logos. Strom., IV, c. XXVI, col. 1381. C’est

surtout dans la dénonciation des hérésies que Clément montre l’idée qu’il se fait de l’Kglise. Les hérésies abandonnent l’Kglise qui est depuis le commencement, -ijv eÇ « p/ji ? àwolïsieouarai 'ExxX/|(rîav. Strom., I, c. xix, col. 812. Semblables à l’adultère, elles font que, par une véritable apostasie, l’on s'éloigne de bieu qui est l’unique époux de l’Kglise. Strom., III, c. XII, col. 1180. Le nom d’hérésie signifie nécessairement opposition à la vérité. Strom., VII, c. xv, P. G., t. ix, col. 528. Ceux qui embrassent les opinions des hérésies humaines répudient la tradition ecclésiastique et cessent d'être hommes de Dieu et fidèles au Seigneur. Strom., VII, c. xvii, col. 532.

Aussi le catéchète d’Alexandrie exigc-t-il du véritable gnoslique qu’il garde ryjv kico « 70Xixt|V xiirl Èy.xÀY)?KX0TcxV àpSopfctv Ttûv SoyjiâTwv, Strom., VII. c. xvi, col. 544, et il n’admet comme gnose véritable que la gnose qu’il appelle âxx/.ï)<TiaoTixY| Yviôfftî, col. 536. Il n’y a qu’une seule Église véritable, celle qui est vraiment ancienne et qui est en même temps catholique, et dont les hérésies s’efforcent de déchirer l’unité. Strom., VII, c. xvil, col. 552.

3. Origène († 254) insiste particulièrement sur l’enseignement ecclésiastique donné par les apôtres et persévérant dans les Kglises jusqu’au moment présent par la succession des évêques : ccclesiastica prmdicatio per successionis ordinem ab apostolis tradita et usquead jtrœsens in ecclesiis permanens. De princip., 1. 1, pra’f., n. 2, /'. G., t. xi, col. 116. Cet enseignement doit être la règle de la foi : illa sola credenda est veritas qux in uullo ab ccclesiastica et apostolica discordât traditione. Loc. cil. Aussi l’on ne doit pas croire les hérétiques ni se séparer de la tradition ecclésiastique. Sed nos illis credere non debemus nec exire a prima ri ecclesiastica traditione, nec aliter credere uisi quemadmodum per successionent Ecclesix Dei tradiderunt nobis. In Mattlt., commentariorum séries, n. i(i, /'. G., t. xiii, col. 1667. C’est de l'Église seule qu’est provenue la véritable vérité de Dieu qui s’est répandue sur toute la terre, col. 1668. L'Église du Dieu vivant a la vérité du Verbe pour rempart. In Jet'., homil. v, n. 16, col. 319.

En même temps, Origène réprouve énergiquemeni les hérésies et les hérétiques. Toute doctrine hérétique est comparable à une fausse monnaie : Ego put" quod Valentini sermo humana pecunia est et reproba ; et omnium hxrelicorum sermo non est probala pecunia, nec dominicam intègre in se habet figurant, sed adultérant qux, vt ita dicam, c.rlra monetam ita jigurata est, quia extra Ecclesiam composila est. Inps. wwt, homil. ni, n. ii, /'. G., t. xii, col. 1317. Tandis que les maîtres qui sont dans l'Église édifient la maison de Dieu qui est l’Kglise, les hérétiques construisent partout des maisons de débauche : Itxrelici œdificant lupanar in omni via ; ut puta magisier de officina Valentini, magister île cœtu Basilidis, magister de tabernaculo Marcionis »t cseterorum hxrelicorum œdificant meretrici domuni, In Ezech., homil. viii, n. 2, P. G., t. xiii, col. 730. Tandis que ceux qui enseignent selon l'Église, sont des prophètes de Jésus-Christ, les prédicateurs de chacune des hérésies sont des prophètes de mensonge ri dos prophètes de l’Antéchrist. In Matlli., commettlar. séries, n. 17, col. Hifi'.t.'

De tout cet enseignement d’Origène résulte évidemment l’existence d’une autorité divinement instituée contré laquelle il est criminel de s’insurger. C’est encore ce que suppose manifestement la doctrine formelle du catéchète d’Alexandrie sur la nécessité d’appartenir à l’Kglise pour obtenir le salut : Nemo ergo sibi persuadeat, nenw semetipsum decipiat : extra hancdontttm id est extra Ecclesiam nemo salvatur. In librunt Jesu Nave, homil. iii, n. 5, P. G., t. xii, col. 841 sq.

4. Saint Cyprien († 258), par son enseignement précis sur les hérésies et sur les schismes, laisse non moins clairement entendre l’existence d’une autorité divine dans l'Église : Hanc Ecclesise unitalem qui non tenet, tenere se (idem crédit ? Qui Ecclesise renititur et resistit, qui catliedram Pétri super quem fundata est Ecclesia deserit, in Ecclesia se esse confiait ? De unitate Ecclesise, iv, P. L., i. iv, col. 500 sq. Quisquis ab Ecclesia segregatus, adultérée jungitur, a promissis Ecclesise separatur ; vec perveniet ad Christi prsemia qui relinquit Ecclesiam Christi. Alienus est, profanus est, liostisest. Habere jam non potest Deum pat rem, qui Ecclesiam non habet matrem. Si potuil evadere quisquam qui extra arcam Noe fuit, et qui extra Ecclesiam foris fueril evadit, col. 503. Aversandus est atque fugiendus quisquis fuerit ab Ecclesia separatus. Perversus est hujusmodi et peccal et est a semetipso damnatus, col. 513. La même doctrine est exprimée dans plusieurs de ses épîtres. Epist., xliv, col. 340 ; xlix, P. L., t. iii, col. 726 sq. ; lii, n. 24, col. 790 sq. ; lxix, n. 1 sq.. P. L., t. iv, col. 409 sq.

Cette divine autorité qui existe dans l'Église, l'évêque de Carthage la considère principalement dans chaque évêque gouvernant son Église particulière et dans l’ensemble des évêques de toutes ces Eglises. Epist., lv, n. 5, P. L., t. iii, col. 802 sq. ; lv, n. 5, P. L., t. iv, col. 396 sq. ; lxix, n. 4, 8, col. 403, 406 ; lxxiii, n. 8, P. L., t. iii, col. 1114. Bien que les évêques soient mentionnés comme égaux en pouvoir et en dignité, De unitale Ecclesise, iv sq., P. L., t. iv, col. 499 sq., et que chaque évêque soit considéré comme indépendant dans sa propre sphère, Epist. lxxii, n. 3, P. L., t. iii, col. 1050 ; lxxiii, n. 26, col. 1126 ; il est cependant très assuré que tous les évêques forment un seul corps : episcopatu’s unus est, cujus a singulis in solidum pars tenetur, De unit. Eccl., V, P. L-, t. iv, col. 501, et que l’Eglise est une, de telle manière que tous ceux qui violent cette unité, s’insurgent contre Dieu lui-même. De unit. Eccl., iv sq., col. 500 sq. ; Epist., xli, n. 1 sq., P. L., t. iii, col. 703 sq. ; li, P. L., t. IV, col. 343 sq.

Enfin le docteur africain affirme plusieurs fois la divine institution de la primauté de Pierre et de ses successeurs. De habitu virginum, x, P. L., t. iv, col. 449 ; De unitate Ecclesix, iv, P. L., t. IV, col. 500 ; Epist., xliv, n. 3, P. L., t. iii, col. 710 sq. ; li, n. 8, col. 772 sq. ; liv, n. 14, col. 818 sq. ; lxvi, n. 2 sq., col. 993 sq. ; lxix, n. 8, P. L., X. iv, col. 106 ; lxxi, col. 410 ; lxxii, n. 3, P. L., t. iii, col. 1050 ; lxxiii, n. 7, 11, col. 114, 116 ; De exhorlalione martgrii ad Forlunatum, xi, P. L., t. iv, col. 668. Toutefois la nature du pouvoir inhérent à cette primauté n’est pas nettement précisée dans l’ensemble des écrits de l'évêque de Carthage. Voir Cyprien, t. iii, col. 2168 sq.

A ces témoignages si explicites des auteurs du me siècle en faveur d’une autorité divinement instituée dans l'Église, on doit joindre les nombreux faits attestant déjà à cette époque l’exercice de cette autorité, soit en matière de doctrine, soit en matière de discipline. En matière de doctrine, c’est un fait constant que pendant cette période, plus manifestement encore que dans les deux premiers siècles, quiconque, en face des hérésies qui assaillent l'Église, ne se soumet pas pleinement à l’enseignement de Jésus-Christ et des apôtres, tel qu’il est proposé par l'Église, est rejeté de son sein, comme rebelle à Dieu et comme disciple du démon et de l’Antéchrist, ainsi que le démontrent manifestement toutes les paroles précédemment indiquées des Pères et des écrivains ecclésiastiques des trois premiers siècles, paroles qui n’auraient aucun sens dans l’hypothèse protestante de l’absence de toute autorité divine dans l'Église. En matière de discipline,

c’est un fait non moins constant qu’en face des divers schismes ou des révoltes plus ou moins graves contre l’autorité ecclésiastique, tous ceux qui s’insurgent contre l’autorité légitime des successeurs des apôtres ou contre celle du pontife romain ou qui s’associent à de semblables rébellions, sont également considérés comme infidèles à Dieu et à son Christ et réputés déchus de tous leurs droits de chrétiens, comme le démontrent les textes précédemment cités.

3° Troisième période, depuis le commencement du IVe siècle jusqu’au commencement du Ve siècle. — Pendant celle période où les controverses principales gravitent autour de la consubstantialité du Verbe et de son incarnation, l’occasion se présente rarement d’exposer directement le concept de l'Église, si l’on excepte toutefois la catéchèse xvin de saint Cyrille de Jérusalem, P. G., t. xxxiii, col. 2558, l’ouvrage de saint Optât, De schismatedonatistarum, et les écrits de saint Augustin contre les donatistes.

1. C’est surtout par des faits très nombreux et très évidents que se manifeste, plus encore qu'à l'époque précédente, la croyance à une autorité divinement établie dans l’Eglise. Tous ces faits se résument dans cette loi universelle et indiscutable : quiconque ne se soumet pas à l’autorité divinement établie dans l’Eglise, est considéré comme rebelle à Dieu et comme exclu de toute participation au salut éternel ou au bonheur du ciel. C’est ce qu’attestent les nombreux conciles tenus à cette époque, portant anathème, c’est-à-dire exclusion de l'Église, entraînant la privation de tout droit à l’héritage éternel, contre tous ceux qui rejetaient avec opiniâtreté l’enseignement proposé par l’Kglise comme divinement révélé et imposé comme tel à l’acceptation de tous les fidèles. C’est aussi ce qu’attestent les catéchèses de cette époque, indiquant aux fidèles l’enseignement qu’ils étaient tenus de professer, autant que nous pouvons en juger par les catéchèses de saint Cyrille de Jérusalem, demandant aux fidèles de fuir les abominables réunions des marcionites et des manichéens, et d’adhérer toujours à la sainte Eglise catholique, dans laquelle ils ont reçu une nouvelle naissance ; Eglise qui, seule dans l’univers entier', lient de Dieu tout pouvoir, et dans laquelle nous obtiendrons l’héritage du royaume éternel. Cal., xviii, n. 26 sq., P. li., t. xxxiii, col. 1017, 1049 ; Cal., vi, n. 36, col. 601 sq. C’est ce qu’attestent encore les témoignages formels des Pères de cette époque, affirmant que les hérétiques, rejetant la doctrine enseignée par l'Église, cessent d'être chrétiens et que l’on ne doit avoir aucune communion avec eux. S. Athanase, Orat., I, contra arianos, n. 1 sq. ; Orat., iii, n.28, /'. G., t. xxvi, col. 13sq., 384 ; Epist. nd Epictetum, n. 3, col. 1056 ; Epist. ad monachos, col. 1188 ; que les hérétiques, par le fait de leur hérésie, se séparent de l'Église, S. Ililaire, De Trinitate, 1. VII, n. 'i, P. L., t. x, col. 202 ; et que les églises des hérétiques sont rejetées comme étrangères par Jésus-Christ, qui est sponsus unius Ecclesia-. S. Optât, De scltismate donatistarum, 1. I, c. x, P. L., t. xi, col. 900.

2. A ces faits ainsi interprétés, on doit joindre les témoignages des principaux défenseurs de la vérité catholique contre les hérétiques de cette époque. Saint Athanase, en réfutant les ariens, indique, incidemment du moins, les principales propriétés de l'Église : son unité, Tomus ad Antiochenos, n. 8 ; Epist. heort., v, n. 4, P. G., t. xxvi, col. 806, 1382 ; l’apostolicité et la catholicité de sa doctrine. Epist. ad Epictetum, n. 3, col. 1056. Saint Ililaire, en même temps qu’il montre 1'.glise comme l'épouse de Jésus-Christ, Inps. cxxvir, n. 8, P. L., , t. ix, col. 108, et le corps de Jésus-Christ lnps. XIV, n. 5 ; cxxr, n. 6 ; cxxviii, n. 9 ; cxxxi, n. 24, col. 302, 688, 715, 742 sq. ; Comment, in Matl/i., v, n. 21, col. 941 ; et qu’il affirme son unité, In ps. xii,

n. 3 ; CXXI, n. 5 ; CXXXI, n. 14, col. 301, 662, 736, insiste particulièrement, contre les hérétiques, sur la nécessité de ne point se séparer du corps de cette Eglise, si l’on veut obtenir le salut. In ps. XIV, n. 4 ; cxviii, lit. xv, n. 5 ; CXXI, n. 5 ; cxxxiv, n. 3, col. 302, 607, 663, 751 ; Comment, in Matth., viii, n. 10, col. 957.

Contre les donalistes quia l’autorité de l'Église catholique voulaient substituer leur église particulière, saint Optât montre les droits exclusifs de l'Église catholique, qui est l’unique épouse de Jésus-Christ. De schismate donatislarum, I. II, n. 1, /'. L., t. xi, col. 941. Elle seule est répandue dans tout l’univers, comme le doit être la véritable Eglise, selon les promesses universelles de Dieu pour la nouvelle alliance, col. 942 sq. Elle seule possède les cinq propriétés distinclives de la véritable Eglise : cathedra, angélus, Spiritus, [mis, sigillum, l. II, n. 2 sq., col. 910 sq., c’est-à-dire : a) la chaire de Pierre, in ijim sederit omnium apostolorum capul l’oints, unde et Cephas appellatus est, in qua una cathedra uni las ob omnibus servaretur, ne casteri apostoli singulas sibi quisgue defenderent, ut jam schismalicus et peccalor esset, qui contra singularem cathedram alteram collo caret, col. 947 ; b) des évêques avant un pouvoir légitime dans l'Église ; c) l’Esprit-Saint donnant à l’Eglise des enfants adoptifs de Dieu ; d) la véritable source que l'évêque de Milève joint au sceau intégral, sans donner de la première une notion précise : nam et fonlem constat unam esse de dolibus, unde hæretici non possunt vel ipsi bibere, vel alios potare ; quia soli sigillum inlegrum, id est symbolum catholicum, nonhabentes, ad fonlem verum aperire non possunt, col. 961. Un peu plus loin, le docteur africain fait observer que les quatre dernières propriétés qu’il attribue à l'Église, découlent de la première, qui est la chaire de Pierre, col. 962. En même temps que saint Optât prouve la vérité de l'Église catholique, il montre que les églises particulières sont privées de tout droit, qu’elles sont rejetées comme des étrangères par Jésus-Christ l'époux de l’Eglise unique, et qu’elles n’ont aucune des propriétés qui distinguent la véritable Kglise, l. I, n. 10, 12 ; l. II, n. 9 sq., col. 900, 906 sq., 962 sq.

Puisque nous arrêtons nos recherches à la fin du IVe siècle, nous n’essayerons pas de montrer comment saint Augustin, en face de cette même erreur des donatistes, donna un enseignement bien plus précis et plus complet sur la constitution divine de l’Eglise, sur sa double autorité doctrinale et législative et sur son pouvoir sanctificateur s’exerçant par les sacrements. Nous aurons d’ailleurs bientôt l’occasion d’exposer en détail tout cet enseignement du saint docteur en étudiant spécialement chacun des dogmes qui concernent la constitution de l’Eglise et ses divines prérogatives.

En terminant, à la fin du IVe siècle, notre étude apologétique sur le concept de l’autorité de l’Eglise dans la tradition chrétienne, résumons brièvement le résultat de notre enquête : 1. Au point de vue doctrinal, les témoignages que nous possédons de ces quatre premiers siècles affirment d’une manière plus ou moins explicite, à mesure que l’organisation de l'Église se développe, ces trois vérités : a) L’existence d’une autorité établie par les apôtres, selon l’institution divine, et à laquelle obéissance est due en vertu de l’institution divine. La nature de cette autorité, ainsi que les divines prérogatives qui en sont la conséquence, sont plus explicitement affirmées à partir de saint Cyprien, mais elles sont déjà assez manifestement contenues dans [es textes antérieurs. — b) L’apostolicité de doctrine et de mission, ainsi que l’unité qui en est la conséquence nécessaire, 1res explicitement enseignées par saint Irénée et Tertullien et déjà indiquées précédemment dans les lettres de saint Ignace, Continuent à être habituellement invoquée dans les siècles suivants ontre

les diverses hérésies, pour les convaincre de mensonge et d’opposition à la parole de Dieu. — c) La primauté de l'Église romaine ou du pontife romain, déjà indiquée dans les écrits apostoliques et plus nettement affirmée par saint Irénée, Tertullien et saint Cyprien, est au iv siècle l’objet d’un enseignement plus précis.

Ces trois vérités continuent, d’ailleurs, à recevoir au cours des siècles, depuis cette époque jusqu'à nos jours, un perfectionnement dogmatique considérable, à l’occasion des hérésies ou des schismes et sous l’inlluence du travail théologique, aidé par la direction du magistère ecclésiastique.

2. Au point de vue historique, tout un ensemble de faits rigoureusement constatés pendant toute cette période, témoigne de la croyance chrétienne universelle et constante à une autorité divinement établie, à laquelle pleine soumission est due en matière de doctrine et en matière de discipline. Eaits qui d’ailleurs se manifestent avec une évidence toujours grandissante, à mesure qu’apparaît davantage le développement normal de cette autorité divinement instituée.

IV. NOTES CARACTÉRISTIQUES DE LA VÉRITABLE ÉGLISE, RÉSULTANT DE SOIS CONCEPT NÉO-TESTAMENTAIRE El TRADITIONNEL. — 1° En droit, l’existence de notes caractéristiques, distinguant infailliblement l’Eglise établie par Jésus-Christ, est une conséquence nécessaire de sa divine institution. Dès lors qu’elle doit continuer pour tous les fidèles, jusqu'à la fin des temps, l'œuvre de Jésus-Christ, en enseignant sa doctrine, en administrant ses sacrements, et en gouvernant avec son autorité, et que tous doivent nécessairement se soumettre à son enseignement et à sa direction, il est indispensable qu’elle soit pour tous facilement discernable. Pour que ce but soit atteint, il est requis que l'Église possède des propriétés lui appartenant exclusivement et faciles à constater, qui la distinguent infailliblement de toute autre société religieuse. Or, ce sont ces propriétés bien manifestes et d’une constatation facile et sûre, qui constituent les notes positives de l’Eglise, parce que, plus connues que l’Eglise, elles conduisent effectivement à sa connaissance.

2° En fait, l’existence de notes caractéristiques de la véritable Kglise résulte manifestement de l’enseignement traditionnel dans tous les siècles. Cet enseignement étant exposé en détail pour chacune des notes de l’Eglise aux articles spéciaux, il nous suffira d’en donner ici une rapide synthèse.

a) Parmi les écrits qui nous restent des trois premiers siècles, ceux qui sont particulièrement dirigés contre les hérétiques, insistent particulièrement sur l’apostolicité et l’unité qui caractérisent l’Eglise de Jésus-Christ. Nous nous borneronsà signaler brièvement les conclusions qui se dégagent des textes précédemment cités. L’apostolicité de doctrine et de mission indiquée par saint Justin, Apol., I, 23, 61, 65, 06, 67. P. G., t. vi, col. 364, 420, 428, 432 ; Dial. cum Tryph., n. 119, col. 753, est particulièrement mise en relief par saint [renée, Cont. hxr., l. III, c. ni, n. 1 sq. ; I. IV, c. xxvi, n. 5 ; c. xxiii, n. 8, col. 818 sq., 1056, 1077, et par Tertullien, De preescript., c. xxi, xxviii, xxxi sq., xxxvii, P. /-.. t. ii, col. 33, 40, 54 sq., 50 sq. Elle est aussi mentionnée par Clément d’Alexandrie, Strom., Vil, c. xvi, xvil, /'. ' »., t. ix, col. 544, 552, et par Origène, De princ, 1.1, præf., n. 2, P. G., t. xi. col. 116.

En même temps se rencontre fréquemment chez ces auteurs la revendication générale de l’unité de l'Église. S. Clément pape, / Cor., xi.vi, 6, Funk, Patres aposto/ ; < ; , 2e édit., Tubingue, 1901, t. I, p. 158 ; S. Ignace d’Antioche, Ad Eph., iii, 2, p. 216 ; Ad Smyrn., 1, 2 ; vin, 2, p. 276, 282 ; S.Justin, Dial. cum Tryph., n. 63, /'. G., t. vi, col. 621 ; Clément d’Alexandrie, Prnd., 1. I. c. vi. P. C, t. VIII, col. 299 ; S. Cyprien, De uniale Ecclesiee, iv sq., col. 500 sq. ; Epist., xli, n. 1 sq., .

P. L., t. iii, col. 703 sq. ; li, P. L., t. iv, col. 343 sq. ; ou la revendication particulière de l’unité de doctrine certainement existante dans l’Eglise, parce que la doctrine révélée par Jésus-Christ et prècliée par les apôtres, s’y conserve toujours la même. S. Irénée, Cont. User., 1. III, c. iii, n. 3 ; c. iv, n. 1 ; c. xxiv, n. 1 ; 1. IV, c. xxvi, n. 5 ; 1. V, c. xx, n. 1, P. G., t. vii, col. 851, 855, 966, 1056, 1177 ; Tertullien, De prsescript., c. xxviii, xxxii, xxxvii, P. L., t. ii, col. 40, 45, 50 sq.

b) Du ive au xvie siècle, après la première mention officielle des quatre notes d’unité, de sainteté, de catholicité et d’apostolicité, faite par le concile de Constantinople en 381, si ; u. : av âyîav, xx60).ixr, v %i &noçTo').<.y.r)v êxxXïia-tav, Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 86, ces quatre notes se retrouvent habituellement dans les symboles et dans les professions de foi ; mais elles ne se rencontrent pas, au moins collectivement, chez les Pères ou chez les théologiens subséquents. Saint Optât, dans son De schismate donatistarum, comme nous l’avons noté précédemment, énumère cinq notes distinctives de la véritable Église, cathedra, angélus, Spiritus, forts, sigillum, tout en insistant principalement sur la catholicité que doit posséder l’Eglise établie par Jésus-Christ. Saint Augustin, sans donner d'énumération des notes caractéristiques de la véritable Eglise, met particulièrement en lumière sa catholicité et sa sainteté, spécialement attaquées ou mal comprises par les donatistes. Voir Augustin, t. i. col. 2410.

Du ve au XIIIe siècle, en dehors du texte communément usité du symbole de Constantinople, on ne rencontre, chez les écrivains ecclésiastiques ou chez, les théologiens, aucune affirmation explicite des notes caractéristiques de la véritable Eglise, vraisemblablement parce qu’aucune nécessité ne se présentait d’exposer sur ce point la démonstration catholique.

Au xiiie siècle, saint Thomas, dans son opuscule De symbolo apostulorum, compte quatuor conditiones, qui, d’après toute son exposilion, sont plutôt des propriétés de l'Église que des notes qui la distinguent des communions rivales : H sec autem Ecclesia sayicla habet quatuor conditiones, quia est una, i/uia est sancta, quia est calholica id est universalis, et quia est fortis et firma. Bien que le saint docteur note en passant que seule l'Église catholique possède l’unité, et que seule elle fut toujours ferme dans la foi, il présente principalement ces quatre conditions de l’Eglise comme des qualités qui découlent évidemment de sa divine constitution, sans en faire l’application ex professa à la démonstration catholique. Quant au sens qu’il attache à fortis et firma, en réalité, c’est celui d’apostolicité et d’indéfectibilité. L'Église est ferme, parce qu’elle repose sur Jésus-Christ comme fondement principal et sur les apôtres comme fondement secondaire, et c’est pour cette dernière raison que l’Eglise est dite apostolique : et inde est quod dicitur Ecclesia aposlolica. L'Église est encore ferme en ce sens qu’elle ne peut être détruite, ni par les persécutions qui lui ont plutôt donné l’accroissement, ni par les erreurs qui ont toujours servi à mieux manifester la vérité, ni par les tentations des démons, car, selon la promesse de Jésus-Christ, les puissances de l’enfer ne prévaudront jamais contre l'Église. Matlh., xvi, 18. Aussi l'Église de Pierre a-t-elle toujours été seule ferme dans la foi.

Au xve siècle, en face des erreurs de Wicleff et de Jean Huss sur le concept de l'Église, Turrecremata († 1468), après avoir établi la véritable notion de l'Église qui n’est pas composée des seuls prédestinés, ni des seuls membres unis à Jésus-Christ par la charité, mais qui comprend tous les fidèles possédant la foi catholique intégrale et non séparés de l'Église par la censure de leur pasteur, Sunima de Ecclesia, Rome, 1489, sans pagination, 1. I, c. m sq., traite en détail de l’unité, 1. I, c. VI sq., de la sainteté, 1. I, c. IX sq., de la catho licité, c. Xiv sq., de l’apostolicité, c. xviii sq., et de l’indéfeclibilité de l’Eglise, c. xxviii sq., et de son titre d'épouse de Jésus-Christ, c. xxxvii sq., sans donner de synthèse sur l’ensemble des notes distinctives de la véritable Eglise.

c) Au xvie siècle, les affirmations nouvelles des protestants attirent particulièrement l’attention sur la question des notes caractéristiques de l'Église véritable. Luther identifiant l’Eglise avec la communion des saints mentionnée dans le symbole, et n’exigeant d’autre condition pour lui appartenir que la foi ou la confiance dans la non-imputation des péchés due à la médiation de Jésus-Christ et manifestée ou excitée par les sacrements, donne conséquemment comme seules notes caractéristiques de l'Église véritable, la prédication du pur Evangile et la bonne administration des sacrements. Realeneyklopàdie fur protestantisc/te Théologie und Kirche, art. Kirche, 3e édit., Leipzig, 1901, t. x, p. 336 sq. Calvin et ses disciples admirent les deux mêmes notes que Luther, du moins pour l'Église visible, Calvin, Institution de la religion chrétienne, 1. IV, c. I, n. 9 sq., Genève, 1566, p. 693 sq. ; Realeneyklopàdie, loc. cit., p. 339 sq., car, suivant eux, l'Église invisible, qui est la principale, est composée des seuls prédestinés, selon le système de Wicleft et de Jean Huss.

Les théologiens catholiques rejetèrent unanimement ces notes, qui ne pouvent prouver la véritable Eglise, puisqu’elles sont moins connues qu’elle. D’ailleurs, elles ne prouvent point nécessairement, par ellesmêmes, le droit exclusif au titre de véritable Église. Enfin elles supposent la connaissance préalable de la véritable Eglise, seul juge authentique de la prédication du pur Evangile et seule dépositaire légitime des véritables sacrements. Grégoire de Valence, Analysis fidei catholiese, Ingolsladt, 1585, p. 152 sq. ; Bellarmin, De Ecclesia, 1. IV, c. n ; Suarez, De fide, disp. IX, sect. ix, n. 1 sq.

Toutefois, dans leurs revendications positives, les théologiens catholiques, au moins dès le début, n’eurent point la même unanimité. Melchior Cano († 1560), dans son célèbre ouvrage De locis theologicis qui ouvrit la voie aux théologiens des siècles suivants pour l'étude du traité de l'Église, ne fit qu’indiquer les quatre notes traditionnelles, De lucis theologicis, I. IV, c. VI, Venise, 1759, p. 117. Stapleton (y 1598) indique trois propriétés de la véritable Église chrétienne par lesquelles on la distingue de toute fausse Église des hérétiques et des schismatiques : l’universalité, la visibilité et la perpétuité. Principiormu fidei do : lrinalium demonstratio methodica, 1. V.proœm., Paris, 1582, p. 102. Mais en réalité il estime que toutes les propriétés de l'Église sont comprises dans la catholicité ou l’universalité de lieu et de durée, et que c’est par cette catholicité que la véritable Église se distingue des fausses communions hérétiques, 1. IV, c. i-m, p. 103 sq. Que la double catholicité de lieu et de durée contienne nécessairement l’unité et l’apostolicité, c’est pour le controversiste anglais une conclusion évidente. Car, s’il avait manque d’unité dans la foi ou dans l’obéissance, il y aurait en réalité plusieurs Eglises distinctes selon les lieux ou selon les temps, il n’y aurait plus d'Église vraiment catholique, 1. IV, c. IV, p. 110 sq. De même, par le fait que l'Église a la double catholicité des lieux et des temps, elle est l'Église apostolique que les apôtres ont propagée dans toute la terre et qui depuis eux s’est conservée toujours la même, 1. IV, c. v, p. 1Il sq. Ainsi, selon Stapleton, toutes les marques distinctives de la véritable Église se résument réellement dans la catholicité.

Bannez († 1604) énumère cinq propriétés de l'Église, l’unité, la catholicité, la sainteté, l’apostolicité et la visibilité, mais sans en faire aucune application à la question particulière des notes distinctives de la véritable

Église. In II //", q. i, a. 10, Venise, 1602, col. 99 sq.

Grégoire de Valence († 1603), après avoir énuméré huit propriétés de l'Église, l’unité, la sainteté, la catholicité, l’apostolicité, recta ordinatio, la visibilité, l’indéfectiliililé dans la Toi, et la nécessité pour le salut, Analysis fidei catholicæ, Ingolstadt, 1585, p. 128 sq., en retient six qu’il assigne comme notes distinctives de la véritable Église, parce qu’elles sont plus connues que la véritable Kglise, qu’elles conviennent toutes à cette Eglise et que, du moins dans leur ensemble, elles lui conviennent uniquement, p. 174 sq.

Bellarmin (f I621)énumère quinze notes qui peuvent, dit-il, se ramener aux quatre notes, qum communiter a recentioribus assignantur ex si/mbolo ConstanlinopoliUmo, l’unité, la sainteté, la catholicité et l’apostolicité. Controv. de Ecclesia, l. IV, c. ni. Ces quinze notes sont : la catholicité, l’antiquité, une longue et constante durée, l'étendue dans tous les lieux et dans tous les temps, l’apostolicité, l’accord doctrinal avec l'Église des premiers temps, l’union des membres de cette Kglise entre eux et avec leur chef, la sainteté de la doctrine, l’eflicacité de cettedoctrine pour la conversion des Aines, la sainteté de vie de ses auteurs ou des premiers Pères de notre religion, la gloire des miracles attestant le témoignage de Dieu en faveur de cette religion, le don de prophétie indiquant ('gaiement la faveur de Dieu sur elle, les aveux des adversaires, la fin malheureuse des ennemis de l'Église et la félicité temporelle accordée par Dieu à ses défenseurs, l. IV, c. iv-xviii.

Suarez (y 1617), après avoir affirmé que les quatre propriétés principales de l'Église sont l’unité, la sainteté, l’apostolicité et la catholicité, De fide, disp. IX, sect. viii, n. 1, se sert de ces quatre propriétés pour prouver que l'Église romaine est la véritable Église, conformément à l’enseignement dont il indique les témoignages, sect. îx, n. 5 sq. A cette démonstration Suarez ajoute quatre autres preuves qui, par la manière dont elles sont exposées, paraissent être principalement des preuves complémentaires : la présence dans l'Église de dons attestant la faveur de Dieu, tels que le don des miracles et celui de prophétie ; l’excellent gouvernement de l’Eglise résultant de sa parfaite constitution ; l’usage légitime des sacrements qui doit toujours se rencontrer dans la véritable Église, au moins en ce qui concerne leur substance et en ce qui est nécessaire pour accomplir les préceptes divins ; enfin l’usage légitime des sacrements qui n’appartiennent qu'à la véritable Église et qui sont, par elle seule, conservés dans leur intégrité, tandis que les hérétiques les usurpent injustement et les mutilent à leur gré, sect. ix, n.5sq.

Les théologiens postérieurs à Cellarmin et a Suarez laissèrent ce qui n'était que complémentaire dans leur démonstration et s’en tinrent le plus habituellement aux quatre notes traditionnelles, en faisant d’ailleurs observer que toutes les autres notes assignées parfois par les apologistes catholiques se ramènent véritablement à celles-ci. Gonet, Clypeus theologix thomislicse, De fide, disp. III, a. 2, Anvers, 1744, t. iv, p. 238 sq. ; Henno, Theologia dogmatica vioralis et scolaslica, De virtutibus, tr. ii, disp. II, q. iii, a. 2, Venise, 1719, t. i, p.304sq. ; Tournely, Prselectiones theologicæ de Ecclesia Chri&li, q. ii, a. 2, Paris, 1739, p. 87 sq. ; Billuart, De regulis fidei, diss. III, a. 4 ; Gotti, Vera Ecclesia Cliristi, c. i, n. 23 sq., Venise, 1750, trad. latine du P. Covi, p. 4 sq.

En même temps l’on doit remarquer que depuis la lin du xvii'e siècle, après l’apparition des deux ouvrages de Jurieu sur un nouveau système d’unité dans l’Eglise, provenant d’une vague croyance à quelques articles fondamentaux, voir t. I, col. 2027 sq., les apologistes catholiques insistèrent plus fortement sur le concept très explicite de l’unité, telle qu’elle est requise dans

la foi et dans la soumission à l’autorité légitime, d’après la divine constitution de l'Église.

Au XIXe siècle, les sectes protestantes prennent sur la question des notes de l’Eglise des positions un pou différentes, suivant le concept qu’elles se font de l’Eglise. La plupart des sectes protestantes, inclinant vers le rationalisme et rejetant toute Église hiérarchique divinement instituée, n’admettent en réalité, au point de vue de l’institution divine, qu’une Église invisible pour laquelle la question même des notes distinctives n’a pas lieu d'être posée. Quant aux sectes protestantes qui admettent quelque institution divine d’une Église hiérarchique et qui s’efforcent d’identifier, dans une même Eglise catholique universelle, les trois communions accidentellement désunies, la communion romaine, les églises orientales et les communautés protestantes, elles cherchent à appuyer leurs prétentions sur une nouvelle notion de l’unité, modifiant conséquemment celle de l’apostolicité et de la catholicité.

Contre ces divers adversaires, les théologiens catholiques, après avoir démontré l’existence d’une révélation surnaturelle et la divine institution d’une autorité chargée d’enseigner et d’interpréter cette révélation, insistent surtout sur le concept de l’unité de l'Église, tel qu’il nous est manifesté par l’Ecriture et par la tradition chrétienne constante. Cette unité, résultant nécessairement de la primauté du pape, telle que Jésus-Christ l’a instituée, consiste non dans une croyance imprécise à quelques articles réputés fondamentaux dans le christianisme, ou à quelque autorité vaguement définie dans l’Eglise ni même à une primauté incomplète et inelfective du pape, mais dans une soumission intégrale au magistère infaillible de l’Eglise, particulièrement à l’infaillible autorité du pontife romain, en tout ce qu’il définit comme enseignement révélé ou comme intimement connexe avec cet enseignement. De même l’unité de gouvernement, telle que Jésus-Christ l’a voulue, comporte une obéissance intégrale aux pasteurs légitimes, particulièrement au pontife romain, en tout ce qui relève de l’autorité ecclésiastique. Voir Unité.

En même temps que les apologistes catholiques insistent sur le véritable concept de l’unité, tel que Léon XIII le définit ultérieurement dans son encyclique Salis cognitum du 29 juin 1896, ils s’attachent aussi à montrer la notion véritable de l’apostolicité' et de la catholicité, découlant de cette unité. Voir Apostolicité et Catholicité.

Après ces notions bien établies, les apologistes catholiques, s’appuyant sur le témoignage constant et universel de la tradition chrétienne et sur l’attestation non moins constante de toute l’histoire de l'Église, montrent que seule l'Église catholique romaine a toujours possédé ces quatre notes et que seule elle les possède en droit et en fait, les communautés protestante les églises orientales schismatiques étant à bon droit exclues de tout titre légitime à cette possession, comme le prouvent manifestement tous les arguments cités en détail à chacun des articles spéciaux.

V. CONFIRMATION DE LA VÉRITÉ DE L'ÉGLISE CATHOLIQUE, DÉDUITE m : FAIT DE SON EXISTENCE CONSIDÉR1 DANS nu r*BS SES CIRCONSTANCES CONCRÈTES PENDANT TOUTE LA DURÉE HE SON HISTOIRE. — 1° L’ensemble

de l’histoire de l’humanité depuis Jésus-Christ jusqu'à nos jours nous montre, dans l’existence constante de l'Église catholique pendant toute cette période, un fait unique, surtout si on le considère dans toutes ses circonstances concrètes. 1. La première circonstance très particulière est le merveilleux développement de l'Église, même dès les premiers siècles, malgré les passions humaines qui s’opposaient avec tgule leur fougue à la religion nouvelle si austère et srfexigeante.

malgré les pouvoirs humains qui déployaient aussi contre elle toute leur puissance, malgré le manque absolu de ce qui aurait dû humainement assurer le succès de la nouvelle institution. Développement d’ailleurs toujours persistant sinon dans tous les pays à la fois, du moins dans l’ensemble des pays ouverts à l’activité des prédicateurs de la foi chrétienne ; et développement certainement unique, auquel rien ne peut être comparé dans l’histoire des religions de l’humanité.

2. Avec ce merveilleux développement l’Eglise présente aussi, à travers les siècles, une admirable continuité malgré tous les obstacles qui devaient humainement causer la destruction de cette Église ou mettre en péril les propriétés qui lui appartiennent essentiellement ; obstacles extérieurs résultant de la fréquente hostilité des pouvoirs humains souvent obstinés à asservir l'Église sous leur despotique domination, ou des assauts répétés des schismes et des hérésies luttant à toutes les époques contre ce qui constitue la vie de l'Église ; obstacles intérieurs de tout genre, scandales se produisant au sein de l'Église, parfois même de la part de ceux qui doivent plus particulièrement contribuer au bien de l'Église, discordes paralysant presque toute action efficace pour le bien, souvent aussi condescendance ou faiblesse trop grande à l'égard de tendances novatrices ou d’erreurs, qu’on laisse se répandre au sein de l'Église à son grand détriment.

Celte persistante continuité de l'Église est d’autant plus remarquable qu’elle est toujours accompagnée d’une non moins constante indéfectibilité, dans tout ce que sa constitution renferme de divin, ainsi que dans toute la doctrine révélée dont elle a la garde. Indéfectibilité toujours intacte, qu’elle seule retient perpétuellement au milieu des changements incessants des sociétés humaines et des systèmes humains, et en face des variations non moins fréquentes des sectes hérétiques, fatalement entraînées, par les conséquences logiques de leurs faux principes, à d’incessantes contradictions avec ce qu’ils s’efforcent vainement de retenir de la doctrine véritable, comme le montre particulièrement Bossuet dans son admirable Histoire des variations des Eglises protestantes.

3. Une troisième circonstance non moins remarquable du fait de l’existence continue de l'Église catholique, c’est son incomparable fécondité spirituelle se manifestant par de nombreux et très puissants moyens de produire la sainteté dans tous ses membres ; moyens qui, de fait, ont à toutes les époques, dans la vie indh iduelle comme dans la vie sociale, produit des fruits éminents auxquels rien ne peut être comparé dans aucune autre institution. Cette merveilleuse fécondité est d’ailleurs fréquemment accompagnée de miracles qui sont le sceau de Dieu sur cette œuvre et que l’on ne rencontre point ailleurs, du moins au même degré et avec les mêmes circonstances. P. Schanz, Apologie des Christenthums, 3e édit., Eribourg-en-Brisgau, 1906, p. 366 sq.

2° Preuve déduite de ce faii.cn faveur de la divinité de l’Eglise catholique. — Cette preuve consiste en ce qu’un tel fait, avec toutes les circonstances indiquées, ne peut provenir que d’une action divine s’exerrant en faveur de l’Eglise catholique et prouvant conséquernment sa divinité. Assurément l’existence, la propagation et une continuité assez relative de religions d’origine humaine, telles que le brahmanisme, le confucianisme, le bouddhisme, le mahométisme, peuvent s’expliquer par des causes naturelles, dès lors que l’on admet, comme point de départ, le besoin qu’a l’homme d’une religion et les ressources naturelles qu’il possède pour réaliser son but. Parmi ces causes’naturelles, selon le témoignage de l’histoire, nous devons principalement compter la satisfaction donnée aux passions

humaines par ces religions, l’influence souveraine des pouvoirs humains qui les favorisaient ou les imposaient, et la parfaite adaptation de ces religions au caractère et aux habitudes des peuples chez lesquels elles se sont répandues. C’est ce qu’indiquait déjà saint Thomas pour la rapide diffusion du mahométisme, Cont. génies, I. I, c. vi ; c’est encore ce que montrent les apologistes contemporains. De Broglie, Problèmes et conclusions de l’histoire des reliqions, 2e édit., Paris, 1886, p. 191 sq.

Mais aucune de ces causes ne peut suffisamment expliquer toutes les circonstances si particulières qui accompagnent constamment la rapide propagation et la merveilleuse continuité de l'Église catholique à travers les siècles, surtout sa parfaite indéfectibilité et son éminente fécondité. Ces propriétés si singulières, qui ne se rencontrent dans aucune institution humaine, et qui, à raison de leur caractère en lui-même surnaturel, dépassent absolument toutes les activités naturelles, ne peuvent manifestement être attribuées qu'à la causalité divine, d’ailleurs clairement manifestée par les miracles accomplis en faveur de l’Eglise catholique.

C’est, en réalité, ce que démontrent presque tous nos apologistes, quand ils établissent, dune manière générale, la divinité du christianisme, par toutes les circonstances spéciales qui accompagnent sa diffusion et sa conservation dans le monde entier. Bien qu’ils parlent directement de la seule religion chrétienne, c’est vraiment la religion catholique qui est constamment présente à leur pensée, et c’est à la vérité de l'Église catholique qu’aboutit finalement toute leur démonstration.

D’ailleurs, quelques auteurs, omettant la démonstration générale en faveur de la religion chrétienne, prouvent immédiatement la divinité de l'Église catholique par le fait merveilleux que nous venons de rappeler, en faisant ressortir toutes ses particularités humainement inexplicables, .). Didiot, Logique surnaturelle objective, Paris, 1892, p. 3Il sq. ; tandis que d’autres apologistes exposent séparéknent les deux démonstrations, en insistant, dans la deuxième, sur ce qui est plus particulièrement propre à l'Église catholique. Wilmers, De religione revelata, Ratisbonne, L897, p. 631 sq.

Toute cette démonstration est confirmée par celle argumentation sans réplique, que le christianisme, malgré les promesses formelles de Jésus-Christ, a entièrement failli, ou qu’il n’est autre que le catholicisme actuel, qui seul, avec sa hiérarchie, avec son magistère infaillible, avec sa constante indéfectibilité et avec toutes ses autres prérogatives, peut justement revendiquer une réelle identité avec le christianisme primitivement établi par Jésus-Christ. Car toutes les autres communions ne possèdent qu’un christianisme incomplet, sujet à de nombreuses et fréquentes variations, comme le montre toute leur histoire ; christianisme d’ailleurs incapable de maintenir une unité effective, à cause du manque d’autorité doctrinale. m

Seul le catholicisme actuel peut justement revendiquer une véritable identité substantielle avec le christianisme primitif. Contre cette identité substantielle on ne peut objecter les développements dogmatiques adoptés par" l'Église catholique au cours des siècles, car, Comme' nous l’avons montré à l’article Dogme, col. 1641 sq., ces développements dogmatiquesn’ontjamaisintroduit djins l’rJglise une doctrine nouvel le ; ils n’ont jamais été qu’une manifestation explicite de ce qui était cru jusque-là d’une manière moins explicite ou moins claire, comme l’affirment les documents officiels de 1'r.glise catholique précédemment cités, notamment la bulle Pncffabilis de Pie IX définissant le dogme de l’immaculée conception, et le concile du Vatican. Sess. III, c. iv ; sess. IV, c. iv.

Quant aux.développements survenus, au cours des

siècles, dans l’exercice même de l’autorité de l'Église catholique, ils ont, de fait, consisté uniquement dans des applications nouvelles d’un pouvoir toujours reconnu comme substantiellement identique, mais qui exige, pour s’exercer dans toute sa plénitude, des conditions ou circonstances qui le permettent, comme saint Thomas l’insinue dans cette réponse : Diccndum quod Augvstinus respondet in epistola contra donalistas et liabetur super illud ps. il : Quare fremuerunt gentes ? Distinguit enim diversa lempora Ecclesise. Fuit enini lem pus quaudo asliterunt reges adversus C/iristum, et in illo lempore non solum non dabanl fidelibus, sed eos occidebant. Aliud vero tempus et nunc quo reges intelligunt et erudili serviunt Domino nostro Jesu Christo in timoré, etc., et ideo in islo lempore reges sunt vassali Ecclesise. Et ideo est alius status Ecclesiæ nunc et tune, no>i tanien est alia Ecclesia. Quodlib., XII, a. 19, ad 2°"'.

On est donc autorisé à conclure que seul le catholicisme actuel possède manifestement le droit d'être considéré comme la religion primitivement établie par JésusChrist lui-même, ou en d’autres termes que l’Eglise catholique est manifestement d’institution divine.

Notons, en terminant cet exposé, que cet argument, du moins sous sa forme générale, est ratifié par Léon X1I1 dans son encyclique 7m mor/a/eDei du l tr novembre 1885 : Vera auleni religio quæ sit, non difficulté)' videt qui judicium prudens sincerumque adliibueril ; argumentas enim permultis algue illustribus, verilale nimirum valiciniorum, prodigiorum freqttenlia, celerrima fidei rel per medios liostes ac maxima impedimenta propagalinne, martyrum testimonio, aliisque sin>ilibus, liquet cam esse unice veramquam Jésus ChristUS et instituit ipsemel et Ecclesiæ suas tuendam jiropagandamque den)andavit.

VI. CONCLUSION GÉNÉRALE DE TOUTE CETTE DÉMONSTRATION APOLOGÉTIQUE. —

De tout cet exposé nous avons le droit de conclure que l’Eglise catholique est la seule véritable Eglise réellement instituée par JésusChrist, et que cette divine institution, en elle-même évidemment croyable à cause de toutes ces preuves si démonstratives, peut, avec une bonne volonté constante provenant de la grâce et entretenue par elle, être suffisamment perçue par toutes les intelligences auxquelles elle est convenablement proposée. Jusqu'à quel point cette vérité, en elle-même si manifeste, peut être accidentellement ignorée d’une manière invincible, nous essayerons de le déterminer dans une question subséquente.