Dictionnaire de la langue française du seizième siècle/Ange

Éditions Édouard Champion (Ip. 212).
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Ange. Voir les anges. Être au comble du bonheur. — Je souhaite, moy bon beveur, Tousjours trois fois l’année vendanges, Et boire si bien du meilleur Tant que je cuide voir les anges. Anc. Poés. franç., III, 140.

Ange de grève. Crocheteur, portefaix. — Il y eut quelque crocheteur, en portant ses faiz par ville, qui le heurta… assez lourdement, et puis il luy dit gare ; il estoit temps ou jamais ; auquel maistre Jourdain va dire : « Viença, pourquoy fais-tu cela, ange de grève ? ». Des Périers, Nouv. Récr., 68. — Quoy voyant, et que personne ne le congnoissoit, aussi que la faim commença luy allonger les dents, fut lun des Anges de Greve, et bon petit porteur de Hotte, Crieur de Cotterets, et gentil Cureur de Retraicts. Du Fail, Propos Rustiques, 8. — Ange de greve, apporte barbet, arracheur de dents. Des Autels, Mitistoire Barragouyne, ch. 5. — Monsieur du Pied-Fourché… envoya ambassadeur à messieurs de la Marée et de la Draperie ; monsieur du Port Saint-Paul à monsieur du Port Saint-Nicolas, anges de Grève à la Tournelle. Var. hist. et litt., III, 179.

Ange de mer. Sorte de poisson. — Gracieux seigneurs. Empereurs. Anges de mer. Rabelais, IV, 60.

Bouque d’ange, Eau d’ange, v. Bouque, Eau.

Quand il est question de l’antiquité païenne, le mot ange s’emploie pour désigner un génie, un démon. — De dire qu’il y ait des esprits ou des anges… Il n’est pas vray-semblable. Amyot, Marcus Brutus, 37. — Ton Daemon, disoit il, c’est à dire le bon ange et l’esprit qui t’a en garde, craint et redoubte le sien. id., Antoine, 33. — Chacun de nous au jour de sa naissance A d’un bon ange aussi tost l’assistance, Pour le guider tout le long de sa vie. id., De la Tranquillité de l’ame et repos de l’esprit, 15. — Le Daemon ou bon Ange qui est dedans nous prie et supplie les Dieux. id., De mandes des choses Romaines, 10. — Il luy demanda à la fin qui il estoit : le fantasme luy respondit, Je suis ton mauvais ange et esprit, Brutus. id., César, 69. — En tel estat fut surpris Brutus par son mauvais ange, le soir avant la battaille de Philipes. Brantôme, Cap. estr., le Mareschal d’Estrozze (II, 240).

Au féminin : Ange, Angele, Angesse. — Pose la Devarfil auprès cette belle ange. Il n’est fille dans Tours plus digne de louange Pour la facondité de son langage doux. Guy de Tours, le Paradis d’Amour, II, 21. — Ces mesmes poëtes… faisant de la nature angelique ainsi que de l’humaine, disent au feminin Angele. M. de la Porte, Epithetes, 23-24. — Et avez vous oui jamais parler d’angesses, de cherubines ou seraphines ? Yver, p. 555 (G., Compl.).