Dictionnaire de la langue française du seizième siècle/Abayer 1

Éditions Édouard Champion (Ip. 7-8).
◄  Abay
Abayer 2  ►

Abayer, Aboyer 1 (H. Estienne préfère aboyer à abayer ; Conformité, p, 204, Mots françois pris du grec ; mais abayer est très fréquent.) — On estime aussi voz gardes, voz descouvreurs, et avantcoureurs : ce sont voz chiens loyaux et bien abayans. Lemaire de Belges, Illustr., I, 22. — Ilz [les iniques] oseront abbayer comme chiens. Calvin, Instit., VIII, p. 480. — Tous sont chiens muetz sçachans abbayer. id., ib., XV, p. 735. — Un chien abaye, sil voyt quon assaille son maistre. id., Lettres, 634. — Au tour de luy abayent les chiens. Rabelais, III, 13. — L’un est un fin et cauld Renard ; l’aultre mesdisant, mesescrivant et abayant contre les antiques Philosophes et Orateurs comme un chien. id., IV, Prol. — Les chiens abbayoyent desja bien fort. Amyot, Aratus, 7. — Par tourbillons la vague qui se suit, Contre les bords abaye d’un grand bruit. Ronsard, Franciade, I (III, 36). — Un autre chien estant à la garde d’un temple Athenes, ayant aperceu un larron sacrilege qui emportoit les plus beaux joyaux, se mit à abboyer contre luy tant qu’il peut. Montaigne, II, 12 (II, 201). — Abbayez comme chiens, hurlez en voz. tourments. Aubigné, Tragiques, VII (IV, 303). — V. d’autres exemples dans les alinéas suivants.

(Intransitif.) Fig. Avoir un besoin urgent de nourriture, en réclamer d’une façon pressante. — La faim estoit on corps : pour à laquelle remedjer, abaye l’estomach. Rabelais, III, 12. — Mon stomach abboye de male faim comme un chien. id., III, 15. — Ce leur est tout un quand ils auront bien disné, que leur famille abbaye, et qu’elle meure de faim. Calvin, Serm. sur le Deuter., 146 (XXVIII, 265). — Tu me voudras tantost persuader que quand j’ay l’estomach vuide et abboyand, qu’il seroit plein. Trad. de Gelli, Disc. fantast. de Justin Tonnelier, Disc. 2 (64-65). — Par telle tyrannie le povre peuple abbaye à la faim, et meurt sans miséricorde. H. Estienne, Apol. pour Her., ch. 6 (I, 88-89). — Mon ventre affamé abaye Comme l’oisillon qui bée. E. Pasquier, Jeux Poet., III (II, 878). — Glouton. Paresseux, ventru, engouleur ou engloutisseur… allouvy, voluptueux, abbayant. M. de la Porte, Epithetes, au mot Glouton.

(Transitif.) Aboyer qqn. Aboyer contre qqn (au propre et au figuré). — Chassons ceste petulence de chien, laquelle peut bien abbayer de loing la justice de Dieu, mais, ne la peut attoucher. Calvin, Instit, VIII, p. 508. — Je ne poursuy point ce propos davantage, pource que la calomnie est trop evidente, et aussi que ce nous est une grand gloire d’estre abbayez par ces chiens. id., Epistre contre un Cordelier (VII, 362. — Ou est l’orage tournoyant ? Ou est le froissis abboyant Le sein de Thetys courroucee ? Grevin, Cesar, I (p. 9). — Combattu des vents et des flots, Voyant tous les jours ma mort preste, Et aboyé d’une tempeste D’ennemis, d’aguetz, de cornplotz. Aubigné, Printems, I, 4. — Rendre les abois… proprement se dit du povre cerf, quand ne pouvant plus courir, il s’accule en quelque lieu le plus avontageux qu’il peut trouver, et là attendant les chiens endure d’estre abbayé par eux. H. Estienne, Precellence, p. 124. — Il a abbayé notre Religion et blasphemé contre Jesus-Christ. Le Loyer, Hist. des Spectres, V, 3. — Comme moy. de mon mal mes troupeaux s’amaigrissent, Et mon chien m’aboyant semble me reprocher, Que j’aye ore à mespris ce qui me fut si cher. Regnier, Cloris et Phylis. — Ce sont chiens qui me peuvent abayer, non mordre. E. Pasquier, Lettres, XIX, 6. — Voila un camp maudit, à son malheur planté, Aux bords de l’Occean, abbayant la cité, La saincte Bethulie aux agnelets defence. Aubigné, Tragiques, 230). Mandelot et le comte de Tournon, commandez de le suivre, l’abbayeront cinq jours entiers sans le mordre, et ne meslerent dans la retraitte des siens qu’une fois. id.,, Hist. Univ., XI, 20. — Cette cavallerie espagnole… fut tousjours abayée d’une escoupeterie. id., ib., XIV, 18. — Le Theologal de Xainctes, voyant tous nos dogues abbayer cet ours sans mordre, ne l’osant prendre à l’oreille, a fait pour le moins une gambade par dessus. id.,, Sancy, II, 6.

Abbayer le parchemin. Chanter a l’église, à la synagogue. — Les autres, comme les chanoines et caffars, en abbayant le parchemin jour et nuit, et barbotant leur breviaire, vendent leurs coquilles au peuple. Calvin, III, xx, 29. Ce pauvre Juif fut contraint de demeurer en ce plaisant lieu (sans boire rie manger) par long temps, délaissé des siens, qui alloient abbayer le parchemin en leur sinagogue. Comptes du Monde adventureux, 17. — Cf. Abbois. parchernin.

Abbayer qqch. Le crier très haut. — Je te conseille d’apprendre diligemment la langue Grecque et Latine… puis quand tu les sçauras parfaitement… composer en ta langue maternelle… Car c’est un crime de leze Majesté (l’abandonner le langage de son pays, vivant et florissant, pour vouloir deterrer je ne sçay quelle cendre des anciens, et abboyer les verves des trespa. ssez, et encore opiniastrement se braver là dessus, et dire, j’atteste les Muses que je ne suis point ignorant., et ne crie point en langage vulgaire. Ronsard, Franciade, Préf. de 1587.

(Substantif.) — Ainsi traistre, ton aboyer Traistre m’a rendu le loyer De t’aimer plus cher qu’une mere N’aime sa fille la plus chere. Ronsard, Gayetez, 6 (édit. de 1623). — Car pour ton aheyer je ne perds la couronne De Laurier, dont Phebus tout le chef m’environne. id.,, Resp. à


quelque Ministre (V, 425). En certain aboyer du chien le cognoist qu’il y a de la colere. Montaigne, II, 12 (II, 168. — C’est à l’avanture quelque sens particulier… qui advertit les poulets de la qualité hostile, qui est au chat contr’eux, et à ne se deffier du chien : s’armer contre le miaulement, voix aucunement flatteuse, non contre l’abayer, voix aspre et quereleuso. id., ib., (II, 363).