Dictionnaire de l’administration française/ASSISTANCE PUBLIQUE

ASSISTANCE PUBLIQUE.

sommaire.

chap. i. définition générale, 1 à 4.
chap.ii. résumé historique de la législation charitable en france, 5 à 10.
chap.iii. organisation actuelle ; principes généraux ; secours hospitaliers ; secours à domicile ; taxes spéciales en faveur des pauvres ; assistance par l’état, par le département, par les communes, 11 à 25.
Bibliographie.
Administration comparée.


CHAP. I. — DÉFINITION GÉNÉRALE.

1. L’assistance publique est une formule nouvellement introduite dans le langage administratif pour désigner l’ensemble des services organisés en vue de secourir l’indigence. L’assistance peut être facultative ou obligatoire ; elle est communale, départementale ou générale, selon les autorités diverses desquelles elle émane. Considérée comme mode d’application, elle se donne à domicile ou dans les hôpitaux et hospices.

2. L’assistance est facultative lorsque l’administration, après avoir pris des informations sur la position du réclamant, est libre d’accorder ou de refuser le secours. Elle est obligatoire lorsque la loi donne, d’une manière formelle, au citoyen le droit de réclamer un secours dans certains cas déterminés par elle.

L’assistance est générale lorsqu’elle émane directement de l’État ou du pouvoir central, soit sous la forme d’établissements généraux de bienfaisance, soit au moyen de subventions allouées aux institutions locales ou de secours accordés aux nécessiteux. Elle est départementale lorsque les établissements charitables sont créés et entretenus par le département, comme les asiles d’aliénés ou les dépôts de mendicité, ou lorsqu’il contribue, par des subventions, à secourir certaines catégories d’indigents. Elle est communale lorsque les services charitables sont à la charge de la commune.

3. C’est surtout dans la commune que l’assistance publique doit être organisée, et c’est là que, devenant personnelle et directe, elle impose au pouvoir municipal dont elle émane de grands devoirs à remplir. Là, en effet, l’administration doit veiller ce qu’aucune souffrance réelle ne reste sans soulagement, tout en se mettant continuellement en garde contre l’abus qu’on peut faire de ses secours, en les réservant pour les cas graves, et préférant dans leurs divers modes d’application ceux qui ont un caractère temporaire et peuvent le plus facilement cesser avec le besoin. Elle limitera le plus possible le cercle de son action, en encourageant et stimulant au contraire le développement de la charité religieuse et de la bienfaisance privée, dans lesquelles elle doit voir toujours de précieux auxiliaires et non des rivales ; elle leur viendra en aide et obtiendra, en échange de son concours, l’influence nécessaire pour faire accepter d’utiles conseils et coordonner leurs secours avec les siens sans les confondre.

4. Enfin, au point de vue de l’application, l’assistance publique se donne sous deux formes distinctes : les secours à domicile et les secours hospitaliers. Les secours à domicile ont le grand avantage de laisser l’indigent dans sa famille et de se prêter à tous les besoins, à toutes les circonstances difficiles de la vie du pauvre. Aussi s’accorde-t-on généralement à reconnaître la supériorité morale des secours à domicile. Cependant, l’hôpital est souvent indispensable à la guérison de certaines maladies. C’est dans cet asile de la souffrance que toutes les ressources de la science et de la charité se trouvent réunies pour assister les pauvres que des maladies ou des blessures graves, traitées à domicile, condamneraient à une mort certaine. Les hospices, qui servent de refuge aux vieillards invalides et aux incurables, sont d’une utilité contestable, chaque fois qu’il y a possibilité de maintenir l’indigent dans sa famille, et d’y assurer son existence au moyen d’une pension payée par l’État, le département ou la commune.

CHAP. II. — RÉSUMÉ HISTORIQUE DE LA LÉGISLATION CHARITABLE EN FRANCE.

5. L’organisation des secours publics en France remonte à l’introduction du christianisme dans la société mérovingienne[1]. Un canon du concile de Tours (567) prescrivait à chaque cité de nourrir ses pauvres suivant l’étendue de ses ressources, et obligeait les prêtres et les autres habitants à contribuer à leur entretien, afin de les empêcher de se rendre dans d’autres localités. Les capitulaires de Charlemagne rappellent que les canons de l’Église font aux évêques un devoir de nourrir les pauvres et de partager avec eux les dîmes et les offrandes. Sous le régime féodal, la prédominance de l’aristocratie guerrière, en inspirant le mépris du travail, ramenait graduellement le cultivateur et l’artisan à la servitude païenne que le christianisme tendait à détruire. Heureusement, l’influence du clergé et des ordres religieux, secondée par la royauté, surtout par saint Louis, opéra une réaction salutaire. La construction des églises et des monastères, en donnant au travail une impulsion nouvelle, fit éclore partout ces corporations d’arts et métiers qui relevèrent la condition morale et matérielle des classes ouvrières. Dans les campagnes, les moines nourrissaient les infirmes, soignaient les malades, élevaient les enfants abandonnés, offraient un abri aux pèlerins, aux ouvriers et aux marchands. Dans les villes, on voyait s’élever partout ces Hostels-Dieu qui sont, avec nos cathédrales, la gloire du moyen âge. D’innombrables léproseries et maladreries couvrirent la France pendant les croisades, avant de former, par les unions organisées sous Louis XIV, cette multitude de petits hospices où sont aujourd’hui soignés les malades de nos campagnes.

6. Pendant le moyen âge, comme aux premiers siècles de l’Église, l’assistance des pauvres était entièrement dirigée par le clergé, qui gérait la plupart des institutions charitables. Mais, sous Philippe le Bel, l’administration hospitalière commença à être sécularisée. La conversion en bénéfices des biens des fondations charitables nécessita l’établissement d’une autorité capable d’interpréter les textes de ces fondations et d’en maintenir l’esprit. Les règles nouvelles, confirmées et complétées par la bulle fameuse de Clément V (1311), confièrent l’administration hospitalière à des commissions où les laïcs pouvaient entrer comme représentants des donateurs[2]. Au xvie siècle, les guerres de religion, en ébranlant la situation financière du clergé et des ordres religieux, interrompirent, dans une grande partie de la France, la distribution des aumônes fondées par la piété des fidèles. La bourgeoisie, qui administrait les communes, eut à supporter, plus lourdement que par le passé, les charges inhérentes à la répression de la mendicité qui devenait partout menaçante.

« Les pauvres de chaque ville, bourg et village, dit l’ordonnance de Moulins, seront nourris par ceux de la ville, bourg ou village dont ils sont natifs et habitants, sans qu’ils puissent vaguer et demander l’aumosne ailleurs qu’au lieu duquel ils sont. Et à ces fins, seront les habitants tenus à contribuer à la nourriture desdits pauvres, selon leurs facultés, à la diligence des maires, échevins, consuls et marguilliers des paroisses : lesquels pauvres seront tenus de prendre bulletin et certification des dessusdits, en cas que pour guérison de leurs maladies ils fussent contraints de venir aux villes ou bourgades où il y a Hostels-Dieu et maladreries à ce destinés. » (O. de Moulins, 1566, art. 73.)

« À mesure que la charité prenait la forme de l’impôt, il devenait juste que le contrôle de la dépense allât du prêtre au magistrat, et que ceux qui devaient, suivant leurs forces, payer cette taxe spéciale, pussent du moins en régler l’emploi suivant les besoins[3]. » La sécularisation de la charité publique, que beaucoup de publicistes croient postérieure à 1789, a été préparée et, dans une certaine mesure, appliquée par les édits de François Ier (19 décembre 1543, 15 janvier 1545), Henri II (1553), Charles IX (1561), relatifs à la réforme de l’administration hospitalière, et surtout par l’ordonnance de Henri III (mai 1579), rendue sur les plaintes et doléances des États rassemblés à Blois en 1576.

7. Mais, heureusement, la France sut s’arrêter à temps sur la pente où le calvinisme l’entraînait. Grâce à la conversion de Henri IV, elle ne suivit pas l’exemple de l’Angleterre et des autres pays où, sous l’influence de la Réforme, s’établissaient déjà la taxe des pauvres et la charité légale. L’Église de, France, en gardant sa dotation et son indépendance, préserva, pendant deux siècles encore, le patrimoine des pauvres. Et lorsqu’après le rétablissement de la paix, il fallut secourir toutes les misères nées de nos discordes civiles, saint Vincent de Paul, associant à l’action des pouvoirs publics toutes les forces du dévouement religieux, contribua puissamment à maintenir le caractère libre et chrétien que l’assistance a toujours gardé dans notre pays, excepté pendant la crise révolutionnaire.

8. En adoptant, le 2 novembre 1789, la proposition de Mirabeau, l’Assemblée constituante déclara « que tous les biens ecclésiastiques seraient à la disposition de la nation, à la charge de pourvoir d’une manière convenable aux frais du culte, à l’entretien de ses ministres et au soulagement des pauvres. C’est pour acquitter cette dernière obligation que la constitution de 1791 ordonna qu’il serait « créé et organisé un établissement général de secours publics » ; et que la constitution de 1793 déclara que « les secours publics étaient une dette sacrée ». La Convention, mettant le soulagement des pauvres à la charge de l’État, essaya d’organiser l’assistance par le décret du 19 mars 1793, qui règle la répartition des secours publics et ordonne la vente des biens des hôpitaux, fondations et dotations charitables. Par le décret du 24 vendémiaire an II (15 octobre 1793), relatif à l’extinction de la mendicité, la Convention interdit aux citoyens, sous peine d’amende, « toutes distributions de pain ou d’argent » aux indigents, qui devront être assistés par des agences cantonales de secours. Enfin le décret du 22 floréal an II (11 mai 1794) ordonna la formation d’un livre de la bienfaisance nationale où seraient inscrits les indigents de toutes catégories, pour recevoir des pensions variant de 80 à 160 livres. « Plus d’aumônes, plus d’hôpitaux ! s’écriait Barrère, rapporteur du comité du salut public, ces deux mots doivent être effacés du vocabulaire républicain. » À l’ordre ancien de la charité chrétienne succédaient les vaines utopies de la philanthropie révolutionnaire.

9. L’exécution de ces lois fut bientôt reconnue impossible. Mais les associations religieuses avaient été dispersées, les biens des hôpitaux vendus ; les établissements charitables étaient tombés dans un état si fâcheux qu’en 1798 ils ne purent même payer la contribution foncière du peu de biens qu’on leur avait rendus. (Circ. Int. 1er pluviôse an VII.) De toute cette législation, dont la trace n’est marquée dans l’histoire que par des ruines, il n’est resté que quelques dispositions du décret du 24 vendémiaire an II, relatives au domicile de secours, qui est l’objet d’un article spécial.

10. Le Corps législatif, revenant à des idées plus pratiques, rendit aux établissements hospitaliers leurs biens non aliénés, pour reconstituer leur dotation, et institua, par la loi du 7 frimaire an V, les bureaux de bienfaisance, en les chargeant de la distribution des secours publics à domicile et de la direction des travaux de charité. La loi du 20 ventôse an V et l’arrêté des consuls du 27 prairial an IX prescrivirent la remise aux hospices et aux bureaux de bienfaisance des biens non vendus de toutes les anciennes fondations charitables affectées au service des malades et des pauvres. Les congrégations hospitalières des femmes furent rétablies par le décret du 18 février 1809. Celle des Filles de Saint-Vincent-de-Paul avait déjà obtenu du gouvernement consulaire (Arr. 24 vendémiaire an XI) le droit de se vouer, comme par le passé, au soulagement des pauvres.

CHAP. III. — ORGANISATION ACTUELLE DE L’ASSISTANCE PUBLIQUE.

11. « La législation charitable en France est dominée actuellement par ce principe que, si la société a le devoir moral de ne laisser aucune souffrance réelle sans soulagement, l’assistance ne peut jamais être réclamée comme un droit par l’indigent. L’assistance ne constitue donc pas, et c’est un honneur pour notre pays, une dépense obligatoire de l’État et des communes[4]. »

12. Comme conséquence de ce principe général, la législation française laisse la plus grande liberté aux œuvres de charité privée qui peuvent, sous toutes les formes, secourir les diverses catégories d’indigents. Lorsque ces œuvres, arrivant à l’état d’institutions, veulent assurer leur stabilité, elles obtiennent les priviléges de la vie civile moyennant des conditions faciles à remplir. La charité publique n’a donc, en France, aucun monopole, pas même celui des quêtes et souscriptions publiques. La jurisprudence administrative permet aux établissements religieux (évêchés, cures, fabriques, consistoires, conseils presbytéraux. congrégations charitables) de recevoir des dons et legs pour le soulagement des pauvres. (Avis du C. 6 mars 1873.) Les œuvres de charité, qui ne jouissent pas de l’existence civile, peuvent aussi profiter des libéralités faites en leur faveur au moyen d’un décret qui autorise le maire, au nom des indigents assistés par ces œuvres, à accepter ces libéralités à la charge d’en remettre le montant auxdites œuvres par application de l’ordonnance royale du 2 avril 1817[5].

13. Dans notre organisation administrative actuelle, les deux principaux services de l’assistance publique (hôpitaux et hospices, et bureaux de bienfaisance) ont chacun leur administration séparée, sauf à Paris où ces deux services sont réunis (voy. Paris). Dans les autres communes, ils sont dirigés par des commissions distinctes, dont la composition et l’organisation ont été réglées par la loi du 21 mai 1873. « La loi nouvelle a appelé à siéger à côté du maire, président-né de chaque commission, le curé et les représentants des autres cultes reconnus par l’État. Elle a ainsi assuré aux ministres de la religion la place qui leur appartient dans les conseils de la charité publique. Leur présence a déjà eu pour effet de faire tomber d’injustes défiances, de dissiper des préventions sans fondement ; elle permettra de compléter et de contrôler les listes d’indigents, de prévenir les abus et les doubles emplois et d’écarter les pauvres qui, faute de cette entente si désirable, vivaient impunément des secours de l’assistance publique et des aumônes du clergé et de la charité privée[6]. »

14. En vertu du décret du 18 février 1809, les commissions administratives peuvent faire desservir les établissements hospitaliers et distribuer les secours à domicile par les sœurs de charité. L’ordonnance royale du 31 octobre 1821 permet, en outre, aux administrateurs de s’assurer le concours de commissaires adjoints et de dames de charité.

15. Les services de l’assistance publique ne sont pas renfermés dans les limites de leur spécialité : les commissions hospitalières peuvent, en vertu de la loi du 21 mai 1873, affecter leurs revenus, jusqu’à concurrence du tiers, au traitement des malades à domicile, ce qui permet aux bureaux de bienfaisance, moins bien dotés que les hospices, de réserver toutes leurs ressources pour les indigents valides. La même disposition permet aux hospices d’allouer des secours annuels en faveur des vieillards ou infirmes placés dans leurs familles.

16. Les recettes attribuées par les lois aux hospices et bureaux de bienfaisance comprennent le droit des pauvres sur les spectacles, bals et concerts, la part qui leur est réservée sur le produit des concessions funéraires, le produit des confiscations, les amendes pour logements insalubres, pour contraventions postales, les droits de conditionnement de la soie et certaines taxes locales. Un très-grand nombre de communes négligent la perception du droit sur les concessions dans les cimetières et se privent ainsi de précieuses ressources qui pourraient aider au soulagement des pauvres et faciliter la création d’un bureau de bienfaisance dans les nombreuses localités qui en sont encore privées.

17. L’État n’a qu’une part très-restreinte dans l’assistance des pauvres. Le ministère de l’intérieur a la gestion directe des établissements nationaux de bienfaisance : l’hospice des Quinze-Vingts pour les aveugles, la Maison de Charenton pour les aliénés, les institutions des jeunes sourds-muets de Paris et de Chambéry, celle des jeunes sourdes-muettes de Bordeaux, l’institution des jeunes aveugles, les asiles de convalescence de Vincennes (hommes) et du Vésinet (femmes) (voy. ces mots), l’institution du Mont-Genèvre pour secourir les voyageurs qui traversent les Alpes. Le ministère de l’intérieur exerce sa surveillance sur les établissements de bienfaisance au moyen d’inspecteurs généraux (cinq en 1875). Il exerce une action plus directe sur le service des enfants assistés par l’intermédiaire d’un corps d’inspecteurs départementaux dont un décret du mois d’août 1870 a réservé la nomination au ministre. Des crédits spéciaux ouverts, chaque année, au budget du ministère de l’intérieur lui permettent de subventionner, sur la proposition des conseils généraux, un grand nombre d’établissements de bienfaisance publique et d’œuvres de charité privée, et d’accorder des secours personnels dans certains cas particuliers. Le ministre de l’intérieur dispose aussi d’un certain nombre de places dans les hospices de la capitale. Enfin, on doit comprendre dans l’assistance par l’État les secours extraordinaires dont les ministères de l’intérieur, de l’agriculture et du commerce, règlent la distribution en faveur des victimes des inondations et aux calamités accidentelles qui viennent à sévir sur quelques points du territoire.

18. Les fonds départementaux ont aussi à supporter une part des dépenses de l’assistance, et l’emploi en est réglé par les conseils généraux sur la proposition des préfets. Ce sont ces fonds qui doivent pourvoir spécialement aux seuls secours obligatoires qui aient été créés ou maintenus en France par la législation actuelle : nous voulons parler du service des enfants assistés (D. 19 janvier 1811 ; L. 5 mai 1869) et du service des aliénés indigents (L. 30 juin 1838). Le caractère obligatoire de ces secours est justifié par des considérations d’ordre public, et les abus auxquels ils ont pu donner lieu se trouvent restreints dans des limites que la spécialité des secours et les progrès de l’administration charitable resserrent de plus en plus.

19. Les dépôts de mendicité constituent aussi, dans une certaine mesure, une dépense obligatoire pour les départements où la mendicité est interdite. En effet, il y a obligation morale, sinon légale, à donner un refuge et du pain au vieillard ou à l’infirme dénué de toute possibilité de gagner sa vie par le travail, si on lui interdit un recours habituel à la charité publique. Cette doctrine est établie par une décision ministérielle prise, le 24 mai 1869, à l’occasion d’un différend survenu entre les départements de l’Allier et de la Creuse, au sujet d’une infirme indigente qui avait son domicile de secours dans ce dernier département.

20. L’assistance départementale supplée, dans une certaine mesure, à l’insuffisance des secours hospitaliers et des secours à domicile, le nombre des hospices et des bureaux de bienfaisance n’étant pas encore assez grand pour répondre à toutes les misères. La meilleure manière de donner une idée précise de ces secours est de reproduire le tableau des crédits charitables votés annuellement par les conseils généraux[7] :

Secours à domicile ;
Secours aux malades indigents ;
Femmes en couches ;
Achat de médicaments ;
Envoi d’indigents aux eaux thermales ;
Ateliers de charité ;
Secours en cas d’extrême misère ;
Secours aux voyageurs indigents ;
Pensions de vieillards et incurables ;
Pensions d’enfants.

Pour compléter ce tableau de l’assistance départementale, il faut ajouter le crédit voté, chaque année, pour le traitement hospitalier des malades et incurables indigents des communes rurales (L. 7 août 1851), et les subventions accordées aux communes pour les aider à payer les dépenses du service médical gratuit.

21. La législation charitable a, dans la plupart des cas, localisé les secours publics dans la commune, mais sans mettre ces secours à la charge de la caisse municipale.

22. Ainsi, pour les indigents malades, s’il existe un hôpital dans la commune, leur traitement est à la charge de cet établissement, qui ne peut les refuser que dans le cas où il n’y aurait pas de lit vacant. (Art. 1er de la loi du 7 août 1851.) S’il n’y a pas d’hôpital dans la commune, leur admission est facultative et subordonnée au paiement d’un prix de journée par la commune où le malade a son domicile. (Art. 4 de la loi précitée.) Un arrêt du Conseil d’État, approuvé le 12 mai 1869 (pourvoi de la commission hospitalière de Nantua contre la commune d’Oyonnax), a décidé que, pour engager la responsabilité financière de la commune dans le paiement du prix de journée, il fallait que le conseil municipal eût préalablement demandé l’admission du malade à l’hôpital.

23. L’assistance des indigents valides est également facultative pour les communes. Lorsqu’un conseil municipal veut affecter à cette destination une partie de ses fonds disponibles, il ne peut les distribuer lui-même, s’il existe dans la commune un bureau de bienfaisance. « La distribution des secours publics ne rentre pas dans les attributions de ces conseils ; l’art. 4 de la loi du 7 frimaire an V en a formellement investi les bureaux de bienfaisance. » (Circ. Int. 25 juin 1873.) Dans les communes où il n’existe pas de bureau de bienfaisance, les conseils municipaux peuvent, lorsqu’ils le jugent nécessaire, faire distribuer des secours par des commissions charitables ou par l’entremise des œuvres de charité. Mais il leur est interdit, par la jurisprudence administrative, de s’imposer dans ce but des centimes additionnels qui auraient l’inconvénient de constituer une taxe permanente en faveur des pauvres.

24. La législation charitable n’impose aux communes que deux contributions obligatoires : celle qui représente leur contingent dans la dépense des aliénés indigents (art. 28 de la loi du 30 juin 1838), et celle qui forme leur contingent dans la dépense des enfants trouvés et abandonnés. (Art. 30 de la loi du 18 juillet 1837.)

25. Il existe au budget du ministère de l’intérieur (chap. XIX) un crédit spécial intitulé : Service de médecine gratuite. C’est à l’aide de ce crédit, peu élevé pourtant, que l’administration centrale a encouragé la création de cet important service dans un très-grand nombre de communes qui se groupent par canton ou par circonscription moins étendue, pour procurer à leurs malades indigents les bienfaits de l’assistance médicale. (Voy. Médecins cantonaux.)

Enfin, il existe encore un autre mode d’assistance communale : les ateliers de charité (voy. ce mot), qui, bien dirigés, peuvent, en cas de chômage,rendre de véritables services.

Alexis Chevalier.
bibliographie.

Essai sur les secours publics, par Cabanis. 1793.

Mémoire sur les établissements publics de bienfaisance, de travail et de correction, considérés sous les rapports politiques et commerciaux, par Dillon. An XI. In-12.

Ordonnance du roi, et arrêté du ministre de l’intérieur, relatifs aux secours à domicile dans Paris. In-8°. Paris, Mad. Huzard. 1816.

Histoire de l’administration des secours publics, ou analyse historique de la législation des secours publics, etc., etc., par le baron Dupin. In-8°. Paris, Eymery, Delannay. 1821.

Annales des hôpitaux et établissements de bienfaisance. 1823 et années suivantes.

Bulletin de la société des établissements charitables. 1831-1836. 3 vol.

Observations sur le régime actuel des bureaux de charité, par J. B. Maurial-Griffoul. In-8°. Paris, Delaunay, Trinquart. 1832.

De la charité légale, de ses causes, de ses effets, et spécialement des maisons de travail et de la proscription de la mendicité, par Naville. Paris. 1836. 2 vol. in-8o. Nouvelle édition.

De la bienfaisance publique, etc., par le baron de Gerando. Paris, J. Renouard et Cie. 1839. 4 vol. in-8o.

Coup d’œil sur les bureaux de bienfaisance de Paris, et réflexion sur la distribution des secours à domicile, par Napoléon-Adolphe Sédillon. In-8°. Paris, Dumesnil, l’auteur. 1840.

Répertoire de l’administration et de la comptabilité des établissements de bienfaisance, asiles d’aliénés, monts-de-piété, etc., par E. Durieu et Germain Roche. 2 vol. in-8o. Paris, impr. Paul Dupont. 1842.

Législation charitable ou Recueil de lois, arrêtés, décrets, ordonnances royales, avis du Conseil d’État, circulaires, etc., qui régissent les établissements de bienfaisance, par Ad. de Watteville. Paris, Alexandre Hevis. 1843-1846. 2 vol. in-8o.

Mémoire du préfet de la Seine au conseil municipal de Paris sur la répartition des fonds de secours entre divers établissements charitables. 1844 et années suivantes. In-4°. (Renferme des notices sur ces établissements.)

Études sur la législation charitable, vues de réforme financière et administrative dans le régime des établissements de bienfaisance, par L. de Lamotte. Bordeaux. 1845. 2e édit. Paris, Guillaumin.

Annales de la charité, publiées par la société d’économie charitable. 1845 et années suivantes.

Organisation de la charité publique en France, pour l’extinction de la mendicité, par M. Picard. In-8°. Paris, impr. de Proux. 1846.

Code de l’administration charitable, ou Manuel des administrateurs, agents et employés des établissements de bienfaisance, par le baron de Watteville. In-8°. Paris, Cotillon. 1847. 2e édit.

De la défense des indigents dans les procès civils et criminels. Rapport à l’Académie des sciences morales, par M. Vivien. In-8°. Paris, Guillaumin. 1848.

Nouvelles études sur la législation charitable et sur les moyens de pourvoir à l’exécution de l’art. 13 de la Constitution française, suivies d’une bibliographie charitable et de trois plans d’hôpitaux, par L. Lamotte. In-8°. Paris, Guillaumin. 1850.

Livret-manuel des établissements publics d’assistance et des institutions et œuvres de charité privées de Paris, par un employé des bureaux de bienfaisance. In-12. Palis, Goutier. 1851.

De l’assistance publique. Réflexions soumises à la commission d’assistance et de prévoyance, par M. de Botmiliau. In-8°. Paris, Sagnier et Bray. 1851.

Guide des administrateurs et agents des hôpitaux et des hospices, par C. Thannberger. In-8°. Paris, Baillière et Dupont ; Strasbourg, ve Berger-Levrault ; Colmar, Geng. 1855.

Histoire de l’assistance, par Monnier. Paris, Guillaumin. 1856. 1 vol. in-8o.

Histoire des classes laborieuses en France, par Ducellier. Paris, Didier. 1860. 1 vol. in-8o.

De l’assistance en Province, par A. de Magnitot, préfet de la Nièvre. Paris, Didot. 1861. 1 vol. in-8o.

Manuel des bureaux de bienfaisance, par G. de Champeaux. In-8°. Paris, Louis Vivès, Courcier, Lecoffre, Douniol. 1856.

Traité des établissements de bienfaisance, par Lamarque. In-12. Paris, ve Berger-Levrault. 1862.

Des secours à domicile, par Dubois. In-16. Paris, Durand et Pedone-Lauriel. 1869.

Situation administrative et financière des hôpitaux de l’empire. Publication officielle sous la direction de M. de Lurieur. 2 vol. in-4o. Paris, imp. impériale. 1869.

Dictionnaire municipal à l’usage des membres des administrations charitables, par Lober. In-18 1re partie. Lille, Six-Horemans. 1869.

Réorganisation de l’assistance publique, par M. le Dr F. de Ranse. In-8°. Paris, Asselin, 1871.

L’Assistance publique. Bureau de bienfaisance, par M. G. Latour. 2 brochures in-16°. Paris, librairie démocratique. 1872.

Service des communes et des établissements de bienfaisance. Nomenclature des quittances soumises et non soumises au timbre, par M. Ch*** Utile à MM. les comptables et administrateurs. Petit in-folio. Nancy et Paris, Berger-Levrault et Cie. 1874.

Commentaire de la loi du 22 janvier 1851 sur l’assistance judiciaire, précédé des rapports faits par M. de Vatimesnil au nom de la commission chargée de l’examen du projet de loi, contenant la doctrine des auteurs, les décisions ministérielles, etc., par M. Sabatie. 1 vol. in-8o. 1874. Paris, Cosse et Marchal.

Voyez aussi les bibliographies d’Aliénés et d’Hôpitaux.

administration comparée.

1. L’assistance publique est réglée en Allemagne, en partie par une loi commune émanant du gouvernement fédéral ou de l’Empire, et en partie par des lois de mise à exécution, émanant des États. La loi de l’Empire date du 6 juin 1870, elle s’applique à tous les États allemands, sauf à la Bavière[8], et la loi de mise à exécution prussienne, la seule que l’espace nous permette d’analyser, est du 8 mars 1871. La loi commune a surtout pour but de déterminer le domicile de secours, et c’est ce qui lui a fait donner son nom (Unterstützungs-Wohnsitz), mais elle établit aussi un certain nombre de principes, tout en abandonnant aux États fédéraux le soin d’en fixer le mode d’application et notamment de déterminer la quantité et le mode de répartition des secours. Dans le court exposé que nous allons faire, nous présenterons la législation dans un ordre méthodique en citant la loi commune par L. c. et la loi prussienne par L. p.

Le devoir de l’État de procurer l’assistance publique se trouve exprimé dans des actes du xviie siècle, il a été inscrit dans le Landrecht ou Code général prussien de 1794, titre 19, partie vi, §§ 1 à 15. Il a été ensuite rappelé dans la loi du 31 décembre 1842 et développé par la loi du 21 mai 1855 ; il se retrouve encore dans la loi du 8 mars 1871. Mais il a toujours été entendu que le devoir de l’État n’a pas pour contre-partie le droit du pauvre ; l’État se borne à imposer aux communes l’obligation de venir en aide aux indigents, infirmes ou malades. Les personnes nécessiteuses n’ont pas, envers les communes, un droit juridique, les tribunaux sont incompétents, mais ces personnes peuvent utilement recourir au Landrath (sous-préfet) ou à la Regisrung (préfet) et, selon le cas, poursuivre plus loin leur affaire par la voie administrative. L’assistance est une matière administrative dans laquelle les tribunaux n’ont pas à intervenir. (L. p., art. 63.)

Nous avons déjà dit que le secours est dû par la commune (L. c. 6 juin 1870, art. 2 et suiv., L. p. 8 mars 1871, art. 1er) ; mais comme la charge deviendrait souvent trop lourde pour les petites localités, la L. c. recommande (art. 3 et 4) l’organisation d’un système cantonal qu’elle appelle Orts-Armenverbœnde ; il est identique aux Unions anglaises. C’est (comme le dit le mot allemand) une association ou syndicat de plusieurs communes juxtaposées formant unité pour les affaires d’assistance. Au-dessus de ces syndicats locaux fonctionnent des Land-Armenverbœnde, terme qu’on pourrait traduire par syndicats départementaux ou provinciaux de bienfaisance. Ces syndicats supérieurs n’interviennent que dans deux cas : 1° lorsque le pauvre n’a pas un droit de domicile dans une localité déterminée (L. c., art. 5), et lorsque 2° la commune ou le syndicat local a besoin d’une subvention. (L. c., art. 30, et L. p., art. 36.) Les syndicats supérieurs (les états provinciaux ou conseils généraux) peuvent se charger directement des aliénés, idiots, sourds-muets, aveugles ou autres infirmes. (L. p., art. 30.)

Toute personne ayant besoin de secours doit le recevoir provisoirement de la localité où il se trouve (L. c., art. 28), mais cette localité aura droit à remboursement si la personne n’y avait pas son domicile de secours (même article).

Le domicile de secours est acquis : 1° par deux années de séjour (L. c., art. 10), 2° par le mariage, la femme participant dès le premier jour aux droits du mari (L. c., art. 15) ; 3° les enfants ont le domicile de leurs parents (L. c., art. 18 à 21). On perd le domicile : 1° par l’acquisition d’un autre domicile ; 2° par une absence ininterrompue de deux ans. La question du domicile est tellement importante, qu’un tribunal fédéral suprême spécial a été créé par la loi commune (art. 42 et suiv.) Il est composé d’un président et de quatre juges au moins ; ce sont des magistrats nommés à vie. Ce tribunal a tous les pouvoirs nécessaires, il juge en dernier ressort (art. 51), publiquement et sans frais (art. 50). Le tribunal fédéral ne décide qu’en appel ; la première instance, est formée, en Prusse, par des tribunaux provinciaux spéciaux composés d’un juge, d’un fonctionnaire administratif et de trois membres de la représentation provinciale (conseillers généraux). (L. p., art. 41.) Ces tribunaux prononcent en premier ressort sur les contestations qui peuvent s’élever sur une question de domicile de secours.

Lorsque la personne secourue est un étranger (un non-Allemand), c’est l’État qui rembourse les frais à la commune. (L. c., art. 60.) Pour les personnes qui ont droit au domicile de secours, les frais sont à la charge des communes syndiquées. Les fonds proviennent : 1° de fondations ; 2° de collectes ; 3° de dons et legs ; 4° d’amendes ; 5° de taxes et impositions. Les taxes peuvent s’appliquer à des objets de luxe, ainsi qu’aux théâtres et jardins publics (droit des indigents), matière sur laquelle la jurisprudence a plusieurs fois changé. Il n’est pas permis cependant d’établir une imposition (directe) spéciale sous le nom de « impôt des pauvres » (O. roy. pruss. 22 janvier 1826) ; néanmoins la dépense peut tomber indirectement à la charge d’un impôt direct, en ce que les recettes n’ont plus de spécification. Les dépenses seules distinguent l’emploi des fonds, elles sont votées en premier et comprises dans le total ; les voies et moyens se bornent à réunir une somme pour l’ensemble des dépenses.

Faisons remarquer en terminant que la législation allemande considère l’assistance publique comme une avance faite aux nécessiteux (voy. l’ouvrage de M. Emminghaus[9]), avance dont on peut lui demander le remboursement quand il sera en état de payer. Le remboursement peut et doit aussi être demandé à ceux que la loi oblige de fournir des pensions alimentaires : parents, enfants, époux, frères et sœurs. La pension alimentaire, c’est « l’assistance en droit privé », elle est réglée par le Code civil (Landrecht).

2. La législation britannique n’est pas identique dans les trois royaumes, mais les différences ne sont pas assez importantes pour que nous ayons à en tenir compte ici ; nous nous bornerons donc à parler principalement des lois anglaises proprement dites. Ces lois, dont on trouvera l’historique dans notre Dictionnaire politique, reconnaissent au pauvre non valide un droit à l’assistance (43 Elisabeth c. 2. — année 1601 ; 4 et 5 Will. IV, c. 76 — année 1834) ; les pauvres valides n’ont qu’un droit conditionnel, c’est-à-dire on ne leur doit un secours que si l’on ne trouve pas de travail pour eux. Afin d’en avoir toujours, et surtout pour qu’on n’abuse pas de la charité, on a établi, sous Georges Ier (ch. 7 de la 9e année), des workhouses (maisons de travail), et dès lors on a autorisé les paroisses à s’associer, à fonder des unions pour la construction en commun d’un workhouse. La loi de 1834, qui était une réaction contre le abus qui s’étaient multipliés, codifiant la plupart des lois antérieures, créa en même temps une autorité centrale qui porta longtemps le nom de Poorlaw-Board et qui s’appelle depuis 1871 le Local-Governement-Board. Cette autorité centrale, qui est un comité formé de plusieurs commissaires, et dont le président est toujours prix parmi les membres du parlement, a été réorganisée par la loi de 1847 (10 et 11 Vict. c. 101) ; elle est un démembrement du ministère de l’intérieur, ou plutôt elle en dépend nominalement ; elle est chargée de la surveillance de l’assistance publique ; elle fait des règlements qui sont souvent exécutés par ses inspecteurs mêmes, et elle exerce dans certains cas une sorte de juridiction administrative sur les bureaux locaux.

Les unions sont fondées soit sur la demande des paroisses, soit sur les injonctions du Board, dont un des inspecteurs préside à l’organisation. On commence par établir les frais causés par l’assistance à chaque paroisse (ou commune) dans les trois années précédentes, et chaque paroisse contribue au fonds commun d’après la proportion de ses dépenses antérieures (28 et 29 V. c. 79). Autrefois les frais d’entretien du workhouse étaient seuls en commun, mais actuellement les paroisses composant l’union peuvent décider que leurs pauvres ont le domicile de secours dans l’union entière (et non seulement dans la paroisse), ce qui rend commun l’ensemble de leurs dépenses.

Les workhouses sont administrés par des Guardians. Le bureau des guardians (comité administratif du workhouse) se compose de membres élus tous les ans par les habitants des paroisses, au nombre de un ou plusieurs par commune, selon le chiffre de la population. Les juges de paix en sont membres de droit (Loi de 1834). Les villes de plus de 20,000 habitants sont divisées en Wards ou arrondissements municipaux (7 et 8 Vict. c. 101).

Les guardians nomment les directeurs du workhouse et tous les employés et agents de service nécessaires. Pour être éligible comme gardien, il faut avoir un revenu d’au moins 40 livres provenant d’immeubles. À ces élections le vote est public (7 et 8 V. c. 101), car la loi accorde un vote cumulatif : 1 voix à celui qui possède un revenu inférieur à 50 l. ; 2 voix pour 50 à 100 l. ; 3 voix pour 100 à 150 l. ; 4 voix pour 150 à 200 l. ; 5 voix pour 200 à 250 l. ; 6 voix pour 250 l., et au-dessus. Le propriétaire aussi bien que le locataire disposent chacun, pour son droit propre, de ce nombre de voix, de sorte que si le propriétaire occupe son immeuble, il a un nombre de voix double (7 et 8 V. c. 101). Si la propriété appartient à une corporation (par exemple une société anonyme), le président ou directeur exerce le droit attaché au paiement de la taxe.

En dehors des guardians, il y a dans chaque paroisse des overseers ou inspecteurs des pauvres. (Lois de 1601, 1834 et autres.) Ils sont nommés par les juges de paix, sur une liste dressée par les vestries (réunion des habitants de la paroisse), et au besoin par les constables. Les verstries peuvent aussi présenter à la nomination des juges de paix des inspecteurs adjoints (qui sont généralement des agents salariés). Les inspecteurs sont chargés, sous la direction des guardians et sous la surveillance du juge de paix, d’assister les pauvres qui ne sont pas dans les workhouses, en leur procurant soit du travail, soit des secours ; c’est eux aussi (surtout les inspecteurs adjoints salariés) qui lèvent la taxe des pauvres et en remettent le montant au trésorier de l’union.

La taxe des pauvres (poor-rate) est un impôt direct assis sur toute propriété productive de revenus et située dans la paroisse. Sont également assujettis à la taxe : les péages (ponts, routes, bacs), les navires, les redevances (dîmes), les chemins de fer, les usines à gaz. Les biens meubles visibles et productifs de revenus sont également assujettis, mais leur évaluation présente bien des difficultés. Ainsi, il est défendu d’évaluer le capital d’un magasin. L’estimation du produit net est faite par les marguilliers (churchwardens) et les inspecteurs, mais il y a un comité d’appel. Cette matière est tellement compliquée que nous devons nous borner à renvoyer à un ouvrage spécial (Union assessement commitee Act, Londres, Shaw and sons), dont nous avons la 6e édition sous le yeux. Il a été rédigé par M. Lumly, un fonctionnaire supérieur de l’administration centrale.

Il existe un grand nombre de lois, et surtout de règlements du bureau central des pauvres, sur le mode de distribution des secours, principalement aux pauvres valides hors du workhouse (outdoor relief), sur les enfants pauvres entretenus dans des écoles de district, sur les pauvres de passage, et surtout sur l’entretien des workhouses, qui ne sont pas, comme le nom semble l’indiquer, de pures maisons de travail (voy. Mendicité [Dépôt de]). Nous avons pu nous convaincre, dans un voyage à Londres, que ces maisons sont en même temps des hospices de vieillards.

Il nous reste à dire quelques mots du settlement ou domicile. Le secours étant obligatoire, les paroisses faisaient des difficultés d’admettre des individus pouvant un jour tomber à leur charge. Il s’en établissait néanmoins, mais lorsqu’ils devenaient informes ou malades, on les transportait chez eux d’une façon dans laquelle la charité n’avait rien à voir. Les lois et les mœurs se sont beaucoup adoucies, et sans doute l’extension que l’industrie a prise y est pour quelque chose. D’après la loi de 1834, le domicile de secours est acquis : 1° par la naissance (de parents n’ayant pas leur domicile ailleurs) ; 2° par voie de filiation, l’enfant ayant le domicile de ses parents ; 3° par le mariage, la femme participant aux droits de son mari ; 4° par l’apprentissage (contracté par écrit), après un séjour d’au moins 40 jours ; 5° par le séjour, lorsqu’on a loué un logement ou un champ et payé les taxes que cette location comporte, après une habitation consécutive de 40 jours. Les étrangers jouissent du même droit que les nationaux. Les pauvres qui n’ont pas le domicile (casual poor) ont droit au secours pendant au moins 21 jours et peuvent alors être ramenés dans leur paroisse d’origine, aux frais de la paroisse qui les expulse.

Le tout, bien entendu, sans préjudice des devoirs des parents assujettis à la pension alimentaire, devoirs constatés dès 1601 dans la loi d’Élisabeth et qui est toujours restés en vigueur.

3. En Autriche aussi l’assistance publique est une obligation communale, et cette obligation est très)stricte, car elle permet, si les revenus ordinaires des caisses de secours ne suffisent pas, de s’imposer une taxe spéciale. La loi générale ou organique du 5 mai 1862 n’avait fait que poser le principe, les lois des provinces ou « pays de la couronne » l’on développé. Par ex. : voy. les arts. 32 à 38 de ces lois locales. La loi sur le domicile, du 3 décembre 1863, traite ce qui est relatif au domicile de secours. Elle rappelle les devoirs des communes, mais elle dispose, § 23, que les communes ne sont obligées d’intervenir qu’à défaut de parents tenus à la pension alimentaire. La loi du 21 février 1870 supprime les caisses d’assistance paroissiales (Pfarrarmen-Institute) et charge les communes civiles (ou politiques, comme on dit en Autriche) d’administrer ces fonds. Ces fonds se composaient, selon le § 4 de la loi, d’amendes, d’une taxe sur les spectacles et réjouissances publiques, d’un tiers de la succession des prêtres morts sans testament, de dons et legs.

4. En Suisse, il y a sur l’assistance publique autant de lois que de cantons, mais on peut dire que presque dans tous l’assistance est un devoir communal. Dans quelques cantons la législation est en voie de se transformer : autrefois elle distinguait entre les bourgeois d’origine, les habitants domiciliés et les séjournants (temporaires). On secourait les bourgeois d’origine, même lorsqu’ils s’étaient expatriés, et au besoin on leur demandait des contributions ; généralement cette bourgeoisie avait un patrimoine dont les produits étaient répartis, soit entre tous, soit seulement entre les nécessiteux. La bourgeoisie formait ainsi une communauté plus étroite que la commune, qui comprend maintenant les habitants domiciliés, et la tendance est de supprimer la communauté spéciale des bourgeois en les confondant sous tous les rapports dans la commune locale. Cette transformation est déjà en partie réalisée. (Voy. Organisation communale, Administration comparée.)

5. La législation italienne sur la bienfaisance se trouve en partie dans la loi communale et provinciale du 20 mars 1865, et en partie dans la loi sur l’administration des œuvres pieds du 3 août 1862. Cette dernière détermine seulement l’organisation des bureaux de bienfaisance (congregazioni du carità, art. 26 et suiv.) et l’administration des hospices et hôpitaux. La loi communale impose aux communes l’obligation de fournir aux indigents les soins médicaux (art. 116), de prendre part aux dépenses pour les enfants trouvés (les aliénés sont à la charge de la province). Nulle part l’obligation de venir en aide aux indigents n’est inscrite dans la loi. La loi du 20 mars 1865, sur la police, s’occupe seulement (art. 67) de la mendicité et permet d’accorder à des infirmes qui n’ont pas de parents tenus à la pension alimentaire, et lorsqu’il n’existe pas dans la commune d’institution pour les recevoir, un certificat d’indigence signé par la municipalité et visé par le sous-préfet. Ce certificat autorise le porteur à mendier pendant le jour.

6. La législation danoise a depuis longtemps (L. 1er juillet 1799à admis les secours obligatoires ; la loi fondamentale du 5 juin 1849, art. 89, ainsi que la loi révisée du 28 juillet 1866, art. 84, disposent ce qui suit : « Celui qui est hors d’état de subvenir à ses propres besoins ou à ceux de sa famille, et dont l’entretien n’est pas à la charge d’une autre personne, a un droit aux secours publics, en se soumettant aux devoirs imposés par la loi. » L’indigent est à la charge de la commune (urbaine ou rurale) dans laquelle il a été domicilié pendant cinq ans ; s’il n’a eu aucun domicile fixe pendant cinq ans de suite, c’est la commune dans laquelle il est né qui doit l’assister. (L. 24 janv. 1844.)

La loi du 5 juin 1849 codifie la législation. Elle oblige les communes à secourir toute personne hors d’état de pourvoir à son entretien. Il y a une taxe des pauvres. Le domicile s’acquiert par un séjour de 5 ans à partir de l’âge de 18 ans. Les enfants ont le domicile de leurs parents. Il y a un bureau de bienfaisance dans chaque commune.

7. La loi suédoise en vigueur est de 1853 (13 juillet). Elle n’accorde un droit à l’assistance qu’aux enfants, aux vieillards, aux infirmes. La dépense est à la charge d’un fonds de secours alimenté par des fondations, des collectes, etc., etc., et au besoin par une taxe sous forme de capitation parmi les membres de la ville ou de la paroisse.

8. Aux États-Unis, l’assistance publique est réglées par les États. Celui de Massachussets a promulgué toute une série de lois sur cette matière. L’assistance incombe à la commune (Every city and town shall relieve and supports all poor and indigent persons lawfully settled therein, wenever they stand in need thereoff), lorsqu’il n’y a pas de parents aisés. La commune peut être mise à l’amende si elle ne remplit pas ce devoir. Les inspecteurs des pauvres sont nommés par le conseil municipal. On acquiert le domicile (settlement) de douze manières différentes : naissance, mariage, fonctions, séjour (3 ans), etc. (Voy au Journal of the Social science Society des États, le congrès charitable.)

Maurice Block.

  1. Il y a eu des secours publics à l’époque païenne. Il est encore quelques autres points d’histoire sur lesquels nous ne partageons pas la manière de voir de notre honorable collaborateur. M. B.
  2. Histoire des classes laborieuses en France, par Ducellier, p. 146.
  3. Histoire de l’Assistance, par Monnier, p. 340.
  4. Rapport de l’inspection générale des Établissements de bienfaisance, au sujet de l’enquête sur les bureaux de bienfaisance. Imprimerie nationale, 1874.
  5. Le patrimoine des pauvres, presque entièrement dissipé par la Révolution, se reconstitue peu à peu : de 1814 à 1868, la statistique générale des dons et legs autorisés, par ordonnances, décrets ou arrêtés préfectoraux, en faveur des hospices et bureaux de bienfaisance, présente une somme totale de trois cent millions de francs environ. (Note de l’auteur.)
  6. Rapport de l’inspection générale des établissements de bienfaisance, déjà cité.
  7. Nous ne donnons pas les sommes, qui varient d’une année à l’autre ; mais le total est loin d’atteindre le chiffre d’un million.
  8. La Bavière s’en est tenue à des conventions antérieures.
  9. C’est une jurisprudence qui est très-peu appliquée, si ce n’est dans le cas où le pauvre meurt dans un hospice ou un hôpital ; l’établissement hérite de ses nippes ou pourrait se faire rembourser ses frais par les héritiers naturels. (Das Armenwesen.)