Dictionnaire de l’administration française/ALGÉRIE

ALGÉRIE. 1. Au moment de la conquête, l’Algérie était divisée en trois gouvernements, à la tête desquels étaient placés des beys, vassaux du dey d’Alger auquel ils payaient tribut. L’administration directe du dey ne s’étendait guère au delà de la plaine de la Mitidja.

Beylik de Tittery, au sud d’Alger ; beylik d’Oran, à l’ouest ; beylik de Constantine, à l’est, telle était la division politique de l’Algérie à l’époque où l’armée française prit possession de la ville d’Alger.

2. Pendant les premiers temps de l’occupation, cette division, empruntée à la constitution naturelle du pays, a été maintenue. — À l’ouest, la noblesse religieuse et l’influence théocratique dominaient ; à l’est, au contraire, prévalait le principe aristocratique ; au centre, les deux influences se trouvaient à peu près balancées ; et ces nuances correspondaient à des différences dans le mode d’exploitation du sol ; à l’ouest, la fortune de l’indigène consistait principalement en troupeaux ; dans l’est, il était plus généralement cultivateur ; dans la province du centre, ces deux sources de richesse étaient réunies.

3. En présence de ces populations, l’occupation et la conquête ont placé l’élément européen et dès lors s’est posé le grand problème d’une organisation qui fût en rapport avec les habitudes et les besoins des habitants nouveaux que recevait le pays, et qui, à l’égard des indigènes, conciliât l’humanité avec les exigences de la politique. Le procédé le plus simple qui s’offrît était celui de différencier les régimes en divisant les territoires. On a donc continué de partager l’Algérie en trois provinces et, dans chaque province, on a distingué le territoire civil du territoire militaire ; mais la proportion entre les deux territoires a plus d’une fois varié, comme on le verra dans l’exposé rapide que nous présenterons de la législation antérieure à celle qui régit actuellement la colonie.

sommaire.

chap. i. gouvernement et administration générale.
CSect. 1. Législation antérieure, 4 à 9.
CSect. 2. Législation actuelle, 10 à 24.
chap. ii. administration provinciale et départementale.
CSect. 1. Généralités, 25 à 27.
CSect. 2. Administration des territoires civils.
CSart. 1. préfets, sous-préfets, commissaires civils, chefs de circonscription cantonale, 28 à 35.
CSar…2. conseils généraux et budget départemental, 36 à 40.
CSar…3. conseil de préfecture, 41 à 43.
CSect. 3. Administration des territoires militaires, 44 à 57.
chap. iii. administration communale.
CSect. 1. Élection et composition du corps municipal, 58 à 75.
CSect. 2. Attributions du maire et des adjoints, 76 à 87.
CSect. 3. Attributions des conseils municipaux, 88 à 105.

chap. iv. organisation des services civils et financiers.
CSect. 1. Justice et politique de l’indigénat.
CSart. 1. justice française, 106 à 113.
CSar…2. justice musulmane, 114 à 118.
CSar…3. répression des infractions spéciales à l’indigénat, 119 à 123.
CSect. 2. Instruction publique.
CSart. 1. instruction publique française, 124 à 128.
CSar…2. instruction publique musulmane, 129 et 130.
CSect. 3. Cultes, 131 à 134.
CSect. 4. Assistance publique, 135 à 139.
CSect. 5. Finances. — Impôts.
CSart. 1. généralités, 140 à 143.
CSar…2. impôts perçus au profit de l’état, 144 à 158.
CSar…3. impôts perçus au profit des communes, 159 à 166.
CSect. 6. Domaine, colonisation, 167.
CSart. 1. domaine, 168 à 173.
CSar…2. colonisation, 174 à 186.
CSect. 7. Travaux publics, 187 à 200.
Bibliographie.


CHAP. I. — GOUVERNEMENT ET ADMINISTRATION GÉNÉRALE.
Sect. 1. — Législation antérieure.

4. Après la capitulation d’Alger (5 juillet 1830), les pouvoirs civils et militaires restèrent concentrés aux mains du général en chef qui s’était adjoint une commission de gouvernement.

L’ordonnance du 1er décembre 1831 institua une intendance civile placée, dit l’article 1er, sous les ordres immédiats du président du Conseil des ministres (M. Casimir Périer, alors ministre de l’intérieur), et respectivement sous ceux des ministres de la justice, des affaires étrangères, de la guerre, de la marine, des cultes, du commerce et des finances. C’était décréter du premier coup ce que l’on va retrouver dans les décrets rendus à Bordeaux en 1871 (infra no 10). Aussi la réaction ne se fit-elle pas attendre. Une ordonnance du 12 mai 1832, révoquant celle du 1er décembre 1831, plaça l’intendant civil sous les ordres du commandant en chef.

5. L’ordonnance du 22 juillet 1834 confia le commandement général et la haute administration des possessions françaises dans le nord de l’Afrique à un gouverneur général sous les ordres du ministre de la guerre. — Le nom d’Algérie n’était pas encore passé dans la langue administrative.

L’article 2 de cette ordonnance portait institution d’un conseil composé des principaux fonctionnaires, et l’article 4 déclarait « que jusqu’à ce qu’il en fut autrement ordonné, les possessions françaises dans le nord de l’Afrique seraient régies par des ordonnances royales. » (Voy. infra no 20.)

6. Le premier essai de fractionnement du territoire en circonscriptions administratives résulta de l’ordonnance du 31 octobre 1838 qui supprima l’intendant civil et constitua une direction de l’intérieur à Alger avec deux sous-directions, l’une à Oran et l’autre à Bone.

Ce régime fut développé par l’ordonnance du 15 avril 1845 portant organisation de l’administration générale et des provinces en Algérie : une direction générale des affaires civiles était instituée et quatre directeurs placés à la tête des services administratifs de la justice, de l’intérieur et des travaux publics, des finances et du commerce, des affaires arabes. Un conseil supérieur d’administration était créé près du gouverneur général, et la juridiction administrative apparaissait sous la forme d’un conseil du contentieux investi d’attributions analogues à celles des conseils de préfecture, et statuant sauf recours au Conseil d’État.

7. Jusqu’à ce moment la division en trois provinces n’existait qu’au point de vue militaire ; l’ordonnance du 15 avril 1845 l’a appliquée dans l’ordre administratif, et chacune des provinces d’Alger, d’Oran et de Constantine a été, à son tour, subdivisée en territoire civil, territoire mixte et territoire arabe. L’administration des territoires civils fut confiée à des sous-directeurs de l’intérieur, assistés d’une commission consultative, ayant pour mission de donner son avis sur les projets de budgets des dépenses civiles, et d’exprimer les vœux et les besoins de la population tant européenne qu’indigène ; sous les ordres des sous-directeurs, furent maintenus des commissaires civils pour l’administration des districts, et enfin, au degré inférieur de la hiérarchie, des maires rétribués furent investis des fonctions d’officier de l’état civil et de police judiciaire, en même temps qu’ils furent préposés à l’exécution des dispositions légales relatives à la police locale et municipale. C’était l’administration départementale et municipale à l’état rudimentaire.

8. Un nouveau pas fut fait dans cette voie par l’ordonnance du 1er octobre 1847 qui, simplifiant l’organisation centrale, institua au chef-lieu de chaque province un directeur des affaires civiles et un conseil de direction. Il n’y avait qu’à changer les noms pour avoir des préfets et des conseils de préfecture. Cette modification fut décrétée par l’arrêté présidentiel du 9 décembre 1848. Le territoire civil de chaque province forma un département, soumis, disait l’article 2 de cet arrêté, au régime administratif des départements de la métropole, sauf les exceptions résultant de la législation spéciale de l’Algérie. Le département, administré par un préfet, fut subdivisé en arrondissements administrés par des sous-préfets (art. 11). Des ressources furent assignées au budget départemental (art. 15) ; il fut posé en principe qu’il y aurait dans chaque département un conseil général électif (art. 16). Nous verrons plus loin que, dès l’année précédente, l’organisation municipale avait été introduite d’une manière effective par l’institution de conseils municipaux procédant avec liberté à la gestion des affaires communales. La voie de l’assimilation était donc dès lors nettement tracée.

9. Cependant, c’est seulement par le décret du 27 octobre 1858, rendu sur la proposition du prince Napoléon, alors ministre de l’Algérie et des colonies, qu’a été tenue la promesse déposée dans l’arrêté présidentiel de 1848, en ce qui concerne les conseils généraux. Par le même décret, les préfets, jusqu’alors réduits à des pouvoirs sans portée et obligés à des référés continuels, furent admis à tous les bénéfices du décret du 25 mars 1852 sur la décentralisation ; on pensait alors que, dans les territoires civils, il fallait faire cesser la tutelle étroite qui était exercée par le pouvoir sur les intérêts et sur les personnes, et que le moment était venu d’accorder à l’autorité locale une action plus libre et plus directe, en lui permettant d’administrer avec plus d’indépendance et par là même avec plus de responsabilité. (Rapport à l’Empereur du 30 août 1858.) Le ministère spécial n’eut pas le temps de réaliser ce programme : un décret du 10 décembre 1860 a de nouveau centralisé à Alger, sous l’autorité d’un gouverneur général, le gouvernement et la haute administration de l’Algérie ; à travers diverses alternatives, ce régime, modifié par le décret du 7 juillet 1864, a prévalu jusqu’à l’heure où nous écrivons. (Voy. le Supplément annuel.)

Sect. 2. — Législation actuelle.

10. Les pouvoirs du gouverneur général sont de la nature des pouvoirs ministériels ; il est au lieu et place du ministre de l’Algérie, en tout ce qui n’exige pas de rapports personnels avec le chef de l’État ou d’action directe auprès du Conseil d’État ou des assemblées politiques. En ce qui concerne ces rapports, l’article 7 du décret du 10 décembre 1860 voulait qu’ils fussent entretenus par l’intermédiaire du ministre de la guerre à qui le contre-seing des décrets était attribué. Cette fonction appartient actuellement au ministre de l’intérieur, en vertu des décrets des 29 mars et 6 mai 1871, qui ont, le premier, nommé un gouverneur général civil, et le second déclaré que le budget du gouvernement général (qu’un décret rendu à Bordeaux et non exécuté, du 4 février 1871, avait réparti entre les divers ministères), était rétabli et distrait du ministère de la guerre pour former désormais une annexe à celui du ministère de l’intérieur (art. 2).

11. La justice, la marine, la guerre, l’instruction publique et les cultes rentrent dans les attributions des départements ministériels auxquels ils ressortissent en France, en sorte que, pour ces différents services, la correspondance s’établit directement entre les fonctionnaires qui sont placés à leur tête en Algérie et les ministres. Cette correspondance n’est pas exclusive de celle que les chefs de service entretiennent avec le gouverneur général ; mais l’absence de lien de subordination laisse à ces communications un caractère officieux. Lorsque le gouverneur général civil remplit les conditions voulues par la loi pour exercer un commandement militaire, il peut recevoir, par une délégation spéciale des ministres de la guerre et de la marine, le commandement supérieur des forces de terre et de mer. (D. du 10 juin 1873.)

12. Le gouverneur général a sous ses ordres un directeur général des affaires civiles et financières. (Déc. 26 décembre 1860 et 29 mars 1871.) La direction générale des services civils comprend trois divisions dont les attributions sont déterminées ainsi qu’il suit : 1re, administration générale, provinciale et communale ; 2e, domaine, colonisation et travaux publics ; 3e, comptabilité générale, services financiers, douanes, commerce et industrie. (Déc. 26 décembre 1860, art. 1er.)

13. Cette énumération ne donnerait qu’une idée très-incomplète des pouvoirs du gouverneur général. Il faut, pour pénétrer dans le détail, consulter l’article 12 du décret du 27 octobre 1858, maintenu par les articles 7 du décret du 10 décembre 1860, et 1er du décret du 7 juillet 1864, qui renferme la liste des affaires réservées au gouverneur à l’exclusion des préfets. Il est vrai que des dispositions spéciales ont porté plus d’une atteinte à cette législation déjà ancienne ; nous signalerons autant que possible ces modifications. Pour n’en citer ici que deux exemples, l’application de la loi du 10 août 1871 en Algérie (voy. infrà, no 37) soustrait au gouverneur général le classement et le déclassement des routes départementales, et le décret du 18 décembre 1874 place les prisons sous l’autorité directe du ministre de l’intérieur.

14. Pour une partie des affaires réservées au gouverneur général, le décret impérial du 30 avril 1861 fait de l’intervention du conseil de gouvernement une condition de légalité. Ce conseil assiste le gouverneur général de l’Algérie et se réunit sous sa présidence. Sont membres de ce conseil : le directeur général des affaires civiles et financières ; le premier président de la Cour d’appel d’Alger ; le procureur général ; le commandant supérieur de la marine ; le commandant supérieur du génie ; l’inspecteur général des travaux civils ; l’inspecteur général des finances ; le recteur de l’Académie d’Alger ; le chef d’état-major du commandant en chef des forces de terre et de mer, chargé des affaires indigènes. L’archevêque d’Alger a entrée au conseil de gouvernement. Deux conseillers rapporteurs, à la nomination du gouverneur général, assistent aux séances avec voix délibérative. Un secrétaire est chargé de la rédaction des procès-verbaux et de la tenue des archives.

Les préfets des départements et les officiers généraux commandant les divisions territoriales peuvent être appelés par le gouverneur général à assister aux séances du conseil de gouvernement. Ils font partie du conseil supérieur. (Voy. infrà, no 16, et déc. 11 septembre 1873.)

Les attributions du conseil de gouvernement restent déterminées par les décrets des 10 décembre 1860 et 30 avril 1861. (D. du 7 oct. 1871.)

15. Chaque année, les conseils généraux de l’Algérie élisent, dans la session pendant laquelle ils sont appelés à voter le budget, cinq délégués qui, réunis au conseil de gouvernement à Alger, y forment un conseil supérieur de gouvernement dont les attributions sont déterminées par le décret du 10 décembre 1860, art. 12. La principale est d’émettre un avis sur le budget annuel de l’Algérie, l’assiette et la répartition des divers impôts.

Le conseil supérieur de gouvernement se réunit en session ordinaire, après la session dans laquelle les conseils généraux ont été appelés à voter le budget. Le gouverneur général civil le convoque en session extraordinaire toutes les fois qu’il y a lieu. (D. 7 oct. 1871, art. 3 et 4.)

16. Le budget général de l’Algérie, ainsi préparé par le gouverneur général, en conseil supérieur, est adressé par lui au ministre de l’intérieur (D. 6 mai 1871), et il est ensuite voté par le pouvoir législatif, avec le budget général de l’État.

17. Les recettes du budget de l’Algérie consistent en produits ayant un caractère général, tels que contributions directes, enregistrement et timbre, domaines, forêts, douanes et sels, contributions indirectes, postes et télégraphes, impôts arabes, etc., et en produits divers tels que ceux des redevances sur les mines, des poids et mesures, etc., des prises faites sur l’ennemi, contributions extraordinaires de guerre. — Ces revenus sont compris au budget général des voies et moyens sous le titre : Produits et revenus de l’Algérie. (Ord. 17 janvier 1845, art. 11 ; D. 26 décembre 1864, art. 3 ; D. 6 mai 1871, art. 2.)

18. Les dépenses du même budget ont été déterminées par l’ordonnance du 17 janvier 1845 (tableau B). Les modifications successives de l’organisation ont entraîné des changements correspondants pour cette nomenclature qui comprend douze chapitres au budget de 1875. — Les prisons et les services pénitentiaires qui faisaient autrefois l’objet du chapitre 5 du budget de l’Algérie, ont été placés sous l’autorité directe du ministre de l’intérieur par un décret du 18 décembre 1874.

19. Nous allons, en suivant l’ordre adopté dans le budget, pénétrer dans le détail de l’administration locale et des services publics ; mais avant de quitter ce qui regarde le gouvernement proprement dit, nous voudrions dire quelques mots du régime législatif, encore fort incertain, de l’Algérie.

20. Ainsi qu’il a été énoncé plus haut, d’après les ordonnances des 22 juillet 1834 et 26 septembre 1842, et de l’assentiment au moins tacite des assemblées délibérantes, le pouvoir législatif, en Algérie, n’a cessé d’être exercé par le chef de l’État qui a usé de ce droit soit par des prescriptions directes, soit en promulguant, en tout ou en partie, les lois, ordonnances ou décrets déjà en vigueur dans la métropole.

21. Toutefois, on n’a jamais admis que l’Algérie fût régie exclusivement par les textes expressément édictés ou promulgués. Ainsi que l’a exprimé la Cour de cassation, dans un arrêt du 15 juillet 1868, « la conquête et l’occupation permanente de l’Algérie, devenue territoire français, y ont virtuellement et de plein droit rendu exécutoires les lois d’ordre général précédemment existantes en France, dans la mesure où ces lois pourraient recevoir application sur le sol algérien. » Par la force des choses, la législation générale de la France a suivi en Algérie, terre française (Constitution du 4 novembre 1848, art. 109), les Français qui ont été s’y fixer ; mais il reste à déterminer, pour chaque loi spéciale, la mesure dans laquelle elle peut recevoir application sur le sol algérien et cette détermination n’est pas exempte de difficulté.

22. M. de Ménerville, dans son Dictionnaire de la législation algérienne, 3e vol. (Vo Promulgation), distingue entre les lois antérieures au 22 juillet 1834 et les lois postérieures. Pour les premières, il pense qu’une promulgation ne deviendrait nécessaire que si le gouvernement entendait restreindre le droit général ou y apporter des modifications. Les lois postérieures à 1834, qui n’ont eu pour objet que de modifier ou abroger une loi préexistante et déjà exécutoire en Algérie, lui paraissent exécutoires de plein droit, sauf promulgation spéciale, et cette opinion nous semble au-dessus de la controverse ; quant aux lois postérieures à 1834 qui sont introductives d’un droit nouveau, une promulgation spéciale est, selon lui, indispensable. C’est aussi ce que la Cour de cassation a décidé dans un arrêt du 28 janvier 1874.

23. « Il est de principe, dit cet arrêt, que, par l’effet de l’ordonnance royale du 22 juillet 1834, qui a placé l’Algérie sous le régime particulier des ordonnances, les lois de la métropole n’y sont devenues exécutoires depuis lors qu’en vertu d’une promulgation spéciale ; même pour la période antérieure, elles n’y ont été applicables à l’origine que facultativement, en laissant, d’ailleurs, aux indigènes entre eux, leur justice et leurs coutumes ; pour la période postérieure, la nécessité de cette promulgation a toujours été maintenue en thèse générale, afin de pouvoir régler constamment, dans la colonie, le progrès des institutions sur le progrès des habitudes et des mœurs. »

24. Quelle que soit l’autorité de ces règles, on a vu appliquer en Algérie, sans promulgation spéciale, la loi du 12 juillet 1865 sur les chemins de fer d’intérêt local. (Déc. 29 avril 1874, relatif au chemin de Bone à Guelma.) Les conseils généraux d’Algérie, avec l’assentiment au moins tacite du Gouvernement, ont appliqué, quoique non promulguée, la loi du 10 août 1871, et désigné, comme les conseils généraux de France, des commissions départementales qui n’ont jamais vu contester la légalité de leur action.

CHAP. II. — ADMINISTRATION PROVINCIALE ET DÉPARTEMENTALE.

Sect. 1. — Généralités.

25. Jusqu’aux derniers temps de l’Empire, dans chaque province, l’administration générale du territoire civil et du territoire militaire était confiée à un général de division qui prenait le titre de général commandant la province. (Déc. 7 juillet 1864, art. 13.) C’était sous l’autorité de ce général que le préfet administrait le territoire civil de chaque province. (Ibid., art. 17.) Le préfet, d’ailleurs, avait sous ses ordres les chefs des différents services civils et financiers dont l’action s’étendait sur les deux territoires. Il surveillait ces services, soit en vertu de son autorité directe dans le territoire civil, soit dans le territoire militaire, en vertu d’une délégation du général commandant la province qui, en fait, était toujours donnée. (Ibid., art. 18.)

26. Cette subordination des préfets aux généraux avait soulevé de vives répugnances qui s’étaient manifestées notamment au cours d’une enquête dirigée par M. le comte Lehon. Pour donner satisfaction, à cet égard, à l’opinion publique et « en attendant les mesures qui devaient fixer le nouveau régime administratif de l’Algérie », le décret du 31 mai 1870 avait décidé que les préfets exerceraient dans les départements la plénitude des pouvoirs administratifs et correspondraient directement avec le gouverneur général, sans relever d’aucune autre autorité (art. 1er). Les pouvoirs administratifs des généraux commandant les provinces étaient limités aux territoires militaires, et ces généraux devaient exercer désormais, dans ces territoires, toutes les attributions dévolues à l’autorité préfectorale (art. 2). Pour leur en donner les moyens, un arrêté du gouverneur général du 11 juin 1870 avait détaché des préfectures et mis à leur disposition un bureau administratif chargé de la préparation et de l’expédition des affaires civiles.

27. Le Gouvernement de la défense nationale, trouvant les choses en cet état, put bien décréter que les trois départements de l’Algérie constitueraient à l’avenir un seul et même territoire. (Déc. 24 octobre 1870, art. 4.) Mais il fut ajouté que « néanmoins, jusqu’à ce qu’il en eût été décidé autrement, les populations européennes et indigènes établies dans les territoires dits actuellement territoires militaires, continueraient à être administrées par l’autorité militaire. » Une tentative d’organisation civile fut faite par le décret du 24 décembre 1870 ; l’article 1er décida que, dans toute l’étendue du Tell[1], seraient détachés des territoires dits militaires et passeraient immédiatement sous l’autorité civile tous les territoires de tribus contigus aux territoires civils actuellement existants ; mais l’absence de toute mesure efficace pour assurer le fonctionnement de l’administration civile a empêché l’exécution de ce décret jusqu’au moment où, comme nous le dirons bientôt, elle a été reprise par la création des circonscriptions cantonales, création qui n’a pu être que partielle, mais qui peut devenir l’instrument de l’assimilation.

Sect. 2. — Administration des territoires civils.
art. 1. — préfets, sous-préfets, commissaires civils, chefs de circonscription cantonale.

28. Préfets. Le territoire civil de chaque département est administré par un préfet, sous l’autorité du gouverneur général civil. (Déc. 31 mai 1870, art. 1er ; 24 octobre 1870, art. 7.) Le préfet a sous ses ordres les chefs des différents services civils et financiers dont l’action s’étend sur les deux territoires. D’après un arrêté du commissaire extraordinaire, en date du 3 décembre 1870, ces services sont ceux du cadastre, de la topographie, des ponts et chaussées, des mines et forages, de l’enregistrement et des domaines, des contributions diverses, des forêts. Les postes et la télégraphie relèvent directement du gouverneur général.

Suivant le même arrêté « il résulte formellement des termes du décret du 24 octobre 1870 que les agents de ces divers services relèvent directement de l’autorité civile, représentée au chef-lieu de chaque département par le préfet, et que si, au territoire dit militaire, ils doivent fonctionner sous l’impulsion de l’autorité chargée de l’administration civile et en vertu de ses réquisitions, ces réquisitions doivent leur être transmises par leur supérieur direct, qui est le préfet ; que c’est également vis-à-vis de ce fonctionnaire qu’ils sont responsables de l’exécution du service accompli en territoire dit militaire. »

29. L’autorité du préfet, en Algérie, est de la même nature que celle des préfets en France ; elle s’exerce à peu près dans les mêmes conditions, car le décret du 27 octobre 1858 qui, après la création du ministère spécial, avait réglementé l’organisation administrative en Algérie, avait emprunté au décret du 25 mars 1852 la décentralisation administrative, et une décision impériale du 21 décembre 1861 avait promulgué en Algérie, sous certaines modifications, le décret du 13 avril 1861 portant extension des attributions des préfets et des sous-préfets. La nomenclature des emplois auxquels les préfets nomment directement est contenue dans un tableau annexé à l’article 10 du décret du 27 octobre 1858 ; elle est à peu près calquée sur celle qui est renfermée dans l’art. 5 du décret du 25 mars 1852. De même, on retrouvera, dans les tableaux annexés à l’art. 11 du décret du 27 octobre 1858, les affaires générales, départementales et communales qui sont énumérées dans les tableaux annexés aux décrets de 1852 et de 1861. Comme en France, les préfets statuent tantôt en conseil de préfecture, tantôt sans l’intervention de ce conseil. La forme de leurs actes et l’autorité qui s’y attache est absolument la même que dans la métropole.

30. Sous-préfets et commissaires civils. La division du département en arrondissements, introduite par l’arrêté du 9 décembre 1848, subsiste en principe ; mais quelques arrondissements seulement ont des sous-préfets. Aux termes de l’art. 20 du décret du 2 juillet 1864 « les sous-préfets relèvent directement du préfet, qui peut leur déléguer ses attributions pour statuer sur les affaires d’intérêt local qui exigeaient jusqu’à ce jour la décision préfectorale. » Les sous-préfets, indépendamment de cette délégation facultative, exercent les attributions déléguées aux sous-préfets de la métropole par le décret du 13 avril 1861, et statuent en outre sur diverses affaires civiles énumérées par la décision impériale du 21 décembre 1861 ; ainsi, ils délivrent les alignements et nivellements et autorisent les établissements insalubres de troisième classe.

31. Les commissariats civils sont une institution transitoire destinée à disparaître par l’organisation des territoires civils ; elle a servi et sert encore à protéger, dans les territoires où ils se fixaient, les groupes d’Européens qui allaient s’établir dans l’intérieur, sur des points où la conquête avait créé des intérêts.

Les commissaires civils, dont la création remonte à 1834, mais dont l’organisation n’avait été réellement fixée que par l’arrêté ministériel du 18 décembre 1842, avaient des attributions à la fois administratives et judiciaires. Le décret du 7 juillet 1864 a maintenu les premières, en décidant (art. 21 ) que les commissaires civils auraient, dans leur ressort, les mêmes attributions que les sous-préfets. Ils relèvent soit directement du préfet, soit du sous-préfet à l’arrondissement duquel leur district est rattaché. — Quant à leurs attributions judiciaires, ils sont placés sous le contrôle et la surveillance du procureur général.

32. Circonscriptions cantonales. En retirant à l’autorité militaire l’administration d’une grande partie des territoires qui lui avaient été exclusivement soumis jusque-là, le décret du 24 décembre 1870 n’avait rien fait pour instituer dans ces territoires une administration civile, si ce n’est d’inviter le commissaire extraordinaire à prendre telles mesures qu’il y aurait lieu, au moyen des autorités communales et départementales les plus voisines. Comme ces autorités étaient dépourvues de tout moyen d’action, l’invitation ne pouvait que rester sans effet.

33. Néanmoins, le principe demeurait ; pour le faire passer dans l’application, le gouverneur général civil, compétent pour délimiter et organiser les territoires militaires et les populations indigènes, créa, par un arrêté du 24 novembre 1871, ce qui fut appelé d’abord arrondissement-cercle et ensuite du nom nouveau de circonscription cantonale. « L’action administrative du préfet, dit l’art. 1er de cet arrêté, sera étendue, graduellement et par décisions spéciales, sur toutes les populations indigènes de la région tellienne. » D’après l’art. 2 du même arrêté, les chefs des circonscriptions cantonales sont, en général, des officiers supérieurs de l’armée ; ils relèvent du préfet pour tout ce qui est du domaine de l’administration civile, correspondent avec le gouverneur général pour tout ce qui intéresse l’ordre et la sécurité publique, mais continuent de rester sous les ordres des généraux pour tout ce qui, dans la France continentale, est du ressort du commandement militaire territorial. — Cette disposition supposait, de la part du ministère de la guerre, un concours qui n’a pas été obtenu.

34. Cependant, sur quatre-vingts circonscriptions que pouvait former la région tellienne, il en a été organisé vingt-huit ou trente, et un décret du Président de la République, du 20 février 1873, en sanctionnant les arrêtés de création, a fixé, conformément à un tableau et plan figuratif dressé sur l’avis des conseils généraux, la liste des circonscriptions que des arrêtés du gouverneur général devaient placer successivement sous l’autorité administrative des préfets. Il restait à donner aux chefs de circonscriptions cantonales les auxiliaires indispensables du pouvoir civil, à savoir, la justice et la force publique, car, à défaut de ces organes essentiels, on ne peut que réclamer l’appui de l’autorité militaire, et alors la présence d’un agent civil et son institution même n’ont d’autres effets que de donner à l’intervention de cette autorité le caractère de l’arbitraire et de l’illégalité qu’elle n’avait point lorsqu’elle s’exerçait concurremment avec le commandement.

35. Cette insuffisance de moyens d’action, si elle n’a pas fait renoncer à l’institution des circonscriptions cantonales, en a du moins arrêté le développement ; un décret du 11 septembre 1873 autorise le gouverneur général civil de l’Algérie à suspendre l’exécution des décrets des 24 décembre 1870 et 20 février 1873 dans toutes les parties du territoire où il jugera leur application prématurée, et à replacer transitoirement ces territoires sous l’action du commandement militaire. — Les considérants qui précèdent le décret indiquent que ces derniers mots se réfèrent à l’arrêté ministériel du 5 avril 1860, portant institution de commissions disciplinaires.

art. 2. — conseils généraux et budget départemental.

36. Le système électif a été introduit en Algérie pour les conseils généraux, par le décret du 11 juin 1870 ; mais les conseils nommés en vertu de ce décret ont été dissous et la composition des nouveaux conseils a été réglée par un décret du 28 décembre 1870. Le nombre des membres, pour chaque département, est fixé à trente ; les conditions d’éligibilité sont celles qui existent en France ; il y a en outre, dans chaque conseil, six assesseurs musulmans qui ont voix délibérative. (D. 29 novembre 1871.)

37. Ainsi que nous l’avons dit déjà, la loi du 10 août 1871, quoique non promulguée, a été appliquée en fait pour l’élection des conseils généraux ; ces conseils procèdent eux-mêmes à la vérification des pouvoirs de leurs membres ; le décret du 20 décembre 1871, qui a dissous le conseil général d’Alger, a visé les art. 33 et 35 de cette loi, et l’existence et le fonctionnement de commissions départementales ne laissent pas de doute sur l’acceptation par le Gouvernement d’un état de choses consacré par une pratique de plusieurs années. Il faut donc se reporter, pour tout ce qui regarde les sessions du conseil général, à ce qui, dans cet ouvrage, concerne les conseils généraux de la métropole. (Voy. Conseil général.)

38. Mais l’introduction en Algérie de la loi du 10 août 1871 n’a pu effacer des différences d’attributions qui correspondent à ce que l’organisation des départements algériens présente encore d’incomplet ou de spécial. Aussi, dans les procès-verbaux des délibérations des conseils généraux d’Algérie trouve-t-on toujours la nomenclature des recettes et des dépenses telle qu’elle résulte du décret du 27 octobre 1858.

39. Le budget de chaque province, préparé de concert entre le préfet et le commandant du territoire militaire, est présenté au conseil général par le préfet. Il est délibéré par le conseil général et réglé définitivement par un décret du chef de l’État. (Déc. 27 oct. 1858, art. 41.)

Les dépenses sont celles dont l’énumération est fournie par l’art. 44 du décret du 27 octobre 1858. Toutefois, l’une des plus lourdes a été supprimée par le décret du 23 décembre 1874 portant règlement sur le service de l’assistance hospitalière en Algérie. Dans ce pays, où la population flottante est relativement considérable, l’assistance hospitalière était restée une charge départementale ; les hôpitaux et hospices civils de l’Algérie qui ne sont pas propriété communale ou privée sont maintenant, à titre d’établissements coloniaux, placés sous l’administration supérieure du préfet ; en d’autres termes, l’État en supportera directement la dépense au lieu d’y pourvoir indirectement par des subventions.

40. La ressource des centimes additionnels fait défaut aux départements algériens, puisque les contributions foncière et personnelle-mobilière n’y sont pas encore introduites ; les recettes ordinaires trouvent donc leur principal aliment dans la part attribuée au département sur le produit net des impôts arabes. Cette part, jusqu’en 1875, a été de cinq dixièmes ; elle a été réduite à quatre dixièmes lorsque l’État a pris à sa charge les dépenses de l’assistance hospitalière. (Déc. 23 déc. 1874.)

Les autres recettes ordinaires sont énumérées à l’art. 48 du décret du 27 octobre 1858, et les recettes extraordinaires à l’art. 49 du même décret. Le fond commun qui existait entre les trois départements a été supprimé par un décret du 6 février 1871.

art. 3. — conseils de préfecture.

41. L’organisation donnée aux conseils de préfecture de la métropole par la loi du 21 juin 1865 a été appliquée à ceux de l’Algérie par un décret du 19 décembre 1868. La procédure est celle des conseils de préfecture de France, car le décret du 12 juillet 1865 a été promulgué en Algérie sauf des modifications apportées aux art. 8 et 12 et qui ont pour objet d’augmenter des délais. (Déc. 19 déc. 1868.) — La fixation du nombre des conseillers résulte d’un décret du 25 mars 1865 ; l’attribution des fonctions de commissaire du Gouvernement au secrétaire général de la préfecture, d’un décret du 16 avril 1863 qui a rendu exécutoire en Algérie celui du 30 décembre 1862. Enfin, l’art. 9 du décret du 27 octobre 1858 pourvoit à la désignation des suppléants en cas d’insuffisance du nombre des membres appelés à délibérer. — La compétence des conseils de préfecture s’étend au territoire militaire comme au territoire civil. — Le délai du recours contre leurs décisions est celui de trois mois qui est imparti aux habitants de la France continentale. (Déc. 22 juillet 1806, art. 13 ; L. 11 juin 1859, art. 1er.)

42. En ce qui concerne les attributions, elles sont, en principe, celles des conseils de préfecture de la métropole. (Arr. 9 déc. 1848, art. 13.) Fonctions consultatives, fonctions de tutelle, fonctions juridictionnelles en matière de contributions et de taxes assimilées, de logements insalubres, de cours d’eau, d’élections municipales, de fabriques, de marchés, de mines, de servitudes militaires, de travaux publics, de police du roulage et de voirie ; toutes ces attributions ne peuvent donner lieu ici qu’à un renvoi aux matières correspondantes.

43. Sous le régime de l’ordonnance du 21 juillet 1846, maintenue par la loi du 16 juin 1851, les conseils de préfecture avaient une part dans l’œuvre de la constitution de la propriété par la vérification des titres ; la loi du 26 juillet 1873, sur l’établissement de la propriété individuelle, ne confie le contentieux de cette opération qu’aux tribunaux de l’ordre judiciaire. Les conseils de préfecture d’Algérie gardent, cependant, leurs attributions en matière de partage de biens indivis. (Déc. 2 avril 1854.) Ils n’ont aucune compétence en matière de séquestre. En cas d’erreur matérielle sur les choses ou sur les personnes, le recours ouvert aux propriétaires séquestrés doit être porté non devant le conseil de préfecture, mais devant le ministre de l’intérieur dont la décision peut être déférée au Conseil d’État. (Arr. du Conseil d’État des 12 juillet 1860 et 7 juin 1865.)

Sect. 3. — Administration des territoires militaires.

44. À part un essai d’organisation municipale dont il sera question plus bas (no 49 et suiv.), l’administration des territoires militaires se confond avec le commandement. (Arr. du 16 déc. 1848, art. 43.) La direction supérieure en appartient, dans chaque province, sous l’autorité du gouverneur général, au général commandant la division. Dans chaque subdivision et dans chaque circonscription de commandement, l’administration du territoire militaire est exercée, sous les ordres du général commandant la division, par les officiers investis du commandement militaire. (Ibid., art. 46.)

45. Il y a, auprès de chaque général commandant de province, pour l’expédition des affaires civiles, un bureau administratif composé d’un chef de bureau et de deux employés titulaires. Ce personnel, emprunté aux cadres de l’administration provinciale, est rétribué conformément au tarif des traitements adopté pour les préfectures. (Arr. du gouverneur général du 11 juin 1870.) Au moyen de ces auxiliaires, le bureau arabe départemental est supprimé en droit ; il subsiste, en fait, sous le nom de section des affaires indigènes, dans les bureaux des états-majors divisionnaires.

46. Le général commandant la province a sous ses ordres, au même titre que le préfet du département, pour l’administration du territoire militaire, les chefs des différents services civils dont l’action s’étend sur les deux territoires. Et comme, en vertu de l’art. 26, § 2, du décret du 7 juillet 1864, la juridiction du conseil de préfecture s’étend à tout le territoire, le général doit prendre les avis de ce conseil dans toutes les matières où le préfet doit statuer en conseil de préfecture. Il saisit directement le conseil soit en matière contentieuse, soit lorsqu’il y a lieu à l’exercice des attributions consultatives. Pour les affaires du territoire militaire, le conseil de préfecture est toujours présidé par son vice-président. (Arr. précité, art. 3 et 4.)

47. Comme les préfets, les généraux commandant les provinces envoient périodiquement au gouverneur général des rapports d’ensemble pour tout ce qui concerne l’administration du territoire militaire. Ces rapports sont examinés et l’impulsion est donnée au service des affaires indigènes par le deuxième bureau du cabinet militaire du gouverneur général, transformation du bureau politique aboli par le décret du 24 décembre 1870, mais non remplacé. (Arr. précité, art. 5.) — Les dépenses sont ordonnancées, en territoire militaire, par l’intendant militaire pour les dépenses administratives et, pour les travaux, par le directeur des fortifications ou le directeur de l’artillerie, suivant le cas. (Ibid., art. 7.) — Nous avons dit que le budget du territoire militaire est préparé avec celui du territoire civil et présenté au conseil général par le préfet.

48. Au-dessous de l’unité provinciale nous trouvons la subdivision qui semblerait devoir correspondre à l’arrondissement du territoire civil ; mais le régime spécial a précisément pour raison d’être les différences qui s’opposent à une semblable assimilation ; il ne peut s’agir que d’un fractionnement un peu arbitraire opéré en tenant compte des exigences de l’occupation militaire, du recouvrement de l’impôt et de la gestion des intérêts. On a donc emprunté à l’organisation communale ses traits essentiels et, suivant que l’état de la population européenne le permettait, on s’est plus ou moins rapproché de la commune de plein exercice du territoire civil.

49. Ainsi, le territoire militaire de chaque subdivision est divisé en communes mixtes et en communes subdivisionnaires. (Arr. 20 mai 1868, art. 1er.) Les unes et les autres sont personnes civiles ; elles exercent, à ce titre, tous les droits, prérogatives et actions dont les communes de plein exercice sont investies par la loi. (Ibid., art. 4.)

50. L’existence de la commune subdivisionnaire constitue, pour ainsi dire, le principe ; cette commune est le cadre dans lequel viennent se renfermer les intérêts groupés dans la subdivision militaire. Le commandant de la subdivision les administre avec l’assistance d’un conseil composé des commandants de cercle, du sous-intendant militaire, des commandants, du génie, du chef du bureau arabe de la subdivision et de notables indigènes en nombre égal à celui des cercles, sans que ce nombre puisse être inférieur à quatre. (Ibid., art. 16.) Voilà donc le maire et le conseil municipal de la commune subdivisionnaire ; l’arrêté du 20 mai 1868 lui a donné aussi un domaine, créé son budget, fixé la nomenclature de ses dépenses et de ses recettes, réglé sa comptabilité.

51. Les douars dans lesquels la propriété a été reconnue en exécution du sénatus-consulte du 22 avril 1863, forment dans le sein de la commune subdivisionnaire des agglomérations naturelles ; l’arrêté du 20 mai 1868 en a composé des sections distinctes administrées par une djemaâ, sorte de conseil municipal présidé par le caïd ou cheick assisté de notables, nommés pour trois ans par le général commandant la province, susceptibles d’être renommés, mais aussi d’être révoqués ou suspendus. Il est attaché à chaque djemaâ un secrétaire qui remplit en même temps les fonctions d’inspecteur dans le douar et qui est en outre chargé, sous la surveillance du caïd ou cheick du douar et le contrôle de la djemaâ, de la tenue des registres de l’état civil. (Arr. 20 mai 1868, art. 61.) — Les recettes des douars sont rattachées au budget de la commune subdivisionnaire.

52. Les communes mixtes comprennent les centres de population habités à la fois par des indigènes et des Européens et qui, possédant des ressources propres, ne renferment pas encore une population européenne suffisante pour recevoir l’application immédiate du décret du 27 décembre 1866. (Voy. infrà, no 59.) Les communes mixtes peuvent être divisées en sections par l’arrêté qui en détermine l’organisation ou la délimitation. Elles ont pour centre administratif le chef-lieu du cercle ou de l’annexe. On entend par annexe une circonscription particulière créée dans un cercle trop étendu. (Arr. 20 mai 1868, art. 2.)

53. Le domaine des communes mixtes se compose des biens meubles et immeubles réputés communaux pour les communes de plein exercice. (Ibid., art. 5.) Ces communes sont administrées par des commissions municipales composées, suivant l’importance de la population, de sept, neuf ou onze membres choisis parmi les habitants français (Européens ou indigènes), et remplissant les conditions exigées pour faire partie des conseils municipaux en Algérie. (Arr. 24 nov. 1871.) Le commandant de cercle ou le chef d’annexe préside cette commission ; les fonctions d’officiers de l’état civil sont remplies par le commandant de place ou un adjoint civil délégué. Les dépenses et les recettes des communes mixtes, les acquisitions, aliénations, baux, dons et legs faits à leur profit ou consentis par elles sont réglés par les dispositions de l’ordonnance du 28 juillet 1847, de l’arrêté du 4 novembre 1848 et du décret du 28 juillet 1860, c’est-à-dire par les textes qui régissent l’administration communale en Algérie. Il en est de même en ce qui concerne les actions judiciaires, les transactions et la comptabilité. (Arr. 20 mai 1868, art. 10 et suiv.) La principale ressource consiste dans les centimes additionnels à l’impôt arabe.

54. Bureaux arabes. Bien que ces essais d’organisation communale aient eu pour but de substituer un régime civil au régime du commandement pur et simple, le rôle de l’autorité militaire reste considérable, puisque les communes subdivisionnaires ou mixtes ont pour administrateurs suprêmes les officiers supérieurs investis du commandement. Pour l’accomplissement de cette mission, ils trouvent des auxiliaires dans les officiers des bureaux arabes.

55. Pas plus que les bureaux administratifs des préfets, les bureaux arabes, c’est-à-dire les bureaux administratifs, en matière indigène, des commandants militaires, n’ont d’action qui leur soit propre. Partout et à tous les degrés, dit une circulaire du gouverneur général du 21 mars 1867, les affaires arabes dépendent du commandant militaire qui, seul, a qualité pour signer les ordres et correspondre avec son chef immédiat, ses subordonnés et les différents services, suivant les règles de la hiérarchie. Toutefois, le commandant militaire peut déléguer le chef de son bureau arabe pour signer en son nom, et avec la mention par son ordre, la correspondance militaire avec les chefs indigènes et les ordres de détail. Il est interdit au chef du bureau arabe de faire usage d’un cachet particulier.

56. Le bureau arabe est chargé, sous la direction du commandant responsable : 1o de la police politique du territoire ; 2o de la police judiciaire (dans ce cas, il agit comme délégué des parquets) ; 3o avec l’assistance de la djemaâ de chaque douar, de la constatation des matières imposables ; 4o de l’établissement des états statistiques servant à dresser les rôles. Ces états, après être demeurés, pendant un certain temps, à la disposition des intéressés, afin de provoquer leurs réclamations, sont rendus exécutoires par le général commandant la division. L’impôt est perçu par le chef arabe collecteur et versé dans les caisses des contributions diverses ; 5o de la surveillance de la justice musulmane, des écoles de tribus et des corporations religieuses ; 6o de la surveillance des chefs indigènes, de la tenue des notices biographiques, sorte de casier administratif de tous les hommes influents de la circonscription ; 7o d’écouter les réclamations, de les instruire et d’en rendre compte au commandant.

57. Cette nomenclature très-sommaire trouverait son complément dans la circulaire déjà citée du gouverneur général du 21 mars 1867. Elle suffit à faire comprendre l’importance de l’institution et les critiques dont elle a été l’objet. Le personnel des bureaux arabes se recrute dans l’armée, conformément au décret du 5 mars 1866. Des interprètes de l’armée et des spahis y sont attachés suivant les besoins du service.

CHAP. III. — ADMINISTRATION COMMUNALE.
Sect. 1. — Généralités ; composition du corps municipal.

58. L’ordonnance du 28 septembre 1847, après des essais partiels dont il est inutile de rendre compte a constitué la commune en Algérie. L’art. 1er de cette ordonnance dispose que les centres de population de l’Algérie seront érigés en communes lorsqu’ils auront acquis le développement nécessaire, en d’autres termes, lorsque leurs dépenses pourront s’équilibrer avec leurs recettes. Dans son ensemble, l’ordonnance dont il s’agit est calquée sur la loi du 18 juillet 1837 ; la loi du 5 mai 1855 a été promulguée en Algérie, en même temps qu’un décret du 27 décembre 1866 rendait les conseils municipaux électifs ; un autre décret du 19 décembre 1868 a transporté en Algérie les principes de la loi municipale du 24 juillet 1867 ; enfin, la loi du 20 janvier 1874, sur la nomination des maires et adjoints, est applicable dans la colonie. (Déc. 12 fév. 1874.) Nous aurons donc à signaler surtout des analogies.

59. La différence principale et l’obstacle le plus considérable à la constitution de nouvelles communes consiste dans l’absence de la ressource que les communes de la métropole trouvent dans les centimes additionnels dont le vote, la répartition, l’emploi et le contrôle occupent une place si considérable dans l’organisation et la gestion des services communaux. Cependant le nombre des communes qu’on appelle de plein exercice s’accroît constamment, mais avec une certaine lenteur.

60. Aux termes de l’art. 20 de la loi du 14 avril 1871, et soit d’après les explications échangées à la séance de l’Assemblée nationale du 27 avril de la même année, soit d’après la pratique, aujourd’hui constante, qui s’est formée sous l’empire de ces explications, le décret du 26 décembre 1866, qui avait réglé l’organisation municipale en Algérie, ne conserve son autorité que dans les dispositions qui concernent les indigènes musulmans et les étrangers. La reconstitution des conseils municipaux s’est donc faite sur la base du suffrage universel, et le décret du 12 octobre 1871 a ordonné qu’elle aurait lieu au moyen des listes établies pour les conseils généraux.

61. L’incertitude trop fréquente sur la véritable nationalité des israélites résidant en Algérie, en jetant du doute sur le point de savoir si tel ou tel israélite avait réellement profité du décret de naturalisation collective du 24 octobre 1870, a obligé à leur imposer des formalités particulières pour l’inscription sur les listes électorales. Ils ont à justifier, dans les formes prescrites par un décret du 7 octobre 1871, qu’ils sont nés en Algérie avant l’occupation française ou de parents établis en Algérie avant l’époque où cette occupation s’est produite, et qu’ils remplissent, d’ailleurs, les autres conditions de la capacité civile.

62. Sont donc électeurs municipaux :

1o Au titre français : tout citoyen français ou naturalisé français, âgé de vingt et un ans, domicilié au moins depuis un an dans la commune ; tout indigène israélite remplissant les mêmes conditions et qui aura, d’ailleurs, justifié de son indigénat dans les formes prescrites par le décret du 7 octobre 1871 ;

2o Au titre indigène : tout musulman ayant deux ans de résidence dans la commune et ayant réclamé son inscription en déclarant le lieu et la date de sa naissance. (Déc. 10 sept. 1874.)

3o Au titre étranger : tout étranger remplissant les mêmes conditions et ayant trois années de résidence en Algérie. (Ibid. et D. 27 déc. 1866, art. 10.)

63. Tout électeur inscrit sur la liste électorale peut réclamer l’inscription ou la radiation, sur cette liste, d’un indigène musulman ou d’un étranger qui y serait omis ou indûment inscrit. (Ibid.)

64. Les indigènes et les étrangers doivent, en outre, se trouver dans l’une des conditions suivantes : être propriétaire foncier ou fermier d’une propriété rurale ; exercer une profession, un commerce ou une industrie sujets à l’impôt des patentes ; être employé de l’État, du département ou de la commune ; être membre de la Légion d’honneur, décoré de la médaille militaire, d’une médaille d’honneur ou d’une médaille commémorative donnée ou autorisée par le Gouvernement français, ou titulaire d’une pension de retraite. (Ibid.)

65. La révision annuelle des listes a lieu conformément au titre II du décret organique du 2 février 1852, au titre Ier du décret réglementaire de la même date, et au décret du 13 janvier 1866. (Ibid., art. 11.) — La liste est divisée par catégories distinctes correspondant aux divers titres auxquels le droit électoral peut être exercé : électeurs au titre français ; électeurs au titre indigène ; électeurs au titre étranger. Les inscriptions dans chaque catégorie ont lieu par ordre alphabétique. (Arr. du gouv. gén. 18 oct. 1871.)

66. Les élections ont lieu au scrutin de liste pour toute la commune. Néanmoins, la commune peut être divisée en sections dont chacune élit un nombre de conseillers proportionné à sa population. En aucun cas, ce fractionnement ne peut être fait de manière qu’une section ait à élire moins de deux conseillers français. (Ibid. et L. 14 avril 1871, art. 3.) L’art. 43 de la loi du 10 août 1871, aux termes duquel le conseil général procède chaque année, dans sa session d’août, à la révision des sections électorales et en dresse le tableau, n’est pas exécuté en Algérie. La division en sections est faite ou modifiée par le préfet. (Arr. 18 octobre 1871, art. 7.) — La réunion des électeurs ne peut avoir lieu avant le dixième jour à compter de l’arrêté du préfet qui opère le sectionnement. (D. 19 déc. 1868, art. 13.)

67. Dans toutes les communes, quelle que soit leur population, le scrutin ne dure qu’un jour. Le dépouillement du vote est fait immédiatement. (Ibid. et L. 14 avril 1871, art. 7.) Une circulaire du gouverneur général du 7 septembre 1871, insérée au Bulletin officiel, a tracé aux préfets les règles à suivre pour la régularité des opérations électorales. Ces prescriptions, empruntées à la pratique de la métropole, ont été implicitement sanctionnées par un décret du 12 octobre 1871 qui a décidé que les élections à faire le 12 novembre 1871, pour le renouvellement intégral des conseils municipaux de l’Algérie, auraient lieu sur les listes que le gouverneur général avait fait dresser. — Au surplus, l’assemblée des électeurs et les voies de recours sont régies par la section 3 de la loi du 5 mai 1855. (Déc. 26 déc. 1866, art. 15.)

68. Le corps municipal de chaque commune se compose du maire, d’un ou de plusieurs adjoints et de conseillers municipaux ; aucun traitement n’est affecté aux fonctions de maire ou d’adjoint. Toutefois, les maires peuvent recevoir une indemnité dont le taux est fixé, pour chaque commune, par le gouverneur général, après avis du conseil municipal. Cette indemnité est portée au budget de la commune comme dépense obligatoire. — Un arrêté du commissaire de la République, du 1er février 1871, a prononcé l’annulation de deux délibérations du conseil municipal d’Alger qui, à la date des 26 octobre 1870 et 20 janvier 1871, avaient attribué des indemnités à deux de ses membres chargés spécialement de fonctions qui les détournaient de leurs occupations ordinaires.

69. Les maires et adjoints sont nommés par le Président de la République, dans les chefs-lieux de département, d’arrondissement, ou dans les villes où siége un tribunal de première instance. Dans les autres communes ils sont nommés par le préfet. (Déc. 12 février 1874, art. 1er.) Ils ne peuvent être choisis que parmi les citoyens français ou naturalisés français, âgés de vingt et un ans accomplis, membres du conseil municipal ou électeurs dans le département. Toutefois, dans les communes qui n’auront pas une existence communale d’au moins dix ans, les maires et adjoints pourront être pris en dehors des électeurs du département ; mais, dans ce cas, ils devront être résidants, propriétaires ou chefs d’établissement, et leur nomination sera faite par le gouverneur général civil, en conseil de gouvernement. (Ibid.)

70. Les maires et adjoints sont nommés pour cinq ans. Ils remplissent leurs fonctions, même après l’expiration de ce terme, jusqu’à l’installation de leurs successeurs. Ils peuvent être suspendus par arrêté du préfet. Cet arrêté cesse d’avoir son effet s’il n’est confirmé, dans le délai de deux mois, par le gouverneur général. La révocation des maires et adjoints ne peut être prononcée que par un décret du Président de la République. — En cas d’absence ou d’empêchement, le maire est remplacé par l’adjoint ou l’un des adjoints dans l’ordre de nomination. (Déc. 27 décembre 1866, art. 5.)

Le nombre des adjoints français de chaque commune a été fixé par le chef de l’État. Pour les communes nouvelles, il est déterminé par le décret d’institution. (Ibid., art. 4.)

71. Dans les localités où la population indigène est assez nombreuse pour qu’il y ait lieu de prendre à son égard des mesures spéciales, le gouverneur général peut créer des adjoints indigènes dont il détermine le nombre et la résidence et qui peuvent être pris en dehors du conseil municipal et même de la commune. Ces adjoints sont nommés par le gouverneur général dans les chefs-lieux de département et d’arrondissement, et par les préfets dans les autres communes. Ils sont révoqués par des arrêtés du gouverneur général. Ils reçoivent un traitement dont le taux est fixé par le gouverneur général, après avis du conseil municipal, et qui est porté au budget de la commune, à titre de dépense obligatoire. (Déc. 27 décembre 1866, art. 6 ; 18 août 1868, art. 6 et suiv.)

L’adjoint indigène est placé sous l’autorité immédiate du maire ou de l’adjoint spécial, suivant qu’il est institué au chef-lieu de la commune ou dans une section ou annexe. (Ibid.)

72. Le conseil municipal se compose de neuf membres dans les communes de 2,000 habitants et au-dessous ; douze membres dans celles de 2,001 à 10,000 habitants ; dix-huit membres dans celles de 10,001 à 30,000 habitants ; vingt-quatre membres dans les communes de 30,000 habitants et au-dessus. — La ville d’Alger rentre seule dans cette dernière catégorie. — À la suite de chaque dénombrement quinquennal, un arrêté du gouverneur général civil fixe le nombre des conseillers municipaux de chaque commune et la part afférente à chacune des trois catégories d’habitants français, musulmans et étrangers.

73. Pour les incompatibilités et les empêchements résultant de la parenté, les règles sont celles des art. 9 à 12 de la loi du 5 mai 1855. (Déc. 27 décembre 1866, art. 15.)

Comme en France, les conseils municipaux peuvent être suspendus par le préfet, mais la dissolution ne peut être prononcée que par le chef de l’État. La suspension prononcée par le préfet est au maximum de deux mois ; elle peut être prolongée jusqu’à une année par le gouverneur général civil. (Ibid., et L. 5 mai 1855, art. 15.)

74. En cas de suspension, le préfet nomme immédiatement une commission pour remplir les fonctions du conseil municipal dont la suspension a été prononcée. — En cas de dissolution, la commission est nommée soit par le Président de la République, soit par le préfet, suivant la distinction établie par l’art. 2 du décret du 27 décembre 1866, c’est-à-dire suivant qu’il s’agit d’un chef-lieu de département ou d’arrondissement ou de toute autre commune. Pour entrer dans l’esprit du décret du 12 février 1874, il faudrait sans doute ajouter à la première catégorie les villes où siége un tribunal de première instance. (Voy. suprà, no 69.) Le nombre des membres de la commission municipale ne peut être inférieur à la moitié de celui des conseillers municipaux. La commission nommée en cas de dissolution peut être maintenue en fonctions pendant trois ans seulement. (Déc. 19 décembre 1868, art. 16.)

75. Aux termes de l’art. 15 du décret du 27 décembre 1866, les conseillers municipaux sont élus pour sept ans. En cas de vacances dans l’intervalle des élections septennales, il est procédé au remplacement quand le conseil municipal se trouve réduit aux deux tiers de ses membres.

Sect. 2. — Attributions du maire et des adjoints.

76. En Algérie de même qu’en France, le maire, chef de l’association communale, est en même temps le délégué du Gouvernement ; la section première du chapitre Ier, titre II, de l’ordonnance du 28 septembre 1847 qui a déterminé les attributions des maires, doit donc se combiner avec les lois des 14 décembre 1789 ; 16-24 août 1790 et 22 juillet 1791, qui ont constitué à nouveau le régime municipal dans la métropole.

Les indigènes établis sur le territoire civil sont administrés par l’autorité municipale de la commune dont ils font partie. À ce titre, le maire et, sous sa direction, les adjoints indigènes (voy. infrà, no 87) exercent, aux termes de l’art. 1er du décret du 18 août 1868, les attributions suivantes : surveillance des corporations ; gestion et surveillance des établissements de bienfaisance spéciaux aux musulmans ; surveillance des marchés indigènes ; des sages-femmes musulmanes ; des dellals ou encanteurs.

La population indigène flottante dont se composaient les corporations dites de Berranis, peut donner lieu à des mesures de police municipale.

77. Au surplus, l’ordonnance de 1847 a emprunté presque textuellement à la loi du 18 juillet 1837 toutes les dispositions relatives aux maires, à la réserve des articles 13 et 15. Le premier de ces textes confère aux maires de la métropole le droit de nommer les gardes champêtres. En Algérie, ces agents, ainsi que les gardes des eaux et les gardes champêtres arabes montés, sont nommés par les sous-préfets. (D. 20 nov. 1861, art. 3.)

L’article 15 de la loi du 18 juillet 1837 confère au préfet le droit de se substituer au maire en cas de refus ou de négligence de procéder à certains actes de ses fonctions ; bien que cette disposition ne se retrouve pas dans la législation spéciale, il n’est point douteux qu’elle soit virtuellement applicable.

78. Les maires, donc, remplissent, comme en France, les fonctions des officiers de l’état civil, avec la faculté de les déléguer à un adjoint ; ils remplissent également celles d’officiers de police judiciaire, conformément au Code d’instruction criminelle. (Ord. 28 sept. 1847, art. 25.) Il leur appartient de proposer aux préfets la détermination des infractions spéciales à l’indigénat.

Ils sont investis, par les articles 26, 27 et 30 de l’ordonnance précitée, des attributions qui sont définies dans les mêmes termes par les articles 9, 10 et 11 de la loi du 18 juillet 1837. (Voy. Organisation communale.)

79. Toutefois, il est nécessaire de signaler cette différence qu’en Algérie les arrêtés des maires ne deviennent exécutoires qu’au moyen de l’approbation du sous-préfet dans les arrondissements où il en existe un, ou du préfet dans les autres arrondissements (Déc. 21 décembre 1861, art. 2), tandis qu’en France ces mêmes arrêtés sont exécutoires de plein droit, si ce n’est lorsqu’ils portent règlement permanent, auquel cas ils deviennent, à défaut de réformation, exécutoires un mois après la remise de l’ampliation constatée par le récépissé du sous-préfet. (L. 18 juillet 1837, art. 11, in fine.)

80. La forme des adjudications auxquelles procède le maire est exactement celle qui est réglée par l’article 16 de la loi du 18 juillet 1837. (Ord. 28 septembre 1847, art. 28.)

Les adjudications ne sont valables et définitives à l’égard des communes qu’autant qu’elles ont été approuvées par le préfet. L’article 29 de l’ordonnance du 28 septembre 1847 a été modifié à cet égard par l’article 11 du décret du 27 octobre 1858, sur la décentralisation en Algérie.

81. Parmi les mesures locales à prendre par le maire sur les objets confiés à sa vigilance et à son autorité, figure au premier rang la police des marchés. Cette police avait fait l’objet d’un arrêté du gouverneur général du 28 juillet 1842 ; la Cour de cassation ayant déclaré cet arrêté illégal dans plusieurs de ses dispositions, cette matière a été replacée dans les attributions des maires par une décision du 23 mars 1861. Une circulaire du 25 mars 1861 a donné aux préfets des instructions pour l’exécution de cette décision. On y retrouvera les doctrines du rapport adopté, le 4 juin 1842, par la Chambre des députés, sur cette question. (Voy. Dufour, Droit administratif appliqué, tome Ier, p. 569, 3e édit.) Elle est peut-être plus importante que partout ailleurs, en Algérie, où les marchés des villes servent de rendez-vous à la population indigène dans un rayon très-étendu.

82. « L’autorité municipale, dit cette circulaire, a qualité pour défendre aux commerçants et revendeurs de se transporter sur les routes pour y attendre le passage du producteur et acheter ses denrées avant leur arrivée sur le marché. L’exercice de ce droit est parfaitement légal, et dans beaucoup de localités il pourra être utile d’y recourir comme au meilleur moyen d’assurer l’approvisionnement des marchés, tout en sauvegardant les intérêts des budgets communaux, et enfin de faciliter la sincérité des transactions et de prévenir les accaparements. »

La circulaire met ensuite les maires en garde contre la confusion entre les ventes et les achats faits publiquement dans les rues ou sur les voies publiques et les opérations qui doivent demeurer libres, telles que les ventes de gré à gré entre l’acheteur et le vendeur, dans leurs demeures ou magasins.

83. Nous avons dit plus haut que le maire ne nommait pas les gardes champêtres. Il pourvoit, comme en France, à tous les emplois communaux pour lesquels les lois, ordonnances et arrêtés ne prescrivent pas un mode spécial de nomination. Il suspend et révoque les titulaires de ces emplois. (Ord. 28 sept. 1847, art. 32.) La nomenclature de ces emplois est singulièrement restreinte ; elle ne comprend pas le personnel secondaire de la police, qui est nommé dans toutes les communes de l’Algérie par les préfets sur la proposition des maires. (D. 19 déc. 1868, art. 17.)

84. En ce qui concerne le receveur municipal, le maire et le conseil municipal intervenaient autrefois par voie de présentation ; l’art. 11 du décret du 19 décembre 1868 abroge à cet égard l’arrêté ministériel du 4 novembre 1848 et le 3o du tableau A du décret du 27 octobre 1858, en déclarant que les receveurs municipaux des communes chefs-lieux de département sont nommés par le gouverneur général, et les receveurs municipaux des autres communes par le préfet. Il reste, toutefois, admis que dans les communes dont les ressources annuelles sont inférieures à trente mille francs, ces fonctions doivent être confiées par le préfet à un agent des services financiers, moyennant un abonnement dont le taux est fixé par l’arrêté de nomination.

85. Les commissaires de police, dans les villes dont la population excède six mille habitants, sont nommés par le gouverneur général ; dans les localités d’une population inférieure, ils sont nommés par le préfet. (Déc. 27 octobre 1858, tableau A, 4o.) Ces agents reçoivent du maire, chargé de la police municipale et rurale et de l’exécution des mesures de sûreté générale, toutes injonctions et instructions dans la limite des lois, ordonnances, décrets et arrêtés qui régissent l’Algérie. Les maires exercent également une action directe sur les agents du service de la police établis dans les localités qu’ils administrent. (Arr. min. 17 janvier 1851.)

Un décret du 23 septembre 1872 a créé à Alger un commissaire central de police placé sous les ordres directs du gouverneur général et du préfet.

86. En cas d’absence ou d’empêchement, le maire est remplacé par l’adjoint ou un des adjoints résidant au chef-lieu de la commune, dans l’ordre des nominations. En cas d’absence ou d’empêchement du maire et des adjoints, le maire est remplacé par un conseiller municipal désigné par le préfet ou, à défaut de désignation, par le conseiller municipal français ou naturalisé français, le premier dans l’ordre du tableau. (Déc. 27 décembre 1866, art. 5.)

87. L’autorité des adjoints indigènes ne s’exerce que sur leurs coreligionnaires. — Indépendamment des attributions qui peuvent leur être déléguées par le maire, ils sont particulièrement chargés : — de fournir à l’autorité municipale tous les renseignements qui intéressent le maintien de la tranquillité et la police du pays ; — d’assister les agents du Trésor et de la commune pour les opérations de recensement, en matière de taxes et d’impôts ; — de prêter à toute réquisition leur concours aux agents du recouvrement des deniers publics. — Ils ne sont chargés de la tenue des registres de l’état civil musulman qu’en vertu d’une délégation spéciale du maire. — Ils siégent au conseil municipal au même titre que les autres adjoints. — En cas d’absence ou d’empêchement, l’adjoint indigène est remplacé par un conseiller municipal indigène désigné par le préfet ou, à défaut, par un notable habitant indigène, ou par tout autre intérimaire désigné par le préfet. (Ibid., art. 7.)

Des instructions spéciales du gouverneur général déterminent les devoirs que les adjoints indigènes sont principalement tenus de remplir, indépendamment de ceux qui leur incombent en vertu de l’art. 7 du décret du 27 décembre 1866. Ils doivent, d’ailleurs, veiller spécialement à ce que les déclarations de naissance et de décès soient faites exactement par leurs coreligionnaires à l’officier de l’état civil ; mais il leur est interdit de statuer sur les contestations de musulman à musulman qui doivent toujours être déférées aux juges de paix ou aux cadis. (Décr. 18 août 1868, art. 7 et 8.)

Sect. 3. — Attributions des conseils municipaux.

88. L’ordonnance du 28 septembre 1847 était, en ce qui concerne les attributions des conseils municipaux, calquée sur la loi du 18 juillet 1837 ; celle-ci a été modifiée en France par la loi du 24 juillet 1867 qui a conféré aux conseils municipaux de la métropole le droit de statuer directement sur des matières qui étaient réservées à la décision des maires ou qui appelaient l’intervention des préfets. Le décret du 19 décembre 1868 a transporté en Algérie les dispositions fondamentales de cette dernière loi qui se sont trouvées compatibles avec l’organisation administrative de la colonie ; il a dû omettre, par conséquent, et réserver à une réglementation ultérieure les attributions relatives au vote des centimes additionnels ordinaires ou extraordinaires et à l’établissement des taxes d’octroi qui ne fonctionnent pas encore ou ne sont pas établies dans les mêmes conditions qu’en France.

89. Une première série d’attributions a trait aux affaires sur lesquelles le conseil municipal exerce un droit de décision entier et propre. L’art. 1er de la loi du 24 juillet 1867 les énumère ; il est exactement reproduit par l’art. 1er du décret du 19 décembre 1868. La même similitude se rencontre entre l’art. 2 de la loi et l’art. 2 du décret qui déclare que « lorsque le budget communal pourvoit à toutes les dépenses obligatoires et lorsqu’il n’applique aucune recette extraordinaire aux dépenses soit obligatoires, soit facultatives, les allocations portées audit budget par le conseil municipal pour les dépenses facultatives ne peuvent être ni changées, ni modifiées par l’arrêté du préfet ou du gouverneur général qui règle le budget. » (Voy. infrà, no 95.)

90. Le conseil municipal n’est souverain, en ces diverses matières, que si le maire est d’accord avec le conseil municipal, ce qui, sous l’empire d’une législation qui fait nommer les maires par le pouvoir exécutif, atténue sensiblement la concession faite aux assemblées municipales.

De même, ce n’est qu’au cas où le maire partage l’avis qui a prévalu dans le conseil municipal que ce conseil a le droit de voter, sans approbation du préfet, les emprunts communaux remboursables sur les ressources ordinaires ou extraordinaires, à la condition que l’amortissement ne dépassera pas douze années. (D. 19 déc. 1868, art. 3.)

91. Pour trouver l’exemple de matières où le conseil municipal soit réellement souverain, il faut remonter jusqu’à l’ordonnance du 28 septembre 1847 qui déjà lui conférait le droit de délibérer sur le mode d’administration des biens communaux et le mode de jouissance et la répartition des pâturages et fruits communaux, ainsi que sur les conditions à imposer aux parties prenantes, sans mettre aucune condition à cette liberté. (Voy. art. 31.)

92. Lors même que ces délibérations sont définitives, si elles renferment la violation d’une loi ou d’un règlement d’administration publique, le préfet a le droit de les annuler par application de l’art. 18 de la loi du 18 juillet 1837 qui lui impartit, à cet effet, un délai de trente jours, à dater de celui où il a reçu la délibération, sans préjudice de la faculté d’en suspendre l’exécution pendant trente autres jours. L’arrêté d’annulation du préfet comporte naturellement le recours au gouverneur général par la voie administrative. (D. 19 déc. 1868, art. 5.)

93. Les emprunts remboursables sur les revenus ordinaires, dans un délai excédant douze années, ne peuvent être votés que sous l’approbation du préfet. (Ibid., art. 4.) S’agit-il d’un emprunt remboursable sur ressources extraordinaires, dans un délai excédant douze années, l’autorisation du chef de l’État devient nécessaire ; elle est donnée par un décret rendu sur le rapport du ministre de l’intérieur, d’après les propositions du gouverneur général civil, le conseil de gouvernement entendu. (Ibid., art. 6.)

94. Sous l’empire de l’ordonnance de 1847 et du décret du 27 octobre 1858, les projets d’acquisitions et de traités avec les entrepreneurs, lorsque ces projets engageaient les ressources ordinaires du budget au delà de l’exercice, étaient instruits comme en matière d’emprunt. Cette règle s’est trouvée modifiée par suite des dispositions des art. 3, 4 et 6 du décret de 1868. Le droit de statuer sur ces acquisitions et sur ces traités rentre désormais dans la compétence des conseils municipaux, dans les attributions du préfet, ou dans celles du gouverneur général, et même du président de la République, suivant les distinctions établies relativement au vote et à l’approbation des emprunts communaux. (Circ. du gouv. gén., 9 fév. 1869.)

95. Le vote du budget rentre dans la catégorie des délibérations qui ne sont valables que moyennant une approbation de l’autorité supérieure ; elle émane du gouverneur général pour les communes chefs-lieux de département et du préfet pour les autres communes. (D. 19 déc. 1868, art. 10.)

Les principes de la loi du 18 juillet 1837 gouvernent, en général, le budget des communes d’Algérie ; mais, comme nous l’avons dit, la différence des ressources et des besoins entraîne des modifications dans la nomenclature des recettes et des dépenses.

96. Les dépenses des communes sont, comme en France, obligatoires ou facultatives. « Sont obligatoires les dépenses suivantes : 1o l’acquittement des dettes exigibles ; — 2o les frais d’administration et de perception des revenus et droits municipaux ; — 3o les prélèvements autorisés, restitutions et droits sur les produits ; — 4o les traitements des maires et les frais de bureau des mairies et de l’état civil ; — 5o les frais d’entretien des horloges publiques ; — 6o les dépenses des écoles communales ; — 7o les dépenses des cultes mises à la charge de la commune par les lois, ordonnances ou arrêtés ; — 8o les traitements et frais de bureau du service de pesage et mesurage publics ; — 9o les dépenses des milices et du service des pompes à incendie ; — 10o les traitements des gardes de biens et bois communaux et des gardes champêtres ; — 11o les traitements et frais de bureau de la police locale, du service de la petite voirie, de celui des inhumations et de celui des fourrières publiques ; — 12o les frais de nettoiement et d’éclairage de la voie publique ; — 13o les frais de loyer des immeubles destinés aux services ci-dessus spécifiés ; — 14o les dépenses des travaux et bâtiments civils comprenant 1o l’ouverture, la construction et l’entretien des chemins vicinaux mis à la charge de la commune par les lois, ordonnances ou arrêtés ; 2o l’alignement, le nivellement et le pavage des rues de petite voirie, à l’exception de ceux de ces travaux qui sont à la charge des propriétaires ; 3o les aqueducs, canaux, égouts et fontaines, dans les rues de petite voirie et hors des villes sur les chemins vicinaux ; 4o les dépenses de grosses et simples réparations et entretien des bâtiments affectés aux services communaux ; — 15o toutes les autres dépenses mises à la charge des communes par une disposition des ordonnances spéciales de l’Algérie. — Toutes les dépenses autres que les précédentes sont facultatives. » (Ord. roy. 28 sept. 1847, art. 40.)

97. « Les recettes des communes sont ordinaires ou extraordinaires. — Les recettes ordinaires des communes se composent : 1o des produits tels que loyers et fermages, rentes foncières et valeurs des récoltes des immeubles appartenant à la commune ; — 2o de la portion attribuée aux communes sur le produit de l’impôt des patentes ; — 3o des droits de place dans les halles, foires et marchés publics ; — 4o des droits d’abatage dans les abattoirs publics, d’après les tarifs dûment autorisés ; — 5o du produit des permis de stationnement, de vente et des locations sur la voie publique, sur les ports, rivières et autres lieux publics ; — 6o des produits des péages communaux, des droits de pesage, mesurage et jaugeage ; — 7o des droits de voirie et autres droits légalement établis ; — 8o du produit des fourrières publiques ; — 9o du prix des concessions de terrain dans les cimetières communaux ; — 10o du produit des concessions d’eau, de l’enlèvement des boues et immondices de la voie publique, de l’équarrissage et autres concessions autorisées pour les services communaux ; — 11o du produit des expéditions des actes administratifs et des actes de l’état civil ; — 12o de la portion des amendes et confiscations attribuée par les lois, ordonnances et arrêtés aux communes ; — 13o du produit des saisies opérées pour contraventions aux règlements de police ; — 14o du produit des rétributions mensuelles des élèves admis aux écoles communales ; — et généralement du produit des taxes de ville et de police dont la perception est légalement autorisée. » (Ibid., art. 41.) — Nous retrouverons, en parlant des contributions diverses, les taxes municipales assimilées qui sont perçues au profit des communes.

98. « Les recettes extraordinaires des communes se composent : 1o du produit des contributions directes ou indirectes que les communes pourront être autorisées ultérieurement à établir à leur profit par des ordonnances royales délibérées dans la forme des règlements d’administration publique ; — 2o du prix des biens communaux aliénés ; — 3o du prix de vente d’objets mobiliers provenant des services municipaux ; — 4o des dons et legs ; — 5o du remboursement des capitaux exigibles et des rentes constituées ; — 6o du produit des coupes extraordinaires des bois appartenant aux communes ; — 7o du produit des emprunts ; — 8o du montant de la subvention annuelle allouée à la commune sur les fonds généraux du budget local et municipal ; — et de toutes autres recettes accidentelles. » (Ibid., art. 42.) — La suppression du budget local et municipal ne permet plus l’allocation de la subvention prévue au § 8. Il y est pourvu au moyen de l’octroi de mer dont le produit net appartient aux communes pour les quatre cinquièmes et leur est réparti, en vertu d’un arrêté du 11 novembre 1854, au prorata de leur population, l’élément indigène n’étant compté que pour un huitième de son effectif réel. (Déc. 18 août 1868, art. 16.) Les israélites qui ont reçu par le décret du 24 octobre 1870 la naturalisation collective ne comptent cependant que comme indigènes dans le calcul qui sert de base à la répartition de l’octroi de mer. (Arr. du gouv. gén. du 23 juin 1873.)

99. Les formes de comptabilité (voy.) applicables au budget municipal trouvent leurs règles dans l’ordonnance du 2 janvier 1846, sur la comptabilité des finances en Algérie, et dans l’arrêté ministériel du 21 décembre 1849, sur la gestion des receveurs municipaux. Au reste, tout ce qui concerne la durée des exercices, l’ouverture des crédits, la liquidation des dépenses, l’ordonnancement, ne diffère en rien de ce qui est prescrit par le décret du 31 mai 1862, dans les chapitres consacrés aux services des communes. Nous n’avons donc pas à insister, et nous arrivons aux affaires dans lesquelles l’intervention du conseil municipal ne se produit que sous la forme d’un avis.

100. L’art. 21 de la loi du 18 juillet 1837 et les art. 12 et 14 de celle du 24 juillet 1867 donnent la liste des objets sur lesquels, en France, le conseil municipal est toujours appelé à donner son avis. Nous ne doutons point que ces articles ne doivent être appliqués par analogie ; mais le décret du 19 décembre 1868, qui a eu surtout pour but d’approprier à l’Algérie la loi du 24 juillet 1867, en a reproduit presque textuellement les art. 12 et 14 relatifs aux établissements de bienfaisance et aux changements dans la circonscription territoriale des communes, sans prendre garde que la disposition de la loi de 1837, où est le principe de la matière, n’avait point trouvé place dans l’ordonnance du 28 septembre 1847.

101. La création des bureaux de bienfaisance est autorisée par les préfets, sur l’avis des conseils municipaux, (Déc. 19 déc. 1868, art. 9.) La circulaire du 9 février 1869 recommande aux préfets, dans l’intérêt même de ces établissements et pour assurer leur stabilité, d’exiger, avant de prendre une décision, qu’ils soient pourvus d’une dotation d’au moins 50 fr., soit en revenus d’immeubles, soit en rentes sur l’État, sans compter les subventions qui peuvent être accordées par les conseils municipaux et les recettes légalement attribuées aux pauvres, telles que le tiers du produit des concessions de terrains dans les cimetières et le droit établi en faveur des indigents, à l’entrée des spectacles, bals et concerts.

102. Les délibérations des commissions administratives des hospices, hôpitaux et autres établissements charitables communaux, concernant un emprunt, sont exécutoires en vertu d’un arrêté du préfet, sur avis conforme du conseil municipal, lorsque la somme à emprunter ne dépasse pas le chiffre des revenus ordinaires de l’établissement et que le remboursement doit être fait dans le délai de douze années. Si la somme à emprunter dépasse ce chiffre, ou si le délai de remboursement est supérieur à douze années, l’emprunt ne peut être autorisé que par un décret rendu sur le rapport du ministre de l’intérieur, et d’après les propositions du gouverneur général de l’Algérie, le conseil de gouvernement entendu. (Déc. 19 décembre 1868, art. 7.)

103. Les changements dans la circonscription territoriale des communes faisant partie du même arrondissement, canton ou district, sont définitivement approuvés par les préfets, après l’accomplissement des formalités prévues aux art. 1, 2 et 3 du titre Ier de la loi du 18 juillet 1837, en cas de consentement des conseils municipaux, et sur avis du conseil général. Si l’avis du conseil général est contraire, ou si les changements proposés dans les circonscriptions communales modifient la composition d’un département, d’un arrondissement ou d’un canton, il est statué par décret du Président de la République. — Tous autres changements dans la circonscription territoriale des communes sont autorisés par des décrets rendus sur le rapport du ministre de l’intérieur, d’après les propositions du gouverneur général, le conseil de gouvernement entendu. (Déc. 19 décembre 1868, art. 8.)

L’art. 3 de la loi du 18 juillet 1837, auquel le décret de 1868 se réfère, prévoit la création d’une commission syndicale choisie parmi les plus imposés ; en Algérie, cette commission est formée de notables choisis par le préfet.

104. Les règles relatives aux actions judiciaires des communes et aux transactions sont écrites dans les art. 60 et suivants de l’ordonnance du 28 septembre 1847. Ces articles reproduisent exactement le titre V de la loi du 18 juillet 1837 et font au conseil municipal la même part d’influence. (Voy. Organisation communale.) Nous avons seulement à noter, d’abord qu’il faut maintenant, dans le texte de l’ordonnance de 1847, lire conseil de préfecture partout où l’ordonnance mentionne le conseil de direction (voy. suprà, no 8), et ensuite que la législation algérienne n’a pas reproduit les dispositions de la loi de 1837 qui, en certains cas, autorisent les contribuables à exercer, ut singuli, les actions de la commune.

105. La promulgation en Algérie des trois premières sections de la loi du 5 mai 1855 (Déc. 27 décembre 1866, art. 15) a rendu communes aux conseils municipaux d’Algérie toutes les dispositions qui régissent, en France, les assemblées de ces conseils. Ainsi l’époque des sessions, le mode de convocation, le nombre de membres exigé pour la validité des délibérations, l’attribution au maire de la présidence du conseil, la forme des délibérations, la rédaction des procès-verbaux, les garanties prises contre les délibérations illégales par leur objet ou par le caractère de la réunion où elles sont prises, contre les correspondances entre plusieurs conseils, etc., n’ont rien qui soit particulier à la colonie.

Les délibérations et les débats des conseils municipaux ne peuvent, de même qu’en France, être publiés officiellement qu’avec l’approbation du préfet, approbation qui doit être demandée spécialement pour chaque délibération. Une circulaire du 13 septembre 1867 recommande aux préfets de n’accorder cette autorisation qu’aux délibérations régulièrement transcrites sur les registres du conseil et de la refuser pour les délibérations qui, régulières d’ailleurs, contiendraient les noms des membres ayant pris part à la discussion.

CHAP. IV. — ORGANISATION DES SERVICES CIVILS ET FINANCIERS.
Sect. 1. — Justice et police.
art. 1. — justice française.

106. Le service de la justice en Algérie est placé exclusivement dans les attributions du ministre de la justice. L’organisation judiciaire comprend, comme en France, des justices de paix, des tribunaux de première instance, une cour d’appel dont les arrêts sont sujets au pourvoi en cassation dans les délais et les conditions du droit commun, des cours d’assises jugeant avec assistance d’un jury.

107. La loi du 25 mai 1838, celle du 2 mai 1855 sur la compétence et les attributions des juges de paix sont applicables en Algérie. (Déc. 18 juillet 1855.) Mais un décret du 19 août 1854 a créé des juges de paix à compétence étendue qui statuent en dernier ressort jusqu’à concurrence de 500 fr. ; à charge d’appel, jusqu’à concurrence de 1,000 fr., remplissent les fonctions de juges de référé et, en matière correctionnelle, connaissent des délits qui n’entraînent pas plus de 500 fr. d’amende et de six mois d’emprisonnement. Les commandants de place, en territoire militaire et lorsqu’il n’y a pas de justice de paix spécialement créée pour le cercle, connaissent des contraventions punies des peines de simple police. (Arr. 5 août 1843 ; Déc. 15 mars 1860, art. 3.)

108. L’organisation des tribunaux de première instance est la même qu’en France ; leur composition n’a pas de règles spéciales, si ce n’est en ce point qu’il est attaché à chacun d’eux un assesseur musulman, avec voix consultative, pour le jugement des contestations entre musulmans. (Déc. 5 décembre 1861, art. 2.)

Le Code de procédure civile a été promulgué en Algérie avec quelques modifications, par l’ordonnance du 16 avril 1843 ; il en a été de même de la loi du 21 mai 1858 sur la procédure d’ordre.

Le Code d’instruction criminelle est applicable en Algérie dans tout ce qui concerne la procédure à suivre devant les tribunaux de police correctionnelle. (Ord. 26. sept. 1842, art. 62.)

109. La cour d’appel d’Alger est composée de quatre chambres. (Déc. 1er mars 1864.) Elle ne se distinguerait en rien des cours d’appel de la métropole, si sa juridiction ne dominait la justice musulmane. (Voy. infrà, no 115.) Par une exception qui est particulière à l’Algérie, le délai d’appel est d’un mois ; il s’augmente des délais de distance, si l’une des parties est domiciliée en France. (Ord. 16 avril 1843, art. 16.)

110. Cours d’assises. La compétence et la procédure des cours d’assises sont réglées par le décret du 19 août 1854 ; elles statuent avec l’assistance de jurés. (Déc. 24 octobre 1870.)

111. Tribunaux de commerce. La loi du 21 décembre 1871, sur le mode d’élection des membres des tribunaux de commerce, a été rendue exécutoire en Algérie par un décret du 10 mai 1872. La compétence de ces tribunaux est la même que celle des tribunaux de commerce de France. (Ord. 26 septembre 1842, art. 36.)

112. Le ressort de la cour d’appel d’Alger embrasse tous les territoires compris dans la juridiction des tribunaux de première instance de l’Algérie. (Ord. 30 novembre 1844, art. 1er.) Les tribunaux de première instance sont au nombre de onze (Alger, Bone, Oran, Philippeville, Blidah, Constantine, Mostaganem, Tlemcen, Sétif, Bougie et Tizi-Ouzou). Leur circonscription a été déterminée par les divers actes qui les ont institués ; elle correspond, en général, à l’arrondissement administratif. (Déc. 10 mars 1873 4 mars 1874.)

Le décret du 15 mars 1860 confie au gouverneur général le soin de déterminer les justices de paix à compétence étendue, les tribunaux correctionnels et les cours d’assises auxquels ressortissent les territoires militaires des cercles de l’Algérie (art. 7).

113. En ce qui concerne les auxiliaires de la justice française, avocats, défenseurs, huissiers, interprètes, curateurs aux successions vacantes, bornons-nous à citer : 1o l’arrêté du 16 avril 1848 qui ordonne la formation de tableaux d’avocats ; 2o l’art. 34 de l’ordonnance du 16 avril 1843 qui institue des défenseurs chargés de tous les actes qui, d’après le Code de procédure, doivent être faits par ministère d’avoués ; 3o le règlement général du 26 novembre 1842 sur les huissiers et ceux des 31 mai 1866 et 16 juillet 1869 qui, en territoire militaire, confient les fonctions d’huissiers aux commandants des brigades de gendarmerie et aux chefs de postes provisoires ; 4o l’ordonnance du 19 mai 1846 portant organisation des interprètes civils et le décret du 20 novembre 1852 qui règle leurs honoraires ; 5o l’ordonnance du 26 décembre 1842 et l’arrêté du 4 mars 1807 sur les curateurs aux successions vacantes.

art. 2. — justice musulmane.

114. La conquête n’a trouvé en Algérie qu’un seul juge, au criminel et au civil, le cadi ; il n’y avait, contre la sentence de ce juge, de recours qu’au souverain. Toutefois, en matière civile, les parties pouvaient en référer au cadi mieux informé. Celui-ci réunissait alors le cadi du rite opposé au sien, s’il s’en trouvait un, des muphtis et des tolbas, et l’affaire se discutait de nouveau devant cette réunion appelée medjelès, sorte de comité purement consultatif. Cette organisation est restée à peu près intacte jusqu’en 1854 dans la région Tellienne, jusqu’en 1870 dans la région Saharienne et jusqu’en 1874 dans la Kabylie qui, avant l’insurrection de 1871, conservait le droit d’être régie par ses coutumes.

115. La première organisation de la justice musulmane, dans la région Tellienne, résultant du décret du 1er octobre 1854, avait laissé, en matière civile, à la justice indigène, une indépendance absolue à l’égard de la justice française ; le décret du 31 octobre 1859 a consacré le droit d’appel des jugements des cadis devant les tribunaux français. En outre, tout en reconnaissant que la loi musulmane régissait toutes les conventions et toutes les contestations civiles et commerciales entre indigènes musulmans, il a déclaré que ces indigènes étaient libres de contracter sous l’empire de la loi française et qu’une simple déclaration de leur part entraînerait l’application de cette loi, ainsi que la compétence des tribunaux français.

116. Ces principes ont été maintenus par le décret du 13 décembre 1866, qui confère en outre aux indigènes musulmans la faculté de porter, d’un commun accord, leurs contestations devant la justice française (art. 2). Il est alors statué d’après les principes du droit musulman. Le même décret règle les formes suivant lesquelles la justice est rendue par les cadis, les juges de paix, les tribunaux de première instance et la cour d’appel d’Alger, confie au gouverneur général de l’Algérie la détermination des circonscriptions judiciaires (art. 6), organise la surveillance des tribunaux indigènes par l’autorité française, en territoire civil et en territoire militaire, constitue le personnel de chaque mahakma de cadi, trace enfin une procédure simplifiée pour les divers degrés de juridiction. Il faut se reporter au texte, dans le détail duquel on ne peut entrer ici.

117. Nous nous bornons aussi à une simple indication, en ce qui concerne la justice musulmane dans la région Saharienne. Son organisation et son mode d’administration sont réglés par le décret du 8 janvier 1870 qui reproduit la plupart des dispositions de celui de 1866, en subordonnant toutefois le droit d’appel à des conditions plus rigoureuses, à cause de la distance qui existe entre le Sahara et le siége des tribunaux français.

118. L’organisation de la justice civile et répressive en Kabylie résulte des décrets du 29 août et du 10 octobre 1874. Partout où les juges de paix français sont institués, le cadi perd ses attributions de juge et continue seulement d’exercer les fonctions de notaire entre musulmans, concurremment avec les notaires français, et de procéder à la liquidation et au partage des successions musulmanes, sauf à saisir, en cas de difficulté, le juge de paix, qui statue comme en matière de référé.

Le cercle de Fort-National, situé en territoire militaire, est assujetti à des règles spéciales ; la juridiction du cadi y est remplacée par des djemaâs de justice constituées dans chacune des sections de la commune indigène. (Déc. 29 août 1874, art. 21.)

art. 3. — répression des infractions spéciales à l’indigénat.

119. Tant qu’a duré l’état de guerre, la répression des faits criminels ou délictueux commis par les indigènes s’est confondue avec l’action militaire ; les peines individuelles, appliquées par les conseils de guerre, peines corporelles ou amendes, ont participé de l’arbitraire des mesures de sûreté publique ; la difficulté de découvrir les auteurs des assassinats et des vols, au milieu d’une population hostile, a, d’ailleurs, obligé à chercher des garanties dans la responsabilité collective des tribus et de leurs chefs, aghas ou kaïds, plus spécialement préposés au maintien de l’ordre et à la répression du brigandage. (Circ. du gouv. gén. du 8 janvier 1844.)

Le maréchal Bugeaud s’est, le premier, appliqué à réglementer cette matière, de manière à supprimer autant que possible les abus, surtout ceux qui touchaient aux perceptions de toute nature. En conservant le principe des amendes imposées de tout temps par la législation musulmane, il a réglé, par une circulaire du 12 février 1844, les causes de l’imposition, la quotité des perceptions, la compétence des autorités ayant pouvoir de les ordonner, le mode de les prescrire et de les percevoir. Il faut encore remonter à cette circulaire pour y trouver l’énumération de ce qu’on a appelé plus tard les infractions spéciales à l’indigénat, c’est-à-dire des faits qui, échappant en France à toute répression ou n’étant frappés que de peines insignifiantes, empruntent, en Algérie, une gravité exceptionnelle à l’intention hostile de leur auteur ou aux conséquences possibles de leur accomplissement.

120. Un arrêté du prince-ministre, du 21 septembre 1858, a cherché à régulariser par l’institution de commissions disciplinaires « la répression des crimes et des délits commis par les indigènes et qui ne sont pas déférés aux tribunaux ordinaires. » Cet arrêté a été bientôt remplacé par celui du 5 avril 1860 qui a institué une commission disciplinaire à Alger, près du commandant supérieur, et dans chaque chef-lieu de subdivision et de cercle. Ces commissions, dit l’article 4 de l’arrêté, connaissent des actes d’hostilité, crimes et délits, commis par les indigènes, en territoire militaire, et qu’il est impossible de déférer aux tribunaux civils ou aux conseils de guerre.

121. En 1872, un nouvel arrêté a réorganisé les commissions disciplinaires, au point de vue de l’application du régime civil. Ce régime venait d’être appliqué, sans transition suffisamment ménagée, à des territoires militaires où l’organisation judiciaire française n’était pas introduite ; l’arrêté précité, rendu à la date du 26 février 1872, a eu pour but de mettre à la disposition des chefs des nouvelles circonscriptions cantonales des pouvoirs de répression qu’ils ne trouvaient pas dans le principe de leur institution et auxquels leur qualité d’agents civils ne leur permettait pas de suppléer.

Dans cet arrêté, se découvre une tendance à ne pas distinguer entre le territoire militaire et le territoire civil et à ne prendre en considération que la qualité d’indigène chez l’auteur des faits délictueux, indépendamment du lieu où ils ont été commis. Le décret du 29 août 1874, sur l’organisation judiciaire de la Kabylie, étendu à tous les territoires civils de l’Algérie par le décret du 10 septembre 1874, a rétabli la distinction, qui avait cessé d’être nettement accusée.

122. « En territoire civil, dit l’art. 17 du décret du 29 août 1874, les indigènes non naturalisés pourront être poursuivis et condamnés aux peines de simple police fixées par les art. 464, 465 et 466 du Code pénal, pour infractions spéciales à l’indigénat, non prévues par la loi française, mais déterminées dans des arrêtés préfectoraux, rendus sur les propositions des commissaires civils, des chefs de circonscription cantonale ou des maires. La peine de l’amende et celle de la prison pourront être cumulées et s’élever au double, en cas de récidive prévue par l’art. 483 du Code pénal. Les juges de simple police statueront en cette matière, sans frais et sans appel. »

123. En territoire militaire, l’organisation des commissions disciplinaires et des pouvoirs inhérents au commandement est maintenue. Les conseils de guerre connaissent des crimes et délits commis par des musulmans non naturalisés, en dehors du territoire civil. (D. 29 août 1874, art. 16.)

Sect. 2. — Instruction publique.
art. 1. — instruction publique française.

124. Placée d’abord dans les attributions du directeur de l’intérieur (Ord. roy. 31 octobre 1838), l’instruction publique fut ensuite dirigée par un fonctionnaire ayant rang d’inspecteur d’académie ; en 1848, il fut décidé que l’instruction publique rentrerait dans les attributions du ministre de l’instruction publique ; qu’il y aurait une académie à Alger et que la colonie serait soumise aux mêmes lois que la France, sauf les modifications qui seraient reconnues nécessaires après entente préalable entre le ministre de l’instruction publique et celui de la guerre.

125. Lorsqu’intervint la loi du 15 mars 1850, l’article 81 de cette loi porta qu’un règlement d’administration publique déterminerait ultérieurement les dispositions qui seraient applicables à l’Algérie. Ce règlement n’a pas été fait.

À l’époque de la création du ministère de l’Algérie, l’art. 1er du décret du 2 août 1858 qui attribua au nouveau département le service de l’instruction publique portait : « lorsqu’il s’agira de modifier la législation et les règlements de ce service, ces modifications ne se feront qu’en vertu d’un décret rendu sur la proposition du ministre de l’instruction publique et du ministre de l’Algérie. » L’art. 4 du même décret abrogeait l’arrêté précité du 16 août 1848 et maintenait, d’ailleurs, les dispositions antérieures non contraires. L’art. 7 du décret du 10 décembre 1860 a replacé le service de l’instruction publique dans les attributions du ministre qui en est chargé en France.

126. Lorsqu’en 1873 le Conseil d’État a dû se prononcer sur la validité des actes par lesquels des conseils municipaux avaient congédié les instituteurs congréganistes pour les remplacer par des instituteurs laïques, le ministre de l’instruction publique a exprimé l’avis qu’à défaut de textes spéciaux, la législation de la métropole était applicable à l’Algérie. Sans contredire cette opinion, le Conseil d’État a donné à sa décision une autre base ; il l’a empruntée aux art. 5 et 7 du décret du 24 octobre 1870 qui attribuent aux préfets, sous l’autorité du gouverneur général civil, les attributions conférées aux préfets de la République. En France, le préfet seul, sur le rapport de l’inspecteur d’académie et le conseil municipal entendu, a le droit de choisir, de nommer et de révoquer les instituteurs communaux ; on a considéré que les conseils municipaux d’Algérie avaient empiété sur cette attribution et c’est sur ce motif qu’on s’est fondé pour annuler leurs actes. (Arrêts du 30 mai 1873, ville d Alger, et du 27 juin 1873, ville de Constantine.)

127. Sans entrer ici dans une discussion qui ne serait pas à sa place, nous sommes, quant à nous, fort disposé à partager l’opinion émise par le ministre de l’instruction publique ; nous comprenons mal, en effet, qu’on ait pu instituer en Algérie une académie et mettre à la tête de cette académie un fonctionnaire appelé recteur, ayant sous ses ordres des agents délégués et classés hiérarchiquement comme ceux de l’académie de Paris, sans que la législation française les ait suivis pour présider à leurs actes, comme elle règle leur situation administrative. Pour citer un cas analogue, la Cour de cassation a jugé que lorsqu’on avait créé des offices de notaire en Algérie, la loi du 25 ventôse an XI sur l’organisation et les fonctions du notariat y était, par cela même, devenue applicable. (Cass., 4 février 1863, Aberjoux.)

128. L’enseignement supérieur ne compte, en Algérie, qu’une seule institution, l’école de médecine et de pharmacie d’Alger (Déc. 21 novembre 1862) ; il existe, dans chacun des chefs-lieux de département, des cours publics d’arabe. L’enseignement secondaire est représenté à Alger par un lycée, dans les trois provinces par des colléges communaux et une école privée, dite de Notre-Dame, existant à Oran. Les établissements primaires sont nombreux et les communes s’imposent, pour les entretenir, des sacrifices plus considérables que ceux auxquels les municipalités françaises ont coutume de consentir. Dans les localités non érigées en commune, l’enseignement primaire est absolument gratuit. (Arr. du gouv. gén. du 31 mai 1866.)

L’école normale primaire d’Alger a été instituée par un décret du 4 mars 1865 et l’école normale d’institutrices de Milianah par un décret du 26 décembre 1874.

art. 2. — Instruction publique musulmane.

129. Le collége impérial arabe-français a été supprimé et réuni au lycée d’Alger. (Arr. du gouv. gén. du 23 octobre 1871.) Les indigènes qui veulent profiter de l’enseignement secondaire suivent les cours du lycée ; ils sont séparés dans les réfectoires et dortoirs, outre qu’il est pris des mesures pour leur faciliter l’accomplissement de leurs devoirs religieux. (Même arr.)

Des medersa ou écoles supérieures musulmanes existent à Alger, à Tlemcen et à Constantine. (Déc. 30 septembre 1850.) On y forme des candidats aux emplois dépendant des services du culte, de la justice et de l’instruction publique indigène. Des écoles dites arabes-françaises sont ouvertes dans les principales villes et dans les principaux centres pour le double enseignement de l’arabe et du français. (Déc. 14 juillet 1850.) L’enseignement y est gratuit ; il comprend la lecture et l’écriture de l’arabe, les éléments de la langue française, la lecture et l’écriture du français, les éléments du calcul et le système légal des poids et mesures.

Dans les tribus, l’instruction est donnée par des tolbas, qui enseignent aux élèves la lecture et l’écriture, le calcul et les commentaires du Coran.

130. En territoire militaire, les chefs de bureaux arabes sont les inspecteurs naturels des écoles de tribus. Cependant, un décret impérial du 1er octobre 1863 a créé un emploi d’inspecteur des établissements d’instruction publique ouverts aux indigènes, sans distinguer entre les territoires civil et militaire. Les attributions de cet inspecteur ont été déterminées par un arrêté du gouverneur général du 2 novembre 1863.

Sect. 3. — Cultes.

131. Culte catholique. Le service des cultes en Algérie rentre dans les attributions du ministre qui, en France, a ce service dans son département (Déc. 10 décembre 1860, art. 7.)

L’ordonnance du 25 août 1838 a établi à Alger un évêché suffragant de la métropole d’Aix ; le décret du 9 janvier 1867 a créé un archevêché avec des suffragants à Oran et à Constantine. Les évêques correspondent directement avec le ministre des cultes pour l’administration de leurs diocèses. (Arr. 16 août 1848, art. 3.) — La police des cultes appartient, comme en France, aux préfets. (Voy. suprà, no 30.) L’arrêté ministériel du 2 août 1836 (art. 46) porte interdiction de publier en Algérie aucune bulle canonique, d’y reconnaître de caractère officiel à aucun ecclésiastique, d’y établir aucune congrégation religieuse sans l’autorisation du ministre de la guerre, dont le gouverneur général exerce aujourd’hui les attributions. — Un arrêté du gouverneur général du 24 avril 1839 a pourvu à l’administration temporelle des églises en appropriant à l’Algérie, sous certaines modifications, le décret du 30 décembre 1809 et l’ordonnance du 12 janvier 1825. — C’est dans un décret relatif au culte protestant (voy. no 132) que l’on trouve exprimé le principe de l’application de la législation de la métropole et notamment des articles organiques, en tout ce qui n’est pas contraire aux règlements particulièrement édictés pour l’Algérie.

132. Culte protestant. L’Algérie forme la vingt-unième circonscription synodale. (D. 29 nov. 1871 ; voy. Cultes non catholiques.) Les églises protestantes sont administrées, dans chacune des trois provinces, sous l’autorité du ministre des cultes, par des conseils presbytéraux, sous l’autorité supérieure d’un consistoire provincial. (D. 14 sept. 1859 et 12 janv. 1867.) Il y a une paroisse partout où l’État rétribue un ou plusieurs pasteurs. Lorsque l’État rétribue deux pasteurs dans une paroisse composée, en nombre notable, de membres de l’Église réformée et de membres de l’Église de la confession d’Augsbourg, il y a un pasteur pour chacune des deux communions. Les protestants habitant les localités où le Gouvernement n’a pas encore institué de pasteurs, sont rattachés administrativement à la paroisse la plus voisine. (Déc. 14 septembre 1859, art. 1 et 2.)

Les attributions des consistoires sont réglées par l’art. 10 du décret du 12 janvier 1867 ; celles des conseils presbytéraux par les art. 9 et 10 du décret du 14 septembre 1859. — Les articles organiques de la loi du 18 germinal an X et les autres lois et règlements concernant les cultes, exécutoires en Algérie, continuent, d’ailleurs, d’être appliqués dans ce qui n’est pas contraire aux décrets de 1859 et de 1867. (Déc. 14 sept. 1859, art. 22.)

133. Culte israélite. Il y a en Algérie, pour chacune des trois provinces, un consistoire israélite siégeant l’un à Alger, l’autre à Oran, et le troisième à Constantine. Un décret du 16 septembre 1867 règle la composition de ces consistoires, leurs attributions, déjà fixées par une ordonnance du 9 novembre 1845, le mode de nomination des rabbins et des membres laïques des consistoires. Le consistoire central des israélites de France est l’intermédiaire entre le Gouvernement et les consistoires de l’Algérie. Chacun de ces consistoires est représenté, au sein du consistoire principal, par un membre laïque choisi parmi les électeurs résidant à Paris et agréé par le Président de la République. (Déc. 16 sept. 1867, art. 7.) Les art. 17 à 22 de l’ordonnance du 5 novembre 1845 déterminent les frais généraux à la charge des synagogues et les moyens d’y pourvoir.

134. Culte musulman. Les dépenses du culte musulman font partie du budget de l’Algérie, et la surveillance de l’État, en cette matière, est exercée par le gouverneur général civil, à l’exclusion du ministre qui a les cultes dans ses attributions. Les muphtis sont nommés par le gouverneur général ; les agents inférieurs sont nommés par le préfet ; les budgets départementaux renferment sous le titre : culte musulman, écoles, culte, assistance et subsides, une allocation qui fait face aux frais généraux d’entretien du culte et au paiement des agents inférieurs.

Sect. 4. — Assistance publique.

135. Hospices et hôpitaux. L’art. 5 du décret du 13 juillet 1849 a déclaré exécutoires, en Algérie, les lois, ordonnances et règlements de la métropole, alors en vigueur, touchant l’organisation, la dotation, l’administration et la comptabilité des hospices et bureaux de bienfaisance. Depuis, le décret du 23 mars 1852 sur les commissions administratives des hospices et hôpitaux, a été promulgué en Algérie, en vertu d’un arrêté ministériel du 16 mai 1856. — Les hôpitaux et hospices civils sont donc, comme en France, des établissements publics jouissant de l’existence civile, administrés par des commissions gratuites (voy. suprà, no 102) et ayant, en principe, les mêmes ressources que les hôpitaux et hospices civils de la métropole.

À ces ressources, l’arrêté ministériel du 3 septembre 1852 a ajouté le produit des pensions payées par les malades civils non indigents, pensions dont le service des contributions diverses est chargé d’assurer le recouvrement par l’intermédiaire des porteurs de contraintes. (Arr. du gouv. gén. du 18 juin 1861.) Mais, en fait, l’absence de biens acquis et d’un patrimoine formé a toujours laissé la plus forte partie des charges à l’État, qui y subvenait par des allocations au budget départemental.

136. Il était naturel que l’État, supportant la dépense, reprît la direction. L’art. 1er du décret du 23 décembre 1874 déclare que les hôpitaux et hospices civils de l’Algérie qui ne sont pas propriété communale ou privée, sont, à titre d’établissements coloniaux, placés sous l’administration supérieure du préfet. Ils sont gérés par un receveur-économe, sous la direction d’une commission administrative, ou par un directeur responsable assisté d’un receveur-économe et d’une commission consultative. Ils peuvent également être régis au moyen de marchés à forfait, sous le contrôle d’une commission de surveillance et avec le concours du receveur municipal de la commune comme comptable. (Déc. 23 déc. 1874, art. 2.) Les cadres du personnel, le traitement et le mode de nomination des agents sont réglés, en conseil de gouvernement, par le gouverneur général. (Ibid., art. 3.)

Il y a donc maintenant, en dehors des hospices communaux ou privés, qui restent soumis à la législation précédente, une assistance coloniale hospitalière dont les recettes et les dépenses forment un chapitre au budget de l’État. (Ibid., art. 14.) On compte couvrir ces dépenses au moyen d’un dixième de l’impôt arabe transitoirement affecté à ce nouveau service[2]. (Déc. 23 déc. 1874, art. 1er.)

137. Enfants trouvés ; orphelinats. Les droits de surveillance et de tutelle déterminés par la loi du 15 pluviôse an XIII et par le décret du 19 janvier 1811 sont exercés sur les enfants trouvés par les commissions administratives des hospices, en vertu d’un arrêté du 13 janvier 1845, spécial à la ville d’Alger, mais qui a reconnu l’applicabilité dans la colonie des lois de la métropole sur cet objet particulier.

Les orphelinats sont des fondations privées auxquelles le Gouvernement est venu en aide par des concessions ; tel est notamment l’établissement créé, à Misserghin, par le père Abram. Les orphelinats qui, après la famine de 1867, ont recueilli des orphelins abandonnés, sont soutenus par la charité privée, sous le patronage des évêques de Constantine et d’Oran.

138. Bureaux de bienfaisance. Nous avons, en parlant des conseils municipaux (suprà. no 102), dit quelques mots des bureaux de bienfaisance. Ces établissements sont, pour leur organisation intérieure, réglés par le décret du 23 mars 1852, promulgué en Algérie par l’arrêté ministériel du 16 mai 1856 ; une circulaire du gouverneur général, du 9 février 1869, déclare qu’en cas de dons ou legs faits aux bureaux de bienfaisance, l’instance en autorisation est assujettie aux mêmes règles qu’en France. D’après la même circulaire, les revenus des bureaux de bienfaisance doivent servir à distribuer des secours à domicile ou à faire soigner, au sein de leurs familles, les indigents malades ou infirmes. Un bureau ne pourrait, à moins d’une fondation expresse, appliquer ses ressources à la création de lits dans un hôpital ou à l’établissement d’écoles, de salles d’asile, etc.

Alger possède un bureau de bienfaisance musulman créé par un décret du 5 décembre 1857.

139. Secours de route. Les frais de route accordés aux voyageurs indigents sont mis à la charge des départements, en Algérie, par l’art. 44, § 19, du décret du 27 octobre 1858. Une circulaire du 20 mai 1868 a rendu applicables, en Algérie, les instructions du ministre de l’intérieur sur ce sujet, soit qu’il s’agisse d’indigents dirigés d’une province sur l’autre, soit qu’il s’agisse d’indigents rapatriés en France. Dans ces deux cas, la dépense est à la charge du budget départemental, et il appartient aux préfets de décider si l’indigent est à rapatrier dans les conditions réglementaires. (Voy. Secours de route.)

Les secours de route accordés aux colons nécessiteux, obligés de rentrer momentanément en France pour rétablir leur santé compromise par le climat de l’Algérie, sont à la charge de l’État. Des conventions avec la Cie Valery assurent à ces passagers le transport gratuit sur les paquebots d’Alger à Marseille.

Sect. 5. — Finances. — Impôts.
art. 1. — généralités.

140. L’administration et la comptabilité des finances en Algérie ont été réglées d’abord par l’ordonnance du 21 août 1839, que celles des 17 janvier 1845 et 2 janvier 1846 sont venues modifier.

Cinq régies financières se partagent la perception des droits et impôts suivant l’ordre réglé par le tableau no 4 annexé à l’ordonnance du 2 janvier 1846 : enregistrement et domaines, forêts, douanes, contributions diverses, opérations topographiques pour la reconnaissance de la propriété. Deux décrets successifs, des 8 mai 1872 et 21 novembre 1874, ont dédoublé, pour ainsi dire, le service des contributions diverses pour y créer un service particulier des contributions directes, régi, quant à ses attributions et à l’organisation de son personnel, par les lois et règlements de la métropole. (Déc. 21 nov. 1874, art. 4.)

La principale mission des agents institués en vertu de ces dernières mesures sera de préparer l’introduction en Algérie de l’impôt foncier. Ils seront assistés d’agents coloniaux spécialement chargés des opérations relatives à l’assiette de l’impôt arabe dans les territoires non cadastrés. (Ibid., art. 2.)

141. Pour tout ce qui n’est pas prévu par l’ordonnance du 2 janvier 1846, l’ordonnance du 31 mai 1838 portant règlement général sur la comptabilité, et les règlements particuliers sur la comptabilité de chaque département ministériel, sont appliqués par analogie. (Ord. du 2 janv. 1846. art. 134.) L’esprit de cette disposition doit manifestement rendre commun à l’Algérie le décret du 31 mai 1862 qui a remplacé l’ordonnance de 1838.

142. Les impôts perçus en Algérie se rapprochent, quant aux formes, de ceux qui sont établis sur le continent, mais ils se sont pas aussi élevés. Les Européens et les indigènes y sont soumis au même titre ; les impôts arabes seuls ne frappent que la population indigène.

Pour trouver le détail complet des impôts et produits perçus par les diverses régies financières, il faut se reporter au tableau no 4, qui accompagne l’ordonnance du 2 janvier 1846, et le compléter par les textes postérieurs. Les taxes principales aujourd’hui en vigueur sont les suivantes :

143. Au profit de l’État, les impôts arabes, la contribution des patentes, les droits d’enregistrement, de timbre, de greffe et d’hypothèques, les droits de licence dus par les marchands de vins et liqueurs, le produit de la vente des poudres et des tabacs de la régie de France, les droits de garantie des matières d’or et d’argent, les droits de vérification des poids et mesures, les droits de douane.

Au profit des communes, la taxe des loyers, les prestations en nature pour les chemins vicinaux, la taxe sur les chiens, et l’octroi de mer perçu dans les ports.

art. 2. — impôts perçus au profit de l’état.

144. Impôts arabes. Les articles 1 et 3 de l’ordonnance du 17 janvier 1845 portent que les impôts à payer par les Arabes sont établis par des arrêtés du ministre, dont le gouverneur général exerce aujourd’hui les pouvoirs.

Les indigènes domiciliés en territoire civil supportent les mêmes impôts que les Européens (voy. toutefois infrà, no 150) et, en outre, les impôts achour et zekkat qui représentent à peu près l’impôt foncier dont les Européens sont encore exempts. (Déc. 8 août 1854, art. 3.) Malgré ce surcroît de charges, leurs impositions sont moins considérables que celles de la population européenne, en ce sens au moins que, d’après les renseignements statistiques fournis par le service des contributions diverses, les Européens paient environ par tête une somme de 30 fr., tandis que les indigènes ne versent qu’environ 20 fr.

145. Les tribus des territoires militaires paient l’achour, le hokor, particulier à la province de Constantine, le zekkat et la lezma. — L’achour est la dîme prélevée sur les récoltes. Autrefois il se payait en nature ; l’administration française l’a converti en un impôt en argent, supputé annuellement d’après les variations survenues dans le prix du blé ou de l’orge. (Arr. du gouv. gén. du 19 fév. 1861.) Dans la province de Constantine, l’achour est une taxe fixe de 25 fr. qui, combinée avec le hokor, sorte de loyer arrêté à 20 fr., porte l’impôt sur les cultures à 45 fr. par charrue. La charrue ou zouidja est l’espace de terre qu’une paire de bœufs peut labourer ; il varie, suivant les localités, de huit à vingt hectares.

146. Le zekkat est un impôt sur les bestiaux ; le gouverneur général en arrête chaque année les tarifs, qui sont uniformes dans toute l’Algérie pour chaque espèce de bétail.

La lezma est une redevance fixe acquittée par certaines tribus dont on n’a encore pu apprécier le revenu que d’une manière générale. En Kabylie, où la propriété ne se prête pas à l’établissement de l’achour et du zekkat, c’est un impôt de capitation ; dans quelques oasis où il n’y a point de culture, c’est une taxe sur les palmiers.

147. Les indigènes sont assujettis à l’impôt achour même lorsqu’ils sont établis sur la terre d’un Européen, sauf le cas où l’exploitation agricole conduite par des maîtres ou des chefs ouvriers européens, présents sur les lieux, est effectuée avec un matériel, des semences et des animaux leur appartenant. (Arr. du gouv. gén. du 23 mars 1872.) Un propriétaire ou principal locataire européen n’est pas recevable à réclamer, au nom de ses fermiers indigènes, la décharge ou la réduction de l’achour. (Arr. du Cons. 4 mai 1854, Fabus.)

148. En territoire civil, les rôles de l’impôt arabe, arrêtés par les préfets, sont individuels. L’impôt de capitation établi en Kabylie est individuel par sa nature même.

En vue du recensement de la matière imposable, un décret du 8 mai 1872 avait institué des agents dont la fonction était de préparer les listes des redevables et de constater soit l’étendue et la nature des cultures, soit le nombre et l’espèce des bestiaux. Ce décret a été abrogé par celui du 21 novembre 1874, en sorte que l’on en revient au mode de constatation des éléments de l’impôt antérieurement pratiqué, en vertu de l’arrêté ministériel du 19 février 1859 et conformément à des usages qui remontent à la domination turque. Les états statistiques dressés dans les tribus et contrôlés par les bureaux arabes sont transmis à la direction des contributions diverses, qui dresse les rôles en appliquant les coefficients relatifs à chaque nature de contribution, tels que les indiquent les arrêtés annuels du gouverneur général, et appliquent ainsi à chaque contribuable la somme qu’il est appelé à verser.

149. Les rôles des contributions arabes sont rendus exécutoires par les préfets des départements et par les généraux commandant les divisions territoriales, chacun en ce qui concerne son ressort administratif. (Arr. minist. du 19 fév. 1859, art. 2.)

Les demandes en décharge ou en réduction d’impôt arabe sont soumises à la juridiction des conseils de préfecture, sans distinction entre le territoire civil et le territoire militaire. (Ibid., art. 3, et Déc. 7 juill. 1864, art. 26.) Les formes et les délais de la réclamation et de l’instruction sont exactement les mêmes qu’en France pour les impôts directs, et la déchéance est, comme en France, encourue pour défaut de réclamation dans les trois mois de la publication des rôles. (Arr. du Cons. 29 juin 1866, Fredja-Touboul.) Le recours est ouvert du conseil de préfecture au Conseil d’État dans les termes du droit commun.

150. Un arrêté ministériel du 30 juillet 1845 a décidé que des centimes additionnels seraient ajoutés à l’impôt arabe. Le maximum de ces centimes a été fixé à 18 par un arrêté du 26 février 1858. Leur destination principale est d’alimenter le budget des communes mixtes et subdivisionnaires. (Voy. suprà, no 53.) En territoire civil et pour les indigènes inscrits aux rôles des impôts achour et zekkat, ils tiennent lieu de la taxe des loyers, des prestations pour chemins vicinaux et de la taxe sur les chiens. La quotité en est fixée chaque année par le préfet, sur l’avis des conseils municipaux, sous l’approbation du gouverneur général (arr. du gouv. gén. du 3 sept. 1862), sans que le maximum des centimes établis en territoire militaire puisse être dépassé.

151. Patentes. Tout individu français, indigène ou étranger, domicilié dans les villes ou communes du territoire civil, qui exerce un commerce, une profession ou une industrie non compris dans les exceptions déterminées par l’ordonnance du 31 janvier 1847, est assujetti à la patente. Cette ordonnance, qui a déterminé et régularisé l’assiette des patentes en Algérie, a introduit dans la colonie la législation de la métropole, et depuis, les lois des 18 mai 1850, 4 juin 1858, 26 juillet 1860, 2 juillet 1862, 13 mai 1863, 2 août 1868 qui ont, en France, modifié cette législation, ont été promulguées en Algérie. Les assujettis musulmans exerçant des commerces, professions ou industries compris dans les sept premières classes du tableau A, c’est-à-dire du tarif général des professions imposées eu égard à la population (voy. Patente), sont taxés au droit fixe de la classe immédiatement inférieure.

152. Les tarifs de la contribution des patentes sont appliqués d’après les chiffres de population déterminés par le dernier dénombrement quinquennal. (Déc. 21 mars 1863 ; circ. du gouv. gén. du 14 octobre 1863.)

Les formes et délais des réclamations sont les mêmes qu’en France. (Arr. minist. du 26 avril 1850 ; Arr. du Cons., 20 mars 1866, Picon.)

153. Enregistrement et timbre. L’introduction du service de l’enregistrement en Algérie remonte à l’arrêté du 21 juin 1831. L’ordonnance du 19 octobre 1841 a déclaré applicables les droits d’enregistrement, de greffe et d’hypothèques existant en France ; mais ces droits, soit fixes, soit proportionnels, sont réduits à moitié. Les lois fiscales postérieures ne sont devenues exécutoires que moyennant une promulgation en Algérie. Cette formalité a été remplie notamment pour les lois des 23 août 1871, 28 février 1872 et 19 février 1874, portant augmentation des droits et obligation de déclarer les locations verbales. — L’art. 2 de la loi du 26 juillet 1873 déclare applicables aux transactions immobilières les lois françaises sur la transcription, et notamment celle du 23 mars 1855. — Les mutations par décès ne donnent lieu à aucun droit et ne sont assujetties à aucune déclaration.

Les droits de timbre, aux termes de l’art. 1er de l’ordonnance du 10 janvier 1843, sont les mêmes qu’en France. Les lois successives qui ont augmenté ces droits sont promulguées en Algérie. (Déc. 12 févr. 1874.)

154. Licences. L’imposition des droits de licence, établis par divers arrêtés du commandant en chef ou du gouverneur général, a été régularisée par une ordonnance du 31 janvier 1846. Ces droits sont indépendants de la patente ; ils frappent : — tout distillateur ou bouilleur de matières quelconques donnant des eaux-de-vie ou esprits ; — tout fabricant de liqueurs composées d’eau-de-vie ou d’esprits, de bière, cidres ou poirés ; — tout fabricant de tabac à fumer, à priser ou à mâcher ; — tout marchand en gros, en demi-gros ou en détail des boissons ci-dessus désignées, de vin ou de tabac ; — tout cabaretier, restaurateur, maître d’hôtel garni, logeur, cafetier, buvetier, concierge et autres, donnant à manger ; tout cafetier maure ayant musique. (Ord. 31 janv. 1847, art. 1 et 2.)

La licence des marchands de tabac a fait l’objet d’une ordonnance spéciale du 1er janvier 1848.

Les droits sont fixés par un tarif basé sur la population. Le chiffre de la population est déterminé par le dernier recensement quinquennal. (Circ. du gouv. gén. du 14 octobre 1863.) Le recouvrement est opéré par les percepteurs des contributions diverses. (Ord. 31 janv. 1847, art. 14.)

155. Poudres à feu et tabacs. La fabrication des poudres est interdite en Algérie. (Ord. 4 sept. 1844, art. 1er.) La vente en est faite par des débitants nommés par l’administration, à des prix réglés par décrets du Président de la République. La vente de la dynamite est réglementée par un décret du 4 octobre 1873.

Les tabacs de la régie française sont vendus par des entreposeurs appartenant au service des contributions diverses. Les prix ont été fixés par un décret du 11 mars 1873 qui interdit l’introduction en France, sous peine des poursuites applicables aux importations frauduleuses.

156. Garantie des matières d’or et d’argent. Les bureaux de garantie ont été établis en Algérie, en vertu d’un décret du 24 juillet 1857 et d’un arrêté ministériel du 25 mai 1859. Les lois des 30 mars 1872 et 30 décembre 1873, relatives à l’augmentation des droits de garantie des matières d’or et d’argent, ont été rendues exécutoires par des décrets des 11 juin 1872 et 11 septembre 1874. (Voy. Garantie.)

157. Vérification des poids et mesures. Les dispositions de la loi du 4 juillet 1837 et celles de l’ordonnance du 16 juin 1839 ont été rendues exécutoires en Algérie par l’ordonnance du 26 décembre 1842 qui fixe les droits de vérification. Le décret du 5 novembre 1852, relatif aux mesures de capacité destinées au mesurage des matières sèches et liquides, a été également promulgué en Algérie. (Voy. Poids et Mesures.)

158. Douanes. Le service des douanes a été placé sous la direction du ministre des finances par l’arrêté du 12 octobre 1848 ; le personnel continue d’être emprunté à l’administration des douanes métropolitaine, mais la direction établie à Alger relève du gouverneur général. (Déc. 10 déc. 1860, art. 7.) Le régime commercial de l’Algérie, après de nombreuses vicissitudes, a été réglé en dernier lieu par la loi du 17 juillet 1867. En ce qui concerne les rapports de l’Algérie avec la France, cette loi pose le principe de la franchise réciproque et absolue. Dans les rapports de l’Algérie avec l’étranger, les droits ne peuvent avoir le caractère de droits protecteurs, car il y a très-peu de produits industriels ou manufacturiers à protéger dans un pays où la cherté de la main-d’œuvre et des capitaux, le peu de densité de la population et la difficulté des transports, s’opposent au développement de l’industrie ; les taxes établies par la loi de 1867 et augmentées par celle du 8 juillet 1871, sur les sucres, cafés, thés, chocolats, épices, etc., ont donc principalement un caractère fiscal. En outre, il a été établi des droits différentiels portant sur les produits étrangers et destinés à assurer à l’industrie métropolitaine la jouissance, sinon exclusive, au moins privilégiée, du marché algérien. Tous les produits étrangers non spécialement taxés sont admis en franchise.

L’art. 4 de la loi du 30 janvier 1872, sur la surtaxe de pavillon, déclare que les dispositions de cette loi sont applicables à l’Algérie. Le droit de statistique, établi par la loi du 22 janvier 1872, est supporté par les produits d’Algérie à leur entrée en France, mais n’est point perçu par les bureaux des douanes de l’Algérie.

art. 3. — impôts perçus au profit des communes.

159. Octroi de mer. Cet impôt est perçu par le service des douanes sur tous les objets dénommés au tarif annexé à l’ordonnance du 21 décembre 1844, quels qu’en soient l’origine, la provenance, le pavillon importateur et la destination en Algérie. Les dispositions législatives et réglementaires relatives aux douanes sont applicables au droit d’octroi municipal, en tout ce qui concerne les déclarations, la mise en entrepôt, le contentieux, la liquidation des droits et le cabotage. — Il est fait prélèvement, sur le produit brut de cet octroi, de 5 p. cent, à titre de frais de perception et de paiement, par les agents du Trésor. (Déc. 18 juill. 1864.) Le restant ou produit net est réparti de la manière suivante : 1o quatre cinquièmes entre les communes constituées et les localités non érigées en communes, au prorata de leur population, la population indigène, y compris les israélites naturalisés, comptant pour un huitième de son effectif (Décr. 18 août 1868, art. 16 ; arr. du gouv. gén. du 23 juin 1873) ; 2o un cinquième au budget départemental. — On applique à la répartition de l’octroi de mer, entre les communes, les tableaux de population arrêtés lors du dernier dénombrement quinquennal. (C. gouv. gén. 14 oct. 1863.)

160. Taxe des loyers. Cette taxe, perçue dans chaque commune au profit de la caisse municipale, a pour base la valeur locative de l’habitation ; elle ne peut dépasser le dixième de cette valeur. Elle est payée par tout habitant français, indigène ou étranger, de tout sexe et non réputé indigent. Comme la contribution mobilière française, à laquelle elle emprunte la plupart de ses règles, elle est due pour toute habitation meublée alors même que le propriétaire ou locataire n’y a pas établi son domicile réel et ne l’habite que temporairement. (Arr. 4 nov. 1848, art. 13 et suiv.) Les exceptions sont celles que l’art. 8 de la loi du 26 mars 1831 et l’art. 17 de la loi du 21 avril 1832 apportent à l’imposition de la contribution mobilière.

161. Une circulaire ministérielle du 7 novembre 1858 a, sans déroger à l’art. 19 de l’arrêté du 4 novembre 1848, introduit, quant aux formes du recensement, des garanties nouvelles. Le Conseil d’État a décidé que, dans les limites du dixième de la valeur locative indiquée comme maximum, le conseil municipal pouvait établir des catégories, par exemple en fixant la taxe à 7, 8 et 10 p. cent, suivant le chiffre des loyers, à l’imitation de ce qui se pratique en France, en vertu de l’art. 5 de la loi du 3 juillet 1846. (Arr. du Cons., 13 août 1863, Famin.) — Le conseil municipal a aussi le droit d’exonérer les logements d’un prix inférieur à un certain chiffre, conformément à l’article 20 de la loi du 21 avril 1832.

162. Les rôles sont rendus exécutoires par le préfet et publics par les soins de l’autorité municipale. (Arr. 4 nov. 1848, art. 24 et 25.) — Les réclamations sont formées, instruites et jugées comme le sont en France les réclamations en matière de contributions directes. La faculté du recours au Conseil d’État contre les décisions des conseils de préfecture, un instant contestée, ne peut faire aucun doute. (Arr. du Cons. 7 janv. 1858, ville d’Alger.) — Les difficultés qui s’élèvent sur la validité des poursuites exercées pour le recouvrement de la taxe sont essentiellement de la compétence judiciaire. (Arr. du Cons. 26 déc. 1862, ville d’Alger.)

163. Prestations. Tout habitant de l’Algérie, Européen ou indigène, tout chef de famille ou d’établissement à titre de propriétaire, de régisseur, de fermier ou de colon partiaire, peut être appelé à fournir chaque année une prestation de trois jours : 1o pour sa personne et pour chaque individu mâle valide, âgé de dix-huit ans au moins et de cinquante-cinq ans au plus, membre ou serviteur de la famille ; 2o pour chacune des charrettes ou voitures attelées, et, en outre, pour chacune des bêtes de somme, de trait, de selle, au service de la famille ou de l’établissement dans la commune. Le chef de la famille ou de l’établissement qui n’habite pas l’Algérie, ou qui, l’habitant, n’est pas assujetti à la prestation pour sa personne, n’en est pas moins soumis aux obligations ci-dessus énoncées. Les indigents sont exemptés de la prestation. (D. 5 juill. 1854, art. 4.)

164. On reconnait à cette citation les règles qui président en France à l’assiette de la prestation en nature pour la confection et l’entretien des chemins vicinaux. Nous n’avons pas, en effet, de différence de principe à signaler ; les modifications apportées au texte de la loi du 21 mai 1836 par le décret du 5 juillet 1854, qui l’introduit en Algérie, ont pour but de l’approprier aux circonstances locales ; et ces modifications elles-mêmes s’effacent à mesure que les différences d’organisation disparaissent. Ainsi, le tarif de la conversion en argent des prestations en nature est fixé par les conseils généraux et non plus, comme l’indiquait l’art. 5 du décret de 1854, par le préfet en conseil de préfecture.

Pour tout ce qui concerne la formation du rôle, les réclamations, le délai d’option, le sens à donner aux mots membres de la famille, serviteurs, voitures attelées et bêtes de somme, de trait ou de selle, on se reportera donc à l’article Chemins vicinaux. (Arr. du Cons. 17 déc. 1862, Josse ; 12 août 1867, Cherbonneau ; 5 mars 1870, Castel.)

165. En territoire militaire, la prestation en nature n’est pas rachetable ; mais tout prestataire reste libre de se faire remplacer sur les chantiers par un homme valide. La prestation est applicable à tous les travaux d’utilité communale et notamment aux chemins vicinaux, canaux de desséchement, puits ordinaires, barrages, canaux d’irrigation et puits artésiens servant à l’arrosage des terres de culture et des communaux. On considère comme chemins vicinaux tous chemins autres que les routes nationales et départementales qui servent à communiquer d’un lieu public à un autre lieu public que l’autorité départementale détermine, tel que chef-lieu de commune, village ou groupe de trois habitations permanentes au moins, grande route, marché, mosquée, édifice ou bien communal, fontaine publique, puits, abreuvoir, gué, bacs, ports, rivière ou ruisseau d’un usage commun. — Le maximum de la prestation est fixé à quatre journées de travail. (Arr. du gouv. gén. du 29 avril 1865.)

166. Taxe sur les chiens. La loi du 2 mai 1855, qui établit en France une taxe sur les chiens, a été appliquée à l’Algérie par un décret du 4 août 1856, et le décret du 10 août 1861, qui introduit des modifications dans la perception, a été de même rendu applicable en Algérie par un arrêté du gouverneur général du 29 octobre 1861. Le recouvrement, aux termes de l’art. 6 du décret du 4 août 1856, a lieu comme pour la taxe sur les loyers, c’est-à-dire dans les formes et avec les recours propres aux contributions directes. (Voy. suprà, no 160.)

Sect. 6. — Domaine et colonisation.

167. La régie du domaine, confiée à l’administration de l’enregistrement, est surtout intéressante au point de vue de l’aliénation des terres domaniales dont l’affectation naturelle est la colonisation. Nous allons faire connaître les éléments dont le domaine se compose.

art. 1. — composition et gestion du domaine.

168. Le domaine public en Algérie comprend, outre les biens de toute nature que les lois générales de France lui attribuent, les lacs salés, les cours d’eau de toute espèce et les sources. — Le domaine de l’État se compose : 1o des biens qui, en France, sont dévolus à l’État soit en vertu des art. 33, 539, 541, 713, 723 du Code civil et de la législation sur les épaves, soit par suite de déshérence, aux termes de l’art. 768 du Code civil en ce qui concerne les Français et les étrangers, et en vertu du droit musulman en ce qui concerne les indigènes ; 2o des biens et droits mobiliers et immobiliers provenant du beylick et de tous autres réunis au domaine par des arrêtés, ordonnances ou décrets ; 3o des biens séquestrés réunis au domaine de l’État dans les cas et suivant les formes prévus par l’ordonnance du 31 octobre 1845 ; 4o} des bois et forêts, sous la réserve des droits de propriété et d’usage régulièrement acquis avant la promulgation de la loi du 16 juin 1851. (L. 16 juin 1851, art. 3 et 4.)

169. Le beylick constituait le domaine du gouvernement turc. Par le fait de la conquête, la France s’est trouvée substituée aux droits du gouvernement précédent, et les biens de toute nature de ce gouvernement sont devenus la propriété du conquérant. Au fur et à mesure qu’ils ont été découverts ou dénoncés, ces biens meubles, immeubles, droits ou redevances, ont été réunis au domaine de l’État. La masse de ces biens s’est accrue de ceux des corporations religieuses supprimées. Ces corporations, qui existaient dans toute l’étendue de la régence, exerçaient une influence d’autant plus redoutable qu’elles disposaient de biens considérables à l’aide desquels elles entretenaient et dominaient une nombreuse clientèle. Aussi, dès le 7 décembre 1830, le général en chef de l’armée d’occupation avait-il décidé que les maisons, boutiques, jardins, terrains, locaux et établissements quelconques dont les revenus étaient affectés à quelque titre que ce soit, à la Mecque et Médine et aux mosquées, seraient à l’avenir régis, loués ou affermés par l’administration des domaines. La loi du 16 juin 1851 a donné une sanction définitive à cette mesure et aux mesures analogues prises aux dates des 1er octobre 1840, 4 novembre 1840, 23 mars et 4 juin 1843. Il est juste d’ajouter que cette dépossession a été compensée par l’engagement, toujours exécuté depuis, de pourvoir aux frais du culte, antérieurement à la charge des corporations, ainsi qu’à toutes les dépenses, pensions et aumônes prélevées autrefois sur le revenu de ces immeubles.

170. À ces divers modes d’accroissement du domaine de l’État, il faut ajouter le séquestre. L’ordonnance du 31 octobre 1845 dispose que le séquestre ne pourra plus être désormais établi que sur les biens des indigènes qui auront commis directement ou indirectement des actes d’hostilité contre la souveraineté de la France, ou abandonné, pour passer à l’ennemi, les territoires sur lesquels ils vivent ; puis, déterminant l’effet de cette mesure, elle déclare que les biens séquestrés seront, après deux ans, définitivement acquis au domaine, si leurs propriétaires n’ont pas été reconnus innocents des faits qui leur étaient imputés. — Ces dispositions excluaient le séquestre collectif antérieurement pratiqué ; les exigences de la répression ont obligé de revenir à cette mesure rigoureuse après l’insurrection de 1871. (Arr. minist. du 7 mai 1871 ; arr. du chef du pouvoir exécutif du 15 juill. 1871.)

171. La mainlevée du séquestre est du ressort exclusif de l’administration ; il n’y aurait de recours possible par la voie du contentieux, qu’en cas d’erreur sur la personne ou sur la chose ; et cette allégation d’erreur n’est même pas admissible lorsqu’il s’agit de séquestre collectif. Les appositions de séquestre prononcées, en 1871, par le gouverneur général, ont reçu un effet immédiat, par application de l’article 29 de l’ordonnance du 31 octobre 1845, et la réunion définitive a été prononcée toutes les fois que les douars ou tribus séquestrés avaient abandonné le terrain qu’ils occupaient. Au cas où les occupants n’avaient pas fait acte d’abandon, il a été déclaré que la réunion au domaine n’aurait lieu qu’après le délai de deux ans imparti par l’ordonnance de 1845. (Circ. du gouv. gén. du 11 sept. 1871.) Des commissions de séquestre, instituées par le gouverneur général, ont, sur beaucoup de points, ménagé entre l’administration et les indigènes séquestrés des transactions qui, en laissant à ces indigènes les terres nécessaires à leur existence, ont procuré à la colonisation des espaces libres ou des sommes destinées à en acquérir. (Circ. du 26 juin 1872.)

172. L’État, en effet, ne se propose pas de posséder par lui-même ; il n’acquiert que pour répartir ; ce que nous aurions à dire de l’aliénation du domaine de l’État va donc trouver sa place naturelle lorsque nous dirons quelques mots de la colonisation. (Infrà, no 174.)

173. Bois et forêts. On a remarqué, dans l’énumération des biens du domaine de l’État, les bois et forêts. (Suprà, no 168.) Les droits de propriété et d’usage, réservés par l’article 4 de la loi du 16 juin 1851, doivent s’entendre même des droits de propriété et d’usage qui existaient sous la domination arabe ; l’administration française est tenue de les respecter, sauf à réglementer les droits d’usage, par exemple par la voie du cantonnement, conformément au Code forestier qui est exécutoire en Algérie, dans la mesure où les circonstances de temps et de lieu en permettent l’application. (Cass. 17 nov. 1865, Leinen ; 29 déc. 1870, Alary.)

La concession et l’exploitation des forêts de chênes-liége ont donné lieu à de nombreux règlements ; le dernier est le décret du 2 février 1870, qui détermine les conditions auxquelles les forêts de l’État seront cédées, en toute propriété, aux titulaires de concession d’exploitation.

art. 2. — colonisation.

174. Depuis qu’à la période de guerre a succédé la période de pacification, la colonisation est devenue, pour l’Algérie, la question principale. Ce n’est pas ici le lieu de rechercher pourquoi elle a fait jusqu’à ce jour si peu de progrès ; les obstacles qu’elle a rencontrés sont de l’ordre politique beaucoup plus qu’ils ne procèdent de l’imperfection des mesures administratives, qu’on peut, d’ailleurs, apprécier diversement.

175. Ces mesures ont généralement consisté dans la création de centres européens et dans la concession gratuite de terres cultivables ; on a considéré que lorsque le gouvernement fondait un village et y appelait des colons, il prenait l’engagement moral de les installer dans des conditions favorables à leur prospérité, c’est-à-dire de leur procurer, indépendamment de la terre et de la maison, l’eau, l’assainissement du sol, des routes pour écouler leurs produits et les établissements nécessaires pour le culte et l’instruction. En outre, la pauvreté des émigrants a obligé à leur fournir, soit en argent, soit en nature, des instruments de travail et les moyens de vivre au moins jusqu’à la première récolte. C’est ce qui a été pratiqué notamment pour les colons envoyés en Algérie en exécution d’une loi du 19 septembre 1848. Quoique des ouvriers parisiens fussent mal préparés à devenir des colons cultivateurs, plusieurs des colonies de 1848 sont aujourd’hui en pleine prospérité.

176. La concession gratuite d’espaces restreints dans les centres créés ou de surfaces plus considérables accordées à des capitalistes en dehors des centres, a été, jusqu’en 1860, le seul mode d’aliénation des biens du domaine de l’État. Elle a été d’abord accordée sous condition suspensive, à la charge de ne pouvoir, sous peine de déchéance, hypothéquer les biens concédés provisoirement, ni les transmettre à des tiers qu’avec l’agrément de l’autorité administrative, ce qui enlevait au concessionnaire tout moyen de crédit. (Ord. 21 juill. 1845, art. 9.) Le décret du 26 avril 1851 substitua la propriété sous condition résolutoire à la propriété sous condition suspensive, en imposant l’exécution de travaux de mise en valeur. Sous ces diverses formes, la concession constituait un acte administratif dont l’interprétation était et reste encore aujourd’hui du ressort de l’autorité administrative. (Cass. 20 nov. 1865, Compagnie génevoise de Sétif.) Bientôt un décret du 28 juillet 1860 changea tout ce système et fit de la vente à prix fixe, aux enchères, ou même en certains cas de gré à gré, le droit commun en matière d’aliénation du domaine.

177. Dans les prévisions de ses auteurs, cette législation nouvelle n’entraînait aucune lenteur, n’amenait aucune difficulté ; le prix de chaque lot étant déterminé d’avance, quiconque voulait en acquérir un ou plusieurs n’avait qu’à faire sa demande, déposer le tiers du prix fixé, et le lendemain du jour où il s’était présenté, il pouvait disposer, comme il l’entendait, de la terre qu’il avait acquise, sans être assujetti à aucune obligation de mise en valeur. L’État s’en rapportait à l’intérêt de l’acquéreur et à son intelligence du soin de tirer parti de ce qu’il avait acheté et de ce qu’il devait achever de payer dans un laps de deux ans. On réservait d’ailleurs les enchères publiques pour les terres qui, par leur position rapprochée d’une ville ou d’un village, par des facilités d’irrigation ou enfin par des conditions spéciales quelconques, avaient une valeur vénale assez considérable et devaient être recherchées par un certain nombre de personnes. La vente de gré à gré n’était autorisée que dans les cas exceptionnels d’indivision, d’enclave, de préemption légale ou de possession de bonne foi. (Déc. 25 juill. 1860, art. 17.)

178. Les concessions restaient permises à titre exceptionnel ; le décret du 31 décembre 1864 les supprima d’une manière absolue, en prescrivant, comme mode à employer exclusivement, pour l’aliénation des terres domaniales, la vente à prix fixe et à bureau ouvert, sauf quelques exceptions prévues aux articles 11 et 13, pour des cas spéciaux d’utilité publique. Le même décret affranchit les concessions déjà faites de toute clause résolutoire autre que celle du paiement ou du rachat de la rente (art. 12).

179. Les ventes à prix fixe nécessitaient un lotissement préalable ; une circulaire du gouverneur général, du 10 février 1865, détermina les règles à suivre pour la fixation des nouveaux périmètres de colonisation et prescrivit de tenir des surfaces suffisantes toujours disponibles et alloties ; mais l’administration pensait que ces surfaces ne pouvaient être que celles où la création de centres permettait d’installer une population européenne dans des conditions de sécurité, de salubrité et sur des points convenablement pourvus d’eau et de moyens de communication. Tout dépendait donc de son initiative, et cette initiative elle-même était subordonnée au pouvoir de disposer de surfaces à la fois vastes et bien situées. À cet égard, les ressources étaient, pour des raisons que nous n’apprécions pas, moins grandes qu’on ne le croit généralement. Ainsi, un exposé présenté, le 16 octobre 1869, au conseil supérieur, par le gouverneur général, établissait qu’à ce moment 15,382 hectares étaient allotis, pour l’emplacement de onze villages ou hameaux pouvant contenir 437 feux dont 241 pour des colons algériens et 196 seulement pour des colons européens. Si, d’autre part, on considère que l’incertitude de la propriété indigène mettait obstacle aux transactions qui auraient pu faire passer des terres aux mains des Européens, on s’étonnera moins du peu d’importance du courant de l’émigration vers l’Algérie.

180. Les appositions de séquestre à la suite de l’insurrection de 1871 ont mis aux mains de l’État une surface effective et utilisable de plus de six cent mille hectares de terre. Il a donc été possible de donner une impulsion nouvelle à la création des centres considérés comme devant servir de cadre à la colonisation libre et de marché à la propriété indigène. À cette occasion, la législation a été remaniée d’abord par deux décrets des 16 octobre 1871 et 10 octobre 1872 et, en dernier lieu, par un décret du 15 juillet 1874. La transmission des biens indigènes a été, par la loi du 26 juillet 1873, entourée des garanties qui accompagnent en France les mutations de propriété ; enfin, les lois du 15 septembre 1871 et 18 décembre 1872 ont affecté à la colonisation de l’Algérie par les Alsaciens-Lorrains ayant opté pour la nationalité française, des ressources importantes en terres et en argent.

181. Dans ce dernier état, et sauf l’intervention trop rare de l’initiative individuelle, l’État reste chargé des dépenses de création des centres et de la préparation des lots. L’attribution des lots est réglementée, comme il vient d’être dit, par le décret du 15 juillet 1874, dont voici les principales dispositions :

« Le gouverneur général est autorisé à consentir, sous promesse de propriété définitive, des locations de terres domaniales d’une durée de cinq années en faveur de tous Français d’origine européenne ou naturalisés qui justifieront de la possession de ressources suffisantes pour vivre pendant une année. — À titre de récompense exceptionnelle, la même faveur pourra être accordée, le conseil de gouvernement entendu, à tous indigènes non naturalisés qui auront rendu des services signalés à la France, en servant dans les corps constitués de l’armée de terre et de mer. — La liste des concessionnaires de cette dernière catégorie sera publiée trimestriellement (art. 2).

182. « La location est faite à la condition de résidence personnelle sur la terre louée pendant toute la durée du bail (art. 3).

« Le locataire payera annuellement et d’avance, à la caisse du receveur de la situation des biens, la somme d’un franc, quelle que soit l’étendue de son lot (art. 4).

« La contenance de chaque lot est proportionnée à la composition de la famille, à raison de dix hectares au plus et de trois hectares au moins par tête, hommes, femmes, enfants. (Les gens à gages ne comptent pas.) — Les célibataires pourront être admis aux concessions ; ils ne jouiront sur leur lot que d’une superficie maximum de dix hectares. — Le complément leur sera remis après seulement qu’ils auront contracté mariage et, jusque-là, il restera entre les mains de la commune qui en aura la jouissance provisoire. — Après le délai de cinq ans, si le concessionnaire n’est pas marié, l’État pourra disposer du complément réservé, soit au profit de la commune, soit au profit d’un particulier. — L’étendue d’une concession ne pourra être moindre de vingt hectares ni excéder cinquante hectares, si l’attribution est comprise sur le territoire d’un centre de population ; elle pourra atteindre cent hectares, s’il s’agit de lots de fermes isolées (art. 5).

183. « À l’expiration de la cinquième année, le bail sera converti en titre définitif de propriété, sous la simple réserve de ne point vendre, pendant une nouvelle période de cinq ans, à tous indigènes non naturalisés. En cas de contravention à la défense qui précède, la concession sera résolue de plein droit au profit de l’État. — Ce titre de propriété, établi par le service des domaines, est enregistré gratis et transcrit sans autres frais que le salaire du conservateur, le tout à la diligence du service des domaines et aux frais du titulaire (art. 6).

« Pendant cinq ans, le concessionnaire, devenu propriétaire, sera affranchi de tous impôts qui, devant être perçus au profit de l’État, pourraient être établis sur la propriété immobilière en Algérie (art. 10).

184. « Les terres qui ne se prêtent pas à la création de villages, et qui sont alloties sous la dénomination de fermes isolées, d’une contenance variant entre les limites extrêmes de cinquante à cent hectares, pourront être vendues aux enchères publiques dont les indigènes non naturalisés seront exclus. — L’acquéreur ne pourra revendre sa terre, avant dix années, à des indigènes non naturalisés. — En cas de contravention à la défense qui précède, la concession sera résolue de plein droit au profit de l’État » (art. 12).

Les dispositions secondaires du décret du 15 juillet 1874 règlent les conditions et circonstances dans lesquelles le droit au bail pourra être cédé, transféré à titre de garantie, et mis en adjudication, en cas de résiliation pour inexécution des conditions ou défaut de paiement des emprunts contractés pour se procurer le cheptel et les semences.

185. Mais il convient de mentionner spécialement l’article 11 rédigé en vue surtout de la Société de protection des Alsaciens-Lorrains qui, sous la présidence de M. le comte d’Haussonville, a établi à ses frais ou doit établir, avant le mois d’octobre 1875, quatre-vingt-dix familles dans les villages d’Azib-Zamoun et de Bou-Khalfa (département d’Alger). Cette Société, aux termes de l’article 11, a reçu, et celles qui s’établiraient à son exemple recevraient des concessions de terre à la charge d’en consentir la rétrocession au profit de familles d’ouvriers ou de cultivateurs d’origine française, dans les délais stipulés par l’administration. Ces familles sont installées au même titre et aux mêmes conditions que les colons ordinaires ; mais la Société que nous venons de nommer a pris le soin particulier d’attacher ses protégés à la terre qu’ils devront cultiver, en consacrant à l’établissement de chaque famille une somme d’environ 7,000 fr. (Rapport de M. Guynemer à la Société de protection, du 15 mai 1874.)

186. Sans être aussi richement dotés, les colons qui doivent leur établissement à l’État depuis 1871, ont reçu, outre la concession de 25 hectares en moyenne, une maison revenant de 2,000 à 2,500 fr., suivant les localités, une charrue, une paire de bœufs, une herse, quelques menus outils, des semences et enfin des rations de vivres de campagne ou une indemnité journalière les représentant, jusqu’au moment de la première récolte. « Il est certain qu’une famille laborieuse, sobre et habituée aux travaux de la campagne, doit, dans ces conditions, arriver à l’aisance au bout de quelques années. » (Rapport inséré au Journal officiel du 26 janvier 1875.)

Sect. 7. — Travaux publics.

187. Le service spécial des bâtiments civils, créé par une ordonnance du 2 avril 1846, a été supprimé par un arrêté du gouverneur général du 19 décembre 1872 ; le génie militaire et le service des ponts et chaussées restent donc seuls à concourir à l’exécution des travaux publics, sous l’autorité du gouverneur général[3]. (Déc. 10 décembre 1860, art. 7.) Le service des mines, assimilé en tout à celui de la métropole, fait opérer, au besoin, les forages artésiens soit pour le compte de l’État, soit pour celui des départements, communes ou associations territoriales. (Circ. 29 mars 1861.) Nous n’entrons pas dans le détail des travaux auxquels président les deux services du génie et des ponts et chaussées, l’un dans le territoire militaire, et l’autre dans le territoire civil ; ce sont, en général, les routes nationales ou départementales, les chemins vicinaux, les ponts, les desséchements, canaux, irrigations, nivellement et percement de rues, construction des aqueducs, fontaines et égouts et distribution des eaux. Par exception, les ingénieurs des ponts et chaussées sont chargés, même en territoire militaire de la construction des phares et fanaux et des travaux maritimes. (Ord. 2 avril 1846, et Arr. minist. 27 janv. 1846.) Les travaux militaires sont à la charge du budget de la guerre.

188. Les chemins de fer ont fait l’objet de concessions et sont soumis à un régime tout à fait analogue à celui des chemins de fer de la métropole. Un décret du 27 juillet 1862 a promulgué et rendu exécutoires en Algérie : l’ordonnance du 27 juillet 1846, portant règlement sur la police, la sûreté et l’exploitation des chemins de fer ; la loi du 27 février 1850, relative aux commissaires et aux sous-commissaires préposés à la surveillance administrative ; le décret du 26 juillet 1852, concernant les inspections et l’exploitation commerciale ; le décret du 22 février 1855, portant création d’un service spécial de surveillance. Un autre décret du 10 septembre 1871 a promulgué l’art. 10 de la loi du 13 mai 1863 sur le timbre des récépissés. — On retrouverait, dans les cahiers des charges, les clauses du cahier modèle (voy. Chemins de fer), à part quelques modifications exigées par les circonstances locales. Il est donc inutile de nous y arrêter.

189. Nous n’insistons pas davantage sur tout ce qui regarde la rédaction des projets et marchés pour l’exécution des travaux publics. Quant à l’exécution elle-même, nous devons dire que le cahier des clauses et conditions générales, du 25 août 1833, est resté en vigueur même depuis la réforme qu’il a subie en France par l’effet de l’arrêté ministériel du 16 novembre 1866. En ce qui concerne les difficultés que l’exécution peut soulever, le juge est, comme en France, le conseil de préfecture. (Voy. suprà, no 42.) Sa compétence embrasse toutes les contestations à l’occasion du contrat, qu’il s’agisse de travaux de l’État, des départements ou des communes en territoire civil ou militaire. (Arr. du C. 26 mai 1866, Frougny.) À cet égard, encore, aucune différence à signaler entre l’Algérie et la métropole ; pour en rencontrer une il faut arriver aux rapports de l’administration ou des entrepreneurs avec les propriétaires exposés à souffrir de l’exécution des travaux, et spécialement à l’expropriation, car, en ce qui concerne les torts et dommages, les règles sont identiques.

190. Occupations temporaires. On avait bien à tort, selon nous, mis en doute la légalité d’un décret du 5 décembre 1855 portant que les occupations temporaires de terrains nécessitées, en Algérie, par l’exécution des travaux publics, auraient lieu d’après les mêmes lois et dans les mêmes formes qu’en France. (Cass. 3 déc. 1862, Delmonte.) Cette difficulté a été levée par le décret du 11 septembre 1869, qui a promulgué en Algérie celui du 8 février 1868 qui, pour la France, réglemente à nouveau les formes de ces occupations. En ce qui concerne les terres collectives de culture et les terrains communaux de tribu ou de douar, il est procédé, en territoire civil, à la diligence des préfets, des ingénieurs des ponts et chaussées et des maires, dans les formes qui sont spécifiées par les art. 3 à 8 du décret du 11 septembre 1869. — En territoire militaire, les arrêtés d’occupation temporaire sont pris par le général commandant la province.

191. Expropriation pour cause d’utilité publique. L’expropriation peut avoir lieu pour la fondation de villes, villages ou autres centres de population, pour l’agrandissement des enceintes de tous ces centres de population ; pour tous les travaux relatifs à la défense et à l’assainissement du territoire ; enfin, pour toutes les autres causes pour lesquelles la loi du 3 mai 1841 autorise la dépossession. (Ord. 1er oct. 1844, art. 25 ; L. 16 juin 1851, art. 19.) — En vertu du décret du 10 décembre 1860, le gouverneur général exerce, en matière d’expropriation, les pouvoirs que l’art. 26 de l’ordonnance de 1844 conférait autrefois au ministre de la guerre ; il lui appartient de déclarer l’utilité publique et l’expropriation des immeubles nécessaires pour l’exécution des travaux. (Arr. du C. 11 juill. 1867, Jullienne.) Ainsi, à la différence de ce qui a lieu en France, l’autorité judiciaire n’intervient pas dans cette première phase de la procédure.

192. Un extrait de la décision du gouverneur général déclarant l’expropriation doit être publié au Journal officiel de la colonie et affiché sans délai, au siége de la justice de paix ou, à défaut, du commissariat civil. Cet extrait indique la nature et la situation des immeubles et leurs propriétaires, s’ils sont connus. (Ord. 1er oct. 1844, art. 28.) Cette formalité une fois remplie, l’immeuble a passé de la propriété privée dans le domaine public, et il ne dépend plus même de l’État de renoncer à l’expropriation si le propriétaire ne consent à reprendre l’immeuble. (Arr. du C. 2 déc. 1858, Lavie.) Il n’y a plus lieu qu’au règlement de l’indemnité.

193. Le propriétaire qui veut faire valoir ses droits à l’indemnité est tenu de justifier de son droit de propriété. Les titres et documents qu’il a produits sont communiqués à l’administration des domaines, qui procède à leur examen et prend ou provoque telles mesures qu’elle juge convenables pour la conservation des droits de l’État, si elle estime que l’origine de l’immeuble justifie ces mesures. (Ord. 1er octobre 1844, art. 32.) — Nous passons sur les formalités dont le but est d’appeler les divers intéressés au règlement de l’indemnité ; elles n’ont rien de spécial, non plus que la notification des offres (ibid., art. 33 et suiv.) ; mais le mode de règlement de l’indemnité, par le tribunal civil de première instance de la situation de l’immeuble exproprié, est propre à la législation algérienne.

194. La citation devant le tribunal doit contenir l’énonciation des offres refusées et les moyens à l’appui. — Dans la huitaine de la signification, les parties assignées ont à signifier leurs demandes et les moyens à l’appui. À l’expiration de ce délai, le tribunal peut se transporter sur les lieux ou déléguer à cet effet un ou plusieurs de ses membres. Il a la faculté de nommer d’office un ou plusieurs experts. (Ibid., art. 37 et 38.) — Le tribunal ou, le cas échéant, le juge-commissaire, parties présentes ou dûment appelées, fait sur les lieux toutes vérifications, y prend tous renseignements et entend toutes personnes qu’il croit pouvoir l’éclairer. Les experts prêtent serment et procèdent en la forme ordinaire. Les opérations terminées, la minute du procès-verbal est remise au greffe du tribunal dans les huit jours, et le tribunal délibère ensuite, en chambre du conseil, toutes affaires cessantes, sur les mémoires produits et sur les conclusions écrites du ministère public. Le jugement est prononcé en audience publique.

195. Ainsi, l’instruction est écrite ; elle exclut toute discussion d’audience ; le tribunal, saisi des documents de l’affaire, statue, en ce qui concerne la fixation de l’indemnité prise en elle-même, comme le ferait en France le jury, et sans avoir davantage à rendre compte des motifs qui l’ont déterminé. Comme le jury, il apprécie la sincérité des titres produits, et s’il acquiert la conviction que des travaux ont été faits de mauvaise foi, en vue d’obtenir une indemnité plus élevée, il a le droit de rejeter ou de réduire la valeur de ces travaux. (Ibid., art. 40 et 41.) — L’indemnité en France ne peut jamais, au cas d’expropriation partielle, se compenser absolument avec la plus-value ; celle-ci, au contraire, peut, en Algérie, être admise jusqu’à concurrence du montant total de l’indemnité, sans qu’il y ait, d’ailleurs, jamais lieu au paiement d’une soulte par l’exproprié. (L. 16 juin 1851, art. 20.)

196. Pour ce qui regarde la fixation de l’indemnité, il résulte de ce qui précède que la décision du tribunal est souveraine et sans appel. (Ord. 1er oct. 1844, art. 45.) Au contraire, pour les questions étrangères au règlement de l’indemnité qui peuvent s’élever à l’occasion de ce règlement, soit quant au droit de propriété en lui-même, soit quant à la procédure, le jugement du tribunal reste sujet aux voies de recours du droit commun, et dès lors il y a nécessité pour les juges de prononcer par des dispositions distinctes. (Cass. 6 déc. 1864, dir. gén. de l’Algérie ; 2 janv. 1866, Aribaud.)

Le paiement ou la consignation de l’indemnité est, comme en France, le préliminaire indispensable de la prise de possession. (Ord. du 1er oct. 1844, art. 48.)

197. Prise de possession en cas d’urgence. Lorsqu’il y a lieu, en Algérie, d’acquérir par voie d’expropriation et d’occuper immédiatement tout ou partie d’une ou plusieurs propriétés (bâties ou non bâties), pour l’exécution des travaux spécifiés à l’art. 19 de la loi du 16 juin 1851 (suprà, no 192), et que l’urgence ne permet pas d’accomplir les formalités prescrites à cet égard par l’ordonnance du 1er octobre 1844, le gouverneur général de l’Algérie peut, en approuvant ces travaux, déclarer qu’il y sera procédé conformément aux dispositions d’un décret du 11 juin 1858. Cette procédure abrégée laisse subsister des garanties analogues à celles qui résultent du titre VII de la loi du 3 mai 1841. L’indemnité est fixée par le tribunal et les intérêts courent de plein droit du jour de la prise de possession. (Cass. 17 juill. 1865, préfet d’Alger.)

198. Expropriation pour l’ouverture des chemins vicinaux. L’art. 16 de la loi du 21 mai 1836, qui organise un mode spécial de règlement d’indemnité, quand il s’agit de travaux d’ouverture ou de redressement des chemins vicinaux, n’a pas été reproduit par le décret du 5 juillet 1854 (voy. suprà, no 164) ; ce genre de dépossession reste donc régi par l’ordonnance du 1er octobre 1844. Quant aux indemnités dues pour le sol acquis aux chemins en vertu des arrêtés portant reconnaissance et fixation de la largeur des chemins, elles sont réglées comme en France. (Déc. 5 juillet 1854, art. 20.) Il en est de même pour les extractions de matériaux, dépôts ou enlèvements de terre et occupations temporaires auxquels donne lieu la construction des chemins vicinaux.

199. Expropriation en matière de voirie urbaine. Différentes villes d’Algérie ont obtenu l’application du décret du 26 mars 1852, relatif aux rues de Paris, dont l’article final stipule, comme on le sait, que ce décret pourra être appliqué aux villes qui en feront la demande. En particulier, un décret du 26 août 1859, spécial à la ville d’Alger, mais destiné à servir de type pour l’Algérie, a introduit dans le texte de celui du 26 mars 1852 les modifications nécessaires pour le combiner avec l’ordonnance du 1er octobre 1844.

200. Expropriations pour l’irrigation ou le drainage. Les lois relatives aux irrigations, des 29 avril 1845 et 11 juillet 1847, la loi relative au drainage, du 11 juin 1854, et celle du 21 juin 1865, sur les associations syndicales, ont été promulguées en Algérie. Dans le cas prévu par l’art. 18 de cette dernière loi, de travaux exigeant des expropriations, l’utilité publique est déclarée et les indemnités dues sont réglées conformément à l’ordonnance du 1er octobre 1844. Le gouverneur général exerce, conformément aux décrets des 10 décembre 1860 et 7 juillet 1864, les pouvoirs attribués par la loi du 21 juin 1865 au ministre des travaux publics. (Déc. 31 octobre 1866.) Casimir Fournier.

bibliographie.

Annuaire de l’Algérie, paraît tous les ans.

Organisation administrative de l’Algérie dans le Répertoire de Dalloz.

Droit musulman, par Sautayra, conseiller à la Cour d’Alger et Cherbonneau, ancien prof. d’arabe. Paris, Maisonneuve. 1873-1874, 2 vol.

Le Code civil et la loi de Mahomet. In-8o. Constantine, Arnolet. 1872.

Étude sur l’organisation de la justice française en Algérie, depuis la conquête jusqu’à nos jours, par M. L. Bezombes. In-8o. Philippeville, impr. de Denis aîné. 1870.

Essai de transcription hypothécaire dans les tribus du Tell algérien, par M. Robinet de Cléry. In-8o. Alger, impr. de Tissier. 1870.

Bureaux arabes et coloniaux, par MM. Jules Duval et Warniez. In-8o. Paris, Challamel aîné. 1869.

De l’expropriation pour cause d’utilité publique en Algérie, par Vomarne. In-8o. Paris, Challamel. 1866.

Dictionnaire de la législation algérienne, par M. P. de Ménerville, conseiller à la Cour d’Alger. In-8o. Alger, Mme Philippez. Paris, Challamel. 2e édition, t. Ier, 1830-1860 ; t. II, 1860-1866 ; t. III, 1866-1872.

De la propriété en Algérie, par M. R. Dareste. 2e édition, 1864. Paris, Challamel.

Hygiène en Algérie, par Périer, suivi d’un mémoire sur la poste en Algérie, par Berbrugger. 2 vol. grand in-8o.

Précis de jurisprudence musulmane, par Khalil ibn Ish’ak, traduit de l’arabe par Perron. Paris, Challamel, 1848 à 1854. 7 vol. dont un forme la table alphabétique. (Sert de code aux tribunaux français jugeant les appels musulmans.)

Examen critique de la traduction du livre de Khalil par Cadoz. Paris, Challamel. 1871. In-8o. Du même : Initiation à la science du droit musulman Eben Haëzer, code rabbinique par MM. Sautayra et Charleville. 2 vol. In-8o.

  1. Le Tell, portion essentiellement cultivable du territoire algérien, s’étend de la Méditerranée au plateau central qu’il englobe en partie. La superficie du Tell est de 13,146,000 hectares ; au delà du Tell s’étend le Sahara algérien.
  2. Il y a deux décrets à la même date, l’un organisant l’assistance coloniale, l’autre pourvoyant à la dépense comme il est dit au texte.
  3. Le budget des travaux publics se partage en service ordinaire, correspondant aux allocations annuelles de l’État, et service extraordinaire. Il est fait face aux dépenses des travaux extraordinaires au moyen du prêt consenti par la Société algérienne. (Loi du 12 juillet 1865.)