Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 2/561-567

Fascicules du tome 2
pages 551 à 560

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 2, pages 561 à 567

Abrégé de chronologie


forme d’un œuf d’autruche, & de la grosseur d’une citrouille médiocre. Son écorce est dure. On en fait des vaisseaux à boire. Les feuilles de l’arbre ressemblent à celles du laurier. Voyez Thevet, &c.

CHR.

CHRÊME. s. m. Huile consacrée par l’Evêque, qui sert à administrer les Sacremens de Baptême, de Confirmation, d’Ordre & d’Extrême-Onction. Sacrum Chrisma. On fait le saint Chrême le Jeudi-Saint avec de grandes cérémonies. En Espagne l’Evêque prenoit autrefois le tiers d’un sou pour le Saint Chrême que l’on distribuoit à chaque Eglise, à cause du baume qui y entre. Le Concile de Prague, tenu en 572. Can. 4, défend de rien prendre.

L’Auteur Arabe de Giavaher al Bochur écrit que le baume de Matharée, auprès du Caire en Egypte, étoit fort recherché des Chrétiens, à cause de la foi qu’ils y avoient. Il dit ceci à cause que les Chrétiens s’en servoient pour faire le chrême de la Confirmation. D’Herbelot, au mot Belsan.

Ce mot vient du grec χρήσμα (chrêsma) signifiant la même chose. Il y en a de deux sortes : l’un qui se fait avec de l’huile & du baume, qui sert aux Sacremens de Baptême, de Confirmation & des Ordres ; l’autre qui est de simple huile qui est consacrée par l’Evêque, qui servoit aux Cathécumènes, & sert encore à présent pour le sacrement de l’Extrême-Onction. Cette cérémonie est fort ancienne, & même d’institution Apostolique. Les Maronites ne composoient pas seulement d’huile & de baume, le chrême de la Confirmation avant qu’ils eussent été réformés, ils y ajoutoient du musc, du safran, de la cannelle, des roses, de l’encens blanc, & plusieurs autres drogues qui sont rapportées par Raynaldus, an. 1514, n. 91, avec la dose de chacune. Le P. Jérome Dandini Jésuite, qui alla au Mont-Liban en 1556, en qualité de Nonce de Sa Sainteté, arrêta dans un Synode, que le chrême se feroit avec le l’huile & du baume seulement, sans y ajouter autre chose ; cela signifiant les deux natures de J. C. l’huile marque la nature humaine, & le baume la nature divine. Voyage du Mont-Liban, ch. 28.

On appelle à Bourges le chrême de Bourges, la Juridiction spirituelle de l’Archevêque, dans le district de laquelle il a droit de distribuer le saint Chrême aux Curés.

Proverbialement, en parlant d’une chose capable de pousser à bout la patience d’un homme, on dit, qu’elle feroit renier Chrême & Baptême. Acad. Fr.

CHRÊMEAU. s. m. Petit bonnet qu’on prépare pour mettre sur la tête des enfans qu’on baptise, lorsqu’on leur a appliqué le saint Chrême. Fascia.

CHRÉTIEN, ENNE. adj. & subst. Celui qui croit en Jésus-Christ, qui est baptisé, & fait profession de la Religion instituée par Jésus-Christ. Christianus, Christianis Sacris imbutus. Le monde Chrétien. Le peuple Chrétien. Les premiers Chrétiens ont vécu dans une grande pureté. Le sang des Martyrs a été une semence des Chrétiens. Parmi le peuple l’on n’est Chrétien que par hasard, & non point par réflexion. Fléc. Si on comparoit la doctrine des Chrétiens avec leur conduite, on trouveroit leur vie bien peu conforme à leur foi. Vill. Comment accoutumer des esprits corrompus à la régularité de la Religion Chrétienne ; chaste, sévère, ennemie des sens, & uniquement attachée aux biens indivisibles ? Boss. On a commencé à donner ce nom à Antioche à ceux qui croyoient en Jésus-Christ, comme on voit dans les Actes des Apôtres. Avant cela on les appeloit Disciples.

Chrétien se dit aussi de ce qui appartient à la Religion de Jésus-Christ, de ce qui est conforme à la loi évangélique. La morale chrétienne l’a bien emporté sur celle des Payens. Les déserts étoient peuplés de gens qui faisoient profession de mourir à l’amour du monde par l’étude de la perfection chrétienne. Herman. L’humilité est la base des vertus chrétiennes. Jaq.

Ne valoit-il pas mieux vous perdre dans les nues,
Que d’aller, sans raison, d’un style peu chrétien,
Faire insulte, en rimant, à qui ne vous dit rien ? Boil.

On appelle par excellence le Roi de France, le Roi Très-Chrétien, comme le Fils aîné de l’Eglise. Rex Christianissimus. S. Grégoire, écrivant à Charles Martel, entre les autres titres d’honneur qu’il lui donne, le nomme Très-Chrétien, ce qui pourroit faire voir l’antiquité de ce titre, que prennent nos Rois privativement à tous les autres. Godeau. Zacharie fit (aussi) une réponse à Pepin, qu’il nomme Très-Chrétien. Id. Enfin le surnom de Roi Très-Chrétien, dont nos Rois étoient en possession depuis plusieurs siècles, fut affecté de son temps d’une manière spéciale à sa personne, & à celle de ses successeurs, par le Pape Paul II. P. Daniel. T. II, p. 1459.

Rigord, Chapelain & Historien de Philippe Auguste, est le premier qui ait donné au Roi de France la qualité de Roi Très-Chrétien. Il la lui donne par-tout, ne le nommant presque jamais, sans joindre cette épithète à son nom. Elle avoit déjà été donnée à Childebert, petit-fils du Roi Clotaire. L’Empereur Maurice la lui donna dans plusieurs lettres qu’il lui écrivit, & que Duchesne a recueillies. Néanmoins nos Rois ne se sont attribué eux-mêmes cette qualité que depuis que le Pape Pie II la donne au Roi Charles VII. Chalons. M. Falconet a trouvé dans une ancienne Traduction le titre de Roi Très-Chrétien donné à Charles VI, contre l’opinion commune, qui en met l’origine au règne de Louis XI. Dissertation sur nos premiers Traducteurs dans le VIe volume des Mémoires de l’Academie des Belles-Lettres.

Lambecius, dans son IIIe Tome de la Bibliothèque de l’Empereur, prétend que la qualité de Très-Chrétien n’a point été donnée à Louis le Débonnaire par Ermoldus Nigellus Poëte de ce temps-là, en tant que Roi de France, mais en tant qu’Empereur d’Occident, & que c’est par la même raison que Charlemagne, dans l’inscription d’un Recueil d’Epitres qu’il fit faire en 791, ne s’appelle par Très-Chrétien. Nos Historiens françois ont suffisamment répondu à ces petites querelles d’Allemand. Vig. Marv.

On a donné aussi le nom de Chrétien particulièrement aux Ecclésiastiques, & le nom de Chrétienté au Clergé.

Chrétien. (Dieu aide au premier) C’est le cri d’armes des Montmorenci & des Laval ; car la maison de Laval a le même cri d’armes que celle de Montmorenci.

Chrétien se prend aussi quelquefois substantivement. Les Chrétiens sont obligés à une grande pureté. Les Chrétiens ont fait plusieurs Croisades contre les Infidèles, où ils ont commis les plus horribles crimes.

Responsable du temps, l’inutile Chrétien
Croira que c’est un mal, de ne point faire un bien. Vill.


Quel est l’aveuglement, & quel est le malheur
D’un Chrétien qui donne à la joie
Le temps qu’il doit à la douleur ? L’Ab. Tétu.

Chrétien se dit aussi, dans le style bas & comique, pour une personne. Jamais je ne vis un plus hideux Chrétien. Mol.

On dit proverbialement, quand un homme ne goute pas une chose qui est bonne, ou qu’il ne fait pas ce que les autres font, qu’il n’est pas Chrétien. On dit aussi, il n’y a corps de Chrétien qui m’ose reprocher telle chose ; pour dire, il n’y a personne qui me veuille soutenir cela.

On dit aussi, parler Chrétien ; pour dire, un langage qu’on entende, ou un style qui ne ressente plus le Paganisme. Christiano more loqui, perspicue, sine ambagibus loqui. Si nous étions au temps des sacrifices, je devrois sacrifier à Esculape ; mais il faut parler Chrétien, & je loue Dieu, &c. Bal.

Chrétien de la ceinture. Voyez Ceinture.

Chrétiens de S. Jean. Christiani Sancti Joannis ou à Sancto Joanne dicti. C’est le nom d’une secte de Chrétiens qui sont en grand nombre à Balsora, & dans les villes voisines. Ils habitoient autrefois au long du Jourdain, où saint Jean baptisoit : & c’est de-là qu’ils ont pris leur nom ; mais depuis que les Mahométans eurent conquis la Palestine, ils se retirèrent en Mésopotamie & en Chaldée, pour éviter la persécution des Infidèles, qui brûloient leurs livres & leurs Eglises, & exerçoient sur eux les dernières cruautés. Les villes où ils sont établis sont Balsora, Sonter, Despoul, Rumez, Bitoum, Mono, Endecan, Calafabat, Aveza, Dega, Doreth, Masquel, Gumar, Carianous, Onezer, Zech & Loza. Tous les ans ils célèbrent une fête qui dure cinq jours, pendant lesquels ils viennent tous trouver leurs Evêques, qui les baptisent du baptême de saint Jean : ils ne baptisent que dans les rivières, & le Dimanche seulement. Ils n’ont point connoissance du mystère de la sainte Trinité ; mais ils disent que J. C. est l’esprit & la parole du Pere éternel. Pour l’Eucharistie, ils se servent de pain & de farine, avec du vin & de l’huile : le vin, selon eux, marque le sang de J. C. & l’huile marque l’onction de la grace & de la charité. Leur consécration consiste en certaines longues prières qu’ils font, pour louer & remercier Dieu ; ils bénissent le pain & le vin en mémoire de J. C. sans faire mention de son corps ni de son sang. Après la mort d’un Evêque ils élisent pour son successeur un de ses fils, s’il en a, ou un de ses plus proches parens. Ils croient beaucoup de fables touchant la création du monde & de l’autre vie. Les Chrétiens de S. Jean ont trois fêtes principales ; l’une en hiver, qui dure trois jours, en mémoire de notre premier pere & de la création du monde ; une autre au mois d’Août, qui dure aussi trois jours, & qu’ils appellent la fête de S. Jean ; la troisième au mois de Juin, qui dure cinq jours : c’est à celle-ci qu’ils se font baptiser. Ils observent le Dimanche : ils n’ont point de jeûnes, & ne font aucune pénitence ; aussi croient-ils qu’ils seront tous sauvés. Ils n’ont point de livres canoniques ; mais ils en ont qui sont remplis de sortilèges, dont l’effet est si puissant, qu’ils disent que leurs Prêtres font tout ce qu’ils veulent, & ont une autorité absolue sur les Diables. Tavernier, Tome premier. Voyez Sabien.

Chrétiens de saint Thomas ou de San Thomé. Lorsque les Chrétiens arrivèrent aux Indes la première fois, & dès qu’ils touchèrent au port de Calecut, ils trouvèrent d’anciens Chrétiens, qui se disoient descendus de ceux que saint Thomas avoit convertis aux Indes, & que pour cela on nomma Chrétiens de San Thomé ou Saint Thomas. Quand ils eurent appris qu’il étoit arrivé aux Indes une nation étrangère qui avoit une vénération singulière pour la croix, ils lui envoyèrent des Ambassadeurs pour faire alliance avec elle, firent des présens aux Portugais, & implorèrent leur secours contre le Princes Gentils. Il est constant que ces Chrétiens, soit Prêtres, soit Laïques, sont des Indiens naturels. On les nomme dans le pays Nazaréens ; mais l’usage a attaché à ce terme une idée de mépris. Le terme de Mappuley, & au pluriel Mappuleymar, qui est leur autre nom, est plus honorable. Ces Chrétiens sont une Caste assez nombreuse, riche, belliqueuse, mais toujours divisée par mille factions, haines & querelles. Cette Caste est répandue dans les terres depuis Calecut jusqu’à Travançor ; non que tout ce pays soit occupé par ces Chrétiens seuls ; mais parce que toutes les peuplades & Eglises de cette Caste sont renfermées dans cet espace de pays. L’endroit où ils en ont davantage est proche de Cochin. Les Mahométans ont une haine particulière contre ces Chrétiens, sans que l’on sache pourquoi, sinon qu’elle est plus invétérée. Ces Chrétiens prétendent que l’Apôtre S. Thomas a converti ce pays. Des Savans d’Europe prétendent que c’est un autre S. Thomas. D’autres disent que c’est un Marchand Nestorien, nommé Thomas. Un Missionnaire qui demeure depuis long temps dans l’Inde, prétend avoir fait des découvertes curieuses là-dessus ; que S. Thomas débarqua à Calecut, & que traversant les montagnes, il vint jusqu’à Méliapor, capitale de Coromanderl. Le Bréviaire des Prêtres de cette Chrétienté porte même que S. Thomas passa jusqu’à la Chine. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’en deux montagnes peu éloignées de Méliapor, & aux environs de cette ville, on a trouvé des monumens de la Religion Chrétienne. Voyez Maffé, Hist. Indic. L. I, II, VI, VIII, & le P. Bouhours, vie de S. François Xavier, L. I, & L. III.

Au reste ces Chrétiens sont depuis long temps Nestoriens ; & plusieurs ne prennent ce nom comme un nom de secte. Le Patriarche de ces Nestoriens, qui réside à Mosoul, étend sa juridiction jusques dans l’Inde. Il est constant que les Chrétiens du Rit Chaldéen qui sont à Goa, à Cochin, à Angamala, & dans plusieurs autres lieux de ce pays-là, sont tous de la Secte Nestorienne. Les Papes leur ont envoyé souvent des Missionnaires, principalement depuis que les Portugais ont été établis dans les Indes. D. J. Albuquerque, de l’Ordre de Saint François, a été le premier Archevêque de Goa de la part du Pape. Ce fut sous lui, en 1546, qu’on établit un Collège à Granganor, pour instruire les enfans dans les cérémonies des Latins ; mais les Jésuites, qui furent plus habiles que les autres Missionnaires, s’apperçurent bientôt que les jeunes Chaldéens, instruits à la manière des Latins, n’étoient pas propres pour convertir les Chrétiens de saint Thomas ; c’est pourquoi ils établirent un autre Collège en 1587, à une lieue de Granganor, où ils enseignèrent la langue Chaldaïque aux enfans, afin qu’étant devenus grands ils fussent reçus dans le ministère comme de véritables Chaldéens ; cela ne fut pas d’une grande utilité. Il ne fut pas possible aux Jésuites de les détourner de la soumission qu’ils rendoient au Patriarche de Babylone, qui n’étoit point dans la communion du Pape : ils ne pouvoient quitter leurs vieilles coutumes, où ils avoient été instruits par leurs Evêques, & qui étoient fort différentes des usages de Rome. Celui qui a travaillé le plus à réunir les Chrétiens de S. Thomas avec l’Eglise Romaine, a été Alexis de Ménésès, de l’Ordre de S. Augustin, qui fut fait Archevêque de Goa, & qui prit la qualité de Primat de l’Orient. Cette fameuse mission arriva en 1590, elle est décrite au long dans un livre qui a été d’abord écrit en portugais, & ensuite traduit en françois sous le titre d’Histoire Orientale des progrès d’Alexis Ménésès en la Réduction des Chrétiens de saint Thomas, imprimée à Bruxelles in-80, en 1609. On voit dans cette Relation qui a été faite sur les Mémoires de l’Archevêque, & de quelques Missionnaires qui l’accompagnèrent, qu’on fit de grandes violences à ces Chrétiens des Indes, faute de savoir la Théologie Orientale. On les inquiéta sur ces cérémonies qui n’étoient d’aucune importance, & sur lesquelles on ne les inquiéteroit pas présentement à Rome. Toute cette narration montre que les Chrétiens de S. Thomas étoient fort zélés pour défendre leur croyance, & qu’ils prétendoient avoir conservée comme leurs peres l’avoient reçue de saint Thomas. Lorsqu’on leur demandoit si le Pape n’étoit pas le Chef de l’Eglise, ils répondoient qu’il étoit le Chef de l’Eglise de Rome, autrement de saint Pierre ; mais qu’il ne l’étoit pas de l’Eglise de saint Thomas, qui avoit été leur Apôtre. Mais nonobstant ce zèle pour leur religion, & la soumission qu’ils avoient pour leur Patriarche de Babylone, l’Archevêque Ménésès travailla fortement à les réduire sous la puissance du Pape, & à leur faire voir les erreurs où ils étoient. Il assembla pour cela un Synode en 1599, le 20 de Juin, où se trouvèrent les Députés des Nestoriens, afin de délibérer avec lui sur toutes les choses qui regardoient la Religion. Le Sieur de Moni, dans son Histoire de la Croyance & des Coutumes des Nations du Levant, a rapporté & examiné tout ce qui fut arrêté dans ce Synode. Voyez Nestoriens.

Chrétien. (Bon) Arbre & fruit. Voyez Bon. On lui donne par tout le surnom de bon, à la réserve du Poitou, qui se contente de l’appeler la poire de Chrétien. La Quint.

☞ CHRÉTIENNÉ, ÉE. Du vieux verbe chrétienner. Celui qui est rendu Chrétien. Après avoir été chrétienné, il lui fit serment de fidélité. Ras. de Pasquier. L. B.

CHRÉTIENNEMENT. adv. D’une manière chrétienne. Ut Christianum decet. Il faut pardonner les injures, quand on veut vivre chrétiennement.

C’est en vain qu’un Docteur, qui prêche l’Evangile,
Mèle chrétiennement l’agréable à l’utile,
S’il ne joint un beau geste à l’art de bien parler. Vill.

CHRÉTIENTÉ. s. f. Prononcez en comme dans mien. Tout le pays habité par les Chrétiens. Christianus orbis. ☞ On entend par ce mot la collection générale de tous les Chrétiens répandus sur la surface de la terre, sans avoir égard aux différentes opinions qui peuvent diviser ce corps en sectes particulières. Hors de l’Eglise Romaine il y a des sociétés qui portent le nom de chrétienté. Les Turcs ont toujours tâché de troubler le repos de la chrétienté, ont envahi plusieurs terres de la chrétienté. Ce sont les seuls par qui nous gouvernons la chrétienté. Pasc. Le Vendredi toutes les Mosquées sont fréquentées comme en la chrétienté les Eglises aux grandes fêtes. Du Loir. p. 139.

Il y a au pays du Maine, & ailleurs, un Doyenné qu’on appelle Doyenné de Chrétienté, comme on voit dans le Pouillé des Bénéfices. C’est ainsi qu’on a appelé autrefois la Cour de l’Eglise, Cour de Chrétienté, tant en parlant de la Juridiction que de l’Auditoire. On a dit aussi qu’un enfant avoit Chrétienté, quand il avoit le Baptême.

On dit proverbialement, Dieu bénisse Chrétienté, quand on fait comparaison d’un animal à un homme. On dit aussi, en style populaire, de celui qui n’a que de mauvaises semelles à ses souliers, à ses chausses, ou qui marche nus piés, qu’il marche sur la chrétienté ; pour dire, sur le pavé, ou sur la chair de ses piés.

CHRIE. s. f. Terme de Rhétorique. C’est une narration courte & concise, mais cependant forte, vive & oratoire. Chria. Ce Professeur a donné une chrie à faire à ses écoliers. Les ordres qu’il donna à ses gens, & les discours qu’il tenoit dans son Domestique, étoient des Enthymêmes, des chries & des Apostrophes. Huet. Ce mot est grec, & vient de χρεία (chreia).

CHRISMAL. s. m. Chrismale. Vaisseau dans lequel les anciens Moines, portoient sur eux de l’huile bénite, pour en oindre les malades, quand ils sortoient. Il en est parlé dans la Régles de S. Colomban. Chrismal signifioit aussi quelquefois un Reliquaire. Felury.

CHRISMATION. s. f. Action d’imposer le chrême. Cérémonie de l’Eglise par laquelle un Ministre des Autels impose le saint Chrême. Chrismatio, Chrismatis imposition. La chrismation, selon le plus grand nombre des Théologiens, est la matière prochaine du Sacrement de Confirmation. Voyez le Concile de Laodicée vers l’an 364, Can 7 & 47. Le second de Séville, can. 7, celui de Florence, in Decret. ad Armem. celui de Trante, Sess. VII, can. 2. Innoc. I. ep. I, c. 3. &c. La chrismation qui se fait au Baptême se fait par le Prêtre, celle de la Confirmation se fait par l’Evêque. Ce mot ne se dit que de ces deux Sacremens ; pour celui de l’Ordre, nous disons Onction.

Ce mot vient de Chrismatio, qui vient de χρῖσμα (chrisma) chrême.

☞ CHRIST. Ce mot, suivant sa propre signification, veut dire oint, qui a reçu quelque onction. Il s’applique par excellence au Sauveur du monde, & c’est un nom qui lui est devenu propre. On le fait presque toujours précéder du nom de Jesus. Nous avons été rachetés par le sang de J. C. Alors l’s du mort Jesus et l’st du mot Christ ne se font point sentir, & l’on prononce Jesus-Christ. Il n’en est pas de même quand le mot Christ est seul.

☞ On dit, en parlant de tableaux, un Christ ; pour dire, une figure de J. C. attaché à la croix, Crucifix. Christi effigies, imago. Voilà un beau Christ. Quelquefois on distingue entre Crucifix & Christ. Le Crucifix est le total, composé de l’image de la croix & de celle du Sauveur ; le Christ est l’image seule du Sauveur, détachée ou indépendante de la Croix. Le Christ de cette Croix est d’une grande beauté.

Quelquefois on se sert du mot Christ seul par antonomase ; pour dire, celui qui est envoyé de Dieu, qui est oint, comme Jesus-Christ, David, un Roi, un Pontife, un Prophète, &c. Alors les paroles du discours doivent déterminer ce mot, & lui faire signifier ce que celui qui parle veut faire entendre.

La Congrégation du Corps de Christ. Nom d’un Ordre Religieux fondé en 1328, par D. André Paolo d’Assise, Clerc régulier, avec la permission d’Alexandre Vincioli de pérouse, Evêque de Nocéra en Ombrie, qui lui accorda une petite Eglise proche Gualdo, dans un lieu appelé la Bonne Mere. Il donna à cette Eglise le nom de Corps de Jesus-Christ, & lui fit bâtir un Monastère qui devint chef d’une Congrégation de Religieux qui faisoient profession de la règle de S. Benoît, & avoient des constitutions particulières, qui leur furent données par la Fondateur, & approuvées par cet Evêque de Nocera. Il les obligea à porter le Saint Sacrement dans les processions solemnelles, & à célébrer la fête du Corps de Jesus-Christ avec beaucoup de piété & de pompe, pour exciter les Fidèles au culte de cet adorable Sacrement. Urbain IV, & Martin V, donnèrent beaucoup d’indulgences à la même fin. Grégoire XI approuva cet Ordre le 5 Juillet 1377. Boniface IX le confirma en 1393, & lui accorda les privilèges & les indulgences de l’Ordre de Cîteaux. Le P. Hélyot, T. VI, c. 25.

Il y a eu aussi des Religieuses du Corps de Christ. Elles commencèrent l’an 1379 à Foligny. Boniface IX leur accorda beaucoup d’indulgences & les confirma les années 1398, 1399 & 1410. En 1404, elles embrassèrent les observances de l’Ordre du Corps de Christ, ce qui fut confirmé par l’Evêque de Foligny, & approuvé par Boniface IX. L’an 1461 le Général de l’Ordre de Christ ayant renoncé à sa juridiction sur ce Monastère, Pie II le soumit à l’Evêque de Foligny. P. Hélyot, ibid.

L’Ordre de Christ est un Ordre militaire fondé l’an 1318 par Denis I, Roi de Portugal, pour animer sa Noblesse contre les Maures. Ordo militaris à Christo dictus. Le Pape Jean XXII le confirma en 1320, & donna aux Chevaliers la règle de S. Benoît. Alexandre VI leur permit de se marier. Il a été depuis inséparablement réuni à la Couronne, & les Rois de Portugal ont pris le titre d’administrateurs perpétuels de cet Ordre. Les Chevaliers de l’Ordre de Christ sont vêtus de blanc ; ils portent sur la poitrine une croix patriarchale de gueules chargée d’une autre croix d’argent : ce sont les armes de l’Ordre. Ces Chevaliers, qui faisoient autrefois leur résidence à Castro-Marin, la transférèrent dans la ville de Thomar, comme étant plus voisine des Maures d’Andalousie & de l’estramadoure. Le Quien de la Neuv. Histoire de Port.

Christ. Ordre militaire en Livonie. Christi Sacer Ordo in Livonia. L’Ordre militaire des Freres de Christ fut institué en 1205 par Albert Evêque de Riga : ils portoient sur leur manteau une épée, & une croix par dessus, ce qui les fit aussi nommer les freres de l’épée. La fin de leur institut fut de défendre les nouveaux Chrétiens, qui se convertissoient tous les jours en Livonie,& que les Payens persécutoient ; comme il paroît par une lettre d’Innocent III, qui ordonne une Croisade contre eux. Voyez l’établissement de cet Ordre dans Longin. Hist. de Polon. L. VIII.

Il y a aussi un Ordre militaire de Christ ou de J. C. en Italie, institué par Jean XXII à peu près dans le même temps que celui de Portugal commença. Ces Chevaliers ne font point preuve de noblesse : ils ont cependant été agrégés à ceux de Portugal, mais sans pouvoir prétendre à leurs Commanderies. Ils ont les mêmes statuts, & sont seulement appelés Chevaliers à brevet. P. Hélyot. Ibid.

Outre les Chevaliers, il y a des Religieux de l’Ordre de Christ établis sous le regne de Jean III, Roi de Portugal. Antoine de Lisbonne, Religieux de l’Ordre de S. Jérôme, ayant été nommé Commissaire Apostolique, pour faire la visite du Couvent de Thomar, première Maison de l’Ordre des Chevaliers de Christ, établit la réforme dans ce Couvent. Il déposa Didaque de Régo, qui en étoit Prieur, & obligea tous les Clercs de cet Ordre à vivre en commun, & à porter un habit Monachal avec la croix de l’Ordre de Christ sur la poitrine. Il fit bâtir des lieux réguliers, & reçut des novices, auxquels, après l’année de probation, il fit faire les vœux de pauvreté, de chasteté & d’obéissance. Il dressa des statuts, & cette réforme, à la priere du Roi, fut approuvée par le Pape Jules III qui permit au réformateur de quitter l’Ordre de Saint Jérôme, & de passer à celui de Christ. Il l’établit en même temps Prieur du Couvent de Thomar. Cette réforme s’établit en plusieurs droits, & le réformateur obtint de Pie V la confirmation de tous ses Couvens par une Bulle de l’an 1567. Comme, en vertu de cette Bulle, ces Religieux prétendirent être indépendans des Chevaliers, le Roi Sébastien voulut les détruire, & s’adressa pour cela à Grégoire XIII l’an 1576. Le Pape ne les détruisit point, mais il les soumit au Roi, comme Grand-Maître de l’Ordre. P. Hélyot, T. VI, c. 8.

☞ CHRISTBOURG. Ville de Pologne, dans la Prusse Polonnoise, à trois lieues de Pologne de Marienbourg.

☞ CHRIST-CHURCH. Ville d’Angleterre en Hautshire, à dix-huit milles de Southampan.

CHRISTE-MARINE. s. f. Salicot, bacile, ou fenouil marin. Voyez ces mots. Nom d’une herbe qui croît sur la grève ou sur les bords de la mer. Ne faut-il point écrire Criste, plutôt que Christe ? Quoi qu’il en soit, il croît beaucoup de christe marine autour du Mont S. Michel. On l’apprête en salade.

☞ On donne vulgairement le nom de passe pierre ou perce pierre à une de ces espèces. On mange cette dernière confite au vinaigre. Toutes sont apéritives & dissipent les obstructions. Acad. Fr.

CHRISTIAN ou CHRISTIEN. Nom d’homme. Christianus. C’est la même chose que Chrétien. Christian ou Chrétien Druthmar, surnommé le Grammairien, Auteur d’un Commentaire sur S. Matthieu, & d’un abrégé sur S. Luc & sur S. Jean, étoit un Moine de Corbie-sur-Somme dans le IXe siècle. Christian ou Christien de Troyes, est un Poëte françois qui vivoit vers le commencement du XIIIe siècle. Christian Urst, Professeur de Mathématiques à Bâle. Christian de Brunswich & d’Elisabeth de Dannemarck, fut Administrateur d’Halberstad. En Dannemarck on dit Christiern pour Christien.

CHRISTIANISER. v. a. Rendre Chrétien. Christianum efficere ; ex Christi lege constituere. Ce ne sont point deux choses qu’on soit en pouvoir de séparer, le Chrétien d’avec le Négotiant, le Chrétien avec l’Ouvrier & l’Artisan, le Chrétien même d’avec l’Officier de guerre, le Chrétien d’avec le Prince & le Monarque ; parce que tout cela & tout autre état, si j’ose m’exprimer de la sorte, doit être christianisé dans nos personnes. Bourdal. Exh. II, p. 411. C’est là un de ces mots nouvellement inventés, novata verba, qui ont de la grace & de l’énergie, quand on les place bien, mais qu’il faut se permettre sobrement. Il me semble que la charité épure, raffine & perfectionne la justice : elle la rend plus complette, & en même temps christianise, si j’ose faire un terme, des actions bonnes par elles-mêmes, mais qui n’ont souvent d’autre principe que l’humanité. Traité du vrai mérite par M. De Claville. Cet Auteur n’est pas le premier qui ait employé ce mot. On le trouve dans le Journal des Savans de 1716. M. Dacier, y est-il dit, n’oublie pas de se justifier sur le reproche que quelques Auteurs lui ont fait d’avoir Christianisé les Payens. Il signifie dans ce passage, attribuer des sentimens Chrétiens. M. Dacier répond à ce reproche dans la Préface de son second tome du manuel d’Epictete. Cotgrave avoit déjà mis christianiser dans son Dictionnaire imprimé à Londres en 1673. On y trouve aussi chrétienné, ée, & chretienner. Ce dernier est dans Nicot, qui a dit Christienner un enfant, le baptiser. Monet a placé le même mot dans son Dictionnaire, où l’on voit se Chretienner, se faire Chrétien. Mais chretienner est aboli entièrement, & christianiser se met en vogue.

CHRISTIANISME. s. m. Les deux s de ce mot se prononcent. La doctrine de J. C., établie par J. C. & publiée dans tout le monde par les Apôtres. Christiana Religio. Les Apôtres & les Martyrs ont prêché, ont établi le Christianisme. On a porté le Christianisme dans les Indes orientales & occidentales. Ceux qui ne tenoient au Christianisme que par la terreur, allèrent tumultuairement investir le Palais. Fl. Le Grand Constantin étoit alors dans la chaleur de son nouveau Christianisme. Herman. Ce n’est pas là l’esprit du Christianisme. Port-R.

CHRISTIANICATÉGORE. s. m. & f. Nom de Secte. Christianocategorus. Certains hérétiques qui adoroient les images de la sainte Vierge & des Saints : ils sont ainsi appelés par S. Jean Damascène.

Ce mot est grec Χριστιανὸς (Christianos), Chrétien, κατηγορέω (katêgoreô), j’accuse. Accusateurs de Chrétiens. J’aimerois mieux user de cette phrase que de dire Christianocatégores.

☞ CHRISTIANOPEL. (Prononcez Christianople). Ville de Suède dans la Blekinge, sur la mer Baltique, Capitale de la Province de Bleking, bâtie par Christian IV, Roi de Dannemarck.

☞ CHRISTIAN-LAND. Petite ville de Norwege, au Gouvernement d’Aggerrhus.

☞ CHRISTIANSTADT. Petite ville de Suède dans la Blekingie, aux frontières de la Schoone.

CHRISTIERN. s. m. Nom d’homme, qu’ont porté cinq Rois de Dannemarck, & quelques Princes de leur sang. Christiernus, Christianus. C’est le nom Christian ou Christien, avec une terminaison Danoise, & il ne faut s’en servir que quand on parle des Danois. Christiern I regnoit en Dannemarck, en Suède & en Norwege, dans le quinzième siécle.

CHRISTINE. s. f. Nom de femme. Chritiana. Christine, Reine de Suède, fille du Grand Gustave Adolphe, ceda en 1654, son Royaume à charles Gustave son cousin germain. Elle étoit savante, & aimoit les Sciences & les Savans ; ce fut elle qui fit venir en Suède M. Descartes. Christine de France, &c. fille d’Henry IV, épousa Victor Amé, Duc de Savoie.

Christine. s. f. Monnoie de Suède, d’argent de très-bas alloi, qui vaut environ quinze sous de France.

CHRISTODIN, INE. s. m. & f. Au commencement du Calvinisme on donna ce nom aux Huguenots, ou Calvinistes en France, parce qu’ils ne parloient que de Christ, que dans leurs traductions du Nouveau Testament, & dans les autres livres, on trouvoit sans cesse ce mot Christ. Christodinus, a.

CHRISTOLYTE. s. m. & f. Nom de Secte. Chrystolytus, a. C’étoient des hérétiques dont parle S. Jean Damascène, ainsi appelés parce qu’ils détruisoient Jesus-Christ, assûrant qu’il étoit descendu aux Enfers en corps & en ame, & qu’ayant laissé là l’un & l’autre, il étoit monté au Ciel avec sa seule divinité, ou plutôt, sa seule divinité y étoit montée.

Ce mot est grec, composé de Χριστὸς, Christ, & λύω, je résous, & signifie des gens qui dissolvent, qui détruisent Jesus-Christ.

CHRISTOMAQUES. s. m. pl. Ce mot signifie ennemi de J. C. On a ainsi appelé les hérétiques qui nioient, ou la Divinité du Sauveur des hommes, ou sa Personalité, ou sa Consubstantialité avec le Pere & le Saint Esprit. Χριστομάχοι.

CHRISTOPHE ou CHRISTOPHLE. s. m. Nom propre d’homme. Christophorus. S. Christophle est honoré dans l’orient & dans l’occident depuis plusieurs siècles, quoiqu’on ne sache rien de sa vie & de son martyre. Quelques-uns de nos Ecrivains françois écrivent Christophle, comme Baillet, Tillemont, &c. M. de Cordemoy écrit Christophe ; & dans l’usage ordinaire on prononce Christophe plutôt que Christophle, quoi qu’en dise M. Baillet.

Ce mot s’est formé du latin, ou plutôt du grec Christophorus, Christophore, Christophre, Christophle, Christophe. Χριστοφορὸς est composé de Χριστὸς, Christ, & φέρω, je porte, & signifie Porte-Christ. C’est sur la signification de son nom qu’on le peint portant Jesus-Christ sur ses épaules.

Dans les siècles d’ignorance on croyoit qu’on ne pouvoit mourir de mort subite ni d’aucun accident, quand on avoit vu S. Christophe, suivant ce vers.

Christophorum videas ; postea tutus eas.

C’est apparemment pour cela qu’on le représentoit d’une taille gigantesque aux porches des Cathédrales, ou à l’entrée des Eglises, afin que chacun pût le voir plus facilement.

L’Île de S. Christophe est une des Îles de l’Amérique, que l’on nomme Antilles. Elle est au couchant de la Barbade. Christophe Colomb la découvrit en son premier voyage de l’Amérique, & la voyant si agréable, voulut qu’elle portât son nom ; à quoi il fut aussi convié par la figure d’une des montagnes qui sont dans cette Île, laquelle porte sur sa croupe, comme sur l’une de ses épaules, une autre plus petite montagne ; de même que l’on peint S. Christophe comme un géant, qui porte Notre-Seigneur sur les siennes en forme d’un petit enfant. L’Île est sur la hauteur de dix-sept degrés & 25 minutes. Lonv. de Poincy, Hist. nat. des Antilles, L. I, c. 4, où il la décrit. L’Île a environ 25 lieues de tour. Elle est hérissée de montagnes au milieu. Elle ne laisse pas de produire quantité de tabac, de sucre, de gingembre & d’indigo. Elle est divisée en quatre cantons, dont il y en a deux qui sont tenus par les François, & les deux autres par les Anglois.

L’Île de S. Christophe est à un tiers de lieue du bourg de ce nom, vers la montagne des Singes. Latitude 17d 19′ 22″. Des Hayes, Acad. des Sc. 1701 Hist. pag. 111.

La possession de cette Île a été cédée entièrement aux Anglois, par le traité d’Utrecht en 1733.

Il y a une autre Île de S. Christophe dans la mer Pacifique, près de la terre de Quir.

CHROCTILDE. s. f. Nom de femme, qui se trouve pour CLOTILDE. Voyez ce mot.

CHRODEGAND. s. m. & nom d’homme. On dit aussi Godegranc. Chrodogangus. S. Chrodegand, issu d’une des premières noblesses du Royaume d’Austrasie, vivoit au VIIIe siècle. Il fut fait Evêque de Metz en 742.

Les Chanoines de S. Chrodegand sont les Chanoines de S. Etienne de Metz, que ce saint réduisit à la vie commune, & auxquels il donna une règle, que plusieurs autres Eglises reçurent dans la suite. La règle de S. Chrodegand contenoit trente chapitres, tirés des saints canons, des ouvrages des Peres, & principalement de la règle de S. Benoît. Ils ne faisoient aucun vœu : mais ils abandonnoient leurs biens à l’Eglise de Saint Paul de Mete, en s’en réservant l’usufruit, aussi-bien que les aumônes qu’on leur donnoit pour les messes, la confession, &c. Ils demeuroient tous dans un même cloître fermé, d’où il leur étoit permis de sortir le jour. C’est de-là que nos anciennes Cathédrales, & même quelques Collégiales ont encore des cloîtres, le cloître de Notre-Dame, le cloître de S. Honoré à Paris, &c. Non-seulement la prière & le chant, mais le vêtement & le vivre étoit prescrit, & ils mangeoient en commun dans un même réfectoire. Voyez les Bolland. Au 6e de Mars, & le P. Thomassin, Discip. Eccl. T. II, Par. III, L. I, c. 26. P. IV, C. 24.

CHRODOR. s. m. Terme de Mythologie. Dieu des anciens Germains, qu’on croit être Saturne. On le représentoit sous la forme d’un vieillard qui a la tête nue, qui appuie des piés sur un grand poisson. Il est couvert d’une robe qui ne laisse voir que les piés ; & est ceint d’une écharpe, tenant de la main gauche une roue, & de la droite un panier plein de fleurs & de fruits.

☞ CHROMATIQUE. adj. de t. g. Terme de Musique. Genre de Musique qui procède par plusieurs demi-tons de suite, majeurs & mineurs alternativement. Musique dans le genre chromatique. Il est aussi substantif. Il y a du chromatique dans cette musique. Chroma. Il a été appelé de ce nom, à cause que les Grecs le marquoient avec des caractères de couleurs, qu’ils appeloient χρῶμα. Le P. Parran dit que chromatique veut dire la même chose que varié & coloré, parce que le genre chromatique varie & embellit le genre diatonique par ses demi-tons, qui font dans la musique le même effet que la variété des couleurs dans un tableau. Les genres chromatiques & enharmoniques ne contiennent que les moindres degrés diatoniques ; de sorte qu’ils ont la même raison ou proportion avec le diatonique, que les nombres entiers avec les nombres rompus. Le B mol appartient au genre chromatique. Boëce, & après lui Zarlin, ont dit que le genre chromatique fut inventé par Timothée Milésien, du temps d’Alexandre le Grand. Les Spartiates le bannirent de leur ville, à cause que cette musique étoit trop molle, & qu’ils n’avoient accoutumé d’user que du genre diatonique. Le chromatique est dans la musique entre le diatonique & l’enharmonique, ce qu’est dans la Peinture la couleur entre le blanc & le noir. Plusieurs assûrent qu’on n’a jamais oui le pur chromatique ; toutefois Aristide assure qu’il l’a chanté. P. Parran.

Dans la mélodie le chromatique consiste en une suite de chant qui procède par semi-tons, tant en montant qu’en descendant : ce qui produit un effet merveilleux dans l’harmonie, parce que la plupârt de ces semi-tons, qui ne sont pas dans l’ordre diatonique, causent à tout moment des dissonances qui suspendent ou qui interrompent les conclusions, & donnent même de la facilité à remplir les accords de tous les sons qui les composent, sans déranger l’ordre diatonique des parties supérieures. Le chromatique n’est en usage que dans les tons mineurs. Il est plus difficile à comprendre, lorsque les parties descendent, que lorsqu’elles montent. Ram. Le chromatique ne consiste que dans la sixième note du ton, que l’on fait procéder par semitons, tant en montant qu’en descendant, soit dans la basse, soit dans les accords. Id. Faire de la chromatique aujourd’hui, est faire un chant qui va en montant, ou en descendant toujours de demi-ton en demi-ton ; & quand les Italiens y sont une fois, Dieu sait combien ils en enfilent. On diroit qu’ils ne sauroient plus mettre de tons pleins. Entretien sur la musique. Entendre une pièce à chromatique. Id. Imaginez-vous quel amusement risible, que de parcourir quatre ou cinq octaves de demi-ton en demi-ton. Les Italiens n’ont pas inventé la chromatique. Boëce & Zarlin racontent qu'elle fut trouvée par Timothée de Milet, du temps d’Alexandre le Grand, & de-là nous sont venus nos b mol, & nos diésis, si aimables, quand on les place à propos. Le b mol particulièrement appartient au chromatique, qui rend une musique fort molle, comme est toute celle où réside le b mol. A cause de quoi les Lacédémoniens avoient défendu chez eux le genre chromatique, & apparemment Timothée ne se servit pas de ce genre-là, lorsqu’il fit courir Alexandre aux armes. Id. Dans les Précieuses ridicules, Madelon dit qu’il y a de la chromatique dans l’air du Marquis de Mascarille. Le Chevalier à la mode se plaint que Madame Patin ne l’aime plus, parce qu’elle est insensible au chromatique, dont l’air qu’il a fait pour elle est tout rempli. Scuderi, dans cette Préface originale d’Arminius, qui est un chef-d’œuvre de fanfaronades poëtiques, dit qu’il est des inventions particulières, comme de la chromatique, de laquelle il ne faut guère user, si l’on veut qu’elle semble bonne. Id. On voit par ces exemples que chromatique se dit adjectivement & substantivement, & quand il se dit substantivement, il est ou masculin ou féminin, selon que l’on sousentend genre ou musique.

Chromatique. s. f. Terme de Peinture, c’est le coloris, qui est la troisième partie de la Peinture. Chroma.

CHRONIES. s. f. pl. Fêtes célébrées à Athènes en l’honneur de Saturne. C’étoient les mêmes que les Saturnales des Romains. Chronia.

☞ CHRONIQUE. s. f. Ce mot tiré du grec désigne une Histoire dressée suivant l’ordre des temps ; une Histoire succincte où les faits qui se sont passés pendant un certain espace de temps, plus ou moins considérable, sont rangés selon l’ordre de leurs dates. Chronica, orum ; chronici libri. On ne le dit guère que des vieilles Histoires. Chronique de Saint Denis. Chronique de Charlemagne. On trouve ce fait, cette anecdote dans une ancienne Chronique.

Je veux que la vertu de vos ayeux antiques
Ait servi de matière aux plus vieilles Chroniques. Boil.

CHRONIQUES. s. f. pl. C’est le nom qu’on donne à deux livres de l’ancien Testament, qui servent comme de supplément aux quatre livres de chronique, les Paralypomènes ; mais lorsque les Théologiens les citent, c’est ordinairement sous le titre de chroniques. ☞ Cette manière de citer les Paralypomènes est plus ordinaire aux Calvinistes qu’à nos Théologiens. Voyez Paralypomènes.

☞ On appelle Chronique scandaleuse, Chronica maledica, certains mémoires de la vie de Louis XI, composés par un Officier de la Ville de Paris.

On appelle figurément Chronique scandaleuse, les médisances & les mauvais bruits qui courent dans le monde. Maledicta. Cet homme passe pour un grand dévot, mais la Chronique scandaleuse conte beaucoup de ses histoires de galanteries. C’est à ceux que la Chronique scandaleuse attaquera, d’y prendre garde. Mascurat, p. 12. On dit aussi Chronique simplement, pour dire, un conte, une fable, un bruit qui court.

Or le mari par certaine ouverture
Guettoit sa femme, observoit son allure.
Rioit sous cape, & comptoit par ses doigts,
Qu’elle n’iroit jamais au bout du mois.
Il comptoit bien, remarque la Chronique. P. du Cerc.

Chronique. adj. Terme de Médecine. Long, qui dure long temps. Longus, diuturnus.

Les Médecins divisent les maladies en deux espèces. Ils appellent les unes maladies aiguës, & les autres maladies chroniques. Les maladies aiguës sont celles qui durent peu, qui emportent bientôt le malade, ou se guérissent bientôt, comme la fièvre continue, la petite vérole, la pleurésie, la fluxion sur la poitrine, &c. Les maladies chroniques sont celles qui durent long temps, dont le terme s’étend à plusieurs mois & quelquefois à plusieurs années, comme le rhumatisme, la paralysie, la goutte, les hémorroïdes, les fistules.

CHRONIQUER. v. a. Mot vieux & burlesque ; pour dire, faire quelque Chronique. Chronica scribere. Ils vouloient chroniquer ses faits. Saras.

Loin de s’humilier en amant hypocrite,
S’amusoit à lui chroniquer
Tous ses rares talens par ordre méthodique. Fusel.

Chroniquer'. v. a. Se dit aussi, en style burlesque, pour reprendre, critiquer.

chroniquons : mais par qui commencer ?
A cil qui fut tant d’Odes rapiécer.

CHRONIQUEUR. s. m. Qui a écrit des Chroniques. Chroniqueur Turpin. Ce mot est vieux & ironique : & alors il se dit d’un homme qui fait de vieux contes, & qui raconte de vieilles histoires.

CHRONOGRAMME. s. m. Voyez CHRONOGRAPHE.

CHRONOGRAPHE ou CHRONOGRAMME, s. m. Assemblage de plusieurs mots qui font un sens, & qui sont choisis de manières que les lettres numérales qui s’y rencontrent, marquent l’année, ou le millésime de quelque événement. Chronographum, chronogramma. Un exemple fera comprendre la définition de ce qu’on vient d’apporter : si VLtVM est DIffiCI – Les habere nVgas. Voilà un chronographe. Toutes les lettres numérales qui sont dans ce vers Phaleuque sont celles qui sont ici imprimées en grands caractères. VLVMDIICILV. Rangez ces lettres selon l’ordre du nombre qu’elles signifient, MDCLLVVVIII. M signifie mille, D signifie cinq cens, C signifie cent, L signifie cinquante, & par conséquent deux LL signifient cent, V signifie cinq, & trois VVV quinze, I signifie un, trois III trois ; ainsi le chronogramme si VLtVM est DIffiCI – Les habere nVgas, signifie MDCCXVIII. Mil sept cens dix-huit. Ces misérables jeux d’esprit étoient devenus fort à la mode depuis deux ou trois cens ans. On en a connu le ridicule en France ; mais la mode en subsiste encore en Allemagne & ailleurs, où l’on fait des chronographes, à une naissance, à un mariage, à l’inauguration d’un Prince, à une prise de bonnet de Docteur, &c. comme on fait des Sonnets en Italie. Le sieur Des Accords qui a fait des recherches sur les chronographes, dit qu’on les a employés en deux manières. La première consistoit à se servir simplement de lettres numérales pour marquer l’année d’un évenement, après-quoi chacun donnoit à ces lettres numérales la signification qu’il jugeoit à propos. Ainsi le Pape Léon X, ayant fait poser ces lettres numérales MCCCCLX sur une table d’attente, pour marquer l’année de son Pontificat, elles furent interprétées de la sorte : Multi Cardinales Cœci Crearunt Cœcum Leonem Decimum. La seconde espèce est celle qui consiste en une sentence, dont les lettres numérales marquent une année. Des Accords ne les faisoit remonter qu’aux derniers Ducs de Bourgogne ; mais dans l’Eglise de Saint Pierre à Aire on lit sur une vitre ce chronogramme : bIs septeM præbendas, wbaLdVIne, dedisti ; qui marque l’année 1062. MLVVII, ou MLXII. Le D n’étoit point encore lettre numérale. Elle ne l’étoit pas même en 1465, au temps de la bataille de Montlhéri, comme il paroît par ce chronographe françois qui marque cette année là : à CheVal, à CheVal, gensdarmes, à CheVaL, ni même en 1485 comme une autre chronographe françois le montre. Il y a des chronographes moraux, des chronographes sententiaux, il y en a de purs chronologiques.

Ce mot vient de χρὼνος, temps, & de γράφω, j’écris. La première fois que l’on trouve ce mot employé en ce sens, est au chronographe qui fut fait pour l’élection d’Etienne, Roi de Pologne, en 1576. Avant ce temps-là, & même après, on les appeloit Vers numéraux ou numéraires.

Il y a une Dissertation Analytique sur les chronographes, imprimée à Bruxelles en 1718. On écrit ces lettres numérales en caractère plus gros deux ou trois fois que le reste du contexte, afin de les distinguer plus facilement. Ces lettres sont les M, les C, les L, les X, les V, & les I. On dit des Vers chronographes, une Inscription chronographe, une Epitaphe chronographe. Celle-ci est celle où toutes les lettres que je viens de citer, qui entrent dans sa composition, étant additionnées, marquent l’année de la mort de celui pour qui on l’a faite, & ainsi des autres pièces. Ce mot dans tous les exemples ci-dessus est adjectif ; mais il est substantif lorsqu’on dit absolument un chronographe. Les chronographes ne sont pas toujours en vers, ils sont quelquefois en prose, & ce sont les meilleurs ; car on est trop gêné dans le choix des mots qui n’aient que les lettres numérales nécessaires, pour qu’on en puisse aisément faire de bons en vers.

Chronographe. s. m. Auteur qui a écrit sur la Chronologie. Chronographus, a. Eratosthenes, Julien l’Africain, Eusèbe, Syncelle, sont d’anciens Chronogaphes. Scaliger, le P. Pétau, Jésuite, sont de savans Chronographes.

CHRONOGRAPHIE. s. f. C’est la même chose que Chronologie. En grec χρόνος (chronos) signifie temps, & γράφω (graphô), j’écris. C’est de-là que viennent chronographe & chronographie.

CHRONOLOGIE. s. f. Doctrine des temps, science des époques ; & entr’autres des supputations qui regardent le Comput Ecclésiastique. Chronologia, Descriptio temporum, Rationarium temporum. La Chronologie a soin de marquer les jours & les années, où les plus grands événemens sont arrivés. Africain composa au commencement du IIIe siècle un grand ouvrage de Chronologie ; pour servir à la controverse contre les Payens : il la conduisoit depuis le commencement du monde jusqu’au Consulat de Gratus & de Séleucus sous Macrin, l’an de Jésus-Christ 221. Nous n’en avons que ce qu’Eusèbe & Syncelle nous en ont conservé dans leurs ouvrages. Scaliger, le Pere Pétau, la Peyrere, Gauthier, Séthus Calvisius, Ussérius, le P. Hardouin Jésuite, les deux Capelles, le Chev. Marsham, le P. Gourdon Jésuite, Ubbo Emmius, le P. Labbe Jés. le P. Riccioli, Jés. &c. ont écrit de la Chronologie. La Chronologie du P. Pétau est la plus sûre & la plus nette que j’aie encore vûe. Vign. de Marv.

La chronologie est la fixation des événemens arrivés dans le monde, à des époques ou dates certaines. Elle comprend deux choses : 1o Il faut avoir un enchaînement & une suite d’évenemens, qui tous liés, & si j’ose m’exprimer ainsi, emboëtés les uns dans les autres, montrent le nombre d’années qu’il y a depuis la création jusqu’au terme qu’on s’est proposé. Chacun de ces événemens, qui tiennent ainsi l’un à l’autre, est ce qu’on appelle époque. 2o. Tous les autres faits qui n’entrent point dans cette suite, & qui ne forment point ces enchaînement, doivent au moins y tenir par quelque endroit : de sorte que ces premiers événemens, liés comme le tronc de l’arbre qui s’éleve depuis la terre jusqu’au sommet sans interruption ; ceux-ci en sont comme les branches qui, sans être attachées entr’elles, tiennent toutes par un endroit au tronc de l’arbre.

Les époques ou les faits qui, liés ensemble dans la chronologie suivante, forment la suite dont j’ai parlé, & comme le tronc de l’arbre, & déterminent le nombre des années du monde, sont 1. la création du monde, 2. le déluge, 3. l’année 75e d’Abraham & son entrée dans la Terre de Chanaan, 4. la sortie d’Egypte lorsque Moïse en tira les Hébreux, 5. la fondation du Temple de Salomon, 5. la destruction de ce Temple, & le commencement de la captivité de Babylone, 7. la première année de Cyrus à Babylone & le retour de la captivité, 8. la conquête d’Alexandre ou la bataille d’Arbelle, 9. le commencement de l’ere des Séleucides, 10. la retraite de Mathathias, & le commencement du gouvernement des Machabées, 11. le Consulat de Ciceron, sous lequel Jérusalem fut prise par Pompée, & Auguste vint au monde, 12. la mort d’Auguste, & le commencement de l’Empire de Tibere, 13. la quinzième année de Tibere, trentième de J. C. commençante, d’où s’ensuit l’année de la naissance de J. C. 14. enfin le commencement de l’ere Chrétienne. Telles sont les époques par la liaison & l’enchaînement desquelles je prouve le nombre des années qu’il y a depuis Adam jusqu’à nous, & que l’année 1726 de J. C. est la 5746e du Monde, & 1743e de J. C. la 5763 du Monde.

Quand une fois on a bien établi la suite des époques, le reste s’arrange plus aisément. C’est une espèce de cadre dans lequel tous les autres événemens s’enchâssent sans peine & presque sans difficulté, & où ils viennent se placer comme d’eux-mêmes. Par-là non-seulement ils se soûtiennent les uns les autres, mais ils affermissent même la première suite, & en deviennent de nouvelles preuves. P. E. Souciet, Dissert. V, II. Préf.

Il est certain que quand on étudie l’histoire de l’antiquité, ou quand on lit quelque ancien Auteur, rien n’est plus nécessaire que d’avoir devant les yeux la suite des temps & des principaux événemens, rangés selon l’ordre des siècles & des années dans lesquelles ils sont arrivés ; & de pouvoir y rapporter ce qu’on étudie & ce qu’on lit, le placer au temps où il s’est passé, & voir d’un coup d’œil l’état du monde en ce temps-là. Ce secours rend les lectures plus agréables & plus utiles ; il remédie à la confusion qu’elles produisent quelquefois ; on voit mieux les causes, les principes, les liaisons des événemens ; ils s’arrangent bien mieux dans la mémoire, on les apprend plus facilement, & on les oublie moins. Id.

Ces raisons nous ont fait juger que l’on ne seroit point fâché de trouver ici cet abrégé, &, pour m’exprimer avec l’Auteur, ce cadre de chronologie, pour y rapporter ses lectures, & qu’un Dictionnaire des Sciences & des Arts ne devoit point manquer de ce secours.