Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 2/1001-1010

Fascicules du tome 2
pages 991 à 1000

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 2, pages 1001 à 1010

pages 1011 à 1020


Coutage ou Coustance. s. m. droit des Seigneurs sur leurs Vassaux ou Sujets. Cotagium. Il étoit en usage en Bretagne dès le XIIe siècle. Lobineau, Hist. de Bret. T. I, p. 281, & T. II, p. 162.

COUTANCE, Ville de France dans la basse Normandie, capitale du Cotantin, auquel elle a donné ce nom. Constantia Castra. Quelques-uns veulent que son propre nom soit Constantiæ, arum plurier, parce qu’elle étoit divisée en deux, ou Flavia Constantia. Plusieurs Savans veulent qu’elle ait été ainsi appelée, parce que ce fut d’abord un Camp de Constantius Chlorus, père du Grand Constantin, qui dans la suite est devenu ville. M. Huet est de ce sentiment, dans ses Origines de Caën, c. III ; M. Corneille au mot Cotantin, prétend, sur un passage d’Ammien Marcellin, qui dit que la Seine se décharge dans la mer, propè castra Constantia, que ces Castra Constantia, ou ce Camp de Constantius, est tout le Cotantin, & non pas Coutance seule, mais on n’a jamais appelé Camp, Castra, un pays entier ; mais des lieux fortifiés, qui dans la suite sont devenus des villes. D’autres prétendent que ce nom lui fut donné à cause de sa constance à résister aux Romains. D’autres veulent que ce soit le Cosediæ d’Ammien Marcellin. D’autres disent qu’elle fut ainsi appelée à l’honneur de l’Auguste Constantius, petit fils de Constantius Chlorus, & frère de Constans, pour qui l’on y avoit érigé quelque arc de triomphe, ou quelque autre monument. D’autres enfin l’appellent Augusta Romanduorum, & disent qu’elle étoit la Capitale du peuple appelé Romandui, & ensuite de ceux qu’on nommoit Unelli, ou Venelli, & qui succédèrent aux Romanduens. On trouve dans la Carte de Peutinger Constantia Crouciaconum, & dans Ptolomée Constantia Crocitanorum Venetorum. On la trouve aussi nommée Constantina urbs. Elle est sous le 16° 3′ 55″ de longitude, & sous le 49° 2′ 50″ de latitude. La différence de son méridien à celui de l’Observatoire de Paris est de 0h 15′ 10″ occid. ou 3° 47′ 25″. Cass. Plusieurs Auteurs ont cru que cette ville avoit été bâtie par Romus, ou Romaüs, l’an du monde 2520. Coutance est un Evêché fort ancien. S. Lo, cinquième Evêque de cette ville, assista l’an 546, au cinquième Concile d’Orléans. M. Daireaux de Vendôme a fait des recherches très-curieuses pour l’Histoire de Coutance & du Cotantin. M. Corneille écrit Coutances : mais M. Huet & plusieurs autres ne mettent point d’s à la fin.

COUTANT. adj. m.se dit en cette phrase, ☞ le prix coûtant, je vous le donne au prix coûtant, au prix qu’il m’a coûté.

COUTEAU. s. m. ustensile servant à la table, fait d’un fer aceré, tranchant d’un côté, qui sert principalement à couper le pain, les viandes. Culter. Cette viande est tendre au couteau. Ce fruit est mûr, il est doux au couteau.

Ce mot, couteau, vient du latin, custellus ; & si l’on en croit le P. Pezron cultellus, un couteau, est tiré du celtique, coutel, ou goutel. Il faudroit qu’il fût bien prouvé que coutel ou goutel est celtique, & qu’il ne vient pas de cultellus.

Il y a plusieurs sortes de couteaux : un couteau de poche, qui a sa gaine : un couteau pliant à une jambette : couteau de cuisine, de boucher, pour couper la grosse viande. Les couteaux pointus, qu’on nomme baïonnettes, sont défendus. En Italie on ne se sert que de couteaux arrondis par le bout.

On appeloit les sacrés couteaux chez les Payens, ceux qui leur servoient à égorger des victimes. Frappe, je tends le sein à tes sacrés couteaux. Dans le temple de la Mort, de Habert.

Ministre, pour qui se prépare
Cet autel, ce fatal bandeau,
Déjà dans une main barbare,
J’apperçois le sacré couteau. Nouv. choix de Vers.

Couteau se dit aussi d’une courte épée de ville, qu’on porte seulement pour parade. Gladius. Lorsqu’il fut attaqué, il n’avoit qu’un petit couteau. Ils se sont battus avec armes inégales, l’un avoit une longue épée, l’autre n’avoit qu’un couteau. On dit qu’un homme est un couteau de Tripière, quand il dit du bien & du mal de la même personne, qu’il flatte les deux partis contraires. ☞ Expression basse & figurée. Le couteau de tripière est un couteau qui tranche des deux côtés.

Couteau de Pié, est un outil de Cordonnier servant à couper le cuir, qui est tranchant & arrondi en demi-cercle, & dont le manche est fait en poignée. Scalprum.

Les Juifs ont fait quelquefois la circoncision de leurs enfans avec un couteau de pierre. Cultellus lapideus. On fait des couteaux d’ivoire, dont les Secrétaires se servent pour plier plus proprement les lettres. Cultellus eburneus.

Dans le Manège, on appelle un couteau de chaleur, un morceau de faulx avec lequel on abat la sueur des chevaux, en le coulant doucement sur leur poil.

Couteau de feu, est un instrument de Maréchal en forme de couteau, fait de fer, ou de cuivre. Cultellus ignitus. Il est long d’un pié, épais par le dos, & mince de l’autre côté. On le fait chauffer dans la forge, & il sert à donner le feu aux parties malades des chevaux qui en ont besoin.

Couteau de Charpentier. Les Charpentiers ont toujours un couteau avec eux, dont ils se servent au lieu de compas, pour tracer les lignes fort fines.

Couteau sourd. C’est un instrument dont se servent les Corroyeurs dans l’apprêt de quelques-uns de leurs cuirs ; on le nomme autrement Boutoir. Il a deux manches, un à chaque bout, & le tranchant en est fort émoussé ; c’est d’où vient son nom.

Couteau à revers, ou Echarnoir. Outil de Corroyeur, dont le tranchant est un peu renversé. On s’en sert pour écharner les peaux de vache.

Couteau à doler, terme de Gantier. C’est un outil d’acier qui sert à doler les étavillons, c’est-à-dire, amincir, ou parer les morceaux de cuir déjà disposés à faire les gants.

Couteau à effleurer ou couteau de rivière, terme de Chamoisseur & de Mégissier.

☞ Morceau d’acier large, aminci par le coupant, avec un manche à l’autre bout, dont les Relieurs se servent pour amincir les couvertures des livres, afin qu’elles se collent mieux sur le carton.

Couteau à hacher. C’est un couteau à lame courte & un peu large, dont se servent les Doreurs sur métal, pour faire des hachures sur le cuivre ou sur le fer, avant de les dorer de ce qu’on appelle Or haché.

Couteau à chapiteau. Les Charpentiers nomment ainsi une espèce de couteau qui sert à éguiser la pierre noire, avec laquelle ils marquent ou tracent leur ouvrage.

Couteau à tailler. Outil de Fourbisseurs, dont ils se servent pour faire les hachures, sur lesquelles ils placent le fil d’or ou d’argent, quand ils veulent damasquiner un ouvrage.

Couteau à refendre. C’est un petit outil de Fourbisseur, du nombre de ceux qu’on appelle Ciselets. On s’en sert à refendre des feuilles qu’on a gravées en relief sur l’or, l’argent, ou l’acier.

Couteau à tracer. C’est un des ciselets des Fourbisseurs, avec lequel ils tracent & enfoncent un peu les endroits où ils veulent passer quelqu’un de leurs ciselets gravés.

Couteau à scie. Espèce de scie à main, dont se servent les Maçons & les Tailleurs de pierre.

Couteau à trancher. Terme de Menuiserie, de placage & de marqueterie.

Couteau à mèche, terme de Chandelier. C’est l’instrument qui sert à couper de longueur le coton, dont on sert la mèche des chandelles.

Couteau à travailler. Outil de Vannier.

Couteau à débiter. Les Boulangers se servent de ce couteau, pour couper en morceaux le gros pain qu’ils vendent en détail & à la livre.

Couteau. Instrument de Chirurgie. Il y en a de quatre sortes. Le couteau courbe & le droit pour les amputations ; le couteau lenticulaire pour le trépan ; le couteau à crochet pour l’extraction du fœtus mort dans la matrice. Voyez le Dict. de M. Col de Villars.

Couteau de chasse. Epée courte que portent les Chasseurs pour couper les branches dans les bois.

☞ On dit figurément, mettre le couteau à la gorge à quelqu’un pour lui faire faire une chose, lui faire violence. Vim inferre. Cette nouvelle lui a mis le couteau dans le cœur, a été un coup de couteau pour lui, l’a sensiblement affligé. Plagam inferre. On dit aussi, que des gens aiguisent leurs couteaux ; pour dire, qu’ils se préparent à se battre, à se quereller, à se disputer. Gladios acuere. Et qu’ils vont jouer des couteaux ; pour dire, qu’ils sont prêts à en venir aux mains. Ad manus, ad arma venire. Je me contente de savoir danser & jouer de la flûte, & quelquefois des couteaux. Ab. J’en suis, & j’y jouerai comme il faut des couteaux. Scar.

On dit aussi au jeu de cartes, quand un homme a voulu couper une carte, & qu’un suivant a coupé au dessus de lui, que son couteau n’étoit pas assez fort.

On dit qu’un homme est le couteau pendant d’un autre ; pour dire, qu’il est toujours à ces côtés, qu’il le suit, l’accompagne par-tout, par allusion aux gens qui portoient autrefois leur couteau pendu à la ceinture, comme le font encore des Cuisiniers, des Charcutiers, des Bouchers, &c.

On dit aussi, que des hommes sont aux épées & aux couteaux, tirés ; pour dire, qu’ils sont ennemis jurés, qu’ils sont prêts à le battre, à se nuire l’un à l’autre. On dit mettre un couteau sur table, pour dire, se préparer à faire grande chère. Epulum apparare. On dit encore d’une pièce de drap dans laquelle on a taillé un habit, & qu’on a entamée, qu’on a mis le couteau dedans.

On dit proverbialement aux enfans qui demandent quelque chose qui n’est pas de leur compétence : on vous en donnera des petits couteaux à perdre. Toutes ces expressions sont familières ou populaires.

Couteau. s. m. terme de Fauconnerie. C’est la première penne des aîles aux oiseaux de poing. Ces plumes n’ont des barbes longues que d’un côté, & des courtes de l’autre ; elles se terminent en pointe, & ainsi ressemblent en quelque sorte à un couteau. Prior alæ penna. Les grandes pennes & les couteaux de la fresaie sont noirs. Les plumes de l’orfraie qui couvrent les grandes pennes & les couteaux ont des taches blanches à leurs extrémités.

COUTEAUX. On appelle à Constantinople, premiers couteaux, les peaux de bœuf ou de vache, qu’on lève de dessus ces animaux, depuis le mois de Juin jusqu’au mois de Novembre. Ce sont les meilleures de toutes.

COUTELAS. s. m. épée de fin acier fort tranchante, d’un côté seulement, large, & qui va un peu en se courbant. Acinaces. On tranche la tête en France avec un coutelas. On prétend que le coutelas d’aujourd’hui est une espèce de cimeterre assez semblable à celui dont se servoient les Mèdes, les Parthes, les Perses.

Coutelas, en termes de Marine, se dit des petites voiles qu’on attache de beau temps à côté des grandes, qu’on appelle autrement bonnettes en étui. Vela minora.

COUTELAS. s. m. Poisson. Voyez Espadon : c’est la même chose.

COUTELIER. s. m. Celui qui fait ou qui vend des couteaux. Cultorum faber. Sa femme est appelée Coutelière. Fabri cultorum conjux. Par un édit de 1666, il est défendu aux Couteliers de fabriquer & débiter des bayonnettes, poignards, couteaux en forme de poignards, dagues, épées en bâtons, &c. & de se retirer dans les Collèges & autres semblables Communautés.

Quelques-uns écrivent Cousteliers, c’étoit l’ancien usage ; aujourd’hui on écrit couteau & Coutelier.

COUTELIER, terme de Conchyliologie. C’est le nom d’un coquillage qui s’appelle ainsi, parce qu’il est dans sa coquille comme un couteau dans sa gaîne. Cette coquille est ronde & composée de deux parties semblables à deux moitiés d’un cylindre creux, jointes de chaque côté par une membrane qui leur permet de s’écarter un peu ou de se rapprocher. Le Coutelier se tient toujours debout & perpendiculairement dans cette gaîne, & n’a point d’autre mouvement que celui d’enfoncer un peu dans le sable, ou de s’en retirer ; ce qu’il fait par le moyen d’une espèce de jambe qu’il fait sortir à son gré par le bas de la gaîne. Ce coquillage appréhende fort le sel, & il est surprenant qu’un animal qui vit dans l’eau salée ait tant d’aversion pour le sel. Hist. de l’Acad. des Sc. 1718. p. 13, d’après M. de Reaumur. Voyez Manche de Couteau.

COUTELIÈRE. s. f. étui où on met plusieurs couteaux. Cultorum theca. Si j’achète les couteaux, je veux qu’on me donne aussi la coutelière. Ce mot est vieux & se dit peu.

COUTELINE. s. f. Grosse toile blanche ou bleue faite de fil de coton, qui vient des Indes Orientales, particulièrement de Surate.

COUTELLERIE. s. m. Ce terme se prend pour le métier de Coutelier, l’art de faire des couteaux, ciseaux & autres ouvrages, & généralement pour les ouvrages que font & débitent les Couteliers. Cultorum officina. Les artisans de Moulins sont fort experts en coutellerie. Il se fait un grand débit de coutellerie à Châtelleraud.

☞ COUTER, v. n. terme relatif au prix qu’une chose est vendue. Etre acheté un certain prix. Constare. On dit qu’une chose coute peu, beaucoup. Parvi, magni constare. Qu’elle ne coute guères, qu’elle coute trop, plus qu’elle ne vaut. Combien vous coute cela ? Quanti constat, quanti emisti ? La victoire nous coute bien du monde. Constat Victoria plurimorum morte. Le blé est ramendé, il ne coute plus que tant. Il en faut avoir quoi qu’il coute. Est-il nécessaire d’acheter des perruques, lorsqu’on peut porter des cheveux de son crû & qui ne coutent rien ? Mol.

Couter signifie aussi obliger à de grandes dépenses. Constare. Les procès l’ont ruiné, lui ont couté tout son bien. L’exercice de la paume coute beaucoup. Un équipage coute beaucoup à entretenir dans Paris.

Couter se dit aussi figurément en choses morales & spirituelles, de ce qui cause de la peine ou de la douleur. Stare. Cette perte lui a bien couté des larmes & des soupirs. Cet homme n’a pas le génie facile, ses vers lui coutent beaucoup. Pour punition de sa faute, il lui en coute un mois de prison. Ne tenons pas nos sermens, je vous prie, il coute trop de les observer. Les vieillards aiment à conter les histoires de leur temps, parce que quand l’esprit a perdu sa force, il aime à dire ce qui ne coute rien à penser. S. Evr. C’est acheter trop cher le ménagement de nos intérêts, lorsqu’il en coute des bassesses. Id. Son amitié coute cher, en parlant d’une personne dont il faut essuyer les caprices & les méchantes humeurs. On achète les choses bien cher, quand il en coute un repentir. Idem.

Il me coute assez cher, l’ingrat, pour être à moi,
Et tel mot, pour avoir réjoui le Lecteur,
A couté bien souvent des larmes à l’Auteur.

C’est à ceux-là à combattre qui peuvent mourir sans qu’il en coute rien qu’à eux ; mais vous donc la vie renferme la destinée de tant de monde, vous ne devez point courir au danger. Bouh. La tranquillité publique entretenue vaut mieux que ces victoires qui coutent d’ordinaire tant de sang & tant de larmes. Fléch. Rien ne coute plus que ce qui paroît n’avoir rien couté : je veux dire cet air simple & naturel, mais noble & poli, en quoi notre langue est si différente des autres. Bouh. Le nécessaire d’une langue ne coute guères, mais les délicatesses sont difficiles. Ch. de Mer. L’esprit n’est point piqué agréablement, quand il lui coute trop de peine à démêler l’obscurité d’une pensée. Bouh.

Après les noirs forfaits que votre amour vous coute,
Votre ame doit frémir de la paix qu’elle goûte. Qui.

De tant de duretés que j’étale à regret,
Chaque mot à mon cœur coute un soupir secret. Corn.

Et quand par mes efforts je pourrais l’attendrir,
Mes jours ne valent point qu’il m’en coûte un soupir. Campistron.

Couter signifie aussi faire une chose à regret, avec répugnance. Ægrè ferre aliquid. On peut aussi se servir du verbe constare & stare. Jamais résolution n’a tant couté à prendre. Voit. Quand il faut qu’un honnête homme fasse des soumissions, flatte les Grands, tout lui coute. Quand il faut servir ses amis, rien ne lui coute. On dit aussi d’un prodigue, que l’argent ne lui coute rien. On dit en amour :

Tout est doux, rien ne coute,
Pour un cœur qui sçait aimer.

On le dit aussi des autres choses dont on est mauvais ménager. Ce Capitaine expose trop ses soldats, la vie des hommes ne lui coute guère. La peine de ses valets ne lui coute rien. On dit proverbialement qu’une chose coute plus cher qu’au marché ; pour dire, qu’elle coute trop cher. On dit, dans le même sens, qu’elle coute poil & bourre.

COUTERIE. s. f. terme d’histoire ecclésiastique. Office de Coutre, Officier inférieur dans une Eglise. Office de Sacristain, de celui qui gardoit les ornemens d’une Eglise. On l’appeloit aussi Custodie. Custodia. La Custodie ou Couterie de l’Eglise du village de Lampernesse n’étoit qu’un Office de Clerc suivant le Curé. Dissert. sur l’Abbé de S. Bertin, p. 216. Cet office consistoit à garder les clés de l’Eglise & du trésor, à prendre soin du luminaire, & à entretenir les lampes, à ouvrir les portes, à sonner les cloches. Ib. pag. 217.

COUTEUX, EUSE. Qui coûte beaucoup : fait à grands frais : qui engage de la dépense. Une machine très-couteuse. La manière la moins couteuse de mettre en terre le jeune plant, est d’y employer la charrue. Spect. de la Nat. Le goût des tableaux est couteux.

☞ Ce mot marque toujours une valeur considérable, quand il est employé seul.

COUTIER. s. m. Ouvrier qui fait des outils. Culcitarum opifex. Les Maîtres Tapissiers prennent dans leurs lettres & statuts la qualité de Contrepointiers neutrés & Coutiers.

COUTIÈRES. s. f. terme de Marine. Ce sont de grosses cordes qui soûtiennent les mâts d’une galère, & lui servent de haubans. Funes nautici.

COUTIL. Quelques-uns disent COUTIS. s. m. toile faite de fil, fort déliée, & fort pressée, qui sert à faire des tentes, à renfermer de la plume pour faire des lits, des traversins & des oreillers, parce qu’elle est extrêmement forte & serrée. Tela fili densioris. Les coutils doivent être faits de bon fil de chanvre & sans étoupe. Ils sont marqués à huit, neuf & dix raies, qui ont leurs longueurs & largeurs ordonnées par les statuts des Tapissiers, selon les villes où on les fabrique. Ceux de Bruxelles sont les plus estimés.

Quelques-uns dérivent ce mot de culcitra. Vigenère sur César dit que coutil se dit en latin Cadurcum, à cause qu’il s’en faisoit anciennement de fort bon à Cahors & dans le pays de Quercy.

On appelle coutils de brins ou grains grossiers, les gros coutils, dont on se sert pour garnir les chaises & autres meubles.

COUTILLE. s. f. arme offensive dont se servoient quelques soldats François au XVe siècle & vers le temps de Charles VII. Cultellus. C’étoit une espèce d’épée dont il est fait mention dans nos anciens Historiens sous le nom de cultellus. Elles étoient plus longues que les épées ordinaires, & tranchantes depuis la garde jusqu’à la pointe, fort menue & à trois faces ou pans. P. Daniel. T. II, pag. 1274, 1275. Voyez Lobineau, Hist. de Bret. T. I, p. 565. Il y en a qui écrivent coustilles.

COUTILLIER. s. m. c’est-à-dire fort vrai-semblablement, un soldat qui se servoit d’une coutille. P. Daniel. T. II, pag. 1274. Custos, Satelles, Latero, Miles armatus cultello, Cultellarius. Chaque lance ou homme d’armes des compagnies d’ordonnance qu’établit Charles VII, devoit être payé pour six personnes, lui-même compris dans ce nombre, dont trois seroient Archers à cheval, un Coutillier & un Page ou Valet. Id. C’est apparemment la même chose que les Cotilleurs qui se trouvent parmi les Officiers de la maison du Duc de Bretagne. Lobin. T. II, p. 1371. Les règles de la Milice du Duc de Bourgogne Charles, rapportée par Gollut, Mém. des Bourg. L. X, c. 96, portent que les Hommes-d’armes auront long estoc, roide & légier, couteau taillant, pendant au senestre, du côté de la selle ; seront montés de trois chevaux, dont l’un sera suffisant pour courre & rompre lance, qu’il ait chaufrein & plumas, & aussi bardes, s’il en peut recouvrer : les deux autres chevaux ne soient mendres du prix, l’un de 30 écus & l’autre de 10 écus pour porter leur Page & Coutiller ; lequel Coutiller soit habillé de brigandine ou de corset, fendu au côté à la façon d’Allemagne ; gorgerin, sallade, flamards, faltes ou brayers d’Archier ; de avant-bras à petites gardes & gantelets, javeline à arrêts légière, & la plus roide qu’il pourra trouver pour la couchier au besoin, & soit fournie de bonne épée & dague longue, tranchante à deux côtés. Le même Gollut dit, c. 98, les Chefs d’esquadre & leurs Lieutenans havoient chacun un Coutiller d’arme payé par le Duc, faisant en tout le nombre de douze Coutillers ; la charge desquels étoit d’aller avec le Fourrier de la garde pour prendre les logis. Deux d’iceux, pour esquadre, de dresser le logis pour leur esquadre, & le tiers retoutnoit au-devant pour guider & conduire l’esquadre en son logis.

Il y a apparence que le nom de coutillier a été formé du nom de coutille, comme on a formé les noms de Piquier, Grenadier, Fusilier, Canonier, Carabinier, &c. des noms de Pique, Grenade, Fusil, Canon, Carabine, &c.

COUTON. s. m. C’est le nom d’un arbre qui croît au Canada, & qui est assez semblable à notre noyer. Cet arbre est remarquable par le suc qu’il donne, en y faisant des incisions. Ce suc est très-agréable au goût, & on le prendroit pour du vin d’Orléans. Arbor vinifera juglandi similis.

COUTONNINE. Voyez Cotounine. C’est ainsi qu’il faut écrire.

COUTRAS, Corterate, petite ville de France dans le Périgord, remarquable par la victoire qu’Henri Roi de Navarre, depuis Henri IV, Roi de France, &c. y remporta en 1587. Elle est sur la Dordogne à 116 lieues de Paris.

COUTRAU. La poire de coutrau, espèce de mauvaise poire, appelée autrement de S. Gilles. Elle se mange au mois d’Août. La Quintinie.

COUTRE. s. m. grosse plaque de fer tranchant attachée à un des côtés de la charrue pour fendre & verser la terre. Aratri culter, dens, dentale. Il diffère du soc, qui est une autre grosse pièce de fer pointu qui commence l’ouverture de la terre. Les Poëtes bucoliques se servent souvent de cette épithète, les coutres tranchans.

Coutre est aussi un nom que l’on donne en plusieurs Eglises à celui qui a soin de sonner les cloches, & de garder les clés de l’Eglise. Templi foribus, ærique campano præpositus.

M. Chasselain remarque fort bien que coûtre est la même chose que custer, ou plutôt Kuster en allemand ; mais ce qu’il ajoûte n’est pas vrai, que ce nom vient de custode ablatif de custos, gardien, & que coûtre est à peu près comme Trésorier ; car Kuster est un mot purement teutonique & franc, & peut être aussi celtique, qui signifie celui qui orne, qui pare, comme il paroît par nos anciens mots accoustrer & accoustrement. Ainsi coûtre est proprement celui qui a soin d’orner, de parer l’Eglise, le Sacristain. Voyez encore Accoustrer. Ménage dans son Hist. de Sablé, Liv. II, c. 3, p. 26, remarque que dans l’original de la fondation du prieuré de Soulesmes on lit custoris, & que dans la liste des Chanoines de la Métropolitaine de Mayence, il y a de même custor pour custos ; & que c’est de là que s’est lait le mot de coûtre pour custos Ecclesiæ dans l’Eglise de Reims ; & dans celle de S. Quentin, pour conservator Ecclesiæ. Il ajoûte, L. IX, c. 8, p. 251, que custor s’est dit pour custos, comme arbor pour arbos ; mais on n’a point terminé en or les noms en os, dans la basse latinité, l’étymologie allemande paroît plus convenable.

COUTREMINE. s. f. C’est la même chose que Casemate.

COUTUMAT, que quelques-uns prononcent Contumat. s. m. Il se dit en Guienne, particulièrement à Bayonne, des lieux où se paye le droit de Coutume.

COUTUME. s. f. train de vie, ou suite d’actions ordinaires, qui étant plusieurs fois répétées donnent une habitude, ou facilité de les faire quand on veut. Consuetudo, mos, usus. La coutume adoucit les choses les plus rudes, & apprivoise jusqu’aux maux. Ablanc. Le péché s’établit par des coutumes qui deviennent des nécessités, & par des complaisances dont on se fait de misérables devoirs. Fléch. Les femmes aiment mieux pleurer par coutume, que se consoler par raison. Malh. Les impressions de la coutume & de l’éducation entraînent la plûpart des hommes, qui ne dogmatisent que sur ces vains fondemens. Nous nous endurcissons à tout par la coutume ; elle endort notre sentiment à la souffrance. Mont. Combien voit-on de Chrétiens courir à l’Eglise, moins par dévotion & par devoir, que par coutume & par bienséance. Fléch. La coutume forme notre train de vie, & diversifie notre nature comme il lui plaît. Mont. La coutume nous entraîne, & nous mettons au rang des vérités les erreurs qui sont devenues publiques. Charp.

Coutume & habitude dans une signification synonime. La coutume a rapport à l’objet ; elle le rend familier. L’habitude a rapport à l’action ; elle la rend facile. La coutume ou l’accoutumance naît de l’uniformité. L’habitude de la répétition.

Ce mot est dérivé à consuetudine, par contraction. Du Cange dit, qu’en la basse latinité on a dit custuma, custumarius, & custumare.

Coutume se dit aussi figurément de ce qui arrive ordinairement aux choses inanimées. Les pierres nouvellement tirées de la carrière, ont coutume de fendre à la gelée. Cette cheminée a coutume de fumer. Les arbres ont coutume de pousser au printemps. Les Rossignols ont coutume de chanter au mois de Mai. Le mot de coutume, quand il se trouve joint au verbe auxiliaire, comme il l’est dans les exemples de cet article, s’exprime en latin par le verbe solere.

On dit absolument, il en use comme de coutume. Il est plus gai que de coutume. Solito lætior.

Coutume se dit aussi des mœurs, des cérémonies, des façons de vivre des peuples qui ont passé en usage, ou en force de loi. Institutum, consuetudo. Les relations des Voyageurs nous apprennent d’étranges coutumes des peuples éloignés. Ils sont préoccupés de la bonté de leurs coutumes, comme nous des nôtres. Philon Juif, dit que Dieu n’a permis la confusion des langues, & la diversité des coutumes, que pour la punition du genre humain. S. Chrysostome compare la coutume aux successions : elle transfère à la postérité un usage héréditaire.

Coutume, presqu’en ce sens, se dit des choses qui étoient d’abord volontaires, & qui sont devenues nécessaires par l’usage. Mos, usus, consuetudo. Les étrennes sont passées en coutume. Les présens qu’on fait aux nouveaux mariés, que font les Officiers à leur réception en des charges, sont dûs, parce qu’ils ont passé en coutume.

☞ Ce que la plus grande partie des gens pratique, dit M. l’Abbé Girard, est un usage. Ce qui s’est pratiqué depuis long temps est une coutume. L’usage paroît être plus universel ; la coutume plus ancienne,

☞ L’usage s’introduit & s’étend. La coutume s’établit & acquiert de l’autorité. Le premier fait la mode, la seconde forme l’habitude. L’un & l’autre sont des espèces de loix, entièrement indépendantes de la raison dans ce qui regarde l’extérieur de la conduite.

☞ Il est quelquefois plus à propos de se conformer à un mauvais usage, que de se distinguer, même par quelque chose de bon. Bien des gens suivent la coutume dans la façon de penser, comme dans le cérémonial ; ils s’en tiennent à ce que leurs meres & leurs nourrices ont pensé avant eux.

Coutume, dans le droit Romain, est un droit non écrit, introduit par l’usage, du tacite consentement de ceux qui s’y sont volontairement soumis ; & cet usage, après avoir été observé pendant un temps considérable a force & autorité de loi. Nam diuturni mores consensu utentium comprobati legem imitantur.

☞ La coutume imite la loi, en ce qu’il lui arrive souvent d’introduire un droit nouveau. Elle interprête la loi, lorsqu’elle lui donne des extensions ou des modifications convenables pour la conserver autant qu’il est possible. Optima legum interpres consuetudo. Elle abroge quelquefois la loi par un non-usage de la loi, & par un usage contraire qui lui succède : non qu’elle soit supérieure à la loi, qui prévaut toujours sur elle dans les jugemens : mais la loi cessant d’être en vigueur & s’anéantissant d’elle-même par un non usage, la coutume qui est reçue en sa place, paroît avoir détruit & abrogé la loi.

☞ Voilà ce que les loix Romaines ont entendu par coutume, & l’autorité qu’elles lui ont donnée. Ce que nous pouvons appliquer à ce que nous appelons usage. Voyez ce mot.

☞ Suivant notre droit François, la coutume est une loi écrite, à laquelle le Roi donne la forme & le caractère de la loi, dont les dispositions sont déterminées & arrêtées par la reconnoissance & le consentement des habitans d’une province.

☞ Ce concours, du consentement du peuple avec l’autorité du Roi pour fixer & déterminer les coutumes & leur donner le caractère de loi, ne porte aucune atteinte à la puissance législative qui réside dans la personne du Souverain, puisque c’est le Prince qui fait la loi, qui nomme les Commissaires, auxquels il donne pouvoir de rédiger par écrit les coutumes, & que les députés des États n’y assistent que pour raison des usages de la province, dans lesquels ces députés demandent au nom des trois ordres d’être maintenus. ☞ Ainsi ce mot coutume signifie proprement le droit particulier ou municipal établi par l’usage en certaines provinces, qui a force de loi depuis qu’il a été rédigé par écrit. Jus municipale, moribus constitutum. Jus antiqui moris. Les coutumes sont souveraines dans leur ressort. Le Mait. Les coutumes sont réelles, & sont renfermées dans les limites de leur territoire. Il y a aussi des coutumes locales, qui sont en usage dans des lieux ou Seigneuries particulières.

La coutume de Normandie est appelée la sage coutume. La coutume de Paris sert de règle pour toutes les autres coutumes quand elles n’ont point de dispositions contraires. Du Moulin, &c. ont commenté la coutume de Paris : Buridan celle de Reims : d’Argentré celle de Bretagne : L’Abbé & Ragueau celle de Berri : Chassanée celle de Bourgogne, &c. On appelle aussi un pays de coutume, par opposition au pays de Droit écrit, celui qui est régi par une coutume particulière. C’est un point de coutume, un article, une question de coutume. M. Catherinot, Avocat du Roi à Bourges, a fait une dissertation pour montrer que les coutumes ne sont pas de droit étroit.

On dit aussi, suivant les us & coutumes du pays, les us & coutumes de la mer. Voyez Us.

Les Gaulois, au rapport de César, L. I, de Bell. Gall. avoient leurs coutumes particulières qu’ils ont toujours conservées ; & il fut impossible aux Romains de les gouverner par d’autres loix. Il n’y eut que les Provinces voisines de l’Italie qui furent forcées de recevoir les loix Romaines.

On ne convient pas trop en quel temps s’est introduite cette diversité de coutumes, qui règne dans les diverses Provinces de France. Il y a bien de l’apparence que les Romains, après la Conquête des Gaules imposèrent aux vaincus la nécessité de s’assujétir aux loix Romaines. Mais dans la décadence de l’Empire, & lorsque les peuples venus du Nord, ou sortis d’Allemagne, inondèrent la Gaule, ils apportèrent une grande confusion à cet égard. Quelques-uns prétendent qu’on se régla encore long temps par le Droit Romain, parce que ces nations barbares ignoroient même jusqu’à l’usage des lettres & de l’écriture ; ensorte qu’ils n’avoient aucunes loix fixes, & qu’ils ne se gouvernoient que par certains usages, qui se conservoient parmi eux par tradition. Les François furent les premiers qui rédigèrent des loix par écrit, après qu’ils eurent passé le Rhin : on n’attribue pourtant la publication de la loi Salique qu’à Clovis, & avant lui les Visigoths, sous leur Roi Evarick, qui tenoit sa Cour à Toulouse, avoient déjà publié quelques loix. Cette loi Salique fut fort augmentée par les successeurs de Clovis ; & Charlemagne y ajouta plusieurs articles, & la fit rédiger dans un meilleur ordre. Ainsi les François observoient la loi Salique, & les Capitulaires de Charlemagne, de Louis le Débonnaire & de Charles le Chauve. Pour les Romains, qui étoient demeurés dans les Gaules, & les anciens Gaulois, ils conservèrent l’usage des loix Romaines. On tient même que sous les Rois de la première Race le Droit Romain étoit la loi générale, & que l’on n’y dérogeoit à l’égard des François, que dans le cas où leurs nouvelles loix contenoient quelque chose de contraire. Les Ecclésiastiques sur-tout observoient le Droit Romain, & la langue latine étoit celle des Tribunaux où l’on rendoit la Justice. Pour les Bourguinons, & les Visigoths, qui occupoient la partie méridionale de la France, ils s’en tenoient toujours au Droit Romain. Sous la IIe Race, les François firent prévaloir les loix civiles & Ecclésiastiques de leurs Rois, & le Droit Romain commençoit à être aboli : ce fut alors que le droit coutumier prit naissance ; mais la foiblesse des derniers Rois Castoringiens produisit une nouvelle confusion ; car les grands Seigneurs ayant usurpé la Souveraineté, chacun d’eux s’arrogea aussi le pouvoir de faire des loix. Ils firent des constitutions dans l’étendue de leur territoire, & c’est de là sans doute qu’est venue la diversité des coutumes, qui est si grande dans le Royaume. Avant Louis VII, il n’y avoit en France ni Juges ni loix. Le Seigneur d’un lieu en étoit la loi & le Juge. Le Roi & les grands s’étant trouvés vers ce temps-là incommodés de la dépense qu’ils avoient faite aux Croisades, aux Cours plénières, & aux Tournois, proposèrent aux villes & aux bourgs qui étoient de leur dépendance de se racheter pour de l’argent. Cette proposition fut à la fin acceptée de tout le monde. Le peuple alors devenu libre, demanda des loix, chaque Seigneur en donna de plus ou moins favorables, selon le parti qu’on lui faisoit. De là vint cette multitude de coutumes que l’on voit encore aujourd’hui dans les villes, bourgades & villages. Le Gendre.

La première rédaction de toutes les coutumes de France par autorité publique fut faite sous Charles VI, au rapport de M. Rouillard. La seconde rédaction fut faite en conséquence de l’Ordonnance de Charles VII, donnée au mois d’Avril 1453, au Montil-les-Tours. Et en l’année 1577, les États assemblés à Blois demandèrent la réformation des coutumes. Cela fut exécuté en 1585. Pour la coutume de Normandie. Voyez l’Hist. des Rois Jean, Charles V, VI, VII, par M. l’Abbé de Choisi. Voyez aussi M. Bruneau, dans son Traité des Criées, ou il donne une table chronologique des coutumes, & marque en quelle année chaque coutume a été rédigée.

Coutumes fouchères, sont celles qui veulent que pour succéder à un propre, on soit descendu en ligne directe de l’acquéreur, c’est-à-dire, de celui qui a acquis le premier l’héritage, & l’a mis dans la famille, lequel d’acquêt qu’il étoit en sa personne, est devenu propre à ceux de la famille, auxquels il est échu par les moyens qui sont les propres.

Coutumes locales, sont celles qui sont particulièrement observées dans un certain lieu, & qui ne le sont pas dans vous les endroits où s’étend la coutume générale du lieu.

Coutume, en Angleterre, signifie ce que nous appelons en France Douane.

Coutume se dit aussi d’un droit qu’on paye ordinairement comme une espèce de péage aux passages des villes, & le plus souvent à l’entrée des bailliages & Vicomtés, pour l’entretien des ponts & passages dont on ne connoît point l’origine ni l’établissement. Jus moribus constitutum, in more positum. On met un morceau de bois tourné & attaché au bout d’une perche, pour signal aux Voituriers qu’il faut payer ce droit ; & on l’appelle billot ou billet, sur quoi on a fait ces vers :

Ce billot suspendu qui à l’air se consume,
Avertit le Marchand d’acquitter sa coutume.

On appelle en quelques lieux petite coutume, le payement d’un denier pour bœuf ; & la grande coutume, celui de quatre deniers. Les Ecclésiastiques appelèrent autrefois louable coutume, les droits que le Clergé levoit sur les gens d’Eglise, comme décimes, annates, déports, proficiats, &c. contre lesquels Paquier a fait de fortes invectives. On a appelé coutumes Episcopales, certains deniers ou tributs qu’ils faisoient payer à Pâque.

Le mot de coutume se prend aussi dans le droit Canon pour de certains droits que les Evêques exigeoient des Ecclésiastiques & des Moines dans leurs visites. Ils les appelèrent droits de procuration ou de coutumes : comme ils ne se contentoient pas des droits ordinaires, les Moines ont souvent adressé aux Papes leurs plaintes, pour avoir quelque modération. Le Pape Clément V jugea à propos dans le Concile de Vienne d’apporter le remède nécessaire à ces excès. Il y fut arrêté que les Evêques dans les visites des Monastères n’exigeroient que ce que le droit commun ou spécial, la coutume ou le privilège leur accorderoient. Voyez les Clémentines au titre de Censibus, exactionibus & procurationibus.

Coutume a signifié autrefois un revenu annuel en blé, vin & autre chose payable au Seigneur qui avoit donné l’héritage à cette condition. Ainsi on dit, prendre un héritage à coutume ; pour dire, à certaines charges spécifiées, ou selon l’usage ordinaire des lieux. On appelle aussi droits des coutumes, d’autres sortes de droits établis par les Seigneurs dans les marchés sur les denrées par l’usage & la coutume des lieux.

Coutume se dit proverbialement en ces phrases. C’est la coutume de Lorris, où le battu paye l’amende : ce qui se dit, quand un homme qui a sujet de se plaindre, est encore condamné. Cet article ne se trouve point dans la coutume de Lorris, mais bien dans un vieux titre de l’an 1448, qui est une confirmation des privilèges de Lorris, faite par le Roi Philippe, où il est dit que quand quelqu’un des combattans en gage de bataille étoit vaincu, le pleige étoit obligé de payer cent douze sols d’amende ; ce qui ne se faisoit point dans tous les autres lieux en de semblables combats. C’est une remarque qu’a fait Pasquier, mais d’autres ajoutent que cela avoit aussi lieu en d’autres endroits, comme on voit dans la vie des Evêques de Mets, en un temps où tous les différends se vidoient en champ de bataille, & à coups de main ; & alors les battus payoient l’amende. Mais quelques-uns disent que c’est la mauvaise intelligence de ce proverbe qui cause de l’étonnement ; car la loi voulant que ceux qui battent les autres soient punis, elle s’est expliquée en ces termes, qui tiennent de l’apostrophe ; Le bas-tu paye l’amende. Voyez Coquille, Hist. de Nivernois, p. 274. On dit une fois n’est pas coutume. Il ne faut pas perdre les bonnes coutumes. Acad. Fr.

COUTUMERIE. s. f. terme de Coutumes. Dans les coutumes où ce mot se trouve, il veut dire la même chose que péagerie, c’est-à-dire, la levée des péages, des droits qu’on impose. Vectigalium exactio. Ce mot signifie aussi l’étendue de la Seigneurie dans laquelle un Seigneur perçoit le droit de coutume ou péage.

COUTUMIER, IERE, qui a coutume de faire quelque chose. Solitus, consuetus, de more, ex more. Il est coutumier de s’aller promener tous les matins. Les femmes sont coutumieres d’être galantes. Il est vieux. On dit, il est coutumier du fait ; il n’est pas coutumier du fait ; pour dire, il a coutume, ou n’a pas coutume de faire une telle chose : tout cela n’est bon que dans le style familier.

Coutumier, iere. adj. qui se dit quelquefois de ce qui est ordinaire, accoutumé. Consuetus. Mais il n’est guère en usage qu’au féminin & en Poësie.

La lune est coutumière
De naître tous les mois. Ron.


Corneille a dit dans Polieucte :

Et mes yeux éclairés de plus vives lumières,
Ne trouvent plus en eux leurs grâces coutumières.

COUTUMIER. s. m. signifie le volume où sont contenues les Coutumes d’une Province, ou le recueil de toutes les Coutumes de France, tant générales que locales, c’est-à-dire, des lieux particuliers, comme celles de Gisors, Andely, Caën, Bayeux, Vernon, Langres, &c. Volumen juris moribus constituti. Le grand coutumier de Normandie a été d’abord imprimé & commenté par Guillaume Rouillier d’Alençon en 1539.

On appelle aussi pays coutumier, le pays qui se régit par la coutume, par opposition aux pays de Droit écrit, qui se régit par le Droit Romain, comme le Languedoc, le Lyonnois, &c. Jus non scriptum, jus in more positum. Le Droit commun de la France coutumière doit servir de loi. Patru. Voyez les Institutes coutumières de Loisel.

Coutumier a signifié aussi autrefois les sujets d’un Seigneur féodal non nobles. Ignobilis, plebeïus. Ainsi on a appelé personne coutumière, vilain coutumier, homme, femme & fille coutumière, sujets étagers & coutumiers, ceux qu’on a voulu nommer roturiers : & on appelle bourse coutumière, l’achat que faisoit un roturier d’un héritage noble ou non : amendes coutumières, les amendes taxées par la coutume, ou arbitraires ; & on disoit, partager un héritage coutumièrement, par opposition à un partage qui se faisoit noblement : ce qui est fort fréquent dans les Coutumes de France.

On appelle aussi coutumiers & coutumes, les usagers & les usages de bois, pacages ou panages.

COUTUMIÈREMENT. adv. terme de Coutumes. Cet adverbe, dans les Coutumes d’Anjou & du Maine, marque la nature des biens qui ne sont pas nobles. Coutumierement est opposé à noblement, & marque la différence qu’il y a avec ce qui le partage noblement.

Montagne a employé ce mot pour ordinairement.

☞ COUTURE. s. f. jonction de deux choses attachées ensemble avec du fil, de la soie, ou autre chose, par le moyen d’une aiguille, d’une alêne, &c. Sutura. Quand on veut qu’une chose tienne bien, il faut y faire une double couture. Rabattre la couture, c’est coudre une seconde fois en rabattant les bords d’une chose cousue les uns sur les autres. On appelle des draps sans couture, ceux qui sont faits d’un seul lé de toile qui est fort large. La robe de Notre Seigneur étoit sans couture, & ne put être divisée. Couture à l’Angloise, couture à points par dessus, &c.

Couture se dit aussi de l’art de coudre, & de la délicatesse du travail. Ars suturæ, Ars suendi. On a mis cette fille chez une Mauresse pour apprendre la couture. La couture des gants d’Angleterre est plus propre que celle de France.

Couture est aussi un terme d’Augustin, qui signifie la lieu où l’on fait des habits. Sartoris officina.

Couture signifie aussi la cicatrice, la marque que laissent sur la peau les plaies & les ulcères qui ont été autrefois guéris. Cicatrix. Cette fille a eu la petite vérole, il lui est resté plusieurs coutures sur le visage. Cet Officier a reçu plusieurs blessures à l’armée, on en voit encore les coutures.

Couture, en termes de Charpenterie marine, est la distance qui se trouve entre deux bordages d’un vaisseau, & que l’on a calfatée. Couture ouverte, se dit lorsque l’étouppe qui avoit été mise entre les deux bordages s’est échappée.

Couture, terme de Plombier. Manière d’accommoder le plomb sur les ouvertures. Commissura. Les Plombiers couvrent quelquefois sans souder les tables de plomb, mais seulement avec des coutures, c’est-à-dire, que le plomb est retourné l’un sur l’autre, & attaché avec des clous pour empêcher qu’il ne se rompe par la chaleur, ou par le froid.

Couture se dit aussi de quelques lieux particuliers abusivement, au lieu de culture. La Couture Sainte Catherine à Paris. L’Abbaye de la Couture au Mans. En ce sens, il vient de cultura, qui a signifié un champ cultivé. Voyez Culture.

On dit figurément, qu’une armée a été défaite à plate couture ; pour dire, entièrement & sans ressource. Penitus, ad internecionem.

COUTURERIE. s. f. Ce mot se trouve dans Pomey pour signifier le lieu où les Couturiers travaillent. Sartoris officina. Il est en usage dans quelques maisons religieuses.

COUTURIER. s. m. Tailleur de village, ou celui qui travaille dans les villes, & qui n’est point Maître, mais qui racoute des habits pour des Fripiers, ou de pauvres gens. Sartor, Sarcinator.

Couturier, terme d’Anatomie. C’est le premier des muscles abducteurs de la jambe, ainsi appelé, parce qu’il fait plier la jambe en dedans de la manière que font les couturiers pour travailler : on le nomme autrement le long. Il prend son origine de l’épine supérieure & antérieure de l’os des iles, & va s’insérer obliquement à la partie interne & supérieure du tibia qu’il tire en dedans. Dionis.

COUTURIERE. s. f. femme autorisée à travailler à différens vêtemens en qualité de membre d’une communauté. Couturière en habits, Couturière en corps d’enfant, Couturière en linge, Couturière en garnitures.

COUVAIN. s. m. Le couvain ou couvein, comme l’écrit la Quintinie, est la semence des punaises. Les punaises de jardin laissent leur couvain sur les branches & sous les feuilles des arbres. Ce couvain ne paroît d’abord qu’une poussière sale & roussâtre que les punaises jettent en automne ; mais les chaleurs de l’été suivant le font croître & enfler jusqu’à la grosseur d’une lentille, & pour lors il éclôt & fait d’autres punaises. Les fourmis cherchent avec avidité le couvain des punaises ; c’est pourquoi les jardiniers ont beaucoup de soin d’en nettoyer leurs arbrisseaux, & principalement les orangers, soit avec leurs doigts, ou avec des brosses ; tant parce que ce couvain les rend sales, hideux & mal-propres, que parce que cela y attire les fourmis, qui deshonorent ces beaux arbres, dont ils rongent toutes les feuilles, & parce qu’ils ont observé que ces animaux cessent de les attaquer dès que le couvain des punaises en est ôté.

COUVÉE. s. f. totalité des œufs qu’une poule couve en même-temps. Incubationis, incubitus, incubatus unius ova. Malpighi, savant Boulonois, a eu la curiosité de casser plusieurs fois tous les œufs d’une couvée à demi-heure l’un de l’autre, & de voir avec un microscope tous les changemens qui s’y faisoient jusqu’à ce que le poulet soit éclos : il en a donné au public des figures fort bien gravées. Il y avoit tant d’œufs à la couvée. On le dit aussi des œufs de toute sorte d’oiseaux.

Couvée, se dit aussi des petits qui sont éclos de ces œufs. Pullatio, pullities. La poule & toute sa couvée.

Couvée signifie figurément une mauvaise engeance. Mala proles, mala soboles. Le pere, la mere, toute la couvée n’en vaut rien. Quelle joie de voir partir une couvée de Provençaux, tels que vous me les nommez ! Madame de Sév. Il est familier.

COUVENT. s. m. On disoit autrefois Convent, comme on le prononce encore dans ses dérivés. Monastère de Religieux de l’un ou de l’autre sexe. Maison Religieuse où se retirent des personnes de l’un ou l’autre sexe pour y vivre dans la retraite & dans la pratique de la vertu. Monasterium, cœnobium. Vaugelas veut qu’on écrive Convent, parce qu’il vient du mot latin conventus, & qu’on prononce Couvent. Mais tout le monde prononce & écrit Couvent. Mén. Corn. Les Couvens sont autant de citadelles où la pudeur trouvera un asile contre le dérèglement & la corruption du siècle. S. Louis aimoit le silence & la retraite du Couvent. Port-R. Il faut que le Couvent soit le choix du cœur, & non pas une nécessité. S. Evr. Il faut au moins trois Religieux pour établir un Couvent ; mais un seul en conserve le droit & le titre. Entrer au Couvent, sortir du Couvent, c’est prendre ou quitter l’habit d’un Couvent.

Ah ! souffrez qu’un Couvent, dans ses austérités,
Use les tristes jours que le Ciel m’a comptés. Mol.

Couvent signifie aussi le Corps ou la Communauté des Religieux, ou Religieuses qui habitent ces Maisons. Religiosa familia. Tout le Couvent a été assemblé capitulairement au son de la cloche. Les procès s’intentent au nom des Religieux, Prieur & Couvent.

On dit, en menaçant une fille désobéissante qu’on la mettra dans un Couvent ; pour dire, qu’on la fera Religieuse malgré elle, qu’il faut qu’elle épouse le parti qu’on lui propose, ou un Couvent.

Couvent dans l’Ordre de Malte est le lieu où est le Maître ou son Lieutenant, l’Eglise, l’Infirmerie, & les Auberges, ou les huit langues.

COUVER, v. a. se dit des oiseaux mâles ou femelles qui se tiennent sur les œufs pour les échauffer, jusqu’à ce que les petits soient éclos. Ova fovere, ovis incubare, Sedere in ovis. Les pigeons couvent plusieurs fois l’année. C’est une erreur populaire de croire que les tortues couvent des yeux ; elles couvrent seulement leurs œufs de sable, & le soleil par sa chaleur les fait éclorre.

☞ On le dit quelquefois absolument. C’est la saison de mettre les poules couver, où les oiseaux couvent.

Ce mot vient de cubare. Nicod. Du Cange dit aussi qu’il vient de cubare ova.

☞ On dit figurément, mais dans le style familier seulement, couver quelqu’un des yeux, avoir les yeux attachés sur lui, le regarder avec affection, avec tendresse & complaisance, & sans pouvoir s’en lasser. Oculos in aliquem deponere ; haurire oculis, oculis hærere. Elle aime si fort son fils, qu’elle le couve des yeux.

Couver se dit au figuré pour dire, tenir caché, & se prend presque toujours en mauvaise part. Couver un dessein, le tenir renfermé dans son ame jusqu’au moment de l’exécution. Occultare. La conduite de ces Princes fait croire qu’ils couvent quelque grand dessein dans leur ame. Dans ce sens, il est encore actif.

☞ On le dit au neutre dans la même signification des choses qui demeurent long temps cachées, & qui se découvrent enfin. Le feu a long temps couvé sous la cendre, & puis l’incendie a recommencé. On croyoit son amour éteint ; il a long temps couvé dans son cœur sans paroître. Cette conspiration a couvé long temps avant d’éclater. Latere, occultari.

Il est quelquefois réciproque. Il se couve là-dessous je ne sais quoi.

☞ Ce verbe a une signification particulière parmi les femmes du peuple qui mettent sous leurs jupes une petite chaufferette avec du feu pour se tenir chaudement pendant l’hiver : ce qui s’appelle couver. Foco, foculo insidere, incubare.

Couvé, ée. part. & adj. Fotus.

COUVERCLE. s. m. Ce qui sert pour couvrir, pour fermer quelque vaisseau. Operculum. Le couvercle d’une boîte, d’un coffre, d’un cuvier, d’une aiguière. Dalibray a dit dans la Métamorphose de Montmaur en marmite :

Le cou de son pourpoint s’élargit en grand cercle,
Son chapeau de Docteur s’applatit en couvercle.

Ces deux vers sont remarquables en ce que les deux seuls mots terminés en ercle, qu’il y ait dans la langue françoise, s’y trouvent heureusement placés pour rimer ensemble.

Ce mot vient du latin cooperculum, qui n’est pas de la bonne latinité.

COUVERSEAU. s. m. terme de Charpenterie. Les couverseaux sont quatre planches d’un pouce, ou d’un pouce & demi d’épaisseur, qui sont au dessous des achures d’un moulin.

COUVERT. s. m. lieu à l’ombre, lieu planté d’arbres qui donnent de l’ombre. Umbrosus locus. Il y a bien du couvert dans cette maison : un beau couvert d’arbres.

Ce mot vient du latin coopertus.

Couvert signifie aussi logement où l’on est à l’abri des injures du temps. Tectum. Ce Religieux a été demander le couvert pour une nuit en ce château. Il n’avoit que le couvert à l’Hôpital, & il falloit que pour vivre il mendiât son pain de porte en porte. Bouh. Vie de S. Ign. Liv. II.

Couvert signifie aussi la nappe, la couverture de la table, encore plus particulièrement ce qui sert à chacun des conviés, comme l’assiette, la serviette, la cuiller, le couteau & la fourchette. Mensæ apparatus, ornatus. On a mis le couvert dans cette salle. Ce Seigneur tient une table réglée de douze couverts. Duodenis capitibus mensam instruit.

☞ On appelle encore couvert un étui garni d’une cuiller, d’une fourchette & d’un couteau. Il porte son couvert à la campagne.

COUVERT, ERTE. adj. & part. Ce qu’on ne voit pas, qui est caché par un autre corps. ☞ Ce terme présente à l’esprit l’idée d’un voile qui cache, qui dérobe une chose à la vue. Tectus, velatus, opertus, adopertus, coopertus, nubilus, caliginosus. Le Ciel est couvert de nuages. Une carte couverte est celle sur laquelle on a jeté une autre carte. Le feu est couvert ; tout le monde est couché. On dit en ce sens, qu’un pays est couvert, quand il est rempli de bois. Il est dangereux de passer dans les Ardennes, c’est un pays trop couvert.

Couvert se dit aussi comme synonime à vêtu & paré. Indutus, vestitus. Les Savans sont d’ordinaire déchirés & mal couverts. Cet homme a des laquais aussi bien couverts que des Gentilshommes. Dans ce sens, le mot de couvert n’est point du bel usage. Il faut marcher bien couvert, bien vêtu pendant le froid, de peur du rhume.

Couvert se dit aussi hyperboliquement des choses qui sont en quantité, en abondance sur une autre. Intectus, coopertus, opertus. Il avoit un habit tout couvert de broderie. Cette mariée étoit toute couverte de pierreries. Le corps de Job étoit tout couvert d’ulcères. Il étoit couvert de lueur. Ablanc. La rivière étoit couverte d’arbres. Vaug. Je l’ai trouvé couvert d’une affreuse poussière. Rac.

Couvert se dit aussi des teintures fortes & foncées qui tirent sur l’obscur. Color obscurus. Ce bleu est un peu trop couvert, & n’est pas assez clair. Le vin de brie est trop couvert, est d’une couleur trop chargée. Vinum nigrum.

Couvert, en termes de Manufactures de lainerie, se dit des étoffes qui n’ont pas été tondues dassez près.

Couvert, en termes de Guerre, signifie défendu, lieu où on est en sûreté. Tutus, defensus. Ce bastion est couvert d’un ouvrage à corne. Ce camp est couvert d’un marais & d’un bois. Ce rampart est couvert d’un parapet. On appelle par excellence le corridor, le chemin couvert, parce qu’il a pour parapet le glacis de l’esplanade. La frontière est couverte par de fortes places.

Couvert, en termes de Palais, se dit des choses contre lesquelles on a de bonnes défenses. Cette demande est couverte par un compte, par une longue prescription.

En termes de Musique, on appelle parties couvertes ou mitoyennes, celles qui tiennent le milieu entre le dessus & la basse.

Couvert se dit figurément en choses morales. C’est un scélérat qui est tout couvert de crimes, qui est noté en justice, couvert d’infamie. Opertus, coopertus. Il revient couvert de honte & de risée. Boil. Pudore suffusus.

Couvert ou de louange ou d’opprobre éternel.

☞ Vers de Corneille dans Héraclius. Cela n’est pas François, dit Voltaire, il faut d’un opprobre éternel ; d’opprobre est ici absolu & ne souffre point d’épithète & on ne peut dire couvert de louange comme on dit couvert de gloire, de lauriers, d’opprobre, de honte. Pourquoi ? c’est qu’en effet la honte, l’opprobre, la gloire, les lauriers semblent environner un homme, le couvrir. La gloire couvre de ses rayons ; les lauriers couvrent la tête ; la honte, la rougeur couvrent le visage ; mais la louange ne couvre pas.

☞ Corneille a donné au mot couvert une signification qu’il n’a pas dans ce vers de son Héraclius.

☞ Il tient (le ciel) en ma faveur leur naissance couverte, en parlant des deux Princes. Couvert n’est pas le mot propre, dit Voltaire ; il ne veut pas dire incertain, obscur.

On appelle aussi un homme couvert, celui qui n’est pas communicatif, qui est caché. Tectus. Constance étoit d’un esprit couvert & dissimulé. Herman. Les gens qui négocient, doivent être couverts, & ne découvrir pas leurs sentimens. Ce Seigneur, pendant les troubles s’est tenu clos & couvert, il n’a point pris de parti. Il vaut mieux d’être estimé simple pour être sincère, que de se tenir couvert sous les subtilités d’une dangereuse prudence. Ben. Il y a une inimitié couverte, c’est-à-dire, cachée entre ces deux hommes.

Couvert se dit encore figurément en ces phrases, parler en paroles couvertes, c’est-à-dire en paroles ambiguës, qui cachent un autre sens que celui qui se présente d’abord, sans expliquer la chose nettement. Tectis verbis. On appelle mots couverts, des paroles honnêtes qui en font entendre d’obscènes. Ambigua verba & obscænum sensum celantia.

Couvert (a) adv. caché, à l’abri, en sûreté. Tutus, munitus, defensus ab aliquare. In tuto ponere. Cet homme a gagné du bien, il est à couvert de la nécessité. Il s’est retiré dans un monastère pour être à couvert de l’orage. Il a mis à couvert tout son bien sous des noms empruntés, pour dire, l’a caché, il l’a mis en sûreté. Il y a des villes où l’on marche toujours à couvert, où on ne craint pas la pluie. Cette rivière met le camp à couvert des ennemis. Cette éminence le met à couvert de leur canon. Cette pièce nous met à couvert de tout procès. On l’a obligé d’épouser la fille qu’il avoit abusée, pour mettre son honneur à couvert. On dit aussi ironiquement d’un homme qu’on a mis en prison, qu’on l’a mis à couvert. L’envie & l’ambition secrette qui rongent les dévots, vont toujours à couvert de leurs pieuses intentions. Bell. Le faux zèle fait bien mettre ses passions à couvert de la raison. Maleb.

☞ Ce mot à couvert, disent les Encyclopédistes, présente l’idée d’un voile qui dérobe : à l’abri, l’idée d’un rempart qui défend. On se met à couvert du soleil, & à l’abri du mauvais temps.

☞ On a beau s’enfoncer dans l’obscurité, rien ne met à couvert des poursuites de la méchanceté ; rien ne met à l’abri des traits de l’envie.

☞ En termes de Blason, on appelle couvert, un château ou une tour avec un comble.

On dit proverbialement, servir un homme à plats couverts ; pour dire, lui faire un mystère de quelque chose, lui cacher une partie du secret d’une affaire, lui faire une demie ou une fausse confidence, lui rendre secrettement de mauvais offices.

COUVERTE. s. f. terme de Marine du Levant, qui signifie pont ou tillac. Fori. On dit qu’un vaisseau porte couverte, quand il est ponté. On appelle couverte de l’iscocelle de proue, un certain espace qui règne vers l’arbre du trinquet, & vers les rembades : on y charge aussi l’artillerie.

Couverte. s. f. terme de Fauconnerie. Les deux grandes pennes du milieu de la queue sont appelées les couvertes. Duæ majores penna in mediâ avis caudâ sitæ. Les autres, sçavoir les premiers de chaque côté, sont appelées les premières du coin ; celles qui suivent les deuxièmes du coin, & ainsi des autres. Vol à la couverte se dit, en termes de Fauconnerie, lorsque l’on approche le gibier à couvert de quelques haies. Voyez Vol.

Couverte. C’est dans les manufactures de porcelaine, de fayance & de terres fines, l’émail dont est revêtue la terre mise en œuvre. La pâte d’une bonne porcelaine doit être sans sels, & la couverte sans métaux.

Dans quelques Provinces, couverte se dit pour couverture de lit.

COUVERTEMENT. adv. d’une manière couverte, secrette, cachée. Tectè, occultè, clam, absconditè, latenter, tacitè. Il lui a fait ce reproche couvertement, en paroles couvertes, & à demi mot. Cet Agent négocie fort couvertement.

COUVERTURE. s. f. Ce mot pris en général présente l’idée d’une chose qui s’étend sur une autre pour la cacher, la conserver ou l’orner. Tegmen, tegumentum, operimentum, amictus, tectum.

Couverture de lit, pièce d’étoffe qu’on étend sur un lit pour se garantir du froid. Lodix, stragulum, fascia lecti. Il y a des couvertures à poil, d’autres à ploc. Des couvertures piquées. Il n’a pour toute couverture que sa courtepointe. Faire la couverture, c’est préparer le lit, replier le drap & la couverture pour se coucher. On appelle aussi couverture une pièce de laine dont on enveloppe des enfans en maillot, ou que les paysans mettent sur leur tête en guise de cappe pour se garantir de la pluie.

Ce mot vient de coopertura.

On appelle aussi couverture, les pièces d’étoffe qu’on met sur les mulets, non pas tant pour les garantir de la pluie, que par ornement pour montrer à qui ils appartiennent par les écussons & broderies qu’on y met dessus. Stragulum. On en fait aussi de parade dans les entrées & les grandes cérémonies. Quelques-uns appellent assez mal couverture, l’étoffe, la tapisserie qui sert à couvrir des chaises & autres meubles.

Couverture se dit aussi des peaux que les relieurs mettent sur les livres quand on les relie. Tegmen, tegumentum, tegumen. Une couverture de veau, de maroquin, de parchemin, de papier marbré. Cet homme ne connoît les livres que par la couverture. Une fausse couverture, c’est une pièce de basane, ou de parchemin, qu’on met sur la vraie couverture pour la conserver.

Les serruriers appellent couverture de la serrure, la pièce de fer qui en couvre les gardes ; ce qu’on nomme aussi foncet. Opertorium.

Couverture signifie aussi le toit des maisons, ce qui défend le dedans des injures de l’air. Tectum. Une couverture d’ardoise, de tuile, de plomb, de bardeau, de chaume. Une couverture à claire voie est celle dont les tuiles sont peu pressées, comme sur un appentis qui ne doit pas subsister long-temps. Les couvertures d’Orient sont toutes en plateforme. Les couvertures à la mansarde sont des toits dont la charpente est brisée, qui fait un angle, ou deux faces de chaque côté. On affecte dans les bâtimens modernes d’empêcher qu’on ne voie la couverture.

On dit aussi d’un parapet, d’une colline, qu’ils servent de couverture à un logement, à un camp, pour dire qu’ils les mettent à couvert des ennemis, qu’ils servent de défenses. Propugnaculum.

Couverture de fanaux, termes de Marine. Ce sont des baquets ou autres choses qu’on met sur les fanaux lorsqu’on les serre, pour les conserver & empêcher qu’ils ne se gâtent. Operculum.

Couverture se dit figurément en choses morales, & signifie prétexte pour couvrir, pour déguiser un dessein, pour excuser une faute. Simulatio, causa, prætextus. La dévotion sert de couverture aux hypocrites pour faire bien des méchancetés. C’est pour servir de prétexte & de couverture à l’avarice & à l’ingratitude. Patru. Un mari sert de couverture à une femme adultère.

COUVERTURIER. s. m. marchand ou artisan qui vend ou qui fait des couvertures. Stragulorum, lodicum opifex.

COUVET. s. m. pot de terre ou de cuivre avec une anse que les pauvres femmes remplissent de feu, & mettent sous elles l’hiver. Igniculum. Ce mot n’est connu que parmi le petit peuple.

COUVEUSE. s. f. poule qui couve, qu’on garde dans une métairie pour couver. Gallina incubans.

COUVI. adj. œuf qui est à demi couvé par la poule, ou gâté pour avoir été gardé trop long temps. Ovum incubatione vitiatum. Sancho Pansa fut traité avec une omelette d’œufs couvis.

COUVIN, nom d’une petite place du pays de Liège. Convinum. Couvin est situé entre Rocroy & Mariamon.

COUVINE. s. f. Ce mot qui étoit autrefois en usage, veut dire queue. Dame à grand couvine, dans les vieux Auteurs, est une Dame qui a une longue queue à son habit.

COUVIVER, v. a. vieux mot. Flater.

COUVOYON. s. m. nom d’homme. Covoyonus, Comvoyo. S. Convoyon, que nous prononçons couvoyon, de même que Mouchi, Moutier, Couvent Coutances étoit fils d’un Gentilhomme de Bretagne, & fut premier Abbé de S. Sauveur de Redon en Bretagne. Voyez Gallia Christ. T. IV, au mot rotonum, & Baillet au vingt-huitième de Décembre, & le Martyrologe de M. Chastelain au cinquième de Janvier, p. 92, & suiv.

COUVRE-CHEF. s. m. coëffure dont les femmes de village se servent en plusieurs endroits, comme en Normandie, Picardie, &c. Rica. Elle est faite d’un morceau de toile empesée & tortillée, dont elles entourent leur tête.

On appelle aussi de ce nom, tout ce qu’on met sur la tête & sur le visage pour les couvrir, tant aux hommes qu’aux femmes. Capitis tegmen, tegumentum. L’Ecriture nous apprend que l’on mit un couvre-chef sur la tête du Lazare & de Jesus-Christ, lorsqu’on les ensevelit. Philotas avoit les mains liées derrière le dos, & la tête voilée d’un couvre-chef. Vaug.

Couvre-chef. s. m. c’est une partie de l’habillement de l’Abbesse & de la Secrète de Remiremont, qui ont seules droit de le porter. C’est une espèce de linge qui s’appelle couvre-chef, quoiqu’elles ne le mettent pas sur leur tête. Il s’attache seulement derrière la tête, & les deux bouts viennent joindre la petite barbette qui leur couvre le sein en manière de guimpe, puis elles mettent sur leur tête deux grandes coëffes, l’une de taffetas, dont les deux bouts se nouent sur la barbette & la cachent en partie, & l’autre de gaze ou crêpe, qui pend par derrière : le couvre-chef n’est que de la hauteur de la personne, tombant par derrière jusqu’à terre, & est couvert d’une gaze noire. P. Hélyot. T. VI, p. 415.

Couvre-chef, terme de Chirurgie. Fascia cucullata. Bandage dont on se sert pour envelopper la tête. Il y en a de deux sortes, l’un grand, l’autre petit.

Couvre-chef se dit aussi quelquefois en riant & dans le style burlesque, pour signifier tout ce qu’on met sur la tête d’une personne pour l’accabler.

Jupiter fit à Thyphon leur grand chef,
D’une montagne un couvre-chef. Scar.

COUVRE-FEU. s. m. instrument ☞ de fer ou de cuivre qu’on met sur le feu pour le couvrir & le conserver pendant la nuit. Foci operculum.

Couvre-feu, signal de retraite qu’on donne dans les villes de guerre pour se coucher, pour avertir qu’on ne sorte plus. Signum vespertino receptui. Par une Ordonnance de Philippe de Valois, il paroît qu’on sonnoit le couvre-feu au soir & au point du jour ; & qu’à Laon on fit dépendre la cloche du beffroi pour punir les habitans d’une sédition qui étoit arrivée. Pasquier dit qu’on appeloit autrefois le couvre-feu ou courfeu, & par corruption carfou, ou selon d’autres, garefou, pour avertir de se mettre à couvert des débauchés & des voleurs de nuit. On l’appelle en Gascogne chasse-ribauds.

Couvre-feu. s. m. nom de la cloche qu’on sonnoit en Angleterre tous les soirs au commencement de la nuit. Cette coutume & le nom de cette cloche vinrent de Guillaume le Conquérant, qui ordonna sous de rigoureuses peines qu’au son de la cloche, qui sonnoit à sept heures du soir, chacun se tînt renfermé dans sa maison, qu’on éteignît les chandelles, & qu’on couvrît le feu. ☞ Ceux qui manquoient d’exactitude dans l’observation de cette loi, étoient rigoureusement punis. Le couvre-feu fut aboli par Henri II.

☞ Le couvre-feu étoit une police ecclésiastique, autrefois en usage dans les cloîtres. Cette coutume s’observe encore actuellement dans quelque endroits. Dans l’église cathédrale de Paris, on sonne tous les soirs à sept heures le couvre-feu, & la cloche qui sonne le signal, porte aussi le nom de couvre-feu.

COUVRE-PIÉ. s. m. espèce de couverture qui ne s’étend que sur une partie du lit, & qui sert à couvrir les piés. Les couvre-piés sont ordinairement de toile ou de taffetas piqué & garni entre deux d’aigredon, ou autre chose propre à donner de la chaleur.

COUVREUR. s. m. artisan qui couvre les maisons. Qui domos operit, qui ædium tecta munit adversus imbres. Il y a des couvreurs en ardoise, en tuile, en chaume.

On dit populairement à bas couvreur, la tuile est cassée, quand on commande à quelqu’un de descendre d’un lieu où il est monté.

Couvreur de flacons. C’est un des noms que prennent dans leurs statuts les maîtres marchands verrier & fayanciers de la ville & fauxbourgs de Paris.

COUVREUSE. s. f. femme ou veuve de couvreur.

Couvreuse, celle qui couvre de paille certaines chaises. Quæ sellas incernit paleâ.

COUVRIR, v. a. mettre une chose sur une autre, ou devant une autre. Operire, cooperire, tegere, contegere, amicire, adoperire, integere, obligere, prætexere. Ce mot a divers usages, suivant ses diverses applications. Il vient de cooperire. Nicod.

Couvrir se dit premièrement des choses qu’on met sur les autres pour les conserver, pour les garantir des injures de l’air. Couvrir une maison, une église, c’est y mettre le toit, de peur qu’il n’y pleuve, & la couvrir de plomb, d’ardoise, de tuile, de bardeau, de chaume. On couvre de paille & de recoupes de pierres les murs imparfaits dans les atteliers pour les garantir de la gelée. Les jardiniers couvrent de paillassons leurs couches de fleurs & de plantes nouvellement levées pour leur ôter le trop grand soleil, ou les préserver du trop grand froid.

Couvrir signifie aussi cacher, empêcher qu’on ne voie. Tegere, operire, abdere, velare. Adam, après sa faute, se vit obligé de couvrir sa nudité. On couvre toutes les images d’un voile pendant le carême. Il a enfoui son trésor, il l’a couvert de terre. Le ciel se couvrit de nuages, & nous menaça de tempête.

Couvrir se dit aussi de ce qu’on met sur un autre corps pour le tenir chaudement ou proprement. Operire. Il faut bien couvrir ce malade durant son frisson. Le Prêtre couvre son calice avec le volet. Couvrez ce pot de peur des mouches. Opercule tegere, operculare. En ce sens, on dit se couvrir ; pour dire, mettre son chapeau sur sa tête. Petaso, pileo caput tegere, operire. Les Grands d’Espagne se couvrent devant le Roi. Vittorio Siri, dans son IVe volume, dit que jusqu’au règne de Louis XII, on se couvroit devant les Rois de France, & qu’on se découvroit seulement quand on entroit dans leur chambre, quand ils parloient à quelqu’un, ou quand ils buvoient à table, car alors tout le monde mettoit le chapeau bas, & après on le remettoit sur sa tête avec une profonde révérence.

Couvrir, dans la signification de revêtir. Couvrir les pauvres.

Couvrir se dit encore dans la signification de charger, mettre une chose en grande quantité sur une autre. Couvrir la table de plats, de mets. Mensam onerare, instruere dapibus, epulis. Couvrir la campagne de gens de guerre, la mer de ses vaisseaux. Couvrir de poussière. Il étoit tout couvert de blessures. Onustus vulneribus.

Seigneur, toute la mer est de vaisseaux couverte. Rac.

Couvrir se dit dans un sens approchant de ce qu’on met pour orner la chose sur laquelle on l’applique. Tegere, operire, insternere. Il a fait couvrir tous ses livres de maroquin, tous ses sièges de velours, couvrir son plancher d’un riche tapis ; couvrir un habit de galons d’or, de broderie. Au printemps, la terre se couvre de fleurs.

Couvrir, en termes de Guerre, signifie mettre quelque corps au devant de soi pour se défendre de l’ennemi, ou lui faire quelque obstacle qui l’empêche d’approcher. Tueri, deffendere, munire. Dans les villes on se couvre par des parapets, des remparts, des murailles. Ce ravelin, cet ouvrage à corne couvroit toute la courtine. Les casemates se couvroient autrefois par des grillons. Dans les campemens on se couvre d’un bois, d’une rivière, d’un rideau. Il se couvrit d’un ruisseau pour n’être point surpris par les ennemis. Il couvrit son aîle gauche d’une chaîne de montagnes. C’est se porter près de ces choses, d’une manière qu’on ne puisse être attaqué que difficilement de ce côté là. Dans les sièges on se couvre de gabions, de chandeliers, de mantelets, d’épaulemens. On dit d’une place force, qu’elle couvre tout un pays, toute une frontière. Un combattant se couvre de son bouclier, de son épée. Le Prince Philippe qui n’avoit que quatorze ans, couvroit le Roi Jean son père à la bataille de Poitiers. Du Tillet.

Couvrir signifie encore, en termes de Guerre, cacher, empêcher que l’ennemi ne s’apperçoive de ce qu’on a dessein de faire. Tegere, occultare, dissimulare. Et c’est en ce sens qu’on dit, couvrir la marche d’une armée, couvrir la marche des troupes. Ab.

En termes de Palais, couvrir signifie apporter quelque défense, quelque exception peremptoire. Tueri, defendere, tutari, reparare. La fin de non-recevoir, la prescription vous couvre de la demande de votre partie. Un arrêt de compte, une transaction, couvre les actions & demandes qu’on pourroit faire pour le passé. Un mariage subséquent couvre le défaut de naissance des enfans, & les rend légitimes. Les faux & doubles emplois, les erreurs de calcul ne se couvrent jamais, ni par arrêts, ni par transactions. Quand on apporte de méchantes excuses, on dit proverbialement & figurément qu’on se couvre d’un sac mouillé.

En Jurisprudence féodale, on appelle couvrir un fief ou un arrière-fief, quand le vassal a fait la foi & hommage, ou a offert de la faire pour l’ouverture ou mutation du fief avenu, & pour en prévenir & empêcher la saisie. Couvrir le feu de son Finatier, c’est de la part du Seigneur de fief mettre au ban, & saisir, quand son sujet ne lui paye pas ses droits.

Couvrir, terme de jeu, signifie mettre de l’argent sur une carte, ou tenir ce qu’un autre a mis dessus. Deponere. On le dit encore d’une carte qu’on met sur une autre en jouant les cartes. Tegere, operire.

Couvrir un momon, accepter, recevoir le défi d’un momon, Voyez Momon.

☞ On dit aussi couvrir une enchère, enchérir au-dessus de quelqu’un ; & populairement couvrir la joue à quelqu’un, lui donner un soufflet. Alapam, colaphum ducere alicui, incutere, instigere, infringere.

Couvrir, en termes de trictrac. On ne dit pas seulement couvrir une dame, mais on dit aussi à un joueur couvrez-vous, & il dit lui-même, je me couvre ; pour dire, je couvre une de mes dames qui étoit découverte. Couvrir une dame, c’est mettre une dame sur une flèche, où il n’y avoit qu’une demi-case. Ainsi dame couverte & case c’est la même chose, comme dame découverte & demi-case est la même chose. Les dames ne se couvrent pas au trictrac comme au jeu des dames en les mettant l’une sur l’autre, mais l’une devant l’autre. On appelle faire la demi-case, couvrir ou se couvrir, parce qu’une dame qui pouvoir être battue étant seule, ne le peut plus être étant couverte d’une autre dame. L. S.

Couvrir. Les Marchands Verriers disent, couvrir un flacon, couvrir une bouteille ; pour dire, faire par-dessus cet entrelacement d’osier fin & plat qui sert à les conserver.

Couvrir se dit aussi des animaux qui s’accouplent pour la génération. On choisit de beaux étalons pour couvrir les cavales dans les haras. Cette épagneule a été couverte d’un fort beau chien. Marem pati.

Couvrir se dit figurément en choses morales. Une