Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/591-600

Fascicules du tome 1
pages 581 à 590

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 591 à 600

pages 601 à 610



au moins certaines années, que les dépenses de la guerre. Nulle part il n’y a eu tant de Philosophes, d’Orateurs, de Poëtes excellens qu’à Athènes. Les Poètes sur-tout y venoient de toutes parts, satisfaire l’avidité de ce peuple pour la Comédie & la Tragédie ; & selon le témoignage de Platon, il n’y avoit point de voie plus courte ni plus sûre de s’enrichir. Les jeunes Romains alloient à Athènes faire ou perfectionner leurs études, & prendre le bon goût. Les Turcs se rendirent maîtres d’Athènes en 1455. L’ancienne Athènes étoit pleine d’idoles & d’autels. On en érigea un par le conseil d’Epiménides pour tous les Dieux d’Europe, d’Asie & d’Afrique, dont l’inscription étoit,

ΘΕΟΙΣ ΑΣΙΑΣ ΚΑΙ ΕΥΡΟΠΗΣ
ΚΑΙ ΛΥΒΥΗΣ
ΘΕΩ ΑΓΝΩΣΤΟΙ
ΚΑΙ
ΞΕΝΩΙ

On croit que c’est celle dont parle S. Paul, Act. XVII, 23.

Athènes, s’appelle aujourd’hui Sétines, & non pas Athines, comme dit M. Tourreil, si ce n’est par les Grecs. Les Arabes l’appellent Athiniah, ou Zaitomiah, c’est-à-dire, la Ville des Oliviers ; & ils la surnomment Medinat al hhokamah, la Ville des Philosophes. Les Tables Arabiques lui donnent 60 degrés, 40′ de longitude, & 37d, 40′ de latitude septentrionale. d’Herb. Les Transactions Philosophiques, T. I, p. 652, marquent la latitude d’Athènes à 38d, 5′. M. de la Hire, Tab. Astr. lui donne 43d, 6′, 33″ de longitude, & 37°, 0′, 40″ de latitude. Isaac Vossius dans son Traité de la grandeur de Rome dit, qu’à Athènes pour 20000 bourgeois on comptoit 400000 esclaves : il soutient encore qu’il y avoit plus de monde autrefois dans la seule ville d’Athènes, qu’on n’en trouveroit aujourd’hui dans toute la Grèce.

☞ Plusieurs villes & bourgs ont porté le nom d’Athènes.

ATHÉNIEN, ENNE. s. m. & adj. Qui est d’Athènes. Atheniensis. Les Athéniens portoient la gloire de leur origine jusqu’à la chimère ; & descendus, si l’on en croit quelques Historiens, d’une colonie de Saïtes, peuple d’Egypte, ils se disoient enfans de la terre. Tourreil. C’est un Prêtre de Saïs qui le dit dans le Timée de Platon. Voyez aussi sur leur origine le panégyrique d’Isocrate. Plutarque observe qu’Homère, dans le dénombrement des vaisseaux, ne donne le nom de Peuple qu’aux seuls Athéniens ; ce qui montre, non comme prétend cet Historien, que Thésée se démit de la souveraineté, mais que les Athéniens avoient dès lors beaucoup de penchant pour la démocratie, & que la principale autorité résidoit déjà dans le peuple. Tourr. Solon interrogé s’il avoit donné de bonnes lois aux Athéniens : Oui, répondit-il, les meilleures qu’ils étoient capables de recevoir.

Pour peu qu’un voisin eût offensé les Athéniens, il sentoit tout le poids de leur colère ; d’où vint le proverbe rapporté par Aristote, Réth. liv. II, ch.21. Voisinage Athénien. Tourr. A la bataille de Platée on voit les troupes Athéniennes, avec Aristide à leur tête, recevoir les ordres de Pausanias Roi de Lacédémone. Idem.

☞ ATHENRÉE. (prononcez ATENRI) Quelques-uns écrivent ATERITH, ville d’Irlande, dans la province de Connaught, au Comté de Gallowav.

☞ ATHERDE, ou ARDÉE. Ville d’Irlande, dans la province d’Ulster, au Comté de Louth.

☞ ATHÉROMATEUX, EUSE. adj. Qui tient de la nature de l’athérome. Tumeur Athéromateuse. Voyez l’art. suivant.

ATHÉROME. s. m. Terme d’Oculiste. Tumeur enkistée qui vient aux paupières. Atheroma. On connoît trois sortes d’athéromes, qui prennent chacun leur nom de la matière renfermée dans le kyste. Celui dont le kyste est rempli d’une matière semblable à de la bouillie, s’appelle simplement athérome. Celui qui contient une matière semblable à du miel, prend le nom de méliceris. Celui enfin qui renferme une matière plus solide, & qui a la consistance du suif, est nommé stéatome. Ces tumeurs ne sont ni douloureuses ni dangereuses. Il n’y a que l’opération qui puisse les guérir. S. Yves.

Ce mot est grec, ἀθήρωμα, ou ἀθέρωμα, qu, vient de ἀθήρα, qui signifie une espèce de bouillie à laquelle l’humeur coagulée de l’athérome ressemble.

☞ ATHERSATA. Nom de charge ou de dignité chez les Chaldéens : il est attribué à Néhémie dans Esdras. Il signifie Gouverneur de province, ou Lieutenant de Roi.

ATHLÈTE. t. m. Combattant. Homme courageux & robuste, qui s’attache aux exercices du corps pour combattre à la course, à la lutte, & à d’autres jeux semblables, pour lesquels les Anciens avoient établi des prix. Athleta, Xysticus. Les Athlètes qui avoient remporté le prix aux jeux Olympiques, étoient couronnés d’une branche d’olivier. Pour se rendre plus robustes, les Athlètes vivoient dans une abstinence générale des plaisirs. Dac. Alexandre le Grand, invité de prendre part aux combats des jeux Olympiques, répondit : je le ferai quand les autres Athlètes seront Rois comme moi.

L’art des Athlètes, selon la remarque de Galien, avoit commencé à se former un peu avant le siècle de Platon. Burette. Lycaon institua le premier ces jeux en Arcadie ; & Hercule fut auteur de ceux qui rendirent Olympie si fameuse. Il paroît, par le témoignage d’Homère, Iliade, XXIII, v. 629, qu’avant la guerre de Troye, on avoit coutume de célébrer de ces sortes de jeux, pour honorer les funérailles des grands hommes, & dès-lors Nestor s’y étoit distingué. Mais il y a beaucoup d’apparence qu’alors ces jeux ne faisoient point une profession à part & distinguée des exercices militaires. Mais comme les coutumes les plus sages se corrompent insensiblement, il arriva dans la suite que ce qui n’étoit au fond qu’un aiguillon pour réveiller la valeur martiale, & disposer les guerriers à se procurer des avantages plus solides, en gagnant des victoires plus importantes, devint l’unique but auquel aspira la vanité des Athlètes. Ainsi ce ne fut plus qu’à une vaine acquisition de couronnes & de palmes, jointe aux éloges, aux acclamations, & aux autres honneurs dont on les accompagnoit, qu’ils rapporterent leurs talens, leur genre de vie, & leurs occupations les plus sérieuses. Le retour fréquent de ces jeux établis dans la plupart des villes de la Grèce, fut donc ce qui contribua le plus à mettre en crédit la Gymnastique des Athlètes, & à leur mériter les suffrages du peuple, tandis que les Philosophes les méprisoient pour l’ordinaire.

Les Athlètes avoient un régime particulier. Leur nourriture dans les premiers temps, s’il en faut croire Pline, Oribase, Pausanias & Diogène Laërce, n’étoit que des figues sèches, des noix, & du fromage mou. Selon Pline, un fameux maître de Palestre, nommé Pithagore, & contemporain du Philosophe de même nom, fut le premier qui leur accorda l’usage de la viande, & le premier Athlète qui en mangea, fut nommé Eurymène. Diogène laèrce, L. VIII. Certainement au temps d’Hippocrate ils en mangeoient, comme il paroît par les Epidémies, Liv. V. Ils n’usoient pas indifféremment de toutes sortes de viandes. La plus solide, & par conséquent la plus capable d’occuper long-temps leur estomac, & de fournir une nourriture forte & abondante, étoit préférée à toute autre. Le bœuf, le cochon, assaisonnés d’aneth, avec une sorte de pain sans levain, fort grossier, fort pesant, pétri avec le fromage mou, appelé Coliphium, κωλίφιον, composoient leurs repas. Ils mangeoient ces viandes plutôt rôties que bouillies, & c’est ce régime que quelques Auteurs ont appelé ξηροφαγίαν, Xérophagie, nourriture sèche. Ils se chargeoient ordinairement d’une quantité énorme de cette nourriture. Galien assure qu’un Athlète passoit pour avoir fait un repas fort frugal, lorsqu’il n’avoit mangé que deux mines, ou deux livres de viande, & du pain à proportion. Milon de Crotone étoit à peine rassasié de vingt mines de viande, avec autant de pain, & trois conges ou quinze pintes de vin. On sait qu’une fois ayant parcouru toute la longueur du Stade, portant sur ses épaules un taureau de quatre ans, il l’assomma d’un coup de poing, & le mangea tout entier dans la journée. Théocrite parle de l’Athlète Egon, qui mangeoit lui seul, sans s’incommoder, 80 gâteaux.

Ils étoient aussi grands dormeurs qu’ils étoient grands mangeurs. Voyez Platon, De Rep. L. III. Galien, ad Thrasyb. C. 37, & in Protrept. C. II.

Malgré les excès qu’ils faisoient de nourriture, saint Paul & les anciens s’accordent à louer leur tempérance. 1°. Parce qu’on les contenoit dans une exacte tempérance à l’égard du vin & des femmes. 2°. Peut-être aussi à raison de la simplicité dans le choix & la préparation des alimens. Et 3°. enfin à cause de l’usage modéré qu’ils en faisoient, lorsqu’ils étoient sur le point d’entrer en lice.

Ils étoient d’une patience opiniâtre à souffrir les fatigues & les coups. Sénèque, Ep. 78 & 80. Eurydamus de Girens, au rapport d’Ælien, Var. Hist. L.X. C. 19, ayant eu quelques dents fracassées dans un combat à coups de poing, les avala pour en dérober la connoissance à son adversaire, & le vainquit. Les chaleurs qu’il leur falloit essuyer, ne mettoient pas leur patience à une moindre épreuve. Cic. De Clar. Otat. Ælien, Var. Hist. L. IV. C. 15. Il y avoit pourtant des Athlètes délicats, qui se contentoient de s’exercer à couvert dans les Gymnases & dans les Palestres.

La nature des exercices athlétiques, la chaleur du climat, & la saison où l’on faisoit ces jeux, les obligeoient de combattre nus. Ils avoient néanmoins une espèce de ceinture, de tablier, ou d’écharpe, dont on attribue l’invention à Palestre, fils de Mercure. On voit cet usage dans Homère, Iliade , XXIII, v. 683, & Odyss. L.XVIII, v. 65. Cette coutume, selon Denys d’Halicarnasse, L. VII, n’eut cours chez les Grecs que jusqu’à la XVe Olympiade, que les Lacédémoniens, selon Thucidide, commencèrent à s’affranchir de cette servitude. L’écharpe d’un certain Orsippe s’étant déliée au milieu de la course, ses pieds s’y embarrasserent ; il tomba & se tua, ou du moins il fut vaincu ; ce qui donna lieu de régler qu’à l’avenir les Athlètes combattroient sans écharpe.

La nudité des Athlètes facilitoit l’usage des onctions destinées à communiquer aux parties du corps toute la souplesse qui leur étoit nécessaire, & à soulager la lassitude. On employoit d’ordinaire à ces onctions l’huile, ou seule ou mêlée avec une certaine quantité de cire & de poussière, ce qui formoit une espèce d’onguent qui s’appeloit Ceroma. On donnoit aussi quelquefois ce nom au lieu où les Athlètes se faisoient oindre, appelé communément Eleothesion Alipterion, & Unctuarium, Plin. Hist. Nat. L.XXXV, C, 2. Ces onctions étoient particulièrement pour les Lutteurs & les Pancratiastes. Ils se faisoient oindre par les Officiers ou Valets de Palestre, nommés Aliptæ, Unctores. Et quelquefois ils se rendoient eux-mêmes mutuellement ce service. Pour rendre ces onctions plus efficaces, on conseilloit aux Athlètes qui se faisoient huiler & frotter, d’opposer au mouvement de main qui faisoit cette fonction toute la force & toute la roideur de leurs muscles, en retenant même leur haleine. Plutarq. Les Athlètes, après s’être huilés, s’enduisoient quelquefois de la boue qui se trouvoit dans la Palestre. Le plus souvent ils se couvroient de sable & de poussière, soit en s’y roulant eux-mêmes, soit en se faisant saupoudrer par un autre, dans le lieu nommé pour cette raison κονίστρα, ou κονιστήριον. Et l’on prétend qu’ils ne se couvroient ainsi de poussière, que pour donner plus de prise à leurs antagonistes, & que c’est de-là que cette poussière avoit pris le nom d’ἁφὴ, qui signifie l’action de prendre, de saisir, d’empoigner, de happer, verbe qui peut-être vient de-là. C’étoit un préliminaire si essentiel à la lutte & au pancrace, que les Grecs disoient d’un Athlète qui gagnoit le prix sans combattre, qu’il avoit vaincu sans poussière ; c’est à-dire, sans travail & sans peine.

Au sortir du combat on frottoit les Athlètes, & on les huiloit de nouveau. Ils prenoient aussi le bain ; tout cela pour les délasser, & réparer les forces que ces exercices violens épuisoient. Cela s’appeloient ἀποθεραπεία, pancement postérieur, ou qui succède aux exercices.

Pour être admis aux combats publics & solennels des jeux, il falloit s’enrôler sous la conduite des maîtres de la Palestre, pour y observer pendant dix mois consécutifs les lois athlétiques, & se perfectionner par un travail assidu dans tous les exercices qui dévoient mériter aux vainqueurs le prix qu’on leur destinoit. Ces exercices préliminaires se faisoient dans les Gymnases publics, en présence de tous ceux que la curiosité ou l’oisiveté conduisoit à cette sorte de spectacle. Lorsque la célébration des jeux Olympiques approchoit, on redoubloit les travaux des Athlètes qui devoient y paroître, & on les exerçoit dans Elide même pendant trente jours. Voyez Pierre Dufaur dans son Agonistique, L. I. C. 32. Liv. III. C. 10, 11 & 15.

Les Officiers qui avoient le gouvernement des Athlètes ; étoient le Gymnasiarque, le Xystarque, les Epistates, le Pædotribe, le Gymnaste, les Aliptes & Iatraliptes ; noms que nous expliquerons chacun en leur place.

Les Etrangers chez les Grecs n’étoient point reçus parmi les Athlètes, non plus que les gens d’une naissance obscure ou équivoque, & ceux dont les mœurs n’étoient pas bonnes. Il falloit aussi être libre, & les Esclaves étoient exclus des jeux. C’est le sentiment de Dufaur, dans son Agonistique, Liv. III. C. 17. Mercurial dans sa Gymnastique, L. I. C. 3, & L. II. C. 10, prétend que les Esclaves n’étoient pas absolument exclus de tous les combats Gymniques ; qu’on leur permettoit de disputer le prix de la course à pied. Les Romains le leur permirent, au moins sous les Empereurs. Les Grecs se relâchèrent aussi alors ; & ils y admirent des Affranchis. Au reste, dès l’origine même de ces jeux, il ne fut pas nécessaire d’être d’un rang illustre pour entrer dans la lice. Pourvu qu’un Athlète fût né d’honnêtes parens, la plus vile profession ne l’excluoit point, & Corébe, le premier qui combattit aux jeux Olympiques, n’étoit qu’un simple cuisinier, au rapport d’Athénée, L. IX. C. 7. Ceux qui faisoient les perquisitions nécessaires pour s’assurer de la naissance & des mœurs des Athlètes, étoient ceux qu’on appeloit Agonothètes, Athlothètes & Hellanodiques. Ces Juges exposoient à l’Athlète les conditions sous lesquelles on l’admettoit. Ensuite on passoit en revue les Athlètes. Un Héraut élevant la main pour imposer silence au peuple, la mettoit ensuite sur la tête de l’Athlète, & le promenant dans toute l’étendue du Stade, il demandoit à haute voix si personne n’accusoit cet Athlète d’aucun crime, s’il étoit irréprochable dans ses mœurs ; s’il n’étoit ni esclave ni voleur, &c. C’est ainsi que nos anciens Chevaliers devoient être gens sans reproche. Outre cela, à Olympie on faisoit prêter serment aux Athlètes, & jurer, 1°. Qu’ils s’étoient soumis pendant dix mois à tous les exercices & à toutes les épreuves de l’institution athlétique 2°. Qu’ils observeroient très-religieusement toutes les lois prescrites dans chaque sorte de combat, & qu’ils ne feroient rien contre le bon ordre & la police établie dans les jeux. Ce serment se prêtoit devant la statue de Jupiter, érigée dans le Sénat des Eléens. Les Hellanodiques faisoient encore jurer le second article aux peres des Athlètes, pour plus grande précaution. Les Agonothètes écrivoient le nom & la patrie des Athlètes qui s’engageoient ; & à l’ouverture des jeux, un Héraut lisoit publiquement ces noms. On faisoit la même chose pour ceux qui disputoient le prix de Musique. Les Athlètes de réputation n’étoient pas obligés de se trouver présens pour se faire inscrire : il suffisoit pour eux d’avertir les Agonothètes par lettres ou autrement mais il falloit qu’ils se trouvassent exactement, comme les autres, au rendez-vous à certain jour marqué ; faute de quoi on leur donnoit l’exclusion.

Le jour des jeux, quand les Athlètes étoient assemblés, & après que le Héraut avoit proclamé leurs noms, on régloit au sort le rang de chacun des Athlètes qui devoient concourir plusieurs ensemble, comme dans la course à pied & la course des chars, &c. Dans la lutte, le pugilat & le pancrace, où l’on ne combattoit que deux à deux, en apparioit les combattans au sort. Quand le nombre étoit impair, celui qui n’avoit point d’antagoniste, s’appeloit ἔφεδρος, Ephédre, & on le réservoit pour combattre le vainqueur ; mais s’il y avoit plusieurs couples de combattans, on ne sait point quel étoit le vainqueur que l’Ephédre combattoit : peut-être le tiroit-on au sort ; peut-être étoit-ce celui dont la lettre approchoit le plus de celle qu’avoit amenée l’Ephédre : peut-être aussi les vainqueurs combattoient-ils les uns contre les autres, jusqu’à ce qu’un d’eux restât victorieux, & que c’étoit celui-là qui combattoit contre l’Ephédre.

Après avoir tiré les Athlètes au sort, on les encourageoit par quelque exhortation vive, que leur faisoient les Agonothètes ou les Gymnastes. Cette coutume étoit fort ancienne, & l’on en trouve quelques vestiges dans Homère. Iliad. XXIII. v. 68 t. Après ces exhortations, on donnoit le signal des combats, & les Athlètes entroient en lice. La fraude, l’artifice, la supercherie & la violence outrée, étoient bannies de ces combats ; mais l’adresse, la subtilité, la finesse, l’industrie y étoient permises. On punissoit sévèrement ceux qui contrevenoient aux lois athlétiques. C’étoit l’office des Mastigophores, ou l’orre-verges, qui par ordre des Agonothètes, ou même à la prière du peuple, frappoient de verges les contrevenans. La collusion sur-tout entre les combattans étoit sévèrement réprimée. Dans Homère les combattans invoquent les Dieux avant le combat. On en infère que c’étoit une coutume que le désir de vaincre, plutôt que la loi, avoit introduite.

Les récompenses qui soutenoient les Athlètes dans les travaux pénibles & rebutans auxquels ils s’assujetissoient, étoient d’abord les acclamations dont les spectateurs honoroient leur victoire. C’étoit un signal qui leur annonçoit le prix qu’ils alloient recevoir & les honneurs qui les attendoient. Ces prix ont varié selon les temps & les lieux. Cette diversité de récompenses introduisit chez les Grecs la distinction générale qu’ils faisoient entre les jeux qu’ils nommoient θεματικους, ou ἀργυρίτας ἀγῶνας, & ceux qu’ils appelloient στεφανίτας.

Dans les premiers on proposoit pour prix diverses choses qui pouvoient s’échanger pour de l’argent ; dans les derniers on ne distribuoit que des couronnes. On donnoit des jeux de la première espèce dans plusieurs lieux de la Grèce, au rapport de Pindare, comme à Lacédémone, à Thèbes, à Sicyone, à Argos, à Tégée, &c. Il semble même que les plus anciens jeux dont nous ayons connoissance, aient été de cette espèce. Tels furent ceux qui accompagnèrent les funérailles de Patrocle & d’Anchise dans Homère & dans Virgile. Les prix proposés dans ces jeux consistoient en esclaves, en chevaux, en mulets, en bœufs, en vases d’airain avec leurs trépieds, en coupes d’argent, en vêtemens, en armes, & en argent monnoyé. Il y avoit deux ou trois prix pour chaque exercice, & dans Homère l’on en voit autant que de champions, à l’exception du palet ; de sorte que les Vaincus même avoient leur récompense.

Les jeux où il n’y avoit que des couronnes à gagner, étoient les plus célèbres de la Grèce, & ceux qui acquéroient aux Athlètes le plus de réputation. Aux jeux Olympiques, les vainqueurs remportoient une couronne d’olivier sauvage ; une de pin aux Isthmiques ; une d’ache aux Néméens ; aux Pythiens une de laurier. Mais il y eut en cela des changemens. Muret, Var. Lect. XV. C. 7, soutient qu’aux jeux Olympiques on distribuoit autrefois des couronnes d’or, ce qu’il prouve par Pindare, Olymp. VIII. Str. I, & par Corn. Népos, dans la vie d’Alcibiade. Dans ces mêmes jeux les couronnes destinées aux vainqueurs étoient exposées sur des trépieds de bronze, & même dans la suite sur des tables d’or & d’ivoire, & sur des bassins que l’on gardoit encore du temps de Pausanias dans le tréfor d’Olympie. Et cela se voit aussi sur plusieurs médailles. Aux jeux Isthmiques on passa des couronnes de pin à celles d’ache sec, que l’on quitta pour reprendre les premières. On employa d’abord aux jeux Pythiens les couronnes de chêne, s’il en faut croire Ovide, Met. L. I. v. 448 ; au contraire Lucien ne parle que des fruits consacrés à Apollon. Saint Chrysostome avance qu’aux jeux Olympiques on couronnoit de laurier les Athlètes victorieux ; mais ou il étoit mal instruit, ou il s’est glissé quelque faute dans son texte, comme l’a remarqué Dufaur. Agonist. L. II. C. 22.

C’étoit ordinairement l’Agonothète qui distribuoit les couronnes : un Héraut les mettoit sur la tête des Athlètes victorieux, & cela se faisoit dans l’endroit même où l’on avoit combattu. Quelquefois le vainqueur enlevoit la couronne du lieu où elle étoit suspendue, & s’en couronnoit lui-même. Quelquefois certains Athlètes étonnoient tellement par leur extérieur avantageux, que faute d’antagonistes, ils étoient couronnés sans combattre. En certaines occasions on accordoit cet honneur aux Athlètes même vaincus ou morts dans le combat. Voyez Pausanias, Arcad. C. 40. Philostr. Icon. Liv. II. Icon. 6.

Les couronnes que l’on distribuoit aux Athlètes vainqueurs, étoient accompagnées de palmes qu’ils recevoient & qu’ils portoient de la main droite. C’étoit un second prix qui se donnoit dans tous les jeux de la Grèce ; & l’on voit en effet des palmes sur les médailles qui représentent des jeux. Elles étoient exposées sur la table dont nous avons parlé, dans une espèce d’urne.

Comme un Athlète pouvoit être victorieux plus d’une fois en un seul jour, il pouvoit y remporter aussi plusieurs couronnes & plusieurs palmes. Pausanias, Eliac. L. II. C. 25, fait mention de plusieurs Athlètes qui avoient eu cette gloire.

La distribution des couronnes & des palmes étoit une des principales fonctions des Magistrats préposés aux jeux. A Olympie sur-tout, les Hellanodiques se piquoient d’une incorruptibilité à l’épreuve de tout. Néanmoins quelque déférence que l’on eût pour leur jugement, il arrivoit quelquefois tel incident qui obligeoit les Athlètes d’en appeler au sénat d’Olympie, qui jugeoit souverainement ces sortes d’affaires agonistiques. Voyez Pausanias, Eliac. L. II. C. 3.

Aussi-tôt que l’Athlète victorieux avoit reçu la couronne & la palme, & qu’il s’étoit revêtu d’une robe de fleurs, un Héraut précédé d’un trompette conduisoit le vainqueur dans tout le Stade, & proclamoit à haute voix son nom & son pays. Les spectateurs redoubloient leurs acclamations ; ils jetoient des fleurs au victorieux, & lui faisoient de petits présens pour lui marquer la part qu’ils prenoient à sa victoire, & le gré qu’ils lui savoient du spectacle qu’il venoit de leur donner. Ces présens consistoient en chapeaux, en ceintures ou écharpes, quelquefois en argent, & en toute autre chose : mais ces gratifications n’étoient jamais capables de les enrichir.

Ce premier triomphe étoit suivi de celui qui les attendoit à leur retour dans leur pays. Le vainqueur y étoit reçu aux acclamations de ses compatriotes qui venoient au devant de lui. Revêtu des marques de sa victoire, & monté sur un char à quatre chevaux, il entroit dans la ville, non par la porte, mais par une brèche que l’on faisoit au rempart. On portoit des flambeaux devant lui, & il étoit suivi d’un nombreux cortège qui honoroit sa pompe. Les jeux qui procuroient cet honneur, étoient appelés Isélastiques. Voyez ce mot.

La cérémonie du triomphe Athlétique se terminoit presque toujours par des festins. Il y en avoit de deux sortes ; les uns se faisoient aux dépens du public ; les autres, aux dépens des particuliers. Les premiers étoient en usage à Olympie, où les Athlètes victorieux étoient anciennement traités dans le Prytanée, ou Maison de Ville, tout le reste du temps que duroient les jeux Olympiques. Voyez Pausanias, Eliac. L. I. C. 15. Athénée, Deipsoph. L. VI. C. 8. Les particuliers qui régaloient l’Athlète victorieux, étoient ses amis. Les Athlètes de distinction & qui se piquoient de générosité, régaloient à leur tour non-seulement leurs parens & leurs amis, mais souvent une partie des spectateurs. Alcibiade & Léophron régalèrent même toute l’assemblée.

Un des premiers soins des Athlètes, après leur victoire, étoit de s’acquitter des vœux qu’ils avoient faits aux Dieux pour obtenir la victoire, & qui consistoient à consacrer dans leurs temples, des statues, des boucliers & d’autres offrandes de prix.

Ils avoient plusieurs privilèges, dont ils jouissoient après leur victoire. 1°. La préséance aux jeux publics. 2°. Chez les Lacédémoniens ils combattoient aux côtés du Roi dans les expéditions militaires. 3°. Ils étoient nourris le reste de leur vie aux dépens de leur patrie. Dionys. Halicar. Hort. ad Athlet. Solon avoit assigné 500 drachmes de pension à chaque Athlète victorieux. 4°. Ils étoient exempts de toute charge & de toute fonction civile. 5°. On écrivoit leurs noms dans les Archives publiques : on désignoit les Olympiades par le nom du victorieux. Les Poëtes faisoient des pièces en leur honneur ; on leur érigeoit des statues, & en faisoit des inscriptions pour éterniser la mémoire de leur victoire. 6°. Enfin on leur prodiguoit même les honneurs divins, & tous les soins des Hellanodiques ne suffisoient pas à réprimer ces excès, & l’extrême penchant que les peuples avoient à mettre au nombre des Dieux ces Athlètes vainqueurs, & c’étoit là comme le comble de la gloire athlétique. Hérodote en rapporte un exemple, L. V. C. 47. On en trouve un second exemple dans Pline, Hist. nat. L. VII. C. 47, & un troisième dans Pausanias, Eliac. L. II. C. 11, & l’oracle même de Delphes s’en mêla dans le second exemple.

Ce n’est pas seulement des hommes faits qui entroient dans la lice : dès la 37e Olimpiade on avoit établi à Olympie des prix pour la course & la lutte des enfans athlètes ; ce qu’on étendit au Penathle dans la 38e, au Pugilat dans la 41e, & au Pancrace dans la 145e. Mais les Eléens retranchèrent bientôt ce dernier combat, & le Penathle pour les enfans. Il étoit rare que ceux qui avoient remporté le prix dans leur jeunesse, le remportassent quand ils étoient hommes faits ; & Aristote remarque, Polit. L. VIII. C. 4, qu’à peine en pouvoit-on compter deux ou trois à qui la nature eût accordé cet avantage.

Athlète se dit figurément des héros qui ont combattu pour leur patrie, ou pour la Foi. Les Athlètes de la République. Les Athlètes de l’Evangile. De quel horreur n’auroit-on pas jugé dignes ces incomparables Athlètes de la Foi ? Maucroix. Boileau a dit en parlant d’un jeune Avocat :

Quand la première fois un Athlète nouveau
Vient combattre en champ clos aux joûtes du Barreau.

Il se dit encore figurément des hommes forts & robustes, adroits aux exercices du corps. C’est un vrai Athlète, un corps d’Athlète.

Ce mot vient d’ἀθλητὴς, en grec, ἀθλέω, certo pugno, ou plutôt, luctor.

ATHLÉTIQUE. s. f. Gymnastique, Agonistique. L’art, la profession des Athlètes. Athletice. La Gymnastique se désignoit par différens noms. On l’appeloit Athlétique. Burette, Acad. des B. L. Entre ceux qui ont décrié l’Athlétique, il y en a peu qui l’aient attaquée aussi vivement & aussi solidement que Galien. Ce Médecin ne lui fait pas l’honneur de lui donner place parmi les beaux arts, il lui dispute même le nom de Gymnastique, qu’elle n’a usurpé, selon lui, que pour s’introduire plus facilement dans le monde, à la faveur de ce titre spécieux. La santé ne pouvoit manquer de recevoir un notable préjudice du régime outré de l’Athlétique. Id.

Athlétique. adj. m. & f. Qui concerne les Athlètes. Les couronnes athlétiques étoient destinées à couronner ceux qui remportoient le prix aux jeux publics. Hippocrate regardoit l’embonpoint athlétique, comme un état fort périlleux. Burette. Les lois athlétiques. Les coututumes athlétiques.

ATHLONE. Ville d’Irlande. Athlona. Elle est sur le Shannon, qui la sépare en deux en sortant du lac de Rée. Elle est la capitale du comté d’Athlone.

ATHLOTHÈTE. s. m. C’est un synonyme d’Agonothète. Il signifie proprement celui qui proposoit & qui distribuoit les prix aux vainqueurs dans les jeux sacrés.

Il vient du grec Ἀθλοτέτης, composé du grec ἆθλον, prix, récompense, & de θετὴς, dans la même signification, que l’on peut voir dans l’article d’Agonothète. Voyez Agonothète & Hellanodique. C’est la même chose. L’Académie des Belles Lettres se sert de ces mots, T. I. Mém., p. 242 & suiv.

ATHMATHA. Ville de la tribu de Juda. Jos. XV. 54. Athmatha.

ATHMOSPHÈRE. Voyez Atmosphère.

ATHOL. Province d’Ecosse. Atholia. Le comté d’Athol. Il est au milieu de l’Ecosse, & est environné des comtés de Radenoc, de Gowrée, de Stahterne, de Broad Albain, & de Loquabyr. L’Athol est baigné par le Tay, le Garry, & d’autres rivières moins considérables, & cependant mal cultivé & mal peuplé, parce qu’il est plein de montagnes, de lacs, & de bois, restes de la forêt Calédonienne.

☞ ATHOR. s. f. Terme de Mythologie. Voy. Athyr.

ATHOS. Athos. Montagne de Macédoine, qui s’avance dans l’Archipel en forme de Presqu’ile, entre le golfe de Contessa & celui de Monte-Sancto, qui est le nom que les Grecs donnent aujourd’hui à cette montagne, Ἅγιον ὄρος qu’ils prononcent Ἅιον ὄρος, d’où les Turcs ont fait le nom qu’ils lui donnent, Aionoroz. Elle a environ dix lieues de circuit ; son isthme n’a qu’une demi-lieue. Xercès le perça pour y faire passer sa flotte. Son sommet est si haut, qu’il s’élève au-dessus de la région où se forment les pluies. Aujourd’hui elle n’est habitée que par des Caloyers. Ils y ont vingt-quatre Monastères, qui renferment plus de 5000 Moines Maty. Quelques Auteurs, & entre autres Bellonius, ont traité de fable la fosse de Xercès, parce qu’ils n’en ont point trouvé de vestiges ; mais il n’est point étonnant qu’il n’en reste point depuis tant de siècles. On en voyoit encore au temps d’Elien. Voyez Liv. XIII. De Animal. c. 20. Le Pere Montfaucon a donné à la fin de sa Palæographie une description des Monastères du mont Athos.

Stésicrate, ou selon Vitrure, Dinocrate, proposa à Alexandre de lui faire une statue du mont Athos.

Je veux qu’Athos, ce mont qui caché dans les cieux,
Lève au-dessus des vents son front audacieux,
Imitant par mon art les traits de ton visage,

d’un héros immortel soit l’immortelle image.
Le P. Chomel Jésuite

Traducîion d’une pièce du Père Commite sur ce dessein de Stésicrate.

Les habitans de l’île de Stalimène confirmèrent à M. Duloir que l’ombre du mont Athos, s’étend jusqu’à leur île, quand le soleil se couche, quoiqu’il en soit éloigné de 35 ou 40 milles. Duloir. p. 298.

☞ ATHY. Ville d’Irlande, dans la province de Leinster, au comté de Kildare, à douze milles au Sud de Kildare, sur le Barow.

ATHYR. s. m. Athyr. Nom d’un mois Egyptien qui répond à-peu-près à notre mois de Novembre. ☞ Il est ainsi nommé de Vénus qu’ils appellent Athor.

ATHYTE. s. m. ou adj, pris substantivement. Athyton. Sacrifice sans victime. Lucien les appelle ἀκαπνόθυσα, sacrifices sans fumée. C’étoient ceux des pauvres qui n’avoient pas le moyen d’offrir des vidimes. ☞ Ce mot est grec, ἄθυτα, composé d’ privatif, & de θύω, j’immole.

ATI.

☞ ATI, ou ATY. Petit canton d’Afrique, en Guinée, au pays nommé la Côte d’Or, au nord de Fantin.

ATIBAR. s. m. Nom que les habitans du royaume de Gogo en Afrique, donnent à la poudre d’or. C’est de ce mot que les Européens, sur-tout les François, ont composé le mot de tibir, qui veut dire poudre d’or, parmi ceux qui en font le commerce.

ATIENZA. Ville de la vieille Castille, province d’Espagne. Atientia. Elle est aux confins de la Castille nouvelle, entre Siguença & Borga d’Osma.

La Sierra d’Atienza. sont de hautes montagnes voisines de cette ville, dont elles prennent le nom, & qui sont une partie de celles que les Anciens appeloient Idubeda.

ATINA. Monte di Atina. C’est l’Hymettus des Anciens. Himetto. Parce qu’il est près d’Athènes, on l’appelle Mont d’Athènes.

ATINO. Atino en Grèce, Atinium, Ætinium, Athenæum, est un bourg situé aux confins de la Thessalie & de la Macédoine. Atino au royaume de Naples, Atina, est une ville autrefois épiscopale, au nord d’Aquin, dans la terre de Labour.

ATINTER. v. a. Vieux mot qui signifie, parer, orner ; & il se disoit particulièrement des épousées. Ornare, adornare. Cette femme est toujours atintée comme une épousée. ☞ Il se dit encore dans le discours familier, d’une femme parée avec trop d’affectation.

ATINTÉ, ÉE. part.

ATITLAN. Voyez Amittan.

ATITRER. Voyez Attitrer.

ATL.

ATLANTES. s. m. Nom que les Grecs donnoient aux figures qui portoient des fardeaux dans l’architecture. On le trouve aussi dans la basse latinité pour colonnes. Voyez Act. Sanct. Bened. sæc. III, p. 185. Voyez Atlas.

ATLANTIDE. Atlantis. Quelques Anciens ont parlé de ce pays, & en ont dit même plusieurs particularités, sans qu’il nous soit plus connu pour cela. Platon est celui qui l’a décrit plus distinctement & plus en détail dans son Timée & dans son Critias. Voici en peu de mots ce qu’il en dit. L’Atlantide étoit une très-grande île de l’Océan occidental, située devant ou vis-à-vis le détroit d’Hercule, que nous appelons aujourd’hui Détroit de Gibraltar. De cette île on passoit aisément dans d’autres, qui étoient vis-à-vis un grand continent, beaucoup plus étendu que n’est l’Europe & l’Asie. Neptune s’étoit établi dans cette ile ; il la partagea entre ses dix enfans. Le dernier eut en partage l’extrémité de l’île nommée Gadir, qui dans la langue naturelle de ces peuples signifie Ἔυμηλος, fertile, ou abondant en brebis. Les descendans de Neptune y regnerent de père en fils pendant plusieurs siècles, l’aîné succédant toujours à son père. Ils occupèrent une grande quantité d’autres iles, & passant en Europe & en Afrique, ils subjuguerent toute la Lybie, jusqu’à l’Egypte, & toute l’Europe, jusqu’à l’Asie mineure. Enfin cette île fut submergée, & long-temps après la mer étoit encore toute boueuse en cet endroit-là, c’est-à-dire, pleine de vase & de bancs.

Rudbecks, Professeur en l’Université d’Upsal, dans un livre intitulé Atlantica, five Manheim, & imprimé en 1684, prétend que l’Atlantide de Platon est la Suède, & attribue à son pays tout ce que les Anciens ont dit de l’Atlantide, ou île Atlantique. Quand on lira le précis que je viens de faire, de ce qu’en dit Platon, on sera surpris que l’on ait pu prendre la Suède pour l’Atlantide. Aussi Rudbecks, quelque plein d’érudition que soit son livre, a-t-il passé dans le Nord même pour un visionnaire en ce point. D’autres ont cru que l’Atlantide étoit l’Amérique ; mais ce que Platon dit de cette île n’y peut convenir. L’Amérique est bien plutôt ce grand & vaste continent qui étoit au-delà de l’Atlantide, & des autres îles dont parle Platon. Becman, dans son Hist. des îles, ch. 5, a pensé bien plus sensément que Rudbecks, quand il dit que l’Atlantide étoit une grande île qui s’étendoit des Canaries aux Açores, & que ces iles en sont les restes que la mer n’a pas engloutis.

Quelques-uns disent Atlantique, atlantica, au lieu de Atlantide, qui paroît meilleur. On dit aussi l’île Atlantique, Atlantica insula. Elle prit ce nom d’Atlas, fils aîné de Neptune, qui y régna après son père. Voyez Platon aux endroits que j’ai cités.

Les Arabes parlent d’une ile sèche, ou plutôt d’une île continent, qu’ils nomment Gezirat Kheschk. Cette île sèche, qui peut passer pour continent, est située, selon les Musulmans, au-delà du mçnt Caf, & est, pour ainsi dire, un monde séparé du nôtre, qu’ils appellent aussi Agiaib al makhloucat, les merveilles de la nature. On ne peut douter, dit M. d’Herbelot, que cette île ne soit l’ile Atlantique, ou Atlantide de Platon, au-delà du mont Atlas, qui est appelé par les Orientaux Caf. On est aussi persuadé, continue-t-il, que cette île Atlantique est l’Amérique, à laquelle le titre d’Agiaib al makhloucat, ou merveilles du monde, convient fort bien. Ainsi l’on voit que ce nouveau monde n’a pas été entièrement inconnu aux Anciens. Le même Auteur dit ailleurs, que les Géographes Orientaux, qui parlent de cet autre monde, qu’ils appelent la Merveille des créatures, n’en parlent qu’avec beaucoup d’obscurité, & de la même manière que Platon a parlé de l’île Atlantique.

ATLANTIDES. s.f. Terme de Mythologie. Atlantides. C’est le nom que les Poëtes donnent à la constellation qu’on appelle autrement Vergilies, Vergiliæ, composée de plusieurs étoilles, dont cinq sont appelées Hyades, & les autres Pléiades. On les nomme Atlantides, parce que les Poëtes les font filles d’Atlas, & de Pleïone, fille de l’Océan & de Téthys.

ATLANTIQUE. adj. m. & f. Atlanticus. L’île Atlantique, insula Atlantica, est l’Atlantide dont nous venons de parler. La mer ou plutôt l’Océan Atlantique, Oceanus Atlanticus, est, selon les Anciens, la vaste mer qui entoure tout le continent d’Europe, d’Asie & d’Afrique. Voyez Platon dans le Critias, Cicéon dans le songe de Scipion, & Macrobe sur cet ouvrage de Cicéron, Liv. II, ch. 9. Mela, Liv. I, ch. 3 & 5, & Liv.III, ch. 10, n’appelle Océan Atlantique, que la partie de cet Océan qui est à l’Occident de notre continent, c’est à dire, de l’Europe & de l’Afrique. Pline ne semble pas lui donner plus d’étendue, Liv. VI, ch. 31. Voyez encore Solin, ch. 56, & les notes de Saumaise. Aujourd’hui les Géographes ne donnent pas toujours la même étendue à l’Océan Atlantique. Quelquefois ils n’y renferment que la mer d’Espagne, celle des Canaries & du Cap vert, depuis le Cap de Finisterre jusqu’à celui de Sierra Liona. D’autrefois ils y renferment tout l’Océan, qui est entre l’Europe & l’Afrique d’un côté, & de l’autre l’Amérique, & entre le cercle du pôle arctique & la ligne équinoctiale. L’Océan Atlantique, si l’on en croit Platon dans son Critias, a pris nom aussi bien que l’Atlantide, d’Atlas, fils aîné de Neptune, qui régna dans l’Atlantide, comme nous l’avons dit. Pline, Liv. V, ch. 1, dit que c’est du mont Atlas.

ATLAS. s. m. Atlas. Terme de Mythologie. Atlas, fils de Jupiter & de Climene, & frère de Prométhée, fut roi de Mauritanie, selon la fable. Hésiode, Theog. v. 509, dit qu’il étoit fils, non pas de Jupiter, mais de Japhet & de Climene. L’Oracle l’ayant averti qu’il se donnât de garde d’un fils de Jupiter, il ne recevoir aucun étranger chez lui. Persée, indigné de cela, lui présenta la tête de Méduse, & le changea en montagne. Ovide, Métam. Liv. IV, v. 656. On dit qu’Atlas portoit le ciel sur les épaules, ou parce qu’Atlas étoit un grand Astronome, qui trouva le premier l’usage & l’invention de la sphère ; ou parce que la montagne dans laquelle on dit qu’il fut changé, est très haute, & semble toucher le ciel de sa cime. S. Aug. de Civ. Dei Lib. XVIII, cap. 8, & Diodore de Sicile, Liv. III, chap. 6. Pline, Liv. II, ch. 8. Diodore le fait fils du Ciel, frère de Saturne, & grand-pere de Mercure ; & il dit qu’il montoit souvent sur la montagne qui porte son nom, pour observer les astres, & que c’est là ce qui a donné occasion à la fable. D’autres disent qu’Atlas ne fut point l’inventeur de la sphère, comme Pline le prétend, puisque ce fut Archimède qui la trouva ; mais qu’il découvrit le premier que le monde étoit une sphère. Servius, sur le VIIIe Livre de l’Enéide, distingue trois Atlas, l’un de Mauritanie qui est le plus célèbre ; un autre d’Italie père d’Electre ; & un troisième roi d’Arcadie, pere de Maïa qui fut mere de Mercure. Apollodore donne aussi lieu de distinguer ces trois Atlas. Aléxander Polyhistor a cru que cet Atlas étoit Enoch, qui fut, selon lui, l’inventeur de la science des Cieux & des Astres.

Guido Bentivoglio avoit pour devise un Atlas portant le ciel, avec ce mot, Majus opus, pour marquer que ce qu’il entreprenoit, étoit quelque chose de plus important que l’emploi d’Atlas.

Atlas en Géographie. Montagne. Le mont Atlas est une haute montagne de l’Afrique, Pomponius Mela Liv. III, ch. 10. Pline, Liv. V, Hist. Nat. ch. 1. Lucain, Liv. IX, Phars. v. 654, le mettent sur la côte occidentale d’Afrique. Les mêmes Auteurs disent qu’il est si haut, que les nuées empêchent qu’on ne voie sa cime, qui s’élève plus haut que la région où elles se forment ; & à voir la manière dont ils la décrivent, le mont Atlas n’étoit chez les Anciens, qu’une seule montagne qui s’élevoit en cône jusqu’au-dessus des nuées. C’est l’idée que Mela nous en donne à l’endroit que j’ai cité. En dépit de tous ces Auteurs, Rudbecks, médecin Suédois, qui fit imprimer, les origines ou les antiquités de Suède, sous le titre d’Atlantica, prétend qu’il faut chercher en Suède le mont Atlas. Il se fonde sur un passage d’Apollodore, qui dans son second livre dit que les pommes des Hespérides n’étoient pas en Lybie, comme quelques-uns le croyoient, mais sur l’Atlas qui est dans les Hyperboréens : paroles qui montrent qu’Apollodore s’éloigne du sentiment commun, sans en apporter la moindre raison. Il se fonde en second lieu sur ce que Virgile met l’essieu du ciel sur les épaules d’Atlas, comme si l’essieu du ciel, en langage de Poëte, étoit autre chose que le ciel. 3°. Il confirme la conjecture par cette raison, que les montagnes d’Afrique sont couvertes d’orangers, de citronniers, d’amandiers, de figuiers, & de raisins ; au lieu que les Poëtes ne donnent que des pins, des neiges, des glaçons au mont Atlas ; ce qui s’accorde merveilleusement avec une situation septentrionale. Tout ce raisonnement est d’un homme qui vit dans le Septentrion, qui ne connoît guère les pays du midi : les Pyrénées, les Alpes, l’Apennin, sont souvent couverts de neiges en plein été ; & tandis que leur pied est tout couvert d’orangers, de citronniers, de figuiers, &c. on ne voit que des pins sur leur sommet. Le Liban, qui est entre le "3 & le 34e degré de latitude septentrionale, c’est-à-dire, à la même hauteur que l’Atlas d’Afrique ; le Liban, dis-je, est toujours couvert de neiges, & ne porte au sommet que des cèdres & d’autres semblables arbres, tandis qu’il croît à mi-côte de fort bon vin. Enfin, dans le Pérou, qui est tout dans la zone torride, & dont une partie même est sous la ligne, il y a cependant des montagnes sur lesquelles il neige & il grêle, comme dans les pays septentrionaux. Ainsi ce n’est pas merveille que sur l’Atlas & vers le tropique, il y eût des pins, des neiges, & des glaçons. Mais ce qui est plus positif, c’est que tous nos Voyageurs d’Afrique & nos Géographes confirment ce que disent de l’Atlas les anciens Poëtes, que ces montagnes sont couvertes de neiges, & que l’hiver y est très-rude & très-long, comme nous allons le dire.

Aujourd’hui le mont Atlas n’est pas un seul sommet, mais de grandes & longues chaînes de montagnes ; & l’on distingue le grand & le petit Atlas. Le grand Atlas, Atlas major, est une grande chaîne de montagnes, qui s’étend du levant au couchant, entre la Barbarie & le Bildulgérid, depuis le cap de Ger, au royaume de Maroc, jusques aux confins du royaume de Tripoli. Là déclinant vers le midi, elles traversent Bildulgérid, & vont côtoyer le Zaara jusqu’au désert de Barca où elles se terminent. Les hautes croupes de l’Atlas sont si élevées, qu’elles sont toujours environnées des nues ; aussi sont-elles extrêmement froides & désertes. Il n’y a dans ces montagnes que deux saisons de six mois chacune, l’hiver & l’été. Cela n’est pas particulier au mont Atlas ; toutes les grandes montagnes situées dans les climats chauds ont la même température d’air. Les neiges & les glaces y entretiennent long-temps le froid ; mais quand le soleil s’en est approché, & a fondu tout cela, les chaleurs y sont grandes à leur tour, & y durent assez long-temps. Maty. Tout ceci confirme ce que nous avons dit ci-dessus contre l’Atlas de Rudbecks.

Le petit Atlas, Atlas minor, est une branche du grand Atlas, qui s’étend d’Orient en Occident, entre le royaume de Fez, & celui de Maroc : si cependant le petit Atlas est l’errif, il doit s’avancer vers la méditerranée car c’est là qu’on place le mont Errif. Voyez Marmol, Liv. I, ch. 4, 5, 7 ; & Diego de Torrez, Histoire des Cherifs, ch. 79.

Atlas, est aussi, selon Hérodote, un nom de fleuve qui sort du mont Æmus, & se jette dans le Danube.

Atlas. s. m. Terme de Médecine, est un nom que quelques-uns donnent à la première vertèbre du cou, qui supporte la tête, par allusion à cette montagne d’Afrique qui est si haute, qu’on croit qu’elle porte le Ciel, & à la fable qui a voulu faire croire qu’Atlas, Roi de ce pays-là, portoit le Ciel sur ses épaules, pour figurer que c’étoit un grand Astronome. Atlas. L’Atlas n’a point d’apophyse épineuse, parce que les mouvemens de la tête ne se font point sur cette vertèbre, mais sur la seconde ; & étant obligée de se tourner autant de fois que la tête se meut circulairement, si elle eût eu une apophyse épineuse, elle eût incommodé le mouvement des muscles dans l’extension de la tête. Elle est d’une substance plus déliée & plus dure que les autres vertèbres. Elle en différe encore, en ce que les autres vertèbres reçoivent d’une part, & sont reçues de l’autre : au contraire, celle-ci reçoit par ses deux extrémités ; car ces deux éminences de l’occiput entrent dans ses deux cavités supérieures, qui font son articulation avec la tête ; & en même temps deux autres éminences de la seconde vertèbre entrent dans les deux cavités inférieures qui les articulent ensemble. Dionis.

On appelle aussi Atlas, un livre de Géographie Universelle qui contient toutes les cartes du monde, comme si on les voyoit du haut de cette montagne, que les Anciens ont cru être la plus haute de la terre ou plutôt, parce que ce livre porte en quelque sorte tout le monde comme Atlas. C’est pour cela qu’à la tête du grand Atlas on a mis un Atlas qui porte le monde sur ses épaules. Ce grand Atlas est un livre imprimé par Blaew en plusieurs grands volumes in-fol. qui contient non-seulement toutes les cartes du monde, mais encore des explications de ces cartes, & une Géographie entière. ☞ Outre ces Atlas généraux de toutes les parties connues de la terre, il y a des Atlas des parties prises séparément, tel est l’Atlas de mer, l’Atlas de la France, &c.

On appelle aussi Atlas, en latin Atlas, ces figures ou demi-figures d’hommes, qui au lieu d’une colonne ou d’un pilastre, soutiennent quelque membre d’architecture, ou un balcon, ou quelqu’autre morceau & qu’on nomme autrement Telamons, Telamones.

Atlas. L’Atlas des temps est un ouvrage de Chronologie, composé par le P. Louis d’Amiens, Capucin, où se trouve la Période Louisianne.

Atlas. s. m. Terme de Commerce. Satin de foie fabriqué aux Indes, dont voici les principales espèces par leurs noms. Les Atlas cotonis, sont ainsi nommés, parce que le fond est de coton, & le reste de soie. Les cancanias, sont des satins rayés à chaînettes. On appelle quembas, ceux de cancanias qui paroissent plus soyeux. Les calquiers, sont des satins à la Turque ou point d’Hongrie. Les bouilles cotonis & bouilles charmai, sont des étoffes de soie en façon de gros de Tours, couleur d’œil de perdrix. La fabrique de toutes ces sortes d’Atlas est admirable & singulière.

ATLE. s. m. Arbre qui ressemble au tamarin & à la bruyère, & qui croît en divers lieux de l’Europe. C’est une plante aussi haute que les Oliviers, & qui dans le Sahid croît à la hauteur d’un chêne. On fait du charbon du bois de cet arbre, & on s’en sert dans toute l’Egypte & dans l’Arabie. Ses feuilles font épanouir la rate, & le suc est bon pour les maux vénériens.

☞ ATLISCA. Vallée considérable de l’Amérique septentrionale, au Mexique, dans la Province de Tlascala. Elle est très-fertile.

ATM

ATMÉIDAN. s. m. Terme de Relation. Place de Constantinople, qui est l’Hippodrome des Grecs. Hippodromus. L’Hippodrome des Grecs se nomme Atméidan, c’est-à-dire, place des chevaux, parce qu’elle sert encore aujourd’hui à les exercer ; & ordinairement les vendredis, les jeunes Spahis courant à toute bride y lancent la Zagaye. Du Loir, p. 53. Ce lieu est long de 550 pas, & large de 120. Du temps des Empereurs Grecs, on y donnoit les jeux du cirque, & on y célébroit plusieurs fêtes On y voit encore cinq colonnes, parmi lesquelles il y a une magnifique pyramide, ornée de caractères hiéroglyphiques. L’Empereur Théodose avec ses deux fils Honorius & Arcadius, sont représentés sur la base de ce monument. Voyez le Dict. d’Hoffman.

ATMOSPHÈRE. s. f. Terme de Physique. Atmosphère signifie sphère des vapeurs. De ἀτμος, vapeur, fait de ἄω, je soufle, & σφαῖρα globe. ☞ Les particules très déliées dont un corps est environné, forment son atmosphère. Tels sont les corpuscules magnétiques qui entourent une pierre d’aiman ; telles sont encore les particules odoriférantes qui viennent s’insinuer dans l’organe de l’odorat, lors même que nous sommes assez éloignés de certaines herbes ou de certaines fleurs. Il est peu de corps qui ne soient entourés d’une atmosphère plus ou moins étendue, & plus ou moins sensible. Ceux dont l’atmosphère nous intéresse le plus, c’est le soleil & la terre.

☞ On donne le nom d’atmosphère de la terre à ce fluide rare & élastique qui environne la terre par-tout à une hauteur considérable, qui est emporté avec la terre autour du soleil, & qui en partage le mouvement tant annuel que diurne. C’est proprement l’air considéré avec les vapeurs dont il est rempli.

☞ On s’est trompé grossièrement quand on a fixé la hauteur de l’atmosphère terrestre à une vingtaine de lieues. Il est sûr que la matière des aurores boréales se trouve dans l’atmosphère terrestre. Il est sûr encore que la fameuse aurore boréale du 19 Octobre 1726 fut apperçue en même-temps à Warsovie, à Moscow, à Petersbourg, à Rome, à Paris, à Naples, à Madrid, à Lisbonne & à Cadix. Ce phénomène étoit donc élevé de plus de vingt lieues au-dessus de la surface de la terre. Sans cela il n’auroit pas été vu à la même heure en tant de villes différentes aussi éloignées les unes des autres. M. de Mairan place cette aurore boréale environ à 166 lieues au-dessus de la surface de la terre. Cette proposition est fondée sur les opérations de la plus simple trigonométrie, & ces opérations elles-mêmes sont fondées sur le parallaxe de ce phénomène qui parut à Paris élevé de 37 degrés au-dessus de l’horizon, & de 20 seulement à Rome. L’atmosphère terrestre a donc plus de 266 lieues de hauteur. Mais quelle est sa hauteur réelle est un point qu’il est difficile de déterminer.

Si les condensations des parties de l’air différemment élevées, avoient un rapport réglé & connu aux différens poids dont elles sont chargées, ou, ce qui est la même chose, aux différentes hauteurs de l’air supérieur, les expériences du baromètre, faites au bas & au haut des montagnes, donneroient sûrement la hauteur de l’air ou de l’atmosphère. Mais tout ce qu’on peut découvrir du rapport des condensations de l’air au poids, est renfermé dans des observations faites fort près du globe de la terre, & qui ne tirent guère à conséquence pour l’air pris à des hauteurs beaucoup plus grandes ; ce qui fait que cette voie de découvrir la hauteur de l’atmosphère, est rempli d’incertitude.

M. de la Hire en a pris une plus simple & plus sûre. C’est une idée de Képler, & qui est fort naturelle ; mais Kepler lui-même l’avoit abandonnée pour la plus grande partie. M. De la Hire non-seulement l’a reprise, mais l’a rectifiée & poussée à sa dernière perfection.

Il est établi chez tous les Astronomes, que quand le soleil est à dix-huit degrés au-dessous de l’horizon, on commence le matin & l’on cesse le soir de voir la première ou la dernière lueur du crépuscule. Le rayon par lequel on la voit, ne peut être qu’une ligne horizontale, tangente de la terre au point où est l’Observateur. Ce rayon ne peut pas venir directement du soleil, qui est sous l’horizon ; c’est donc un rayon réfléchi à notre œil par la dernière surface intérieure & concave de l’atmosphère, & ce rayon ainsi réfléchi, est encore tangent de la terre, ou horizontal. S’il n’y avoit point d’atmosphère, il n’y auroit point de crépuscule, & par conséquent si l’atmosphère étoit moins élevée qu’elle n’est, le crépuscule commenceroit plus tard, ou finiroit plutôt, c’est-à-dire, lorsque le soleil seroit plus proche de l’horizon que de 18°, & au contraire. On voit donc que la grandeur de l’arc, dont le soleil est abaissé, quand le crépuscule commence ou finit, détermine la hauteur de l’atmosphère.

Cet arc, quoique posé de 18°, doit être pris un peu moindre : la réfraction élève tous les astres de 32’, par consèquent le rayon direct qui du soleil va frapper la dernière surface concave de l’Atmosphère, a touché un arc de la terre qui n’est que de 17d. 28’. De plus, les premiers rayons qui font voir le crépuscule, partent du bord supérieur du soleil, & ce bord est éloigné de 16’du centre que l’on suppose à 18° sous l’horizon. L’arc qui déterminera la hauteur de l’atmosphère, n’est donc que de 17°. 12’.

Les deux rayons, l’un direct, l’autre réfléchi, qui touchent tous deux la terre, concourent nécessairement dans l’atmosphère au point de réflexion, & comprennent entr’eux un arc de 17d. 12’dont ils sont tangens. Ainsi une ligne tirée du centre de la terre, & qui coupera cet arc en deux, ira au point du concours de ces deux rayons, & l’excès de cette ligne sur le demi diamètre de la terre, sera dans l’hypothèse présente la hauteur de l’atmosphère. Et M. de la Hire trouve que cet excès est de 37223 toises, ou de près de 17 lieues, en prenant 2200 toises pour une lieue.

Mais l’hypothèse présente n’est pas vraie, car les deux rayons ne font pas des lignes droites ; ce sont deux courbes formées par la réfraction perpétuelle que cause à un rayon la densité de l’air toujours inégale ; ou plutôt ce n’est qu’une seule courbe qui, à son origine & à sa fin, touche la terre, & dont le sommet également éloigné de ses deux extrémités, détermine l’élévation de l’atmosphère.

Pour la trouver ou à peu près, M. de la Hire mène par le point où est l’observateur, une ligne droite, qui fait en-dessous avec la ligne horizontale, ou avec la tangente de la courbe à son extrémité, un angle de 32’qui est l’angle de la réfraction. Cette droite est donc au-dedans de la courbe, & le point où elle rencontre la ligne tirée du centre de la terre, est moins élevé que le sommet de la courbe. Son excès sur un demi-diamètre de la terre est de 32501 toises. Donc le sommet de la courbe, ou la hauteur de l’atmosphère est entre 37223 & 32501, & en prenant le milieu, on a 35362 toises, ou un peu plus de 16 lieues, hauteur de l’atmosphère. Voyez M. de la Hire lui-même, Mém. de l’Acad. des Sciences 1713, p. 54 & suiv.

☞ Ce n’est pas ici le lieu de combattre ce raisonement de M. de la Hire.

Quelques-uns prétendent que la lune a aussi son Atmosphère. Dans les éclipses totales de soleil, il paroît autour de la lune un cercle ou anneau de lumière de la largeur d’un pouce, & dont la circonférence extérieure n’est point tranchée net, mais frangée & inégale. Cela s’est évidemment observé à Londres en 1715, & à Paris en 1724, dans les éclipses de soleil qui y furent totales. Mais le Chevalier de Louville prétend que cet anneau n’est autre chose que l’atmosphère de la lune éclairée par les rayons du soleil. M. de Lille a soutenu le contraire, fondé sur cette expérience-ci : dans une chambre bien close il a reçu la lumière du soleil par un seul trou ; ensuite il a opposé au cône lumineux du soleil une plaque de plomb, taillée circulairement, & l’a placée en un endroit du cône lumineux, où non-seulement elle couvroit toute l’image du soleil, mais où elle rebordoit considérablement. Enfin il a observé cette éclipse sur un papier blanc, placé derrière le cercle de plomb. & il y a vu l’ombre de ce cercle paroître distinctement sur le papier, entourée d’un anneau lumineux, bien terminé. Mém. de l’Acad. des Sciences, 1715, p.89 & suiv. & p. 147. Pour la mesure de l’atmosphère par la hauteur du mercure, voyez le Mémoire de M. Maraldi, Acad. des Sciences, 1703, p. 229.

☞ Le soleil est aussi environné d’une atmosphère qui nous éclaire, puisqu’elle est la cause physique de la lumière zodiacale. Est-ce par sa propre nature que la matière de l’atmosphère solaire est lumineuse ? Est-ce, parce qu’étant très-inflammable, elle est actuellement enflammée par les rayons du soleil ? Est-ce enfin parce que consistant en des particules beaucoup plus grossières que celle de la lumière, elle les réfléchit vers nous ; Ce sont là autant de points de physique dont l’éclaircissement ne nous paroît pas possible.

☞ L’atmosphère solaire est d’une étendue immense. Voyez aurore boréale.

ATO.

☞ ATOK, ou ATOC, & ATACH. Ville d’Asie, dans l’Empire du Mogol, au confluent de l’Inde & du Nilab.

ATOLLE. s. f. Potion dont se servent les Espagnols des îles. L’atolle se fait avec du maïs qui n’est pas en maturité, & qui n’est encore que du lait ; ils le broient avec de l’eau, & en font une espèce de lait d’amandes. Ils assaisonnent cela avec du sucre, de l’ambre, & autres aromates, dont ils font une potion excellente, qui nourrit extrêmement, qui fortifie la poitrine, & qu’ils mêlent encore avec le chocolat. Voyez le P. Labat. Ils appellent cela l’atolle. Ils en donnent aux malades & aux personnes qui se portent bien, de quelque complexion qu’elles soient. Cette potion provoque l’urine en nettoyant les conduits.

ATOME. s. m. Petit corpuscule de toutes sortes de figures, qui entre dans la composition de tous les autres corps. Atomus. Les atomes ne tombent pas sous les sens, à cause de leur extrême petitesse, qui les dérobe à la vue. Moschus Phénicien, Leucippe, & Démocrite, ont été les premiers Philosophes qui ont établi la doctrine des atomes. Plusieurs Philosophes ont eu la même opinion sous d’autres noms. Empédocle admettoit quatre élémens, composés de fragmens fort déliés : Héraclide supposoit une poussière très-subtile, & indivisible ; & Platon divisoit les quatre élémens en parcelles invisibles, & compréhensibles seulement par l’entendement. Cette opinion si ancienne a été depuis renouvelée par Epicure, & par Lucrèce, & fort bien expliquée par Gassendi, & par Bernier son Traducteur & son Abréviateur. Les atomes sont la matière première & préexistante, & incorruptible, de laquelle toutes choses sont engendrées, & dans laquelle toutes choses se résolvent en dernier lieu. Les atomes ne sont pas censés indivisibles, parce qu’étant dénués de toute grandeur, ils n’ont point de parties mais ils sont indivisibles, parce qu’ils sont si solides, si durs & si impénétrables, qu’ils ne donnent point lieu à la division ; & qu’il n’y a aucun vide qui donne entrée à une force étrangère pour les séparer, & pour en désunir les parties. Comme les atomes sont la matière première, il faut bien qu’ils soient indissolubles, afin qu’elle soit incorruptible. ☞ Epicure suppose un nombre infini de ces atomes, c’est-à-dire, des corpuscules durs, crochus, carrés, oblongs, de toute figure, tous graves, tous en mouvement dans l’espace immense du vide. Mais comme avec le seul mouvement provenant de leur gravité, les atomes n’auroient jamais pu se rapprocher les uns des autres, ni former aucuns composés, Epicure leur en suppose un autre éternel & essentiel comme le premier, qui est un mouvement de côté, de déclinaison, qui les éloigne de la perpendiculaire. Par ce moyen les atomes venant à s’accrocher par leurs angles, ont formé un ciel, un soleil, une mer, une terre, des plantes, des hommes, en un mot les différens assemblages que nous voyons. Ce tout formé par hasard, doit de même se décomposer & se dissoudre par hasard.

☞ Ce système, dit M. Pluche, digne des petites maisons, est plus propre à nous faire éclater de rire, qu’à nous scandaliser. Il est difficile de soutenir que les atomes sont leur propre cause à eux-mêmes, & qu’ils sont éternels. S. Evr. La matière aveugle, & qui s’est formée de l’amas confus des atomes, n’a pu produire un chef-d’œuvre aussi admirable que l’Univers. Id. Les Anciens ont dit que la nature avoit assemblé tous les atomes de la sagesse pour composer Epicure. Mal.

Ce mot vient du grec ἄτομος, qui signifie indivisible, d’α privatif, & τέμνω, seco.

Il y a cette différence entre les Epicuriens & les Gassendistes, que les Epicuriens disoient que les atomes étoient éternels, incréés, & qu’ils avoient en eux un principe de mouvement ; au lieu que les Gassendistes conviennent qu’ils sont créés.

Le sentiment des Epicuriens sur les atomes répugne. 1°. La foi nous apprend que le monde est créé. 2°. Que les atomes qui ne sont que matière, aient en eux mêmes un principe de mouvement, ce qui choque le bon sens. Que l’on raisonne tant que l’on voudra sur la matière ou sur les atomes, jamais on n’y découvrira autre chose qu’étendue, figure, & capacité à être mis en mouvement ; mais jamais on n’y concevra un principe de mouvement actif. Tout corps qui se meut, a reçu son mouvement d’une cause étrangère. Mettez-le en repos, de foi il y demeurera éternellement, & par conséquent il est impossible que d’eux-mêmes les atomes aient formé le monde par leur concours, & en s’entrechoquant les uns les autres.

Atome, se dit figurément pour une chose méprisable, de nul prix, de néant, Res nihili, aspernabilis, e. Qui suis-je, mon Seigneur & mon Dieu, qui suis-je, qu’un orgueilleux atome, & qu’un aveugle qui s’égare, dès que votre lumière cesse de m’éclairer ? Mad. de la Vallière. Réflex. sur la Miséric. de Dieu.

Atome, se prend aussi pour toutes sortes de petits corps qui sont sensibles à la vue ; pour cette petite poussière que l’on voit voltiger en l’air aux rayons du soleil. On donne encore ce nom à une poudre très-subtile, qu’on enferme dans une bouteille, & qui conserve son mouvement pendant dix ans. Elle se fait avec un amalgame de Mercure & de Jupiter, & du sublimé, après qu’ils ont été plusieurs fois dissous, & qu’ils ont passé par le feu de chasse.

Atome, est aussi un nom qu’on a donné au plus petit de tous les animaux, qu’on a découvert avec les plus excellens microscopes. C’est un animal qui ne paroît pas plus gros qu’un grain de sable le plus délié au microscope tel qu’on le voit sans microscope, pendant qu’un de ces grains de sable paroît avec le microscope, gros comme une noix ordinaire. On lui a découvert plusieurs pieds, le dos blanc & plein d’écailles. On ne sauroit trop admirer l’art de l’ouvrier, lequel a construit cette multitude d’insectes, qui sont comme autant d’atomes organisés & animés. Malb.

☞ ATOMISME. s. m. Physique corpusculaire, doctrine des atomes réduite en système. L’ancien atomisme étoit un pur athéisme ; mais on auroit tort de faire rejaillir cette accusation sur la philosophie corpusculaire en général.

ATOMISTE. s. m. & f. Philosophe qui soutient la doctrine des atomes, que les parties de la matière sont des atomes, & que le monde en a été formé. Atomista. Leucippe, Démocrite, Epicure, &c. connus sous le nom de Matérialistes, d’Atomistes, ou de Corpusculaires y ramenoient tout à l’action mécanique. Mém. de Tr.

ATONIE. s. f. Terme de Médecine grec francisé, qui signifie dérangement, débilité, affoiblissement. Le plomb dans sa préparation de sucre de Saturne, cause des atonies dans les nerfs, d’où viennent des atteintes d’impuissance & de paralysie qu’il attire souvent à ceux qui en usent… Il est des hémorragies ou des pertes de sang, qui viennent par l’atonie, c’est-à-dire, par la violence faite & restée au mouvement tonique des vaisseaux, lesquels demeurent béans, pour ainsi dire, dans leurs diamètres entr’ouverts. Brigandage de la Médecine.

À TORT ET A TRAVERS. adv. Inconsidérément, aveuglement, à l’étourdie. Temerè, inconsultè, inconsideratè. Parler à tort & à travers.

☞ ATOUR. s. m. Parure. Il se dit principalement de la parure des femmes, & il n’est guère en usage qu’au pluriel. Ornatus, mundus mulieris. Elle avoit ses plus beaux atours. Ac. Fr. Chez la Reine & chez les Princesses du Sang Royal, il y a une dame d’atour dont la charge est de coiffer, d’habiller la Reine, les Princesses.

Atour, en termes de Coutumes & de Droit, signifie Statut, ou Ordonnance faite par le Maire d’une ville, qu’on appelle en quelques lieux Atourné. Decretum, Edictum Prætoris urbani.

ATOURNARESSE. s. f. Vieux mot. Qualité qu’en donnoit aux femmes qui faisoient métier de coiffer, de parer & de louer des pierreries aux épousées, aux dames qui se voulaient parer pour le bal, pour une cérémonie. Cosmeta, ornatrix.

ATOURNÉ. s. m. C’est ainsi qu’en appeloit anciennement un Procureur, ou celui qui fait les affaires d’un autre en vertu de la procuration qu’il en a. Procurator. Autretois on écrivoit Atorné. M. du Cange nous apprend ce que c’étoit que l’Atorné, par ces paroles d’un vieux Coutumier manuscrit de Normandie. Li Atorné, est cil qui pardevant justice est atorné pour aucun en eschaquier, ou en aisise, où il aet recort, pour poursuivre & pour défendre sa droiture. Et si doit estre reçeu en autre tel estat de la querelle, comme cellui en est ali atorné. Et quant il l’a atorné, li atornez ne doit estre de rien oïs, fors de la querelle de quoi il est atorné.

On appelle aussi en quelques Coutumes Atournés, ceux qu’on appelle ailleurs Maires. Prætor urbanus.

ATOURNER. v. a. Vieux mot. Qui signitioit autretois, orner & parer une dame. Ornare, adornare, comere. Il est hors d’usage dans le sérieux.

Atourner, disent les Vocabulistes, est encore un de ces mots que le Dict. de Trévoux vieillit de sa propre autorité. Ne pourroit-on pas leur dire que c’est eux qui cherchent à le rajeunir ? Ils venoient de dire eux-mêmes que c’est un terme de plaisanterie & du style familier. Au reste nous le leur abandonnons volontiers, pour en faire l’usage qu’ils jugeront à propos. Pour nous nous ne l’emploirons que comme terme suranné, & bon tout au plus dans le style badin.

ATOURNÉ, ÉE. part. Ornatus, comptus. Vous voilà bien atournée.

☞ ATOURNEUSE. s. f. Coiffeuse. Ornatrix. Ch. Est. Dict. Il n’est plus en usage.

☞ ATOURNEUR. s. m. Baigneur. Ornator. Ch. Est. Dict. Il n’est plus en usage.

ATOUT. Façon de parler adverbiale, qui se dit à certains jeux de cartes de la couleur dont est la triomphe. Jouer atout. Ce mot devient s. m. quand on en fait un seul mot. Un atout. Carte qui emporte toutes les autres, ou plutôt, qui se peut jouer contre quelqu’autre carte que ce soit. Ce sont celles qui sont de même espèce que celles de quoi il tourne : par exemple, s’il tourne de pique, tous les piques sont des atous. Les règles du jeu veulent que quand celui qui joue le premier a joué une carte d’une espèce, par exemple un cœur, on joue contre cette carte une autre carte de même espèce, si l’on en a, c’est-à dire, un autre cœur, à moins qu’on ne lui oppose un atout, c’est à-dire, une qui sert de la même espèce que celle dont il tourne ; car celles-là sont privilégiées : on peut les jouer contre toutes les autres espèces, elles les emportent, & ne cèdent qu’à celles qui sont de leur même espèce, & plus considérables ; par exemple, le plus bas pique, s’il en tourne, l’emportera sur les rois même de toutes les autres sortes, de cœur, de trèfle, de carreau. C’est donc pour cela, parce qu’elles vont à tout, qu’on les joue à tout ; c’est à-dire, non-seulement contre celles de leur espèce, mais encore contre toutes les autres, c’est pour cela, dis je, qu’on les nomme atout. Ce mot ne devroit pas avoir de pluriel, cependant, à en juger par la prononciation qui alonge la dernière syllabe, quand on parle de plusieurs de ces sortes de cartes, il semble que l’usage lui en donne un, & que l’on dise ; j’ai perdu tous mes atous : tous mes atous s’en sont allés.

A-Tout. Vieille préposition. Avec. Cum. L’Empereur de Perse se combattra à toi à tout trois cens mille Chevaliers & hommes d’armes & plus. Joinville.

ATR

ATRABILAIRE. adj. m. & f. Mélancolique, qui est d’un tempérament où la bile noire domine, celui qu’une bile noire & aduste rend triste & chagrin. Atrà bile affectus. Il est aussi substantif. C’est un atrabilaire.

ATRABILE. s. f. Terme de l’ancienne Médecine. Il signifie Bile noire. Atrabilis. L’atrabile domine dans le lion.

☞ M. de la Chambre a employé ce mot dans l’art de connoitre les hommes. Atrabilaire est de ma connoissance, dit le P. Bouhours ; mais atrabile n’en est point : & j’ai été surpris de rencontrer l’atrabile, au lieu de la bile noire. Au reste M. de la Chambre parloit son jargon, & ce mot, qui seroit très-mauvais dans la conversation ordinaire, peut trouver place dans un traite de Médecine, où il s’agit du tempérament des hommes.

ATRACTYLIS. s. m. N’est point le chardon bénit. Cette plante jette une tige ferme & blanche dont on fait des fuseaux dits ἄτρακτος dont les Anciens se servoient.

☞ Ses feuilles sont nerveuses, épineuses & piquantes. Ses fleurs de couleur jaune naissent au sommet des branches, sur des têtes armées de pointes très-piquantes. Il leur succède des semences aigrettées, d’un goût amer.

À TRAVERS. Préposition. Voyez travers.

ÂTRE. s. m. Le sol, ou le bas d’une cheminée, entre les jambages, qui est garni de carreau, de brique, de pavé ou de fer ; le lieu où l’on fait le feu. Focus. La réparation des âtres, est une des menues réparations dont sont tenus les locataires. Oter les ordures de l’âtre, nettoyer l’âtre. On dit aussi l’âtre d’un four. ☞ En verrerie c’est une pierre de grès qui couvre la surface du fond du four pour recevoir & conserver les matières vitrifiées qui tombent des pots, lorsqu’ils cassent ou qu’on les a trop remplis.

Ce mot vient, selon quelques-uns, de atrium, qui signifie cour. Ménage dit qu’il vient de atrum, parce qu’il est noir par la fumée. Mais du Cange soutient qu’il vient du mot astrum, qui signifioit autrefois une maison toute entière, & que c’est un mot Saxon qui signifioit un foyer, ou une fournaise. Il ajoute que ce nom a été étendu à tout le logis, comme nous avons appelé un feu toute la famille. Il dit aussi, que tous les foyers s’appeloient autrefois âtre & aitre, dont on voyoit encore une marque en cette phrase, savoir les aîtres du logis ; pour dire, en reconnoître les chambres & les foyers.

On dit proverbialement, qu’en telle maison il n’y a rien si froid que l’âtre ; pour dire, qu’on y fait mauvaise chère, qu’il n’y a point d’ordinaire.

ATRÉBATES. s. m. plur. Nom qu’on donnoit anciennement aux peuples & habitans de l’Artois, & qu’on leur donne encore lorsqu’on parle de l’ancien temps. Ces mêmes peuples s’appellent aujourd’hui Artésiens ; mais quand il est question des siècles reculés, on les nomme encore Atrébates : c’est pourquoi M. de Cordemoy dit que les Atrébates envoyèrent 15000 hommes contre César.

ATRI. Ville du royaume de Naples. Atria, Adria, Hadria. Elle est dans l’Abruzze ultérieure, sur une montagne fort haute & très-rude, à une grande lieue du golfe de Venise, ☞ auquel Aurélius Victor croit qu’elle a donné le nom de mer Adriatique. Il se trompe ; & l’on sait que cette dénomination vient d’une autre ville nommée Adria. Atri fut la patrie de l’Empereur Adrien ; c’est pour cela qu’on l’appela Adria, ou Hadria, parce que le nom de cet Empereur s’écrivoit avec un h ; & c’est ainsi qu’on le voit encore sur les médailles.

ATRICES. s. f. pl. Petits tubercules autour de l’anus, qui disparoissent & reviennent ensuite, sur-tout au commencement. Valesius de Tarente les met au nombre des condylomes & des ficus. Castelli cité par James.

ATRIDES. s. m. pl. C’est le nom qu’on donne à Agamemnon & à Ménélas, comme fils d’Atrée ; quoique plusieurs croient, avec quelque raison, qu’ils n’étoient pas fils de ce Prince, mais de Plistène son frère.

☞ ATRIENSIS. Servus, ou ad limina custos. Chez les Romains, esclave qui gardoit l’atrium de la maison de son maître, où l’on voyoit les images de cire des ancêtres d’une famille & les meubles.

☞ On donnoit aussi ce nom au concierge ou garde-meubles, comme nous l’apprenons de Columelle. Tum insistere Atriensibus, ut supellectilem exponant, & ferramenta detersa nitidentur, atque rubigine liberentur. Cet esclave étoit des plus considérables.

ATRIER. s. m. Vieux terme de Coutume. C’est en Normandie le lieu où le Seigneur tient la Justice. Forum, tribunal. Voyez Terrien, Liv. V, ch. 4, p. 175. Edit de 1054.

ATRIPLEX. Plante. Lémeri dit que les feuilles de la vulvaria sont semblables en figure & en couleur à celles de l’atriplex. Voyez Arroche.

ATRIUM. Mot latin qui désigne une partie des maisons des Anciens, le vestibule, la salle d’entrée, l’endroit enfin où l’on gardoit les images de cire des ancêtres.

ATROBAMENT. s. m. Vieux mot. Invention.

ATROCE. adj. m. & f. Excessif, énorme. Atrox. ☞ On ne le dit guère que pour qualifier les crimes, les injures, les supplices. On ne permet pas d’informer pour des injures, si elles ne sont atroces. Le parricide est un crime atroce. ☞ On dit aussi une ame atroce, pour dire, une ame noire.

ATROCITÉ. s. f. Qualité de ce qui est atroce. Énormité. Atrocitas. On condamne à faire réparation d’honneur, selon le degré d’atrocité des injures.

☞ On se sert aussi du mot atrocité, pour désigner une ame noire, & capable de grands crimes. Vous jugerez de l’atrocité de son âme.

ATRONCHEMENT. s. m. Terme de Coutume. Atronchement de bois, c’est un droit qu’un Seigneur a de faire saisir par son Juge, & scier par le pied un arbre qui a été coupé, afin qu’en rejoignant ces deux parties, on reconnoisse ceux qui ont fait le vol. Ragueau.

ATROP. Terme de la science hermétique. Il signifie le plomb des Philosophes. Si ce mot vient de la langue Arabe, comme le dit l’auteur du Dictionnaire Hermétique, il faut que ce soit de אסרב, asrob, qui signifie du plomb. Il n’est point rare qu’un s se change en t ; & encore moins qu’un b se change en p.

ATROPHIE. s. f. Terme de Médecine. ☞ Synonyme de consomption. Dépérissement de tout le corps, ou de quelqu’une de ses parties. Dans le premier cas cette maladie conserve le nom d’Atrophie, Atrophia. C’est ce que le peuple appelle être en chartre. Dans le second cas, elle prend ordinairement le nom d’aridure. Voyez ce mot. Le lait de femme tiré à la mamelle, est bon pour ceux qui ont l’atrophie ; le lait de cavale leur est aussi très-bon, mais il faut toujours y mettre un peu de sucre. Degori. Voyez Consomption.

Ce mot vient d’ privatif, & τρέφω, je nourris.

ATROPOS. s. f. Atropos. C’est le nom de l’une des trois Parques. Ce mot est grec, & signifie, qui ne change point, ou bien, qui ne se tourne vers personne pour écouter les prières. Il est composé de l’ privatif, & de τρέπω, je tourne. Hésiode, dans le Bouclier d’Hercule, v. 250, dit que cette Parque n’étoit pas grande Déesse, qu’elle étoit cependant la plus puissante & la plus âgée des deux autres Parques. C’est celle des Parques qu’on suppose tenir en main le ciseau pour couper la trame de notre vie, de nos jours. Clothos & Lachesis sont ses compagnes. Voyez Parques.

☞ ATSIN. Voyez Axim.

ATT.

ATTABALE. s. m. Voyez Atabale.

☞ ATTABLER, s’ATTABLER. v. récip. s’asseoir autour d’une table pour y demeurer longtemps, soit à jouer, soit à boire, soit à manger, soit à faire autre chose. Assidere mensæ. Ils se sont attablés pour dîner, pour jouer. Il n’est que du discours familier.

Ce mot vient de tabula.

ATTACHANT, ANTE. part. act. m. & f. Il ne se dit guère que dans le sens figuré. Deliniens, capiens. Les grandeurs du monde les plus attachantes sont des fantômes qui frappent, qui trompent, & qui n’ont point de réalité. Ab. de la Tr. On feroit encore mieux de se servir d’un autre mot.

ATTACHE. s. f. ☞ C’est en général la chose qui sert à empêcher qu’une autre ne s’en éloigne ; ce qui sert à arrêter une chose dans l’endroit où on la retient. Voyez Attacher, Lier. Le lien qui joint deux choses ensemble. Vinculum, ligamen. Elles s’emboîtent l’une dans l’autre sans serremens, ni attache. Ablanc.

On appelle des chiens à attache, des chiens qu’on tient attachés pendant le jour, de peur qu’ils ne mordent. On dit aussi des lévriers d’attache. ☞ On dit proverbialement & figurément d’un homme qui est dans un emploi qui demande beaucoup de sujétion, qu’il est la comme un chien à l’attache, comme un chien d’attache.

Dans les hôtelleries ont fait payer le droit d’attache, quand on met les chevaux au ratelier, encore qu’on ne leur fournisse rien à manger.

☞ Lettres d’attache. C’est ainsi qu’on appelle des lettres que le Roi fait expédier en grande Chancellerie pour faire mettre à exécution soit une bulle du Pape, soit une ordonnance d’un chef d’ordre hors du royaume.

☞ On donne aussi ce nom aux lettres de paréatis. Voyez ce mot.

☞ On appelle encore lettres d’attache, des commissions expédiées soit en la Chambre des Comptes, soit ailleurs, pour l’exécution de quelque arrêt, de quelque Ordonnance.

☞ On le dit encore en ce sens de l’ordonnance d’un Gouverneur de Province, pour faire exécuter les ordres du Roi qui lui font adressés.

☞ Enfin on le dit des lettres que les Colonels Généraux d’Infanterie, de Cavalerie & de Dragons, donnent pour être jointes aux brevets & commissions accordes par le Roi aux Officiers qui doivent servir fous leurs ordres. Chaque Officier est obligé d’apporter sa patente, aussi-tôt qu’elle est expédiée, à son Colonel Général, afin qu’elle en soit visée, & qu’il y mette l’attache.

On dit figurément & par civilité, prendre attache de quelqu’un ; pour dire, prendre ses ordres, recevoir ses ordres : Je ne veux rien faire sans votre attache, sans prendre votre attache. Acad. Fr.

Attache de diamans, en termes de Bijoutier est un assemblage de diamans mis en œuvre, composé de deux pièces faites en agraffe ou autrement & s’accrochant l’une à l’autre.

Attache, en Bonneterie se dit des grands bas qui vont jusqu’au haut des cuisses, & qu’on nomme aussi bas à bottes.

Attache, en termes de Charpenterie, est une pièce de bois qui porte à-plomb sur les soles, qui soutient le moulin qui traverse véritablement toute sa charpente, qui sert d’axe à cette machine & sur laquelle elle tourne quand on veut lui faire prendre le vent.

Attache-bossette, en termes d’Eperonnier, c’est un morceau de fer de forme conique à ses deux extrémités, qui sont creusées pour conserver la tête du clou. L’attache-bossette forme à son milieu une espèce de collet qui entre dans un étau.

Attache. Terme de Fondeurs. Les Fondeurs appellent ainsi des bouts de tuyaux menus, soudés par un bout contre les cires de l’ouvrage & par l’autre contre les égoûts, & disposés de manière qu’ils puissent conduire la cire dans les égoûts qui aboutissent à une issue générale à chaque partie de la figure qui peut le permettre.

Attache, en termes de Vannerie, est une espèce de lien qu’on fait de plusieurs brins d’osier pour tenir plus solidement le bord & le reste de l’ouvrage ensemble.

Attache, en termes de Vitriers, ce sont de petits morceaux de plomb de deux ou trois pouces de long, d’une demi-ligne d’épaisseur sur une ligne & demie de largeur